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Complotiste, moi ? Par Michel Collon

Monday 3 April 2017 at 01:38

Michel Collon ayant été classé rouge par le Décodex, il a ressorti son billet de l’année dernière contre le complotisme, que je soumets au débat…

Source : Investig’Action, Michel Collon, 22-02-2016

Dès qu’on critique les dirigeants des Etats-Unis, de l’UE ou d’Israël, certains agitent un épouvantail : « Vous êtes complotiste ! ». Sous-entendu : vous voyez le mal partout, mais ces dirigeants sont des démocrates, certes ils peuvent commettre des erreurs, mais ils agissent avec de bonnes intentions

Voilà, en gros, nous serions forcés de choisir entre :

Ni l’une, ni l’autre, merci ! Nous revendiquons une troisième façon d’expliquer le fonctionnement de la société, et elle n’a rien à voir avec ces deux fantasmes. Pour clarifier tout ça nous devrons répondre à quatre questions :

  1. Les complots, ça existe ou pas ?
  2. Le complotisme permet-il de comprendre le monde ?
  3. Pourquoi certains parlent-ils tant de « théorie du complot » ?
  4. Les médias font-ils le jeu du complotisme ?
  1. Les complots, ça existe ou pas ?

Partons de la définition. Une synthèse des dictionnaires peut se résumer ainsi: « projet secret élaboré par plusieurs personnes contre une autre ou contre une institution ». Sur base de ces divers éléments, vérifions ensemble :

Nous ne discuterons pas ici la question de savoir si chaque guerre est vendue avec de tels médiamensonges (cachant à l’opinion les véritables objectifs). Nous voulons juste souligner que les complots font bel et bien partie de la politique internationale, particulièrement en ce qui concerne les guerres et les coups d’Etat.

Les complots sont-ils toujours de droite ? Non. Si on se base sur la définition du dictionnaire, quand Castro et Che Guevara organisent à partir de 1955 – en secret évidemment – une insurrection pour renverser la dictature militaire pro-US qui opprime Cuba, est-ce un complot ? Oui. Progressiste cette fois : en faveur du peuple. Au contraire des complots tramés par des élites pour leurs intérêts égoïstes. Bref, il existe des complots de droite et des complots de gauche.

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  1. Le complotisme permet-il de comprendre le monde ?

Ma réponse a toujours été très claire : Non ! Je l’ai écrit noir sur blanc dans mon livre Israël, parlons-en ! « Le conflit Israël – Palestine n’est pas une guerre de religion. Ce n’est pas non plus un complot juif. (…) La réalité est bien plus simple. La réalité derrière Israël, c’est tout simplement notre système économique et social. Le capitalisme, de par ses lois économiques « naturelles », provoque inévitablement une grande accumulation de richesses à un pôle, et de pauvreté à un autre pôle. Depuis sa formation jusqu’à aujourd’hui, le capitalisme a créé des fortunes de plus en plus grandes et de plus en plus puissantes. Ces gens entendent contrôler les matières premières et le pétrole est la plus stratégique. Pour le contrôler, ils soutiennent les dictatures pétrolières arabes et Israël. Ce n’est pas un mystérieux « complot », c’est juste une question de logique économique. »[6]

Je l’ai répété dans mon livre sur Charlie : « La seule façon de dépasser le faux problème du complot consiste à débattre objectivement sur les faits : en confrontant les deux versions, en ne croyant personne sur parole et en vérifiant tout sur base des meilleures sources selon les possibilités : témoins directs, témoins indirects fiables, documents, rapports et communiqués. Tout cela des deux côtés bien sûr. »[7]

Mais qui a développé ce concept de « complotisme » ? C’est l’historien US Richard Hofstadter. Dans son ouvrage The Paranoid Style in American Politics  (1964), il étudia l’idéologie de l’extrême droite US et notamment la chasse aux sorcières du maccarthysme (1950 – 1956)[8]. Cette campagne de répression anticommuniste d’extrême droite avait été orchestrée par le sénateur Joseph McCarthy. Il prétendait que les Etats-Unis étaient gravement menacés par un complot : « Des hommes haut placés dans ce gouvernement travaillent de concert pour nous livrer à la catastrophe ? Ceci doit être le produit d’une grande conspiration, une conspiration si ignominieuse que, lorsqu’elle sera mise à jour, ses principaux protagonistes seront à jamais voués aux gémonies par les honnêtes gens. »[9] Au fond, McCarthy reprenait le thème obsessionnel d’Hitler : une grande conspiration mondiale judéo-maçonnico-bolchévique menaçant l’Allemagne.

Le travail d’Hofstadter mérite notre attention. Car il fournit une grille très précise pour analyser les composantes de l’esprit complotiste qu’il appelle « paranoïaque ».  Selon Hofstadter, le porte-parole paranoïaque nous entraîne dans un univers où politique et théologie « expliquent » des événements qui en réalité ont été prophétisés et se préparent depuis plusieurs générations. La « grande conspiration » est tramée par des forces maléfiques aux pouvoirs gigantesques et quasi surnaturels ; cette machination envahit tous les pouvoirs : politiques, éducatifs, médiatiques, religieux, et donc aussi l’Etat. C’est même pour cela qu’on n’en parle pas : le silence a été bien organisé, ce qui confirme l’emprise des comploteurs. Dans cet univers, le genre humain verra très bientôt le « bien » triompher du « mal ». Il s’agit donc de se ranger du bon côté.

Dans les périodes de crise et de désarroi idéologique, on assiste toujours à une recrudescence de la croyance aux complots. Et actuellement nous sommes bien dans une telle période pour diverses raisons :

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Le complotisme ne permet pas de comprendre l’économie

En matière économique, le complotisme est particulièrement à côté de la plaque. Certes, les complots existent. Quand les principales banques du monde s’entendent pour manipuler les taux de change de devises et accumuler ainsi des bénéfices extra, et qu’elles sont condamnées à 1,7 milliards d’amendes par l’UE [10], de quoi s’agit-il, sinon d’un complot ? De même, quand des multinationales s’arrangent entre elles, secrètement, pour fixer des prix trop bas aux matières premières qu’elles achètent ou des prix trop élevés aux produits qu’elles vendent, n’est-ce pas un complot ? Et quand une juge de New York, Denise Cote, condamne Apple pour avoir orchestré une entente avec de grands éditeurs aux Etats-Unis pour augmenter les prix des livres électroniques (« Les plaignants ont démontré qu’Apple avait conspiré pour relever les prix »), elle applique une définition juridique correcte.

Mais généraliser et prétendre que l’économie est complètement manipulée par un grand complot, que par exemple la crise économique a été délibérément provoquée par les banques pour augmenter leurs profits ou pour détruire les classes moyennes, là on entre dans le fantasme, car cela ne correspond pas aux faits observés.

En réalité, dès sa naissance quasiment, le système capitaliste n’a cessé d’être accompagné de crises à intervalles plus ou moins réguliers. Pourquoi ? Parce que ce système est basé sur trois lois économiques fondamentales :

  1. La propriété privée des grandes usines et autres entreprises (les forces de production).
  2. La concurrence entre ces patrons.
  3. Le profit maximum comme moyen fondamental de vaincre ses concurrents.

Ensemble ces trois lois produisent un engrenage qui s’impose de manière automatique : chaque grand capitaliste doit absolument exploiter au maximum ceux qui travaillent pour lui. C’est-à-dire les faire produire le plus possible, les payer le moins possible, et même parfois licencier le plus possible en intensifiant le travail de ceux qui restent. Et ce n’est pas une question de sentiments : les capitalistes agissent ainsi non parce qu’ils sont « méchants » mais parce que s’ils ne le font pas, ils seront éliminés ou avalés par les concurrents. Chacun pour soi et tous contre tous.

Problème : quand un capitaliste réalise de telles économies, ses rivaux font évidemment pareil. Résultat : tous appauvrissent ceux qui travaillent pour eux. Dès lors à qui vont-ils vendre puisqu’ils ont détruit le pouvoir d’achat de leurs acheteurs ?

On pourrait se dire : mais les capitalistes s’étant enrichis, ils vont dépenser davantage et quand même faire tourner l’économie ? Non. En augmentant la part des profits au détriment des salaires, ils se donnent les moyens d’augmenter leur capital et leurs forces de production. Mais le pouvoir de consommation ne peut pas suivre puisqu’il a été réduit. Et ce déséquilibre fondamental revient sans cesse dans le système capitaliste. Il n’y a pas de planification veillant à l’équilibre entre les investissements et les salaires.

En conséquence, à un moment donné, il y a trop de produits sur le marché par rapport aux revenus qui peuvent être employés à les acheter. C’est la « surproduction », le blocage. Les uns sont capables de produire de plus en plus, mais les autres ne peuvent acheter tout ça. Ne pouvant plus vendre assez, les capitalistes arrêtent partiellement la production et donc leur accumulation de richesses.

Conclusion. Cela ne provient pas du complot de quelques-uns. C’est un effet automatique des trois lois du capitalisme et, contrairement à certains récits complotistes, les capitalistes n’en sont pas heureux car cela met en danger leurs profits, et parfois même l’existence de certains d’entre eux.

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Sont-ils tout puissants ?

Une variante du complotisme prétend que l’économie serait dirigée de façon occulte par un petit groupe de gens mystérieux qui tirent les ficelles clandestinement. La réalité est bien plus simple : environ deux cent grandes multinationales dominent tous les secteurs clés de l’économie. Et ça n’a rien de clandestin, elles ont toutes un siège social et une adresse, des dirigeants et des actionnaires connus. Avec des revenus et des propriétés identifiés, des trains de vie luxueux. Tout cela généralement discret, oui, mais secret, non. Les « maîtres du monde » sont donc bien connus. Et c’est important, car on peut donc décider qui il faut combattre si on veut défendre l’intérêt collectif contre les intérêts égoïstes.

Alors, qu’est-ce qui freine ou empêche ce combat ? Plusieurs causes que nous verrons. Mais d’abord le fait que les médias présentent l’économie de façon déformée en ne donnant la parole qu’aux experts procapitalistes. On en vient à présenter les lois économiques du capitalisme comme « naturelles et inévitables » en martelant qu’il n’y a pas d’alternative. On tue l’espoir.

Mais revenons au complotisme. En réalité, cette vision d’une économie qui serait dirigée par des comploteurs tout puissants est fausse et dangereuse. Fausse parce qu’en réalité personne ne peut contrôler l’ensemble de l’économie. Certes, d’un côté, les capitalistes s’entendent entre eux pour défendre leurs intérêts face aux travailleurs et aux populations. Et aussi pour défendre leurs intérêts contre ceux des autres pays. En ce sens, ce sont clairement eux qui dominent une économie qui n’est pas du tout démocratique. Mais, de l’autre côté, ils se font aussi concurrence entre eux et cela affaiblit l’ensemble de leur système. Comme Albert Einstein l’avait très bien analysé en 1949 : « L’anarchie économique de la société capitaliste, telle qu’elle existe aujourd’hui, est, à mon avis, la source réelle du mal. Nous voyons devant nous une immense société de producteurs dont les membres cherchent sans cesse à se priver mutuellement du fruit de leur travail collectif — non pas par la force, mais, en somme, conformément aux règles légalement établies. L’aiguillon du profit en conjonction avec la compétition entre les capitalistes est responsable de l’instabilité dans l’accumulation et l’utilisation du capital qui amène des dépressions économiques de plus en plus graves. La compétition illimitée conduit à un gaspillage considérable de travail et à la mutilation de la conscience sociale des individus. » [11] Bon diagnostic avec les trois éléments : propriété, profit maximum, compétition.

De ce diagnostic (où Einstein rejoint Marx en fait) nous pouvons tirer deux conclusions. 1. Sur le rapport entre les banquiers et les industriels. 2. Sur les rapports au sein même de la classe capitaliste en général.

  1. Ne pas exagérer l’importance de la banque. Certes, historiquement, les banquiers ont joué un rôle important dans la première accumulation du capital qui a permis la révolution industrielle et la formation des grands monopoles. Et ils restent un rouage important du système économique actuel. Mais l’idée qu’eux et la spéculation seraient seuls responsables de la crise et des maux du capitalisme n’est pas scientifique, elle ne reflète pas les lois réelles de son fonctionnement.

En réalité, les multinationales industrielles sont la base du capitalisme, leur exploitation est la cause fondamentale de la crise, et ce sont elles, en dernière instance, qui provoquent les guerres. Einstein montre bien qu’en supposant que les banques n’existeraient pas, eh bien, même dans ce cas, les industriels provoqueraient des crises, conséquences des règles que nous avons décrites. Dès lors, centrer toute l’attention, par exemple, sur Goldman Sachs et ses complots (réels ou imaginaires), c’est nier le problème d’ensemble de ce système capitaliste. C’est faire croire qu’en le guérissant de sa « maladie banquière ou spéculative » il serait capable de mettre fin à l’exploitation et d’assurer le bien-être à tous. Illusion réfutée par les faits : jamais l’humanité n’a produit autant de richesses, jamais il n’y a eu autant d’hommes mourant de faim.

  1. Bien mesurer les contradictions entre capitalistes. On parle souvent des rencontres du groupe Bilderberg comme étant le pouvoir absolu et totalement secret de notre société. D’un côté, il est exact que cet organe où se concertent les plus grandes multinationales a davantage de pouvoir que les gouvernements et peut leur dicter les grandes orientations. De l’autre côté, le fait que les principaux capitalistes se concertent entre eux et tentent de s’entendre sur certaines questions ne supprime pas la concurrence acharnée que ces grandes multinationales se mènent également entre elles et qui les affaiblit.

Quand les principales banques US se voient infliger des amendes colossales, comme indiqué plus haut, et que Goldman Sachs écope de cinq milliards de dollars, il est difficile de croire que tout cela fait partie du grand complot tramé par Goldman Sachs qui serait le maître absolu du monde. Il faut rester sérieux. Cette amende est l’effet concret des contradictions entre les banques et les autres capitalistes, ceux-ci estimant que les banques leur ont fait du tort, voire ont mis l’ensemble du système en danger et qu’il faut donc faire la police.

La Première Guerre mondiale est bien la preuve que si les capitalistes peuvent en effet s’entendre sur certaines questions d’intérêt commun, ils peuvent aussi avoir entre eux des conflits totalement destructeurs et pas du tout planifiés. Certes, au départ, chaque camp souhaitait la guerre, espérant la gagner vite et pas cher. Cependant personne n’avait prévu qu’elle durerait aussi longtemps et que certaines puissances en sortiraient très affaiblies, voire détruites. L’Allemagne, récemment montée en puissance, exigeait : 1. L’Alsace-Lorraine, c’est-à-dire le charbon et l’acier. 2. Les Balkans comme voie stratégique vers l’Orient et le pétrole. 3. Les colonies africaines enfin dont elle estimait « ne pas avoir eu sa part ». La Grande-Bretagne et la France poursuivaient leurs propres objectifs impérialistes. L’idée que ces puissances auraient comploté ensemble est absurde[12].

Pour conclure sur ce point, un « complot global » est impossible car les capitalistes sont en concurrence entre eux. Ils peuvent s’entendre sur un ou plusieurs complots quand leurs intérêts convergent sur un point, dans une région ou pour abattre un dirigeant. Mais ils ne peuvent pas s’entendre sur un « complot global » car leurs intérêts divergent et que chacun veut abattre l’autre.

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Analyse complotiste ou analyse stratégique ?

Fausse donc, cette vision du « capitalisme complot tout puissant » est dangereuse. Car elle donne l’impression que l’Histoire est faite non par la lutte entre les diverses classes et forces sociales dont chacune défend ses intérêts mais par une poignée de gens tout-puissants. Et donc cette vision décourage la résistance des victimes de ce système. Elle donne l’impression que les travailleurs et citoyens n’ont aucune chance de marquer des points. Or, toute l’histoire de la lutte ouvrière et citoyenne montre qu’il est tout à fait possible de se défendre et d’obtenir des progrès sociaux : interdiction du travail des enfants, limitation de la journée de travail (jusqu’à quinze heures/jour au 19ème siècle !), obtention de la Sécurité sociale (assurances contre le chômage, la maladie, l’accident de travail, la vieillesse), respect de l’hygiène et de la sécurité au travail. Toutes ces avancées ont été obtenues par des luttes ouvrières. Si les travailleurs européens d’aujourd’hui ont un certain niveau de vie, c’est grâce aux luttes de leurs parents et grands-parents, il ne faut jamais l’oublier. Surtout que les capitalistes veulent à présent reprendre tout ce qu’ils ont dû concéder.

Pour défendre ces conquêtes et pour obtenir de nouveaux progrès, il faut donc ne pas se laisser intimider par une prétendue toute puissance, occulte ou non, des patrons, mais au contraire les voir tels qu’ils sont : avec leurs forces mais aussi leurs faiblesses. On doit, sans nier les difficultés, avoir confiance en ses propres forces. Le complotisme est une forme de défaitisme et au fond il fait le jeu des patrons et de l’exploitation.

Saïd Bouamama a bien expliqué l’opposition complète entre les deux modes de pensée : « La théorie du complot présente les événements politiquement signifiants comme le résultat d’une conspiration globale orchestrée en secret par un groupe social plus ou moins important. L’approche stratégique c’est-à-dire matérialiste analyse l’histoire comme le résultat de la lutte entre les groupes dominés (classes, minorités nationale et/ou ethniques, nations, femmes, etc.) et les groupes dominants basée sur une divergence d’intérêt matériel. » [13]

La différence est essentielle : l’analyse matérialiste (au sens d’une approche scientifique basée sur les faits matériels, observables et prouvables) montre comment il est possible de lutter en profitant des points faibles de l’adversaire. Tandis que le complotisme mène dans une impasse en ciblant de faux ennemis, généralement inatteignables.

Le complotisme ne permet pas de comprendre les guerres

En matière de guerre, il y a bel et bien des complots, on l’a vu. Mais là aussi il serait dangereux de croire que les grandes puissances réussissent tous les complots qu’elles préparent. Le complot réussit quand il y a dépolitisation et absence de mobilisation.  Il échoue quand la résistance des « victimes » est consciente et bien organisée. Les Etats-Unis ont été vaincus au Vietnam, le peuple palestinien résiste depuis plus de soixante ans, les Etats-Unis ont certes plongé l’Irak dans le chaos mais ils n’ont pas réussi à contrôler et exploiter ce pays comme Bush l’espérait, des coups d’Etat ont échoué en Bolivie, en Equateur, au Venezuela. Bref, le monde est une lutte entre des forces opposées, ce ne sont pas toujours les mêmes qui gagnent et beaucoup dépend de l’unité et de la conscience des populations. Leurs agressions et complots peuvent donc être mis en échec si la population a été bien préparée à résister. Ce qui commence par une bonne information sur la réalité des choses.

Et pour bien s’informer, il faut rompre consciemment et entièrement avec les deux fantasmes : le complotisme et la naïveté. Car nous nous trouvons face à deux dangers : voir des complots partout et voir des complots nulle part. La première théorie nous propose une explication bidon qui ne permet pas de comprendre la société, ni de la transformer. En cachant les vraies cibles, elle fait le jeu du pouvoir. La seconde théorie veut nous pousser à faire confiance aux dirigeants politiques qui nous diraient la vérité. Toutes deux sont des pièges parallèles.

Voir des complots partout ? Au lieu d’étudier soigneusement les mécanismes du capitalisme, le complotisme est une explication paresseuse que certains veulent imposer aux masses pour les empêcher de réfléchir et pour les manipuler. Souvent en vue de s’emparer du pouvoir. Hitler parlait du « grand complot judéo-bolchévique » et au début il tonnait, en paroles, contre les banques, mais il était payé par les grands banquiers et industriels allemands et toute son action les a servis [14].

Voir des complots nulle part ? Ceux qui ne voient de complots « nulle part » devraient alors à nous expliquer à quoi servent les services secrets ! Les vingt mille employés de la CIA sont-ils payés pour jouer aux mots croisés ou pour comploter ? C’est le moment de citer cette plaisanterie fort en vogue en Amérique latine : « Pourquoi n’y a-t-il jamais eu de coup d’Etat aux Etats-Unis ? » Réponse : « Parce que c’est le seul pays où il n’y pas d’ambassade des Etats-Unis ! ».

Et quand la NSA espionne le monde entier, vous croyez que c’est juste contre le terrorisme ou pour aider secrètement les entreprises US à affaiblir leurs rivales étrangères ? La théorie de la naïveté, franchement, ne vaut pas mieux que la théorie du complot !

Finalement, comment arriver à une vision objective de l’Histoire et des conflits actuels? A mon sens, il faut dire qu’il y a eu des complots dans l’Histoire, assez bien même (pensons aux nombreux coups pour remplacer un dirigeant par un autre), mais qu’ils ne font pas l’Histoire, ils n’en constituent pas l’essence. Ils ne sont qu’un moyen parmi d’autres pour défendre des intérêts.

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  1. Pourquoi certains parlent-ils tant de « théorie du complot » ?

Alors, si je dénonce clairement le complotisme, pourquoi certains m’accusent-ils quand même d’être un « complotiste » ? Et suis-je le seul ?

En fait, pas du tout, dès que quelqu’un critique la politique internationale des Etats-Unis, de la France ou d’Israël, en montrant son caractère global, il se voit accusé de « théorie du complot ».

Voici une petite liste (très incomplète) des “diabolisés” : Ziegler, Chavez, Castro, Le Grand Soir, Lordon, Ruffin, Kempf, Carles, Gresh, Bricmont, Bourdieu, Morin, Mermet, Boniface, Enderlin, Cassen, Siné, Bové, Péan, Godard, Jean Ferrat, Seymour Hersh, Wikileaks, et même des analystes juifs : Hessel, Chomsky, Finkelstein.

En fait, c’est très pratique. Vous n’avez pas d’arguments à opposer aux faits avancés ? Alors, traitez simplement vos adversaires de « complotistes », et le tour est joué : plus besoin d’argumenter sur les faits, plus besoin de réfuter les preuves ! La « théorie du complot », c’est le truc de l’avocat qui sait que son dossier est pourri.

J’en ai eu personnellement la preuve quand j’ai débattu avec Henri Guaino (auteur des discours de Sarkozy). J’exposais concrètement les crimes de ses amis des multinationales françaises au Mali et au Niger. N’ayant rien à répondre, tout ce qu’il a trouvé à sortir, c’est « théorie du complot » ! [15]

Nous avons vu que « théorie du complot » était au départ un concept progressiste développé par Hofstadter pour rendre compte des délires et fantasmes de la pensée d’extrême droite. Malheureusement, selon une méthode assez typique, il fut ensuite récupéré et manipulé par la CIA à partir de 1963. Il s’agissait alors de discréditer ceux qui demandaient une véritable enquête sur l’assassinat du président Kennedy : par un homme seul ou bien par une conspiration ? Et depuis lors, « théorie du complot » est constamment utilisé par les responsables des Etats-Unis pour discréditer les critiques et refuser de débattre sur les faits. Car le meilleur moyen de manipuler, de diviser et de battre les progressistes, c’est d’utiliser et détourner leurs propres arguments, tant les idées conservatrices sont en soi inconsistantes.

Si ça se limitait à cela, ce ne serait pas un si grand problème. Mais ces dernières années a été relancée dans les médias et sur Internet une campagne systématique contre certains analystes arbitrairement étiquetés « complotistes ». A partir de quand ? A partir du massacre de Gaza, en janvier 2009, quand Israël se retrouva de plus en plus critiqué et isolé dans l’opinion publique internationale.

Cette campagne ne tombe pas du ciel. Enfin un peu quand même : disons, du sommet de l’Etat. Aux USA, le site officiel du Département d’Etat brode pas mal sur le thème « complotisme et antisémitisme ». De même, en France, après Sarkozy, le président Hollande a exploité le filon devant le lobby pro-Israël du CRIF :

« L’antisémitisme a changé de visage. (…) aujourd’hui, il se nourrit aussi de la haine d’Israël. Il importe ici les conflits du Moyen Orient. Il établit de façon obscure la culpabilité des juifs dans le malheur des peuples. Il entretient les théories du complot qui se diffusent sans limite. Celles même qui ont conduit au pire. Nous devons prendre conscience que les thèses complotistes prennent leur diffusion par internet et les réseaux sociaux. Or nous devons nous souvenir que c’est d’abord par le verbe que s’est préparée l’exterminationNous devons agir au niveau européen et même international pour qu’un cadre juridique puisse être défini et que les plateformes internet qui gèrent les réseaux sociaux soient mises devant leurs responsabilités, et que des sanctions soient prononcées en cas de manquements. »[16]

Confondant avec mauvaise foi l’antisémitisme (racisme anti-juifs) et l’antisionisme (refus du colonialisme israélien, c’est-à-dire d’un Etat théocratique reposant sur une discrimination ethnique, bref un Etat complètement antidémocratique), le président Hollande criminalise ceux qui sont solidaires des Palestiniens. Il les assimile carrément aux nazis et cherche en fait à nous interdire de parler contre la politique d’Israël. La thèse « théorie du complot » prépare donc une très grave attaque contre la liberté d’expression.

Toujours proche de l’Elysée, Bernard-Henri Lévy emboîte évidemment le pas en accusant « cette maladie moderne qui s’appelle le complotisme »[17] et en organisant un « débat » en 2012 contre « le conspirationnisme ». Comme le fit remarquer un spectateur, aucun contradicteur ne fut invité. Cet homme qui jouit d’une énorme fortune, accumulée sur le dos de travailleurs africains du bois, mal payés, mal soignés et carrément volés par sa société familiale, se permet de donner au monde entier des leçons de dignité humaine et de rigueur de pensée.

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Des lobbyistes manipulant les textes

Alors est-ce un hasard si les politiques fuient tout débat contradictoire et s’ils sont remplacés par quelques pseudo-journalistes proches d’Israël et des néo-cons US ? Dans ce lobby d’un nouveau genre, on retrouve Caroline Fourest, Rudy Reichstadt et Ornella Guyet. Tous trois ont coopéré avec des think tanks de droite radicale, US ou français[18].

Faut-il alors s’étonner que Caroline Fourest me traite de « complotiste », Rudy Reichstadt de « conspirationniste » et Ornella Guyet (souvent cachée sous divers pseudos antifascistes) de « confusionniste » ? Tiens, pourquoi a-t-elle sorti ce curieux concept ? Parce qu’elle se rendait compte que les autres accusations ne tenaient pas debout ? Pour faire preuve d’originalité ? L’explication est peut-être plus simple : personne ne comprend ce terme qui ne veut rien dire, et dès lors comment voulez-vous réfuter un concept aussi… confus ? C’est pratique.

Les manipulations et les sources d’extrême droite de ce trio ont été exposées très clairement par divers critiques : Fourest ici[19], Reichstadt et son site Conspiracy Watch ici[20] et Guyet, démasquée par Le Grand Soir, Acrimed et Le Monde Diplomatique, ici[21]. Ces obsédés de la théorie du complot ont en commun deux caractéristiques :

Première caractéristique : la manipulation des textes. Ils ne cherchent pas la vérité mais cachent ou déforment systématiquement mes textes qui gênent leurs thèses. Ou alors ils me prêtent des amitiés avec des gens que je ne soutiens pas (et parfois même ne connais pas !), espérant ainsi salir en amalgamant. Tout ceci n’a rien à voir avec le journalisme dont ils se réclament, ce sont en fait des procureurs acharnés qui enquêtent toujours à charge et écartent tout ce qui contredit leurs accusations. Ce ne sont pas des journalistes, mais des lobbyistes.

Ils se comportent ainsi avec toutes leurs « cibles ». D’une façon si malhonnête que Pascal Boniface leur a consacré un livre : « Les intellectuels faussaires ». Comme l’a indiqué François Ruffin (mensuel Fakir, également diabolisé), les diaboliseurs appliquent une recette malhonnête : « D’abord caricaturer à l’extrême de façon à donner une image simpliste de l’adversaire. Puis conclure, du soi-disant « simplisme » de ces « néo-gauchistes » à leur prétendue adoption généralisée de la théorie du complot. »[22].

Deuxième caractéristique : la lâcheté. Les diaboliseurs refusent soigneusement de débattre avec ceux qu’ils diabolisent. Voilà qui est surprenant : ils se désolent qu’un large public sombre dans le complotisme en étant influencé et manipulé par des gens comme moi. Mais chaque fois que je leur ai proposé un débat contradictoire et publié sur mon site Investig’Action, ce qui leur aurait donné une chance extraordinaire de faire revenir au bercail toutes ces brebis égarées, ils ont lâchement refusé. Pourquoi ? La seule explication est qu’ils savent qu’ils mentent, ils savent que leurs arguments reposent sur des falsifications de textes.

Le débat sur le complotisme est un faux débat agité pour faire diversion. La vérité est beaucoup plus simple : dans les luttes sociales comme dans les luttes Nord – Sud, dominants et dominés élaborent des stratégies pour l’emporter, c’est tout à fait normal. Ces stratégies comportent des combats idéologiques, des affrontements ouverts et aussi des complots. Tout ne se ramène pas aux complots mais ils font partie de la stratégie de lutte. En accusant de « complotisme », on veut décourager de dénoncer les stratégies néocoloniales et guerrières.

Reste une question : pourquoi dépenser tant d’énergie à diaboliser ? Faire changer d’avis ceux qui me lisent ? Impossible : ils savent que j’ai écrit exactement le contraire de ce qu’ils m’attribuent. Mais alors quel est le véritable objectif des diaboliseurs ? Il s’agit de faire peur à ceux qui ne me connaissent pas. Il s’agit de dresser un mur entre les gens qui se posent des questions sans avoir les moyens d’y répondre et nous qui apportons des réponses avec des faits concrets. Il s’agit de rabattre les hésitants vers la version officielle. Ridiculiser les citoyens qui mettent en doute la version officielle, marteler que le pouvoir est honnête malgré ses défauts et qu’il ne faut ne pas se poser de questions : à qui cela profite-t-il ?

Pour le comprendre, il ne faut pas se limiter à parcourir telle ou attaque circulant en boucle sur le Net mais il faut absolument regarder l’ensemble de ce que ces gens ont écrit. Afin de comprendre dans quel camp ils se rangent et où ils veulent nous embarquer.

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Caroline Fourest : une complotiste ?

Prenons le cas de Fourest. Parmi les médias qui la citent complaisamment comme « experte du complotisme », lequel ira creuser un peu et signaler l’article qu’elle a publié dans le Wall Street Journal (journal patronal des Etats-Unis)article intitulé « La Guerre pour l’Eurabie »[23] ? Selon Fourest, l’Europe serait en train d’être envahie par les Arabes. Manipulés par l’islamisme, ces immigrants incapables de s’intégrer représenteraient une menace pour la démocratie. Au point que Londres serait devenue « Londonistan ».

Cette thèse délirante, elle l’a recopiée directement de trois idéologues d’extrême droite. L’un s’appelle Norman Podhoretz, c’est un auteur US qui a constamment mené campagne pour bombarder l’Iran : « principal foyer de l’idéologie islamo-fasciste contre laquelle nous nous battons depuis le 11 septembre »[24]. Une autre source est Daniel Pipes, autre idéologue US d’extrême droite, auteur de La Menace de l’Islam, s’est notamment signalé en soutenant le xénophobe hollandais Geert Wilders.

Mais la créatrice originelle du terme Eurabia, c’est  Bat Ye’or, essayiste britannique porte-parole du lobby pro-Israël. Voici comment est présenté son livre « Eurabia – L’axe euro-arabe » : « Depuis plus de trois décennies, l’Europe planifie avec les pays de la Ligue arabe la fusion des deux rives de la Méditerranée. Par le « Dialogue euro-arabe », elle a développé une structure d’alliances, et souvent d’allégeances, avec le monde arabe. Elle sacrifie son indépendance politique tout comme ses valeurs culturelles et spirituelles en échange de garanties (quelque peu illusoires) contre le terrorisme et d’avantages économiques que lui dispensent les pays arabes. Si ces derniers fournissent à l’Europe des hydrocarbures, s’ils lui offrent des marchés, ce n’est pas sans lui imposer des contreparties : ils exigent d’elle une ouverture sans cesse accrue à leur culture, à leur langue, à leur religion – l’islam -, à leurs émigrants, qu’ils veulent toujours plus nombreux. Ils arrachent aux pays d’accueil des conditions visant à maintenir ces émigrants dans leur culture d’origine au lieu de faciliter leur intégration. Enfin l’alliance euro-arabe se base sur une politique commune hostile à Israël et aux Etats-Unis. C’est une stratégie de subornation de l’Europe qui est ainsi mise en œuvre par les pays arabes, avec l’active complicité des instances dirigeantes européennes : la Commission européenne pilote un puissant dispositif financier servant cette politique ; elle a déployé une immense toile médiatique fabriquant le « politiquement correct eurabien » ; elle a enrégimenté les institutions scolaires et universitaires, et parfois même les Eglises, dans cette entreprise de dénaturation de l’identité européenne ».

 Résumons cette thèse Eurabia : les pays arabes appliquent un plan secret d’islamisation de l’Europe et les élites européennes sont complices. Si ça n’est pas une théorie du complot, nous sommes le Pape ! Il est donc étonnant de constater que les médias si élogieux sur Fourest se taisent complètement sur ce concept Eurabia, clé de voute de sa « pensée ». Pourtant, une analyse rapide permet d’y retrouver tous les critères permettant de définir une théorie complotiste selon Hofstadter : 1. La conspiration dure depuis plusieurs décennies. 2. Allégeance à une puissance étrangère (le monde arabe). 3. L’Europe sacrifie ses valeurs. 4. Les Arabes imposent leur langue, leur religion et leurs valeurs. 5. L’axe euro-arabe est hostile à Israël et aux Etats-Unis. 6. Les dirigeants européens laissent faire ou sont complices. 7. Tout cela constitue une entreprise pour dénaturer l’identité européenne.

Le problème ne se limite pas à Fourest. Le site Conspiracy Watch est aussi érigé en « expert » du complotisme par certains médias, lesquels oublient de mentionner que Reichstadt y recopie les thèses les plus racistes des néocons US et israéliens.

Leur père spirituel, Pierre André Taguieff, est souvent présenté comme un penseur, grand théoricien du conspirationnisme. En réalité Taguieff a grossièrement contrefait la grille d’analyse de Richard Hofstadter, en la fusionnant au prêche islamophobe et belliqueux de Daniel Pipes et Bat Ye’or. De 2009 à 2013, Taguieff a publié ses nombreuses « analyses » sur le site dreuz.info. Ce site islamophobe d’extrême droite voit en Obama un « antisémite », qui nommerait un peu partout des « frères musulmans », ce qui serait normal vu son second prénom « Hussein » [25]. On voit le niveau, et ces gens-là nous donnent des leçons sur ce qu’est le complotisme !

Ainsi, Lévy, Fourest, Reichstadt, Guyet se sont instaurés en une véritable police de la pensée unique. Pour étouffer tout questionnement. A travers nous, ce qu’ils attaquent c’est en fait le droit de tous les citoyens de s’informer librement. Evidemment, quand on voit leurs méthodes de faussaires, on doit vraiment se demander pourquoi tant de médias les recopient complaisamment alors que ces accusations ne tiennent pas debout ? Dans quel intérêt ? Ceci nous amène à notre dernière question…

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  1. Les médias font-ils le jeu du complotisme ?

Cette question pourra sembler bizarre puisque les médias dominants ne cessent de mettre en garde contre le complotisme. Mais peut-être faut-il y regarder de plus près ? Certains journalistes aiment à se moquer du public qui serait porté à « croire n’importe quoi sur Internet » et à tomber dans le complotisme. Ce sentiment de supériorité me semble déplacé. Pour deux raisons.

Première raison : ces « grands journalistes » ne sont-ils pas eux-mêmes tombés dans de nombreuses théories du complot ?

– En Roumanie, en décembre 1989, ils annoncent un charnier de 4.632 victimes des émeutes, tués par balles ou éventrés à la baïonnette. « Horrible charnier des victimes des manifestations de dimanche », affirme Le Monde« Boucherie » titre Libération, « Chambres de torture où, systématiquement, on défigurait à l’acide les visages des dissidents et des leaders ouvriers », révèle El Pais« Ceaucescu, atteint de leucémie, aurait besoin de changer son sang tous les mois », explique le scientifique TF1. En fait, ce grand complot de Ceaucescu n’a jamais existé comme nous l’expliquions dès ces « révélations » et comme les grands médias ont dû le reconnaître deux semaines plus tard [26]. Le charnier était totalement bidon.

– En 1990, ces mêmes médias annoncent que Saddam Hussein dont les troupes ont envahi le Koweit a fait voler toutes les couveuses d’une maternité à Koweit-City, condamnant les bébés à une mort atroce. Bidon aussi.

– En 1999, ils justifient les bombardements de l’Otan contre la Yougoslavie par l’existence d’un « Plan Fer-à-Cheval » serbe pour vider le Kosovo de ses habitants albanais. Ce complot n’existait que dans l’imagination fertile des conseillers com du ministre allemand de la Guerre Rudolf Scharping.

– En 2003, l’invasion de l’Irak est justifiée par le fait que Saddam Hussein cacherait des armes de destruction massive (chimiques et biologiques) pouvant nous menacer. Bidon encore.

– En 2011, le bombardement de la Libye est justifié par le fait que Kadhafi prévoirait d’exterminer les populations résistantes et aurait déjà massacré six mille personnes en quelques jours. Bidon toujours.

Et on pourrait ajouter de nombreux autres exemples. Bref, ces grands médias donneurs de leçons sont tombés dans tous les pièges de la propagande de guerre des trente dernières années. Pire : ils ont censuré nos infos quand nous donnions l’alerte. Bref, on peut se demander qui doit prendre des leçons de vigilance.

Deuxième raison pour être moins arrogant : en continuant à défendre bec et ongles la version officielle sur les guerres, en refusant de critiquer leurs propres erreurs et en refusant tout débat public sur la fiabilité de l’info, les médias dominants ne créent-ils pas eux-mêmes ce réflexe de méfiance généralisée dont ils souffrent aujourd’hui ?

Selon moi, ces deux raisons (tomber soi-même dans des théories du complot et refuser le débat) font que les médias dominants sont eux-mêmes responsables de la montée du sentiment complotiste. Les gens ont de bonnes raisons de se méfier, ils ont été tant de fois bernés, et tant d’innocents ont été tués à cause de ces médiamensonges ! On dira que les journalistes n’en sont pas eux-mêmes responsables, que cela provient de conseillers en com et en manipulations ? Sans doute, mais alors pourquoi ne pas lancer une grande enquête et un débat sur ces manipulations ? Ne faudrait-il pas mettre les gens en garde contre la propagande de guerre qui se répète à chaque fois ? Les traiter en adultes ?

En refusant de le faire, en continuant à informer comme si on nous disait toujours ou presque toujours la vérité, les médias poussent les gens à chercher l’explication ailleurs. Et vu qu’il n’y a malheureusement pas d’éducation aux médias dans les écoles, il est alors inévitable qu’une partie de ce public méfiant tombe dans les fantasmes répandus sur Internet.

Mais si les journalistes se méfiaient un peu plus, on n’aurait pas le coup des armes de destruction massive à chaque guerre. Bref, les médias ne sont pas innocents, ils sont les premiers responsables de ce qu’ils déplorent sans l’analyser sérieusement et sans se remettre en question. A mes yeux, le complotisme est l’enfant non reconnu des médias dominants.

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La seule profession qui ne fasse jamais d’erreurs ?

Lancer à tout bout de champ l’étiquette « complotiste » me paraît un aveu d’impuissance du journaliste qui craint d’engager un débat démocratique sur la façon dont l’info peut être manipulée d’en haut. Malheureusement, il semble qu’il soit interdit à certains journalistes d’avouer qu’ils se sont trompés ou ont été trompés. Comme si cette profession était la seule à ne jamais commettre d’erreurs.

En réalité, quel journaliste ne s’est jamais trompé ? Mais les autocritiques sont rarissimes. On ne peut pas risquer de faire baisser l’audimat et perdre des recettes publicitaires ? Il semblerait que les médias appliquent la recette négationniste de Manuel Valls refusant d’analyser les causes, c’est l’eurojihadisme « Expliquerc’est déjà un peu s’excuser »[29]. Pratique !

On ne débat pas ! Ainsi, quand l’hebdomadaire L’Express – Le Vif consacre un dossier au conspirationnisme, une « experte » en com, Aurore Vande Winkel, y recommande de ne jamais inviter les « complotistes » à l’écran. Même pour les réfuter car, « s’ils le faisaient, ils en « contamineraient » (sic) d’autres. Ce que les médias doivent faire, c’est donner la parole à des experts extrêmement pointus qui démonteront leurs arguments un par un. (…) Il faut prioritairement rétablir la confiance de la population dans les gouvernements et les médias »[30].Ici, n’est-ce pas le tiroir-caisse qui parle ? Et quel mépris pour les gens, supposés incapables de se faire leur opinion par eux-mêmes entre deux points de vue ! Mais, service public ou service privé, les gens vous paient pour les informer correctement, pas pour répéter les communiqués des autorités !

Le mépris, Henri Maler (Acrimed) le considère comme une défaillance grave des médias dominants : « Trop rares sont les enquêtes journalistiques qui (…) dans les grands médias, ne se bornent pas à dénoncer des « cerveaux malades » et tentent de répondre à des arguments réputés « conspirationnistes » en s’adressant à de vastes publics qui doutent. Les explications journalistiques, quand elles existent, sont diffusées par des médias dont l’audience reste limitée. Voir du conspirationnisme partout interdit aux journalistes de lui faire face quand il est avéré. » Et il propose une autre méthode : « À ces défaites du journalisme, un seul remède : un peu moins d’imprécations et un plus de journalisme ! »[31]

Le philosophe Laurent Paillard pense aussi qu’il faut absolument débattre sur les infos : « La critique des médias inspirée de la sociologie est le meilleur antidote à la théorie du complot. Elle montre en effet que l’absence de pluralisme est l’effet d’une logique de classe et pas le résultat d’un pacte secret. »[32]

Logique de classe ? Le manque d’objectivité des médias dominants et leur soumission à l’ordre établi nécessitent en effet des analyses sociologiques dont Herman et Chomsky ont brillamment montré l’exemple dans Manufacturing Consent (La Fabrication du Consentement) en 1988 [33]. Les contenus médiatiques sont influencés par quatre grands facteurs : propriété des médias (aux mains du 1%), publicité envahissante des multinationales (idem), liaisons entre pouvoirs économiques, politiques et médiatiques (idem), et enfin domination – consciente ou non – de l’idéologie dominante (aussi celle du 1%).

On ne développera pas ici cette analyse que nous avons menée ailleurs. Mais il convient de réfuter l’idée que tout le problème viendrait du manque de temps dont les journalistes disposent pour bien travailler. Certes, il y a la pression du « toujours plus vite ! », mais elle n’explique pas tout. Il faut distinguer deux catégories. On a d’un côté les journalistes (la grande majorité) à qui leur patron ne laisse pas le temps de bien travailler, vérifier, recouper, enquêter. Ceux-là, on ne peut que les plaindre : dans l’info-marchandise (c’est-à-dire l’info support de pub), il n’est pas « rentable » de pratiquer la rigueur qu’on leur avait enseignée dans (certaines) écoles de journalisme.

Mais de l’autre côté, on a aussi le journaliste qui fait ses choix politiques, consciemment, aux côtés du 1%, et qui se prend pour Dieu-je-sais-tout. Par exemple, sur Arte, voici comment Daniel Leconte a introduit une grande soirée censée démasquer les complotistes : « On croyait tout savoir. Eh bien, paraît-il qu’on avait tort.[34] « Tout savoir », c’est ça votre définition du bon journaliste ?! Mais n’est-ce pas exactement le contraire ? Chercher et creuser ce qu’il ne sait pas pour bien nous l’expliquer ? En fait, Leconte ne manque pas de temps, il manque de dignité.

Le même mépris du citoyen spectateur se retrouve chez Fourest. Voici comment en février 2013, elle présentait son émission « Les obsédés du complot » sur France 5 « Ils voient des complots partout et ont fait de la manipulation par les médias leur unique grille de lecture du monde et de l’actualité. Ce sont les « obsédés du complot », ces tribus d’internautes soumis à des mercenaires de la propagande passés maîtres dans l’art de désinformer pour radicaliser les identités et discréditer la démocratie en même temps que la presse. » Admirez les divers trucs…

Fourest ne travaille pas comme journaliste, mais comme lobbyiste. Elle ne cherche pas la vérité, mais le rôle de chien de garde. Alors, quand on nous balance cette étiquette « obsédés du complot », il faudra toujours se demander qui parle, quels sont ses antécédents, quels intérêts il ou elle défend. Il faudra toujours dépasser le jeu des étiquettes, vérifier les textes et analyser le fond des dossiers. Se faire son opinion par soi-même, ne croire personne sur parole.

Conclusion

Résumons notre analyse :

  1. Oui, les complots existent. Dans l’économie, dans la politique, dans les guerres.
  2. Mais ils ne constituent pas l’explication essentielle du fonctionnement de notre société. Le complotisme est une impasse qui empêche de comprendre.
  3. Les obsédés de la « théorie du complot » font ainsi diversion pour cacher leur absence d’arguments.
  4. Les médias, en refusant le débat sur leurs manquements, font le jeu du complotisme.

Investig’Action, par contre, travaille à proposer des explications qui ne soient pas simplistes, mais objectives. Prendre en compte la complexité des situations, en extraire les intérêts essentiels qui s’affrontent, éclairer les méthodes de désinformation qui cachent ces intérêts. Et exposer tout cela simplement dans un langage accessible à tous. Parce que la vérité est au service des gens.

Source : Investig’Action

Notes:

[1] La responsabilité de la CIA a été décrite dans un rapport interne The Battle for Iran vers 1975, établie par James Risen (New York Times) en 2000 et finalement reconnue en… 2009 par Obama dans son Discours du Caire :  « The United States played a role in the overthrow of a democratically elected Iranian government. »

[2] William Colby, directeur de la CIA (1973 à 1976) a reconnu que la CIA avait dépensé sept millions $ sur injonction de Kissinger pour « alimenter un climat propice au coup d’État ». 30 ans de CIA, 1978.

[3] Interview au Nouvel Observateur, 15 janvier 1998.

[4] Interview Democracy Now, 2 mars 2007.

[5] http://www.independent.co.uk/news/uk/politics/tony-blair-and-iraq-the-damning-evidence-8563133.html

[6] Michel Collon, Israël, parlons-en!, Investig’Action, 2010, p 348.

[7] Michel Collon, Je suis ou je ne suis pas Charlie ?, Investig’Action, 2015, p. 232.

[8] Observatoire du néo-conservatisme, Hoftstadter et les théories du complot, https://anticons.wordpress.com/tag/hofstadter/

[9] https://anticons.wordpress.com/2015/04/28/theorie-du-complot-comment-le-best-seller-de-richard-hofstadter-le-style-paranoiaque-fut-detourne-par-les-neo-conservateurs-12/

[10] http://www.liberation.fr/futurs/2013/12/04/cartel-des-taux-l-ue-inflige-17-milliard-d-euros-d-amendes-a-8-banques_964103

[11] Monthly Review (USA), mais 1949.

[12] Michel Collon et Denise Vindevogel, 14-18, on croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels (vidéo), http://www.michelcollon.info/14-18-On-croit-mourir-pour-la.html

[13] https://bouamamas.wordpress.com/2016/01/01/de-lesprit-du-11-janvier-a-la-decheance-de-la-nationalite-chronique-dune-annee-de-regression-culturaliste/

[14] Jacques Pauwels, Big business avec Hitler, Aden, Bruxelles, 2013. Kurt Gossweiler, Hitler, L’irrésistible ascension ?, Aden, 2006.

[15] Ce Soir ou jamais, https://www.youtube.com/watch?v=7a0VHV6_7os

[16] http://www.lepoint.fr/societe/au-memorial-de-la-shoah-hollande-pourfend-la-theorie-du-complot-et-le-negationnisme-27-01-2015-1899969_23.php

[17] www.bfmtv.com/international/bhl-victime-du-complotisme-en-tunisie-844100.html

[18] Fourest : Aussi avec le PDG de Total en mars 2012 et à Tel-Aviv http://www.ojim.fr/portraits/caroline-fourest/. Guyet : http://www.upr.fr/actualite/upr-parti-politique/qui-veut-nuire-a-lupr-dr-jekyll-mrs-hyde-lantifasciste-boutoleau-et-la-tres-americanophile-professor-guyet

[19] Lien Lettre à Karim Fadoul. Voir aussi mon livre, Je suis ou je ne suis pas Charlie, chapitre 9. LIEN

[20] https://anticons.wordpress.com/2013/09/09/rudy-reichstadt-opportuniste-neo-conservateur/

[21] http://www.legrandsoir.info/analyse-de-la-culture-du-mensonge-et-de-la-manipulation-a-la-marie-anne-boutoleau-ornella-guyet-sur-un-site-alter.html Voir aussi : http://free.niooz.fr/ornella-guyet-l-archetype-de-la-desinformation-anticons-observatoire-du-neo-conservatisme-4198539.shtml

[22] François Ruffin, L’air du soupçon, Fakir, 10 septembre 2013.

[23] http://www.wsj.com/articles/SB110729559310242790

[24] The Case for Bombing Iran, andrynoss.net, jiuin 2007.

[25] http://www.dreuz.info/2009/06/08/article-32392664/ http://www.dreuz.info/2015/09/29/barack-obama-nest-pas-musulman-mais-comme-il-les-aime-regardez-sa-nouvelle-trouvaille

[26] Solidaire (Belgique), 10 janvier 1990.

[27] Kommersant, 19 décembre 2014.

[28] Barack Obama « National Security Strategy », USA 2015.

[29] https://jeanyvesnau.com/2016/01/11/manuel-valls-expliquer-cest-deja-vouloir-un-peu-excuser-comment-faut-il-entendre-le-premier-ministre/

[30] L’Express – Le Vif, 6 février 2015.

[31] www.acrimed.org/Journalisme-contre-complotisme-des-imprecateurs-qui-se-prennent-pour-des

[32] « Opération Correa : un film antidote à la théorie du complot », Laurent Paillard, Les ZIndigné(e)s no 24)

[33] Voir aussi notre Attention, médias!, 1992 (épuisé).

[34] http://www.acrimed.org/Arte-et-la-theorie-du-complot-une-emission-de-propagande-de-Daniel-Leconte

Source : Investig’Action, Michel Collon, 22-02-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/complotiste-moi-par-michel-collon/


[Vidéo] Quelles relations internationales après l’élection de Donald Trump ? Intervention d’Alexeï Pouchkov

Monday 3 April 2017 at 00:45

Source Youtube, Eurasiexpress, 25-03-2017

Alexeï Pouchkov est président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, voici son intervention au colloque “Quelles relations internationales après l’élection de Donald Trump” organisé par le CIGPA et l’IDC à la Maison de la chimie le 25 mars 2017.

Source Youtube, Eurasiexpress, 25-03-2017

Source: http://www.les-crises.fr/video-quelles-relations-internationales-apres-lelection-de-donald-trump-intervention-dalexei-pouchkov/


ENTRAIDE : Traducteur anglais, Stagiaire étude Pétrole, Archives Audiovisuelles

Sunday 2 April 2017 at 05:14

Bonjour

Nous avons des besoins importants et très urgents pour différents projets.

Nous comptons donc vraiment sur vous…

Traducteurs anglais

Nous traduisons régulièrement de nombreux articles anglophones importants afin de les diffuser largement.

Nous avons besoin de plus de traducteurs. Le principe est simple : il faut s’inscrire, vous recevez des codes d’accès, et vous participez de façon collaborative au rythme qui vous convient, c’est très souple.

N’hésitez donc pas à participer aux traductions collaboratives – comme ici cette semaine. Elles aident à faire vivre ce blog.

La participation peut aussi concerner la relecture en français finale pour enlever les fautes, c’est important (même si vous ne parlez pas bien anglais donc)

Stagiaire étude Pétrole (ou non étudiant)

Je recherche un stagiaire pour cette année, afin de m’aider à rédiger une longue étude sur le pétrole, durant quelques mois.

Les profils pourront donc être variés, mais disons Bac+3 à +4 dans une université, école de commerce, école d’ingénieur…

Autonomie, forte motivation, curiosité, capacité de recherche et de synthèse, connaissance minimale d’Excel, bonne orthographe bienvenues…

Si vous êtes en province, télétravail possible.

Rémunération au tarif mensuel légal des stages étudiants (merci encore au passage à tous les donateurs qui rendent ceci possible…). Il convient d’être étudiant pour pouvoir signer une convention de stage.

Cependant, un bénévole non étudiant motivé serait aussi bienvenu… 🙂

Si vous cherchez aussi un stage dans le domaine de l’Histoire ou de la Propagande médiatique, contactez-moi aussi.

Professionnels Archives audiovisuelles (Ina Mediapro)

Nous avons aussi besoin d’une personne professionnelle de l’audiovisuel pour recherche un document d’archive de télévision. Je pense que la vidéo se trouve dans le service professionnel Ina Mediapro.

=> Contact

Contactez-nous ici en indiquant en objet le sujet sur lequel vous vous proposez…

Merci d’avance aux volontaires ! 🙂

(ne m’en veuillez pas si je ne réponds pas tout de suite, vos propositions sont enregistrées et utilisées en fonction des besoins, merci !)

P.S. si on ne répond pas tout de suite, excusez-nous, n’hésitez pas à re-proposer une 2e fois, c’est très dur niveau temps pour moi…

Merci encore à tous (vos soutiens sont vraiment très précieux)

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-traducteur-anglais-stagiaire-etude-petrole-archives-audiovisuelles/


Revue de presse du 02/04/2017

Sunday 2 April 2017 at 00:59

Avec notamment un zoom sur le Yemen et l’Euro. Merci aux contributeurs de cette revue de presse. Pour les rejoindre, postulez via le formulaire de contact du blog !

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-02042017/


Justice : Un président ne devrait pas faire ça, par Régis de Castelnau

Sunday 2 April 2017 at 00:30

Comme toujours, pour avoir d’autres points de vue – à prendre avec recul…

Source : Vu du droit, Régis de Castelnau27/03/2017

Genèse d’une bombe à fragmentation involontaire

Les journalistes d’investigation se considèrent comme une sorte d’aristocratie de la profession. Ils ont tendance à toiser leurs confrères rubricards, comme les conducteurs de l’Eurostar le font avec leurs collègues du TGV Sud-Est. Ce n’est pourtant pas un métier bien compliqué, il suffit d’avoir le numéro de portable de quelques policiers, voire d’obtenir celui d’un magistrat pour devenir « enquêteur » comme le Monde qualifie ses prestigieux Plic & Ploc. Le fait d’écrire avec ses pieds et l’analphabétisme juridique ne sont pas des handicaps, au contraire. Tous ces gens publient force livres, vite faits, vite lus, vite oubliés qui témoignent de la culture qui leur est commune : une fascination pour les képis. « Bienvenue place Beauvau » sous-titré « Police : les secrets inavouables d’un quinquennat » n’échappe pas à la règle avec la description minutieuse des agissements de « l’État profond » dans ses pratiques barbouzardes accompagné d’un name-dropping considérable. Tout ceci n’aurait rien eu de spécialement original si ce n’est l’existence de trois facteurs qui font de cette publication, une bombe à fragmentation. Tout d’abord si ce que l’on nous raconte est vrai, François Hollande qui nous avait bassinés avec sa normalité, apparaît comme un manipulateur sans morale, sans scrupule et sans aucun principe. Ensuite, les auteurs, probablement involontairement, nous font la démonstration de l’instrumentalisation de la justice à des fins bassement politiciennes. Enfin, la publication survient en pleine campagne présidentielle au moment du déferlement politico-médiatico-judiciaire contre François Fillon. Donnant complètement corps à l’accusation d’une opération téléguidée visant à favoriser l’accès de Macron héritier de François Hollande, à la Présidence de la République. À la lumière de ces trois éléments, la lecture en devient saisissante.

Dès la préface les auteurs démarrent fort et nous préviennent : « comme leurs prédécesseurs, mais avec moins de talent et de rouerie, Hollande, Valls, Cazeneuve et les autres ont joué avec l’appareil judiciaire à des fins souvent électorales. » Il faut quand même se foutre du monde pour prétendre que cette attitude aurait été absente dans la conduite politique et judiciaire de l’affaire Fillon. Tout d’un coup, les trois manipulateurs précités auraient été touchés par la grâce ? Et pourtant, mesurant tardivement l’impact politique meurtrier de tout ce qu’ils racontent les journalistes n’ont pas hésité à des rétro-pédalages pathétiques sur tous les plateaux. En fait, on peut penser qu’habitués aux manipulations policières du pouvoir d’État, et dépourvus d’une véritable culture juridique et judiciaire, ils n’avaient pas mesuré le caractère dévastateur de ce qu’ils écrivaient.

Cabinet noir or not ?

Et d’ailleurs après la préface ça continue. Le premier chapitre décrit avec force détails comment Hollande a travaillé à récupérer la police considérée comme toujours dans la main de Nicolas Sarkozy. Il nous apprend que l’existence d’un « cabinet noir » est  probable : « il n’est pas possible d’en apporter la preuve formelle. Comme il n’est pas possible de prouver le contraire ! Mais l’addition d’indices troublants, de témoignages étonnants interroge. Plusieurs observateurs bien placés dans l’appareil policier nous ont ainsi décrit par le menu l’existence d’une structure clandestine, aux ramifications complexes, et dont le rayon d’action ne serait pas cantonné aux seuls renseignements territoriaux ».

On ne saurait être plus clair, surtout que la description continue avec l’endroit : « pour orchestrer les affaires judiciaires il existe une mécanique complexe aussi efficace que redoutable. Hollande a su en tirer profit….. la plupart des affaires judiciaires qui ont empoisonné Sarko et les siens ont trouvé leurs racines ici dans cet immeuble ultra sécurisé du neuvième arrondissement de Paris ». La recette maintenant, comment instrumentaliser la justice : « afin d’allumer la mèche d’une affaire politique ou financière, il suffit que Tracfin pêche au bon endroit, remonte dans ses filets une infraction, et la transmette officiellement la justice. Ou officieusement un service enquêteur qui se chargera de mener « une enquête d’initiatives » avant qu’un magistrat ne la reprenne à son compte. »

 Donc, si l’on comprend bien les fonctionnaires d’État mâchent le boulot, et quand la soupe est prête on va donner le dossier au parquet pour qu’il saisisse un juge d’instruction. Mais qui sont les magistrats saisis ? Il faut savoir que les juges d’instruction sont des juges du siège qui doivent instruire à charge et à décharge et donc leur impartialité doit être insoupçonnable. Et il existe un principe fondamental dans le fonctionnement de la justice, celui « qu’on ne choisit pas son juge ». Mais avec Hollande et sa fine équipe, si si, nos enquêteurs nous disent qu’ils les choisissent :

« chaque fois, ce sont les mêmes juges d’instructions qui sont désignés pour les affaires qui intéressent le Château ils sont moins de cinq, dont on retrouve le nom dans tous les dossiers qui concernent Sarkozy… six magistrats qui additionnent les affaires sur le clan Sarkozy sont eux-mêmes alimentés et épaulés par une poignée d’officiers de police judiciaire .» Dont on comprend qu’ils sont toujours les mêmes aussi.  Bigre, amis journalistes– enquêteurs, il est difficile d’être plus clair, mesurez-vous le caractère déshonorant pour le président normal que cette description ? Personnellement, j’éprouve une certaine satisfaction en me rappelant comment j’ai prêché dans le désert en relevant l’acharnement judiciaire manipulatoire contre Nicolas Sarkozy dans ces colonnes. Et, pourquoi le cacher une certaine jubilation pour avoir décrit à l’avance ce qui allait arriver à François Fillon, ce qui m’a valu force qualifications de « complotiste », nouveau point Godwin du camp du bien.

 Les amis qu’on ménage

La lecture du livre met également en lumière la pratique de la mansuétude ciblée, qui consiste à épargner à certains des poursuites judiciaires, en pensant à l’avenir. Certains ralliements à Emmanuel Macron sont de ce point de vue savoureux. « Le Château est passé maître dans l’art de pousser ou ralentir le feu sous les casseroles judiciaires. Pour enterrer sans classer, il suffit de donner consigne de continuer à creuser en préliminaire ad vitam aeternam. Dans ce cas le dossier reste sous contrôle direct de la chancellerie ». On cite Jean-Louis Borloo, ou Dominique de Villepin dont on annonce le ralliement imminent à Emmanuel Macron, qui aurait paraît-il bénéficié de certaines complaisance : « les enquêteurs n’ont pas cru bon d’entendre ce bibliophile avisé qui, ces dernières années a empoché 5 millions d’euros pour la seule vente de ses livres. De même qu’aucune des procédures dans lesquelles Villepin apparaît à l’étranger ne semble susciter la curiosité des magistrats français. » Tout le livre n’est qu’un long florilège des outils et de l’exécution de ces basses œuvres. On en ressort édifié, sur l’imposture Hollandienne en matière de respect des principes et des libertés publiques.

Croyant lui trouver des excuses les auteurs enfoncent François Hollande un peu plus : « l’impréparation, la méconnaissance de l’appareil policier et judiciaire ainsi que les circonstances ont très vite amené François Hollande à renier ses principes et à adopter des méthodes qui n’ont rien à envier à celle de ses prédécesseurs. » La nullité, comme excuse des turpitudes, il fallait oser. Le problème, est que cette fois-ci, ces méthodes sont utilisées pour fausser sans vergogne l’élection principale de la Ve République. Privant désormais, son résultat de toute légitimité démocratique. Ceux qui ont pris cette responsabilité devront en répondre.

Il faudra répondre de tout cela

En répondre parce que nous prenons connaissance dans ce livre, non seulement d’affirmations mais d’accusations très graves dirigées contre l’institution judiciaire. Il n’y a pas beaucoup d’illusions à se faire sur l’attitude des organisations syndicales de magistrats dont on est à peu près sûr, qu’elles vont rester muettes.

Et parce que des élus LR auraient fait au PNF et au parquet de Paris, à propos du livre ce qu’on appelle un « signalement article 40 » par référence à l’article du code de procédure pénale qui fait obligation aux agents publics de signaler au procureur tous faits dont ils ont eu connaissance et susceptibles de recevoir une qualification pénale. L’épisode va être intéressant, car si les auteurs ont dit vrai, c’est en nombre que se comptent les infractions pénales établies. La présentation dans un tableau des extraits du livre au regard des incriminations possibles donne la mesure de la gravité du scandale. Et on ne voit pas comment autre chose qu’une procédure judiciaire pourra séparer le vrai du faux et dégager une vérité opératoire.

Pour avoir lu l’ouvrage, je sais qu’il y a beaucoup d’autres infractions. Le PNF s’est saisi en une heure de l’affaire Fillon sur la base d’un article du Canard enchaîné, pour lancer une enquête TGV multipliant les actes qui se sont bien sûrs immédiatement retrouvés dans la presse. Pour l’instant, huit jours après l’ouverture de l’enquête sur Bruno Le Roux, a priori il ne s’est strictement rien passé. Normal, Le Roux n’est candidat à rien. Le même PNF reste obstinément muet concernant Emmanuel Macron malgré une collection de faits éminemment suspects. Pas beaucoup d’illusions, il y a encore de la honte à boire.

Espérons simplement que le parquet de Paris sauvera l’honneur et fera son devoir.

Source : Vu du droit, Régis de Castelnau27/03/2017

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Source: http://www.les-crises.fr/justice-un-president-ne-devrait-pas-faire-ca-par-regis-de-castelnau/


La responsabilité des Etats-Unis dans la famine au Yémen, par Kathy Kelly

Sunday 2 April 2017 at 00:01

Source : Kathy Kelly, 23-03-2017

Cette semaine, au bureau de Voices for Creative Nonviolence de Chicago, ma collègue Sabia Rigby a à préparer son intervention dans un lycée local. Elle doit aller, avec un jeune ami réfugié d’Irak, y parler de la crise des réfugiés provoquée par la guerre. Sabia revient de Kaboul où elle a participé à la collecte d’informations sur les efforts des Jeunes Volontaires de la Paix afghans pour apporter de la chaleur, de la nourriture et de l’éducation aux familles qui ont fui la guerre afghane et vivent maintenant dans des camps de fortune.

L’année dernière, Sabia avait rendu visite aux réfugiés de la « Jungle de Calais », qui avaient fui le Moyen-Orient et plusieurs pays africains pour aller en Grande-Bretagne. Empêchés de traverser la Manche, une foule de gens ont été contraints de se regrouper dans ce camp de réfugiés de Calais, en France, d’où les autorités françaises ont fini par les évacuer malgré la solidarité qui régnait entre eux, avant de brûler complètement leur campement.

Pour sa conférence au lycée, Sabia a préparé un document qui montre où les réfugiés sont les mieux accueillis dans le monde. Un détail l’a étonnée.

En 2016, les Américains ont accueilli 84 995 réfugiés, mais, la même année, le Yémen, le pays le plus pauvre du monde arabe, a accueilli 117 000 nouveaux réfugiés et migrants et il abrite couramment plus de 255 000 réfugiés de Somalie. Le Yémen commence à souffrir de la pire crise humanitaire au monde. Qui plus est, le pays est régulièrement ciblé par des attaques aériennes saoudiennes et américaines.

En organisant, au même moment, une semaine de jeûne et d’action en relation avec la tragédie qui frappe le Yémen, nous avons été stupéfaits de découvrir que le Yémen était aussi une voie d’évasion pour les Somaliens qui fuyaient la Corne de l’Afrique pour échapper à la guerre et qui se retrouvaient piégés dans un pays où un autre conflit meurtrier provoquait une famine épouvantable.

Après des années de soutien américain au dictateur Ali Adullah Saleh, la guerre civile dévaste le Yémen depuis 2014. Son voisin, l’Arabie saoudite, lui-même un des plus cruelles dictatures de la région et un solide allié américain, est devenu nerveux en 2015, et avec le soutien de neuf pays alliés, les Saoudiens se sont mis à opérer d’incessantes frappes aériennes punitives au Yémen, et ils lui ont également imposé un blocage qui a mis fin à l’approvisionnement en nourriture et en fournitures via un port important. Tout cela a été rendu possible par l’arrivée massive d’armements en provenance des États-Unis, pays qui a également mené des frappes aériennes indépendantes, en tuant des dizaines de civils, y compris des femmes et des enfants.

Comment ce petit pays appauvri, harcelé par des attaques aériennes et terrestres incessantes, proche de l’effondrement économique et au bord de la famine, pourrait-il absorber des milliers et des milliers de migrants désespérés ?

Le Yémen importe 90% de sa nourriture. En raison du blocus, les prix des denrées alimentaires et des carburants augmentent et la pénurie atteint un niveau de crise.

L’UNICEF estime que plus de 460 000 enfants au Yémen souffrent de malnutrition sévère et que 3,3 millions d’enfants et de femmes qui attendent un bébé ou qui allaitent souffrent de malnutrition aiguë. Plus de 10 000 personnes ont été tuées, dont 1 564 enfants, et des millions de personnes ont été déplacées, mais pire encore, on voit se profiler une famine qui emportera tout sur son passage. Iona Craig, dans un article publié par IRIN, a récemment écrit :

Un groupe de plus de 120 familles dont le nombre augmente rapidement avec les nouvelles arrivées, se blottit sous les arbres secs de cette vaste zone de broussailles grises. ils ont marché deux jours pour arriver dans ce camp, au sud-ouest de la ville de Taiz, pour échapper à la dernière vague de conflit sur la côte de la mer Rouge du Yémen.

Mais à l’arrivée, les dizaines de femmes et d’enfants n’ont rien trouvé. Aucun soutien des organismes d’aide humanitaire. Pas de nourriture. Pas d’eau. Pas d’abri. Les personnes âgées parlent de manger les arbres pour survivre, tandis que les enfants demandent de l’eau aux agriculteurs locaux. Une mère berce dans ses bras un bébé souffrant clairement de malnutrition.

Maintenant on entend dire que, le 16 mars, quarante-deux Somaliens ont été tués par des frappes aériennes soutenues alors qu’ils montaient dans un bateau pour essayer de fuir le Yémen.

« Je me suis couché au fond du bateau » a déclaré Ibrahim Ali Zeyad, un Somalien qui a survécu à l’attaque. « Les gens tombaient à ma gauche et à ma droite. Tout le monde hurlait : « Nous sommes somaliens ! Nous sommes somaliens ! »

Mais la fusillade a continué pendant au moins une demi-heure à mon avis.

L’attaque contre le Yémen empêche à la fois les Yéménites et les Somaliens en fuite d’échapper à la pire des quatre crises qui se développent actuellement et qui, toutes ensembles, aboutiront à la pire crise humanitaire de l’histoire des Nations Unies selon l’ONU. Depuis la publication de cet article, personne n’a revendiqué cette frappe, mais les survivants disent qu’ils ont été attaqués par un hélicoptère de combat. Le bateau transportait 140 personnes et il se dirigeait vers le nord, au large des côtes du Yémen.

Pendant ce temps, les fabricants d’armes américains, dont General Dynamics, Raytheon et Lockheed Martin, profitent massivement des ventes d’armes à l’Arabie saoudite. En décembre 2017, Medea Benjamin a écrit : « Malgré la nature répressive du régime saoudien, les gouvernements américains ont non seulement soutenu les Saoudiens sur le plan diplomatique, mais aussi au plan militaire. Sous l’administration Obama cela s’est traduit par des ventes massives d’armes, à hauteur de 115 milliards de dollars ».

La situation est critique et tous les États membres de l’ONU doivent exiger la fin du blocus et des attaques aériennes, le silence des armes et le règlement négocié de la guerre au Yémen. Les deux pays les plus nuisibles, les États-Unis et l’Arabie saoudite, doivent abandonner leurs manœuvres cyniques contre des rivaux comme l’Iran, devant l’énorme, l’indicible, coût en vie humaines que cela signifie pour le Yémen.

Les citoyens américains doivent exiger un changement de la politique américaine, responsable de la tragédie mortelle que vivent les peuples qui se trouvent au Yémen.

Choisissant résolument la voie de l’opposition aux politiques américaines sur le Yémen, les citoyens américains doivent exiger des élus qu’ils stoppent toutes les attaques de drones et toutes les « opérations spéciales » de l’armée au Yémen, qu’ils mettent fin à toutes les ventes d’armes américaines et à l’aide militaire à l’Arabie saoudite, et qu’ils indemnisent ceux qui ont subi des pertes causées par les attaques américaines.

Notre groupe de militants a longtemps fonctionné sous le nom de « Voix dans le désert » menant campagne contre la guerre économique contre l’Irak, une guerre via l’imposition de sanctions économiques qui ont directement contribué à la mort de plus de 500 000 enfants. Perdus dans une culture d’irréalité hostile et de silence insupportable concernant la guerre économique, nous avons ingénument essayé d’éveiller les consciences au sort des réfugiés qui tentaient de survivre. Nous n’avons pas réussi à faire lever les brutales sanctions économiques contre l’Irak et nous dû affronter la dure réalité de l’insensibilité et de l’inconséquence des décideurs américains.

Nous devons regarder la réalité en face et affirmer notre solidarité avec la plus grande partie des peuples de ce monde. A une époque où nos frères humains fuient désespérément partout dans le monde, à l’intérieur de leur propre pays, ou au-delà de leurs frontières, nous devons avoir à cœur de nous informer continuellement sur les conséquences que les actions de notre nation américaine ont sur les pauvres du monde. Nous devons faire en sorte d’être assez nombreux pour que nos voix soient entendues lorsqu’elles s’élèvent en faveur des habitants du Yémen.

Kathy KELLY

KATHY KELLY co-coordonne Voices for Creative Nonviolence et a travaillé en étroite collaboration avec les Jeunes Volontaires de la Paix afghans. Elle est l’auteur de Other Lands Have Dreams. On peut la joindre à : Kathy@vcnv.org

Traduction : Aliocha Kazoff

Source : Kathy Kelly, 23-03-2017

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Source: http://www.les-crises.fr/la-responsabilite-des-etats-unis-dans-la-famine-au-yemen-par-kathy-kelly/


Poutou retire sa candidature au profit d’Emmanuel Macron !

Saturday 1 April 2017 at 14:55

Attention, c’est quand même une information du 1er avril 😉

Cher-e-s ami-e-s, cher-e-s camarades,

Ce message pour vous informer que j’ai décidé de retirer ma candidature à l’élection présidentielle et d’apporter mon soutien à Emmanuel Macron.

Parce que le candidat Emmanuel Macron, qui a été Secrétaire général adjoint de l’Élysée, puis ministre de l’Économie dans le gouvernement Valls, incarne une vraie rupture avec les politiques qui ont été menées ces dernières années.

Parce que la loi Macron, qui favorise le travail du dimanche et le travail de nuit, a été une véritable avancée pour les salarié-e-s et que les patrons l’ont encore en travers de la gorge.

Parce que Macron n’est pas assez présent dans les médias, et que l’hebdomadaire du NPA, L’Anticapitaliste, pourra ainsi rétablir l’équilibre.

Parce que si je retire ma candidature, Emmanuel Macron, l’ancien banquier qui a touché 3 millions d’euros entre 2009 et 2013, est désormais le candidat qui a le patrimoine le moins élevé. #SolidaritéEntreDémunis

Parce qu’Emmanuel Macron, énarque, Inspecteur des finances, banquier d’affaires chez Rothschild, Secrétaire adjoint de Hollande et ministre de Valls, est LE candidat anti-système.

Parce que le candidat Emmanuel Macron a déclaré devant le Medef qu’il n’aimait pas parler de « pénibilité » à propos du travail, car « le travail, c’est l’émancipation, c’est ce qui nous donne une place ». Et le travail, en tant qu’ancien ministre, banquier et haut fonctionnaire, il connaît !

Parce qu’en soutenant Emmanuel Macron, je rejoins un groupe de vrais rebelles, de gens qui veulent changer le système : Jacques Attali, François Bayrou, Manuel Valls, Gérard Collomb, Dominique Perben, Che Guevara…

Parce que le candidat Emmanuel Macron propose de supprimer 120.000 postes dans la fonction publique et qu’on se rend compte chaque jour que dans les hôpitaux, les écoles, les bureaux de poste, aux finances publiques, à la CAF, à Pôle emploi… il y a beaucoup trop de personnel.

Parce qu’Emmanuel Macron défend une orientation économique ultra-libérale, qui favorise le développement du chômage, de la pauvreté, de la précarité, des inégalités, terreau sur lequel se développe le Front national depuis des décennies, et qu’il est donc le meilleur rempart contre Marine Le Pen.

Alors voilà. Je prends mes responsabilités.

Pour le progrès social, pour défendre les salarié-e-s, pour que les chômeurs et les chômeuses retrouvent un emploi, pour le FN recule vraiment, pour que les grands patrons tremblent et paient enfin la crise du capitalisme, votons pour Emmanuel Macron !

Ou pas…

source : Facebook, 1er avril 2017

En tous cas, on ne se laissera pas intimider par les complotistes :  🙂

 

 

 

Source: http://www.les-crises.fr/poutou-retire-sa-candidature-au-profit-demmanuel-macron/


Quand arrive la peur, par Chris Hedges

Saturday 1 April 2017 at 00:50

Source : Truthdig, le 08/01/2017

Posté le 8 janvier 2017

De Chris Hedges

Mr. Fish / Truthdig

Alexandre Soljenitsyne dans “l’Archipel du Goulag”, une profonde méditation sur la nature de l’oppression et de la résistance dans les goulags soviétiques, raconte l’histoire d’un homme qui était parmi des prisonniers qu’on déplaçait au printemps 1947. L’ancien soldat du front, dont le nom n’est pas mentionné dans l’histoire, désarma et tua soudainement les deux gardes. Il annonça à ses co-détenus qu’ils étaient libres.

“Mais les prisonniers furent envahis par la terreur, personne ne le suivit, et ils s’assirent tous là et attendirent un nouveau convoi,” écrit Soljenitsyne. Le prisonnier essaya en vain de leur faire honte. “Et puis il ramassa les fusils (trente-deux cartouches, ‘trente-et-une pour eux !’) et partit seul. Il tua et blessa plusieurs poursuivants et avec sa trente-deuxième cartouche il se donna la mort. L’Archipel tout entier aurait bien pu s’effondrer si tous les anciens combattants de première ligne s’étaient comportés comme lui.”

Plus un régime devient despotique, plus il crée un climat de peur qui se transforme en terreur. En même temps, il investit une quantité énorme d’énergie et de ressources dans la censure et la propagande pour maintenir la fiction d’un État juste et libre.

Les gens pauvres de couleur savent intimement comment ces mécanismes jumeaux de peur et de faux espoir fonctionnent comme des formes de contrôle social dans les colonies internes des États-Unis. Ils ont également saisi, comme le reste d’entre nous le fera bientôt, la fiction de la démocratie américaine.

Ceux qui défient résolument l’État seront décapités un par un si on doit en croire l’histoire. Un vain espoir que l’État nous ignorera si nous obtempérons handicapera beaucoup de ceux qui ont déjà été condamnés. “L’innocence universelle,” écrit Soljenitsyne, “entraîna également le manque d’action universel. Peut-être ne vous prendront-ils pas ? Peut-être que tout cela s’évanouira de lui-même.”

“La majorité reste tranquille et ose espérer,” écrit-il. “Puisque vous n’êtes pas coupables, comment donc peuvent-ils vous arrêter ? C’est une erreur !

“L’espoir donne-t-il de la force ou affaiblit-il un homme ?” demande Soljenitsyne. “Si les condamnés de chaque cellule s’y étaient mis à plusieurs contre les bourreaux comme ils arrivaient et les avaient étranglés, est-ce que cela n’aurait pas mis fin aux exécutions plus rapidement que des appels au Comité Central Exécutif de Russie ? Quand on est déjà au bord de la tombe, pourquoi ne pas résister ?”

“Mais est-ce que tout n’avait pas été joué d’avance de toute façon, dès le moment de l’arrestation ?” demande-t-il. “Pourtant tous ceux qui avaient été arrêtés rampaient sur leurs genoux le long du sentier de l’espoir, comme si on leur avait amputé les jambes.”

La résistance au despotisme est souvent un acte solitaire. Elle est effectuée par ceux qui sont dotés de ce que le théologien Reinhold Niebuhr nomme “la folie sublime”. Les rebelles seront persécutés, emprisonnés ou forcés à devenir des proscrits pourchassés, comme Chelsea Manning, Julian Assange et Edward Snowden le sont maintenant. On fera un exemple public de quiconque défie l’État. La punition de ceux qui ont été choisis pour l’attaque sera utilisée pour envoyer un avertissement à tous ceux qui sont tentés par la contestation.

“Avant que les sociétés ne s’effondrent, une telle couche de gens avisés et de penseurs émerge, des gens qui sont cela et rien du plus,” écrit Soljenitsyne à propos de ceux qui voient ce qui se prépare. “Et comme on riait d’eux ! Et comme on se moquait ! Comme s’ils restaient en travers de la gorge des gens dont les faits et gestes étaient bornés et étroits. Et le seul surnom dont on les baptisait était “pourriture”. Parce que ces gens étaient une fleur qui fleurissait trop vite et avait un parfum trop délicat. Et donc on les fauchait.”

“Ces gens,” continue-t-il, “étaient particulièrement désarmés dans leur vie personnelle ; ils ne pouvaient ni se courber sous le vent, ni faire semblant, ni se débrouiller : chaque mot déclarait une opinion, une passion, une protestation. Et c’était juste de telles personnes que la faucheuse coupait, juste de tels gens que la hacheuse déchiquetait.”

Quand je suis retourné dans la salle de presse au New York Times après avoir été renvoyé en 2003 pour avoir dénoncé l’invasion de l’Irak, les reporters et les rédacteurs baissaient la tête ou se détournaient quand j’étais dans les parages. Ils ne voulaient pas être touchés par la même contagion propre à tuer une carrière. Ils voulaient protéger leur statut dans l’institution. Se retirer dans des trous à lapins est la tentative la plus courante pour se protéger.

Les émissions câblées de droite me lynchaient presque à longueur de temps. Bientôt je reçus une réprimande écrite et des remontrances publiques par le journal. J’étais un lépreux.

La machinerie de la sécurité et de la surveillance d’État, l’usage de lois spéciales sur le terrorisme et la suppression des libertés civiles deviennent omniprésents. La noble rhétorique sur la liberté et la réalité des chaînes préparées pour le public créent un réalisme magique. La réalité est bientôt aux antipodes du langage décrivant la réalité. La pseudo-démocratie est peuplée de pseudo-législateurs, de pseudo-tribunaux, de pseudo-journalistes, de pseudo-intellectuels et de pseudo-citoyens. Rien n’est tel que présenté.

Les démagogues, nous rappelle Soljenitsyne, sont des personnes  diminuées et creuses. “Un pouvoir illimité entre les mains de gens limités conduit à la cruauté,” écrit-il.

“La vie générale de la société se résume au fait que les traitres ont été promus et que les médiocres ont triomphé, tandis que tout ce qui était le meilleur et le plus honnête a été piétiné,” observe-t-il. Des ersatz d’intellectuels, des remplaçants “de ceux qui avaient été détruits ou dispersés,” ont pris la place des vrais intellectuels.

“Après tout,” écrit Soljenitsyne, “nous nous sommes habitués à considérer comme courage seulement le courage guerrier (ou le genre de courage qu’il faut pour voler dans l’espace), celui qui fait retentir les médailles. Nous avons oublié un autre concept de courage – le courage civique. Et c’est tout ce dont notre société a besoin, seulement cela, seulement cela, seulement cela !”

Cette sorte de bravoure, il le savait en tant que vétéran de guerre, demande un courage moral qui est plus difficile que le courage physique rencontré sur le champ de bataille.

“Cette désobéissance tranquille, unanime, à un pouvoir qui ne pardonnait jamais, cette insubordination obstinée, douloureusement prolongée, était d’une certaine manière plus effrayante que le fait de courir et hurler sous les balles,” dit-il.

Les arrestations à venir signifient qu’un large éventail d’américains va connaître les violations que les gens de couleur pauvres ont subies pendant longtemps. L’intérêt personnel à lui seul aurait dû générer des protestations considérables, aurait dû rendre la nation plus consciente dans son ensemble. Nous aurions dû comprendre : une fois que les droits deviennent des privilèges que l’État peut annuler, ils seront un jour ou l’autre retirés à tout le monde. Maintenant ceux qui avaient été épargnés vont goûter ce que la complicité avec l’oppression signifie.

“L’image traditionnelle de l’arrestation est aussi ce qui se passe après, quand la malheureuse victime a été emmenée,” écrit Soljenitsyne. “C’est une force étrangère, brutale et écrasante qui domine l’appartement pendant des heures, une force qui brise, déchire, arrache des murs, vide sur le sol des objets des penderies et des bureaux, qui secoue, déverse et met en pièces – entassant des montagnes de détritus sur le sol – et le craquement d’objets piétinés sous les bottes. Et rien n’est sacré dans une fouille ! Pendant l’arrestation du conducteur de train Inoshin, un minuscule cercueil contenant son fils récemment mort reposait dans sa chambre. Les “juristes” renversèrent le corps de l’enfant du cercueil et le fouillèrent. Ils font sortir de leur lit les malades en les secouant, et ils défont les bandages pour fouiller en dessous.

“La résistance,” écrit-il, “devrait avoir commencé juste là, au moment de l’arrestation. Mais elle n’a pas commencé.” Et donc les arrestations de masse étaient faciles.

Et qu’est-ce qui constitue une victoire à partir de ce moment ?

“A partir du moment où vous allez en prison vous devez laisser votre passé confortable fermement derrière vous,” écrit-il. “Sur le seuil même, vous devez vous dire : “Ma vie est terminée, un peu tôt c’est sûr, mais il n’y a rien à y faire. Je ne retournerai jamais à la liberté. Je suis condamné à mourir – maintenant ou un peu plus tard. Mais plus tard, en vérité, ce sera encore plus dur, et donc le plus tôt sera le mieux. Je n’ai plus aucune sorte de propriété. Pour moi ceux que j’aime sont morts, et pour eux je suis mort. A partir de ce jour, mon corps est inutile et m’est étranger. Seuls mon esprit et ma conscience restent précieux et importants pour moi.”

“Face à un tel prisonnier, les interrogateurs trembleront,” écrit Soljenitsyne. “Seul l’homme qui a renoncé à tout peut remporter cette victoire.”

Le dernier volume de la trilogie de Soljenitsyne fait la chronique des soulèvements et des révoltes dans les camps. Ces révoltes étaient impossibles à prévoir.

“Tant d’historiens profonds ont écrit tant de livres intelligents et pourtant ils n’ont pas appris comment prédire ces mystérieuses conflagration de l’esprit humain, comment détecter les sources mystérieuses d’une explosion sociale, pas même comment les expliquer après coup,” écrit Soljenitsyne. “Parfois vous pouvez fourrer fagot après fagot de filasse enflammée sous les buches, et elles ne prendront pas feu. Cependant, au-dessus, une petite étincelle solitaire s’échappe de la cheminée et tout le village est réduit en cendres.”

Comment nous préparer ? Soljenitsyne, après huit ans dans le goulag, répond aussi à cela.

“Ne recherchez pas ce qui est illusoire – la propriété et le statut social ; tout cela est obtenu aux dépends de vos nerfs décennie après décennie, et est confisqué en une seule nuit. Vivez avec une supériorité constante sur la vie – ne craignez pas la malchance, n’aspirez pas au bonheur ; après tout, c’est tout pareil : ce qui est amère ne dure pas pour toujours, et ce qui est agréable ne déborde jamais de la coupe. Cela suffit si vous ne gelez pas dans le froid et si la soif et la faim ne vous tenaille pas les entrailles. Si votre dos n’est pas cassé, si vos pieds peuvent marcher, si vos deux bras peuvent se plier, si vos deux yeux peuvent voir, et si vos deux oreilles peuvent entendre, alors qui devriez-vous envier ? Et pourquoi ? Notre jalousie des autres nous dévore par-dessus tout. Frottez-vous les yeux et purifiez votre cœur – et appréciez par-dessus tout ce qui existe ceux qui vous aiment et vous veulent du bien. Ne les blessez pas ou ne les réprimandez pas et ne vous séparez jamais d’eux dans la colère ; après tout, vous ne savez tout simplement pas : cela pourrait être votre dernière action avant votre arrestation, et c’est comme cela que vous serez imprimé dans leur souvenir !”

Source : Truthdig, le 08/01/2017

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/quand-arrive-la-peur-par-chris-hedges/


Plus de huit cents survivants ou proches des victimes du 11-Septembre portent plainte contre l’Arabie saoudite, par Xavier Ridel

Saturday 1 April 2017 at 00:30

Source : Slate, Xavier Ridel, 21-03-2017

Crédits : Wikimedia 

Plus de 800 proches de disparus ou survivants du 11 septembre 2001 ont porté plainte contre l’Arabie saoudite. Un droit qu’ils ont très récemment obtenu grâce à une loi passée en fin d’année dernière, comme le révèle Buzzfeed.

Cette loi, appelée Justice Against Sponsors of Terrorism Act (Jasta), donne aux victimes ou aux proches le droit de porter plainte contre un État accusé d’avoir aidé des terroristes. Elle avait été abrogée par Obama grâce à son droit de veto. Le président avait affirmé que le décret en question n’améliorait «pas la sécurité des Américains face à des attaques terroristes», mais aussi qu’elle amoindrissait «les intérêts essentiels des Etats Unis». Le Congrès avait néanmoins décidé d’outrepasser ce droit de veto.

Ainsi, les 800 signataires ont fait paraître un document où sont notés les noms de tous leurs proches et de tous les survivants qui portent également plainte contre le pays de la péninsule arabe. Ce dernier est accusé d’avoir su qu’au moins trois des terroristes ayant pris part au 11-Septembre faisaient partie d’al-Qaida, d’avoir gardé cette information secrète, d’avoir financé l’organisation terroriste en question et, enfin, d’avoir eu une relation privilégiée avec Ben Laden.

Double visage

Lire la suite ici  : Slate, Xavier Ridel, 21-03-2017

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Source: http://www.les-crises.fr/plus-de-huit-cents-survivants-ou-proches-des-victimes-du-11-septembre-portent-plainte-contre-larabie-saoudite-par-xavier-ridel/


[Les Décodeurs] L’Orwellisation du Journalisme 2/4 : La Police de la Pensée

Friday 31 March 2017 at 01:30

Suite de notre série finale sur les Décodeurs. Ce billet est assez complet pour prouver la gravité des faits. Afin d’alléger la lecture, j’ai mis quelques passages sous forme “d’annexes”, qu’on peut afficher et masquer en cliquant sur des boutons, façon “spoilers”.

L’Orwellisation du Journalisme

2/4 : La Police de la Pensée

    1. 12/2016 : Quand ta vie bascule à cause d’un tweet…
    2. 03/2017 : L’acharnement destructeur
    3. 12/2016 : la police de la pensée du Monde à la chasse aux « déviants »
    4. La pression sur l’employeur des déviants (!)

1ère partie : quand les Décodeurs ont “raison”

I. 12/2016 : Quand ta vie bascule à cause d’un tweet…

Le 7 décembre, en plein pic de pollution aux particules, mon collègue des Éconoclastes Nicolas Mie.lh.an (je ne mets pas son nom en clair pour éviter les indexations Google), a le malheur de faire ce tweet le 7 décembre :

Une simple carte en temps réel de la pollution en Europe, montrant la forte pollution habituelle en Europe centrale et orientale avec un commentaire de Nicolas sur les “centrales à charbon allemandes”.

Une semaine avant, au pic précédent, la France avait en effet été traversée par un nuage de pollution venu de l’Est – comme cela arrive très souvent, phénomène où ces centrales ont en effet un (petit) rôle.

Nicolas est très engagé dans la protection de la santé en Europe, et dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il travaille énormément sur ces sujets, vraiment énormément. À la rentrée 2016, je me rappelle d’un déjeuner “Éconoclastes” où, très impliqué, il m’avait longuement parlé du rapport du WWF sur les centrales à charbon en Europe – dont a parlé Le Monde en juillet 2016 :

pollution-02

En effet, environ 1 400 Français sont tués tous les ans par les émissions du charbon en provenance des pays voisins :

pollution air particules

C’est donc un vrai problème -sur lequel a même alerté Le Monde. Nicolas est parti en croisade sur ce sujet (comme il le fait aussi en dénonçant le diesel ou le souci de la fausse baisse de nos émissions de CO2…), d’où son tweet du 7 décembre pointant du doigt ce phénomène, qui a une réalité à Paris le 3 et 4 décembre 2016 (jaune pâle) :

pollution air pollution-pays

Mais, pas de bol n°1, la phrase est fausse les jours suivants, la pollution était surtout nationale (vert – mais on n’a eu ces données que plus tard – les passionnés liront ce billet) :

 

pollution air pollution-pays

Ensuite, pas de bol n°2, le tweet de Nicolas a été très fortement tweeté – 2 000 retweets.

Et surtout, pas de bol n°3, les Décodeurs du Monde sont arrivés pour faire la police.

Ils ont fait un article sur le sujet, qui s’en est suivi par une prise de tête entre deux “têtes de pioches” 🙂 , Nicolas (qui a répondu) et Samuel Laurent (qui a re-répondu), querelle dont Internet a le secret – et qui n’a pas grand intérêt à ce stade.

Au final, Nicolas a évidemment reconnu la réalité de la situation :

Le plus formidable dans tout ça, c’est que Nicolas s’est tapé – je n’invente rien – une dépêche AFP le citant, disant que son tweet était donc faux (mais il aurait été bien plus juste d’autres jours dans l’année – vous voyez le souci…), dépêche qui a donc été largement reprise dans des dizaines de grands sites. (L’ExpressSud-OuestLe Point, YahooOrange, Arrêt sur Images…) – citant à chaque fois Nicolas, et œuvrant donc à sa gloire numérique pour très longtemps (pas de droit à l’oubli a priori ici) pour un tweet faux (et sans grand intérêt – on est en lutte contre la pollution que “localement” et partout, il nous faut donc faire tous les efforts possibles à Paris). Viendra ensuite Google dans quelques mois, quand ses algorithmes décideront (ou pas) d’afficher tout ça en gros quand on cherchera son nom. Je rappelle au passage, vu l’importance de Google, qu’il est inadmissible de laisser une société privée vendeuse de pub gérer comme bon lui semble notre image numérique sans rendre de comptes. Bref, on voit les conséquences personnelles et professionnelles que tout ceci peut avoir – et dont ces “journalistes” se fichent royalement… Enfin, sauf quand ils ont un petit bobo à leur propre égo :

C’est vraiment l’hôpital qui se moque de la charité

II. 03/2017 : L’acharnement destructeur

Secundo, les Décodeurs font depuis lors preuve d’un incroyable acharnement envers les Éconoclastes – avec une certaine idée du Droit à l’erreur, qu’ils s’accordent pourtant très souvent.

Quand Marine Le Pen (toujours elle…) reparle du sujet en mars 2017, les Décodeurs du Monde en remettent en effet une couche :

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Tiens, revenons sur Nicolas pour les “trois mois”. On aura aussi ça pour les “six mois”, pour l’anniversaire”, pour le centenaire du tweet ?

Comme si les Éconcolastes étaient une source de Marine le Pen, alors que je rappelle que ce sujet (réel!) de la pollution allemande est un marronnier très répandu qui revient sans cesse… (comme ici en 2014 et ici en 2015…)

Le traitement de leurs petits clones des Décodeurs de Libération avec Pauline Moullot est aussi éloquent de la paranoïa qui se répand :

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Il y a donc ceux qui prennent “le parti du fake” et ceux qui, évidemment à Libération, prennent “le parti de la Vérité”.

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Donc bien sûr, Marine le Pen s’occupe des débats entre Les Décodeurs et les Éconoclastes, qui sont, c’est évident, le centre d’attention du pays…

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Heu, non. Ce n’est vrai que le jour des 2 pics étudiés. Mais en moyenne, dès qu’on n’est plus le nez sur une route, le trafic automobile est une source très limitée (Source : Airparif). Et les pics ne sont pas très importants, ça attire les journalistes, mais le problème est quotidien…

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On remet le couvert pour Nicolas…

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Et c’est là que la paranoïa apparaît : “anti-fact-checking” ?? “blogueur contre fact-checkers” ? Mais je suis au moins autant fact-checkers que la plupart de ces jeunes journalistes parfois incultes et sans déontologie qui peuplent ces rubriques !

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Et zou ! Euh, est-ce à dire que “Marine Le Pen soutient les réseaux sociaux” et donc que quand on lit des articles sur Facebook, on est un nazi ?

Dernier mot sur le “Parti de la Vérité”de Libé ; en décembre, ils ont fait en tout et pour tout 2 articles sur Alep :

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Bref, deux articles sur des sujets qui contrarient la Propagande gouvernementale. Et RIEN sur la propagande dans les grands médias – que de grands journalistes ont pourtant dénoncée…

 

Du coup, mi-mars, les Décodeurs ont même rajouté la mention de la polémique sur la fiche Econoclastes du Décodex :

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“Et c’est pas fini”, le 15 mars, ils en reparlent en conférence publique (à 3’30) :

On notera toujours la même victimisation limite misérabiliste (“on a été très attaqués par les Éconoclastes” – façon “L’Allemagne a été très attaquée par le Luxembourg” quoi…)

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Pourtant, il semble bien y avoir un acharnement contre les Éconoclastes…

En conclusion, on notera que cette méthode n’est pas limitée à ce sujet.

Au moment des élections américaines, Jacques Sapir a fait un tweet où il annonçait dans l’effervescence un résultat erroné dans un tweet du 13 novembre, comme le rapporte Libération (avec mention réglementaire du FN…) :

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Or, Sapir a évidemment corrigé dès le 15 novembre :
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A priori, il semble que ces informations n’aient jamais été reprises sur le site de Sapir, Russeurope. Eh bien, pas de souci, cela figure désormais dans la fiche Décodex du site :

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Ce qui montre bien que le but est bien de s’en prendre aux personnes, et pas seulement aux sites.

Le point assez incroyable en l’espèce est que le responsable des Décodeurs a tweeté (et laisse sciemment en ligne – archive) un de leurs articles où ils annoncent que Clinton a obtenu 6 millions de voix de moins  en 2016 qu’Obama en 2012, ce qui est totalement faux, ils ont obtenu le même nombre…

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Bref :

III. 12/2016 : la police de la pensée du Monde à la chasse aux « déviants »

3-1 Du pouvoir à l’Abus de pouvoir

Mais revenons au mois de décembre, pour observer l’attitude de Samuel Laurent, le “chef” des Décodeurs du Monde.

De manière pour moi très attendue, un tel service de “vérification des faits” par le plus grand journal français ne pouvait qu’aboutir à sa transformation insidieuse en une sorte de Ministère de la Vérité qui prétend dire le Vrai. Et là encore, pour moi, de manière totalement prévisible, un tel Pouvoir – en plus clairement laissé sans cadrage ni même contrôle élémentaire par la Direction du Monde – ne peut que suivre une pente très naturelle le conduisant à se doter au plus vite d’une Police de la pensée. Et toute autorité prétendant dire le Vrai ne peut accepter de voir son autorité remise en question, dans le cas où des personnes persistent volontairement dans l’erreur ? Un tel Pouvoir constitué est donc toujours tenté d’abuser de ses prérogatives.

Or, on a vu que Nicolas a été retweeté par de très grands noms du journalisme français, chez BFM ou aux Échos. Et c’est là que cela devient TRÈS intéressant.

Que les Décodeurs aient indiqué la réalité des faits (“la pollution du 7 janvier ne venait pas d’Allemagne”), c’est très bien.

Qu’ils aient indiqué et ciblé à ce point nominativement Nicolas, je trouve cela vraiment problématique pour les raisons précédemment évoquées. Cela tient au fait que les Décodeurs ont gardé leur mentalité et amateurisme d’origine de petits blogueurs sympas (ils n’étaient pas au Monde au départ). On avait alors affaire à quelques petits jeunes animant un petit blog sans prétention.

Mais ils ont désormais le colossal – et donc destructeur – poids médiatique du Monde. Ils ont désormais entre leurs mains un enjeu qui dépasse la simple vérification des faits : ils jouent avec la réputation des gens, leur carrière et donc leur vie. Jeter leur dignité en pâture à des millions de lecteurs n’est pas sans conséquence : il est donc grand temps qu’ils prennent conscience de cette responsabilité et qu’ils gagnent en maturité dans leur activité professionnelle.

3-2 Les amateurs « déviants »

Une bonne façon d’entrer en matière est d’observer la régulière chasse aux déviants. Voici quelques exemples d’interventions plus ou moins musclées pour faire effacer des tweets faux :

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Il faut noter qu’un élément a déstabilisé les Décodeurs : le remue-ménage suite à l’élection de Trump que les médias n’ont pu “empêcher” malgré tous leurs efforts (sic.), ce qu’a pointé Frédéric Lordon dans une  forte critique à leur encontre dans un billet du Diplo du 22 novembre 2016 qui les a atteints :

“Mais voilà, les Décodeurs recodent sans le savoir, c’est-à-dire, comme toujours les inconscients, de la pire des manières. Ils recodent la politique dans le code de la post-politique, le code de la « réalité », et les désintoxiqueurs intoxiquent — exactement comme le « décryptage », cette autre abysse de la pensée journalistique, puisque « décrypter » selon ses ineptes catégories, c’est le plus souvent voiler du plus épais brouillard.

Le fact-checking qui, épouvanté, demandera dans un cri de protestation si c’est donc qu’« on préfère le mensonge à la vérité », est sans doute ici hors d’état de saisir l’argument qui n’a rien à voir avec l’exigence élémentaire d’établir correctement des faits, mais plutôt avec l’accablant symptôme, après Trump, d’une auto-justification des médias presque entièrement repliée sur le devoir fact-checkeur accompli. Trump a menti, nous avons vérifié, nous sommes irréprochables. Malheureusement non. C’est qu’un Trump puisse débouler dans le paysage dont vous êtes coupables. Vous êtes coupables de ce qu’un Trump n’advient que lorsque les organes de la post-politique ont cru pouvoir tenir trop longtemps le couvercle sur la marmite politique.” [Frédéric Lordon]

Comme quoi Lordon avait vu juste bien avant moi…

3-3 Les journalistes « déviants »

Alors on a vu ci-dessus comment agit la Police de la Pensée quand un simple particulier est dans l’erreur sur Twitter – ça ne rigole pas du tout…

On imagine donc sans peine ce qui va arriver si, cette fois, ce sont de grands journalistes qui dévient. Car Stéphane Soumier, Jean-Marc Vittori et Dominique Seux ont retweeté Nicolas le 12 décembre :

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De nouveau, l’hôpital qui se moque de la charité…

Et le 13, aucune correction n’avait eu lieu – les tweets étant d’ailleurs perdus dans la Timeline de ces comptes..

Dès 6h00 passées, les Décodeurs peuvent intervenir (à 6h37 – observez la fréquence avec les heures) :

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Je remets :

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30 minutes plus tard, aucune réaction (il a des matinées sympa, le gars…) : 1ère sommation :

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2e sommation 16 minutes plus tard :

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Dominique Seux dépose alors les armes et se rend alors sans opposer de résistance – savourez les réponses :

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Le conciliant Vittori répond en demandant une trêve :

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En passant – une relation de Samuel Laurent, Adrien Saumier (tiens, tiens… on en reparlera), apparaît alors dans la conversation :

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Magnifique retour de Samuel Laurent, qui poursuit sa leçon de journalisme à Jean-Marc Vittori (quel calme, il doit être bouddhiste…) :

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Laurent Mimouni, de BFM, n’étant pas du genre à se laisser impressionner par si peu, n’appréciera pas trop à la longue :

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mais ils ne s’apprécient pas trop il faut dire :

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(N.B. il fait référence au cigare de Mimouni sur sa photo de profil…)

Après cette séquence, Samuel Laurent a rédigé un long papier le 13 décembre, comme d’habitude victimaire et moralisateur, que je ne vais même pas commenter : Comment meurent les faits : autopsie de la propagation d’une intox

Ce qui lui a valu une très ferme – et juste sur le fond – réponse de Stéphane Soumier sur son blog le 15 décembre, évidemment excédé (cf. article @si) :

Note à un factchecker, tigre de papier

soummier-1  soummier-2

Cliquer pour agrandir

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S’embrouiller avec Samuel Laurent est un jeu risqué. D’abord parce qu’on a autre chose à faire. Lui les internets c’est son métier, et donc on s’expose à un tir de barrage qu’on a du mal à contrôler.

Mais justement. C’est bien pour dire que je n’ai pas l’intention de céder à cette forme d’intimidation numérique, que je prends le temps d’écrire cette courte bafouille

Ensuite parce qu’on ne suit pas non plus ce qu’il fait de manière obsessionnelle. On en revient au premier point. Et démonter ce qu’il fait prend du temps.

Je l’ai fait une fois dans le détail sur la matière que je maîtrise, le papier est là, mal écrit, brouillon (toujours le premier point…) mais bon l’essentiel y est : Samuel Laurent manipule des chiffres qu’il ne maîtrise pas, son équipe se donne une prétention scientifique sans en avoir ni le temps ni les moyens, il use d’arguments d’autorité qui lui font décider que tel critère est pertinent au regard de tel autre.

Il y a peu, j’éprouvais encore une forme de tendresse, tant ce garçon avait besoin d’amour. Ça crevait les yeux. Mais voilà qu’il est devenu très agressif. Toujours le point 1, les règles des internets changent vite, et nous qui ne faisons qu’y passer ne le percevons pas forcément. Jusqu’à peu, ce qui se passait sur twitter restait sur twitter, il faut croire que ce n’est plus le cas, et Trump valide massivement ces changements, dont acte, stop à la déconnade, il s’agit de tenir son rang. Directeur de la rédaction de BFM business je suis, directeur de la rédaction de BFM business je serai donc dorénavant sur Twitter

Mais là je suis chez moi, et donc, cher lecteur, je vais être grossier. Je m’en excuse, et je vais bien isoler le passage pour que tu puisses le sauter allègrement sans avoir à subir ce règlement de compte. Donc…

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Samuel Laurent, je lis que tu me dénies le droit de diriger une rédaction parce que j’ai eu le malheur de me marrer deux secondes avec tes nuages ? Mais vas te faire voir, pauvre tanche ! Tu as senti l’odeur d’un trou d’obus une fois dans ta vie ? Tu as goûté les larmes d’un gars dont on vient d’abattre le fils ? Tu as mordu l’acier d’un flingue brandi par un pauvre type aux yeux perdus ? Tu as senti tes tripes se vider parce que des émeutiers de banlieue t’avaient repéré ? Je l’espère pour toi. Tu sais alors qu’à ce moment, on n’a plus de leçon à recevoir de personne quand il s’agit de savoir ce qu’est une information, une vraie, et le prix qu’elle peut coûter

Fin du paragraphe.

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Revenons à nos moutons du fact-checking : mon cher Samuel, va dans une bibliothèque, va lire Deleuze, Foucault, va comprendre qu’une information est une collection de mots d’ordre. Qu’est-ce que ça veut dire ? Que le choix de ton sujet est un biais (pollution, centrales, nucléaire. Pas de nucléaire ? mais bien sûr que si, c’est le sous-jacent de toute cette histoire sans importance) que le choix de tes experts est un biais, que la façon dont tu rédiges est un biais, et que ces biais marquent l’ordre social que tu défends. Et oui, j’en défends un autre.

Ce « post fact era » dont les jeunes urbains progressistes nous rebattent aujourd’hui les oreilles, n’est rien d’autre qu’un ordre social qui se transforme et je t’assure que dans l’ensemble des « mensonges » de Trump factcheckés par tes confrères américains, j’ai vu moi bien souvent des faits qui témoignaient simplement d’un autre angle de vue

Un bon élève de terminale devrait savoir ça, d’où les #culottescourtes

Tu as sans doute raison sur tes particules, mais ton premier papier était justement truffé de biais de présentation, et ton contradicteur les mettait en lumière. Ce qui, je l’avoue, m’a fait marrer. Un pauvre tweet et deux échanges de conversation ? ça fait léger, non, pour déclencher le tir de barrage que tu m’as infligé ?

Tu as forcément suivi la polémique autour du livre de Cahuc, elle dit tout des doutes permanents que l’on peut avoir sur les chiffres. Que les plus éminents experts s’affrontent, non pas sur les chiffres eux-mêmes, mais déjà sur la pertinence de leur utilisation, sur le fait qu’ils suffisent, ou pas, à valider une thèse politique, tout cela ne te fais pas réfléchir sur ta théorisation à l’emporte-pièce du « journalisme non spéculatif » ?

Trump a été élu camarade. Et plus le mainstream journalistique redressait ses erreurs, plus il gagnait en popularité. C’est la faute à Facebook ! c’est la faute à Google ! ben voyons. Et l’orgueil de jeunes urbains progressistes qui ont décidé le vrai du faux, ça n’a joué aucun rôle ?

Je crois que si. Alors je continuerai, moi, à tenter simplement de raconter ce qui se passe. A savoir qu’une information est le produit de ce qui nous produit, à s’efforcer de corriger cela par la rigueur, le travail et l’honnêteté. C’est déjà un beau boulot. Il vaut largement le tien. La vérité est une autre affaire.

Fin de l’affaire – éloquente pour la suite…

On notera enfin que la journée du 13 décembre aura bien été chargée en Tweets pour Samuel Laurent – dur labeur que “journaliste” au Monde désormais :

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Bref :

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IV. La pression sur l’employeur des déviants (!)

Très brève partie. Mais très importante. Parce que quand le déviant résiste, il faut passer en force – et là, tous les moyens semblent bon à la police du Monde (Source) :

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Déontologique, hmmm ?

Et cela se confirme, quand attaqué par Sapir, Samuel Laurent annonce qu’il va saisir l’EHESS, son employeur :

Bref, une certaine idée du “journalisme”…

Ainsi se termine cette première partie, fondée essentiellement sur un cas où ils avaient raison (le tweet de départ était factuellement erroné ce jour-là).

Il va donc être très intéressant de voir ce qu’il se passe quand ils ont tort – mais nous prendrons avant du recul dans le prochain billet…

P.S. merci de rester courtois dans vos commentaires ; sinon ils seront tronqués ou supprimés…

Source: http://www.les-crises.fr/les-decodeurs-l-orwellisation-du-journalisme-1-la-police-de-la-pensee/