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Hypocrisie sur le prétendu “piratage” russe, par Michael Brenner

Sunday 12 March 2017 at 00:40

Source : Consortium News, le 30/12/2016

Le 30 décembre 2016

Pendant que les fonctionnaires de Washington enragent sur un prétendu piratage russe des courriels du Parti démocrate, on a oublié la façon dont le gouvernement des États-Unis a initié les tactiques de cyberguerre et attaqué des pays sans méfiance, rappelle Michael Brenner.

Par Michael Brenner

Le psychodrame sur le prétendu mais non étayé piratage russe des courriels du Parti démocrate pour influencer les élections présidentielles américaines n’a pas encore atteint son paroxysme. Cependant, il a déjà été désigné comme le travail de fiction le plus surréaliste et passionné du XXIe siècle.

Dans toute l’excitation, il est facile de perdre toute mesure. Peut-être le plus grand morceau de l’histoire cachée est le rôle pionnier du gouvernement des États-Unis dans la surveillance électronique et le piratage. Il semble que nous ayons oublié que l’Agence de Sécurité Nationale (NSA) et l’Agence Centrale du Renseignement (CIA) écoutaient des chefs d’État en Allemagne, au Brésil, en Argentine, en Irak, au Venezuela – et, pour finir, plusieurs autres capitales. En outre, le Secrétaire général des Nations Unies, le Président de la Commission de l’Union européenne, la Banque centrale européenne et Dieu sait qui d’autre.

Le président Barack Obama et l’ancien président George W. Bush (avec la première dame Michelle Obama et l’ancienne première dame Laura Bush) se rendent à un événement de la Maison-Blanche le 31 mai 2012. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Chuck Kennedy)

Ce n’était pas une coïncidence. Cela faisait partie d’une stratégie calculée, approuvée par deux présidents successifs pour surveiller toutes les communications électroniques à travers le monde. L’auteur James Bamford et d’autres experts bien informés nous ont fourni un historique détaillé du programme.

Pourtant, les États-Unis – tels que nous les ont présentés les médias dominants et la plupart des commentateurs reflétant la version officielle de Washington – nous sont présentés innocents au milieu des principaux protagonistes. Le scénario présente l’Amérique comme la victime d’une cyber-agression non provoquée par les Russes et, dans d’autres circonstances, par les Chinois – ces attaques sortant de nulle part, une attaque dans une compétition présumée pour la domination mondiale entre les puissances.

Est-ce que tout cela est vrai ? Franchement, nous n’en avons même pas vu la preuve. Mais supposons qu’il y ait un élément de vérité (en laissant de côté l’absurdité d’un complot du Kremlin pour manipuler puis détruire la démocratie américaine).

Sur l’offensive

Rappelons-nous que ce sont les États-Unis qui ont lancé les premières cyber-attaques – il y a quelques années par la NSA. Cette histoire est détaillée dans les documents de Snowden dont l’authenticité n’a jamais été mise en doute. Nous avons réussi à infiltrer les réseaux informatiques de plusieurs organismes gouvernementaux chinois et de particuliers. Nous nous sommes vantés de notre succès dans les communications intra-gouvernementales. Ces événements se sont produits à une époque où les documents connexes maintenant dans le domaine public révélaient l’ambition de la NSA de puiser dans tous les réseaux de communications électroniques dans le monde, et a établi un programme pour atteindre cet objectif.

Le lanceur d’alertes de la NSA Edward Snowden parlant à Moscou le 9 octobre 2013. (D’après une vidéo publiée par WikiLeaks)

Simultanément, les États-Unis étaient en train de lancer des agressions offensives contre l’Iran. Les cibles comprenaient non seulement leurs installations de recherche nucléaire mais aussi les centres sensibles de l’industrie pétrolière et gazière. Ce sont des actes de guerre. Pourtant, il n’y a jamais eu de mandat d’un organisme international pour cela, pas plus qu’un casus belli. Nous l’avons fait en collaboration avec les Israéliens parce que nous avions décidé unilatéralement que l’agression était dans notre intérêt national. Maintenant, nous sommes indignés que d’autres fassent ce que nous avons fait. C’est de l’hypocrisie répugnante. Ce n’est pas très brillant. Car les premières actions firent penser de manière insouciante que les États-Unis auraient toujours l’avantage ; par conséquent, l’établissement de normes et de règles était inutile et malvenu. La même logique a opéré en ce qui concerne les drones et les assassinats ciblés.

Les conditions ont maintenant changé et les États-Unis sont maintenant vulnérables aux attaques. L’option de négocier des règles internationales et peut-être des règlements formels est en train de disparaître. Nous devrons vivre avec le désordre chaotique que nous avons créé.

Quelle que soit la réflexion que la NSA a menée sur le sujet (et peut-être d’autres agences), celle-ci affiche une mystérieuse ressemblance avec l’attitude du général Curtis LeMay de l’armée de l’air à l’égard de la stratégie nucléaire : l’accentuation de la provocation parce qu’elle jouait à notre avantage ; défense uniquement sous la forme de “représailles massives” ce qui – pour Lemay – a été la couverture stratégique pour la première frappe massive ; et la conviction qu’il s’agissait d’un jeu inévitable à somme nulle joué pour les plus hauts enjeux. En d’autres termes, la stratégie du cowboy. Et c’est la pensée stratégique du cowboy qui a régné dans la NSA.

Armée cybernétique

L’article le plus révélateur à ce sujet est apparu dans WIRED en juillet 2014 par James Bamford. Le général de l’armée Keith Alexander, qui a été directeur de la NSA de 2005 à 2014, a révélé toute la portée de son ambition. Voici quelques-unes des citations les plus remarquables de l’article : « Pendant des années, le général américain Keith Alexander a amassé une cyber-armée secrète. Maintenant, il est prêt à attaquer. … Les forces d’Alexandre sont formidables – des milliers d’espions NSA, plus 14 000 cyber-soldats. … Une chasse décisive pour déceler les failles cachées de sécurité mûres pour l’exploitation.

Le général Keith Alexander, ancien directeur de l’Agence de sécurité nationale.

Les plans comprenaient une doctrine “d’alerte d’attaque” appelant à des cyber-représailles massives contre quiconque lancerait une attaque stratégique sur des ordinateurs US sensibles. Son nom de code était « MonsterMind ». Mais les préparatifs de la Grande Cyber Guerre ne laissaient évidemment pas le temps de tracer les plus petites attaques (comme le prétendu piratage des courriels du Parti démocrate) ou bien son radar était très défectueux.

[Voir également THE INTERCEPT du 10 octobre 2014, “Secrets d’État: Saboteurs de la NSA en Chine et en Allemagne” par Peter Maass et Laura Poitras.]

Michael Brenner est professeur de relations internationales à l’Université de Pittsburgh.

Source : Consortium News, le 30/12/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: https://www.les-crises.fr/hypocrisie-sur-le-pretendu-piratage-russe-par-michael-brenner/


[Post-Démocratie] #Présidémentielle 2e Tour : Fillon victime d’un putsch médiatique ? (2/2)

Saturday 11 March 2017 at 06:40

Suite du billet sur l’action des médias  dans la Présidémentielle 2017.

Sommaire

  1. François Fillon est présumé innocent
  2. La deuxième couche du journal Le Monde
  3. Une affaire bien plus complexe qu’il n’y parait
  4. Un système
  5. >Le bal des hypocrites (RECOMMANDÉ)
  6. Une insupportable immixtion de la Justice dans la Présidentielle
  7. Une stratégie dangereuse, comme pour Clinton
  8. >Épilogue

6 février 2017, 2e tour de la Présidentielle Médiatique : Le Monde tente de couler Fillon

Après avoir traité du cas Hollande, venons-en à “l’affaire Fillon”.

Tout le monde sait ce que je pense du programme économique de François Fillon (Lire ces billets :  ici, ou  :  “S’il applique un tel programme, j’ai bien peur que l’on s’aperçoive qu’il allait bien au delà de ce que pouvait supporter le corps social de la France”).

Je pourrais donc probablement trouver 20 bonnes raison de ne pas voter Fillon – que je ne soutiens en rien (je ne soutiens personne d’ailleurs, que chacun vote bien comme il veut. J’estime par ailleurs que personne n’a à vous dire pour qui vous devez voter).

Mais au delà des désaccords politiques, il y aussi des principes Républicains, dont un certain nombre semblent sérieusement mis à mal dans cette histoire. Je me permets donc de jeter quelques idées sur ce sujet, pour en discuter avec vous…

1. François Fillon est présumé innocent

François Fillon est présumé innocent : c’est un principe juridique de base, fondamental pour la préservation des justiciables .

Les électeurs sont libres de se faire une opinion, et d’en tirer les éventuelles conséquences qu’ils jugent utiles, surtout d’un point de vue moral. Mais tant que M. Fillon n’est pas condamné, tout un chacun devrait, à mon avis, s’efforcer de garder à l’esprit qu’il reste innocent. Car si à la fin, comme on le verra, il est blanchi, que ferons-nous ? On recommencera l’élection ?

(soit dit en passant, j’ai constaté un autre manque de déontologie : la photo des enfants de M. Fillon diffusée par les JT, avec insistance. A quoi ça sert ? Qu’on les cite, je comprends, mais qu’on les montre… ?)

2. La deuxième couche du journal Le Monde

Il est important au regard des principe démocratique qui nous sont chers que nous connaissions les grandes lignes de l’affaire – merci au Canard enchainé de l’avoir sortie – pour que les électeurs puissent décider si ces informations les incitent à modifier ou non leur vote.

Mais tout de même, il y a un secret de l’instruction à respecter, qui est là afin de protéger les individus mis en cause. C’est un autre principe républicain.

Bien sûr, les journalistes ne sont pas soumis à ce secret. Mais enfin, cela commence à poser de vraies questions quand on a affaire à de telles violations, aussi rapides (moins d ‘une semaine !) et qui ne peuvent venir que de l’administration ! (juges, procureur, policiers ?) :

Vous notez que ce sont les deux mêmes journalistes du Monde que pour le livre sur Hollande :

Journalistes, certes d’investigation, mais en l’espèce qui sont surtout connus pour être la bonne boite à lettres quand vous voulez faire sortir des choses compromettantes sur quelqu’un…

Regardez cette réaction :

Parce que le problème là-dedans, c’est que les journalistes montrent ce qu’ils veulent des PV de Fillon (comment on contrôle ce qu’ils ont tu ?), et qu’ils n’ont que ce que leur source Fillonophobe leur a donnée – rassurez-vous on ne vous a pas parlé des pièces que Fillon aura produite montrant que sa femme a travaillé (au moins un peu) pour lui.

3. Une affaire bien plus complexe qu’il n’y parait

Cette histoire est présentée comme une simple affaire classique “d’emploi fictif” ou “d’abus de biens sociaux”.

Mais, si du point du vue morale il n’y a pas trop de question à se poser, juridiquement en revanche il se dégage de multiples interrogations très complexes, et aux solutions incertaines. (Je détaillerai dans le billet suivant.)

Pour synthétiser le point qui me semble être le plus important, le principe est que l’Assemblée accorde à chaque député 9 500 € par mois pour salarier jusqu’à 5 collaborateurs, à lui de fixer comme bon lui semble le nombre et le salaire (plafonné à 4 700 €pour les membres de la famille). Avant 2012, le député pouvait même récupérer une partie des crédits non dépensés. (Sources : ici, ici et ). Et qu’il n’y a aucun contrôle de réalisé par l’Assemblée, le député étant vu comme une sorte de PME qui se gère en autonomie… Dans l’affaire Fillon se pose alors la question  suivante : qui est la victime ? Est-ce Fillon ou l’Assemblée ?

Jusqu’à quel point l’emploi de Mme Fillon était il fictif ? Peut-on prouver qu’elle ne faisait strictement rien pour son mari – elle est avocate tout de même. Jamais de discours, jamais de discussions stratégiques, jamais de conseils ? Certes, ils semblent chers payés à l’heure, mais on voit bien la complexité juridique de la chose et surtout la difficulté de rapporter des preuves indiscutables.

4. Un système

Je ne cherche en rien à défendre François Fillon, j’essaie simplement de prendre du recul.

Car le vrai problème c’est que le cas Fillon n’est en rien marginal. Sans doute a-t-il beaucoup tiré sur la corde, mais beaucoup de députés n’ont pas un comportement vraiment probe sur ce point, il semble que ce soit une coutume officieuse à l’Assemblée…

L’ancien directeur de campagne de Fillon l’a d’ailleurs balancé – sans que ça n’intéresse trop les médias :

C’est un problème de fond : on ne fait pas le ménage, et de temps en temps on prend un type qui abuse, en l’érige en bouc-émissaire, et tout le monde lui tape dessus, oubliant que beaucoup d’autre sont dans la même situation…Depuis le début de l’affaire Fillon, avez-vous vu des enquêtes sur les autres parlementaires qui ont embauché leurs proches ?

Ce n’est pas ce qui manque pourtant – Médiapart a relevé en 2014 que 115 députés sur 577 (soit 20 %) avaient embauché un de leur proche comme assistant ! Après l’affaire Fillon, l’Assemblée en a publié la liste.

Bien entendu, c’est une enquête essentiellement  basée sur les patronymes. On comprend donc que si on rajoute les enfants du conjoint, les neveux, les cousins, on arrive à plus. Et encore plus avec les concubines. Et je ne parle même pas des maitresses. Avec tout ça on doit bien être à 40 à 50 %. Et si je rajoute les enfants d’amis proches ou riches ou influents pour la réélection…

Bref, on a bien un système. Attention, système où la plupart des emplois ne sont pas fictifs ; mais sont-il alors réellement payés au juste prix ? On peut en douter.

5. Le bal des hypocrites

J’avoue que ce qui m’a donné envie d’écrire ce billet, c’est ceci : Bruno Le Maire faisant défection à Fillon (présumé innocent) pour appeler à voter Juppé (condamné pour des emplois fictifs)

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C’est déjà très fort.

Surtout quand on pense qu’on nous a vendu pendant des mois un duel Juppé (condamné pour emplois fictifs) contre Sarkozy (dont la probité n’est plus à démontrer…)

Après, il y a mieux. Qui est au courant de ceci ? (Merci Médiapart)  :

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Ca gagne bien “artiste-peinte” à l’Assemblée…

C’est beau non ?

La Députée LR Laure de la Raudière – proche de Bruno Le Maire – a également su se dresser avec courage contre le népotisme…

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C’est beau…

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M. de La Raudière : de la forêt du Centre à la jungle politique…

Mais les centristes ne sont pas en reste ! Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI – qui soutenait (le condamné) Juppé, a lâché Fillon  :

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Un vrai Juste ce Lagarde :

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Aude Lagarde est simplement juriste à la base… Heureusement qu’elle a choisi la politique (élue à 18 ans – elle en a 40) pour faire fortune servir l’intérêt général (Sources ici, ici et ).

En tout cas, n’ayez crainte pour sa baisse de revenus, en mars 2015, Aude Lagarde a été élue conseillère départementale dans le canton de Drancy.

Il est d’ailleurs grand temps de limiter à 15 ou 20 ans les carrières politiques.

 

Le député centriste Yves Jégo soutient lui aussi Bruno Le Maire :

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C’est beau…

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On appréciera le fait que, EN PLUS d’être député, il touche environ 60 000 € en continuant d’être avocat… (et c’est bien connu qu’on paye un avocat député pour la seule pertinence de ces analyses juridiques, acquises dans des centaines d’heures d’analyse de la jurisprudence…).

Le député centriste Rudy Salles – tiraillé par l’éthique –  a aussi lâché Fillon (l’écouter ici soutenir Juppé) :

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C’est beau :

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Mais je m’en voudrais de ne pas parler du député Thierry Solère, qui a été chargé d’organiser la primaire de la Droite. Soutien de Bruno Le Maire à la primaire, Fillon l’a ensuite pris comme un de ses portes-parole. Le 3 mars il a lâché Fillon, avant de le soutenir 3 jours plus tard :

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Le 15 février 2017, le Canard enchaîné a pourtant révélé que Thierry Solère était visé par une enquête préliminaire pour omission de payement d’impôts sur le revenu entre 2010 et 2013.

Bref, c’est beau :

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Ah, vous notez qu’il touche, en tant que député, 12 000 € par mois d’une entreprise spécialisée dans le traitement des déchets, pour des activités de conseil.

Notez autre chose. Il n’est embauché par Chimirec que depuis 2014. Cela l’a obligé à refaire une déclaration, ci-dessus (Source). Sur l’ancienne, un an avant (Source), on a ceci :

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Il a donc été en charge du lobbying chez Alliapur (de 2003 à 2012 – société spécialisée dans le recyclage de pneus usagés fondée en 2003 par les principaux grands producteurs de pneumatiques) puis chez Deloitte pour 250 000 € par an – alors qu’il était à l’époque suppléant du député Baguet. Élu en 2012 à l’Assemblée (il a battu claude Guéant de 334 voix), il démissionne alors de ses fonctions. La société Alliapur fut aussi l’employeur de Mme Solère avant qu’elle ne rejoigne son mari – elle y a exercé pendant plusieurs années le rôle de chargée de communication.

Ce qui est très intéressant, c’est que le PDG d’Alliapur, donc l’ancien patron de M. Solère, était Eric Fabiew. Et qu’il est mariée à Isabelle Fabiew. Isabelle Fabiew, qui a été embauchée comme assistante parlementaire de Thierry Solère comme vous le voyez ci-dessus…. Ca ne compte pas comme conjoint ou maitresse (enfin, j’espère…), mais vous voyez que c’est un système qui est très loin d’être sain…

Pièces à convictions s’est d’ailleurs intéressé au cas de M. Solère :

Bref (VSD, 11/12/2014) :

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0 intervention en Commission en un an à l’Assemblée, pas mal du tout…

Bon, je vous épargne :

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Un mot quand même sur :

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[Non, non, sa femme n’est pas assistante parlementaire – elle est directement payée par le Grand Capital elle… :)]

Hmmm, j’imagine en revanche qu’on en est parfaitement digne quand on donne la légion d’honneur au ministre de la police saoudienne qui pourchasse les homosexuels pour les décapiter… On peut étudier de près les 300 députés PS d’ailleurs ?

Du coté de chez Macron, c’est pas mal aussi découvrons le député PS Florent Boudié :

C’est beau tous ces gens qui bossent à 170 %. La politique est vraiment un sacerdoce.

Sans même parler de :

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Bref, comme on le voit, Fillon n’est pas blanc, mais c’est un bouc émissaire un peu facile, non ?

Et puis d’ailleurs, nous avons aussi notre part de responsabilité : ce système est évidemment pousse au crime, et nous le laissons perdurer. Autant partir en vacances en laissant sa maison grande ouverte, et se plaindre d’avoir été cambriolé un mois plus tard…

6. Une insupportable immixtion de la Justice dans la Présidentielle

Soulignons, bien évidemment, l’incroyable immixtion de la Justice dans la Présidentielle.

Le calendrier est d’ailleurs stupéfiant :

Bien entendu, il ne s’agit pas de dire que la Justice ne doit pas enquêter, mais enfin, il est évident que, si elle doit agir avec indépendance, elle doit aussi agir avec équité.

Je rappelle que les travaux parlementaires ont pris fin le 23 février, pour ne pas interférer avec la Présidentielle.

Il me semble évident que, sauf crime ou urgence, la Justice doit en faire autant pendant 2 mois – il est quand même bien difficile de voir une urgence absolue à cette affaire dont on a compris les grandes lignes. Je ne sais pas s’il faudrait formaliser une telle “trève judiciaire”, mais le bon sens républicain demande à mon sens aux juges de ralentir leur rythme pour respecter le temps du débat démocratique – qui a été complètement préempté par leurs actions, comme on le constate.

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Je rappelle au passage – par pur populisme – qu’il y a 20 000 personnes en prison qui attendent leur jugement (+ 3 000 en 2 ans) – et que des moyens pourraient être redéployés pour ces personnes là qui attendent des mois qu’un juge ait le temps de s’occuper de leur affaire.

J’avoue avoir été peu étonné quand L’Obs (groupe Le Monde) a lancé une campagne expliquant qu’une trêve judiciaire serait non démocratique et même “dangereuse” !

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Bref, pour Lémédias, la “Démocratie”, c’est par exemple de pouvoir mettre en garde en vue Jean-Luc Mélenchon pour tapage nocturne à 6h00 du matin le jour du scrutin j’imagine… Sérieusement, les juges sont allé perquisitionner chez lui la semaine dernière – mais ils cherchent au moins le corps d’une gamine ou quoi ? Ce ne pouvait VRAIMENT pas attendre 2 mois ?

Et ce pour une histoire vieille de très nombreuses années ? Mais qu’a fait la presse depuis VINGT ans ? On parle d’emplois entre 1998 et 2007 ! Personne n’a songé à enquêter sur les revenus du Premier Ministre pendant 5 ans ? Et ça se pense contre-pouvoir…

Dans ces conditions, je comprends mal pourquoi Fillon a joué le jeu de cette mascarade, et a accepté d’aller se faire mettre en examen la semaine prochaine, alors qu’il a une immunité de député. Il a un tempérament sacrificiel quand même ; il ne protège même pas la fonction présidentielle en prenant le risque d’être un Président mis en examen pendant 5 ans. C’est comme quand il a dit “Je me retirerai si j’étais mis en examen” – à l’instant où j’ai entendu ça, j’ai pensé qu’il le serait alors probablement au bout de quelques semaines. Un naïf quand même ce Fillon…

Lisez cet incroyable communiqué du Syndicat de la Magistrature (ici et ) :

L’égalité de tous devant la loi n’est pas un vain principe […]  les responsables politiques sont soumis, comme tous les citoyens, aux dispositions législatives, qu’ils ont, pour certains, contribué à écrire. […] ni la Constitution ni aucune loi ne prévoit – heureusement – ce que d’aucuns nomment une “trêve judiciaire”.

Comment pourrait-on accepter que des candidats à une quelconque élection soient préservés de toute enquête, du seul fait de leur candidature, s’ils sont soupçonnés d’avoir commis une infraction ?

Mais les candidats à la présidentielle à 3 mois du scrutin ne sont PAS des personnes comme les autres. Les juges peuvent enquêter. Après, dans les trois mois de campagne, on pourrait accepter qu’il n’y ait ni convocation ni perquisition ni mise en examen, si on n’est pas en matière criminelle.

Dans sa mise en cause de l’institution judiciaire, François Fillon franchit un nouveau palier. Avant-hier à l’occasion de l’annonce de sa convocation par trois juges d’instruction, il défigurait l’Etat de droit et la démocratie. Dans la foulée, il en appelait au peuple contre la justice, organisant ce dimanche une manifestation aux airs de coup d’État.

PARDON ?

La vision de l’Etat de droit qu’il nous propose est toute personnelle : il s’agirait d’un système dans lequel un responsable politique ne devrait répondre que devant ses électeurs et non, comme tout un chacun, devant l’autorité judiciaire pour les infractions qu’il est susceptible d’avoir commises. L’Etat de droit se satisferait de cette impunité.

PARDON ?

François Fillon a raison sur une chose : la démocratie est « violemment percutée ». Elle l’est quand un ancien Premier ministre, aspirant à la présidence de la République, intimide et discrédite l’autorité judiciaire et appelle le peuple à se lever contre elle.

PARDON ?

7. Une stratégie dangereuse, comme pour Clinton

Dernier point. Je vois beaucoup de personnes se réjouir des soucis du candidat de la droite. Moi, je trouve ça dangereux ; les idées politiques qu’on n’aime pas doivent se combattre par d’autres idées politiques – et on ne manque pas de débats possibles avec le programme Fillon.

Pourtant beaucoup de médians semblent pousser pour avoir une élection Macron / Le Pen.

Or, c’est exactement, je le rappelle la stratégie qui a été suivi par le parti Démocrate américain à la dernière élection, comme Wikileaks l’a montré (Source) :

Leur but était de favoriser des candidats “Joueurs de flute” (“Pied piper candidates”) pour ennuyer les leaders républicains, voire pouvoir être battu facilement. Et Trump était sur cette liste “à promouvoir”…

Nous sommes dans une période ou les plans machiavéliques peuvent vraiment déraper, désormais. Personne ne sait comment réagira un électorat de Droite qui pensera que son candidat n’a clairement pas perdu “à la loyale” – certaines vengeances pouvant être douloureuses….

8. Épilogue

Je ne cherche à influencer personne, j’avance des idées pour en débattre – car cela me semble important.

Votez bien pour qui vous voulez (même Macron – après tout, si j’étais milliardaire, je voterais peut-être pour lui moi aussi…) – je m’en moque, de toutes façon c’est Bruxelles qui décide à la fin. 🙁

La morale de l’histoire est pour moi qu’il faut des réformes drastiques : limitation des mandats dans le temps, interdiction de cumuler un mandat de parlementaire avec n’importe quoi d’autre, interdiction au parlementaire de choisir ses assistants  (Le Parlement recrute et affecte, comme la DRH d’une entreprise), inéligibilité à vie en cas de corruption, etc.

Mais le rôle de la presse – qui s’éloigne de plus en plus d’une attitude éthique indispensable à la Démocratie pose vraiment question.

Surtout pour le groupe Le Monde – dont les principaux actionnaires sont engagés derrière un candidat.

Alors, du coup, je me demande en fait si Le Monde ne serait pas en fait un candidat officieux à la présidentielle ; et, si oui, s’il pourrait nous donner son programme, qu’on puisse se décider en toute connaissance de cause…

Source: https://www.les-crises.fr/post-democratie-presidementielle-2e-tour-apres-hollande-lemedias-elimineront-ils-fillon/


[Affaire Fillon] Querelles juridiques + Exemple de traitement journalistique

Saturday 11 March 2017 at 06:30

Pour ceux qui aiment le Droit, voici quelques débats juridiques très intéressants sur l’affaire Fillon. Que les spécialistes n’hésitent pas à réagir en commentaire…

I. Vision de Philippe Auberger (LR) Ancien rapporteur général du Budget à l’Assemblée Nationale

Vers un coup d’État Institutionnel ?

Pourquoi l’ouverture d’une information judiciaire contre X, qui vise en fait M. et Mme. Fillon et leurs enfants ne peut prospérer ?

Le Parquet national financier (PNF) a déci dé d’ouvrir une information judiciaire pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel, trafic d’influence et manquement aux obligations de déclaration à la Haute Autorité sur la transparence de la vie publique ». Je note que dans cette incrimination il n’est nullement question d’emploi fictif.

1° Détournement de fonds publics.

Il n’y a pas eu de détournement de fonds publics : pour qu’il y ait détournement, il faut que François Fillon ait pu librement disposer de ces fonds, ce qui n’est pas le cas. Les fonds destinés à rémunérer les assistants parlementaires sont des fonds budgétaires : l’Assemblée Nationale les vote sous le titre 1 « Pouvoirs publics » dans la loi de Finances. Elle en a ensuite la libre disposition et elle seule. Elle décide de l’utilisation de ces crédits, selon ses propres règles dont elle assure elle-­‐même le contrôle. Elle paie les crédits, sur les indications du député qui choisit librement ses assistants parlementaires. Jamais ces fonds ne sont détenus, à aucun moment, par le parlementaire lui-­‐même.

Ces  fonds ne sont pas des « fonds publics », au sens de la législation budgétaire et financière. Ces fonds ne sont pas soumis aux règles de la comptabilité publique, ils ne sont pas payés par un agent comptable public (le payeur de l’Assemblée n’appartient pas à cette catégorie) et leur emploi ne relève pas du contrôle de la Cour des Comptes. Les comptes de l’Assemblée Nationale font l’objet d’un examen annuel d’une Commission des Comptes ad hoc au sein de l’Assemblée.

Dès lors, on ne peut parler ni de détournement, ni de fonds publics, l’incrimination de détournement de fonds publics ne résiste pas à l’analyse juridique, ni même celle de recel.

Il n’y a aucune possibilité pour l’institution judiciaire de contrôler l’emploi de ces fonds, du fait de la séparation des pouvoirs, pouvoir parlementaire d’une part, pouvoir judiciaire d’autre part : c’est au Bureau de l’Assemblée Nationale de fixer les règles d’utilisation des crédits, c’est à lui et à lui seul d’en contrôler l’application. C’est un principe constitutionnel. Ces règles s’imposent à tous, y compris à l’Autorité judiciaire.

La situation est très différente d’une situation d’emplois fictifs comme l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris : en effet dans ce dernier cas, les règles de la comptabilité publique s’appliquent, les sommes sont versées par un comptable public et le contrôle est assuré par la Chambre régionale des Comptes.

Il n’y a qu’un cas où, à ma connaissance, la justice pourrait être saisie : si le Bureau de l’Assemblée Nationale décidait de porter plainte pour escroquerie, ce qui n’est manifestement pas le cas ici.

2° Trafic d’influence et manquement aux obligations de déclaration.

Cela vise, à ma connaissance, les activités de conseil que François Fillon a pu exercer dans un passé récent. Saisi par les députés écologistes, le Médiateur de l’Assemblée Nationale, qui est chargé par le Bureau de l’Assemblée des problèmes de déontologie, vient de répondre aux intervenants qu’il avait examiné soigneusement le dossier et qu’il n’y avait aucun manquement au regard de la législation sur les conflits d’intérêt (rappel : législation dite Cahuzac !). Dès lors comment les juges d’instruction pourraient-­‐ils déclarer le contraire ?

3° Abus de biens sociaux et recel.

Il s’agit, à ma connaissance, de l’affaire dite « de la revue des Deux Mondes ». La revue des Deux Mondes est, depuis des lustres, la propriété d’une personne physique. Dans ce cas, elle peut exercer librement cette propriété et salarier qui elle veut, quand elle veut, sans que l’on puisse parler d’abus de bien social ou de recel.

Conclusion.

Sur la base des faits connus, la Justice ne dispose d’aucun moyen juridique pour mettre en examen M. et Mme. Fillon. Si elle avait ces moyens, elle aurait fait une citation directe en correctionnelle au lieu de faire trainer ’affaire à loisir, de mobiliser trois juges d’instruction et de manipuler l’opinion publique à coup de communiqués de presse.

Ce qui est plus grave, c’est qu’elle est encouragée dans cette manipulation par le Garde des sceaux, lequel était auparavant Président de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale et à ce titre gardien de notre Constitution et du Règlement de l’Assemblée ; or il sait parfaitement que l’Assemblée est totalement libre de l’utilisation des fonds budgétaires qu’elle vote et que l’Autorité judiciaire n’a aucun pouvoir de contrôle en ce domaine. Il s’agit en définitive d’une opération délibérée d’instrumentalisation de la Justice, afin de perturber gravement la campagne présidentielle de celui qui a obtenu le soutien de millions d’électeurs lors de la primaire de la droite et du centre. C’est une atteinte insupportable à l’exercice libre et démocratique de l’expression du suffrage universel, laquelle est garantie par la Constitution. En aucun cas, nous ne pouvons, nous ne devons l’accepter.

Philippe AUBERGER

II. Vision de juristes (favorable à Fillon)

Plusieurs juristes (avocats et professeurs de droit) se sont mobilisés pour rédiger cet appel à propos des manœuvres employées à l’encontre de François Fillon.

Ces termes de coup d’Etat institutionnel” définissent parfaitement les manœuvres employées à l’encontre de François Fillon, pour tenter de l’empêcher, à tout prix, de concourir à l’élection présidentielle.

Le pouvoir a dévoyé le droit pénal et la procédure pénale pour tenter de détruire la réputation de son principal adversaire ; le but de cette vaste opération étant de favoriser l’élection d’un successeur déjà coopté, faux nez d’une candidature sociale-démocrate ou sociale-libérale qui était d’avance vouée à l’échec.

Le candidat de la droite et du centre était jugé dangereux car il avait déjà recueilli la confiance de plusieurs millions de ses compatriotes lors de primaires irréprochables.

Il fallait donc, pour tenter de le discréditer, lui imputer à délit des faits qui ne tombent manifestement pas sous le coup de la loi. L’allégation d’un “détournement de fonds publics” est contraire aux termes du code pénal et incompatible avec les principes constitutionnels.

Contraire aux termes du Code pénal d’abord : le texte qui définit ce délit, l’article 432-15, ne vise, comme auteurs possibles de celui-ci, qu’une “personne dépositaire de l’autorité publique” ou “chargée d’une mission de service public”, qu’un “comptable public” ou un “dépositaire public”, qualités que n’a évidemment pas un parlementaire.

Au surplus, il est plus que douteux que les sommes versées à un parlementaire pour organiser son travail de participation au pouvoir législatif et au contrôle du pouvoir exécutif puissent être qualifiés de fonds publics.

Contraire aux principes constitutionnels ensuite : à celui de la séparation des pouvoirs, seul garant du caractère démocratique des institutions et obstacle à la tyrannie. L’indépendance dont dispose le parlementaire, y compris dans la gestion de ses crédits destinés à rémunérer ses collaborateurs, n’est pas un simple caprice. C’est le préalable nécessaire à l’une de ses missions constitutionnelles qu’est le contrôle de l’exécutif. Pour préserver le principe de séparation des pouvoirs, les assemblées disposent, comme elles l’entendent, de leurs crédits de fonctionnement. Incriminer l’emploi discrétionnaire de ces dotations serait s’en prendre à l’exercice de la fonction d’un parlementaire, s’attaquer par là-même au principe constitutionnel de l’indépendance des assemblées parlementaires, corollaire de la séparation des pouvoirs. Pour l’exécutif, prétendre contrôler l’utilisation des dotations d’un parlementaire au moyen d’une procédure pénale enfreint donc ce principe.

Dans le cas de François Fillon, l’atteinte à la Constitution est d’autant plus grave que la procédure pénale est engagée illégalement. En admettant qu’il y ait eu violation du règlement d’une assemblée parlementaire, une enquête n’aurait pu être menée que par le bureau de l’assemblée en cause. C’est bien d’ailleurs la procédure qu’a retenue le Parlement européen pour sanctionner une candidate à l’élection présidentielle française.

A plus forte raison, le pouvoir ne pouvait-il laisser le parquet national financier (PNF) se saisir d’une telle enquête (ou l’y inciter) ? Il saute aux yeux que les faits allégués contre le candidat n’entrent pas dans les chefs de compétence énumérés par l’article 705 du code de procédure pénale (loi du 6 décembre 2013) de ce ministère public : non seulement ces faits ne répondent à la définition d’aucune des infractions mentionnées dans ces chefs de compétence, mais encore nul ne saurait prétendre sérieusement qu’ils présentent “une grande complexité”, au sens dudit article.

C’est encore au prix d’une double erreur que le président de la République se retranche derrière l’indépendance de la justice. D’abord, les officiers du ministère public ne sont pas “la justice”, la Cour européenne des droits de l’homme leur dénie l’appartenance à l’autorité judiciaire. Ensuite, ils ne sont pas statutairement indépendants du gouvernement, mais subordonnés au ministre de la Justice.

Philippe FONTANA Avocat au barreau de Paris

André DECOCQ Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas

Geoffroy de VRIES Avocat au barreau de Paris

Yves MAYAUD Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas

Serge GUINCHARD Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas, ancien recteur

Pauline CORLAY Professeur agrégé des facultés de droit, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation

Guillaume DRAGO Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II

Guillaume MASSE Avocat au barreau de Paris

Jean-Luc ELHOUEISS Avocat au barreau de Paris, Maître de conférences

Georges BONET Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas

Raymonde VATINET Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas

Anne-Marie LE POURHIET Professeur de droit public à l’université Rennes-I

Bernard de FROMENT Avocat au barreau de Paris

Source : Atlantico, 24/02/2017

III. Vision contraire d’autres juristes (défavorable à Fillon)

L’AFFAIRE FILLON N’EST PAS UN « COUP D’ETAT INSTITUTIONNEL »

Un Appel signé par des professeurs de droit et des avocats entend dénoncer ce qu’ils appellent un « coup d’Etat institutionnel » pour décrire l’enquête menée par le parquet national financier contre François Fillon. Selon ce texte, le pouvoir actuel, notamment François Hollande, instrumentaliserait la justice pour écarter le vainqueur des primaires de la campagne présidentielle. L’Appel contient des arguments de droit pénal qui reposent sur une interprétation restrictive tant du délit de détournement des fonds publics que de la compétence du Parquet national financier. On laissera les spécialistes répondre à de tels arguments qui sont d’ailleurs ceux avancés par les avocats de François Fillon pour se concentrer sur les arguments d’ordre constitutionnel qui s’opposeraient à une telle enquête. Le principal d’entre eux consiste à invoquer une atteinte au principe de « la séparation des pouvoirs, seul garant du caractère démocratique des institutions et obstacle à la tyrannie » :

« L’indépendance dont dispose le parlementaire, y compris dans la gestion de ses crédits destinés à rémunérer ses collaborateurs, n’est pas un simple caprice. C’est le préalable nécessaire à l’une de ses missions constitutionnelles qu’est le contrôle de l’exécutif. Pour préserver le principe de séparation des pouvoirs, les assemblées disposent, comme elles l’entendent, de leurs crédits de fonctionnement. Incriminer l’emploi discrétionnaire de ces dotations serait s’en prendre à l’exercice de la fonction d’un parlementaire, s’attaquer par là-même au principe constitutionnel de l’indépendance des assemblées parlementaires, corollaire de la séparation des pouvoirs. Pour l’exécutif, prétendre contrôler l’utilisation des dotations d’un parlementaire au moyen d’une procédure pénale enfreint donc ce principe. »[1]

Une telle argumentation prolonge, en la radicalisant l’opinion précédemment exprimée par un certain nombre d’autres professeurs de droit. D’un côté, on aurait « donné aux juges le pouvoir de faire ou défaire une carrière politique, au mépris du principe de séparation des pouvoirs » et il existerait en outre une distinction à faire entre « le temps de la justice » et « le temps de la politique » pour interdire l’interférence de la justice dans le fonctionnement de la démocratie et donc dans les élections[2] . D’un autre côté, la recherche par la justice de l’effectivité de la collaboration de Mme Fillon constituerait une atteinte à « l’indépendance de l’exercice du mandat parlementaire »[3]. On toucherait ici, bien que cela ne soit pas dit, à l’immunité conférée aux parlementaires par l’article 26 de la Constitution.

L’appel des professeurs et avocats va bien au-delà de ces simples arguments en utilisant l’expression de « coup d’Etat » qui ne devrait pas, pourtant, être utilisée sans précaution. Malgré la véhémence des propos et la référence aux grands principes, aucun des arguments avancés par ceux qui entendent défendre principalement les principes constitutionnels et accessoirement M. Fillon (à moins que ce soit l’inverse…), n’est véritablement convaincant.

C’est d’abord une bien curieuse conception de la séparation des pouvoirs qui interdirait à la justice de s’intéresser au comportement d’hommes politiques au seul motif qu’ils seraient des parlementaires. Si l’on reprenait cet argument, cela reviendrait à admettre qu’il y aurait une souveraineté parlementaire qui rendrait les assemblées totalement irresponsables, et à l’abri de l’immixtion des juges. Mais le principe de séparation des pouvoirs ne crée pas trois domaines étanches les uns par rapport aux autres. Les meilleurs constitutionnalistes ont bien compris qu’il s’agissait moins d’une séparation des fonctions que d’une collaboration des pouvoirs. De ce point de vue, les professeurs de droit en question semblent oublier la finalité fondamentale d’un tel principe : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » (Esprit des Lois, livre XI, chap. IV). Or, selon la conception de la séparation des pouvoirs proposée par les signataires de l’Appel, le pouvoir n’arrête pas le pouvoir : il est invité à le laisser passer. On se permettra de rappeler à ces derniers l’existence du très sage principe formulé par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme : « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Encore une fois, on ne voit pas pourquoi un parlementaire, fût-il candidat à l’élection présidentielle, échapperait à une telle disposition. On ne comprendrait pas pourquoi les parlementaires auraient le droit d’allouer discrétionnairement à leurs collaborateurs les dotations parlementaires dont ils bénéficient, sans que personne n’ait le droit de vérifier l’usage qu’ils font de cet argent.

En outre, si l’argument de l’indépendance de l’exercice du mandat parlementaire est plus sérieux, il ne tient pas davantage. Cette indépendance est fixée et complètement déterminée par les immunités dont jouissent les parlementaires en vertu de l’article 26 de la Constitution. Ces immunités ne posent nullement un principe général d’indépendance des parlementaires à l’égard de la justice. Elles constituent au contraire des exceptions au principe selon lequel les parlementaires sont soumis au droit commun et les exceptions s’interprètent strictement, l’invocation de la séparation des pouvoirs ne pouvant justifier aucune interprétation extensive. La première de ces exceptions fait obstacle à tout engagement de responsabilité pénale ou civile du fait des « opinions et votes » émis par un parlementaire « dans l’exercice de ses fonctions » (art. 26, al.1). A l’évidence elle n’est pas applicable à l’espèce Fillon.

La seconde exception prend la forme d’une inviolabilité qui protège les membres du Parlement contre « toute arrestation ou (…) toute autre mesure privative ou restrictive de liberté » dans la mesure où de telles mesures ne pourraient être prises qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée (art. 26 al.2). François Fillon ne fait l’objet d’aucune mesure de ce type et le fait que son bureau a été l’objet, dans les locaux de l’Assemblée nationale, d’une perquisition judiciaire – qui plus est autorisée par le président de cette Chambre — ne constitue pas davantage une telle mesure de privation ou de restriction de la liberté. Rien n’a d’ailleurs interdit à la police d’aller effectuer une perquisition dans les locaux de l’Elysée à l’occasion de l’affaire dite des « sondages ». Un dernier argument a été invoqué : l’existence de précédents jurisprudentiels[4] desquels il ressort que les juges judiciaires ont déjà eu l’occasion, par exemple d’examiner la licéité du licenciement d’une assistante parlementaire qui avait dénoncé l’emploi fictif de la fille du parlementaire pour lequel elle travaillait, la Cour de cassation ayant protégé ici la liberté d’expression de la salariée licenciée (Cass. Soc., 29 déc. 2010, n° 09-41543). On reste donc pour le moins perplexe face à l’invocation d’un principe particulièrement imprécis, la séparation des pouvoirs, qui n’a reçu aucune définition prétorienne véritable, qui n’est pas davantage précisé par les défenseurs de la cause de François Fillon, et que l’on voudrait faire jouer pour subvertir les dispositions claires et précises de l’article 26. 

Dans cette affaire Fillon, il convient de ne pas inverser les responsabilités et il ne suffit pas davantage d’imaginer des complots. Les faits sont d’une désarmante simplicité : un candidat à l’élection présidentielle élu brillamment aux primaires de la droite sur une ligne dure et moralisatrice, réclamant aux Français de grands sacrifices, est ensuite, l’objet de révélations journalistiques qui, si elles sont avérées, tendraient à montrer que ses actes sont en contradiction avec les principes qu’il proclame. Il a pratiqué le népotisme, comme tant d’autres certes, mais les circonstances ont changé depuis l’époque, par exemple, de François Mitterrand. L’opinion publique ne tolère plus ce qu’elle tolérait auparavant. « La corruption de la République », que dénonçait Yves Mény dans un ouvrage qui n’a hélas rien perdu de son actualité, est devenue insupportable aux citoyens qui n’ont, en ce moment, ni privilèges, ni vie facile.

Ainsi, à en croire les faits rapportés par la presse, M. Fillon n’a pas commis seulement une « erreur », mais bien une « faute » morale. L’argument selon lequel ces comportements n’auraient rien d’illégal, n’est pas non plus suffisant. En effet, les électeurs conservent le droit de ne pas voter pour un candidat dont ils réprouvent la conduite, même si celle-ci ne constitue pas – ce qui reste d’ailleurs encore à démontrer – une faute pénale : cela s’appelle la responsabilité politique. Prétendre le contraire serait admettre que les hommes publics ont le droit de faire certaines choses, mais qu’il est interdit de dire qu’ils les font.

Reste alors ouverte la question de savoir si le vainqueur des primaires de la droite et du centre subira ou non, politiquement, voire pénalement, les conséquences de son comportement. Mais il est, en revanche, certain que l’argument de la séparation des pouvoirs, invoqué pour la défense de François Fillon, ne saurait en aucune manière emporter la conviction.

Denis Baranger, Olivier Beaud, Jean-Marie Denquin, Olivier Jouanjan, Patrick Wachsmann (professeurs de droit public) 

[1] Italiques dans le texte cité par le site Atlantico. http://www.atlantico.fr/decryptage/francois-fillon-appel-juristes-contre-coup-etat-institutionnel-geoffroy-vries-philippe-fontana-andre-decocq-2967969.html#x0ff29Pfz8sYHXMa.99

[2] Bertrand Mathieu et Hervé Bonard, Le Figaro du 1er fév. 2017.

[3] Pierre Avril et Jean Gicquel, Le Figaro du 9 fév. 2017.

[4] N. Molfessis, Le Monde du 16 fév. 2017.

Source : JusPoliticum

IV. Vision de M° Eolas

Pour en finir avec la séparation des pouvoirs

Dans ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Fillon, une étrange argumentation juridique a fait son apparition qui, au-delà du fond de l’affaire, sur laquelle je me garderai bien de me prononcer, du moins avant d’avoir reçu une solide provision sur honoraires, me laisse pour le moins pantois.

Rappelons brièvement les faits : des révélations successives par la presse ont mis au jour le fait que le candidat LR à la présidence de la République a longtemps salarié son épouse grâce à l’enveloppe attribuée à chaque député pour pouvoir salarier des assistants parlementaires, que ce soit à l’assemblée pour le travail parlementaire proprement dit ou dans la circonscription pour assurer une présence permanente de l’élu. Ce qui en soit est critiquable mais, en l’état des textes, légal. Là où le bat blesse, c’est qu’il semble n’y avoir eu aucune contrepartie réelle à un salaire largement au-dessus des montants habituels, les explications fournies par l’intéressés ou ses soutiens (dans le sens où la corde soutient le pendu) étant embrouillées, contradictoires, et parfois accablantes.

Le parquet national financier a donc ouvert une enquête préliminaire sur ces faits, qui est encore en cours au moment où j’écris ces lignes.

Et c’est dans ces circonstances qu’une tribune de juristes courroucés a été publiée sur Atlantico (oui, je sais, Atlantico…), prétendant opposer des arguments juridiques à l’existence même de ces poursuites (promesse rarement tenue vous allez voir). D’ailleurs, les soutiens plus ou moins affichés à François Fillon se sont tous bien gardés de reprendre à leur compte ces arguments, se contentant de dire “Si autant de juristes le disent, ça ne peut pas être inexact”. Etant moi-même juriste, je suis flatté de l’image d’infaillibilité qu’ils souhaitent ainsi conférer à ma discipline, mais je crains que cette prémisse ne soit fausse. Les juristes se trompent, parfois volontairement, car c’est leur devoir de se tromper pour qu’une contradiction ait lieu. Mais jamais la signature du plus éminent des juristes n’a été la garantie de la véracité irréfutable de ce qu’il avance. Écartons donc l’argument d’autorité, qui est haïssable par principe, et inadmissible en droit.

Voyons donc en quoi consiste cette démonstration.

D’emblée, les auteurs, craignant sans doute le reproche de la modération, qualifient cette affaire de “Coup d’État institutionnel”. Rien que ça. Un coup d’Etat consiste à renverser par la force les institutions d’un régime afin d’y substituer un pouvoir provisoire non prévu par les textes en vigueur. N’en déplaise à ces augustes jurisconsultes, M. Fillon n’est que candidat déclaré, accessoirement député de Paris, mandat qu’il a exercé avec parcimonie, et s’en prendre à lui en cette qualité de candidat, fût-ce illégalement, ne saurait s’apparenter à un coup d’Etat, puisqu’on ne saurait renverser un simple impétrant. Néanmoins, ce texte dit que ce terme “définit parfaitement” les “manœuvres” employées pour l’empêcher de concourir à l’élection. Ce n’est pas une métaphore ni une hyperbole : c’est une “définition parfaite”. Voilà qui commence mal.

Passons sur les passages complotistes des deux paragraphes suivants, car oui, c’est un complot, et le coupable est désigné : c’est François Hollande, qui fait cela pour que son “héritier” Benoît Hamon soit élu. Visiblement, ces juristes connaissent aussi mal la loi que les mœurs du parti socialiste, car imaginer un complot de Hollande pour porter Hamon au pouvoir, pour qui sait l’état des relations des deux hommes, prête à sourire. Voici les arguments de droit :

1 – On imputerait à François Fillon des faits qui ne tombent pas sous le coup de la loi pénale car le délit de détournement de fond public ne pourrait être juridiquement constitué.

Tout d’abord, si j’en crois le communiqué du parquet national financier, l’enquête porte sur des faits qualifiés de détournements de fonds publics, abus de biens sociaux et recels de ces délits, or la tribune de ces juristes passe sous silence ces dernières qualifications.

Sur le détournement de fonds publics, les auteurs rappellent que ce délit ne peut être reproché qu’à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l’un de ses subordonnés, ce qui selon eux n’inclurait pas les parlementaires.

Cette affirmation mériterait d’être étayée, ce qu’elle n’est pas. Et pour tout dire, elle est douteuse.

[…]

Lire la suite sur le blog de M° Eolas

V. Traitement du Débat par un journaliste du Monde

Je trouve intéressant de voir comment le journaliste du Monde Franck Johannès a traité tout ceci sur son blog lemonde.fr.

Il a fait 4 billets.

Affaire Fillon. Quelques doutes sur « le coup d’Etat institutionnel » – 1. Les signataires

C’est simple : le premier billet ne parle pas de Droit, mais des signataires. Et c’est un festival de sous-entendus :
johannes

Bref, ce seraient des réacs (très étonnant pour des profs à Assas…). En quoi cela disqualifierait-il leurs analyses ? Mystère…

johannes

“Contrefacteur” en titre avant son nom sans raison, pour un jeu de mots à deux balles, c’est magique…

johannes

“Ah aha ah , je te tiens avec la fille Fillon il y a 15 ans !”

johannes

Ok, un honnête, mais à cause de la Légion d’honneur (“on la voit bien, ça va ?”), il ne peut l’être j’imagine.

johannes

Des “gros réacs” avec de accusations au doigt mouillé…

Le 2e billet parle de la réplique à l’article dans Atlantico :

Affaire Fillon. Quelques doutes sur « le coup d’Etat institutionnel » – 2. La contre-offensive des juristes

Florilège, mais cliquez sur le lien précédent pour tout lire :

Comparez l’effet visuel des “méchants pro-Fillon pro-Atlantico” – bouhhhh

johannes

avec ce deuxième billet :

johannes

Sachant que les “juristes” ici sont aussi juristes que les précédents…

johannes

AUCUNE enquête sur eux, pas la peine, “leur autorité ne discute guère” – comme celle du Monde.

Pourtant, si j’appliquait les mêmes méthodes que M. Johannes :

Denis Baranger a été nommé membre du groupe de travail sur l’avenir des Institutions à l’Assemblée Nationale présidé par Claude Bartolone ;

Olivier Beaud a été selon Le Monde “l’une des figures de l’opposition au projet de réforme du statut des universitaires” en 2009 ;

johannes

Jean-Marie Denquin a par exemple conclu le colloque “Des droits fondamentaux à l’obsession sécuritaire”, ou sont intervenus Olivier Beaud et Patrick Wachsmann :

Olivier Jouanjan est un ami d’Olivier Beaud, cité dans l’article du Monde

johannes

Patrick Wachsmann pétitionne avec Olivier Beaud (tiens, tiens…) et écrit avec lui.

johannes

Le 3e billet est mythique :

Affaire Fillon. Interlude extra-juridique – 3. De l’art de la broderie chez les bonnes épouses

johannes

C’est juste un billet hallucinant, où il se moque simplement du discours réac de Serge Guinchard lors du mariage de sa fille :

johannes

Sans qu’on sache le niveau de “second degré” de celui-ci, M. Johannès n’ayant apparemment pas pris la peine de le contacter pour avoir sa vision sur tout ceci…

Affaire Fillon. Quelques doutes sur « le coup d’Etat institutionnel » – 4. Les arguments de droit

Enfin, le dernier billet contient enfin des considérations juridiques plus intéressantes.

Il cite souvent le juriste Dominique Rousseau, engagé politiquement (oh, c’est celui dont on a parlé, et qui juge qu’une trêve judiciaire serait “dangereuse”):

johannes

Bref, merci à Franck Johannès pour ce bel exemple débordant de déontologie :

johannes

EDIT : ah tiens, la de réaction à Franck Johannès à un tweet ironique d’un député de Paris pro-Hamon :

(D’autres tweets de ce type sur la Présidémentielle 2017 sont sur @OBerruyer)

VI. Épilogue

Je me garderai bien d’être trop affirmatif sur ce sujet complexe et sans précédent, cela va faire une belle jurisprudence.

Je penche quand même plutôt dans le sens d’Auberger, pour une raison simple : je vois mal où sont véritablement les victimes directes (ce qui compliquera le jugement) – si les faits d’emplois fictifs étaient avérés :

Bref, c’est quand même bien compliqué. Attendons donc les jugements…

 

Source: http://www.les-crises.fr/debat-juridique-sur-laffaire-fillon-et-articles-dun-journaliste-du-monde/


Un documentaire honnête sur le référendum de 2005 sur France3, par Coralie Delaume

Saturday 11 March 2017 at 02:50

Source : L’Arène Nue, Coralie Delaume, 07-03-2017

Quelle mouche a piqué France3 ?
Tant d’honnêteté – qui suppose aussi une évidente lucidité – est troublante tant on n’a pas l’habitude.
Le 2 mars, la chaîne a en effet de diffusé ce reportage d’une cinquantaine de minutes sur le référendum de 2005 qui s’intitule : “2005 : quand les Français ont dit non à l’Europe”.
Dès le début, on est bluffé par le ton. “Il y a douze ans, le 29 mai 2005, les Français ont dit non au traité de Constitution européenne. Non à l’Europe de l’austérité et du libéralisme“. Ah bon ? C’est pas la “France moisie” alors, qui a voté “non” ? C’est juste la France anti-austéritaire ? On croit rêver.
Un peu plus loin, on hallucine : “nous allons voir comment Nicolas Sarkozy devenu président de la République va contourner le vote souverain des Français” Aïe, ça pique !
Surtout lorsque ceci suit : “cette fracture démocratique fait aujourd’hui le lit du Front national”?
Naaaaan, sans rire ! C’est la confiscation démocratique qui fait le “jeu-de” ?
Ce ne sont plus le “nationalisme”, “l’europhobie”, la préférence pour le “repli sur soi” et la xénophobie galopante ?
C’est la première fois, en ce qui me concerne, que je vois le sujet traité ainsi à la télévision. J’aurais signé chaque mot prononcé par la voix off. C’est la première fois également que j’entends ainsi faire le lien entre l’Europe et la loi El Khomri.
Puis vraiment, tout le monde en prend pour son grade : le Parti socialiste, l’UMP, les éditorialistes, Sarkozy (oh la vache, Sarkozy), Hollande (oh la vache, Hollande). Et ça n’est pas volé.
Une mention spéciale pour deux hommes politiques qui, si différents soient-ils, ont la particularité d’avoir tous deux compris la dimension dramatique, irrémédiable et porteuse d’une grande violence potentielle qu’a constitué la séquence : non / invalidation du non.
Ainsi, François Bayrou à 32’44 : “Pour moi, c’était attentatoire au contrat civique. Imaginez que dans quelques mois, après le référendum sur le Brexit, ce soit la chambre des Communes qui disent que le référendum n’a plus aucune valeur. Vous auriez un climat… c’est le mot révolutionnaire qui me vient (…) ce serait un peuple qui se met en absolue rupture avec son pouvoir.”
Et Jean-Luc Mélenchon, à 34’15 : “on peut se croire malin quand on monte des coups comme ça. Mais les blessures qui sont infligées à la conscience collective, les affects qui sont bousculés par ce type de méthodes laissent des traces indélébiles. Et le sentiment de dégoût qui va finir par être de la haine contre toute la superstructure politique a son terreau initial dans ces jours-là“.
Ça, c’est dit.
Le replay ne sera bientôt plus disponible. Alors, sous vos yeux ébahis et pour le bien de vos oreilles avides de s’entendre dire autre chose que “vous n’êtes tous que des fachos” ou “c’est la faute du populisme”….
Le voici : 

Source : L’Arène Nue, Coralie Delaume, 07-03-2017

Source: http://www.les-crises.fr/un-documentaire-honnete-sur-le-referendum-de-2005-sur-france3-par-coralie-delaume/


Papeuropéen, par Laurent Dauré

Saturday 11 March 2017 at 02:05

Un peu de pub pour un site / magazine qui aide à aiguiser son esprit critique : Ruptures 🙂

Source : Ruptures, Laurent Dauré, 03-03-2017

« Les dirigeants européens recherchent l’inspiration auprès du pape ». À la lecture de ce titre, on pense à une nouvelle facétie du Gorafi. Pourtant l’article en question ne provient pas du site d’information parodique mais d’EurActiv, un média en ligne spécialisé dans l’actualité européenne (comme Ruptures mais… avec une ligne éditoriale légèrement différente). Notre confrère rend compte très sérieusement des espoirs que suscite le pape François à Bruxelles, ce « grand Européen » – selon l’expression consacrée – étant sollicité pour une mission à sa mesure : sauver l’UE.

Le 25 mars prochain, les dirigeants européens se réuniront dans la capitale italienne pour un sommet à l’occasion du 60e anniversaire du traité de Rome. L’objectif est ambitieux : insuffler un nouvel élan à la construction européenne, confrontée à des crises multiples et à la défiance grandissante des peuples. Dès lors on comprend qu’il puisse être utile de consulter une autorité religieuse bénéficiant d’une connexion haut débit avec Dieu.

Les chefs d’État ou de gouvernement européens rencontreront le souverain pontife au Vatican la veille des célébrations. Entre deux questions sur la façon de redéfinir l’UE après les deux épisodes euro-traumatiques de 2016 – la victoire du Brexit et l’élection de Donald Trump –, le pape François sera probablement invité à résoudre le dilemme central qui tourmente Bruxelles : Comment faire aimer la construction européenne ?

Lors d’un forum sur les relations de voisinage de l’UE organisé à la Valette – capitale de Malte – le 27 février, Joseph Muscat, le Premier ministre du pays hôte (qui assure jusqu’en juin la présidence tournante du Conseil de l’UE), a précisé la mission de la task force papale : « fournir une direction qui manque aux personnalités politiques ». Et il a ajouté : « Je pense que [le pape]est le dirigeant le plus à même, étant donné les circonstances, d’avoir les compétences et la vision de tenir un discours transcendant l’évidence et les banalités que nous proférons tous, en politique ». M. Muscat nous dit en somme que les dirigeants européens sont incompétents et ennuyeux. Le poison populiste gagne décidément du terrain.

Le Vatican a soutenu la construction européenne depuis le début.

Affirmant être venu « en pasteur », le pape avait établi un diagnostic préoccupant – pour les eurobéats – le 25 novembre 2014 lors d’un discours au Parlement européen à Strasbourg (qui mérite d’être lu dans le détail) : il évoquait « une Europe grand-mère et non plus féconde et vivante ». Pour réveiller cette créature « vieille et fatiguée », il en appelait à un retour aux « grands idéaux qui ont inspiré l’Europe ». Pour éviter l’hospice, l’UE doit donc suivre les divins conseils du locataire du Vatican, un État qui, il est vrai, a soutenu la construction européenne depuis le début (lire ce texte on ne peut plus explicite de la Conférence des évêques de France). Le pape François, qui appelle l’Europe à un retour à « l’esprit de ses Pères fondateurs », a d’ailleurs reçu le prix Charlemagne le 6 mai 2016 ; cette distinction récompense les personnalités de premier plan ayant œuvré activement à l’unification européenne.

À Strasbourg, le pape avait alerté sur les dangers qui menacent l’édifice bruxellois : « Les grands idéaux qui ont inspiré l’Europe semblent avoir perdu leur force attractive en faveur de la technique bureaucratique de ses institutions ». Il avait insisté sur le besoin de créer de l’emploi, sans toutefois préciser la marche à suivre. Il s’est montré plus disert pour prodiguer un vade-mecum écologiste dans son encyclique « sur la sauvegarde de la maison commune » (cf. notre critique de ce texte publié en amont de la COP 21 dans l’édition de Ruptures du 27 octobre 2015).

EurActiv écrit : « Selon Yves Bertoncini, le directeur de l’institut Jacques Delors, depuis la fin du mandat de Barack Obama, le pape est la seule autorité morale en mesure de servir de guide aux dirigeants européens. » Une déclaration édifiante à plus d’un titre. Après avoir suivi comme de fidèles disciples l’ancien président des États-Unis, il s’agirait maintenant pour les dirigeants européens de se reporter sur le pape François, Donald Trump n’étant pas un berger fiable. Puisqu’il est établi – sans aucune preuve mais c’est un détail – que Vladimir Poutine est responsable de l’élection du milliardaire à la Maison Blanche, on peut en conclure que le président russe est également la cause de ce nouvel enthousiasme pour la parole vaticane. L’histoire réserve des rebondissements surprenants.

En attendant, les dignitaires européens pourront (enfin) annoncer une bonne nouvelle aux peuples lors des festivités du 60e anniversaire du traité de Rome : « Habemus papam. »

Laurent Dauré

Source : Ruptures, Laurent Dauré, 03-03-2017

Source: http://www.les-crises.fr/papeuropeen-par-laurent-daure/


[Post-Démocratie] Présidémentielle 1er Tour : l’élimination de François Hollande par les médias (1/2)

Friday 10 March 2017 at 09:32

C’est inouï : une sorte de kidnapping de la Démocratie par les Médias – au services de quelques intérêts bien compris – est en train de se dérouler sous nos yeux.

J’ai toujours été choqué par le fait qu’on ait tranquillement accordé “l’indépendance politique” à la Banque centrale – donc au regroupement de personnes représentant les puissances d’argent. Ainsi, depuis 1992, un des principaux outils économiques échappe au pouvoir politique, donc au périmètre de la délibération démocratique.

Par ailleurs, de plus en plus de décisions économiques ont été transférées au niveau européen – surtout depuis 2013, où on est passé d’un contrôle budgétaire à un réel contrôle économique, donc politique – , échappant lui aussi à la délibération démocratique nationale. Pour ceux qui ignorent l’existence des Grandes orientations des politiques économiques de l’Union Européenne, je recommande de lire ce billet, issu de cette série. C’est à se demander si nos élections Présidentielles ne seraient plus désormais que de simple élections “régionales européennes” pour amuser la galerie, la capacité de notre Président d’agir en profondeur sur le sort du pays allant bientôt se retrouver au même niveau que celle du Président de la Région Bretagne.

Taquin, je me suis donc demandé depuis lors s’il n’allait pas arriver un moment où on allait nous dire que, comme la Banque centrale, il faudrait accorder “l’indépendance politique” au Président de la République, en en confiant la nomination à une poignée de personnes “qui savent, elles” – on ne sait jamais avec tous ces électeurs “popuazlistes” qui votent de moins en moins comme on leur demande…

J’avoue que je ne pensais pas voir ça aussi vite…

12 octobre 2016, 1er tour de la Présidentielle Médiatique : Hollande est coulé par Le Monde

Le 12 octobre 2016 est en fait un jour très important pour notre Démocratie – et on ne s’en est absolument pas rendu compte, ni sur le moment, ni même après.

C’est le jour où est sorti le livre Un président ne devrait pas dire ça, des journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme.

Ce livre a évidemment beaucoup plus dans les médias – autant de boue d’un coup, ce n’est pas commun.

Quand j’ai appris que Hollande avait accordé 61 entretiens tout au long du quinquennat aux deux auteurs qu’il connaissait depuis des décennies, j’ai pensé “Hollande vit vraiment sur une autre Planète”.

En effet, je comprends qu’un chef d’État ait envie que quelqu’un écrive l’histoire de son mandat. Pour Mitterrand ce fut Attali, et avant lui, pour de Gaulle, ce fut Alain Peyrefitte – deux proches, lettrés. Ce dernier raconte ceci dans le fantastique C’était de Gaulle :

Au bout de quelques jours d’agitation médiatique, puis de scandale politique, je me suis donc dit “mais qu’est ce qui a pris à Hollande de faire ce livre avant la fin de son mandat ?”, et en plus avec des journalistes du Monde ! C’est vraiment suicidaire !

Il s’est avéré que Hollande connaissait ces journalistes et les appréciait beaucoup. Il leur a fait confiance et leur a accordé plus de 60 entretiens.

Et voilà que les journalistes sortent ce livre avant que Hollande annonce s’il se représente ou non. Ils écrivent même ces lignes proprement hallucinantes dans leur préface – dont je vous recommande hautement la lecture pour édification sur l’éthique journalistique :

Bien sûr, Hollande est grandement responsable de sa situation – on se demande même s’il ne serait pas proche de la nécessité d’être mis sous protection juridique à ce stade. Mais oublions le : c’est bien le comportement de ces “journalistes” (qui ont sorti de grandes affaires, surtout contre l’UMP) qui est ici fascinant. Notons que Libération les a qualifiés d’asociaux et qu’ils ont une étonnante vision de leur métier finalement dans Le Parisien :

Déjà, tout ce qui surligné dans la préface pose de très lourdes questions éthiques. Tout comme interpelle le mépris en dégoulinant pour un Président qui leur a fait une confiance inimaginable et un cadeau inestimable (y compris financier à 200 000 exemplaires…). Après, il est vrai que, comme l’a joliment rappelé Antoine Bernheim “La reconnaissance est une maladie du chien non transmissible à l’homme.”

MAIS il reste une question fondamentale – très étrangement non abordée dans la préface : mais QUAND devait sortir ce livre alors ?

Et en fait, le porte-parole du gouvernement a répondu, et personne n’a tiqué :

Ainsi, selon le gouvernement, le livre devait sortir APRÈS le quinquennat – information qui a très peu circulé, pas grand chose à part ces 2 articles.

Je n’ai pas vu la réaction des journalistes à ces accusations. Sans doute diront-ils qu’ils avaient dit le contraire à Hollande une fois à la fin d’un repas bien arrosé, mais enfin, on voit mal pour le coup Hollande avoir vraiment accepté une sortie fin 2016, en plus en n’ayant pas lu le livre…

EDIT : sur l’indispensable Arrêt sur Images, les journalistes ont été interrogés par Schneidermann : ils y déclarent que le livre devait sortir avant la Présidentielle (ver 22’00), et qu’Hollande était d’accord, semblant inconscient du caractère explosif (encore faudrait-ils avoir quand cela a été discuté). Ceci étant, cela change peu les choses à mon avis. Cela confirme simplement qu’Hollande est inconscient ; mais les journalistes étaient très bien conscients, eux, de l’impact des confidences mesquines qu’ils rapportent à longueur de pages sur tel ou tel (et qui apportent bien peu de choses réellement utiles à un électeur pour orienter son vote).  Ils ont donc souhaité, comme ils en avaient apparemment le droit moral, de sortir ce livre avant la présidentielle ; et donc ils ont décidé en toute connaissance de cause de décider d’agir sur elle, en trahissant au final la confiance du Président.

Et dans tous les cas, une vraie question éthique aurait dû se poser aux deux journalistes asociaux : il est évident que la publication du livre allait mettre le feu à la gauche, et compromettre très gravement la candidature de François Hollande.

Tout le monde sait ce que je pense de François Hollande : il ne s’est pas passé sur ce blog une semaine depuis 2012 sans que je le critique – c’est probablement le pire Président de la Ve République, c’est en tout cas le seul tellement impopulaire qu’il n’a pas pu se représenter…

Je ne me réveille donc jamais en sueur déplorant sa non-candidature. Je ne sais d’ailleurs pas vraiment si c’est une bonne chose ou pas qu’il ait abandonné. Peut-être aurait-il gagné la primaire, peut-être que Macron aurait un score bien plus faible. Peut-être cela aurait-il avantagé Fillon du coup. Peut-être…

Ce que je sais, en tout cas, c’est qu’on ne le saura jamais. Car il n’a pu être in fine candidat, et que j’estime que ce n’était pas au journal Le Monde d’en décider, mais aux citoyens…

Et je dis bien au Monde, car ce journal n’a pas viré ces deux journalistes suite à ce qui semble bien être de multiples et graves entorses éthiques aux lourdes conséquences. Et ça les amuse apparemment :

Suicide ou Assassinat ?

Mais le 2e tour est vite arrivé… (à suivre)

Source: http://www.les-crises.fr/post-democratie-apres-hollande-lemedia-elimineront-ils-fillon/


[Alerte] Un révisionniste ukrainien à la Sorbonne ce week-end + ACTION

Friday 10 March 2017 at 08:39

On aura donc tout vu avec l’Ukraine… Un faussaire révisionniste accueilli en grande pompe à un colloque la Sorbonne/Assas.

Voilà pourquoi les soutiens français de ces nationalistes détestent tant ce blog – encore des choses non lues sur Le Monde 😉

  1. Un révisionniste ukrainien à la Sorbonne ce week-end + ACTION
  2. Volodymyr Viatrovich : l’historien qui blanchit le passé historique de l’Ukraine, par Josh Cohen  (lire ce billet pour voir qui est Volodymyr Viatrovich)
  3. Mensonges et légitimation dans la construction nationale en Ukraine (2005-2010), par Delphine Bechtel

L’historien négationniste ukrainien Volodymyr Viatrovich sera – a priori – à Paris samedi pour un colloque organisé par les pro-Maidan canal historique – ce qui a déclenché de vives réactions à l’international (attention NO NEWS en France) :

Le soutien d’un collaborateur nazi représente l’Ukraine à un colloque sur l’Holocauste, par The Times of Israel

Source : The Times of Israel, JTA, 07-03-2017 (version internationale, JTA)

Les Juifs ukrainiens protestent contre la présence de l’historien d’état Volodymyr Vyatrovych qui avait rendu hommage au leader du pays pendant la Deuxième guerre mondiale

Volodymyr Vyatrovych, historien à la tête d’un institut ukrainien public. (Crédit : CC BY-SA/Wikimedia)

Les Juifs ukrainiens protestent contre la participation à un colloque international consacré à l’Holocauste d’un historien d’état qui avait rendu hommage à un collaborateur nazi et chef d’escouade, dont les soldats avaient massacré des Juifs.

Eduard Dolinsky, directeur du comité juif ukrainien, a dénoncé la semaine dernière la présence attendue de Volodymyr Vyatrovych, directeur de l’Institut ukrainien de la mémoire nationale, lors d’une conférence organisée cette semaine à Paris et intitulée : « L’Holocauste en Ukraine : De nouvelles perspectives sur les maux du XXe siècle ».

Vyatrovych, à la tête de cette institution publique depuis 2014, « est un falsificateur et un manipulateur des faits historiques qui a non seulement reproché aux Juifs la Grande Famine, mais qui nie l’idéologie et les pratiques antisémites » de l’Organisation des nationalistes et de l’armée insurrectionnelle ukrainienne, a expliqué Dolinsky dans un communiqué.

Connus respectivement sous les sigles OUN et UPA, les deux groupes avaient combattu durant la première moitié du 20e siècle la domination soviétique et brièvement collaboré avec les forces d’occupation nazies avant de se retourner contre elles. Encouragées par les vitupérations antisémites d’un grand nombre de ses dirigeants, les troupes de l’UPA ont assassiné des milliers de Juifs dans les années 1940, selon le Centre Simon Wiesenthal.

Dans une interview publiée au mois de janvier dans le magazine Novoy Vremya, Vyatrovych avait nommé Roman Choukhevytch, ancien chef de l’UPA, comme étant l’une des cinq « personnalités éminentes ayant changé le cours de l’Histoire », aux côtés de Winston Churchill, Johannes Gutenberg, Vaclav Havel et Elon Musk. Selon certains historiens, l’épouse de Choukhevytch aurait porté secours à une femme juive durant l’Holocauste.

Selon le professeur d’histoire de l’université de Yale Timothy Snyder, les miliciens de l’UPA ont assassiné des milliers de Polonais et de Juifs sous les ordres de Choukhevytch.

Aujourd’hui, Choukhevytch et d’autres nationalistes de l’époque de l’Holocauste sont considérés en Ukraine comme des héros en raison de leur opposition aux Soviétiques. Ce sentiment s’est encore accru après le renversement, en 2014, de l’ancien président Viktor Yanukovych au cours d’une révolution menée par des nationalistes qui s’opposaient à sa corruption et à une subordination apparente du pays à la Russie.

Efraim Zuroff. (Crédit : JTA via Creative Commons)

La déférence devant les collaborateurs des nazis et les tentatives de placer à égalité nazisme et communisme ont proliféré dans les pays du bloc de l’est ces dernières années. Dans certains de ces pays, les tentatives visant à introduire de telles équivalences ont également servi à passer sous silence le soutien populaire et même l’enthousiasme qu’avait pu susciter le meurtre des Juifs durant l’Holocauste, selon Efraim Zuroff, directeur de la section Israël et Europe de l’est du Centre Simon Wiesenthal .

La semaine dernière, le gouvernement de la Croatie, pays dont le gouvernement avait collaboré avec les nazis, a établi un organisme qui sera responsable de l’émission de « recommandations pour la régulation légale de l’utilisation […] des insignes et des symboles des régimes non-démocratiques », un langage qui partout ailleurs dans la région a été utilisé dans des législations interdisant les symboles nazis et communistes.

En Slovaquie, une institution publique scientifique et culturelle a retiré le mois dernier d’internet une vidéo qu’elle avait produite, affirmant que les Juifs du pays auraient été tués même sans la formation du protectorat slovaque du collaborateur nazi Jozef Tiso. La vidéo, intitulée « sans le 14 mars », en référence à la date à laquelle l’Etat avait été établi en 1939, avait été rapidement dénoncée par des groupes antifascistes et par plusieurs organisations juives.

La même institution, Matica Slovenská, a annoncé qu’elle prévoyait de diffuser une nouvelle vidéo consacrée aux atrocités soviétiques.

Source : The Times of Israel, JTA, 07-03-2017

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Une pétition de grands universitaires circulent contre la venue de ce révisionniste

“Nous sommes inquiets du fait que Volodymyr Viatrovych, le directeur de l’Institut Ukrainien de la Mémoire Nationale, parlera au colloque « La Shoah en Ukraine. Nouvelles perspectives sur les malheurs du XXe siècle » qui aura lieu du 9 au 11 mars 2017. Il a été largement démontré que ses publications ne correspondent pas aux critères académiques internationaux et qu’elles sont au service d’un agenda politique nationaliste.

Il a joué un rôle clef dans l’élaboration de lois qui ont été sévèrement critiquées dans la communauté académique internationale pour leur fort potentiel à asphyxier un débat libre sur l’Histoire du nationalisme Ukrainien, surtout durant la Seconde Guerre mondiale. Nous comprenons le besoin d’une discussion ouverte et controversée, mais nous croyons que l’invitation de Volodymyr Viatrovych à parler sur ce sujet à votre conférence risque de normaliser et de légitimer des tentatives politisées de minimiser l’importance des idées et actions antisémites des nationalistes Ukrainiens surant la Seconde Guerre mondiale.” (Source)

Signatures :

Delphine Bechtel, Université Paris-Sorbonne (Paris IV), UFR d’Etudes germaniques et Nordiques et CIRCE – Centre Interdisciplinaire de Recherches Centre-Européennes

Annie Epelboin, Université Paris VIII

Charles Urjewicz, Professeur émérite à lNALCO

Felix Ackermann, German Historical Institute, Warsaw

Tarik Cyril Amar, Associate Professor, Department of History, Columbia University

Volodymyr Artiukh, PhD Candidate, Central European University, Budapest

Omer Bartov, John P. Birkelund Distinguished Professor of European History, Department of History

Elissa Bemporad, Jerry and William Ungar Chair in East European Jewish History and the Holocaust, Associate Professor, Department of History, Queens College and the CUNY Graduate Center

Waitman Wade Beorn, PhD Lecturer, Corcoran Department of History, University of Virginia

Jeffrey Burds, Associate Professor of History, Northeastern University

Johan Dietsch, Lund University, Sweden

Rossen Djagalov, Assistant Professor of Russian and Slavic Studies, NYU

Elżbieta Janicka, Institut of Slavic Studies, Polish Academy of Sciences

Olga Linkiewicz, Tadeusz Manteuffel Institute of History, Warsaw

Christian Ganzer, PhD Candidate, Leipzig University

J. Arch Getty, Distinguished Research Professor of Russian History, UCLA

Jan Grabowski, Professor/Professeur titulaire, Department of History/Département d’histoire, University of Ottawa/Université d’Ottawa

Jan T. Gross, Norman B. Tomlinson ’16 and ’48 Professor of War and Society, Professor of History, Princeton University

Jared McBride, Lecturer, History Department, UCLA

Mykhailo Minakov, D. Habil., Associate Professor, Department of Philosophy and Religious Studies, University of Kyiv-Mohyla Academy, Editor-in-chief, Ideology and Politics Journal, President, Foundation for Good Politics/Eastern European Analytical Group

Dr. Alexander Prusin, Professor of History, Humanities Department, New Mexico Tech

David Alan Rich, Lecturer and Visiting Researcher, Catholic University of America

Brandon M. Schechter, Elihu Rose Scholar in Modern Military History, History Department, New York University

Helene Sinnreich, Fern and Manfred Steinfeld Associate Professor in Judaic Studies, University of Tennessee at Knoxville

Richard Steigmann-Gall, PhD, Associate Professor of History, Director of Jewish Studies, 2004-2010, Kent State University

Per Anders Rudling, Associate Professor, Lund University, Senior Visiting Fellow, National University of Singapore

Rakefet Zalashik, Edinburgh University

[…]

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ACTION pour alerter

Je vous propose d’agir pour m’aider à alerter à propos de la venue de ce révisionniste ukrainien, invité par Galia ACKERMAN et Philippe de LARA (le colloque se tient vendredi à la Sorbonne, et samedi à Panthéon Assas).

Je ne demande pour ma part pas forcément à ce qu’il ne s’exprime pas, mais qu’au moins tout le monde soit bien conscient de qui est vraiment ce personnage que nous invitons. Je reste cependant dubitatif sur la conformité à la loi Gayssot des propos qu’il tient régulièrement.

Le programme est là

Si quelqu’un y va, ce serait bien de veiller à ce que les propos soient enregistrés.

Il est intéressant de voir que les mêmes réseaux néo-conservateurs ont fait annuler un colloque sur la Syrie à le Sorbonne il y a quelques semaines…

Je vous propose donc, si vous le souhaitez, d’envoyer ce mail très vite :

Madame, Monsieur

je découvre que Monsieur Volodymyr Viatrovich interviendra a priori samedi 11 mars dans une conférence à la Sorbonne/ Paris Assas que vous organisez/parrainez/soutenez :

http://www.fondationshoah.org/sites/default/files/IMG/pdf/Programme

Vous n’êtes pas sans savoir que cet “historien” ukrainien est hautement controversé, étant accusé par de nombreux pairs d’être un faussaire, de manipuler les archives, de ne pas respecter les règles déontologiques de la profession, et de nier le rôle des nationalistes ukrainiens dans la Shoah.

C’est expliqué par exemple ici :

http://www.les-crises.fr/?p=165201

et là :

http://www.les-crises.fr/?p=165115

Une pétition d’universitaires remet en cause sa venue comme vous le voyez.

Avouez qu’un révisionniste à une conférence nommée “La Shoah en Ukraine. Nouvelles perspectives” a en effet de quoi inquiéter.

Sans forcément demander à ce qu’on attente à sa liberté d’expression (certains pouvant estimer qu’un débat puisse être utile), je souhaitais avoir vos explications et réponses à ces remarques, afin de connaitre la position de votre institution sur ce sujet.

En particulier, je souhaiterais avoir votre analyse sur la conformité de tels propos avec la loi Gayssot.

Je vous remercie par avance.

Bien cordialement.

à ces adresses :

1/ http://www.paris-sorbonne.fr/l-universite/nous-contacter/

(Sorbonne : 01 40 46 20 19 – email : ceremonies.sorbonne@ac-paris.fr)

@SorbonneParis1 , @Paris_Sorbonne@AssasParisII

2/ http://www.fondationshoah.org/contact

(Fondation pour la Mémoire de la Shoah  – 01 53 42 63 10)

@Fondation_Shoah

3/ licra@licra.org,  01.45.08.08.08

4/ camille.andronik@inalco.fr pour l’Inalco

Il est temps de cesser enfin la complaisance avec l’extrême-droite ukrainienne.

Allez, on compte sur vous ! Et si certains veulent aller voir de plus près samedi…

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Pour bien illustrer, la vision du Comité Ukraine de Libération :

viatrovych

(tu m’étonnes qu’il va être nouveau le regard…)

Un nouveau regard sur la Shoah en Ukraine

Source : Libération, Renaud Rebardy, 23-02-2017

Babi Yar en 1941 par un photographe de la Wehrmacht. Document fourni par Willy Malizsewski

Un colloque à Paris, début mars, va se pencher sur le thème très sensible des relations entre les Ukrainiens et les Juifs durant la seconde guerre mondiale. Il s’agit pour les chercheurs d’établir les faits, encore mal connus, pour que puisse s’écrire une histoire commune.

Par Renaud Rebardy, journaliste

L’Université de Paris II Panthéon Assas et le Forum européen pour l’Ukraine organisent du 9 au 11 mars un colloque sur la Shoah en Ukraine, avec la participation de chercheurs venus d’Ukraine ainsi que des spécialistes français, tels Nicolas Werth et Annette Wievorka, mais aussi américains, israéliens et anglais. En préambule, le 8 mars à 18h, dans les salons d’honneur de l’INALCO, à Paris, aura lieu une table ronde sur le thème : « Juifs et Ukrainiens : vers l’écriture d’une histoire commune ».

Ces deux rencontres procèdent de la même démarche. Elle vise à favoriser une meilleure connaissance des faits, alors que les événements tragiques de la seconde guerre mondiale « pèsent sur les relations entre Juifs et Ukrainiens à la fois en Ukraine et à l’étranger, en particulier en France où la légende noire de l’antisémitisme ukrainien a de profondes racines depuis le procès de l’assassin de Simon Petliura en 1926 », écrivent les organisateurs du colloque, Galia Ackerman et Philippe de Lara.

Ce colloque permettra de confronter les travaux d’historiens, spécialistes de la seconde guerre mondiale, comme Leonid Finberg, directeur du Centre Judaica, à l’Académie Mohyla de Kiev, ou Volodymyr Viatrovych, directeur de l’Institut de la Mémoire Nationale, en Ukraine. Ce dernier planchera par exemple sur « la question juive dans l’idéologie de l’OUN entre 1920 et 1950 ».

Il s’agit là d’un sujet très sensible. L’OUN, en effet, est l’organisation des nationalistes ukrainiens. Or toute une propagande soviétique visant à discréditer le mouvement national ukrainien, a voulu les peindre sous les traits d’antisémites maladifs. Qu’en était-il en réalité ? Parmi les nationalistes ukrainiens, y a-t-il eu réellement la volonté de promouvoir un discours antisémite ?

OB : Non, aucun “discours”, juste des dizaines de milliers de meurtres…

Qui ont été les Ukrainiens ayant participé à des massacres ? Certains étaient-ils des nationalistes et sont-ils passés de l’OUN à la collaboration ? Tels sont quelques-uns des sujets qu’il s’agit d’examiner, à la lumière des archives qui s’ouvrent et en tentant de porter dessus un regard neuf.

« Nous sommes convaincus que la mémoire, la compréhension mutuelle et le partage des témoignages doivent aller de pair avec un examen approfondi du contexte historique, y compris des questions controversées et douloureuses, telles que les collaborateurs locaux qui ont participé à l’extermination des juifs, ou l’attitude des résistants (nationalistes et communistes) face à l’extermination. Les tragédies du passé et les malentendus entourant ces tragédies ne peuvent être surmontés que par une recherche honnête et complète de la vérité », expliquent les organisateurs du colloque.

L’ensemble de ces manifestations sont gratuites et accessibles sur inscription. La table ronde est prévue le mercredi 8 mars 2017, de18h à 20h dans les Salons d’honneur de l’INALCO, 2 rue de Lille, 75006 Paris. Il faut s’inscrire auprès de galia.ackerman@gmail.com.

Le colloque se déroule ensuite du 9 au 10 mars, amphithéâtre Liard, à la Sorbonne, 17 rue de la Sorbonne à Paris et se poursuivra le 11 mars à l’Université Panthéon-Assas,12 place du Panthéon, 75005 Paris. Le programme détaillé peut être obtenu auprès de raisa.s.ostapenko@gmail.com, qui est également en charge d’enregistrer les inscriptions.

Source : Libération, Renaud Rebardy, 23-02-2017

Source: http://www.les-crises.fr/un-revisionniste-ukrainien-a-la-sorbonne-ce-week-end-action/


Volodymyr Viatrovich : l’historien qui blanchit le passé historique de l’Ukraine, par Josh Cohen

Friday 10 March 2017 at 08:38

Excellent article de la grande revue américaine Foreign Policy… Belle réflexion sur l’Histoire sous influence.

  1. Un révisionniste ukrainien à la Sorbonne ce week-end + ACTION
  2. Volodymyr Viatrovich : l’historien qui blanchit le passé historique de l’Ukraine, par Josh Cohen
  3. Mensonges et légitimation dans la construction nationale en Ukraine (2005-2010), par Delphine Bechtel

 

Source : Foreign Policy, Josh Cohen, 02-05-2016

Volodymyr Viatrovich est en train d’effacer tous les témoignages du passé raciste et sanglant – nettoyages ethniques et pogroms des archives officielles

Quand il s’agit de politique et d’histoire, une mémoire pointue peut être bien dangereuse. En Ukraine, alors que le pays lutte avec son identité, c’est doublement vrai. Pendant que les partis politiques ukrainiens tentent de pousser le pays soit vers l’Europe, soit vers la Russie, un historien ukrainien, jeune étoile montante, Volodymyr Viatrovych s’est positionné en plein milieu de cette bataille.

Soutenant une vision nationaliste et révisionniste de l’Histoire qui glorifie le mouvement du pays vers l’indépendance – expurgée de ses chapitres sanglants et opportunistes – Viatrovych a tenté de réécrire l’histoire moderne du pays, pour blanchir l’implication des groupes ukrainiens nationalistes dans l’Holocauste et les nettoyages ethniques de Polonais durant la Seconde guerre mondiale. Et aujourd’hui, il est en train de gagner.

En mai 2015, le président Petro Poroshenko a signé une loi ordonnant le transfert des archives provenant « d’organes soviétiques de répression », tel que le KGB et son successeur, le Service de Sécurité Ukrainien (SBU) vers un organisme gouvernemental nommé l’Institut Ukrainien pour la Mémoire Nationale.

Dirigée par le jeune chercheur, et chargée de la « mise en œuvre de la politique gouvernementale afférant à la restauration et la préservation de la mémoire nationale du peuple ukrainien » – l’Institut a reçu des millions de documents, y compris des informations sur des dissidents politiques, des campagnes de propagande contre la religion, des activités d’organisations nationalistes ukrainiennes, des activités d’espionnage et de contre-espionnage du KGB, et d’affaires criminelles liées aux purges staliniennes.

Sous la loi des archives, une des quatre « lois sur la mémoire » rédigées par Viatrovych, le mandat semblant anodin de l’institut est simplement une couverture pour présenter une vision biaisée et unilatérale de l’histoire ukrainienne moderne – et qui pourrait bien impacter le chemin que prend le pays.

La controverse se concentre sur un récit qui amplifie les crimes soviétiques et glorifie les combattants nationalistes ukrainiens tout en ignorant le rôle majeur qu’ils ont joué dans les nettoyages ethniques de juifs et de Polonais entre 1941 et 1945, après l’invasion de l’ex-Union Soviétique par les nazis.

À la place, la vision de Viatrovych de l’histoire nous parle de guérillas rebelles qui se sont héroïquement battus contre la toute puissance soviétique.

Elle transmet aussi le message à ceux qui ne s’identifient pas aux faiseurs de mythes ethno-nationalistes du pays – comme beaucoup de russophones dans l’Est de l’Ukraine qui célèbrent toujours l’héroïsme de l’Armée Rouge durant la seconde guerre mondiale – qu’ils sont « out ». Et plus particulièrement, les intellectuels craignent maintenant le risque de représailles s’ils ne suivent pas la ligne officielle – ou ne soutiennent pas Viatrovych dans ses distorsions historiques. Sous le règne de Viatrovych, le pays pourrait bien entrer dans une nouvelle et terrifiante ère de censure.

Bien que des événements ayant eu lieu il y a 75 ans pourraient sembler être de l’histoire ancienne, ils sont très présents dans la guerre de l’information que se livrent la Russie et l’Ukraine.

Le révisionnisme se concentre sur deux groupes nationalistes ukrainiens : l’Organisation des Ukrainiens Nationalistes (OUN) et l’Armée Ukrainienne Insurgée (UPA), qui se sont battues pour une Ukraine indépendante. Durant la guerre, ces groupes ont tué des dizaines de milliers de juifs et ont lancé une violente campagne de nettoyage ethnique qui a tué pas moins de 100 000 Polonais. Créée en 1929 pour libérer l’Ukraine du giron Soviétique, l’OUN a défendu la notion d’une nation ukrainienne ethniquement pure. Lorsque les nazis ont envahi l’Union Soviétique en 1941, l’OUN et sont chef charismatique Stepan Bandera, ont accueilli l’invasion comme un pas en avant vers l’indépendance ukrainienne. Ses membres ont commis un pogrom à Lviv qui tua 5000 juifs, et les milices de l’OUN ont joué un rôle majeur dans les violences contre les juifs dans l’Est de l’Ukraine qui ont coûté la vie à 35 000 juifs.

Cependant, Hitler ne souhaitait pas donner son indépendance à l’Ukraine. En 1943, l’OUN avait pris violemment le contrôle de l’UPA et s’est déclarée opposée tant aux Allemands, qui alors battaient retraite, qu’aux Soviétiques qui arrivaient.

De nombreux membres de l’UPA avaient déjà assisté les nazis en tant que police auxiliaire ukrainienne, dans l’extermination de centaines de milliers de juifs dans l’Ouest de l’Ukraine en 1941 et 1942, et devenaient maintenant les petits soldats d’une nouvelle vague de nettoyages ethniques en Ukraine en 1943 et 1944, cette fois-ci directement contre les Polonais.

Quand les soviétiques s’approchèrent en 1944, l’OUN repris sa coopération avec les Allemands et continua de combattre les Soviétiques jusque dans les années 50, avant d’être définitivement écrasée par l’Armée Rouge.

Cet héritage de sacrifice contre les Soviétiques continue à pousser de nombreux nationalistes ukrainiens à voir Bandera et l’OUN-UPA comme des héros dont le courage a permis de garder en vie le rêve de nation Ukrainienne.

Maintenant que l’Ukraine cherche à se défaire des griffes russes, les nationalistes ukrainiens ajoutent de l’eau au moulin de la machine à propagande du Kremlin, qui déclare que l’Ukraine post-révolutionnaire est dirigée par des fascistes et des néo-nazis.

Cette nouvelle loi, qui promet que les personnes qui « présenteront une attitude irrespectueuse » vis-à-vis de ces groupes, ou bien qui « nieraient la légitimité » de la lutte de l’Ukraine pour son indépendance durant le XXème siècle seront poursuivies en justice (bien qu’aucune peine ne soit précisée), signifie aussi que l’Ukraine indépendante est partiellement construite sur une narrative falsifiée sur l’Holocauste.

En transférant le contrôle des archives nationales à Viatrovych, les nationalistes ukrainiens se sont assurés que la gestion de la mémoire nationale est maintenant entre de « bonnes » mains.

***

Depuis le début de sa carrière, il a été une étoile montante. Viatrovich est titulaire de l’équivalent d’un doctorat de l’université de Lviv, située dans la ville Ouest-ukrainienne où il est né, et est un orateur doué et passionné, bien qu’il ait tendance à parfois s’emporter.

Le chercheur de 35 ans s’est d’abord fait un nom à l’Institut pour l’Étude du Mouvement de Libération, connu sous son acronyme ukrainien TsDVR, une organisation créée pour promouvoir la narrative héroïque des OUN-UPA, où il a commencé à travailler en 2002. En 2006 il en était devenu le directeur. Pendant ce temps, il a publié des livres à la gloire de l’OUN-UPA, a lancé des programmes pour aider les intellectuels ukrainiens à promouvoir les vues nationalistes, et servir de pont aux ultra-nationalistes dans la diaspora qui financent largement le TsDVR.

En 2008, en plus de son rôle au TsDVR, Viktor Yushchenko, le président de l’époque, désignât Viatrovych comme chef des archives du Service de Sécurité Ukrainien (SBU).

Le Président Yushchenko (2005-2010) fit de la promotion de la mythologie OUN-UPA une part fondamentale de son héritage, faisant réécrire les livres scolaires, renommant les rues, et élevant les chefs de l’OUN-UPA au rang de « héros de l’Ukraine ». En tant que principal gardien de la mémoire de Yushchenko – autant au TsDVR qu’au SBU – Viatrovich était son bras droit dans cette croisade. Il a continué à pousser une représentation héroïque de l’OUN-UPA et de leurs leaders Bandera, Yaroslav Stetsko et Roman Sukhevych, financée par l’état. « La bataille de l’Ukraine pour son indépendance est l’une des pierres angulaires de notre identité nationale, » écrivit Viatrovych dans la Pravda en 2010. « Parce que sans l’UPA, sans Bandera, sans Shukhevych, il n’y aurait pas d’état ukrainien contemporain, il n’y aurait pas de nation ukrainienne contemporaine. »

Vyatrovich est aussi régulièrement cité dans les médias ukrainiens, et même en allant aussi loin qu’en défendant la division SS Ukrainienne Galicie qui combattit au côté des nazis durant la seconde guerre mondiale.

Après que Victor Yanukovych ait été élu président en 2010, Vyatrovich disparut des écrans radar. Yanukovich était glorifié dans l’Est de l’Ukraine et était un ami de la Russie, ainsi il ne partageait pas avec le chercheur une lecture nationaliste de l’Histoire. Durant cette période Viatrovych a passé quelques temps en Amérique du Nord, pour une série de conférences, ainsi que pour un court séjour à l’Institut de Recherche Ukrainien à Harvard (HURI). Il a par ailleurs continué son activisme académique en écrivant des livres et des articles à la gloire de l’OUN-UPA. En 2013 il a essayé de briser et d’interrompre un atelier sur le nationalisme ukrainien et russe qui se déroulait à l’institut Harriman à Columbia. Lorsque la révolution de Maïdan éjecta Yanukovich du pouvoir en février 2014, Vyatrovych est revenu au premier plan.

En mars 2014, Vyatrovich a été nommé à la tête de l’Institut Ukrainien pour la Mémoire Nationale – une nomination prestigieuse pour un chercheur relativement jeune. Bien qu’il ne soit pas très clair qui décida de cette nomination, ses services sous Yushchenko lui ont sans doute accordé les faveurs des nationalistes. Il y a de fortes chances que cette nomination ait été faite pour récompenser les nationalistes qui ont soutenu la révolution de Maïdan. Les nationalistes ont fourni une grande partie de la force utilisée dans la bataille contre les forces de sécurité de Yanukovych durant la révolte, ont formé le cœur de bataillons privés comme le Secteur Droit et ont joué un rôle clé dans les combats contre les séparatistes du Donbass après l’annexion de la Crimée par la Russie.

Bien que son étoile politique continuait de monter, l’intégrité de Viatrovych en tant qu’historien était largement attaquée au sein de pays occidentaux ainsi que par un certain nombre d’historiens respectés en Ukraine. Selon Jared McBride, chercheur à l’Institut Kennan et membre du Musée Mémorial de l’Holocauste aux États-Unis, « la glorification de l’OUN-UPA n’est pas réduite à l’Histoire. C’est un projet politique actuel qui consolide une vue très unilatérale dans la société ukrainienne, qui n’a une profonde résonance que dans la province occidentale de Galicie. »

Bien que le point de vue de Viatrovych soit très populaire dans l’Ouest de l’Ukraine, où il y a de nombreux monuments à Bandera, et des rues à son nom (le TsDVR lui même se trouve sur la rue Bandera à Lviv), bon nombre d’ukrainiens dans le Sud et l’Est de l’Ukraine n’apprécient pas l’héritage nationaliste de la Seconde guerre mondiale.

À Lougansk dans l’Est du pays, et en Crimée, les gouvernements locaux ont érigé des monuments aux victimes de l’OUN-UPA. De ce fait, imposer une vision nationaliste de l’Histoire à tout le pays nécessite d’éradiquer les croyances et les identités de nombreux autres Ukrainiens, qui ne partagent pas la narrative nationaliste.

À cet effet, Viatrovych a relégué les faits historiques incompatibles avec cette narratives à de la « propagande soviétique. » Dans son livre de 2006, la Position de l’OUN vis-à-vis des juifs : élaboration d’une position sur fond de catastrophe, il tentait d’exonérer l’OUN de sa collaboration à l’Holocauste, ignorant une très grande quantité de données historiques sur le sujet. Le livre a été largement critiqué par des historiens occidentaux. Le professeur John-Paul Himka de l’Université de l’Alberta, l’un des spécialistes de l’Histoire ukrainienne les plus reconnus depuis trois décennies le décrit comme « employant une série de procédés douteux : rejetant les sources qui compromettent l’OUN, acceptant sans aucune critique des sources censurées émanant des cercles de l’OUN de l’émigration, se gardant de reconnaître un quelconque antisémitisme dans les textes de l’OUN. » (Source)

Encore plus inquiétant pour l’intégrité future des archives ukrainiennes sous Viatrovych : sa réputation en sein des historiens occidentaux à vouloir prétendument ignorer ou même falsifier des documents historiques.

« Les chercheurs de son équipe publient des documents falsifiés » dit Jeffrey Burds, professeur d’histoire Russe et Soviétique à l’Université Northeastern. « Je le sais car j’ai vu les originaux, fait des copies et comparé leurs transcriptions aux originaux. »

Burds a décrit un livre de 898 pages contenant des documents transcrits par un des collègues de Viatrovych, que Viatrovych utilise pour défendre sa revendication comme quoi il libèrera tout ce qui est nécessaire des archives ukrainiennes pour examen par les chercheurs. Burds cependant, décrit ceci comme un « monument de blanchissage et de falsification avec des mots, des phrases et des paragraphes entiers supprimés. Qu’est-ce qui a été supprimé ? » Burds continue. « Tout ce qui critique le nationalisme ukrainien, tout ce qui prouve les conflits à la tête de l’OUN-UPA, des sections de rapports d’interrogatoires où les interrogés divulguaient des preuves contre d’autres nationalistes, des enregistrements d’atrocités. »

L’expérience de Burds n’est pas inhabituelle. J’ai été en contact et interviewé un certain nombre d’historiens pour cet article, et leurs griefs face à Viatrovych sont remarquablement constants : faits historiques établis ignorés, documents falsifiés et nettoyés et accès restreint sous sa surveillance aux archives du SBU.

« J’ai eu du mal à travailler aux archives du Service de Sécurité Ukrainien, quand Viatrovich était à sa tête. » dit Marco Carynnyk, un émigré Ukrainien-Canadien, et chercheur indépendant sur l’Histoire Ukrainienne du XXème siècle depuis de nombreuses années. « J’ai aussi la preuve que Viatrovych a falsifié des données historiques dans ses propres publications, puis a trouvé des excuses pour ne pas me laisser voir les données qui pourraient le démontrer. »

McBride confirme les dires de Carynnyk, notant que « quand Viatrovych était le chef des archivistes au SBU, il créa une archive numérique ouverte aux citoyens ukrainiens et aux étrangers. Malgré ce développement plutôt positif, lui et son équipe se sont assurés d’avoir exclu tous les documents des archives qui pourraient donner une mauvaise image de l’OUN-UPA, incluant leur participation à l’Holocauste et d’autres crimes de guerre. »

Avec toutes ces mauvaises expériences qu’ont endurées autant d’historiens avec Viatrovych, laisser toutes les archives les plus sensibles de la nation sous son contrôle est un signe que les choses n’iront que plus mal. Compte tenu de son profil, on peut aisément imaginer que Viatrovych contrôlera ce qui peut – ou ne peut pas – sortir des archives de l’Institut Ukrainien pour la Mémoire Nationale.

***

Les historiens ukrainiens se sont déjà inquiétés ouvertement sur la façon dont la nouvelle loi sur les archives affectera leurs recherches. Le syndicat des Archivistes d’Ukraine s’est opposé à la loi, et l’historien ukrainien Stanislav Serhiyenko l’a dénoncée comme une opportunité pour Viatrovich et son Institut pour la Mémoire de « monopoliser et restreindre l’accès à tout un pan de documents significatifs, qui sont  incompatibles avec sa vision primitive de l’histoire moderne de l’Ukraine, ou dans le pire des cas, de détruire des documents. Des études non biaisées de l’Histoire soviétique, de l’OUN, l’UPA, etc. seront alors impossibles. » Soixante-dix historiens ont signé une lettre ouverte à Poroshenko, lui demandant d’opposer un véto au projet de loi qui bannit toute critique de l’OUN-UPA.

Viatrovych a riposté, « l’inquiétude sur les possibles interventions de politiciens dans des discussions académiques, qui est une des raisons principales de cette lettre, n’est pas nécessaire. »

Les inquiétudes de Serhiyenko sont cependant bel et bien fondées, et un incident récent montre bien la pression que subissent les historiens ukrainiens pour laver les atrocités commises par l’OUN-UPA.

Suite à la publication de la lettre, l’initiateur de cette législation Yuri Choukhevytch a réagi furieusement. Choukhevytch, fils du chef de l’UPA Roman Choukhevytch, et activiste politique d’extrême-droite depuis longtemps, a envoyé une lettre au ministre de l’éducation Serhiy Kvit clamant que « les services spéciaux russes ont produit cette lettre et ont demandé à des historiens « patriotes » de la publier. » Kvit, lui aussi un activiste d’extrême droite depuis longtemps, et l’auteur d’une biographie admirative de l’un des théoriciens clefs du nationalisme ethnique ukrainien, a surligné sur sa copie de la lettre le nom des historiens ukrainiens signataires, laissant planer une ambiance menaçante.

De plus, Kvit a contacté au moins un de ces historiens ukrainiens, un chercheur établi et réputé, lui demandant de rédiger une réponse à la lettre, désavouant sa position et la condamnant.

Comme le notait la lettre, « le contenu et l’esprit de ces quatre lois contredit l’un des droits politiques les plus fondamentaux : le droit de liberté d’expression […] ces 15 dernières années, Vladimir Poutine a investi énormément de ressources dans la politisation de l’Histoire. Ce serait un désastre si l’Ukraine suivait la même direction, même partiellement ou timidement. »

Si les Historiens ukrainiens ne peuvent pas signer une simple lettre sur la liberté d’expression en toute sécurité, quelles sont les chances pour eux d’être autorisés à réaliser des recherches objectives sur des sujets sensibles, alors que Viatrovych récupère le contrôle des archives les plus importantes de la nation ?

En réponse à un e-mail que j’ai envoyé à Viatrovych le 24 février (dans lequel je l’informais de la publication de cet article, et dans lequel je lui demandais des commentaires sur la représentation dans l’Ukraine contemporaine des organisation nationalistes durant la période de la Seconde guerre mondiale), il a nié avec véhémence les accusation levées contre lui dans cet article.

Viatrovich considère les allégations d’historiens occidentaux comme quoi il ignore ou falsifie des documents histoires comme « sans fondement. » En réponse à une question sur le fait si les inquiétudes du Syndicat des Archivistes d’Ukraine étaient fondées, Viatrovych a répondu, « durant tout mon travail en relation avec les archives, j’ai travaillé exclusivement sur leur ouverture, de ce fait, je ne vois aucune raison  de s’inquiéter que maintenant j’allais en restreindre l’accès. »

Dans cette même réponse, Viatrovych a aussi nié que l’OUN et l’UPA a effectué un nettoyage ethnique sur les juifs et les Polonais après l’invasion de l’Union Soviétique par les nazis, rejetant les accusations comme « une part intégrale de la guerre d’information que l’URSS a menée contre le mouvement ukrainien de libération de puis la seconde guerre mondiale. »

Alors que Viatrovych  admettait aussi (par e-mail) que certains membres de l’OUN soutenaient des visions antisémites, il soutient que « la plus grande partie des membres de l’OUN étaient ceux qui considéraient que l’extermination des juifs par les nazis n’étaient pas leur problème, puisque leur but premier était de défendre la population ukrainienne contre la répression allemande, » écrit Viatrovych. « C’est pour cette raison que [au début de 1943] ils [l’OUN] ont créé l’UPA. Les accusation comme quoi des soldats de cette armée ont pris part à l’Holocauste ne sont pas fondée puisqu’au moment de sa création, les nazis avaient quasiment terminé la destruction des juifs, » conclut-il.

Le problème est que la défense de Viatrovych de l’OUN et de l’UPA ne concorde pas avec les preuves détaillées présentées par de nombreux historiens occidentaux. L’idéologie de l’OUN était explicitement antisémite, décrivant les juifs comme « un corps hostile prédominant dans notre organisme national » et utilisait des éléments de langage comme « combattez les juifs comme des défenseurs du régime Moscovite-Bolchevique » et « l’Ukraine aux ukrainiens ! … Mort à la communauté juive-moscovite !»

En fait, mais avant l’invasion de l’Union Soviétique par les nazis, les leaders d’OUN tels que Yaroslav Stetsko ont explicitement soutenu les méthodes allemandes d’exterminations de juifs.

La logique de Viatrovych sur l’UPA sonne creux elle aussi. Des centaines de témoignages de juifs survivants – dont nombreux sont documentés de façon exhaustive par Himka – confirment que l’UPA a abattu bon nombre de juifs encore en vie dans l’Ouest de l’Ukraine avant 1943.

De plus, alors que Viatrovych présente un nombre compris entre 70 000 et 100 000 Polonais tués par l’UPA entre 1943 et 1944 comme un effet collatéral d’une guerre « polono-ukrainienne, » là-encore des documents historiques le contredisent. En réalité, des rapports de l’UPA confirment que le groupe tuait les Polonais aussi systématiquement que les nazis tuaient les juifs.

Le commandant suprême de l’UPA, Dmytro Kliachkivs’kyi a explicitement déclaré : « nous devrions lancer une action de liquidation à large échelle contre les éléments polonais. Durant l’évacuation de l’armée allemande, nous devrions trouver le moment approprié pour liquider entièrement la population mâle âgée de 16 à 60 ans. » Considérant que plus de 70% des cadres dirigeants de l’UPA avaient un passif de collaborateurs nazis, rien de tout cela n’est surprenant.

Alors que ces débats entre Viatrovych et les historiens occidentaux peuvent sembler académiques, c’est loin d’en être le cas. En juin dernier, le Ministère de l’Éducation de Kvit a publié une directive aux enseignants concernant la « nécessité d’accentuer le patriotisme et la moralité des activistes du mouvement de libération, » incluant le fait de dépeindre l’UPA comme « un symbole de patriotisme et d’esprit de sacrifice dans la lutte pour une Ukraine indépendante » et Bandera comme un « remarquable représentant du peuple ukrainien. » Plus récemment, l’Institut Ukrainien pour la Mémoire Nationale de Viatrovych a proposé que la ville de Kiev a renommé deux rues au nom de Bandera et de l’ancien commandant suprême de l’UPA  et de la Schutzmannschaft Roman Choukhevytch.

La consolidation de la démocratie ukrainienne – sans compter son ambition d’intégrer l’Union Européenne – nécessite que le pays soit capable d’affronter les aspects les plus sombres de son passé. Mais si Viatrovych suit son chemin, cette repentance pourrait très bien ne jamais arriver, et l’Ukraine n’obtiendra jamais une réconciliation complète avec son passé compliqué.

Source : Foreign Policy, Josh Cohen, 02-05-2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

P.S. : dans l’urgence, la traduction n’a pas été relue. Si quelqu’un peut le faire et nous indiquer ses remarques sur les éventuelles modifications importantes à apporter ? Merci d’avance.

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Pour les passionnés, je vous remets ces anciens billets sur l’Histoire de la 2e guerre mondiale en Ukraine :

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Quelques avis d’universitaires sur Viatrovych (la plupart en anglais) :

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On le voit ici pour un article dans un magazine où on lui demande de nommer les cinq personnalités exceptionnelles qui, selon lui, ont changé le cours de l’Histoire. Il cite Gutenberg, Churchill, Havel, Elon Musk et… Roman Choukhevytch :

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Sa fiche Wikipedia est éloquente : c’est un nationaliste ukrainien, engagé sous l’uniforme nazi et un génocidaire :

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Brute largement dénoncée par le centre Simon Wiesenthal :

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On retrouve donc ce sympathique historien au cœur de la Révolution de Maïdan :

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et donc à l’Assemblée Nationale :

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Il faut dire qu’on aura été de nouveau été bien informé par Piotr Smolar dans Le Monde en 2014 :

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ou encore en 2016 :

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Merci à tous ces journalistes pour leur bonne information du public français, donc…

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La parole est à la défense pour finir – ce sera sur EuroMaïdan, évidemment :

Un de ses collègues le défend :

Eh oui, cessons de “diaboliser” l’UPA génocidaire ! Wikipedia :

Elle plait bien au nouveau Président, alors…

Ce sont aussi des héros, faisons la part des choses !

Et enfin la réponse de l’intéressé – pleine de vide :

Dans cette interview Vyatrovirch se surpasse :

Faisons plus de nuances avec les nazis et les soviets quand même !

Source: http://www.les-crises.fr/volodymyr-viatrovich-l-historien-qui-blanchit-le-passe-historique-de-l-ukraine-par-josh-cohen/


Mensonges et légitimation dans la construction nationale en Ukraine (2005-2010), par Delphine Bechtel

Friday 10 March 2017 at 06:00

  1. Un révisionniste ukrainien à la Sorbonne ce week-end + ACTION
  2. Volodymyr Viatrovich : l’historien qui blanchit le passé historique de l’Ukraine, par Josh Cohen
  3. Mensonges et légitimation dans la construction nationale en Ukraine (2005-2010), par Delphine Bechtel

Source : ELH Revues, Delphine Bechtel, Octobre 2012

Résumé

Depuis son indépendance, et surtout à partir de la présidence de Viktor Iouchtchenko, l’Ukraine s’est construit un nouveau grand récit historique, appelé à fonder la grandeur héroïque de sa nation. Le mensonge ici se décline en un déni du caractère multiculturel de sa population (aux dépens en particulier de ses composantes juives et polonaises) et, concernant la part de l’Ukraine dans les événements de la Seconde Guerre mondiale, en un révisionnisme alimenté par la propagande nationaliste précédemment développée par un certain nombre d’intellectuels de la diaspora.

Plan

– La construction d’un récit nationaliste galicien en Ukraine occidentale
– L’historiographie comme entreprise étatique : les stratégies de légitimation scientifique de l’OUN/UPA
– La présidence Iouchtchenko, un passé difficile à effacer ?
  • 1 L’historiographie ukrainienne est celle d’une nation jeune, en pleine construction, dont l’histoire est discontinue et fortement liée à l’histoire russe, polonaise et, pour certaines régions, autrichienne, hongroise, tchécoslovaque, etc. Depuis l’indépendance, en 1991, les historiens s’évertuent à produire un grand narrative de la nation, la faisant remonter, en l’absence de véritable continuité chronologique, géographique et étatique, à la Rous’ kiévaine, puis à la principauté de Galicie, passant ensuite aux Cosaques zaporogues, aux deux tentatives éphémères d’indépendance en 1918-1919, et enfin à l’invasion allemande de l’URSS en juin 1941.
  • 1 C’est ainsi qu’on appelle en russe la Seconde Guerre mondiale.
  • 2 David Marples, Heroes and Villains : Creating National History in Contemporary Ukraine, Budapest/Ne (…)

2Cette production historiographique a pris naissance dès le tournant des années 1990 dans le berceau du nationalisme ukrainien, à Lviv, la capitale de l’Ukraine occidentale, avant de s’étendre progressivement au centre du pays et à la capitale, Kiev. Durant la présidence de Viktor Iouchtchenko (2005-2010), notamment, a été menée jusque par les plus hautes instances du pouvoir une relecture de l’histoire dont le but était, face à l’ancienne épopée soviétique de la « Grande Guerre patriotique1 », de créer un récit de l’histoire nationale fondé sur des stratégies d’héroïsation et de victimisation2 des seuls Ukrainiens ethniques et occultant la composante multiculturelle du pays, et de retracer les « efforts de libération » et de construction de l’État ukrainien. Cela n’est pas allé sans un certain révisionnisme, concernant notamment les périodes sombres de l’histoire, comme la Seconde Guerre mondiale.

La construction d’un récit nationaliste galicien en Ukraine occidentale

  • 3 Delphine Bechtel, « Lemberg/Lwów/Lvov/Lviv : identités d’une “ville aux frontières imprécises” », (…)

3Depuis les années 1990, les intellectuels et les édiles de Lviv, capitale de la région historique de Galicie (l’ancienne Lemberg autrichienne, puis la Lwów polonaise de l’entre-deux-guerres), ont entrepris de réinventer le passé de leur région. L’appellation « Galicie », tombée en désuétude sous l’ère soviétique, a été réinvestie avec une réactivation folklorique du mythe habsbourgeois (ouverture de cafés « viennois », marques de produits alimentaires faisant référence à la tradition « galicienne »). Ce particularisme s’est exprimé notamment à travers la revue Yi (nommée d’après la lettre ï, qui distingue l’alphabet ukrainien de l’alphabet russe), dirigée par Taras Vozniak et financée par la Fondation Heinrich Böll, qui a défendu dans les années 2000 une version douce du nationalisme local, consacrant plusieurs numéros tant aux conflits qu’à la réconciliation polono-ukrainienne et judéo-ukrainienne. Vozniak veut œuvrer en faveur d’une intégration rapide de l’Ukraine à l’Europe et a soutenu l’idée de faire de Lviv la « Strasbourg de l’Europe centrale de l’Est » et la capitale culturelle d’une Ukraine tournée vers l’Occident3.

4Dans cette région, berceau du nationalisme ukrainien, rurale et ukrainophone (contrairement à l’est du pays, industriel et russophone), gréco-catholique (contrairement à l’Est orthodoxe) et nationaliste (contrairement à l’Est, culturellement plus lié à la Russie), les fidèles de l’OUN (Organisation des nationalistes ukrainiens), mouvement ukrainien terroriste, fasciste, xénophobe et antisémite fondé en 1929, et de sa branche combattante l’UPA (Armée insurrectionnelle ukrainienne) se réveillent. Le parti UNA-UNSO (Assemblée nationale ukrainienne / Organisation national-socialiste ukrainienne), parti nationaliste ouvertement pronazi qui s’est renommé Svoboda (Liberté) après sa dissolution en 2004, et ses sbires bottés brandissant des drapeaux rouges et noirs évoquant les couleurs nazies défilent régulièrement lors des manifestations locales. Son leader, Oleh Tiahnybok, également élu député en 2002 au sein de la coalition Notre Ukraine de Iouchtchenko, dont il est l’un des soutiens, mène régulièrement campagne avec les slogans « L’Ukraine aux Ukrainiens » et « Dehors les Moscovites et les Juifs ».

  • 4 Aux élections locales de 2010, le parti Svoboda a obtenu entre 20 % et 30 % des voix en Galicie et  (…)

5Depuis les élections locales de 2009 et 2010, Svoboda dispose d’une influence déterminante dans les conseils régionaux de Lviv et de Ternopil4, tandis que les discours et les thématiques nationalistes ont gagné droit de cité dans toute la région. D’autant qu’un certain nombre de députés de l’ancienne UNA-UNSO siègent désormais sous l’étiquette d’autres partis, comme Andriy Shkil, réélu plusieurs fois député de Lviv dans le Bloc Ioulia Tymochenko. Cette radicalisation de la vie politique locale et l’acceptabilité croissante des thèses nationalistes extrémistes se sont vite traduites par la décision des conseils municipaux de la région de renommer des rues en l’honneur de nationalistes ukrainiens de l’OUN/UPA et d’ériger des monuments à ces leaders fascistes, impliqués dans la purification ethnique de la Galicie (les massacres de Polonais en 1942-1943 en Volhynie et en Galicie, ainsi que la collaboration avec les nazis dans l’anéantissement des Juifs).

6Ainsi, le musée d’Histoire de la ville de Lviv présente depuis 2006 une exposition dédiée aux « efforts de libération du peuple ukrainien » qui glorifie en réalité les bataillons Nachtigall et Roland, composés d’Ukrainiens embrigadés par les nazis, qui ont marché sur Lviv en juin 1941 en portant l’uniforme de la Wehrmacht, et la division SS-Galizien, constituée de volontaires ukrainiens ayant prêté serment à Hitler en 1943. Les théoriciens du fascisme ukrainien, tel Dmytro Dontsov, ainsi que les leaders de l’OUN/UPA, notamment Stepan Bandera et Roman Shukhevytch, deux fascistes et criminels de guerre notoires, sont célébrés à Lviv comme des figures de la quête d’indépendance ukrainienne. Relèvent particulièrement de la désinformation et du négationnisme les changements délibérés des légendes qui accompagnent les photos historiques et les objets exposés : les appellations allemandes ont disparu au profit de traductions ukrainiennes anodines, et le terme « SS » est carrément supprimé. Ainsi les bataillons Nachtigall et Roland apparaissent désormais sous la dénomination « Division des nationalistes ukrainiens », tandis que la division SS-Galizien devient l’inoffensive « Première Division ukrainienne », faisant croire à l’existence d’une armée ukrainienne indépendante des nazis. L’uniforme exposé a de surcroît été expurgé des galons, têtes de mort et insignes SS, tandis qu’une mention en petits caractères indique qu’il s’agit d’une « reconstitution ». C’est tout le passé collaborationniste de l’Ukraine que l’on cache ici aux visiteurs, afin de rendre acceptable l’héroïsation de criminels de guerre ayant collaboré avec les nazis.

Vitrine du musée d’Histoire de la ville de Lviv
Uniforme de la SS-Galizien sans les galons et insignes de la SS, présenté comme une « reconstitution ».
À l’arrière-plan : affiche de propagande antisoviétique et antisémite de 1943, publicité en ukrainien pour l’enrôlement dans la SS : « Venez combattre le bolchevisme dans les rangs de la Division galicienne ».
© Delphine Bechtel, 2007

  • Parallèlement, une véritable invention de l’histoire héroïque nationale se met en place, comme le démontre le complexe mémoriel inauguré en 2007 au cimetière Lytchakiv, à Lviv. Dominant l’ancien cimetière des défenseurs polonais de Lwów morts en combattant les indépendantistes ukrainiens en 1918-1919, les autorités locales ont construit un immense mausolée, avec un ensemble de stèles commémoratives aux « combattants pour la liberté » de l’Ukraine, ceux de 1918-1919, puis de 1941-1945 comme le bataillon Nachtigall et la SS-Galizien. Cette dernière est commémorée par une tombe du soldat inconnu, la seule au monde qui soit dédiée à un soldat de la SS5.

Stèle à la mémoire de la division SS-Galizien, cimetière Lytchakiv, Lviv
Inscription visible sur cette face de la colonne : « 1re Division “Galicie” ». Le mot « SS » a disparu de l’appellation.
© Delphine Bechtel, 2007

Tombe du soldat inconnu de la division SS-Galizien, cimetière Lytchakiv, Lviv
Inscription : « Ici repose un combattant inconnu de la Division “Galicie”, qui a donné sa vie pour la liberté du peuple ukrainien à la bataille de Brody en juillet 1944 ». La division SS-Galizien est ici commémorée comme unité ayant combattu l’Armée rouge, notamment à travers la bataille de Brody (petite ville de Galicie, à 80 % juive à l’époque – c’est la ville natale de Joseph Roth), où l’armée allemande encerclée subit une cuisante défaite.
© Delphine Bechtel, 2007

  • Comme dans les manuels d’histoire récents, on cherche à accréditer les « dates clés » de la construction de l’État ukrainien : l’éphémère indépendance de 1918-1919, puis l’« Acte du 30 juin 1941 », par lequel Yaroslav Stetsko, un des dirigeants de l’OUN proche de Bandera, proclama l’indépendance – proclamation inattendue et annulée une semaine plus tard par les nazis6.

9S’inscrivant davantage dans la tradition du martyrologe, des monuments commémoratifs aux victimes des persécutions staliniennes ont été dressés devant les prisons des rues Zamarstynivska et Lonskoho, où le NKVD avait fait abattre plus de 3 000 détenus en juin 1941, juste avant l’invasion allemande. Les Ukrainiens ethniques y sont montrés comme les seules victimes du stalinisme, alors que les déportations et la soviétisation forcée ont touché en premier lieu les élites polonaises et les Juifs. Plus encore, nulle part ne sont mentionnés les pogromes sanglants du mois de juillet 1941, perpétrés notamment par la milice et les nationalistes ukrainiens, qui ont fait près de 7 000 morts à Lviv, justement sur le terrain de ces mêmes prisons, et plusieurs dizaines de milliers en Ukraine occidentale.

  • 7 Rossolinski-Liebe, art. cit. (notre traduction).

10Si la ville de Lviv a pu être justement caractérisée à la fois de « jungle mémorielle » et de « palimpseste mémoriel7 » au vu de la valse des monuments qui a accompagné les nombreux bouleversements étatiques qu’elle a traversés, elle est aujourd’hui placée sous le signe d’une ukrainisation de plus en plus radicale et d’une politique de commémoration sélective, voire délibérément tronquée.

L’historiographie comme entreprise étatique : les stratégies de légitimation scientifique de l’OUN/UPA

  • 8 On désigne par ce mot, qui signifie en ukrainien « extermination par la faim », la grande famine qu (…)

11Tout cela n’aurait pas été possible sans la politique mémorielle menée au plus haut niveau de l’État depuis la révolution orange et l’élection du président Iouchtchenko. Ce dernier a poursuivi tout au long de son mandat une politique d’ukrainisation et de nationalisation du pays qui s’appuie sur les vues des milieux de la diaspora ukrainienne liés à l’OUN/UPA tout comme sur celles des néonationalistes d’Ukraine occidentale. Pour étayer sa politique de construction mémorielle, il s’est doté d’un appareil étatique : en 2005, il fonde l’Institut pour la mémoire nationale, créé sur le modèle de l’institut éponyme en Pologne, dont le but est de diffuser l’interprétation officielle de l’histoire. En premier lieu, par une loi de 2006, la Grande Famine ukrainienne est érigée au rang de génocide et tout négationnisme en la matière constitue désormais une infraction à la loi. L’Holodomor8, souvent appelé « holocauste », supplante le génocide des Juifs dans le discours victimaire officiel. Des chiffres fantaisistes allant jusqu’à dix millions de morts ukrainiens sont cités, tandis qu’est occultée la dimension transversale de cette Grande Famine stalinienne, qui s’est étendue jusqu’à la Volga et au Kazakhstan.

  • 9 Décrets présidentiels d’octobre 2007 no 966/2007 relatif à la commémoration du 65e anniversaire de  (…)

12Mais il s’agit surtout de fonder un discours héroïque : depuis 2005, lors des commémorations de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Iouchtchenko met sur un pied d’égalité les vétérans de l’Armée rouge et ceux qu’il appelle « les combattants pour la liberté » de l’Ukraine. Il octroie aux vétérans de l’UPA des décorations ainsi que l’accès à une pension d’ancien combattant, et réhabilite Roman Shukhevytch, chef du bataillon Nachtigall et de l’UPA, en lui décernant fin 2007 le titre de « héros de l’Ukraine »9.

  • 10 Volodymyr Viatrovytch, Stavlennia OUN do evreiiv : Formuvannia pozytsii na tli katastrofy, Lviv, MS (…)
  • 11 « Lehenda pro Nachtigall » (en ukrainien), reproduit sur la page <memorial.kiev.ua/content/view/539 (…)
  • 12 Voir « Security Service of Ukraine reveals documents that unmask Soviet myths about the OUN », Den’(…)
  • 13 John-Paul Himka, « True and False Lessons from the Nachtigall Episode », Brama, <www.brama.com/news (…)

13Trois institutions officielles collaborent sous la présidence de Iouchtchenko à l’entreprise de blanchiment de l’OUN/UPA : l’Institut pour la mémoire nationale, le Centre pour l’étude du mouvement de libération, établi en 2002 à Lviv et dirigé par l’historien Volodymyr Viatrovytch, et surtout le SBU, le Service de la Sécurité d’État, qui a remplacé le KGB et a hérité de ses archives, sur lesquelles il dispose d’un monopole. Les trois institutions se soutiennent et se corroborent mutuellement, fonctionnant grâce à un réseau de jeunes historiens acquis à la cause de l’OUN/UPA. Viatrovytch est l’un des plus actifs : en 2006, il publie un livre fondé sur des citations tronquées qui dénie tout antisémitisme au sein de l’OUN10 ; en 2007, il tente de réhabiliter la mémoire du bataillon Nachtigall en faisant remonter la « légende autour de Nachtigall », c’est-à-dire l’accusation de massacres, notamment de pogromes, à une tentative soviétique pour déstabiliser le gouvernement Adenauer dans les années 196011. En 2008, Oleksandr Ishchuk, un autre jeune historien travaillant aux archives du SBU, déterre un texte qui exonérerait l’OUN de toute implication dans les pogromes : d’après cette « chronique » datée du 4 juillet 1941, la Gestapo aurait invité les Ukrainiens à en commettre un à Lviv, mais l’OUN aurait interdit à ses membres d’y participer12. Toutefois, selon l’historien ukraino-américain John-Paul Himka, ce document, comme bien d’autres, a probablement été écrit après 1943, à un moment où l’organisation, sentant le vent tourner, avait donné l’ordre d’expurger et de trafiquer ses archives afin de donner l’impression que c’étaient les Allemands et les Soviétiques qui étaient coupables d’actes antisémites, et non les Ukrainiens13.

  • 14 Pour plus de détails, voir Grzegorz Rossolinski-Liebe, « Celebrating Fascism and War Criminality in (…)

14Il faut rappeler que, depuis des décennies, une vaste œuvre de propagande est menée par des idéologues des milieux ukrainiens immigrés notamment au Canada, en Angleterre et en Allemagne, qui vise à présenter l’histoire de l’OUN/UPA comme celle d’organisations démocratiques, pro-occidentales, voire philosémites. Parmi les plus connus, Mykola Lebed’, ancien leader de l’OUN et fondateur de l’UPA, recruté par la CIA (qui ne répugnait pas à incorporer d’anciens nazis et fascistes), dont les archives ont été récemment transférées au Harvard Ukrainian Institute, avait détruit et redactylographié tous les originaux des années de guerre, procédant ainsi à une falsification à grande échelle ; l’équipe réunie à Toronto autour du vétéran de l’UPA Petro Potichnyj a pour sa part publié dans la longue série de volumes Litopys UPA les chroniques (soigneusement expurgées de toute mention d’antisémitisme) de l’UPA. Pour parler de la France, mentionnons Volodymyr Kosyk, docteur en histoire de l’université Paris-I – Sorbonne (!) et vice-directeur de l’Université ukrainienne libre de Munich, auteur d’un ouvrage paru en 1986 à Paris, L’Allemagne national-socialiste et l’Ukraine, qui réussit le tour de force de ne pas receler un mot sur la collaboration ou la destruction des Juifs d’Ukraine. Citons encore Petro Myrtchuk, ancien de l’OUN, dont les pamphlets nationalistes suintent l’antisémitisme primaire14. On n’hésite pas à recourir à la mystification pour présenter l’UPA comme philosémite : ainsi, le même Myrtchuk publie la pseudo-autobiographie de Stella Krentsbakh, une Juive ukrainienne qui aurait dû sa survie à l’UPA, texte qui s’est révélé être un faux mais reste fréquemment cité.

  • 15 Propos tenus par Valentyn Nalyvaytchenko, président du SBU, dans « KGB provoked Ukrainian-Jewish co (…)

15Dans le sillage de ces travaux de la diaspora, des publications et des colloques sont organisés en Ukraine afin de prouver que les Ukrainiens et les Juifs combattaient côte à côte contre le totalitarisme et le régime communiste, et que les atrocités qui ont été reportées par les témoins juifs seraient en réalité le fait du KGB, lequel aurait envoyé des agents soviétiques déguisés en Ukrainiens pour tuer des Juifs15 !

  • 16 Voir le décret présidentiel du 23 janvier 2009 relatif à la déclassification, la publication et l’é (…)
  • 17 Tarik C. Amar, Ihor Balyns’kyi, Yaroslav Hrytsak (dir.), Strasti za Banderoiu, Kyiv, Hrani-T ; voir (…)

16Enfin, en décembre 2008, le directeur de l’Institut pour la mémoire nationale, Ihor Ioukhnovskyi, attèle ses historiens à la tâche la plus ardue : la réhabilitation du chef de l’OUN lui-même, l’extrémiste fasciste Stepan Bandera. Dans ce but, Iouchtchenko déclassifie en janvier 2009 une nouvelle fournée de documents sur l’OUN/UPA conservés au SBU16 et, fin janvier 2010, juste avant de quitter le pouvoir, décerne le titre de « héros de l’Ukraine » à Bandera. Entre-temps, les historiens ont rivalisé pour célébrer le nouveau héros, à tel point que la désinformation, la manipulation des sources, le négationnisme et même la légitimation de massacres finissent par obtenir droit de cité, y compris dans les milieux universitaires. Témoigne des errances de l’époque le volume Strasti za Banderoiu (Les passions autour de Bandera), édité en 2010 par un collectif d’historiens – dont Tarik Amar et Yaroslav Hrytsak, de Lviv –, qui juxtapose sans commentaire des textes de pure idéologie glorifiant le leader fasciste et d’autres, plus nuancés17. En offrant un forum et une plate-forme respectables à ce type d’opinion antidémocratique, les deux historiens de Lviv, eux-mêmes modérés, cautionnent et légitiment hélas un discours xénophobe et dangereux.

La présidence Iouchtchenko, un passé difficile à effacer ?

17Voulant ancrer l’identité ukrainienne dans un récit héroïque fondé sur des faits d’armes et réhabiliter les chefs de guerre liés à l’OUN/UPA, Iouchtchenko a tenté de faire reconnaître des narrations historiques empreintes d’idéologie, de nationalisme ethnique, de xénophobie, et d’ériger en héros des personnages suspects et criminels. Cette tentative a échoué, ne serait-ce que parce que la moitié orientale du pays, russophone et au passé lié aux partisans soviétiques et à l’Armée rouge, l’a refusée. Les conseils municipaux de villes comme Kharkiv, Donetsk ou Lugansk ont réagi vivement contre les mesures présidentielles, et à Kharkiv, Simferopol, Sumy, etc., ont été érigés, en signe de protestation, des monuments aux victimes de l’UPA, comme il en existe aussi beaucoup en Pologne. La politique mémorielle de Iouchtchenko a donc divisé le pays en deux, isolé l’Ukraine de ses voisins et de l’Europe, et décrédibilisé la recherche et les milieux académiques ukrainiens, tout en les subordonnant à des institutions d’État chargées de produire une version gouvernementale de l’histoire.

18Certes, le nouveau président, Viktor Yanoukovytch, a annulé le titre de héros de l’Ukraine décerné à Bandera et à Shukhevytch, a fait retirer le qualificatif de génocide à la Grande Famine, a renvoyé Ioukhnovskyi et Viatrovytch de leurs postes et a placé les instituts de recherche et le SBU sous l’autorité du nouveau pouvoir.

19Toutefois, ces mesures, également antidémocratiques par ailleurs, n’effacent pas le mal fait durant l’ère de la présidence orange. L’extrême droite progresse fortement en Ukraine ; le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, qui se déploient jusque sur les terrains de football, où les supporters du club Karpaty Lviv arborent des drapeaux nazis, s’étalent à ciel ouvert. L’ouest du pays s’est encore radicalisé et vote désormais pour le parti Svoboda plutôt que pour les partis orange, déconsidérés par la faillite du président sortant et l’incarcération de Ioulia Tymochenko.

  • 18 Voir « Petition by historians in response to detention of their colleague Ruslan Zabily », <khpg.or (…)
  • 19 Per A. Rudling, Jared McBride, « Ukrainian Academic Freedom and Democracy under Siege », The Algeme (…)

20En face, Yanoukovytch remet de l’ordre de manière autoritaire, allant jusqu’à intimider les chercheurs nationalistes : Ruslan Zabilyi, à l’époque directeur du musée de la prison « Tiurma na Lonskoho » à Lviv, a ainsi été soumis en septembre 2010 à une garde à vue musclée de quatorze heures par le SBU, qui lui a confisqué son ordinateur18. Certes. Mais, d’un autre côté, Svoboda jouit d’une toute-puissance et d’une impunité totale : n’a-t-il pas réussi à empêcher une série de conférences de l’historien polonais Grzegorz Rossolinski-Liebe, qui vient d’achever à l’université de Hambourg une thèse sur Bandera et qui était invité en Ukraine par l’ambassade d’Allemagne et la Fondation Heinrich Böll pour parler de Bandera en tant que fasciste19 ? Quand des centaines d’extrémistes de Svoboda ont entouré l’ambassade en brandissant des panneaux traitant le jeune historien de « fasciste », « nazi », « ukrainophobe » et le comparant à… Goebbels, il y eut très peu de réactions de la part de la communauté scientifique ukrainienne et même internationale. Des jeunes chercheurs ont été intimidés, menacés de perdre leur bourse ou leur soutien institutionnel s’ils signaient la pétition en sa faveur. Personne n’ose se mesurer à Svoboda, qui gagne sur tous les plans, reléguant la critique de Bandera au rang d’une « provocation » allemande ou, comme on l’a prétendu bien à tort, d’une bravade d’un historien fantasque qui serait à la solde du Parti des régions, le parti de Yanoukovytch.

21L’entreprise de blanchiment de l’OUN/UPA et des périodes les plus noires de l’histoire ukrainienne se poursuit dans les milieux de l’émigration, et même dans les départements d’études ukrainiennes des universités d’outre-Atlantique, comme à Harvard, où Viatrovytch a trouvé un refuge comme chercheur invité. En Ukraine occidentale, les mentalités n’ont pas changé et se sont même trouvées confortées par les ennuis que le nouveau régime fait subir aux nationalistes. Dans le même temps, la recherche continue d’être assujettie au pouvoir, dans une Ukraine de plus en plus poutinisée ou rien d’approchant la liberté et l’indépendance de la recherche et de l’histoire n’existera avant longtemps…

NOTES

1 C’est ainsi qu’on appelle en russe la Seconde Guerre mondiale.

2 David Marples, Heroes and Villains : Creating National History in Contemporary Ukraine, Budapest/New York, Central European University Press, 2007.

3 Delphine Bechtel, « Lemberg/Lwów/Lvov/Lviv : identités d’une “ville aux frontières imprécises” », Diogène, no 210, 2005, p. 73-84. Voir Yi, no 29, Genius loci. Leopolis. Lviv. Lemberg. Lwów, 2003.

4 Aux élections locales de 2010, le parti Svoboda a obtenu entre 20 % et 30 % des voix en Galicie et un tiers des sièges au conseil municipal de Lviv.

5 Voir Grzegorz Rossolinski-Liebe, « Der Raum der Stadt Lemberg in den Schichten seiner politischen Denkmäler », Kakanien Revisited, 2009, accessible à partir de la page <www.kakanien.ac.at/beitr/fallstudie/GRossolinski-Liebe1/?page=2&alpha=r>, cons. août 2012.

6 Malgré les bonnes volontés collaborationnistes de Stetsko et des autres dirigeants de l’OUN face à l’invasion allemande, à laquelle ils participèrent, malgré leur antisémitisme et leur vision d’un État ukrainien fasciste sur le modèle de la Slovaquie de Tiso ou de la Croatie de Pavelic, l’indépendance de l’Ukraine ne correspondait pas aux projets d’Hitler.

7 Rossolinski-Liebe, art. cit. (notre traduction).

8 On désigne par ce mot, qui signifie en ukrainien « extermination par la faim », la grande famine qui fit entre 3 et 5 millions de victimes en Ukraine en 1932-1933.

9 Décrets présidentiels d’octobre 2007 no 966/2007 relatif à la commémoration du 65e anniversaire de la création de l’UPA ; no 958/2007 relatif à la remise de décorations de l’État ukrainien aux participants à la lutte de libération nationale ; no 965/2007 relatif à l’octroi du titre de héros de l’Ukraine à R. Shukhevytch.

10 Volodymyr Viatrovytch, Stavlennia OUN do evreiiv : Formuvannia pozytsii na tli katastrofy, Lviv, MS, 2006.

11 « Lehenda pro Nachtigall » (en ukrainien), reproduit sur la page <memorial.kiev.ua/content/view/539/149/>, déc. 2007, cons. 21 août 2012.En 1959, lors du procès de Theodor Oberländer, référent allemand de Shukhevytch dans la Wehrmacht et alors ministre en RFA, l’Union soviétique, par le biais de la RDA, a rendu publics des documents sur les atrocités commises par les membres de l’OUN.

12 Voir « Security Service of Ukraine reveals documents that unmask Soviet myths about the OUN », Den’, <www.day.kiev.ua/en/article/day-after-day/security-service-ukraine-reveals-documents-unmask-soviet-myths-about-oun>, 12 févr. 2008, cons. 21 août 2012. Sur les pogromes, voir Delphine Bechtel, « Les pogroms en Galicie, 1941 : des pages blanches de l’histoire à une histoire en pointillés ? », dans Luba Jurgenson, Alexandre Prstojevic (dir.), Des témoins aux héritiers : l’écriture de la Shoah et la culture européenne, Pétra, 2012, p. 111-130 ; John-Paul Himka, « The Lviv Pogrom of 1941 : The Germans, Ukrainian Nationalists, and the Carnival Crowd », Canadian Slavonic Papers/Revue canadienne des slavistes, vol. 53, no 2-4, 2011, p. 209-244.

13 John-Paul Himka, « True and False Lessons from the Nachtigall Episode », Brama, <www.brama.com/news/press/2008/03/080319himka_nachtigall.html>, 19 mars 2008, cons. 21 août 2012.

14 Pour plus de détails, voir Grzegorz Rossolinski-Liebe, « Celebrating Fascism and War Criminality in Edmonton. The Political Myth and Cult of Stepan Bandera in Multicultural Canada », Kakanien Revisited, 29 déc. 2010, accessible à partir de la page <www.kakanien.ac.at/beitr/fallstudie/GRossolinski-Liebe2/?page=2&alpha=r>, cons. 21 août 2012 ; Per A. Rudling, « The OUN, the UPA and the Holocaust : A Study in the Manufacturing of Historical Myths », Carl Beck Papers in Russian & East European Studies, no 2107, 21 déc. 2011.

15 Propos tenus par Valentyn Nalyvaytchenko, président du SBU, dans « KGB provoked Ukrainian-Jewish conflits : SBU publicised documents », <www.axisglobe.com/article.asp?article=1533>, cons. janv. 2010 (des trois liens vers cette information, tous ont été désactivés depuis – signe de la mystification ?), et Oleksandr Ishchuk ; cf. Sofia Grachova, « Unknown Victims : Ethnic-Based Violence of the World War II Era in Ukrainian Politics of History after 2004 », Daniyliw Lecture2008, <www.ukrainianstudies.uottawa.ca/pdf/Danyliw08%20Grachova%20Paper.pdf>, cons. 21 août 2012.

16 Voir le décret présidentiel du 23 janvier 2009 relatif à la déclassification, la publication et l’étude de documents d’archives liés au combat pour la libération nationale ukrainienne, aux répressions politiques et au Holodomor en Ukraine.

17 Tarik C. Amar, Ihor Balyns’kyi, Yaroslav Hrytsak (dir.), Strasti za Banderoiu, Kyiv, Hrani-T ; voir également la critique du livre par Franziska Bruder, <defendinghistory.com/strasti-za-banderoju-%E2%80%98bandera-passion%E2%80%99-by-franziska-bruder/25453>, 20 nov. 2010, cons. 21 août 2012.

18 Voir « Petition by historians in response to detention of their colleague Ruslan Zabily », <khpg.org/en/index.php?id=1284550630>, 15 sept. 2010, cons. 21 août 2012.

19 Per A. Rudling, Jared McBride, « Ukrainian Academic Freedom and Democracy under Siege », The Algemeiner, <www.algemeiner.com/2012/03/01/ukrainian-academic-freedom-and-democracy-under-siege/>, 1er mars 2012, cons. 21 août 2012.

Source : ELH Revues, Delphine Bechtel, Octobre 2012

Source: http://www.les-crises.fr/mensonges-et-legitimation-dans-la-construction-nationale-en-ukraine-2005-2010-par-delphine-bechtel/


La pollution aux particules en Île-de-France

Thursday 9 March 2017 at 17:40

Je vois qu’il est grand temps de continuer un peu notre série prématurément interrompue. Demain, l’origine des particules (qui sont simplement des poussières très fines pour mémoire, voir ici)… 🙂

Index de la série “Pollution de l’air”

  1. La pollution de l’air cause 48 000 morts par an en France (+ présentation des polluants)
  2. La pollution aux particules fines
  3. Les graves effets des particules sur la santé
  4. La pollution de l’air dans le monde
  5. La pollution de l’air en Europe I (+ les morts du charbon)
  6. La pollution de l’air en Europe II
  7. La pollution de l’air en France
  8. Le très polluant chauffage au bois
  9. Le choix erroné de la France pour le diesel (mais le diesel a évolué…)
  10. Arrêtons avec les “centrales à charbon allemandes”…
  11. La pollution de l’air en Île-de-France (hors particules)
  12. La pollution aux particules en Île-de-France
  13. L’origine des particules en Île-de-France
  14. Les épisodes de pollution aux particules en Île-de-France
  15. Qualité de l’air en Île-de-France et épisodes de pollution récents
  16. La pollution dans le métro
  17. La pollution de l’air à la maison
  18. Suivi en direct de la pollution
  19. Quelques suggestions…
  20. Documents
  21. Synthèse de la série Pollution de l’air

Les particules fines : des niveaux soutenus, en légère baisse

Rappelons que les particules sont constituées d’un mélange de divers composés chimiques de différentes tailles. Une distinction est faite entre les particules PM10, de diamètre inférieur à 10 μm, et les PM2.5, de diamètre inférieur à 2.5 μm. Les particules PM10 sont majoritairement formées de particules PM2.5 : en moyenne annuelle, les PM2.5 représentent environ 60 à 70 % des PM10.

Les sources de particules sont multiples. Il existe d’une part des rejets directs dans l’atmosphère (particules primaires). Les sources majoritaires de particules primaires sont le secteur résidentiel et tertiaire (notamment le chauffage au bois), le trafic routier, les chantiers et carrières et l’agriculture. Elles peuvent également être d’origine naturelle (érosion des sols).

La contribution du secteur résidentiel et tertiaire aux émissions de PM2.5 est plus importante que pour les PM10 et à l’inverse la contribution de l’agriculture et des chantiers est plus faible. Cela s’explique par la nature des phénomènes prépondérants dans la formation des particules. Les particules PM2.5 sont majoritairement formées par des phénomènes de combustion (secteur résidentiel et tertiaire et trafic routier). Les activités mécaniques, telles que le secteur agricole (labours, moissons et phénomènes d’abrasion par les engins agricoles) et les chantiers favorisent la formation de particules de taille plus importante (PM10)

La pollution aux particules fines PM2,5 à Paris depuis 2007

Voici la situation à Paris depuis 2007 en moyenne horaire :

pollution-particules-paris-06

et ici en maximum horaire :

pollution-particules-paris-05

pollution-particules-paris-02

On note que la situation semble un peu s’améliorer, les pics étant un peu moins élevés qu’en 2007-2010.

Cela est confirmé par la tendance sur Paris depuis 2000 pour les PM10 et PM2,5 :

pollution-particules-paris-01

Il est encourageant de voir que les efforts des pouvoirs publics payent ; la situation n’est pas encore parfaite : il faudrait encore arriver à diviser probablement ces chiffres par 2.

Voici la moyenne en représentant l’écart-type (= la moyenne de l’écart à la moyenne)

pollution-particules-paris-07

Voici les tendances dans différentes zones de la région :

pollution-particules-paris-06

On peut aussi regarder le nombre de jours de dépassements de certains seuils suivant les zones, comme ici en zone trafic :

pollution-particules-paris-08

On voit qu’on ne dépasse quasiment plus les 50 µg par jour, qu’on est passé de 300 à 100 jours de dépassements du seuil de 20 µg, et que la zone connait désormais 30 jours par an (contre 0 avant 2011) un niveau conforme à la recommandation de l’OMS.

Voici pour la situation dans le centre de Paris :

pollution-particules-paris-09

Là encore, l’amélioration est nette, et Paris connait un air assez satisfaisant en particules 4 mois dans l’année.

Pour les zones rurales :

pollution-particules-paris-09

Là encore, l’amélioration est nette, et le fond rural connait un air assez satisfaisant en particules 9 mois dans l’année.

La situation en 2016

Voici le détail de situation en 2016 à Paris :

pollution-paris-an-01

avec les maximums OMS en moyenne annuelle et journalière :

pollution-paris-an-02

On note bien le pic assez exceptionnel de décembre 2016, le plus fort depuis 2007.

Représentons les deux mêmes graphes pour les PM10 :

pollution-paris-an-03

pollution-paris-an-04

On voit donc que le problème est plus important pour les PM2,5 que pour les PM10.

 

Revenons donc aux PM2,5 ; voici le détail suivant les zones :

pollution-particules-paris-12

Pour mieux voir, on peut représenter par différence le fond rural (comme indiqué dans le précédent), l’ajout urbain (niveau à Paris – niveau rural) et l’ajout trafic (niveau trafic – niveau Paris) :

pollution-particules-paris-13

et ici les 3 isolés :

pollution-particules-paris-14

On voit bien la part importante des particules importées dans les deux pics de l’année, près de 100 % en mars et 50 % en décembre…

pollution-particules-paris-15

pollution-particules-paris-16

L’apport du trafic semble baisser à l’automne, mais c’est un biais dans la présentation : c’est simplement que la part urbaine parisienne augmente fortement, en raison du chauffage principalement, ce qui diminue l’écart avec la zone trafic.

Enfin, voici pour information la situation moyenne par heure à Paris en 2016, qui laisse bien voir les heures de pointe :

pollution-particules-paris-03

Étude des PM10

Rappelons bien l’effet “cumul” pour les particules :

pollution air particules

niveaux-particules-region

Les émissions de PM10

Les émissions primaires franciliennes de particules PM10 s’élèvent à 15 kt pour la région Île-de-France en 2012 :

pm-10-idf-5

On constate une diminution de 48% des émissions de PM10 en Île-de-France sur 12 ans :

pm-10-idf-6

Le trafic routier est à l’origine de 28 % des émissions franciliennes de PM10 en 2012. Ces émissions routières se répartissent ainsi :

pm-10-idf-8

En 2012, l’échappement des véhicules diesel contribue pour 16 % à l’ensemble de toutes les émissions franciliennes (9 % véhicules particuliers, 5 % véhicules légers, 2 % poids lourds) alors que la contribution des véhicules particuliers essence est inférieure à 1 %. L’usure des routes, des pneus et plaquettes de freins – contre lesquelles il est dur de lutter – est responsable de 11 % des émissions franciliennes.

Les émissions de PM10 du trafic routier ont diminué de 55 % entre 2000 et 2012 grâce à l’apparition de filtres à particules à l’échappement des véhicules diesel.

Voici un zoom plus récent pour la seule ville de Paris :

pm-paris-2

avec le détail du transport routier :

pm-paris-3

pm-paris

20 % des émissions totales sont ici dus aux abrasions du trafic routier…

Voici le niveau d’émissions de particules en 2012 par kilomètre pour différents types de véhicules :

emissions-particules-voiture

Rappelons au passage qu’il y a en Île-de-France 15,5 millions de déplacements quotidiens en voiture, d’environ 6,1 km en moyenne (Source).

 

Le secteur résidentiel et tertiaire contribue à hauteur de 26 % aux émissions franciliennes. La répartition des émissions par combustible est la suivante :

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On constate une diminution de 49 % des émissions de PM10 du secteur résidentiel et tertiaire entre 2000 et 2012. Cette baisse est quasiment exclusivement due au renouvellement progressif des équipements de chauffage au bois. La baisse progressive de l’usage des foyers ouverts, fortement émetteurs de particules, vers l’usage de foyers fermés et de poêles à bois performants a permis de baisser fortement les émissions de particules. Cependant, le chauffage au bois en base et en appoint reste un contributeur important aux émissions primaires de particules en 2012 avec 20 % des émissions régionales de PM10 et 30 % des émissions régionales de PM2.5, alors que ce combustible ne couvre que 5 % des besoins d’énergie pour le chauffage des logements.

Les appareils à foyer ouvert, qui « émettent huit fois plus de particules qu’un foyer fermé avec un insert performant », sont stigmatisés et pour cause : ils représentent à eux seuls « plus de la moitié de ces émissions dues au chauffage au bois », selon la Driee. Selon l’Ademe, l’âge moyen des équipements est de 15 ans, et 18 % des poêles et cheminées possèdent des foyers ouverts – les plus polluants – et le taux de renouvellement n’est que de 4 % par an.

Le secteur agricole contribue à hauteur de 18 % aux émissions de particules PM10 franciliennes (labours, moissons de cultures), tout comme le secteur chantiers et carrières.

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Les concentrations en PM10

La valeur limite journalière est de 50 µg/m3 (avec 35 jours de dépassements autorisés) et la valeur limite annuelle est de 40 µg/m3 .

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Exposition journalière

En 2015, la valeur limite journalière a été largement respectée en situation de fond – la pire station a dépassé le seuil 11 jours. Mais les dépassements de la valeur limite journalière restent sévères à proximité du trafic routier. Le dépassement de la valeur limite journalière est ainsi constaté en 2015 sur environ 6 % des axes routiers franciliens soit environ 700 km de voirie :

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En 2015, environ 300 000 personnes sont potentiellement exposées à un dépassement de la valeur limite journalière, soit environ 3 % de la population francilienne, contre plus de 40 % en 2007 :

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Cela représente environ 40 km² :

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La distribution est la suivante :

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2007 a en effet été le record historique d’exposition.

Soulignons enfin que les teneurs en particules PM10 d’une année sur l’autre sont très impactées par le contexte météorologique. Les années 2008 et 2010 ont connu une météorologie favorable à une bonne qualité de l’air, alors qu’en 2007 et en 2009, des situations particulièrement défavorables, couplées à des émissions accrues de particules (notamment le chauffage au bois pendant les épisodes hivernaux), ont conduit à de forts niveaux en hiver et au printemps. Comme en 2014, 2015 a connu des conditions météorologiques globalement favorables à la qualité de l’air.

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Exposition annuelle

En 2015, avec un maximum de 23 µg/m3, la valeur limite annuelle (40 µg) a été largement respectée en situation de fond, tout comme l’objectif de qualité (30 µg).

En revanche, les concentrations peuvent y être jusqu’à deux fois plus élevées (28 à 42 µg) à proximité des grands axes de trafic. Si une seule station de mesure a légèrement dépassé la limite, l’objectif de qualité est dépassé sur la majorité des axes du cœur de l’agglomération.

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Il n’y a plus qu’une infime fraction de la population exposée au-delà de la limite légale.

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En 2015, environ 1 % de la population francilienne, soit environ 160 000 habitants, est potentiellement exposé à un air excédant l’objectif de qualité annuel pour les particules PM10 ; c’était 30 % en 2007.

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N.B. la recommandation OMS est à 20 µg/m3

En 2007, 86 % des Franciliens étaient soumis à des teneurs annuelles de PM10 supérieures à 24 μg/m3, alors qu’en 2015 ce niveau d’exposition potentielle ne concernait plus que 8 % des Franciliens. Les études sanitaires se fondant sur les concentrations massiques indiquent clairement qu’il n’y a pas de seuil en dessous duquel les particules ne sont pas nocives.

Voici enfin la tendance en moyenne triennale des concentrations en fond :

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et celle près du trafic :

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Étude des PM2,5

Comme nous l’avons déjà vu, la situation des particules fines est bien moins favorable que pour les PM10.

Les émissions de PM2,5

Les émissions primaires franciliennes de particules PM2.5 s’élèvent à 10 kt pour la région Île-de-France en 2012 :

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Par rapport aux PM10, on note une part deux fois moindre pour les émissions de l’agriculture et des chantiers, qui émettent donc des particules plus grosses ; les particules fines sont surtout issues de processus de combustion incomplète.

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On constate une diminution des émissions de PM2.5 en Île-de-France entre 2000 et 2012 de 55%. Les raisons sont les mêmes que celles exposées pour les PM10 : filtres à particules sur les véhicules diesel et nouveaux poêles à bois à foyer fermé.

Les concentrations en PM2,5

La valeur limite annuelle est de 25 µg/m3 , la valeur cible est 20 µg, et l’objectif de qualité de l’OMS 10 µg.

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Rappelons que l’OMS devrait notablement baisser cet objectif de 10 µg (Source OMS 2013) :

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La valeur limite applicable en 2015 est égale à 25 μg/m3. Elle est respectée sur toutes les stations du réseau.

En revanche, l’objectif de qualité (10 μg/m3) est dépassé sur la quasi-totalité de l’Île-de-France.

Les teneurs sont 1,2 à 1,4 fois supérieures à ce seuil en fond urbain et de 1,7 à 2,5 fois supérieures en proximité du trafic.

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En 2015, environ 150 000 habitants, soit moins de 1 % de la population francilienne, sont potentiellement exposés à un air excédant la valeur cible annuelle (20 μg/m3) pour les PM2.5, en grande partie dans Paris ; c’est toutefois 10 fois moins qu’en 2007.

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De gros progrès ont donc été réalisés :

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Mais en 2015, 11,5 millions d’habitants, soit plus de 95 % des Franciliens, sont potentiellement concernés par un dépassement de l’objectif de qualité annuel (10 μg/m3) – sachant que ce seuil reste encore probablement trop élevé :

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Ainsi, pratiquement aucun Francilien ne bénéficie d’un air sain en particules PM2,5

Dans une vision de plus long terme, comme pour les PM10, la météo peut beaucoup influer sur la qualité de l’air en PM2,5 :

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En s’affranchissant de ces variations météorologiques, les niveaux moyens annuels de fond de PM2.5 montrent une baisse de l’ordre de -25 % entre 2000/2002 et 2013/2015 :

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La baisse des concentrations en PM2.5 est plus marquée sur les axes routiers, avec une baisse de l’ordre de 45 %.

Comme pour les PM10, cette baisse s’explique par la diminution des particules primaires émises à l’échappement des véhicules diesel (environ -60 % entre 2000 et 2012). La baisse est plus importante que pour les PM10 car la majorité des PM2.5 sont émises à l’échappement.

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Le carbone suie

Les émissions de PM1

Les émissions primaires franciliennes de particules PM1 s’élèvent à 7,2 kt pour la région Île-de-France en 2012 :

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La répartition sectorielle des émissions de PM1 montre une contribution quasi exclusive des secteurs émettant des particules issues de la combustion. Le chauffage au bois et les véhicules diesel à l’échappement émettent 76 % des PM1 en Île-de-France pour l’année 2012 avec des contributions respectives de 41 % et 35 % aux émissions régionales.

Les émissions de carbone suie

Les émissions primaires franciliennes du dangereux “carbone suie” appelé également « black carbon » s’élèvent à 2,8 kt pour la région Île-de-France en 2012 :

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Le premier contributeur aux émissions de carbone suie en Île-de-France est le transport routier avec 66 % des émissions en 2012. Cette contribution majoritaire ainsi que la faible part importée fait du carbone suie un bon indicateur de suivi de la pollution automobile grâce à sa mesure à proximité du trafic routier. Les véhicules diesel sont à l’origine de la quasi-totalité des émissions franciliennes de carbone suie du transport routier en 2012.

Les émissions du secteur résidentiel et tertiaire représentent 23 % des émissions régionales de carbone suie en 2012. Le chauffage au bois est à l’origine de 84 % de ces émissions, soit environ 20 % du total.

Les concentrations en carbone suie

Les fumées noires sont mesurées depuis la fin des années 1950 dans l’agglomération parisienne. Le prélèvement de fumées noires s’opère sans coupure granulométrique précise. Longtemps normée, la méthode des fumées noires n’est plus une technique de référence pour la surveillance des particules. Cet indicateur permet de suivre l’efficacité de mesure de réduction des sources locales de combustion, en particulier le trafic.

Entre la fin des années 1950 et le milieu des années 1990, les niveaux moyens de fumées noires ont quasiment été divisés par 20 à Paris. Cette très forte diminution est due à la baisse importante des émissions des suies issues de la combustion du charbon, combustible alors largement utilisé en Île-de-France pour la production d’électricité et le chauffage.

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Il existe un gradient très important entre les concentrations moyennes mesurées en site trafic par rapport aux sites de fond, de 1 à 15 :

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En résumé pour les particules

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300 000 Franciliens sont toujours potentiellement exposés à un dépassement de la valeur limite journalière en PM10.

Des dépassements récurrents et importants des valeurs limites pour les PM10 sont toujours constatés à proximité du trafic.

Les teneurs de fond en PM2.5 sont 1,2 à 1,4 fois supérieures au seuil de l’objectif de qualité, elles sont plus de deux fois supérieures à ce seuil en proximité au trafic. Près de 95 % des Franciliens, soit 11,5 millions de personnes, sont concernés par un dépassement de ce seuil.

Une tendance à la baisse se dessine néanmoins, en particulier en proximité au trafic routier, où la valeur limite annuelle n’est pas dépassée pour la deuxième année consécutive

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Synthèse générale de la pollution de l’air en Île-de-France

Pour synthétiser les deux derniers billets, voici quelques tableaux :

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Le principal problème de pollution atmosphérique en Île-de-France est donc, de loin, les particules, suivi dans une moindre mesure du Dioxyde d’Azote puis de l’Ozone.

Voici enfin un vidéo d’AirParif dressant le bilan de 2015 :

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Source: http://www.les-crises.fr/la-pollution-aux-particules-en-ile-de-france/