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L’ancien directeur technique de la NSA : “Les enquêteurs n’ont pas de preuve claire de la façon dont les données sont arrivées à Wikileaks.”

Sunday 5 February 2017 at 11:25

Bill Binney est un des cadres de la NSA qui a créé le programme de surveillance de masse de l’agence pour l’information numérique, et a servi en tant que directeur technique principal au sein de l’agence. Il a démissionné en 2001 et est devenu lanceur d’alerte. Il intervient souvent dans les grands médias comme  CBS, ABC, CNN, New York Times, USA Today, Fox News, PBS .
Il a indiqué ceci à propos de la Russie :
« Je m’attendais à voir les IP ou autres signatures de l’APT 28/29 [les entités que les États-Unis revendiquent piraté les emails démocratiques], à apprendre où ils ont été localisés et comment / quand les données leur ont été transférées du DNC / HRC [i.e. Hillary Rodham Clinton] / etc. Ils semblent avoir surveillé APT 28/29 depuis au moins 2015, alors, où sont les informations ?
 
En outre, une fois que nous avons constaté que les données leur ont été transférées, quand et comment ont-ils transféré ces données à Wikileaks ? Ce serait la preuve qu’ils ont tenté d’influencer notre élection en mettant au jour la réalité de notre système corrompu.
Et, comme l’a dit Edward Snowden, une fois qu’ils ont les IP et/ou d’autres signatures de 28/29 et de DNC / HRC / etc.,  la NSA utiliserait Xkeyscore pour aider à tracer les données passant à travers le réseau et montrer où elles sont allées.
Et de plus, puisque Wikileaks est (et a toujours été) une cible en or pour la NSA / GCHQ / etc. depuis de nombreuses années, il ne devrait pas y avoir la moindre excuse pour eux d’avoir manqué des données de n’importe quel partenaire de Wikileaks.
Trop de blabla signifie qu’ils n’ont pas de preuve claire de la façon dont les données sont arrivées à Wikileaks. »
On terminera enfin en rappelant un détail : Julian Assange a à de multiples reprises démenti le fait que la Russie était derrière leur source. , qu’ils ont rencontré.
assange-1
assange-2
assange-3
obama
piratage
selon

Source: http://www.les-crises.fr/lancien-directeur-technique-de-la-nsa-les-enqueteurs-nont-pas-de-preuve-claire-de-la-facon-dont-les-donnees-sont-arrivees-a-wikileaks/


Bilan 2016 : La contagion du désordre, par Guillaume Berlat

Sunday 5 February 2017 at 11:10

Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 02-01-2017

« Jamais depuis 1945, le monde n’a paru moins ordonné, plus chaotique, et de ce fait plus inquiétant » (Hubert Védrine). Il y a un an, nous avions ainsi qualifié le bilan de l’année écoulée : « 2015 : odyssée de l’impasse »1. Aujourd’hui, pour ce qui est de l’année qui s’achève, nous choisissons : « 2016 : la contagion du désordre ». Pourquoi ? Comme l’écrivait Gramsci : « l’ancien monde meurt et le nouveau ne peut pas naître ; pendant cet interrègne, on observe les phénomènes morbides les plus variés ». Face à des défis d’une grande ampleur (extension du terrorisme ; phénomènes migratoires non maîtrisés ; questionnement de la mondialisation et du libéralisme numérique ; crise de la démocratie ; montée des nationalismes, des populismes ; éclatement de l’Union européenne ; déstabilisation du Proche et du Moyen-Orient ; crise du multilatéralisme ; crise environnementale ; évolution vers une politique « post-vérité »…), les dirigeants du monde naviguent à vue sans cap, ni boussole tels des somnambules, des aveugles.

Ils sont désorientés par un monde dans lequel la perception compte autant que la réalité. Ils n’ont rien vu venir, ni le « Brexit » du 23 juin 2016, ni l’élection de Donald Trump le 8 novembre 2016. Devant le triomphe du court-termisme et de la démagogie, on en viendrait presque à douter de la démocratie à l’heure où les élites discréditent la voie référendaire comme mode d’expression de la souveraineté populaire. En réponse à la mondialisation des crises, nous constatons une crise du multilatéralisme et voyons partout des États en crise.

MONDIALISATION DES CRISES2 : L’ANNÉE DE LA POLYCRISE

Les crises qui secouent, parfois ébranlent le monde de ce début de XXIe siècle jusque dans ses fondements, doivent s’apprécier dans leur double dimension : géographique et transversale.

La dimension géographique des crises : la tectonique des continents

A des degrés divers, aucun des cinq continents n’est épargné par la crise planétaire, profonde et durable qui affecte directement et simultanément nombre d’États et remet en cause les fondements de l’ordre international. Jamais la violence n’a été aussi inquiétante que de nos jours.

S’agissant de l’Union européenne, le diagnostic est désormais posé par les europhiles : « L’Europe est une promesse, mais une promesse qui n’a pas été tenue », reconnait Martin Schultz, président du parlement européen (mai 2016). « Il y a quelque chose de pourri au royaume de l’Europe »3Un acharnement à effacer l’histoire et à croire que les peuples étaient interchangeables. « Près de soixante ans après la création du premier noyau européen, on est encore à se demander si nous allons nous contenter de n’être qu’un grand marché de libre-échange sans défense crédible »4. L’Union se fragmente en plusieurs entités aux finalités différentes avec le sommet des pays méditerranéens à Athènes (9 septembre 2016) qui irrite Berlin. On assiste à une montée des nationalismes à la faveur de chaque élection (Allemagne, Autriche, Croatie, Pologne, Italie…) et à une division entre les pays de l’est (groupe de Visegrad conduit par le hongrois Viktor Orban), de la Méditerranée et les autres.

L’Amérique ne semble pas mieux lotie que le vieux continent. Sur le plan international, le bilan de deux mandats de Barack Obama est plus que mitigé. Placées sous le signe de la critique du système, les élections présidentielles du 8 novembre 2016 portent à la tête du pays, celui que personne n’attendait, Donald Trump. Les scandales secouent l’Amérique latine et centrale. Les trois crises qui frappent le Brésil (économique, politique et institutionnelle) avec la destitution de la présidente Dilma Rousseff affaiblissent ce géant du sous-continent. Le Venezuela du président Nicolas Maduro est à bout de souffle. Le Panama sent le soufre. Haïti n’en finit pas de sortir de la crise politique, sanitaire. Au Mexique, le discrédit des dirigeants politiques est grand. La disparition de Fidel Castro laisse un pays exsangue. Seule bonne nouvelle dans le continent, après 52 ans de combats, l’accord entre le gouvernement colombien et les FARC est porteur d’espoir.

Le continent africain est secoué de toutes parts. Il ne parvient pas à se débarrasser de ses autocrates qui se maintiennent au pouvoir mais les peuples se rebiffent de plus en plus, laissant la France face à ses contradictions et aux remugles de la Françafrique. La Libye n’en finit plus de se déchirer. Au Maghreb, le Maroc voit les islamistes confirmés après les législatives d’octobre 2016 alors qu’en Tunisie on change de premier ministre. L’Algérie fait figure de pôle de stabilité. Boko Haram, destabilisé, est toujours actif en Afrique de l’Ouest en dépit de la mise sur pied d’une force multinationale africaine et de l’opération Barkhane. L’Erythrée redevient une menace. Le Sud Soudan n’en finit pas d’aller de crise en crise de plus en plus violentes. L’Éthiopie connait une vague de contestation qui commence à avoir des conséquences économiques négatives.

Le Proche et le Moyen-Orient demeurent l’épicentre de la crise. Le rapport Chilcot reconnait la faute de Tony Blair dans la décision britannique de participer à la l’invasion de l’Irak en 2003. Plus le désordre se pérennise dans la région, plus l’opposition « Sunnites-Chiites » apparaît comme « un conflit aux mille visages ». Bachar Al-Assad reprend des forces avec l’appui irano-russe. Le président Erdogan se lance dans une fuite en avant, dupe les Européens dans l’accord sur les migrants. Une Turquie qui s’enfonce dans l’arbitraire et la violence surtout après le coup d’état raté des militaires de juillet 2016. La nouvelle donne au Moyen-Orient (rapprochement de la Turquie avec la Russie et Israël, de l’Arabie saoudite avec Israël5 ; Égypte à nouveau aux mains des militaires ; affaiblissement de l’EIIL…) montre que la page des « printemps arabes » est définitivement close. Le problème kurde demeure entier.

En Asie, les problèmes en mer de Chine ne trouvent pas de solutions. Pékin refuse les conclusions de l’arbitrage de la CPA. En dépit du maintien d’une force résiduelle américaine, l’Afghanistan n’en finit pas avec ses attentats talibans. Les talibans s’opposent désormais à l’EIIL. En dépit des condamnations du Conseil de sécurité de l’ONU, la Corée du Nord poursuit ses incessantes provocations (essais de missiles) conduisant les États-Unis à annoncer l’installation d’un système antimissiles en Corée du Sud et à procéder à des manœuvres conjointes avec Séoul. La présidente sud-coréenne est poussée à la démission. La tendance nationaliste se renforce au Japon. Un premier ministre maoïste redevient premier ministre au Népal en août 2016. Le nouveau président philippin, Rodrigo Duterte multiplie ses saillies, traitant Barack Obama de « fils de pute » et s’impose en « trublion de l’Asie du Sud-Est ».

La dimension transversale des crises : la globalité des maux

Derrière ces mouvements de plaques tectoniques, c’est bien sûr toute la mondialisation qui est remise en cause et qui met à jour la globalité des maux dont souffre le système international. Le monde est confronté à une polycrise. La crise alimente la crise.

Crise économique, financière et sociale. Le monde ne s’est toujours pas remis de la crise des « subprimes » : croissance molle amplifiée par le « brexit » ; risque de récession profonde amplifié par les politiques d’austérité et par la baisse des cours du prix du pétrole…. Les BRICS ont explosé avec la crise des matières premières. La mondialisation fait l’objet de plus en plus de critiques, y compris aux États-Unis. Par ailleurs, on ne voit pas le début d’une solution globale à la crise financière. « Il n’existe plus de système monétaire international depuis 1971. Plus de règles partagées. Chacun n’en fait qu’à sa tête. Imaginons un mobile de Calder en équilibre subtil, comme celui immense, de Kennedy Airport à New York et que des singes s’amuse à sauter de branche en branche : tout s’écroule. C’est la représentation que nous nous faisons de la finance mondiale actuelle à la lecture de Jacques de Larosière »6. Crises économique et financière débouchent sur une crise sociale : 1% de la population détient la moitié de la richesse mondiale. On assiste à l’explosion de mouvements alternatifs anti-système.

Crise migratoire. Elle n’en finit pas. Elle vient d’Asie, du Moyen-Orient et de l’Afrique sub-saharienne. Elle conduit au retour des frontières que l’on croyait effacées et à une forte poussée du « populisme ». Face à cette double réalité, on ne saurait ignorer à ce point les émotions des peuples. Avec 63,5 millions de déracinés fin 2015 (chassés par les conflits et les persécutions selon le HCR), la planète bat un record en dépassant le cap des 60 millions. Ceci se décompose en 21,3 millions de réfugiés, 3,2 millions de demandeurs d’asile et 40,8 millions de personnes déplacées au sein de leur propre pays.

Crise sécuritaire. L’humanité ne parvient pas à éliminer le phénomène de la guerre, quelle que soit la forme revêtue, souvent moins nouvelle qu’on pourrait le croire (« grandes guerres » et « petites guerres » selon Clausewitz). C’est que depuis la fin du « camp socialiste » en 1989, il n’y a jamais eu autant de guerres, de basse ou de haute intensité. Nous assistons à la montée du terrorisme qui se nourrit de causes internes (mauvaise intégration de certaines populations dans les sociétés) et externes (les spasmes des révolutions arabes qui n’en finissent pas). Crise face à laquelle les États occidentaux semblent dépourvus. Si l’EIIL recule en Irak, en Syrie, en Libye, il progresse sur le plan médiatique avec les attentats terroristes. Avons-nous une réponse politique, morale, tactique et stratégique face à ce nouveau défini de la guerre asymétrique islamiste ?

Crise environnementale. En dépit du succès de la COP21 et de son entrée en vigueur en novembre 2016, les défis sont encore devant nous. La COP22 de Marrakech se conclut par un constat de désaccord. Nous n’en sommes qu’au début d’une révolution environnementale. Les engagements pris à Paris pour réduire les rejets carbonés rendent hors de portée l’objectif de conserver une planète tempérée… Pas plus que le réchauffement ne connait de trêve, l’urgence climatique ne peut connaitre de répit. Maigre satisfaction, 197 pays signent le 14 octobre à Kigali un accord sur les gaz à effet de serre les plus nocifs (HFC pour hydrofluorocarbures)

Confronté à un tel tableau clinique inquiétant, force est de constater que le médecin « communauté internationale » ne dispose que d’une pharmacopée réduite et aléatoire pour soigner les maux des « damnés de la terre ».

CRISE DU MULTILATÉRALISME : L’ANNÉE DE LA DÉFIANCE

Afin de mieux sérier le problème qui affecte aujourd’hui le fonctionnement du multilatéralisme, il importe de l’appréhender dans ses deux principales dimensions : institutionnelle (constat) et conceptuelle (causalité).

La dimension institutionnelle : la limite de la régulation multilatérale

La problématique générale. Le pari sur le droit comme modèle universel de régulation interétatique a fait long feu. L’ingrédient indispensable au règlement des différends, à savoir la confiance, fait cruellement défaut. Sans lui, rien n’est possible. Les deux mandats de Ban Ki-moon au poste de Secrétaire général de l’ONU ont été décevants. Il est remplacé par le portugais, Antonio Guterres. Que pourra-t-il faire sans un minimum de confiance entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité au moment où l’on évoque le retour d’une « nouvelle guerre froide » ? Cette crise de confiance se double d’une crise de la justice internationale. Après le retrait de trois Etats africains (Afrique du sud, Burundi, Gambie…), c’est au tour de la Russie de retirer sa signature du statut de la Cour pénale internationale. Les Africains lui reprochent son manque d’impartialité. L’année 2016 marque le monde des « gates » et des « leaks ». Ces scandales éclaboussent un monde sans règles ni maîtres : systèmes de pollutions équipant les véhicules allemands (« dieselgate »); FIFA ; attribution des JO et des coupes du monde qui démontrent l’étendue de la corruption dans le monde du sport « Football Leaks », des phénomènes de dopage. ; les JO de Rio resteront comme « Un idéal olympique terni »7 ; « LuxLeaks » et « Panama Papers », « Bahama Leaks »… Le monde traverse une crise morale qui affaiblit le système multilatéral. On peine à découvrir de véritables hommes d’État à la hauteur des défis auxquels le monde est confronté. On passe de la démocratie à la démocrature. En Europe, on découvre les scandales entachant des ex-membres de la commission (Barroso et Kroes). « L’ensemble révèle une régression morale des élites. La Commission ne peut pas passer son temps à exiger des peuples et des États une probité et une éthique inspirée de Montesquieu, que certains de ses membres bafouent allégrement »8.

Les problématiques spécifiques. L’ONU n’en peut mais. « Aux Nations unies, j’ai été pour la première fois confronté avec l’hypocrisie, le mensonge, la recherche des alibis et le contraste complet entre la réalité des problèmes tragiques du monde et les pseudo-solutions qu’on leur apporte »9Rien n’a vraiment changé depuis la fin des années 1950 ou si peu. L’ONU apparait dépourvue de moyens d’action pour régler les crises. L’Union européenne est en crise : crise financière, crise grecque, crise migratoire, crise sécuritaire auxquelles s’ajoute une crise institutionnelle après le « brexit » du 23 juin 2016. « Depuis plus d’une décennie, les État membres de l’Union européenne ne parviennent pas à prendre les mesures décisives leur permettant de relever les principaux défis auxquels les citoyens sont confrontés »10. On ne voit pas venir de projet pour éviter que le Titanic ne coule.

L’OTAN se retrouve un nouvel ennemi, la Russie, qu’elle avait durant un bref moment historique remplacée par le terrorisme. Partout, où elle passe, elle joue les pyromanes. Le sommet de Varsovie (8-9 juillet 2016) marque le retour de la nouvelle « guerre froide ». Le G7 se cherche. Face à des enjeux planétaires, il démontre son rôle limité pour relancer la croissance, lutter contre le réchauffement climatique, le terrorisme, relever le défi migratoire, mettre un terme au chaos proche et moyen-oriental… La Russie, qui avait rejoint ce groupe en 1997, en est exclue depuis 2014 en raison de son annexion de la Crimée. Est-il possible de réfléchir à la sécurité internationale sans la présence de la Russie ? L’Union africaine est affaiblie par son inaction sur la plupart des crises politiques et sécuritaires11, sur le dossier libyen et sur Ebola. L’OMS. Organisation à la fois célébrée et critiquée, elle pâtit des pesanteurs bureaucratiques, de sa mauvaise gestion de l’épidémie de maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014, d’une organisation fondée sur les ressources et non sur les résultats… Les BRICS sont en crise et s’effacent de plus en plus sur la scène internationale à la faveur de la crise du pétrole. Ils ne constituent plus la locomotive de l’économie mondiale. Le Mercosur n’a plus de présidence en raison du problème vénézuélien.

La dimension conceptuelle : l’insignifiance de la réponse

Un constat préoccupant. Hélas, le monde de 2016 n’est pas le monde des bisounours. Il est le monde de la conflictualité. Force est de constater que, dans ce monde condamné à une « succession d’ordres précaires et de désordres traumatisants » (professeur Dario Battistella), nous n’avons plus d’architectes mais des pompiers, parfois pyromanes réagissant à l’évènement et le commentant plutôt que de l’anticiper et le prévoir. Ne revenons-nous pas à la vieille théorie westphalienne de l’équilibre des forces et son corollaire, le retour du vieux « concert des nations »12 ? Ne sommes-nous pas revenus, à certains égards, dans le paradigme d’un monde bipolaire ? Le nouvel ordre international est conditionné au règlement concerté d’enjeux planétaires (crises du Proche et Moyen-Orient, crises migratoires, terrorisme, mondialisation, environnement…). Or, le système multilatéral, concept pris dans son acceptation large, ne parvient plus à jouer son rôle de modérateur, de stabilisateur, de régulateur. Il est à la peine.

Au Conseil de sécurité de l’ONU, les vetos russe et chinois bloquent presque toutes les initiatives, y compris humanitaires pour parvenir à un règlement négocié de la crise syrienne. Dans le domaine de la libéralisation du commerce international (clé de voûte de la « mondialisation heureuse »), les grands chantiers (TTIP, CETA, traité transpacific…) se transforment en champs de ruines. Après les embrassades de la COP21, le chantier de la lutte contre le réchauffement climatique se fracasse sur le mur des réalités lors de la COP22 de Marrakech…

De multiples raisons. « Toutes ces fièvres sont bien les symptômes multiples d’une grande crise globale, profonde et durable qui affecte durablement et simultanément l’essentiel du monde et remet en cause les fondements de l’ordre international ».13 La crise du multilatéralisme est mondiale. Elle ébranle les bases du système de sécurité collective – marqueur essentiel de la paix par le droit – mis en place au lendemain de la guerre froide. Année après année, nous sommes entrés dans le monde de la défiance. À une démarche d’inclusion (parler à tous y compris à ses pires ennemis et dans les situations les plus conflictuelles), les Occidentaux ont substitué une démarche d’exclusion (pratique de l’anathème, de l’invective, des sanctions, voire de la guerre comme mode désormais normal de règlement des conflits). On ne saurait semer la paix et entretenir la guerre en même temps. C’est vers cette impasse que nous conduit le dévoiement de la diplomatie. L’action internationale est paralysée. Où sont passées les initiatives diplomatiques de long terme, les pensées stratégiques, les imaginations créatives ? Comme le souligne Dominique de Villepin : « nos initiatives diplomatiques s’enlisent parce que nous ne disposons plus des atouts de la vielle diplomatie d’État : le temps, le secret, la volonté de puissance… Jamais la violence n’a paru aussi diffuse, aussi insaisissable, aussi menaçante qu’aujourd’hui 14». Nous vivons dans le monde des passions, des émotions, de la corruption du langage, de la tyrannie de l’anecdotique (la « Fête de l’insignifiance », Milan Kundera), « La connivence des autruches, c’est-à-dire le consensus hégémonique de certaines élites pour ne rien entreprendre »15 l’œil rivé sur les sondages et les échéances électorales.

En dernière analyse, comme cela est traditionnel dans ces périodes de crise, de doute, de peur, les citoyens du monde se retournent vers la structure qui leur paraît la plus protectrice, l’État en dépit des critiques qu’ils formulent par ailleurs sur ses insuffisances

ÉTATS EN CRISE : L’ANNÉE DES ÉTATS

L’année 2016 marque une sorte de retour sur le passé. En dépit de multiples vissicitudes, l’État redevient le sujet incontesté du droit international, des relations internationales, une sorte de valeur refuge comme l’or pendant les périodes de crises économiques et financières. Dans le même temps, nous assistons à une renaissance du concert des nations, symbole de la vieille diplomatie.

L’incertitude sur la place de l’État : sortie et retour

Ce n’est pas l’un des moindres paradoxes de la mondialisation que d’avoir enclenché une dynamique à fronts renversés : sortie de l’État du champ international, d’un côté et retour de l’État sur la scène mondiale, de l’autre.

La sortie de l’État. Les années 1990 ont sapé un peu partout les bases de l’État. Les soubresauts d’un monde sans maîtres depuis la fin de la guerre froide ont fissuré le socle de l’État-nation. Nombreux sont aujourd’hui les États fragiles, fragilisés qui sont source d’instabilité interne mais également extérieure à tel point que l’on évoque une « épidémie des États faillis ». Un rapide panorama de ces « États cabossés » fournit une idée assez précise du phénomène en ce début du XXIe siècle. Depuis une décennie, le Venezuela des présidents Chavez et Maduro se trouve dans une situation d’autant plus inextricable qu’il ne semble pas exister d’alternatives crédibles. Le Yémen constitue l’archétype de l’État failli. La guerre déclenchée par son puissant voisin saoudien n’a fait qu’empirer la situation. Certains vont même jusqu’à évoquer un « arc des États faillis » allant de la Mauritanie à l’Afghanistan et au Pakistan en passant par la Somalie, le Soudan, voire le Kenya et, désormais, l’Éthiopie.

Les « révolutions arabes » n’ont épargné ni la Libye ni l’Irak et la Syrie, états durablement fracturés. On ne saurait passer sous silence les revendications identitaires latentes en Europe occidentale qui pourraient un jour déboucher sur des indépendances : Wallonie avec la Belgique, Catalogne avec l’Espagne, Écosse avec le Royaume-Uni après le « brexit ». En Afrique, la tentation existe également de repenser la structure de l’État-nation.

Le retour de l’État. Annoncés comme moribonds en même temps que l’avènement de la fin de l’Histoire, les États font leur retour remarqué sur la scène internationale. Cette montée en puissance de l’État procède de causes multiples. La mort clinique de l’ONU, dont le Conseil de sécurité est paralysé par le veto russe, est une réalité incontournable. L’incapacité de l’Union européenne à relever les défis multiples qui se posent à elle (crise économique, financière, sociale, sécuritaire, migratoire, énergétique, environnementale…) amplifie la défiance des citoyens contre la technocratie bruxelloise. Les dérives d’une mondialisation non régulée crispent les citoyens les plus fragiles à l’égard des institutions multilatérales et de ses dirigeants. Tout naturellement, les citoyens se retournent vers la seule structure qui leur paraît la plus protectrice contre les violences qui les agressent : l’État. C’est une sorte d’assurance tous risques. En dépit de tous les critiques dont ils l’accablent, ils considèrent qu’ils ne peuvent pas se passer de lui. « Ni sécurité, ni paix, ni stabilité ne s’envisagent en son absence. Voilà la principale leçon de notre époque » (Dominique de Villepin).

La renaissance du concert des nations : la vieille diplomatie 

L’année russe. Après un long effacement, l’année 2016 marque le grand retour de la Russie sur la scène internationale à la faveur de la crise syrienne et de l’effacement américain16 d’autant que le nouveau président, Donald Trump fait part de sa volonté de renforcer son dialogue avec Moscou. Vladimir Poutine est désormais incontournable tant par son pouvoir de nuisance (droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, Ukraine) que par son pouvoir de médiation (principalement sur la crise syrienne)17. Dans le même temps, nous assistons à un renversement des vieilles alliances. Au Moyen-Orient, la Turquie d’Erdogan se rapproche de la Russie, s’éloignant de l’Union européenne (le parlement européen demande le gel des négociations avec Ankara), se marginalisant à l’OTAN au grand dam de Washington (qui déplace ses armes nucléaires de sa base aérienne d’Incirlirk vers la Roumanie).

Les relations se dégradent entre Washington et Riyad, entre Washington et Jérusalem sous Barack Obama (résolution 2334). Le monde chiite tient tête au monde sunnite. Les Occidentaux commencent à saisir les inconvénients d’une alliance exclusive avec le second. La Chine renforce sa présence en mer de Chine, suscitant l’ire de ses voisins et de Washington, poursuit son implantation en Afrique et reste moteur de l’économie mondiale. La France s’efface sur la scène diplomatique par son approche manichéenne des relations internationales. Lors de sa tournée d’adieu en Europe, Barack Obama snobe Paris pour faire l’éloge d’Angela Merkel à Berlin. Quant au Royaume-Uni, il disparait des écrans radar depuis le vote sur le « brexit ».

La diplomatie de papa. L’Histoire des relations internationales ne serait-elle qu’un éternel recommencement ? Faute de voir les institutions multilatérales universelles (essentiellement le Conseil de sécurité de l’ONU) et régionales (Union européenne, OTAN, OSCE, Union africaine, Ligue arabe…), par un effet de vase communicant, nous assistons au retour des vieilles méthodes de la diplomatie classique si souvent décriées dans le passé pour leur inefficacité : médiation, conciliation, arbitrage, négociations en cercles restreints dans la plus grande discrétion. Nécessité fait loi. Alors que certains évoquent désormais une « nouvelle guerre froide » entre les États-Unis, ses plus fidèles alliés, d’une part et la Russie, de l’autre, les crises se règlent en dehors des cadres multilatéraux.

Nous nous en tiendrons à quelques exemples récents. La normalisation des relations entre Cuba et les États-Unis est le résultat d’une longue et patiente médiation du Saint-Siège. L’accord mettant fin à plus d’un demi-siècle de conflit interne entre la Colombie et les FARC doit beaucoup à une médiation de Cuba. Le seul canal de discussion entre la Russie et l’Ukraine tient à l’existence du format Normandie imaginé en son temps par François Hollande à l’occasion des cérémonies commémoratives du débarquement. La crise syrienne fait l’objet de multiples contacts entre John Kerry et Sergueï Lavrov, entre Russes et rebelles syriens à Ankara via le truchement de la Turquie et de la Jordanie (crise d’Alep). De manière discrète, Oman offre un lieu de rencontre discret pour sa médiation entre Saoudiens et rebelles houthis afin de mettre un terme à la guerre au Yémen.

« La famille humaine » selon la belle formule de René Cassin, est menacée d’éclatement. Le temps n’est pas au lâche soulagement mais aux interrogations douloureuses. Alors que nous sommes assis sur un volcan, quand va-t-on se décider à refuser le conformisme ambiant et le rejet des banalités, des truismes pour recommencer à prendre en considération l’Histoire et le réel ? Quand va-t-on en finir avec ceux qui prennent le parti de mépriser la réalité au nom d’une arrogance intellectuelle ou d’une cécité volontaire ?

A force de ne pas traiter les véritables causes des maux (« les forces profondes » selon l’École des Annales) qui nous frappent, le monde ne remplit-il pas de manière impressionnante les conditions menant à une défaite encore plus étrange que celle analysée par March Bloch ? N’avons-nous pas à faire à des dirigeants (occidentaux, plus particulièrement) pareils aux « marcheurs éveillés », pour reprendre la métaphore de Christopher Clark, aveugles à la réalité ?18 « C’est là un trait d’époque. Burke nous avait prévenus : « Ceux qui passent leur temps à découvrir les défauts de l’ordre établi et à les monter en épingle n’ont pas les qualités requises pour le réformer ». Décidemment, l’année 2016 restera dans l’histoire comme l’année de la contagion du désordre.

Guillaume Berlat
2 janvier 2017

1 Guillaume Berlat, 2015 : odyssée de l’impassewww.prochetmoyen-orient.ch , 28 décembre 2015.
2 Dominique de Villepin, Mémoire de paix pour temps de guerre, Grasset, 2016, p. 25.
3 Eva Joly, avec Guillemette Faure, Le loup dans la bergerie, Les Arènes, 2016.
4 Gérard Chaliand, L’arrogance d’Ankara souligne nos failles, Le Figaro, 13 mai 2016, p. 16.
5 Piotr Smolar, Visite d’un général saoudien en Israël, Le Monde, 28 juillet 2016, p. 13.
6 Jean-Pierre Robin, Un demi-siècle de crises financières : pourquoi elles ressurgissent sans cesse, Le Figaro économie, 17 mai 2016, p. 23.
7 Éditorial, « Un idéal olympique terni », Le Monde, 6 août 2016, p. 19.
8 Éditorial, Affaire Kroes : un effet dévastateur sur l’opinion, Le Monde, 23 septembre 2016, p. 21.
9 Romain Gary, Le sens de ma vie, Gallimard, 2014, p. 65 (extraits de l’émission « Propos et confidences » de Radio-Canada, 1980.
10 Guy Verhofstadt, Rendre à l’Europe sa grandeur, Le Monde, 22 novembre 2016, p 28.
11 Tanguy Berthemet, Les armées africaines impuissantes face au terrorisme, Le Figaro, 8 décembre 2016, p. 10.
12 Renaud Girard, Le retour du vieux « concert des nations », Le Figaro, 6 septembre 2016, p. 15.
13 Dominique de Villepin, précité, p. 49.
14 Dominique de Villepin, précité, p. 110.
15 Alexis Lacroix, Attali contre la « connivence des autruches », Marianne, 20-26 mai 2016, pp. 48-49.
16 Caroline Galacteros, La bataille d’Alep ou la déroute de la diplomatie occidentale en Syrie, Figarovox, 8 décembre 2016.
17 Jack Dion, Pourquoi Poutine les rend tous fous, Marianne, 2-8 décembre 2016, pp. 10-13.
18 Christopher Clark, Les somnambules, Flammarion, 2013.

Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 02-01-2017

monde-conflits-2016

Source: http://www.les-crises.fr/bilan-2016-la-contagion-du-desordre-par-guillaume-berlat/


6 des 7 pays musulmans visés par Trump interdisent l’entrée de leur territoire à tous les Israéliens

Sunday 5 February 2017 at 01:40

On a évidemment beaucoup parlé de décret “anti-immigration” de Trump, qui prévoit pour mémoire :

Il va de soi que je suis contre un tel décret, aussi stigmatisant et précipité, mais, en tant que démocrate, je reconnais que ceci est parfaitement conforme à son programme.

Après, au niveau propagande, notons que les opposants parlent de “Muslim ban” :

alors qu’un égyptien musulman peut parfaitement rentrer aux États-Unis, mais pas un chrétien de Syrie… On parle bien de nationalité – mais avec évidemment la religion du pays en toile de fond.

Ce qui m’a franchement étonné, c’est que la presse ne précise presque jamais que 6 des 7 pays visés par Trump refusent l’entrée de leur territoire à tout citoyen israélien, sans que cela provoque la moindre émotion…

Dans le monde, 16 pays musulmans ont interdit à tous les Israéliens d’accéder à leur territoire depuis des décennies. Huit pays interdisent même leur accès à toute personne dont le passeport comporte un tampon israélien.

Ces 16 pays musulmans sont les suivants : l’Algérie, le Bangladesh, Brunei, l’Irak, l’Iran, le Yémen, le Koweït, le Liban, la Libye, la Malaisie, Oman, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, le Soudan, la Syrie et les Émirats Arabes Unis.

Cela signifie que, par exemple, la majorité du groupe de près d’un million de Juifs qui ont été expulsés des pays arabes ne peuvent pas revoir leur patrie. Six de ces seize pays sont désormais touchés par la mesure prise par les États-Unis. (La Somalie, qui est aussi affectée par l’executive order du président Trump, n’en fait pas partie)

Légende :

Source de la carte : Wikipedia

Évidemment, ce n’est pas la même situation (liée au conflit israelo-palestinien), mais, pour bien appréhender la situation, c’est une information qu’il est utile d’avoir.

Après, il serait bien qu’à terme, et partout, ce genre de mesure discriminante cesse, chaque pays devant évidemment décider démocratiquement du volume d’entrées sur son territoire – mais ce n’est pas le problème ici.

Après, à chacun de se faire son propre avis…

Lire dans la presse étrangère, où cela débat nettement plus que chez nous :

The Telegraph : Six of the seven countries on Donald Trump’s ‘Muslim ban’ list also bar visitors based on nationality

The Telegraph : Donald Trump’s travel ban is not Nazism – it’s what many Muslim countries have done to Israel

The Independant : Donald Trump’s ‘Muslim ban’ is no more deserving of protest than 16 countries’ ban on Israeli citizens, says Tory MP

The Independant : Donald Trump’s travel ban on Muslim countries is not the same as their bans on Israelis, says expert

Source: http://www.les-crises.fr/6-des-7-pays-musulmans-vises-par-trump-interdisent-lentree-de-leur-territoire-a-tous-les-israeliens/


Élise Lucet : “Les journalistes doivent reprendre le pouvoir ”

Saturday 4 February 2017 at 03:50

Source : Le Soir, Bernard Meeus, 25-01-2017

Propos recueillis par Bernard Meeus.

Prod

Avec vous, on a l’impression qu’on est revenu à une forme de journalisme plus incisif. Un sursaut nécessaire ?

Je ne vais pas me présenter comme une donneuse de leçons car c’est un très mauvais positionnement, mais ce qui est sûr, c’est que j’ai vécu dans les magazines d’investigation que je présentais avant une évolution extrêmement forte et perceptible, à savoir une prise de pouvoir des spécialistes de la communication. Ils arrivaient avec des discours bien huilés qu’on nous demandait de relayer bien gentiment. Et quand on menait des enquêtes plus poussées, on se heurtait à un refus poli de répondre en jouant la politique de la chaise vide. J’ai vu ce changement se mettre en place quand je faisais “Pièces à conviction”. Les autres ont lâché du terrain en acceptant ces “règles” qui nous étaient imposées par les services de communication. Il fallait reprendre le terrain perdu au fil du temps et ce dans tous nos magazines, “Cash Investigation”, “Envoyé spécial” et “Complément d’enquête”.

On se serait laissé chloroformer ?

Chloroformer, embobiner avec des beaux dossiers clés en main, la personne à interviewer, la belle histoire, tout ! Par hasard, on vous donnait tous les contacts qu’il fallait appeler. Cette dérive fut très progressive et on ne s’en est pas rendu compte… jusqu’à ce qu’elle nous saute aux yeux ! On ne peut interviewer les politiques ou les patrons que quand ils en ont envie !

Vous êtes un peu devenue la femme qu’on redoute, qui “coince” sa proie micro et caméra à l’appui : un mal nécessaire ?

Ce n’est pas du tout ce que je souhaite. Quand on en arrive à aller dans un lieu public pour arracher un morceau d’interview à un responsable, quel qu’il soit, on lui a auparavant adressé une multitude de demandes en bonne et due forme. Quand un journaliste et un interlocuteur se retrouvent face à face, argument contre argument, nous avec nos questions, eux avec leurs réponses, on veut alors obtenir une véritable explication. On mène parfois des enquêtes d’un an et, au final, on en arrive à cette solution extrême, ce n’est pas notre souhait de départ. Mais c’est un peu trop facile de dire « Non »…

“ Notre but n’est pas de faire du sensationnel”

Il n’y a donc aucun côté justicier ou pitbull ?

Pas du tout ! Vérifiez nos interviews diffusées dans “Cash Investigation”. On se fixe pour règle de toujours garder notre calme, de rester professionnel. Parfois, en face, on s’énerve. Nous, on préfère nettement une interview claire à une date donnée, à une heure précise, mais si, après quinze mails et autant de coups de téléphone, on n’y parvient pas, on va chercher les gens là où ils sont. Notre but n’est pas de faire du sensationnel mais d’obtenir des réponses.

Vous vous attaquez à de gros morceaux : l’État, la finance, l’industrie, le business, n’est-ce pas trop difficile de partir à l’assaut de citadelles comme celles-là ?

Oui et non. Dans toutes les citadelles, certaines personnes en interne sont choquées de ce qui s’y passe. Ce sont des lanceurs d’alerte et ils sont devenus déterminants pour notre métier. Ils sortent des données, des documents. D’autres sont écœurés et veulent témoigner de ce qu’ils ont vu. Ils ont une conscience et veulent dénoncer certaines dérives auxquelles ils ont assisté. Donc ce n’est pas facile d’enquêter mais ce n’est pas infaisable. Heureusement, nous avons imposé notre légitimité. Beaucoup de gens nous appellent en se disant qu’il y a du travail sérieux derrière et qu’ils préfèrent s’adresser à nous. On est devenu une porte d’entrée à pas mal de gens qui veulent nous confier des affaires.

Préférez-vous ce job-là à vos quinze ans de “19-20” sur France 3 et vos 10 ans du “13 Heures” sur France 2 ?

Préférer n’est pas le mot. J’ai adoré mes années de présentation de JT durant 25 ans à France Télévisions et ce n’est pas du pipeau. Mais j’ai aussi ressenti un très fort attrait pour l’investigation. C’était le moment pour moi de changer d’orientation, de quitter le quotidien. J’étais arrivée au bout de cette expérience. En fait, il faut savoir tourner la page, prendre des risques et aller vers de nouvelles aventures. J’ai toujours fonctionné ainsi et je crois que je suis exactement en ce moment là où j’ai envie d’être.

N’y a-t-il pas un risque d’un jour braquer le public, de mettre systématiquement en évidence le négatif ? Comment éviter la déformation, l’excès ? La vérité avant tout ?

Je pense que la vérité n’est jamais un risque. C’est très important pour les téléspectateurs de la connaître. Car il y a beaucoup de faits qu’on tente de leur cacher ! Il ne faut pas entrer pour autant dans un “complotisme” délirant mais il faut parler cash, fournir les infos aux gens qui sont aussi des citoyens. On n’est pas des justiciers de l’info. Les gens s’empareront de ces vérités et se feront leur propre avis. Ils ont toute liberté pour réagir ! « Toute vérité n’est pas bonne à dire » ? Je ne le pense pas. À notre époque, dans nos démocraties où tout va très rapidement avec les réseaux sociaux, je pense que travailler sur le long terme, sortir des dossiers étayés sur des sujets brûlants, c’est très important. Pour le coup, on ne fait pas de l’information spectacle. J’entends certains dire « Attention au populisme, au “Tous pourris” » mais grâce à ces émissions, on peut demander des comptes. Pour une démocratie, il n’y a pas mieux que la vérité.

Les lanceurs d’alerte n’ont-ils pas toujours existé ? Zola, Hugo étaient des lanceurs d’alerte !

C’est tout à fait vrai. Ils faisaient front. Aujourd’hui, différence notable, les lanceurs d’alerte font face à des mastodontes économiques. Ça change la donne. Ils prennent un risque pour leur vie entière : ils sont souvent virés, au chômage pour longtemps et parfois condamnés. On a plusieurs exemples vécus de lanceurs d’alerte ruinés ! Je les trouve très courageux ; franchement, mettre sa vie en jeu pour de grands principes, chapeau ! On travaille parfois avec eux mais nous ne sommes pas des lanceurs d’alerte. On est journaliste et rien que journaliste et pas du tout partisan. Le seul syndicat dans lequel on pourrait se reconnaître serait celui des téléspectateurs.

Les politiques agressent souvent les journalistes et ripostent quand on les met en cause dans un reportage ou sur un plateau. Comment gérer cette hostilité ?

À nous de tenir notre rôle. Ils sont de fait parfois agressifs vis-à-vis de nous, et notamment avec moi. Je pense que ce n’est pas la bonne réponse car un politique qui répond ainsi donne le sentiment de ne pas vouloir répondre, donc qu’il aurait quelque chose à cacher. On sent très fort la demande de transparence actuellement, qui va de pair avec la condamnation des élites. S’attaquer aux journalistes n’est pas un bon calcul.

“Cette liberté-là, c’est grâce au service public”

Un monde encore plus opaque est celui de l’entreprise : l’avez-vous constaté dans vos enquêtes ?

Pendant des années, on nous a mis en garde contre la volonté de censure du monde politique sur les journalistes. Mais, en réalité, la volonté de contrôle du monde économique est bien plus importante. Les grandes entreprises disposent d’infiniment plus de moyens pour nous intimider : elles ont des armées d’avocats et sont toujours promptes à nous menacer d’un procès, avec des amendes très lourdes, menant au pire, la mort économique. On doit faire très attention au contenu. En ce qui nous concerne, nous travaillons avec nos propres conseillers juridiques. Chaque émission est visionnée plusieurs fois. On doit être irréprochable. Pour l’instant, heureusement, on n’a encouru aucune condamnation. On nous menace mais trois mois après, il n’y a toujours pas de plainte… On pèse chaque mot.

L’intimidation, ça marche parfois ?

Non, non. Je suis peut-être le porte-drapeau médiatique d’un mouvement plus global. J’ai mes rédacteurs en chef, les équipes de journalistes, qui sont aussi costauds que moi. Et puis, je suis soutenue par France Télévisions. Si j’ai cette liberté-là, c’est grâce au service public. Je sais que certaines enquêtes ont été interdites sur d’autres chaînes où l’on est en liberté surveillée. C’est précieux et je remercie la direction. Pour moi, c’est un marqueur. Pour “Envoyé spécial” et “Complément d’enquête”, on compte une quarantaine de journalistes. Il y en a une dizaine à “Cash Investigation”. Et nous défendons tous ensemble une certaine forme de journalisme. Et croyez-moi, on n’a pas envie de laisser tomber ! Mais, en contrepartie, on doit observer la bonne mesure, ne pas s’acharner sur une personne ou un groupe, ce qui donnerait l’impression qu’on s’obstine. Ce n’est pas notre but de “se payer quelqu’un”. Notre but, c’est d’aller au fond des sujets et de faire émerger une vérité cachée pour de mauvaises raisons. Ces vérités sont parfois dangereuses, sur l’environnement, la santé. Mais à force d’enfoncer le clou, les entreprises sont obligées d’évoluer.

Quels sont vos modèles en journalisme ? 

Je vais citer Pierre Desgraupes, un grand intervieweur. Et Joseph Kessel, qui n’a jamais eu peur de dire ce qu’il pensait à ses rédacteurs en chef et qui fut une formidable figure du journalisme. Il y a aussi beaucoup de grands magazines étrangers. Et puis, certains de mes jeunes journalistes car je vois la relève arriver, cela va dans les deux sens. Ils me bluffent !

Vous pourriez enquêter sur votre propre entreprise ? Les salaires ? Les contrats…

On s’y est attelé avec l’affaire Bygmalion dans ses rapports avec France Télévisions. Mais je suis loyale avec ma hiérarchie : je dis ce que je fais et je fais ce que je dis. En fait, c’est toujours intéressant de se poser des questions sur sa propre boîte. Maintenant, ce ne serait pas simple. On aurait sans doute de gros débats à l’intérieur. Mais à la fin, c’est toujours le téléspectateur qui en sort gagnant.

Question personnelle pour conclure : à l’extérieur, au repos, vous arrivez à déposer les armes ? 

Mais oui, je débranche. C’est mon ADN de chercher à comprendre, mais j’arrive très bien à ralentir quand je vais en forêt, ramasser les champignons, dans le sud-ouest, retrouver mes copains ou en Normandie, chez mes parents. Je peux même me mettre au calme à Paris devant un bon feu de bois.

Source : Le Soir, Bernard Meeus, 25-01-2017

Source: http://www.les-crises.fr/elise-lucet%e2%80%85-les-journalistes-doivent-reprendre-le-pouvoir%e2%80%85/


Revue de presse du 04/02/2017

Saturday 4 February 2017 at 03:30

Nous sommes toujours en quête de volontaires pour nous aider à constituer nos revues de presse, côté international il y a même urgence ! Vous pouvez nous rejoindre en utilisant le formulaire de contact du blog. Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-04022017/


La pollution de l’air en Île-de-France (hors particules)

Friday 3 February 2017 at 04:00

Index de la série “Pollution de l’air”

  1. La pollution de l’air cause 48 000 morts par an en France (+ présentation des polluants)
  2. La pollution aux particules fines
  3. Les graves effets des particules sur la santé
  4. La pollution de l’air dans le monde
  5. La pollution de l’air en Europe I (+ les morts du charbon)
  6. La pollution de l’air en Europe II
  7. La pollution de l’air en France
  8. Le très polluant chauffage au bois
  9. Le choix erroné de la France pour le diesel (mais le diesel a évolué…)
  10. Arrêtons avec les “centrales à charbon allemandes”…
  11. La pollution de l’air en Île-de-France (hors particules)
  12. La pollution aux particules en Île-de-France
  13. L’origine des particules en Île-de-France
  14. Les épisodes de pollution aux particules en Île-de-France
  15. Qualité de l’air en Île-de-France et épisodes de pollution récents
  16. La pollution dans le métro
  17. La pollution de l’air à la maison
  18. Suivi en direct de la pollution
  19. Quelques suggestions…
  20. Documents
  21. Synthèse de la série Pollution de l’air

Bilan 2015 de la qualité de l’air en Île-de-France

L’Île-de-France est évidemment la région la plus polluée du pays ; AirParif nous renseigne sur sa qualité de l’air (bilan des émissions ici – leurs remarquables études serviront de base aux prochains billets). Voici le bilan 2015 de la qualité de l’air par polluant.

Rappelons en introduction qu’il ne faut pas confondre les émissions (quantités de polluants directement rejetées dans l’atmosphère, exprimées en tonnes par an) et les concentrations qui caractérisent la qualité de l’air que l’on respire, et qui s’expriment le plus souvent en microgrammes par mètre cube (µg/m³). Il y a évidemment une relation entre les deux, mais le lien n’est pas simple et direct ; la qualité de l’air résulte d’un équilibre complexe entre lae quantité de polluants rejetée dans l’air et toute une série de phénomènes auxquels ces polluants vont être soumis une fois dans l’atmosphère sous l’action de la météorologie : transport, dispersion sous l’action du vent et de la pluie, dépôt ou réactions chimiques des polluants entre eux ou sous l’action des rayons du soleil. Ainsi à partir d’émissions de polluants équivalentes en lieu et en intensité, les niveaux de polluants dans l’environnement peuvent varier d’un facteur cinq suivant les conditions météorologiques plus ou moins favorables à leur dispersion.

pollution-emissions-ou-concentrations1

On observe une accumulation des pollutions :

particules-fond

Les Oxydes d’Azote (NOx) : un polluant structurel

Émissions d’Oxydes d’Azote (NOx)

Pour mémoire, les oxydes d’azote (NOx) sont un polluant indicateur des activités de combustion, notamment du trafic routier et dans une moindre mesure du chauffage résidentiel.

Les émissions d’oxydes d’azote totaux (NOx) en Île-de-France pour l’année 2012 représentent 95 kt :

idf-nox-1

On constate une diminution de 44 % des émissions de NOx en Île-de-France sur 12 ans :

idf-nox-2

Le trafic routier est le principal contributeur aux émissions d’oxydes d’azote avec 56 % des émissions franciliennes. On observe une diminution de 48 % des émissions du trafic routier en Île-de-France entre 2000 et 2012 :
idf-nox-3

Les émissions des véhicules particuliers diesels augmentent de 43% (trafic en hausse 51 %) et les véhicules particuliers essence voient leurs émissions chuter de 93% (baisse de trafic de 55%).

Concentrations en Dioxyde d’Azote (NO2)

Le NO2 entraîne des symptômes bronchitiques et à des concentrations dépassant 200 μg/m3 (niveau horaire limite) sur de courtes durées, c’est un gaz toxique entraînant une inflammation importante des voies respiratoires. La norme moyenne annuelle est de 40 µg/m3. Il cause la mort d’environ 8 000 personnes par an.

idf-nox-4

La valeur limite établie en moyenne annuelle est respectée en 2015 pour la première fois en situation de fond (= loin des axes routiers).

Au voisinage des axes routiers, les niveaux sont plus de deux fois supérieurs à ceux relevés en situation de fond, et donc deux fois plus élevés que la valeur limite annuelle.

idf-nox-9

La valeur limite en NO2 est ainsi dépassée en 2015 sur environ 1 000 km de voirie, soit environ 10 % du réseau francilien, principalement à Paris.

no2-paris

idf-nox-5

no2-idf

On voit donc que la situation est insatisfaisante mais avec un fort contraste selon l’endroit où l’on se trouve dans la région.

Environ 1,6 millions de Franciliens sont potentiellement exposés à un air dépassant la valeur limite annuelle en 2015 – essentiellement à Paris et en petite couronne :

idf-nox-8

Voici l’évolution de l’exposition de la population :

idf-nox-6

On voit que 15 % de la population est exposée, mai que la situation s’améliore assez vite.

Voici donc la synthèse pour ce polluant :

idf-nox-7

En résumé pour le dioxyde d’azote

Le dioxyde d’azote reste une problématique marquée en Île-de-France : en 2015, 1.6 millions de Franciliens situés dans le coeur dense de l’agglomération sont potentiellement exposés à un dépassement de la valeur limite annuelle. Le dioxyde d’azote reste majoritairement lié au trafic routier, les niveaux le long des grands axes de circulation pouvant être plus de deux fois supérieurs à la valeur limite.

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L’Ozone (O3) : toujours des niveaux élevés

L’ozone n’est pas directement émis dans l’atmosphère, il s’agit d’un polluant dit secondaire. Il est principalement formé par réaction chimique entre des gaz « précurseurs », le dioxyde d’azote (NO2) et les Composés Organiques Volatils (COV), sous l’effet du rayonnement solaire (UV). (NB. L’Ozone ne nous est bénéfique que quand elle se forme à très haute altitude et stoppe les rayonnements dangereux du soleil)

L’ozone réagit chimiquement avec le monoxyde d’azote (NO + O3 => NO2 + O2), émis en grande partie par le trafic routier. Les teneurs en ozone sont donc très faibles à proximité immédiate du trafic routier. C’est pourquoi ce polluant est faiblement présent près du trafic.

La formation de l’ozone nécessite un certain temps durant lequel les masses d’air peuvent se déplacer. C’est pourquoi les niveaux moyens d’ozone sont plus soutenus en zone rurale que dans l’agglomération où leurs précurseurs ont été produits.

Concentrations en Ozone (O3)

À des concentrations élevées, l’ozone a des effets marqués sur la santé de l’homme : problèmes respiratoires, déclenchement de crises d’asthme, diminution de la fonction pulmonaire et apparition de maladies respiratoires. Plusieurs études européennes ont signalé un accroissement de la mortalité quotidienne de +0,3 % et des maladies cardiaques de +0,4 % pour chaque augmentation de 10 μg/m3 de la concentration en ozone. La limite est de 120 µg/m3. L’Ozone entraîne environ 2 000 décès par an.

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De nombreux dépassements des critères de qualité en ozone sont toujours observés l’été, les valeurs cibles demeurant cependant respectées. Comme les années précédentes, l’objectif de qualité relatif à la protection de la santé (seuil de 120 μg/m3 sur une période de 8 heures à ne pas dépasser dans l’année) est dépassé en tout point de la région.

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Le nombre de jours de dépassement ne montre plus de nette tendance à la baisse et reste très supérieur à l’objectif de qualité de 0, tout en respectant depuis 2007 partout la valeur cible de 25 jours.

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Si les pic de pollution sont en baisse, le niveau moyen lui a beaucoup augmenté, et s’est stabilisé depuis plusieurs années :

 

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Ceci tient à la hausse globale des émissions de précurseurs de l’ozone – et paradoxalement à la diminution des niveaux d’oxydes d’azote qui détruisent chimiquement l’ozone localement dans les coeurs urbains pollués ; l’amélioration sur les niveaux de NO2 induit donc une hausse des niveaux moyens d’ozone…

Voici donc la synthèse pour ce polluant :

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En résumé pour l’ozone

Stabilisation des niveaux moyens. Les dépassements de l’objectif de qualité sont encore nombreux en 2015 en raison d’une météorologie estivale ensoleillée et chaude, sans toutefois se démarquer de la moyenne.

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Le benzène (C6H6) : fin d’une période de baisse

Émissions des COV

Le benzène est un Hydrocarbure Aromatique Monocyclique (HAM), faisant partie de la famille des Composés Organiques Volatils Non Méthaniques (COVNM).

Les émissions de COVNM en Île-de-France pour l’année 2012 représentent 74 kt :

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On constate une diminution de 59% des émissions de COVNM en Île-de-France sur 12 ans :

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Le secteur résidentiel et tertiaire est le premier contributeur aux émissions de COVNM en 2012 avec 30% des émissions régionales (à 60 % par des émissions de produits avec du solvant – peintures, solvants, produits pharmaceutiques… Le 2e émetteur est le chauffage au bois.). En revanche le benzène est émis majoritairement par le trafic routier, plus particulièrement les véhicules à motorisation essence.

Le trafic routier est le principal contributeur aux émissions d’oxydes d’azote avec 56 % des émissions franciliennes. On observe une diminution de 48 % des émissions du trafic routier en Île-de-France entre 2000 et 2012 :

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Les émissions de COVNM du trafic routier diminuent de 86% entre 2000 et 2012. Les émissions des véhicules particuliers essence voient leurs émissions chuter de 94% (baisse de trafic de 55%).

Concentrations en Benzène (C6H6)

Le benzène est cancérogène pour l’homme. C’est aussi un précurseur d’ozone.

La valeur limite annuelle moyenne est de 5 µg/m3. L’objectif de qualité de 2 µg/m3.

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Depuis quelques années, les niveaux en benzène continuent de baisser légèrement, en particulier le long du trafic.

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Grosse chute sur une station de mesure très polluée

Les concentrations sont partout inférieures à la valeur limite. L’objectif de qualité français est respecté en situation de fond (= loin des axes routiers) mais pas près de certaines zones de trafic.

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En 2015, le dépassement potentiel de l’objectif de qualité en Île-de-France concerne approximativement 100 000 habitants, contre 2 millions en 2008 et 3,2 millions en 2,2.

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Voici donc la synthèse pour ce polluant :

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En résumé pour le benzène

100 000 Franciliens sont potentiellement exposés à un dépassement de l’objectif de qualité. Après une décroissance significative des teneurs observées depuis 1994 jusqu’au début des années 2000, la baisse se poursuit depuis 2007 à un rythme plus faible, depuis plusieurs années.

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Le Dioxyde de soufre (SO2) : un problème résolu

Émissions de Dioxyde de soufre (SO2)

Le Dioxyde de soufre est émis lors de la combustion des matières fossiles telles que le charbon, le pétrole et certains gaz, contenant des impuretés en soufre, ainsi que lors de certains procédés industriels.

Les émissions d’oxydes d’azote totaux (SO2) en Île-de-France pour l’année 2012 représentent 14 kt :

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Le principal secteur contribuant aux émissions de SO2 en Île-de-France est le secteur de la production d’énergie avec 57 % des émissions franciliennes. Le secteur résidentiel et tertiaire contribue également de manière notable aux émissions de dioxyde de soufre franciliennes (24% des émissions régionales) via la consommation de fioul domestique.

On constate une diminution de 67 % des émissions de SO2 en Île-de-France sur 12 ans :

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Cette forte baisse s’explique par le recul de l’usage du fioul lourd dans la plupart des centrales thermiques. De plus, le taux de soufre a diminué de moitié dans le fioul domestique et de plus de 90 % dans les carburants routiers entre 2000 et 2012. Le report de l’utilisation du fioul dans le secteur résidentiel et tertiaire et dans l’industrie vers d’autres sources d’énergie, et notamment le gaz naturel, est également à l’origine de la baisse des émissions.

Concentrations en Dioxyde de soufre (SO2)

Le SO2 affecte le système respiratoire, le fonctionnement des poumons et il provoque des irritations oculaires. L’inflammation de l’appareil respiratoire entraîne de la toux, une production de mucus, une exacerbation de l’asthme, des bronchites chroniques et une sensibilisation aux infections respiratoires.

Les concentrations moyennes annuelles de SO2 sont désormais inférieures à la limite de détection (5 μg/m3) ; elles sont donc largement inférieures à l’objectif de qualité (50 μg/m3).

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Les valeurs limites applicables au SO2 sont également largement respectées sur l’ensemble des stations de mesure franciliennes. En effet, aucun dépassement du seuil journalier de 125 μg/m3 ni du seuil horaire de 350 μg/m3 n’a été enregistré.

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Le problème de la pollution aérienne au Dioxyde de Soufre a donc été réglé.

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Les métaux : un problème résolu

Les métaux proviennent majoritairement de la combustion des combustibles fossiles, des ordures ménagères mais aussi de certains procédés industriels.

Les métaux s’accumulent dans l’organisme. À plus ou moins long terme, et pour des expositions chroniques, les métaux provoquent des affections respiratoires (arsenic, cadmium, nickel), cardiovasculaires (arsenic), neurologiques (plomb, arsenic) et des fonctions rénales (cadmium). L’arsenic, le cadmium et le nickel sont classés cancérigènes pour l’homme

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Le plomb (Pb) était principalement émis par le trafic routier jusqu’à l’interdiction totale de l’essence plombée en 2000. Les principales sources actuelles sont la combustion du bois et du fioul, l’industrie, ainsi que le trafic routier (abrasion des freins). Il a vu ses teneurs diminuer de manière très importante (-97 %) en 15 ans. La valeur limite et l’objectif de qualité sont tous deux très largement respectés, la moyenne étant 25 à 50 fois inférieure aux normes.

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La formidable éradication du plomb dans l’air

L’arsenic (As) provient de la combustion de combustibles minéraux solides et du fioul lourd ainsi que de l’utilisation de certaines matières premières notamment dans la production de verre, de métaux non ferreux ou la métallurgie des ferreux. Les niveaux sont désormais 6 à 20 fois inférieurs à la valeur cible.

Le cadmium (Cd) est essentiellement émis par l’incinération de déchets, ainsi que la combustion des combustibles minéraux solides, du fioul lourd et de la biomasse. La moyenne est 50 fois inférieure à la valeur cible
européenne.

Le nickel (Ni) est émis essentiellement par la combustion du fioul lourd. Les niveaux sont désormais 5 à 50 fois inférieurs à la valeur cible.

Le problème de la pollution aérienne aux métaux a donc été réglé.

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Le Monoxyde de carbone (CO) : un problème résolu

Le monoxyde de carbone est un polluant primaire qui se forme lors des combustions incomplètes (gaz, charbon, fioul ou bois). Les sources principales de CO en milieu extérieur sont le trafic routier.

On constate une baisse constante et des niveaux de CO désormais très inférieurs à la limite de 10 000 µg/m3 sur une période de 8 heures.

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La valeur limite pour la protection de la santé (10 000 μg/m3) est largement respectée en situation de fond (maximum en 2015 = 2500 μg/m3) ainsi qu’à proximité du trafic (maximum = 2 400 μg/m3) :

co-2

Une baisse sensible est observée sur l’historique, avec une diminution de -85 % entre 1996 et 2015 sur les sites trafic, pour les valeurs moyennes annuelles.

co-3

Les concentrations maximales sur 8 heures ont connu, comme pour les moyennes annuelles, de fortes baisses depuis 15 ans :

co-4

Les teneurs maximales sont aujourd’hui 10 fois inférieures à celles relevées il y a quinze ans, du fait des progrès technologiques importants dans les émissions des véhicules routiers.

Le problème de la pollution aérienne au Monoxyde de Carbone a donc été réglé.

co-5

 

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Le Benzo(a)pyrène et autres Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP)

Les émissions d’HAP

Les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques se forment lors de combustions incomplètes, en particulier celle de la biomasse. Les HAP sont ainsi majoritairement émis par le chauffage au bois, par les combustions non maîtrisées (brûlage de déchets verts, barbecues) ainsi que par le trafic routier, en particulier par les véhicules diesel.

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La répartition sectorielle des émissions de HAP montre une contribution quasi exclusive du secteur résidentiel et tertiaire (45%) et du secteur transport routier (50%).

hap-2

On observe une diminution de 30% des émissions de HAP en Île-de-France entre 2000 et 2012, essentiellement liée à la modernisation des équipements de chauffage au bois.

La concentration en Benzo(a)pyrène

La toxicité des HAP varie fortement d’un composé à l’autre. La plupart des HAP sont mutagènes. Le benzo(a)pyrène est cancérogène pour l’homme. D’autres HAP sont reconnus cancérogènes probables ou possibles. La limite est de 1 ng/m3.

hap-3

Les limites sont très désormais très largement respectées, avec des niveaux 4 à 8 fois inférieurs au maximum :

hap-4

Mais cela n’a pas toujours été le cas sur le zones à proximité du trafic : une baisse sensible a été observée (-74 %) entre 2001 et 2015 :

hap-5

Le problème de la pollution aérienne au Benzo(a)pyrène a donc été réglé.

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Les émissions d’ammoniac (NH3)

L’ammoniac ayant une nette importance dans la génération de composés secondaires, on voici les émissions pour la région :

ammoniac-1

ammoniac-2

On constate une diminution de 16% des émissions d’ammoniac en Île-de-France entre 2000 et 2012. Les émissions agricoles restent stables car les quantités d’engrais épandues sont équivalentes sur la période étudiée ; celles du trafic routier diminuent de 53% en 12 ans en lien avec le recul de l’usage de l’essence des véhicules particuliers au profit du diesel.

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Les émissions de gaz à effet de serre

Un mot sur l’émission des gaz à effet de serre – qui ne sont généralement pas des “polluants”; 95 % des émissions sont du CO2.

Les émissions directes de gaz à effet de serre en Île-de-France pour l’année 2012 représentent 41 Mt en équivalent CO2.

co2-1

Le secteur résidentiel et le trafic routier pèsent pour 70 % des émotions.

On observe une diminution des émissions de GES de 18 % entre 2000 et 2012.

co2-2

Le secteur résidentiel et tertiaire est responsable de 41 % des émissions franciliennes de gaz à effet de serre avec principalement une contribution du secteur résidentiel (25 % des émissions franciliennes) :

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On observe une diminution de 14 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel et tertiaire entre 2000 et 2012 qui est liée directement à l’évolution de la consommation d’énergies fossiles qui a diminué de 14 % sur la même période alors que la consommation énergétique finale (électricité incluse) reste stable.

Les émissions du trafic routier représentent 32 % des émissions franciliennes de gaz à effet de serre :

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On constate une diminution de 15 % des émissions franciliennes de gaz à effet de serre entre 2000 et 2012. Cette baisse s’explique par la diésélisation du parc de véhicules particuliers (les rendant moins consommateurs de carburant) et par la baisse des consommations moyennes par véhicule grâce notamment à la réduction des cylindrées moyennes du parc de véhicules particuliers et aux améliorations technologiques. On notera que le trafic routier modélisé est relativement stable à l’échelle régionale sur cette période.

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Si ces résultats sont encourageants, poursuivons l’étude avec la pollution aux particules fines, qui reste le principal problème à Paris.

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Source: http://www.les-crises.fr/la-pollution-de-l-air-en-ile-de-france/


Arrêtons avec les “centrales à charbon allemandes”…

Friday 3 February 2017 at 02:40

Index de la série “Pollution de l’air”

    1. La pollution de l’air cause 48 000 morts par an en France (+ présentation des polluants)
    2. La pollution aux particules fines
    3. Les graves effets des particules sur la santé
    4. La pollution de l’air dans le monde
    5. La pollution de l’air en Europe I (+ les morts du charbon)
    6. La pollution de l’air en Europe II
    7. La pollution de l’air en France
    8. Le très polluant chauffage au bois
    9. Le choix erroné de la France pour le diesel (mais le diesel a évolué…)
    10. Arrêtons avec les “centrales à charbon allemandes”…
    11. La pollution de l’air en Île-de-France (hors particules)
    12. La pollution aux particules en Île-de-France
    13. L’origine des particules en Île-de-France
    14. Les épisodes de pollution aux particules en Île-de-France
    15. Qualité de l’air en Île-de-France et épisodes de pollution récents
    16. La pollution dans le métro
    17. La pollution de l’air à la maison
    18. Suivi en direct de la pollution
    19. Quelques suggestions…
    20. Documents
    21. Synthèse de la série Pollution de l’air

 

J’insère un bref billet, tant j’ai été surpris, après tant de billets, par de nombreux commentaires de ce style :

c’est à se demander pourquoi je me fatigue autant…

EDIT : le hasard fait bien les choses, le buzz du jour… :

venant d’un type super sérieux, comme le montre ce qu’il publie sur son site :

(amigo, creuse aussi pour voir si la vague de froid qu’on a connue ne serait pas aussi un complot du gouvernement…)

Alors on va préciser les choses clairement et brièvement.

1. OUI L’Allemagne essaye de sortir du nucléaire : elle avance bien

La chute de la production nucléaire d’électricité en Allemagne – elle en est déjà à – 50 % (-80 TWh) (Source) :

2. NON, l’Allemagne n’a pas remplacé le nucléaire par des centrales à Charbon !

Production par le charbon (-25 TWh) :

et aussi par la lignite (stable) :

3. Ce sont les énergies renouvelables qui ont compensé la baisse du nucléaire

Ces baisses ont été compensées par les énergies renouvelables (+ 130 TWh) :

Voici l’évolution totale de la production d’électricité en Allemagne :

On comparera à la France (Source) :

4. L’Allemagne pollue en particules bien moins que la France…

Voici la synthèse de la situation en 2014 en Europe :

pollution air metro rer

et par habitant des pays avancés :

L’Allemagne se chauffe avec peu de foyers ouverts, a moins de diesel et plus de GPL…

5. … mais elle pollue quand même…

L’Allemagne envoie donc ses particules en France par vent d’est (dont une minorité vient des centrales à charbon) chez nous, mais de la même façon, nous envoyons souvent nos émissions en Allemagne par vent d’Ouest. Selon Matthias Beekmann, directeur de recherches au Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques (CNRS), sur l’ensemble de l’année, on envoie davantage de particules fines en Allemagne qu’on n’en reçoit de là-bas.

Après, il est vrai qu’environ 1 400 Français sont tués tous les ans par les émissions du charbon en provenance des pays voisins – ce qui est bien trop, mais une fraction des 50 000 morts annuels. (Source)

pollution air particules

Le problème est plus important pour les centrales polonaises – mais ce n’est pas non plus la majorité des émissions de la Pologne…

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Bref, le problème des centrales à Charbon existe, et doit être traité (et l’Allemagne s’y emploie) mais ce n’est qu’une petite fraction du problème (les centrales à charbon représentent environ 3 % des morts de la pollution en Europe et en France). Le plus grave problème est les centrales au charbon polonaises – mais elles nous touchent peu en France.

Bref, ce petit sujet, réel,  ne doit pas être une excuse pour ne pas agir en France, où il y a tant à faire face à nos deux grands ennemis : le chauffage au bois d’ancienne génération, et le diesel !

L’Allemagne est exemplaire dans ses émissions de particules, et a su nous montrer qu’on pouvait très bien ne choisir ni le nucléaire, ni le charbon (ce dernier étant en plus un énorme émetteur de CO2, mais c’est un autre problème)…

C’est bon ? On passe à la suite de l’étude alors…

Source: http://www.les-crises.fr/arretons-avec-les-centrales-a-charbon-allemandes/


Les cent derniers jours du parti socialiste, par Bruno Gaccio

Friday 3 February 2017 at 01:55

Je vous recommande ce livre drôle et très profond de Bruno Gaccio…

Source : Les liens qui libèrent, Bruno Gaccio, 18/01/2017

Date de parution : 18/01/2017
ISBN : 9791020904683 –  16.00 €

Ça n’est pas si grave la mort d’un parti. Tout est mortel.

Les choses naissent, croissent, atteignent leur apogée et déclinent. Puis elles meurent. Pour beaucoup d’entre nous, ce sera comme perdre un ami, une tristesse. Mais c’est inéluctable. Le PS n’a plus aucune rationalité électorale. Un comble pour un parti qui se voulait réaliste et raisonnable.

 « À l’enterrement d’un Parti mort

Deux militants s’en vont.

Ils ruminent leur sort

Trouvent injuste sa disparition ;

Ils sont les seuls que ce trépas étonne ?

Cela prouve que ce sont eux qui déconnent. »

Ça n’est pas si grave la mort d’un parti. Tout est mortel.

Les choses naissent, croissent, atteignent leur apogée et déclinent. Puis elles meurent. Pour beaucoup d’entre nous, ce sera comme perdre un ami, une tristesse. Mais c’est inéluctable. Le PS n’a plus aucune rationalité électorale. Un comble pour un parti qui se voulait réaliste et raisonnable.

La mort du Parti socialiste aura lieu le 23 avril 2017. L’enterre­ment le 9 mai suivant. Peu importe la forme que prendra cette dis­parition, la pire étant que le nom reste, vide de sens, peuplé de vieux notables, vendant leur bonhomie pour quelques circonscriptions gagnables. Pitié, pas ça.

Des maladies le rongeaient depuis 35 ans. Elles étaient mortelles:

Libéroencéphalite dégénérativeBordéloplas­tieDéboussolite rétractilesyndrome de la Valls­setteSurdité profondeCécité totaleetc. Mais là où il fallait sans doute des remèdes de che­val, on lui a refilé des placebos… Repose en paix.

Source : Les liens qui libèrent, Bruno Gaccio, 18/01/2017

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Et si le Parti socialiste français vivait ses 100 derniers jours ?

Source : Youtube, TV5 Monde, 26-01-2017

Entretien avec Bruno Gaccio, auteur de « Les 100 derniers jours du Parti socialiste » (Ed. Les Liens qui Libèrent).
Au lendemain du débat de l’entre deux tours de la Primaire de la gauche, Bruno GACCIO connaît la conclusion, la fin de l’histoire. Elle aura lieu le 23 avril 2017 prochain, au soir du premier tour de l’élection présidentielle. Le PS sera mort. Dans son dernier livre acide, l’humoriste et scénariste, ancien auteur des Guignols, décrit les cent derniers jours d’un parti qu’il voit atteint de « libéraloencéphalite dégénérative » aussi baptisée « maladies des deux François »

Source : Youtube, TV5 Monde, 26-01-2017

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Jean-Christophe Cambadélis face à Bruno Gaccio: “Aujourd’hui, s’il n’y avait pas de Parti socialiste, la gauche ne serait plus en capacité de se rassembler”

Source : BFM TV, 15/01/2017

Le face à face a opposé Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste, à Bruno Gaccio, auteur du livre “Les 100 derniers jours du Parti socialiste”. – BFM Politique, du dimanche 15 janvier 2017, présenté par Jean-Baptiste Boursier, sur BFMTV.

Pour voir la vidéo c’est ici

Source : BFM TV, 15/01/2017

Source: http://www.les-crises.fr/les-cent-derniers-jours-du-parti-socialiste-par-bruno-gaccio/


Du “judéo-bolchévisme” à “l’islamo-gauchisme” : une même tentative de faire diversion, par Shlomo Sand

Friday 3 February 2017 at 01:40

Intéressant article…

Source : Le Nouvel Obs, Shlomo Sand, 08-06-2016

LE PLUS. “L’islamo-gauchisme”, voilà l’ennemi. C’est le message envoyé régulièrement Manuel Valls dans ses différentes prises de parole publiques. Un concept assez flou dans lequel le Premier ministre englobe à la fois Clémentine Autain et Tariq Ramadan. Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Tel-Aviv, Shlomo Sand s’interroge sur l’utilisation de cette rhétorique.

Édité par Sébastien Billard

Le Premier ministre Manuel Valls, le 6 février 2016 (N. MESSYASZ/SIPA).

Dans les années 1930, en France comme dans d’autres pays d’Europe, les communistes et diverses personnalités de la gauche radicale étaient fréquemment qualifiés de “judéo-bolcheviks”. Ainsi, par exemple, mon père qui, avant la Seconde Guerre mondiale, était un communiste polonaisétait considéré par les autorités et la presse du pays comme faisant partie de la “Zydokomuna”.

Étant donné que plusieurs dirigeants de la Révolution d’Octobre, tout comme nombre de communistes et de défenseurs de l’URSS, dans toute l’Europe, étaient d’origine juive, l’association langagière entre judaïsme et menées subversives était très populaire parmi les judéophobes.

Une symbiose propagandiste très efficace

D’Adolf Hitler à Carl Schmitt et Martin Heidegger, de Charles Maurras à Louis-Ferdinand Céline et Pierre Drieu-La Rochelle, l’identification rhétorique entre juifs et bolcheviks a toujours été empreinte de tonalités effrayantes puisées dans une vieille tradition religieuse, mêlée à des menaces pleinement modernes et laïques.

Suite à lire sur : Le Nouvel Obs, Shlomo Sand, 08-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/du-judeo-bolchevisme-a-lislamo-gauchisme-une-meme-tentative-de-faire-diversion-par-shlomo-sand/


Le choix erroné de la France pour le diesel (mais le diesel a évolué…)

Thursday 2 February 2017 at 02:00

Index de la série “Pollution de l’air”

    1. La pollution de l’air cause 48 000 morts par an en France (+ présentation des polluants)
    2. La pollution aux particules fines
    3. Les graves effets des particules sur la santé
    4. La pollution de l’air dans le monde
    5. La pollution de l’air en Europe I (+ les morts du charbon)
    6. La pollution de l’air en Europe II
    7. La pollution de l’air en France
    8. Le très polluant chauffage au bois
    9. Le choix erroné de la France pour le diesel (mais le diesel a évolué…)
    10. La pollution de l’air en Île-de-France (hors particules)
    11. La pollution aux particules en Île-de-France
    12. L’origine des particules en Île-de-France
    13. Les épisodes de pollution aux particules en Île-de-France
    14. Qualité de l’air en Île-de-France et épisodes de pollution récents
    15. La pollution dans le métro
    16. La pollution de l’air à la maison
    17. Suivi en direct de la pollution
    18. Quelques suggestions…
    19. Documents
    20. Synthèse de la série Pollution de l’air

 

Le choix erroné de la France pour le diesel

La France figure parmi les pays en Europe qui ont le parc le plus “dieselisé” en Europe. Le choix par les pouvoirs publics d’aider le diesel a donc nettement augmenté les émissions de particules fines du secteur routier, participant notablement aux 50 000 morts par an. Soit chaque 130 victimes chaque jour, victimes qui a la différence des fumeurs et des alcooliques, n’ont pas choisi leur sort

Voici l’évolution du parc français de voitures :

parc-voitures-diesel-01

parc-voitures-diesel-02

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Il en est de même chez les utilitaires :

parc-voitures-diesel-05

L’évolution de la proportion du diesel est impressionnante, passant de 4 % à 62 % – niveau probable de pic :

parc-voitures-diesel-04

Voici la situation en Europe :

part-diesel-europe-01

La France est donc bien parmi les pays les plus diésélisés :

part-diesel-europe-02

On voit bien que la situation se retourne en France depuis 2012 : l’ère du diesel roi est probablement terminé, comme nous allons le voir.

On en voit les conséquences évidentes sur les ventes de carburant en France depuis 1950 :

historique-consommation-carburants-france

et ici la répartition des ventes entre Essence et Gazole :

historique-consommation-diesel-france

On note un tournant dans les années 1980 : à cette période, les pouvoirs publics ont commencé à favoriser le diesel, ce qui a abouti à faire passer la proportion de voitures diesel dans le parc de 3 % à 63 %…

Rappelons qu’un litre de gazole est 1,14 fois plus énergétique que 1 litre d’essence (Source). La neutralité énergétique voudrait donc que son prix soit 14 % supérieur.

Or, en raison d’un choix politique ancien, le gazole était beaucoup moins taxé que l’essence – dans l’après guerre, agriculteurs et transporteurs avaient obtenu cet avantage sur un carburant qu’eux seuls utilisaient alors. On l’observe ici :

prix-carburants

Ce qui donne en faisant le rapport entre les deux prix :

prix-carburants

On voit le coup de pouce des années 1980, sur lequel l’État est revenu dans les années 2000. Mais le gazole reste encore bien loin de la simple équivalence énergétique avec l’essence.

Il y avait en fait trois raisons à ce choix funeste des années 80, fortement encouragé par Bercy :

Jacques Calvet, le PDG de Peugeot, est arrivé à Bercy en déclarant : “J’ai trouvé comment résoudre votre problème de surplus de gasoil : je vais transformer les voitures en chaudières sur roues !”. (Source)

Les incitations fiscales à rouler diesel se sont alors mises en place durablement pour l’usage privé des véhicules …  Au détriment probablement depuis cette décision funeste de plus de 500 000 vies rien qu’en France et probablement autant en cumulé dans les pays où Renault et Peugeot sont particulièrement actifs (Belgique, Espagne…). C’est sans doute la plus grave erreur sanitaire de notre époque contemporaine, dont on commence seulement maintenant à pressentir l’étendue…

Force est cependant de reconnaître que l’orientation tout diesel  de Jacques Calvet avec les incitations fiscales complices de Bercy – qui ont conduit Renault à s’y mettre aussi – ont effectivement (mais provisoirement) sauvé Peugeot « de l’envahisseur Japonais »…

Le plus grave ets que ce choix a été fait sciemment : tout était cependant expliqué dans le fameux rapport Roussel – dont il ne reste à priori que trois exemplaires, un autre qui aurait été mis de côté en prévision d’une Class Action future majeure -, montrant que c’est en connaissance de cause du danger sanitaire que la France s’est engagée sur la voie du diesel automobile y compris et surtout le petit diesel urbain, entrainant toute l’industrie dans son sillage… (Source)

Le 7 juillet 1983, alors que les Français s’apprêtent à prendre la route des vacances, le professeur André Roussel remet son rapport sobrement intitulé : “Impact médical des pollutions d’origine automobile”. Et c’est d’abord le moteur diesel qu’il cible en évoquant un lien entre les particules fines émises et des cancers. Et en conclusion : “Le rapport recommande immédiatement de ne plus augmenter le parc automobile diesel”

Ce rapport reste non disponible à ce jour… (Source) Lire aussi ce billet exalté : Saloperie de diesel

Il ne faut pas non plus sous-estimer l’impact de la décision de NKM – Borloo de baser le bonus écologique sur le CO2 au lieu des particules PM et des Oxydes d’azote NOx… Cette décision prise probablement sous la pression de nos « Bronchosaures » nationaux a eu les conséquences funestes que l’on connaît, avec une explosion du nombre de petits diesels urbains, les plus néfastes car incapables, surtout dans une ville à faible vitesse de circulation moyenne, de pyroliser les suies…

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Distribution des particules en masse et nombre à l’échappement d’un diesel en 2000

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Les particules diesel sont en fait des regroupements de noyaux en billes de carbone :

 

pollution air

pollution air

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Particule diesel

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On rappellera que ce sont les particules les plus fines – les PM2.5, PM1.0 et PM0.1 – qui sont de très loin les plus dangereuses, les PM10 étant arrêtées en amont de l’arbre respiratoire, de par leur taille.

Et il faut également savoir qu’il y a une formation de particules fines et ultrafines secondaires derrière le véhicule par recombinaison chimique et coalescence des NOx et de l’ammoniac, un sujet particulièrement « sensible », savamment dissimulé par les constructeurs qui ont préféré tricher sur leurs émissions de NOx (en tant que gaz, les NOx sont est infiniment plus difficiles à piéger que les suies…).

Sinon, notez que les particules essence sont très différentes :

pollution air

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Fin de l’histoire ?

NON, car les choses ne sont pas si simples pour les nouveaux moteurs.

En effet, les normes d’émission de particules du diesel sont devenues de plus en plus drastiques :

pollution air particules

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Sous le coup de la Norme actuelle “Euro 6”, les constructeurs ont drastiquement réduit la pollution des voitures diesels.

Et a contrario, il s’est passé un chose assez incroyable : afin de lutter contre les émissions de dioxyde de carbone dans le secteur automobile, les États ont favorisé le développement de véhicules essence plus sobres. Pour ce faire, les constructeurs ont alors conçu des moteurs de trois à quatre cylindres turbo à injection directe, comme les moteurs diesel – 40 % des nouveaux véhicules essence aujourd’hui dotés de tels moteurs.

“Légers” effets indésirables : ces nouveaux moteurs à essence rejettent désormais des particules fines ! En injectant directement dans la chambre de combustion le carburant au lieu de passer par les soupapes d’admission, le mélange oxygène-carburant n’est pas homogène et produit des particules très fines en nombre (PN), dont la taille peut être encore plus petite qu’un virus… Pire, d’ici à 2030, les particules émises par les modèles essence pourraient dépasser celles émises par ceux au diesel.

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Progrès technique sur le diesel

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“Question santé, si de nombreuses études ont confirmé l’effet cancérogène des particules émises par les moteurs diesels, il ne faut pas croire pour autant que le moteur à essence soit plus sûr et provoque moins de maladies. Au contraire. L’essence est très volatile, s’évapore dès le remplissage des réservoirs, diffuse au travers des canalisations plastiques des véhicules, contient des dérivés benzéniques particulièrement inquiétants, et émet également des particules. Si celles des moteurs à essence sont quantitativement moindres que celles du diesel, elles ont l’inconvénient majeur d’être beaucoup plus fines et donc de pénétrer plus profondément dans l’organisme, d’aller beaucoup plus loin dans les alvéoles pulmonaires et de se comporter comme des nanoparticules avec toute la problématique santé qui les entoure. Si les moteurs à diesel actuels sont fortement émissifs de particules, d’oxydes d’azote, ceux à essence (surtout les anciens modèles) entraînent des consommations plus importantes de carburant et rejettent des dérivés benzéniques très préoccupants, des particules ultrafines, et plus de CO2 et d’HAP (hydrocarbure aromatique polycyclique, NDLR) que les moteurs diesels.” (Source)

La Commission européenne a alors fixé un taux maximum de rejet de ces particules fines pour tous les nouveaux modèles essence mis sur le marché :

euro-6-essence

Il est assez simple et peu onéreux de respecter ces nouvelles réglementations : il suffit d’équiper les nouveaux modèles de filtres à particules en céramique, dont les prix, qui oscillent entre 25 et 50 euros pièce, sont cinq à dix fois moins chers que ceux pour les véhicules diesel (et qui ne s’encrassent pas), ce qui permet d’atteindre des seuils d’émissions de PN cent fois inférieurs à la limite.

Hélas, ces dispositifs ne sont toujours pas obligatoires, et les constructeurs se font tirer l’oreille, préférant négocier avec l’Europe des autorisations de dépasser les seuils afin de tenir compte des aléas des procédures de tests des véhicules. Ils viennent d’ailleurs de demander une autorisation de dépassement de… 300 % ! La Commission européenne a accordé un taux de 50 %, comme pour les véhicules diesel.

Évoquons également le fait que la France a pris un retard considérable par rapport à ses voisins européens sur le GPL, motorisation de très loin la plus propre des motorisations thermiques…

 

En attendant, en 2017, on arrive à la situation où les nouveaux véhicules à essence sont autorisés à émettre 10 fois plus de particules que les moteurs diesel (en 2018, ce sera la même norme) – même s’il reste très émetteur en oxydes d’azote, qui forment ensuite des particules fines :

diesel-5

Diesel ou Essence ? Difficile de savoir qui pollue le plus pour les nouveaux moteurs…

Lire ici le bilan 1 an après le “dieselgate” de Volkswagen, dont les modèles trichaient pour passer les tests.

On dénoncera ici avec le spécialiste belge Pierre Courbe le scandale de l’attitude des autorités d’homologation nationales qui refusent de voir l’évidence dans le seul but de protéger leurs constructeurs nationaux (Allemagne, France) ou leur propre business (Luxembourg, Pays-Bas). Car il faut savoir que chaque pays dispose d’autorités pour homologuer les modèles en Europe, et que des pays comme le Luxembourg ou les Pays-Bas ont développé un marché local de l’homologation. Si un constructeur allemand a naturellement tendance à faire homologuer ses véhicules en Allemagne, il lui arrive aussi de se tourner par exemple vers le Luxembourg dont l’autorité d’homologation nationale peut s’avérer aussi peu regardante que celle de son grand voisin – et ce quelle que soit la nationalité du constructeur. Bref, on a quasiment créé des pavillons de complaisance en Europe aussi pour l’automobile…

Au vu des milliers de morts chaque année, il est urgent de réformer en profondeur le système d’homologation de surveillance du marché automobile en Europe. Une telle réforme devrait notamment instaurer un « gendarme » européen pour surveiller et harmoniser le travail des régulateurs nationaux, donner à la Commission européenne le pouvoir de mener des tests indépendants, séparer clairement les acteurs de la chaîne d’homologation : constructeurs, services techniques qui réalisent les tests et autorités nationales d’homologation. Mais tant que les législateurs européens continueront à privilégier les intérêts financiers de quelques-uns au détriment de la santé physique de tous, ceci restera un vœu pieu…

Et 130 personnes continueront à être tuées tous les jours…

Différence entre norme théorique et réalité mesurée – Source: ICCT

Enfin, on voit dans ce billet que 3 moteurs essence à injection directe dépassent bien la norme diesel en particules – ce dernier restant très polluants au niveau des dioxydes d’azote.

Le souci est que s’il est possible de rendre propres les nouveaux véhicules diesel, cela coûte très cher : pour passer les normes Euro 6 (en 2014), le coût des moteurs diesel s’est renchéri de mille euros, et il devrait encore prendre un millier d’euros supplémentaire en septembre 2017 avec la norme Euro 6-2 ; les petits modèles ne pourront rester compétitifs avec ceux à essence, au moment où ils ne pollueront pas plus qu’eux. Bilan tout récent :

ventes-diesel

Le vrai problème pour la santé publique demeurera le niveau d’émissions des anciens moteurs à gazole, dépourvus de filtre à particules (avant 2011) – le parc automobile français est âgé de plus de 8 ans. Le paradoxe veut que les pouvoirs publics français se soient historiquement occupés des rejets de CO2 et beaucoup moins des polluants locaux (oxydes d’azote, particules), qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Le système de fiscalité écologique “bonus-malus”, instauré en 2008, a ainsi favorisé le diesel, au nom de la lutte contre le changement climatique, car un diesel consomme 15-20% de moins que les véhicules à essence et rejette donc autant de moins de gaz à effets de serre.

Vous pouvez donc désormais comprendre les raisons et les enjeux de la mise en place du tout nouveau « certificat qualité de l’air », excellente initiative pour favoriser les véhicules moins polluants (ça ne pas de sens d’empêcher de circuler des véhicules de dernière génération qui polluent bien peu) :

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Vous pouvez vous procurer votre vignette ici si vous voulez circuler à Paris.

On note que ce système discrimine fortement les nouveaux moteurs diesel.

Les véhicules immatriculés avant le 1/1/1997, trop polluants, n’auront pas de vignette. Après, il est certain qu’il faudrait plus d’aides financière pour que les ménages modestes les possédant puissent en changer rapidement…

Depuis 2016, les communes peuvent créer des  « Zones à circulation restreinte » (ZCR), et décider quelles catégories Crit’Air seront autorisées à circuler dans les ZCR et quand.

Lyon et Grenoble viennent de créer une ZCR. Mais c’est celle de Paris qui est la plus avancée.

La maire a ainsi décidé ceci :

Elle a également indiqué qu’elle souhaitait qu’au 1er juillet 2017, le dispositif soit étendu aux véhicules diesel “Euro 2” (vignette 5), et même que d’ici 2020 tous les véhicules diesel soient bannis de Paris.

Ce dernier point sera à valider dans le futur, au moment où les nouveaux moteurs diesel résolvent enfin leurs principaux problèmes de pollution. Ceci étant, vu le prix, ils devraient finir par disparaître naturellement.

Voici également la situation du parc :

depassements-4

AirParif estime que la première étape de la ZCR se traduira par une baisse de la concentration en particules de 3 à 4 %, et la deuxième étape en juillet par une baisse d’environ 10 %.

Dans le même ordre d’idée, la fait que Paris sera bientôt une zone majoritairement limitée à 30 km/h participe à ceci (moins d’émissions de polluants, moins de bruit, moins d’accident graves, avantage aux transports en commun…).

En tous cas, je n’avais pas conscience de tout ceci avant d’avoir bossé le sujet en profondeur, j’en profite donc pour saluer l’action des équipes de la mairie de Paris, et du volontarisme de la maire sur ce point. Je critique suffisamment les élus pour leur manque de gestion à long terme de l’intérêt général pour ne pas souligner les efforts faits sur ce domaine. C’est d’ailleurs plusieurs fois méritoire, car primo, ce n’est (hélas) pas un sujet majeur dans la tête du public ; deuzio, cela nécessite de vrais et lourds efforts d’adaptation ; tertio, il y a une forte opposition de certains lobbies et modes de pensée ; et quarto, il y aurait des stratégies de communication assez simples pour noyer le poisson (façon, “une partie de la pollution est importée”) et trouver des excuses pour ne pas agir et ne pas se mettre d’électeurs à dos…

Merci donc à tous les acteurs de la chaîne – et pensée émue pour tous les intégristes qui pensent que bosser dans le privé pour faire des cigarettes, c’est bien, et qu’être fonctionnaire et bosser pour réduire la pollution, c’est maaaal… 🙂

Pour aller plus loin :

pollutionair

Source: http://www.les-crises.fr/le-choix-errone-de-la-france-pour-le-diesel/