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Jean-François Kahn : pourquoi cet étrange silence médiatique depuis la chute d’Alep ?

Thursday 26 January 2017 at 01:15

Source : Le Figaro, Jean-François Kahn, 20-01-2017

FIGAROVOX/TRIBUNE – Fin 2016, le régime syrien s’emparait de l’Est d’Alep, contrôlé depuis 2012 par les rebelles, pour certains djihadistes. Jean-François Kahn craint une forme d’autocensure alors que c’est en affrontant la réalité qu’on mettra en échec les campagnes de désinformation.


Jean-François Kahn est un journaliste et écrivain français, historien de formation. En 1984, il crée L’Événement du Jeudi puis, en 1997, l’hebdomadaire d’information Marianne dont il est le directeur jusqu’en 2007.


Depuis trois semaines j’attends.

Quoi ?

Que les envoyés spéciaux se précipitent à Alep et répondent enfin à ces questions: qui étaient exactement les rebelles qui contrôlaient l’Est de la ville, démocrates? Islamistes modérés? Islamistes radicaux? Que s’est-il vraiment passé sous leur domination et pendant les destructrices reconquêtes, comment réagit la population, y a-t-il eu des exécutions de civils et qui s’en est rendu coupable (ou le plus coupable)?

Pour l’instant, j’attends toujours. Les médias et sites d’information poutinesques ou pro-Assad multiplient les témoignages, ou pseudo témoignages, à sens unique et triés sur le volet qui confortent, évidemment, leur vision des choses. Mais, en face, rien. A une information unilatérale et biaisée, répondrait-on par une autocensure? Ici, voilà ce que je veux entendre et, là, voilà ce que je ne veux pas entendre. Désinformation passive contre désinformation active.

La question – et tous les citoyens aspirant à une information pluraliste et honnête pourraient s’en emparer – est celle-ci: même au profit d’une cause juste toute désinformation, active ou passive, est-elle licite?

Il était juste de soutenir la résistance afghane à l’invasion soviétique: pour autant, fallait-il, comme on l’a fait, occulter le fait qu’une fraction des moudjahidins véhiculait une idéologie bien pire encore que celle que représentait le pouvoir en place à Kaboul?

Il était juste d’être critique avec le régime algérien, dont la hiérarchie militaire tirait toutes les ficelles: pour autant, fallait-il répéter en boucle, comme certains le firent, que ce n’étaient pas les terroristes islamistes, préfiguration de Daech, qui tuaient et massacraient, mais leurs adversaires qui se massacraient eux-mêmes?

Il était juste de soutenir l’aspiration du peuple kosovar à l’autodétermination et même à l’indépendance, et donc de dénoncer la répression dont il avait été victime: pour autant, fallait-il reprendre et authentifier sans recul toutes les informations concernant les épouvantables horreurs serbes dont on sait, aujourd’hui, qu’elles furent en partie concoctées par une officine mise en place par Tony Blair et son «spin doctor»?

Il était juste de diaboliser le tyran Saddam Hussein: pour autant, fallait-il soutenir qu’il était prêt à déverser sur Londres une pluie de missiles de destruction massive dont son pays regorgeait?

Il est juste de stigmatiser l’implacable tyrannie exercée en Syrie par le clan Assad: pour autant, faut-il affirmer, comme l’a fait un grand quotidien, que 80 % des victimes de la guerre civile ont été le fait des troupes pro-régime (20 % correspondant, en fait, à l’équivalent des pertes subies par l’armée syrienne et ses alliés), ce qui signifie donc que les rebelles n’ont tué, en cinq ans, aucun civil?

C’est en affrontant la réalité qu’on mettra en échec les campagnes de désinformations, pas en opposant une désinformation pour le bien à une désinformation pour le mal.

Vous avez dit post-vérité ?

Source : Le Figaro, Jean-François Kahn, 20-01-2017

Source: http://www.les-crises.fr/jean-francois-kahn-pourquoi-cet-etrange-silence-mediatique-depuis-la-chute-dalep/


Etats-Unis : à quoi ressembleront les “Trumponomics” ? Par Romaric Godin

Thursday 26 January 2017 at 00:55

Source : La Tribune, Romaric Godin, 20/01/2017

Quelle politique économique pour le nouveau président Trump ? (Crédits : Reuters)

La politique économique revendiquée par le nouveau président des Etats-Unis, Donald Trump, ne peut se concevoir qu’autour de trois piliers complémentaires, à savoir le protectionnisme, les baisses d’impôts et la dérégulation financière, avec un seul but : rétablir la puissance étasunienne.

L’impensable est donc devenu réalité. L’arrivée du fantasque et clownesque magnat de la construction Donald Trump aux commandes de la première puissance mondiale, est, depuis ce 20 janvier, la nouvelle donne avec laquelle le monde devra compter. L’homme a certes été élu 45e président des Etats-Unis avec plus de 3 millions de voix de moins que son adversaire, il est certes le président le moins populaire en début de mandat de ces dernières années, mais Donald Trump ne doute pas de sa légitimité, du reste légalement acquise, et entend donc appliquer son programme, y compris sur le plan économique. C’est ce qu’il a montré sans ambiguïté au cours de la phase de transition.

Quelle sera la politique économique du nouveau président ? A quoi ressembleront les « Trumponomics » sur lesquels les marchés financiers et quelques grands capitaines d’industrie du monde entier (à commencer par Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France, qui est venu faire acte d’allégeance à la Trump Tower de New York) comptent tant ? Beaucoup ne retiennent que le retour d’un agenda protectionniste et le risque de guerre commerciale. Il est vrai que Donald Trump s’est beaucoup agité sur le sujet ces dernières semaines, faisant pression sur General Motors, Toyota, Ford et, plus récemment, BMW, pour inciter ces firmes à relocaliser leur production aux Etats-Unis.

Refonder la « grandeur américaine »

Mais résumer les « Trumponomics » à un simple « repli sur soi » serait un peu court. Au milieu des déclarations contradictoires, Donald Trump a affiché une seule ligne de conduite claire, qui se résume par son slogan de campagne, sur lequel le nouveau président a achevé son discours d’investiture : « rendre l’Amérique à nouveau grande » (« Make America Great Again »). C’est indéniablement un Nationaliste qui entend imposer au reste du monde l’intérêt de son pays. Mais n’est-ce pas le cas de la plupart des présidents des Etats-Unis ? La spécificité de Donald Trump, c’est que son nationalisme s’appuie sur une logique économique. Comme l’ont prouvé ses déclarations sur l’Europe et l’Allemagne, l’intérêt économique des Etats-Unis prime désormais sur toute autre considération. Le monde est perçu comme un lieu de prédation et la grandeur « américaine » consistera à donner aux Etats-Unis les moyens de s’imposer dans cette « jungle » économique. La puissance militaire peut, de ce point de vue, être utile, mais elle ne prime pas, car son usage est coûteux et peu rentable. C’est ce qui explique les critiques sévères du nouveau président à la stratégie militaire des deux George Bush.

Pour refonder la puissance des Etats-Unis, Donald Trump préfèrera donc la « vieille méthode », celle de la puissance financière pure, celle qu’a privilégiée le pays au début du 20e siècle lorsque les capitaux étasuniens assuraient la « grandeur de l’Amérique ». Ceci est, du reste, plus conforme à sa personnalité de « manager » donnant des leçons dans les émissions de télé-réalité. Plus que jamais, la référence du nouveau président sera bien les Républicains de la vieille manière, ceux des années 1920, que l’on appelle « isolationnistes », mais qui en réalité, bâtissaient un ordre mondial dominé par les Etats-Unis et fondé sur la puissance des capitaux étasuniens. Deux présidents du Conseil français, Raymond Poincaré en 1924, puis Edouard Herriot en 1926, en ont fait l’amère expérience…

Donald Trump prend, d’une certaine façon, acte de l’affaiblissement de la stratégie classique des Etats-Unis, celle qui fonde sa puissance sur son action extérieure. Les échecs des interventions au Moyen-Orient, l’émergence de la puissance concurrente de la Chine, l’action de la Russie malgré le renforcement de l’OTAN en Europe centrale imposent de changer de cap. Pour les Républicains « trumpistes », la puissance militaire n’est rien sans fondement financier. Il faut donc refonder cette base, en priorité. C’est ce qui les distingue de Ronald Reagan qui avait donné sa priorité à la puissance militaire, au prix même de l’indépendance financière du pays.

Redresser le déficit courant des Etats-Unis

La traduction de la « grandeur américaine » passera donc alors par le rétablissement d’un excédent courant, autrement dit par la reconstitution d’une capacité de projection des capitaux étasuniens. Tant que les Etats-Unis affichent des besoins de capitaux étrangers, ils ne peuvent évidemment jouer pleinement de leur puissance et sont dépendants de l’extérieur, et notamment de leur principal rival géopolitique, la Chine.

Pendant des décennies, la puissance étasunienne s’est basée sur l’abondance des capitaux générés par l’économie des Etats-Unis. C’est cette abondance qui a permis aux Etats-Unis de financer l’effort de guerre de l’Entente entre 1914 et 1918, c’est elle qui lui a permis de dessiner le nouvel ordre mondial des années 1920, c’est elle encore qui a permis le plan Marshall et la mise en place de l’abondance économique des années 1950 et 1960 et, qui, finalement, a permis de tenir en échec l’URSS. Jusqu’au début des années 1980, la balance des comptes courants américains étaient ainsi proche de l’équilibre. La puissance économique du pays lui permettait de projeter ses capitaux à l’étranger sans s’affaiblir, bien au contraire, puisque, globalement, son épargne permettait de financer son économie. C’est clairement l’âge d’or auquel aspire Donald Trump.

Tout a changé dans les années 1980 et surtout dans les années 1990. Depuis le deuxième trimestre 1991, les Etats-Unis accusent un déficit courant qui a atteint jusqu’à 6 % du PIB en 2005 et qui est actuellement à 1,9 % du PIB. Depuis près de trente ans, pour fonctionner, l’économie des Etats-Unis doit donc emprunter des capitaux, notamment en Chine. Pour Donald Trump, et il l’a confirmé dans son discours d’investiture, ce phénomène est le produit de la désindustrialisation des Etats-Unis et il y voit le sentiment d’un transfert de richesse vers l’étranger.

Naturellement, l’ambition de Donald Trump est donc de renverser cette situation. Pour cela, les Etats-Unis vont devoir réduire leur déficit commercial et générer davantage d’épargne pour financer son économie et l’étranger. Ce n’est donc pas un hasard si Donald Trump s’est attaqué ouvertement avant son investiture à deux pays, la Chine et l’Allemagne, qui sont parmi les plus excédentaires du monde. Et s’il a visé nommément à plusieurs reprises le déficit commercial avec la Chine comme sa première priorité. Pour réduire leur déficit courant, les Etats-Unis vont logiquement devoir le transférer aux pays actuellement excédentaires. Peu importe donc que l’Allemagne soit l’alliée traditionnelle des Etats-Unis en Europe : elle est, pour Donald Trump, de par son excédent courant monstrueux de près de 9 % du PIB, un ennemi désigné de la « grandeur américaine ».

Les baisses d’impôts, élément central du système Trump

Dans ce cadre, le protectionnisme de Donald Trump vise évidemment à réduire le déficit commercial des Etats-Unis qui, en 2016, a atteint 666 milliards de dollars. Pour réduire le déficit avec l’Allemagne et la Chine, la nouvelle administration peut donc envisager des taxations massives sur les importations en provenance de ce pays. Mais, comme on l’a vu lors de ces dernières semaines, l’essentiel n’est pas ici : ce que vise la nouvelle administration, c’est bien plutôt les relocalisations des capacités de production. En ramenant les usines sur le sol américain, Donald Trump ne fait pas que rapatrier des emplois, il créé les conditions de ce rééquilibrage de la balance courante en réduisant la dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Et pour cela, les taxes aux frontières ont, certes, une fonction, mais qui n’est pas centrale : les baisses d’impôts jouent un rôle nettement plus important. C’est, du reste, ce qu’a reconnu General Motors lorsque la firme a annoncé investir sur le sol américain et non plus mexicain. Les relocalisations à la Trump s’exerceront donc par la stratégie de la carotte des baisses d’impôts et du bâton des droits de douane. Et il n’est pas certain que le second soit déterminant, au-delà des effets de manche du nouveau président. Là encore, on est clairement dans la logique des Républicains des années 1920 : lorsque ces derniers sont revenus au pouvoir en 1921, ils ont relevé les droits de douane et abaissé les impôts.

Les baisses d’impôts sont donc finalement un aspect aussi central que le protectionnisme renforcé dans les « Trumponomics ».  Elles permettent non seulement de dégager des capitaux, mais aussi de les aimanter aux Etats-Unis. L’ambition de la nouvelle administration n’est pas, alors, avec cette politique, comme on l’entend souvent, de conduire à des gains de pouvoir d’achat et à davantage de consommation. Il s’agit bien davantage de créer les conditions d’un excès d’épargne et de favoriser l’investissement local. Le plan Trump n’est pas un plan centré sur les revenus moyens et faibles, ceux qui consomment le plus, c’est un plan centré sur les entreprises et les revenus les plus aisés. C’est aussi la logique de la destruction de l’Obamacare : il ne s’agit pas de protéger la capacité de consommation des ménages les plus faibles, mais la capacité d’épargne des ménages les plus aisés et pour cela, il faut pouvoir réduire les dépenses sociales.

Troisième pierre angulaire : la finance dérégulée

Reste que cette politique n’est rien sans un troisième élément : la finance dérégulée. En faisant sauter les digues élevées après la crise, l’administration Trump espère donner un avantage comparatif, dans un contexte de régulation, au secteur financier américain et, ainsi, attirer les capitaux des ménages, grossis par les baisses d’impôts, par la promesse de rendements à nouveau mirifique. Ces capitaux, au lieu, comme aujourd’hui, de repartir vers les pays émergents, resteraient cette fois aux Etats-Unis, dans son économie dopée par les baisses d’impôts et protégée par les droits de douanes ainsi que dans ses marchés financiers dopés par la dérégulation et ses promesses de rendements mirifiques. C’est bien sur cette dernière promesse que les marchés ont bondi depuis l’élection de novembre dernier. La dérégulation financière unilatérale est donc la pierre angulaire du système Trump : c’est par elle que viendra la croissance qui attirera et maintiendra les capitaux aux Etats-Unis.

La nécessité de maintenir le déficit public sous contrôle

Dans un tel contexte, la nouvelle administration ne peut réellement se permettre de creuser massivement les déficits, c’est-à-dire de continuer à dépendre de l’étranger, tant que la capacité d’épargne des Etats-Unis ne s’est pas reconstituée et la croissance ne s’est pas renforcée. Or, le déficit public des Etats-Unis est encore à environ 3,2 % du PIB.  Ceci suppose sans doute un plan de baisse d’impôts moins ambitieux que celui qu’a annoncé Donald Trump, autrement dit sans doute encore moins redistributif que prévu, et un plan de relance qui ne saurait être de 1.000 milliards de dollars comme annoncé très évasivement pendant la campagne. La majorité républicaine donnera, de toute façon, la priorité aux baisses de taxes, notamment sur les entreprises. Mais l’on ne doit pas exclure – et la rapidité de la destruction prévue de l’Obamacare semble le confirmer que tout acte de dépense ou de baisse d’impôt soit accompagnée de franches baisses de dépenses publiques.

Le dollar fort

Dès lors, les « Trumponomics » sont naturellement un terreau favorable à un dollar fort. Certes, Washington ne peut se permettre une appréciation de sa monnaie trop élevée afin de ne pas favoriser les importations et pénaliser les exportations. Mais un dollar fort est une conséquence logique de la politique de Donald Trump, c’est aussi un moyen de maintenir aux Etats-Unis l’épargne et les investissements. Avec une monnaie forte et des taux élevés, nul ne souhaitera faire sortir ses capitaux des Etats-Unis. Aussi la politique de resserrement de la Fed n’est-elle pas nécessairement hostile à la politique Trump. De ce point de vue, la nouvelle administration pourrait donc préférer à une baisse du dollar une politique protectionniste de sanctions ciblées sur les pays qui disposent de monnaies jugées « sous-évaluées » comme la Chine et l’Allemagne.

Ambition difficile à tenir

L’ambition de la nouvelle administration est donc considérable : il s’agit d’inverser un modèle économique mis en place depuis plus de trente ans. Mais contrairement à ce qu’on entend souvent, cette ambition a sa logique, elle n’est pas « incohérente ». Il ne s’agit certainement pas de mettre fin à la révolution néolibérale des années 1980, mais il s’agit de la refonder au bénéfice de la puissance des Etats-Unis. Une telle politique pourrait bien néanmoins encore aggraver les déséquilibres actuels de l’économie américaine. L’économie mondiale n’est pas celle d’il y a un siècle : on ne reconstitue pas une capacité productive aussi simplement que le suppose Donald Trump et la capacité d’action de la finance étasunienne des années 1920 est d’abord le fruit de l’extraordinaire développement du pays après la Guerre de Sécession (1861-1865).

Des risques considérables

En revanche, l’insistance sur les baisses d’impôts et la finance dérégulée risque de priver encore davantage l’économie réelle d’investissements et d’accroître encore les inégalités (une étude récente vient de prouver l’impact des réformes fiscales de Donald Reagan dans ce creusement). Deux éléments qui viendront peser sur la croissance future des Etats-Unis. Enfin, on sait où mène la dérégulation financière et la domination étasunienne par l’usage des capitaux. Ces politiques ont conduit aux deux pires crises financières de ces cent dernières années : la crise de 1929 et celle de 2007. Donald Trump joue clairement avec le feu, non pas tant par l’usage d’un protectionnisme que seul l’Europe avait réellement oublié et qui prend corps dans un contexte de ralentissement du commerce mondial, mais par l’utilisation de recettes d’apprentis sorciers qui, à coup sûr, conduisent à des désastres pour l’économie mondiale.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 20/01/2017

Source: http://www.les-crises.fr/etats-unis-a-quoi-ressembleront-les-trumponomics-par-romaric-godin/


Grande-Bretagne : les principaux médias contre Jeremy Corbyn, par Thierry Labica

Thursday 26 January 2017 at 00:36

Source : ACRIMED, Thierry Labica, 11-01-2017

Nous publions ci-dessous, avec l’autorisation de son auteur et sous forme de « tribune » [1], un large extrait de l’article (« Détruire l’ennemi (I) : les conservateurs et les forces médiatiques ») publié sur Contretemps web [2].

Thierry Labica revient dans cet extrait (sous le titre « Médias et distorsions milliardaires ») sur la formidable offensive médiatique qui a pris pour cible Jeremy Corbyn depuis son accession à la tête du Labour Party.

La question du rôle des principaux médias peut être une affaire délicate. Dénoncer les médias, n’est-ce pas une facilité un peu trop pratiquée pour rester tout à fait honorable ? N’y a-t-il pas, dans « la faute aux médias » l’articulation classique des imaginaires de la conspiration ? La réponse étant non, au moins en l’occurrence, on prendra la liberté d’ajourner la discussion de ce beau sujet. On doit pouvoir se contenter de deux ou trois remarques préliminaires.

Une concentration massive

Premièrement, la dénonciation « des médias » a d’une part une base objective pour elle : comme le rappelait la citation de la rédactrice du site d’information indépendant, The Canary [3], leur concentration capitaliste les a constitués, de fait, comme autant de complexes stratégiques puissants et notoirement en mesure de façonner le climat de la vie politique britannique, en l’occurrence.

Le groupe de Rupert Murdoch News International mérite en particulier d’être traité comme une force politique à part entière, force dont la pénétration, l’influence et disons-le, l’emprise, sur le champ politique britannique sont apparus au grand jour lors du scandale de 2011 [4], exposant une collusion d’échelle orgiaque au plus haut niveau de l’État, entre un Premier ministre conservateur et un supercapitaliste de « l’info ». Sans même en arriver à un tel degré de promiscuité, il est notoire, par exemple, que l’arrivée de Blair au pouvoir en 1997 fut aussi le produit d’une alliance stratégique inédite entre le dirigeant néo-travailliste et le groupe Murdoch qui mit son tabloïd phare de droite, The Sun, au service de sa campagne [5]

Plus généralement, il devrait suffire de rappeler qu’en ce qui concerne le Royaume-Uni, deux groupes – News Corp UK et le Daily Mail group (propriété de Lord Rothmere) – détiennent à eux seuls 60% de la presse nationale. Si l’on élargit le périmètre de l’élite de cette industrie, six entreprises se partagent 80% de la presse locale, soit, « plus de quatre fois l’ensemble des titres des cinquante-six éditeurs restants, et quatre-vingt-cinq pourcent des revenus dégagés » [6] Nul besoin, donc, de supputer des conspirations (qui certes existent bel et bien par ailleurs) ; à un diner de grands fauves, les convives n’ont pas besoin de conciliabules préalables pour s’offusquer en chœur de la présence inopinée d’un menu végétarien à la carte.

L’expérience passée

Mais outre cette situation de concentration massive, les pratiques et les déséquilibres qu’elle induit, il y a l’expérience passée. Toute personne ayant gardé le souvenir de l’année 1984-85 en Grande-Bretagne, sera tentée de faire le parallèle entre le traitement de la gauche travailliste dans les médias nationaux britanniques et celui de la grande grève des mineurs d’il y a maintenant trente ans.

Ce sujet a été amplement couvert depuis et les mensonges et les manipulations aux proportions industrielles de l’époque ont été dénoncés, voire, ont fait l’objet d’excuses publiques, notamment envers le dirigeant du syndicat national des mineurs de l’époque, Arthur Scargil [7]. Mais on peut aussi penser à la campagne de dénigrement systématique de la gauche travailliste lors de la campagne pour les législatives de 1987, et au cours de laquelle Tony Benn, Ken Livingstone et quelques autres devinrent les figures de proue d’une « loony left » (genre de « dingauche ») à la fois extrémiste, dangereuse et risible.

Le dénigrement anti-Corbyn

Aujourd’hui, le dénigrement anti-Corbyn, la production de récits de toutes natures à son désavantage, la surreprésentation des positions politiques qui lui sont hostiles, la faible place laissée à son expression et à l’exposé de ses orientations, ont été recensées et étudiées par divers chercheurs de la London School of Economics, et de la Coalition pour la réforme des médias (MRC), en lien avec des chercheurs de Birkbeck college de l’Université de Londres.

Les premiers ont entre autres observé que, dans les principaux titres de presse nationale, 74% du contenu informationnel relatif à Corbyn, soit ne rendait pas du tout compte du point de vue et des idées de Corbyn, soit n’en proposait que des versions déformées (« distorted ») [8]. La seconde enquête, qui s’est davantage intéressée à la télévision, fait notamment apparaître la chose suivante :

Le temps d’antenne accordé aux critiques de Corbyn était deux fois supérieur à celui accordé à ses soutiens ; un appui largement disproportionné donné aux questions soulevées par les critiques de Corbyn dans les bulletins d’information de début de journée de la BBC et de ITV, disproportion particulièrement manifeste dans l’énoncé des titres. L’observation a également relevé une tendance prononcée chez les présentateurs des journaux du soir de la BBC à avoir recours à des termes péjoratifs dans leurs descriptions de Jeremy Corbyn et de ses soutiens [9].

Cette campagne médiatique a conduit jusqu’à l’ex-président du BBC Trust, Michael Lyons, à estimer que des « attaques assez extraordinaires avaient été lancées contre le dirigeant élu du parti travailliste. Assez extraordinaires, je dois le dire. Je peux comprendre que l’on s’inquiète de ce que certains des principaux responsables éditoriaux pourraient avoir perdu leur impartialité dans cette affaire. Je ne fais que reprendre des inquiétudes déjà exprimées par d’autres » [10].

Le tableau du travail médiatique effectué depuis plus d’un an serait trop long à brosser ici. On peut se contenter d’en indiquer certains des épisodes les plus saillants (outre l’inertie générale des usages partisans, et au bout du compte, souvent erronés des sondages, ou des entreprises de démoralisation préélectorales). Parmi les nombreux exemples à disposition, il y eu, au cours de l’été 2015, la construction d’un « antisémitisme » du dirigeant de gauche dans une tentative de disqualification par association [11].

De « L’affaire du train »…

On peut également évoquer « l’affaire du train » (« traingate ») qui occupa nombre de commentateurs pendant plus d’une semaine à la fin du mois d’août 2016 et qui fut l’occasion d’une attaque sévère d’un aspect central de l’image publique de Corbyn. Suite à un enregistrement dans lequel Corbyn, sans place assise dans un train de l’entreprise Virgin, dénonçait la situation du transport ferroviaire, on tenta de démontrer qu’il s’agissait en vérité d’une mise en scène délibérée visant à soutenir l’argument en faveur de la renationalisation de l’industrie ferroviaire. Virgin divulgua les enregistrements de vidéosurveillance à bord du train pour prouver qu’il restait des places assises, et par la même occasion, que la réputation d’honnête homme du dirigeant travailliste était une imposture. Corbyn reçut alors le soutien des témoignages de passagers confirmant sa version de l’histoire et le fait que les places apparemment libres sur les images de vidéosurveillance étaient déjà réservées.

Cette histoire ne serait pas si misérablement anecdotique si, bien entendu, elle ne faisait pas entendre l’affrontement larvé entre un dirigeant politique d’opposition en faveur de la re-nationalisation des services ferroviaires et un grand bénéficiaire de leur privatisation, le souriant Richard Branson (figure emblématique parmi quelques autres du capitalisme new age, sympa, artiste, émanation type des belles années du New labour).

L’illégalité de la diffusion publique des images de vidéosurveillance, leur caractère non probant, les témoignages de passagers, entre autres, ont été de peu de poids face à l’accumulation d’images et de commentaires permettant de faire passer Jeremy Corbyn à la fois pour un menteur et un manipulateur, autrement dit, permettant d’attaquer une rectitude que nombre d’adversaires veulent bien encore lui reconnaitre. Il s’agit aussi de le faire apparaitre comme un homme ordinaire (« a bloke »), lisant son journal assis par terre à l’entrée d’une voiture de train.

Cette reconstruction de l’ordinarité de Corbyn en « monsieur tout le monde » plutôt désemparé ne vise évidemment pas à faire de ce dernier un personnage politique d’envergure nationale à même « d’incarner » une certaine idée du peuple (catégorie banlieusard longue-distance, en l’occurrence). Cet homme ordinaire-là est impropre à la consommation politique parce que fondamentalement dépourvu de l’aura de dignité cérémonielle attendue des personnalités appelées à accéder aux plus hautes fonctions de l’État.

Un article du Daily Mirror, journal traditionnellement pro-travailliste, offrit une illustration particulièrement choisie des mobilisations hostiles de ce « récit ». Dans « Le coup de com de Jeremy Corbyn dans l’affaire du train prouve sa bêtise terminale ainsi que celle de son équipe », la polémiste Carole Malone, collaboratrice de longue date du journal, exploite sans réserve l’occasion d’une démystification radicale assistée des images fournies par Virgin : Corbyn n’est pas l’homme de la « politique propre » et de la « parole sans détour » qu’il prétend être. C’est un menteur, un fabricateur de bas étages, « au stade terminal de la bêtise » (« terminally stupid ») [12].

Ce commentaire, pour une bonne part, relève du simple registre de la surenchère au service du « buzz », mode exhibitionniste fragile dont dépend la survie de nombre de plumitifs. Mais comme nombre d’autres, il faut encore lui reconnaitre un intérêt en ce qu’il prolonge et enrichit, en quelque sorte, l’outrage causé par un Corbyn refusant de chanter « que Dieu sauve notre gracieuse reine » lors d’une commémoration officielle de la première guerre mondiale qui eut lieu immédiatement après son élection de septembre 2015. On pouvait y dénicher ce Corbyn républicain jugé gravement compromis avec les républicains indépendantistes irlandais du Sinn Fein.

On en vient aussi à supputer que l’hostilité anti-Corbyn prolonge une histoire lointaine des hystéries anti-anabaptistes des 16e et 17e siècles et dont l’un des « mérites » était de réconcilier bien des ennemis jurés, pour un temps au moins. On pourrait encore lire, à partir de ces mêmes ondes longues de l’histoire culturelle et politique la figure d’un Corbyn « hypocrite », c’est-à-dire, d’un Corbyn puritain au rigorisme faux, prétendant défendre le travailleur tout en profitant grassement des largesses de l’État.

Sur ce registre, le Mail online a expliqué à ses lecteurs et lectrices que « Corbyn avait coûté trois millions de livres sterling aux contribuables jusqu’ici » [13], démenti qui se voulait accablant de la réputation d’un parlementaire dont les notes de frais se sont élevées à huit livres et 95 pence pour l’achat d’une cartouche d’imprimante.

… aux autres « affaires »

Deux autres « affaires », au moins, sont venues contribuer au bruit dont il faut absolument entourer Corbyn et les forces qui le portent. Elles sont l’une et l’autre à l’articulation directe du travail de sape médiatique et de l’offensive du travaillisme institutionnel, notamment par le biais de journaux nationaux hostiles, voire, très hostiles, tels que le Guardian et le Daily Mirror.

La première de ces affaires fut ce qu’il faut se résigner à appeler le « scandale de la brique ». Suite au résultat du référendum sur l’UE, et à la démission en masse de membres du cabinet fantôme [14], une figure parlementaire travailliste, Angela Eagle, se lança dans la campagne pour l’éviction de Corbyn. L’ex-responsable des entreprises, de l’innovation et des qualifications de la première équipe d’opposition constituée par Corbyn, Angela Eagle, proposait de reconstruire l’unité et la crédibilité électorale (« electability », toujours) de la direction du parti et par là même, du parti tout entier.

Elle fut néanmoins vite rejointe et contestée dans ce rôle par un autre candidat pour l’unité et la crédibilité électorale du parti, à savoir, Owen Smith. Ce dernier présentait l’avantage au moins apparent de ne pas avoir participé à un quelconque gouvernement travailliste des années 2000 et s’était contenté d’occuper le poste de secrétaire d’État chargé du Pays de Galles dans cabinet fantôme d’Ed Miliband avant la défaite aux législatives de mai 2015. Outre le fait qu’Angela Eagle pouvait d’emblée apparaitre comme incarnation même de ce que l’élection interne avait rejeté quelques mois auparavant, sa campagne à peine lancée tourna vite à l’humiliation.

Lors de la première conférence de presse, lorsque les journalistes furent invité-es à adresser leurs questions, on s’aperçut après quelques secondes de flottement embarrassé que les uns et les autres étaient déjà partis. Par la suite, les premières interviews politiques furent assez catastrophiques dès lors que celle qui se proposait de remplacer Corbyn s’avérait incapable de répondre à des questions aussi prévisibles que : « Avec quelles orientations de Jeremy Corbyn être vous en désaccord ? », ou bien : « Le programme nucléaire-militaire (Trident) mis à part, quelles sont vos autres différences [avec Corbyn] ? » [15]. Il apparut ensuite que les membres du parti travailliste de sa propre circonscription s’étaient majoritairement prononcé-es en faveur de Corbyn.

Puis vint la brique : fin juillet 2015, un très grand nombre de titres de presse nationaux et leur site correspondant annonçaient qu’une brique avait été lancée à travers les vitres de la permanence parlementaire d’Angela Eagle. Comme pour « l’affaire du train » par la suite, la présentation des « faits » fut vite corrigée, de manière assez peu audible, cependant : la vitre n’était pas celle de la permanence mais d’une cage d’escalier située de l’autre côté du bâtiment abritant la dite permanence. Mais les bienfaits de la brique rendirent les faits de la brique très secondaires : l’agression intempestive, anonyme et lâche, documentait la vérité de ce qu’étaient vraiment les soutiens de Corbyn : des individus violents, préférant « l’intimidation » à tout échange civilisé, animés par des motifs « sinistres », avaient réussi à s’emparer de la direction du parti et s’employaient maintenant à le dévoyer par les méthodes malhonnêtes et brutales, typiques, et si prévisibles de la « gauche dure » trotskiste.

Là encore, en dépit de sa douceur apparente et de ses slogans en faveur d’une crédibilité retrouvée de la parole publique, Corbyn était bien l’homme aux projets dangereux qui avance masqué, portée par la racaille (« the rabble »), ou alors, l’homme faible, dépassé par des forces qu’il ne maitrise pas, et donc incapable de diriger. Dans tous les cas, la brique permit de faire glisser l’actualité médiatique de la direction travailliste dans la rubrique des faits divers criminels.

Dans les jours qui suivirent, on rapporta bruyamment la plainte adressée au président de la chambre des communes, John Bercow, par une autre démissionnaire du cabinet fantôme, Seema Malhotra (Secrétaire en chef du Trésor). Ce fut l’affaire de la clé.

L’ex-ministre fantôme disait avoir constaté que des assistantes parlementaires de John Mcdonnell et de Jeremy Corbyn avaient à deux reprises tenté de s’introduire dans son bureau. On parla de possible « violation », « d’entrée illégale », et « d’entrée par effraction ». En outre, lors de la deuxième tentative, l’une de ces personnes aurait eu une attitude « agressive et intimidante ». John Bercow fit savoir par écrit qu’il n’y avait eu, en l’occurrence, aucune atteinte au privilège parlementaire de l’ex-membre du cabinet fantôme et à ses assistants [16].

Les accusations portées par Seema Malhotra pouvaient en outre paraitre d’autant moins convaincantes que celle-ci était censée avoir quitté ses fonctions depuis plusieurs semaines, d’où la supposition que les locaux étaient vacants. Malhotra finit par faire ses excuses aux personnes d’abord incriminées, exprimant ses « regrets pour la souffrance » occasionnée par ses accusations.

En suivant immédiatement l’affaire de la brique, ce deuxième fait divers, aussi dépourvu d’intérêt que le premier (qui reposait sur une présentation inventive des faits), permit cependant d’affiner le récit en train d’être construit. Dans le cas présent, il y avait maintenant des raisons de penser que McDonnell et Corbyn avaient eux-mêmes recours à des méthodes peu honorables, voire, franchement malhonnêtes, vis-à-vis de leurs propres collaborateurs au sein de l’équipe d’opposition parlementaire.

Et quel crédit fallait-il alors accorder aux invitations au calme et au respect mutuel au sein du parti, lancées dans les jours précédents, lorsqu’il s’avérait que ces invitations venaient de dirigeants qui se rendaient eux-mêmes responsables de l’espionnage, voire de l’agression et de l’intimidation de leurs propres collègues ? Ne reconnaissait-on pas là ces penchants totalitaires, cet atavisme moscovite, qui sont la disposition chronique des adeptes du socialisme ?

Ces « affaires » permirent d’entretenir le bruit médiatique dont il restait urgent d’entourer la nouvelle direction du Labour, afin d’en rendre le plus possible inaudibles les propositions politiques, les projets, priorités et programmes. Il semblait alors plus aisé et peut-être même crédible, dans ces circonstances, de faire grief aux dirigeants d’être incapables de faire entendre leurs propositions. Et bien entendu, il était d’autant plus urgent que l’opinion publique en général, et l’électorat travailliste en particulier, prennent enfin conscience de cette incapacité à communiquer, mais aussi de ce vandalisme et de cet esprit de manipulation de la « gauche dure ».

Au moment même où s’engageait une nouvelle campagne pour l’élection de la direction du parti, n’était-il pas urgent de faire connaître ces vérités afin que les électeurs et électrices travaillistes se déterminent enfin en connaissance de cause ?
Thierry Labica

Source : ACRIMED, Thierry Labica, 11-01-2017

Source: http://www.les-crises.fr/grande-bretagne-les-principaux-medias-contre-jeremy-corbyn-par-thierry-labica/


Écorama : l’avenir de nos retraites

Wednesday 25 January 2017 at 01:45

Dans son dernier rapport, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) s’alarme de la dégradation du ratio actifs-inactifs qui pourrait compromettre le financement des retraites dans les décennies à venir. Comment en est-on arrivé là ? Quelles générations risquent-elles d’être sacrifiées ? Repousser encore l’âge du départ à la retraite est-il une solution ? Le point de vue d’Olivier Berruyer du site les-crises.fr. Ecorama du 24 janvier présenté par Vincent Touraine, sur Boursorama.com. (Lien source)

Source: http://www.les-crises.fr/ecorama-lavenir-de-nos-retraites/


Les graves effets des particules sur la santé

Wednesday 25 January 2017 at 01:35

 

 

L’impact sur la santé

AirParif nous montre ici les filtres de collecte de particules PM10 présents dans les appareils de mesure de la qualité de l’air, dans le centre de Paris, lors du pic de décembre 2016. Plus le filtre est foncé, plus il est chargé en particules fines :

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Filtre de mesure de la pollution aux particules après 24 heures de filtrage durant le pic de pollution du 7/12/2016 à Paris

On imagine ce qu’il se trouve dans nos poumons – vu qu’environ 15 000 litres d’air transitent chaque jour par nos voies respiratoires.

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1952 : Londres a testé pour vous…

Le grand smog de Londres (en anglais, The Great Smog, mot-valise formé à partir des mots anglais smoke [fumée] et fog [brouillard] – ou Big Smoke : « la grande fumée ») de décembre 1952 est le smog particulièrement dense qui recouvrit Londres durant la période allant du vendredi 5 au mardi 9 décembre 1952, considéré comme la pire pollution atmosphérique de toute l’histoire du Royaume-Uni.

La froide météo qui précéda et accompagna le smog eut pour effet que les Londoniens brûlèrent plus de charbon que de coutume pour lutter contre le froid, charbon de qualité médiocre durant l’après-guerre.

Il y avait également de nombreuses centrales électriques alimentées au charbon qui contribuaient à augmenter le niveau de pollution.

À tout ceci s’ajoutaient la pollution et la fumée produites par l’échappement des voitures — tout particulièrement celles qui venaient des autobus fonctionnant au diesel, qui venaient de remplacer le système de tramways récemment mis à la ferraille — ainsi que par d’autres sources industrielles.

Le jeudi 4 décembre 1952, un anticyclone s’installa sur la ville de Londres sans un souffle de vent, provoquant une inversion de température, avec de l’air très froid pris au piège sous un « couvercle » d’air chaud. Le brouillard résultant, mêlé à la fumée des cheminées, aux particules (par exemple celles émises par l’échappement des voitures) et à d’autres produits polluants (en particulier le dioxyde de soufre), se traduisit par l’apparition d’un smog persistant, qui recouvrit la capitale d’une épaisse couverture, dont la couleur jaune-noire (provoquée par la présence de particules de suie riches en goudron) lui valut son nom de « soupe de pois ». L’absence de vent empêcha qu’il se disperse et permit une concentration d’agents polluants sans précédent, d’autant que, juste avant cette épisode, des vents d’est avaient amené sur Londres de la pollution du continent.

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Le dioxyde de soufre émis par la combustion du charbon a joué un rôle clé dans l’origine du smog ; sa concentration était 7 fois supérieure à celle de l’année précédente à la même époque. Des travaux de 2016 indiquent que ce seraient les dioxydes de soufre et d’azote qui se seraient mêlés à des vapeurs d’eau, formant ainsi des particules d’acides sulfuriques et nitriques, qui auraient provoqué une intoxication massive ; il s’agirait donc d’une brume acide de grande envergure, concluent les scientifiques.

Bien que Londres ait été habituée aux brouillards épais, celui-ci était plus épais et dura plus longtemps qu’aucun autre avant lui : la visibilité était réduite à quelques mètres, et le smog dura du vendredi 5 au mardi 9 décembre.

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Dans les semaines qui suivirent, les statistiques élaborées par les services médicaux firent apparaître que le brouillard avait rendu 100 000 personnes malades, et tué 4 000 londoniens. La plupart des victimes étaient très jeunes, âgées, ou avaient des problèmes respiratoires préexistants. Dans la plupart des cas, la mort était provoquée par une infection des voies respiratoires due à une hypoxie ainsi qu’à l’obstruction mécanique du passage de l’air par le pus provenant de l’infection des poumons causée par le smog.

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Cependant, des recherches plus récentes ont montré que le nombre de morts liées au smog était largement sous-estimé : il serait nettement plus élevé, de l’ordre de 12 000 morts (source). Environ 8 000 décès d’origine cardiaque ou respiratoire se produisirent en effet dans les mois suivants et furent attribués au smog.

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Le pire est que ce bilan semble n’être pas encore clos : selon une étude de la Columbia University, son effet s’est fait sentir bien après chez les enfants alors âgés de 0 à 1 an (20 % d’asthme en plus dans l’enfance), et ce jusqu’à nos jours, soit plus de 60 ans plus tard (10 % asthmatiques en plus dans cette tranche d’âge). Ce qui confirme l’impact, observé lors d’autres études, d’une exposition précoce à la pollution de l’air, alors que les poumons se développent, sur le risque ultérieur d’asthme.

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La mortalité dramatique provoquée par le smog donna un élan important au mouvement moderne en faveur de l’environnement, et amena à repenser les phénomènes de pollution atmosphérique, car le smog avait fait la démonstration de son potentiel mortifère. Il constitua une impulsion majeure à l’adoption des lois de 1956 et 1968 sur la qualité de l’air au Royaume-Uni, qui restreignirent l’utilisation de combustibles polluant par l’industrie et proscrivant la fumée noire. Cela déclencha un mouvement planétaire, les États-Unis adoptant leur loi sur l’air en 1963

Cependant, si le mix de pollution observé lors du grand smog n’est plus le même sévissant actuellement dans les grandes villes occidentales, où le Dioxyde de soufre a très fortement diminué, il frappe encore les grandes métropoles asiatiques, notamment Pékin.

Les effets sur la santé

Les effets des aérosols sur la santé ont fait l’objet de nombreuses études et il est aujourd’hui admis que les particules jouent un rôle important dans les effets sanitaires engendrés par la pollution atmosphérique. Comme nous l’avons vu, la pollution de l’air tue des centaines de milliers d’européens tous les ans.

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Les principaux effets mis en évidence sont des troubles respiratoires mais aussi cardiologiques qui peuvent survenir à court terme (dans les quelques jours à quelques semaines suivant l’exposition) ou bien à long terme (suite à une exposition chronique sur plusieurs années). Les particules atmosphériques peuvent déclencher des réactions inflammatoires, une amplification des réactions allergiques, des maladies respiratoires obstructives chroniques (asthme, bronchiolites, rhino-pharyngites, excès de toux, hypersécrétion bronchique, des irritations oculaires…), un stress oxydant, mais aussi un remodelage irréversible des tissus pulmonaires et une modulation de l’expression des gênes pouvant conduire à l’apparition de cancers – les matières particulaires dans leur ensemble sont désormais classées cancérogènes pour l’homme. On constate à la fois une aggravation des affections respiratoires et une augmentation de l’incidence de ces maladies. Par ailleurs, les particules peuvent engendrer des effets néfastes sur le système cardiovasculaire. Ces différents effets peuvent se traduire notamment en termes de consultations médicales, d’hospitalisations ou de décès anticipés.

À ce jour, il n’a pas été mis en évidence de seuil en-dessous duquel les particules seraient inoffensives. En revanche, les concentrations accrues de particules augmentent les risques d’effets délétères (symptômes, hospitalisations, décès…). Les autres facteurs déterminants dans les effets sur la santé sont la taille, la morphologie et la composition chimique.

Les études expérimentales ont mis en évidence que les particules se déposent différemment dans les poumons en fonction de leur taille. Récemment, il a été démontré que les plus petites nanoparticules s’arrêtent pour la plupart aux niveaux supérieurs, tout comme les particules grossières.

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Cette figure correspond à la situation moyenne chez des personnes en bonne santé. Les dépôts sont beaucoup plus importants chez les personnes souffrant d’asthme ou de bronchite chronique.

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Les particules fines “plus grandes” sont capables de se répartir dans l’ensemble des voies respiratoires jusqu’aux alvéoles (en particulier les particules de type diesel) par lesquelles s’effectuent les échanges gazeux entre l’air et le sang, et persistent longtemps dans l’organisme, car elles résistent en partie aux processus d’élimination (mucus dans les bronches, macrophages dans les alvéoles). De plus, les très petites particules peuvent être en nombre très important, et elles offrent de ce fait une surface de contact plus importante que les grosses.

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Une particule de suie issue du diesel (par agrégation)

poumons

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sang

(Notez qu’un globule rouge fait environ 7 µm – comme une grosse PM10…)

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À gauche : poumon de fumeur ; à droite, poumon d’un habitant non-fumeur de Sydney

Voici un comparatif éloquent entre un poumon d’un habitant d’une ville saine (Vancouver) et des habitants de la très polluée Mexico :

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En résumé, la plupart des particules qui font :

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Néanmoins la taille n’est pas le seul facteur, la morphologie des particules joue également un grand rôle. Par exemple, les particules d’amiante peuvent avoir une longueur de plusieurs microns, mais leur morphologie en forme de fibre leur permet de pénétrer très profondément dans les alvéoles pulmonaires.

 

Les particules peuvent ainsi passer des voies respiratoires au reste du corps : certaines nanoparticules qui se déposent sur la muqueuse nasale peuvent passer dans le nerf olfactif et de là au cerveau. C’est le cas par exemple du virus de la poliomyélite et des particules métalliques d’une dizaine de nanomètres. Comme on l’a vu, les nanoparticules peuvent aussi passer dans le sang au niveau des alvéoles pulmonaires. Dans certains cas, ce sont les composés chimiques présents dans la particule qui pénètrent après avoir été dissous et pas la particule elle-même.

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Passage de particules vers le cerveau

La nocivité des particules dépend de leur taille et de leur composition chimique. Pour une composition chimique donnée, l’inflammation pulmonaire déclenchée par l’inhalation de particules est fonction de la surface des particules et pas de leur volume. La nocivité des particules dépend aussi de leur composition chimique. Elles peuvent être constituées de nombreuses espèces chimiques (métaux lourds, dioxines, Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques …), dont certaines sont toxiques voire cancérigènes. La fraction carbonée (noir de carbone et composés organiques) est probablement la plus nocive mais les données actuelles ne permettent pas de faire un lien avec des composés spécifiques. Les spécialistes soupçonnent aussi les métaux présents dans les particules, mais il y a trop peu d’études pour conclure.

On connaît mal les mécanismes d’élimination des particules qui se déposent dans les poumons. En première approximation, on considère que :

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Macrophage

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Macrophages avec du carbone inhalé (en noir)

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Par ailleurs, le système qui élimine les particules dans les poumons devient inefficace si la concentration de particules est excessive (il est surchargé). On constate alors que des particules habituellement sans effet sur la santé déclenchent une inflammation pulmonaire chronique.

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Impacts des particules

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Schéma de diffusion des particules dans le corps

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Schéma de diffusion de nanoparticules (NP) dans le corps vers le cerveau, le coeur, le foie et les reins

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Voici la réponse à une exposition à du talc dans le poumon, le foie et les reins :

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Je renvoie les passionnés à cette étude par exemple.

 

Concluons sur le fait que le lien avec la mortalité est désormais très bien établi :

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Ainsi, dans cette étude, 10 µg de particules en plus, c’est environ 2 % de mortalité en plus. Cependant, une étude de l’American Cancer Society de 2002 parle de 4 % de mortalité en plus tous les 10 µg de PM2,5 (lié à +6 % de causes cardiovasculaires en plus, et +8 % de cancers du poumon ; Source)

 

De même pour les effets moins graves :

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Bref, il y a encore beaucoup à faire pour sauver de nombreuses vies :

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Source: http://www.les-crises.fr/les-graves-effets-des-particules-sur-la-sante/


L’épouse de Fillon a gagné 500.000 euros comme attachée parlementaire

Wednesday 25 January 2017 at 01:04

Dans notre série, le mercredi, c’est démagogie (mais c’est pas moi qui ait commencé)

Donc on est d’accord, c’est la femme du type qui dit que l’ouvrier qui bosse 35 heures au SMIC va devoir travailler plus…

Extraits

“Cette enveloppe, qui vient en sus de l’indemnité du député, sert à rémunérer les assistants parlementaires basés à l’Assemblée ou dans les permanences des circonscriptions. “Calculé en principe pour trois collaborateurs”, selon le site de l’Assemblée, son montant est de 9.561 euros par mois actuellement.

Le fait d’embaucher des proches comme collaborateurs n’est pas interdit pour les parlementaires, à condition que ce ne soit pas un emploi fictif. […] D’après les chiffres obtenus par “Le Canard” enchaîné, c’est à cette période qu’elle sera rémunérée le plus (de 6.900 à 7.900 euros mensuels). […]

ok : déjà 1/ elle pompe le salaire de deux collaborateurs 2/ elle touche un salaire de directeur d’une grande entreprise alors qu’elle a un diplôme d’avocat… et n’a jamais exercé pour élever ses enfants)

Une collaboratrice de François Fillon à l’époque, interrogée par “Le Canard”, dit “n’avoir jamais travaillé avec elle”. “Je n’ai pas d’info à ce sujet. Je ne la connaissais que comme femme de ministre.” […]

“Le Canard” affirme aussi que Penelope Fillon a été parallèlement salariée, entre le 2 mai 2012 et décembre 2013, de “La Revue des deux mondes”, propriété de Marc Ladreit de Lacharrière (PDG de Fimalac), un ami de François Fillon. Elle y touchait alors environ 5.000 euros bruts par mois.

Interrogé par l’hebdomadaire, le directeur de la revue, Michel Crépu, se dit “sidéré” : “Je n’ai jamais rencontré Penelope Fillon et je ne l’ai jamais vue dans les bureaux de la revue.” Il précise toutefois que Penelope Fillon a signé “deux ou peut-être trois notes de lecture”.

Pénélope Fillon a “bien été la collaboratrice de François Fillon“, a confirmé à l’AFP Thierry Solère, porte-parole du candidat. Mais en précisant qu’elle “a toujours travaillé dans l’ombre”. Dans l’ombre…

Pour ne rien arranger, des internautes ont exhumé un reportage du site Bienpublic.com datant d’octobre 2016 et dans lequel Penelope Fillon déclare : “Jusqu’à présent je ne m’étais jamais impliquée dans la vie politique de mon mari”.

Lire sur le site de l’Obs par exemple

Source: http://www.les-crises.fr/lepouse-de-fillon-aurait-gagne-500-000-euros-comme-attachee-parlementaire/


Donald Trump retire officiellement les Etats-Unis du TPP

Wednesday 25 January 2017 at 00:30

Source : La Tribune, 23/01/2017

Donald Trump exhibe le document retirant les Etats-Unis du TPP, lundi 23 janvier. (Crédits : REUTERS/Kevin Lamarque)

Signé par 12 pays d’Asie-Pacifique en 2015, à l’exception de la Chine, le traité avait été âprement négocié pendant l’administration Obama. Durant sa campagne, Donald Trump avait dénoncé un accord “terrible” et promis de s’en retirer au plus vite.

Le nouveau président américain Donald Trump a signé lundi dans le Bureau ovale un document mettant fin à la participation des Etats-Unis au traité de libre-échange transpacifique (TPP), âprement négocié pendant des années par l’administration Obama.

Ce traité, vu comme un contrepoids à l’influence grandissante de la Chine, a été signé en 2015 par 12 pays d’Asie-Pacifique (Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, Etats-Unis et Vietnam) représentant 40% de l’économie mondiale, mais n’est pas encore entré en vigueur. “Nous en parlions depuis longtemps”, a-t-il déclaré aux journalistes présents lors de la signature, jugeant que cette décision était “une bonne chose pour le travailleur américain”. Durant sa campagne, Donald Trump avait dénoncé un accord “terrible” et promis de s’en retirer au plus vite.

L’administration Obama le présentait au contraire comme le nec plus ultra de tous les traités de libre-échange, car cet accord va bien au-delà de la simple levée des barrières douanières. Il prévoit aussi la levée de barrières non tarifaires, comme l’ouverture des appels d’offres nationaux par les pays membres aux entreprises étrangères sans avantages indus pour leurs propres entreprises publiques, ou encore le respect du droit du travail selon les normes de l’Organisation internationale du travail (OIT).

De nombreuses ONG dénonçaient cependant les effets pervers d’un texte jugé opaque sur les droits des travailleurs, l’environnement, la perte de souveraineté ou encore l’accès aux médicaments.

(Avec AFP)

Source : La Tribune, 23/01/2017

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Lire ici les autres mesures de Trump (embauches fonctionnaires, avortement, Chine…)

Source: http://www.les-crises.fr/donald-trump-retire-officiellement-les-etats-unis-du-tpp/


La pollution aux particules fines

Tuesday 24 January 2017 at 02:15

Suite de notre série sur la pollution de l’air…

Les particules

Le terme particules est une expression générique qui désigne un mélange de polluants solides et/ou liquides en suspension dans un milieu gazeux. La notion d’aérosol désigne à la fois les particules et le gaz dans lequel elles se trouvent en suspension. La taille de ces particules peut s’étendre sur près de 6 ordres de grandeur, de 0,005 et 100 micromètres (1 micromètre µm = 0,001 millimètre) et leur composition chimique est très variable, ce qui en fait l’un des constituants les plus complexes de l’atmosphère.

Celles mesurant moins de 50 micromètres de diamètre (environ) ont une masse tellement faible que la gravité joue très peu sur elles : elles restent en suspension dans l’air ; on les nomme microparticules ou matières particulaires (Particulate Matter, PM) ; elles se comportent en fait comme des gaz. On appelle poussières les particules solides de dimensions et de provenances diverses pouvant rester un certain temps en suspension dans un gaz ; celles supérieures à environ 50 µm finissent par chuter par gravité, et on les qualifie alors de poussières sédimentables.

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On peut donc classer les matières particulaires en différentes catégories :

La réglementation anti-pollution ne s’intéresse aujourd’hui qu’aux PM10 et PM2.5 (Pour les passionnés, voir ici)

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L’origine des particules

La complexité des aérosols atmosphériques vient en grande partie du fait qu’il existe une multitude de sources et de procédés de formation, contrairement à la majorité des polluants gazeux.

Les aérosols atmosphériques ont 3 origines principales, illustrées ci-dessous : ils sont d’une part rejetés directement dans l’atmosphère, on parle alors d’aérosols primaires ; ils peuvent d’autre part résulter de transformations chimiques à partir des polluants gazeux présents dans l’atmosphère, ce sont les aérosols secondaires ; enfin, les aérosols qui se sont déposés au sol peuvent être remis en suspension.

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Les mécanismes de formation

La distribution en taille des aérosols n’est pas homogène ; elle est liée aux mécanismes de formation, issus de 3 modes principaux :

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  1. le mode nucléation (ou Aitken), contient des particules ultrafines, de diamètre inférieur à 0.1 µm ; formées principalement par condensation de vapeurs chaudes au cours de procédés de combustion. Bien que le plus grand nombre de particules atmosphériques apparaissent dans le mode nucléation, ces particules contribuent peu à la masse totale de particules en raison de leur très petite taille.
  2. le mode accumulation contient des particules de diamètre compris entre 0,1 et 2 µm résultant de la coagulation de particules du mode nucléation, ainsi que de la condensation de vapeurs sur les particules existantes, dont la taille augmente alors dans la gamme. Ces fines particules peuvent rester en suspension dans l’atmosphère pendant des jours voire des semaines. Ce mode contribue de façon majeure à la surface et à la masse totale des aérosols dans l’atmosphère.
  3. le mode sédimentation ou grosses particules (ou coarse) contient des particules de plus de 2 µm, formées essentiellement par des procédés mécaniques tels que l’érosion éolienne, les embruns, les opérations de broyage dans l’industrie… Ces particules sont efficacement éliminées par déposition sous l’action de la gravité. Leur durée de vie est donc faible, de quelques heures à quelques jours. Elles contribuent peu à la concentration en nombre des particules, mais contribuent de façon notable à la masse.

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La distribution des particules

On aboutit donc à cette distribution du nombre, de la surface et de la masse des particules :

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Les PM10 se distribuent donc schématiquement ainsi :

 

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comprenant donc les PM2,5 et les particules grossières :

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Concentrations typiques

Voici d’ailleurs des concentrations typiques en aérosols :

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En ville, on a donc typiquement environ 50 000 particules fines par cm3, et 50 grosses particules.

Dans une ville industrielle, l’air peut contenir plus de 3 millions de particules par cm3, dans une ville aux activités plus tertiaires autour de 50 000 alors qu’au-dessus de l’océan ou en montagne il n’y en a que quelques milliers, et dans un endroit exempt d’émission seulement 100 à 20 particules par cm3.

Voici la vitesse avec laquelle elles chutent en théorie :

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En pratique, les particules ultrafines chutent plus vite, en particulier par accumulation et à cause du lessivage par les précipitations.

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Les particules qui restent les plus longtemps dans l’atmosphère sont celles entre 0,1 µm et 1 µm ; elles retombent entre quelques jours et 1 à 2 mois.

Les particules primaires

Les particules primaires sont directement émises dans l’atmosphère, d’une part par les activités humaines, mais également par des sources naturelles.

La fraction grossière des particules primaires est essentiellement formée par des procédés mécaniques tels que l’érosion.

Les plus fines sont émises soit directement sous forme solide, soit sous forme de vapeurs qui condensent très rapidement pour former des particules ultrafines.

Les particules sont donc d’origines naturelle et humaine. Les particules d’origine naturelle proviennent principalement d’éruptions volcaniques et de l’érosion éolienne naturelle ou issues de l’avancée des déserts, les incendies et feux de végétation. Elles sont aussi constituées de formes vivantes microscopiques (bactéries, moisissures…), de pollens…

Les activités humaines en génèrent également d’importantes quantités – en augmentation nette depuis deux siècles. Les particules d’origine humaine sont souvent issues de combustions qui ne sont pas totales, telles que le chauffage (notamment au bois), la combustion de combustibles fossiles dans les véhicules, les centrales thermiques et de nombreux procédés industriels. Ces combustions imparfaites génèrent ce qu’on appelle des imbrûlés. Quand on voit la fumée sortir du cheminée, d’un pot d’échappement ou quand on recrache de la fumée de cigarettes, c’est parce qu’il y a énormément de particules, de plus ou moins petites tailles.

Les particules secondaires

Les particules secondaires ne sont jamais émises directement dans l’atmosphère. Elles ont une origine physico-chimique : elles résultent de la transformation des polluants gazeux présents dans l’atmosphère, tels que le dioxyde d’azote NO2, le dioxyde de soufre (SO2), l’ammoniac (NH3) et les Composés Organiques Volatils (COV). Les vapeurs gazeuses émises dans l’atmosphère se condensent et forment des particules de très petite taille, qui grossissent par coagulation ou fixation de la vapeur d’eau.

Les trois espèces principales d’aérosols secondaires sont :

Cette source de particules est difficile à quantifier car la génération des particules secondaires met en jeu des mécanismes complexes, mal connus qualitativement et quantitativement. Elle dépend des émissions des polluants gazeux précurseurs, mais aussi des conditions météorologiques. Elle constitue néanmoins une source importante de particules. Elle peut en particulier donner lieu à des transports continentaux de particules et contribuer fortement au nombre de dépassement de la valeur limite journalière. Il a ainsi été observé que la plupart des épisodes de pollution particulaire survenant en période hivernale et printanière étaient liés à une augmentation de la quantité de nitrates.

Les remises en suspension

Le temps de séjour des particules dans l’atmosphère dépend de leur taille. Par mouvement de convection, elles montent en altitude, où elles sont dispersées et diluées. Elles peuvent alors être transportées sur des distances d’autant plus longues que la particule est petite. Elles disparaissent ensuite soit par dépôt sec à la surface du sol et des végétaux, sous l’effet de la gravité, soit par dépôt humide, lors d’événements pluvieux ou neigeux.

Le dépôt sec, ou sédimentation, concerne essentiellement les particules les plus grosses (>5 µm), ainsi que celles proches de la surface, qui se redéposent rapidement (quelques heures). Elles voyagent donc sur des distances assez courtes, généralement inférieures à 500 kilomètres. Lors d’évènements particuliers tels que les tempêtes de sable, elles peuvent néanmoins être transportées sur plusieurs milliers de kilomètres, comme les poussières sahariennes que l’on retrouve parfois en Europe du Nord ou dans les Antilles.

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Épisode de pollution transatlantique de sable en Guadeloupe et Martinique en juin 2013

En revanche, les particules fines peuvent rester en suspension dans l’atmosphère pendant plusieurs jours et être transportées en altitude sur de très longues distances.

Le dépôt humide est la principale voie d’élimination des particules, selon deux modes. Les fines particules servent de noyau de condensation sur lesquels se forment les gouttelettes de nuage. Lorsque ces gouttelettes grossissent suffisamment pour qu’il pleuve, les particules sont éliminées avec les précipitations. Lorsqu’il pleut, les gouttes d’eau entraînent également les particules les plus grosses.

Une fois déposées, les particules peuvent ensuite être remises en suspension sous l’action du vent. Dans certaines régions d’Europe marquées par un climat sec et venteux, comme le pourtour méditerranéen, la remise en suspension et le transport de poussières désertiques peuvent constituer une source importante de particules et contribuer sensiblement au nombre de dépassement de la valeur limite journalière.

En zone urbaine, la remise en suspension s’effectue également sous l’action du trafic routier et représente une source importante de particules à proximité d’axes routiers à fort trafic. Selon les études, il est ainsi estimé que la remise en suspension contribue de 20 à 50% aux émissions de particules spécifiquement liées au trafic routier.

Composition chimique des particules

La composition chimique des particules présente donc une très grande variabilité, qui dépend à la fois de la nature et de la proximité des sources d’émission, et également des transformations que les particules subissent dans l’atmosphère.

On définit deux grandes fractions de particules : la fraction inorganique (ou minérale) et la fraction organique.

La fraction minérale (souvent d’origine naturelle) est composée essentiellement de sulfates, de nitrates et d’ammonium. À cela s’ajoutent d’autres espèces, en général présentes en concentration plus faibles, comme certains métaux (plomb, arsenic, cadmium,…) et des sels (embruns marins, …).

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En ce qui concerne la fraction organique, on distingue la fraction contenant du carbone élémentaire ou carbone suie (EC ou BC) et la fraction contenant du carbone organique (OC).

Le carbone élémentaire est constitué à quasiment 100% d’atomes de carbone et est chimiquement inerte. Il est majoritairement émis par l’homme au cours des processus de combustion.  C’est sa couleur noire qui domine dans l’aérosol de pollution. La suie individuelle est émise sous forme d’une sphère de quelques dizaines de nanomètre, mais elle s’agrège très rapidement à d’autres suies pour former des chapelets de quelques micromètres de longueur. En moyenne, ce black carbon représente de 5 à 10 % de la masse de PM2.5. Cette contribution peut aller jusqu’à 15 à 20 % sur les sites trafic.

Le cœur de l’aérosol, constitué de carbone élémentaire, est généralement entouré d’une pellicule composée d’un mélange complexe de composés organiques. Cette fraction de carbone organique (OC) est une matrice très complexe, constituée d’une multitude de composés différents appartenant aux grandes familles de la chimie organique que sont les alcanes, les acides carboxyliques, les alcools, les aldéhydes, les cétones, les esters, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les dioxines…, dont certaines sont très toxiques. Certaines espèces se fixent dès leur émission sur les particules, d’autres se forment suite à l’oxydation de précurseurs gazeux tels que les composés organiques volatils (COV).

Enfin, le terme Matière Organique Particulaire (MOP) désigne l’ensemble constitué par le carbone et les autres atomes constituant cette matière (oxygène, hydrogène, azote, soufre…). Cette matière organique particulaire a des origines plus diverses que le carbone élémentaire. Elle peut être d’origine anthropique, essentiellement formée lors des combustions incomplètes, soit directement à l’émission, soit par conversion des gaz présents dans les fumées. Elle peut également être constituée de particules biogéniques primaires, telles que des spores ou des pollens.
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BC : carbone élémentaire ; MOP : matière organique particulaire ; COV : composés organiques volatils

Voici également la composition chimique des particules en fonction de leur taille :

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Les PM10 sont donc constituées de PM2,5 et de particules grossières.

Les particules fines PM2,5 se composent majoritairement d’espèces carbonées (carbone élémentaire et particules organiques) émises lors de combustions incomplètes, ainsi que de nitrates, d’ammonium et de sulfates, qui sont produits par réactions chimiques dans atmosphère.

Elles résultent pour la plupart d’entre elles d’activités polluantes (moteurs diesel, suies, transformation chimique des gaz polluants, déchets de la combustion). En effet, le carbone est un sous-produit des gaz d’échappement et des fumées d’usines car tout foyer où la combustion reste incomplète libère du carbone particulaire. Ainsi, les PM2,5 sont principalement constituées :

Il est également à noter que, hélas, les particules sont de plus en plus petites, notamment du fait des évolutions des moteurs automobiles et des nanotechnologies.

Les particules grossières (entre 2,5 µm et 10 µm) majoritairement constituées de sels de mer, de poussières minérales et dans une moindre mesure de matières organiques. Elles sont principalement produites par des procédés mécaniques (abrasion, chantiers, agriculture, remises en suspension de particules déposées au sol…).

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Un cas extrême pour les sels de mer : la composition de particules d’embruns à la Réunion

 

Soulignons enfin qu’un des composant les plus dangereux pour la santé des PM2,5 est le carbone suie (ou Black Carbon, BC). Ces particules de carbones mesurent moins de 1 micromètre, représentent 30 % des émissions de PM1,0 et sont issues des moteurs à combustion (diesel essentiellement), la combustion résidentielle de bois, des centrales électriques, de l’utilisation du fioul lourd et du charbon… Contrairement aux autres particules, qui ont des origines très diverses, le carbone suie est 100 % primaire et essentiellement lié à la pollution du trafic routier local (lire ici). On définit également les microsuies, qui mesurent de 0,05 à 0,1 micromètres et elles sont émises par la combustion du fioul léger (moteurs diesel, chauffage domestique), de l’essence, du kérosène et du gaz. Elles sont essentiellement carbonées, mais peuvent contenir du soufre si le combustible dont elles sont issues en contient (fioul léger, par exemple). Elles pénètrent donc très profondément dans le corps humain. Leur légèreté fait qu’elles contaminent les plus hautes couches atmosphériques et sont donc responsables d’une pollution globale. (Pour les passionnés lire ici). Pour les effets sur la santé, lire ici.

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Ratio entre la pollution de proximité et la pollution de fond (indépendanet du trafic) pour les PM10 et le carbone suie

 

Visualisation de particules

Terminons par la visualisation de certaines de ces particules au microscope :

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Particule de suie issue du diesel

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Particules de suie

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Cette photo montre une image d’un filtre à particules placé le long d’une route par un microscope électronique. Les suies de diesel (en gris sur l’image) sont présentes de manière prédominante sur le filtre. Les particules indiquées en bleu sur l’image sont des poussières de combustion, les particules colorées en rose sont d’origine minérale et les cristaux, en vert, sont des sels.

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Particules de cendres volantes issues du charbon

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Particules de cendres volantes issues du charbon

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a) poussières du Sahara b) c) fumées en Amazonie d) pollution en Chine

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1/ Suie, sulfate d’ammonium, Poussière 2/ acide sulfurique, Matière organique marine, sel de mer 3/ cristal bio-organique, fumée de combustion de biomasse, pollen

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Suies

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Cendres volantes

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Pollen

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Débris d’usure

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Débris minéral par érosion

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Nanoparticules de métal

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Différentes particules prélevées à Munnar, en Inde

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Particules de sel marin

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Particule de sulfate d’ammonium

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Particule de sulfate

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Poussière minérale aux Açores (silicate mélangée à du sel marin)

 

 

Source: http://www.les-crises.fr/la-pollution-aux-particules-fines/


Revue de presse du 24/01/2017

Tuesday 24 January 2017 at 01:59

La revue avec notamment de quoi débattre sur le revenu universel, des points sur la Syrie et la Grèce, ou encore un tour du côté de chez Trump. Autre revue prévue en milieu de semaine. Merci à nos contributeurs

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-24012017/


Le Grand Mensonge des Démocrates Américains, par Stéphane Trano

Tuesday 24 January 2017 at 01:45

Source : Marianne, Stéphane Trano, 09-01-2017

On ne peut pas blâmer les Démocrates américains de tenter, par tous les moyens, de masquer la portée de leur échec en l’attribuant à toutes sortes de motifs, même les plus fantaisistes. La pilule est certes amère. Toutefois, la part la plus intéressante de cette hystérie collective est le phénomène d’auto-persuasion qui en est le moteur et que la plupart des grands médias du pays alimentent.

CBS News

CBS News

L’argument numéro un des perdants est la faillite du système électoral et, en particulier, le fait que la candidate démocrate, Hillary Clinton, a remporté le scrutin populaire. C’est oublier que la situation, même si elle n’est pas commune, s’est produite à quatre reprises au cours de l’Histoire des Etats-Unis, et qu’elle ne constitue pas de difficulté particulière aux termes de la Constitution. De plus, le 115ème congrès, sorti des urnes le 8 novembre 2016 et en fonction depuis le 3 janvier 2017, a vu 52% des électeurs voter pour les Républicains au Sénat et 55% à la Chambre des représentants. Il n’y a donc aucune anomalie dans les élections de 2016 de ce point de vue.

Le second argument est celui du piratage informatique à grande échelle des élections, sur ordre du président russe Vladimir Poutine, afin de faciliter l’élection de Donald J. Trump. Là encore, l’idée ne tient pas debout. Aucune trace de défaillance dans le nombre limité de votes électroniques aux élections n’a été décelée. Les services du renseignement américain, en dépit de leur conviction affichée selon lesquelles il existe un indice « haut » de confiance dans le fait qu’il y a eu piratage, ne sont pas tenus de produire le moindre élément de preuve au public, puisque de telles informations sont par essence classées « secret défense ». Il faut donc les croire sur parole.

Poussés par ceux qui demeurent sceptiques sur la manière dont on s’y prend pour influencer le résultat d’une élection par des moyens électroniques, des experts affirment, par dizaines, que le régime russe a répandu de « fausses informations » à grande échelle afin de porter atteinte à l’image de la candidate Hillary Clinton. Les mêmes sont incapables d’expliquer concrètement comment l’on s’y prend et pourquoi il faut des « hackers » pour influencer les esprits dans leur choix lors d’un vote.

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Une mauvaise candidate

Hillary Clinton n’a eu besoin ni de Vladimir Poutine, ni de Julien Assange et encore moins de « pirates » pour perdre les élections de 2016. Ce ne sont pas de prétendues « fausses » informations qui ont heurté sa réputation déjà bien entamée auprès de nombreux électeurs américains, par exemple, dans l’affaire des emails, mais au contraire, son refus obstiné de prendre cette affaire au sérieux et de répondre aux interrogations. On ne voit pas, non plus, quelles « fausses » informations ont poussé l’électorat noir américain à se sous-mobiliser lors du vote du 8 novembre, ou les femmes et les plus jeunes à bouder sa candidature, après la défaite de Bernie Sanders lors des primaires démocrates.

Hillary Clinton, dont l’ambition n’est pas éteinte par la défaite, a affiché un visage froid, autoritaire et cassant, durant sa campagne. Elle n’a pas su développer un programme à la fois lisible et crédible, qui aurait pu emporter un vote, à la fois populaire et du collège électoral, si tranché qu’il n’y aurait eu aucune contestation. Comment, en effet, se revendiquer de l’héritage de Barack Obama, lorsque cet héritage peine à brandir autre chose que l’Obamacare, dont même les démocrates savent qu’il n’est pas financé au-delà de 2017 et coûte, en réalité, une fortune au regard des bénéfices qu’il apporte ?

Photo: Sur les 3145 kilomètres de frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, un tiers est déjà protégé par un mur, la poursuite de sa construction étant gelée depuis 2010, en particulier pour des raisons environnementales.

Photo: Sur les 3145 kilomètres de frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, un tiers est déjà protégé par un mur, la poursuite de sa construction étant gelée depuis 2010, en particulier pour des raisons environnementales.

Mensonges et déni

Car au-delà de cette loi sur la santé qui n’est en rien un système généreux et égalitaire tel qu’on le pense du côté des Européens, c’est le vide. Même si le Secrétaire d’Etat John Kerry blâme ces derniers jours le gouvernement anglais, prétendant qu’il est à l’origine de l’incapacité d’Obama à agir plus concrètement et durablement au Moyen-Orient contre l’état islamique, la mémoire de tous est par chance encore assez fraîche pour se souvenir que les huit années de ce président ont été celles d’une grande hypocrisie diplomatique et militaire. Mais le déni, dans ce domaine comme dans bien d’autres, est plus puissant que la mémoire.

Les âmes sensibles sont outrées par l’idée de construire un mur à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. On a beau leur montrer les mille kilomètres de ce mur déjà construit, y compris sous le premier mandat d’Obama, cela n’a guère d’effet et n’entraîne aucune interrogation sur les raisons pour lesquelles le bon président n’en n’a pas retiré une seule pierre.

Un autre exemple est celui de la crise financière de 2008 et du retour au « plein emploi » huit ans plus tard : quel président n’aurait point réussi ce « prodige » en creusant le déficit de son pays, comme Barack Obama l’a fait, de près de 5000 milliards de dollars ?

La période 2008-2016 n’a pas non plus été celle de législations majeures en matière d’armes à feu, d’incarcérations, de recul de la peine de mort, de maîtrise des frais de scolarité ou de gestion des prêts étudiants parvenus à des hauteurs astronomiques.

Quel est donc ce succès dont les Démocrates se revendiquent au juste? Est-ce celui des villes défigurées sous les coups de boutoir du géant Amazon, à la fois propriétaire du puissant Washington Post et importateur massif de toutes les chinoiseries possibles qui inondent un marché américain ou l’on ne sait plus fabriquer une chaussette? Est-celui de Saint Zuckerberg, le jeune patron de Facebook, “le” média des “millénaires” qui ne savent plus à quoi ressemble un livre et qui entre désormais en politique avec de hautes ambitions? Est-ce celui du mariage gay et de la dépénalisation du cannabis, hautes priorités s’il en est dans un monde où tout le monde se fout des 250 000 morts du Sud Soudan, bien moins “sexy” que ceux de Syrie?

Quel héritage Obama?

Alors, que reste t-il de cet héritage Obama, au juste ? Une posture, bien évidemment. Après George W. Bush et le mensonge irakien, n’importe quel président aurait été auréolé de gloire. On attendait d’Obama, toutefois, un peu plus qu’un physique avenant, un talent rhétorique et l’humour dont il a tant usé. Car c’est à ce que laisse un président que l’on mesure son impact, pas à sa performance sur la scène du pouvoir. L’Amérique n’est pas plus sympathique dans le monde qu’elle ne l’était avant son arrivée, ni plus sûre, ni plus égalitaire. Mais elle a la chance d’être un pays pragmatique : en ramenant au pouvoir, contre toute attente, les Républicains, elle a flanqué une gifle magistrale aux « progressistes » qui se croyaient tout permis. Elle ne l’a pas fait par folie ou par irresponsabilité mais parce qu’elle a confiance dans la capacité de ses institutions à « encaisser » ce type de choix démocratique, si perturbant soit-il pour des milieux qui s’estiment mieux éduqués et éclairés que les autres. On appelle cela l’alternance, une banalité que les Démocrates veulent aujourd’hui faire passer pour un scandale et une catastrophe.

Cherchez l’erreur.

Source : Marianne, Stéphane Trano, 09-01-2017

Source: http://www.les-crises.fr/le-grand-mensonge-des-democrates-americains-par-stephane-trano/