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La Syrie et les statistiques de la guerre, par Nassim Nicholas Taleb

Wednesday 18 January 2017 at 00:45

Source : Opacity, le 22/11/2016

Ne croyez rien de ce que vous entendez, une partie de ce que vous lisez, la moitié de ce que vous voyez

Quand Pasquale Cirillo et moi-même avons examiné les comptes-rendus historiques de guerres pour notre analyse statistique sur la violence, nous avons découvert d’importantes lacunes – les gens prennent les chiffres pour des vérités, bien que de nombreux rapports aient été fabriqués. De nombreux historiens, “scientifiques” politiques et autres tombent dans le piège puis en arrivent à écrire des livres. Par exemple, nous avons découvert que l’amuseur scientifique Steven Pinker basait son analyse sur la sévérité de la rébellion An Lushan sur une mauvaise surestimation – le nombre réel de pertes pourrait être abaissé d’un ordre de grandeur. La majeure partie de la thèse de Pinker sur la chute dans la violence dépend d’un passé encore plus violent ; cela a été plus tard discrédité (la thèse est bancale n’importe comment, comme les affirmations générales de Pinker entrent en conflit avec les données statistiques qu’il produit). Peter Frankopan, dans son magistral “The Silk Roads” (Les Routes de la Soie) semble cerner la question : les estimations de victimes des invasions mongoles ont été gonflées, car leurs comptes exagéraient la dévastation pour intimider les adversaires (le propos de la guerre n’est pas tant de tuer, que de soumettre). Notre principale explication technique est ici.

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Mais ce ne sont pas juste les idioties de Steven Pinker : les chiffres de nombreuses guerres semblent sortir de nulle part. Des journalistes citent quelqu’un à une conférence ; ça suit son chemin au Monde ou au New York Times et ce chiffre devient LA référence pour les prochaines générations. Dans notre tentative de bâtir une méthode rigoureuse d’historiographie quantitative, nous avons conçu des techniques de robustesse statistique : elles consistent à “bootstrapper” [https://fr.wikipedia.org/wiki/Bootstrap_(statistiques), NdT] des histoires du passé considérant le passé comme une réalisation entre l’estimation la plus basse et la plus haute possible, produisant des dizaines de milliers de “chemins historiques” et d’évaluer la “robustesse” comme un élément pour modifier le tout. Plus déprimant, nous n’avons trouvé aucun historien qui se soit préoccupé de faire un semblable travail de nettoyage ou de vérification de robustesse – cependant, voilà, l’outil statistique est là pour servir.

Cela m’a frappé que je doive examiner le nombre de réfugiés Syriens estimés au Liban – ici encore les chiffres volent dans tous les sens sans beaucoup de rigueur, se gonflant de rapport en rapport. Mais on peut évaluer le biais : ils sont potentiellement surestimés (comme Amin Maalouf l’a commenté, le mécanisme du téléphone arabe rend les gens plus enclins à augmenter le nombre pour obtenir plus d’attention). D’ailleurs, dans une commune du Liban, on m’a dit que le nombre de réfugiés réel, bien qu’important, était considérablement inférieur à celui utilisé par les bureaucrates des Nations Unies. Mon sentiment est que le vrai nombre est environ le tiers de ce qui a été publié. Alors que cela est très optimiste pour le Liban (il devrait y avoir moins de réfugiés qu’ils le prétendent, donc nous ne devons pas nous inquiéter autant pour la stabilité de la région), ce n’est pas bon pour l’économie et les financements des agences de l’ONU, et le style de vie de leurs bureaucrates.

A présent, l’estimation raisonnable des victimes de la guerre syrienne. On a parlé d’un demi-million de morts en Syrie. On a aussi entendu parler du grand nombre de “tués” par Poutine, Assad, et La Grande Catherine (qui est arrivée pour harceler les Ottomans du Levant après son invasion de la Crimée). C’est facile de vérifier que la plupart des informations que l’on a sur le “boucher” de Damas sont suspectes : des agences de communication de Washington et de Londres financées par des Saoudiens-Qataris ont montré des signes évidents d’hyperactivité. Tout comme le nombre des hôpitaux d’Alep-Est là où est basé al-Qaïda (et d’où ils bombardent les civils dans les autres parties de la ville), pareil pour le nombre d’hôpitaux par habitant ici qui me semble être plusieurs fois la moyenne par rapport au reste du monde (tous les jours on apprend que les Russes ont détruit un autre hôpital, encore que le porte-parole du Département d’État John Kirby n’a pu donner un seul nom ou adresse des cinq hôpitaux dont il parlait juste avant). Je vois les propagandistes et les apologistes d’al-Qaïda comme Charles Lister (à l’Institut du Moyen-Orient fondé par les salafistes) jeter des chiffres qui seront repris – oui, des idiots citeront des chiffres venant du propagandiste d’al-Qaïda Charles Lister, et qui finalement pourront être cités ensuite par un journal honorable, et donc rester gravés pour la postérité. J’ai une fois vu un journaliste américain sérieux (“expert de la Syrie”) poster sur un réseau social des scènes macabres comme témoignage des meurtres d’Assad : la photo des “enfants victimes d’Assad en train de mourir” a été vraisemblablement prise en Lybie quatre ans auparavant ; il apparut que cette photo a été “mise en avant” par une agence de communication financée par les Qataris. Sa réaction a été inexcusable : “Ne pensez-vous pas que Assad soit capable de tels crimes ?”

Ne croyez rien de ce que vous entendez, une partie de ce que vous lisez, la moitié de ce que vous voyez, c’est un vieil adage de commerçant. En tant que commerçant et statisticien/mathématicien, j’ai appris à prendre les données au sérieux, à ne croire les chiffres de personne, et à éviter les gens assez naïfs pour engager une politique basée sur des images de destruction épouvantables, mais discutables : la fausse image d’un enfant mourant est quelque chose que personne ne peut remettre en cause sans passer pour un salaud. En tant que citoyen, je demande que le terme de “meurtrier” soit déterminé par une cour de justice, pas par des organisations financées par les Saoudiens – une fois que quelqu’un est appelé meurtrier ou boucher, les jeux sont faits. Je ne peux pas croire que les gouvernements et les bureaucrates puissent être si stupides. Mais ils le sont.

Note: Personne ne peut prétendre que je sois un apologiste d’Assad. Assad a explosé notre maison a Amioun en 1982 quand mon grand-père, en tant que membre du parlement, a voté pour Bashir. Mais je surmonte ma rancœur personnelle pour jeter un regard scientifique et humaniste : le Jihad Islamiste Sunnite est beaucoup trop dangereux pour laisser ma rancune se mettre en travers du chemin.

PS: Il apparait que le bilan réaliste du soulèvement du Hama par les Frères Musulman en 1979-1982, habituellement accusé d’avoir causé entre 30 000 et 40 000 victimes, pourrait en avoir causé environ 2000. Plus grave, le gonflement mystérieux de l’estimation s’est installé au cours du temps sans nouvelle information. (Données des rapports déclassifiés produites par Sharmine Narwani.)

PPS: Bill Clinton, alors président, avait fait une déclaration en 1999, au sujet des victimes en Bosnie, Serbie et Croatie comme étant autour de 250 000 morts : au moins deux à trois fois le nombre total de l’estimation supérieure en cours. Mais l’inflation de Clinton devint dingue quand il fut question du Kosovo : sur les 100 000 Kosovars disparus, seulement 3000 à 5000 ont vraiment été des victimes. Pourtant il a bombardé l’endroit et diabolisé les Serbes sur la base de cette information. Il est à noter que les agences de communication financées par les Saoudiens furent  également actives sur le Kossovo.

Source : Opacity, le 22/11/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/la-syrie-et-les-statistiques-de-la-guerre-par-nassim-nicholas-taleb/


[3e couche de l’Obs] Sextape présumée de Trump : “les kompromats” russes en ont fait tomber plus d’un, par Natacha Tatu

Wednesday 18 January 2017 at 00:15

Je termine la série, car il est intéressant de voir ce que la presse arrive à faire à partir de… rien.

Notez qu’ils passent enfin au conditionnel.

Notez que Trump a déclaré : « J’étais en Russie il y a plusieurs années pour le concours de Miss Univers (…) et j’ai dit à tout le monde : “Soyez prudents si vous ne voulez pas vous retrouver à la télévision. Il y a des caméras partout dans les chambres d’hôtel. Il y a des caméras dans les endroits les plus insoupçonnés. Vous ne les verrez jamais.” »

Et on parle donc du pays qui a créé la NSA qui espionne la Planète entière, en ayant donc des dossiers compromettant sur plein de monde…

Source : Le Nouvel Obs, Natacha Tatu, 14-01-2017

Donald Trump à Las Vegas, en juin 2013. (John Gurzinski/AFP)

Donald Trump à Las Vegas, en juin 2013. (John Gurzinski/AFP)

Derrière ce néologisme, tout droit sorti de la novlangue soviétique, se cache une manie des services secrets russes, dont le futur président américain semblerait avoir fait les frais : le dossier compromettant.

Dmitri Orechkine l’a échappé belle. Au printemps 2010, ce politologue indépendant, qui n’a jamais ménagé ses critiques contre Vladimir Poutine, a bien failli lui aussi être victime d’un “kompromat”, le mot russe qui désigne des affaires de moeurs montées de toutes pièces. Le piège était à la fois diabolique et terriblement banal : une rencontre fortuite avec une sympathique jeune femme aux mensurations de mannequin, qui insiste pour le revoir et l’invite un soir à la rejoindre chez elle. “Ça ne me disait rien, j’ai refusé”, raconte-t-il, désabusé. D’autres ont été moins prudents. Il reconnaîtra la jeune femme quelques jours plus tard dans une vidéo diffusée sur le net, via une chaîne télé se présentant comme “un canal de promotion de la morale, de la loi et du contrat social”.

On y voit successivement plusieurs hommes, tous opposants au Kremlin, défiler dans un appartement moscovite, pour des ébats avec la jeune femme surnommée “Moomoo”. Elle se fait des lignes de coke avec un célèbre journaliste (marié), nu, s’envoie en l’air avec un écrivain, ou encore avec le comédien Viktor Shenderovitch, auteur de la version russe des “Guignols”, et ennemi de longue date de Poutine, qui la remercie de trouver un homme de son âge encore séduisant… La vidéo a été balancée en ligne deux jours avant le mariage de la fille de Shenderovitch. D’autres figures de l’opposition, paniquées, ont également avoué par anticipation être tombé dans le piège, et avoir eu “une aventure” avec la fameuse “Moomoo”.

[…]

On ne change pas les bonnes habitudes !

Ces pratiques auraient pu tomber en désuétude après la chute du Mur et l’effondrement de l’Union soviétique. Mais on ne change pas si facilement les bonnes habitudes ! A Moscou, les chambres sinistres des hôtels Intourist sont devenues des suites luxueuses, les “community managers” habillées en Prada ont remplacé les revêches dames d’étage… En province, il n’est pas rare que l’étranger se retrouve aujourd’hui encore suivi par des agents en manteau de cuir à la dégaine de tontons flingueurs, pas toujours très discrets ni très finauds, qui compilent tout ce qu’ils peuvent trouver, et rédigent des rapports… Au cas où. Des micros restent ouverts, des photos sont prises. Et s’il n’y avait que les affaires de mœurs… Incitations à la corruption, chantage, les pièges sont nombreux et variés, et l’imagination du FSB en la matière, sans limite.

 

[…]

Trump, “Américain dépravé”

Que Donald Trump ait pu tomber dans une telle machination, à Moscou, personne n’en doute. Cette sextape compromettante existe-t-elle vraiment ? Personne n’en sait rien. Mais la manière dont l’affaire a été montée, elle, obéit à toutes les règles du jeu. Dmitri Orechkine souligne :

“A l’époque, ils ne pensaient peut-être même pas le faire chanter, juste accumuler une nouvelle preuve de la décadence de l’Occident en montant un dossier contre un Américain dépravé.”

[…]

Natacha Tatu

Source : Le Nouvel Obs, Natacha Tatu, 14-01-2017

Source: http://www.les-crises.fr/3e-couche-de-lobs-sextape-presumee-de-trump-les-kompromats-russes-en-ont-fait-tomber-plus-dun-par-natacha-tatu/


Mon nouveau livre (collectif) : L’Euro est il mort ?

Tuesday 17 January 2017 at 03:04

Il est grand temps que je signale la parution fin 2016 d’un ouvrage collectif auquel j’ai contribué, sur l’euro – et que la tempête post-Trump a éclipsé.

J’ai réalisé la partie sur l’impact social de l’euro, à travers une série de graphiques originaux.

Jacques Sapir en a fait une recension sur son blog, que je reprends…

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 19-10-2016

Le 20 octobre sort dans toutes les bonnes librairies de France (et de Navarre…) le livre L’Euro est-il mort, publié aux éditions du Rocher. Ce livre est une nouvelle contribution au débat, désormais bien engagé, sur l’Euro.

A quelques jours de la sortie du film, La Conquête, qui retrace l’ascension de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, André Bercoff publie aux éditions du Rocher « La Chasse au Sarko ».

Il s’agit d’un livre important, qui traite d’une question encore plus importante. C’est un livre collectif, et j’y ai contribué par deux chapitres, aux côtés de mes collègues dans cette aventure. Ces collègues appartiennent à diverses écoles de pensées. Alberto Bagnai est connu pour ses positions post-keynésiennes, dont je suis assez proche. De même d’autres auteurs représentent la gauche de combat dans cet ouvrage, de Maria Negreponti-Delivanis, qui nous parle de la tragédie grecque provoquée par l’Euro, à Olivier Berruyer ou Antoni Soy. D’autres auteurs ont des points de vue plus libéraux, comme Gérard Lafay, Jean-Jacques Rosa, Charles Gave ou Jean-Pierre Gérard. Certains d’entre nous sont des universitaires, ayant fait carrière et gravi les divers échelons qui conduisent au professorat. D’autres sont ce que l’on appelle, parfois avec une condescendance que rien ne peut justifier, des praticiens. Pourtant, bien souvent, ce sont ces mêmes praticiens qui ont une vue plus juste et plus pratique des problèmes posés. Et c’est justement le cas au sujet de l’Euro.

A quelques jours de la sortie du film, La Conquête, qui retrace l’ascension de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, André Bercoff publie aux éditions du Rocher « La Chasse au Sarko ».

C’est donc cette diversité des points de vue qui est extrêmement intéressante et stimulante. Nous arrivons aux mêmes conclusions par des chemins différents. C’est dire l’importance du principe de réalité, qui s’impose à tous quand on regarde les conséquences de la monnaie unique. Nous pouvons diverger sur les solutions à mettre en œuvre une fois que l’Euro sera détruit. Mais, nous nous retrouvons tous sur le constat atterré du désastre tant économique que politique qu’a provoqué l’Euro. Il faut ici remercier Jean-Pierre Gérard et l’institut POMONE, qui ont rassemblé ces points de vue divers mais convergents sur l’Euro, et cela depuis plusieurs années. Sans Jean-Pierre Gérard, il est probable que nous ne nous serions jamais retrouvé ensemble et que ce livre n’aurait jamais existé.

Mais, et je dois le dire avec une certaine force, je n’en suis nullement le « directeur » comme l’on dit d’un livre collectif dont un auteur prend en charge la collecte des articles et établit en réalité le programme scientifique du livre, en assignant donc différents chapitres aux différents auteurs. L’éditeur, confronté au problème délicat de « vendre » un livre écrit sous de nombreuses signatures, a cru bon m’en attribuer une large part de la paternité.

Ceci étant, le contenu de ce livre intéressera tous ceux qui sentent bien que la maison Euro craque, que l’Euro est une catastrophe, tant pour la France que pour les autres pays.

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 19-10-2016

Source: http://www.les-crises.fr/mon-nouveau-livre-collectif-leuro-est-il-mort/


[Vidéo] Les 5 bombes économiques qui menacent la zone euro en 2017…

Tuesday 17 January 2017 at 02:10

Incertitudes politiques, retour de l’inflation, hausse des taux, fragilité des banques, dossier grec : focus sur les 5 défis majeurs que la zone euro va devoir relever cette année…

(Lien direct)

5-bombes

Source: http://www.les-crises.fr/video-les-5-bombes-economiques-qui-menacent-la-zone-euro-en-2017/


L’Euro contre l’Europe, par Jacques Sapir

Tuesday 17 January 2017 at 00:15

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 04-11-2016

L’Union européenne traverse aujourd’hui crise majeure. Il s’agit d’une crise économique mais aussi d’une crise d’identité. A l’origine de cette crise on trouve l’Euro. La monnaie unique se voulait le couronnement de la construction européenne. En réalité, elle cause son déclin. Elle corrode les fondations économiques et sociales des pays qui l’ont adopté, met à mal la démocratie, suscite, peu à peu, la montée de comportements tyranniques qui produisent, en réaction une vague dite « populiste » sans précédent et sans égal. La monnaie unique cause des dysfonctionnements de plus en plus importants dans les pays qui l’ont choisie. Seule l’Allemagne semble y échapper ; ce n’est pas un hasard. L’Euro a été conçu par et pour l’Allemagne. Permettant une sous-évaluation de la monnaie allemande, l’Euro entraine aussi une surévaluation des monnaies de pays comme la France, l’Italie[1]et l’Espagne[2]. Cela se traduit par l’énorme excédent commercial structurel de l’Allemagne au détriment de ses voisins, un excédent commercial qui porte en lui la fin de l’Union européenne.

Sources : base de données du FMI (octobre 2016)

Sources : base de données du FMI (octobre 2016)

Sans l’Euro, cet excédent aurait produit une réévaluation de la valeur de la monnaie allemande, tout comme il aurait conduit à la dépréciation de la valeur des autres monnaies par rapport à la monnaie allemande. Or, ceci est impossible du fait de l’Euro. L’Allemagne avait ainsi une balance commerciale déficitaire de -1,4% du PIB en 1999 ; elle se retrouve avec un excédent de plus de 8% en 2015. Surtout, cet excédent ne cesse de s’accroître depuis l’introduction de l’Euro.

Les crises désormais sont permanentes depuis 2010. Elles ont de graves conséquences sociales, directes, comme on le voit avec la montée du chômage, et celui des jeunes dans les pays d’Europe du sud, ou indirectes, comme les politiques budgétaires stupidement restrictives adoptées pour « sauver l’Euro », qui entrainent une chute historique des investissements pesant non seulement sur la croissance mais sur le bien-être des populations. Les crises à répétition entre les pays de l’UE les dressent les uns contre les autres, et menacent la coopération européenne comme jamais auparavant. L’Euro constitue un défi et un danger pour l’état d’esprit européen. Le constat est désormais partagé par de nombreux économistes. Qu’il s’agisse de Lord Mervyn King, l’ancien gouverneur de la Bank of England ou Banque centrale du Royaume-Uni, qui vient de publier un livre[3] où il étrille l’Euro, de plusieurs prix Nobel, dont Joseph Stiglitz[4], ou d’un livre co-écrit par plusieurs économistes[5] – tous pensent de même. Ils ne sont pas les seuls. Des politiques de premier plan, comme Oskar Lafontaine (ex dirigeant du SPD et fondateur du parti Die Linke[6]), Stefano Fassina, ancien ministre du gouvernement de centre-gauche en Italie[7], ont joint leur voix aux critiques. Ces critiques sont le versant policé de la montée des mouvements populistes dans les différents pays européens, que ce soit le Mouvement 5 étoiles en Italie, PODEMOS en Espagne, le Front National en France, ou des mouvements similaires au Pays-Bas et même en Allemagne (avec AfD). Et cela nous mène à une question évidente: pourquoi donc l’Euro a-t-il été mis en place ?

1. L’histoire de l’Euro

Le projet est ancien. La réflexion sur une monnaie unique européenne date de la fin des années 1960 avec le rapport Werner[8]. Les obstacles étaient, eux aussi et déjà, bien connus. En 1977, le président de la Commission européenne de l’époque, le Britannique Roy Jenkins, proposa la création d’une monnaie unique pour les pays qui composaient alors la Communauté économique européenne. Mais il liait sa proposition à un budget communautaire dont le montant s’élèverait à 10 % du produit intérieur brut (PIB) des Etats membres. Cette idée était techniquementlogique, mais elle fut politiquement rejetée par la totalité des pays concernés. Elle l’est toujours aujourd’hui, alors que le budget de l’Union européenne ne dépasse pas les 1,25% du PIB. Or, sans budget fédéral, l’Euro ne peut fonctionner. Malgré cette faiblesse, on a institué l’Euro tout en sachant que le budget dédié à son fonctionnement était insuffisant. Cela appelle plusieurs explications.

Depuis la fin des années 1980, et en particulier avec le Traité de Maastricht entré en fonction en 1993 et qui a créé l’Union européenne s’est ainsi affirmé un projet politique : mettre en place des institutions fédérales ou encore supranationales. Or, ces institutions avaient été, et sont toujours, rejetées par les peuples européens à chaque fois que l’on a consenti à leur demander leur avis. Rappelons-nous le projet de Traité Constitutionnel, rejeté par référendum par la France et les Pays-Bas en 2005. Il fallait donc ruser. Les dirigeants européens ont donc consciemmentconstruits des institutions incomplètes, dont l’Euro est le meilleur exemple, en espérant que les crises naissant de cette incomplétude amèneraient les peuples à consentir, dans l’urgence, ce à quoi ils s’étaient refusés de manière raisonnée. Mais, cette ruse a failli. Les crises se sont multipliées, les unes après les autres. Pourtant, aucune n’a pu engendrer ce dépassement fédéral que les pères de l’Euro appelaient de leurs vœux. Le gouvernement français est bien seul, aujourd’hui, à porter le projet fédéral. Même le gouvernement allemand, qui fut longtemps son meilleur allié, se détourne désormais d’une logique politique qui ferait peser sur ses seules épaules le fardeau de la mise en place de ce fédéralisme. Ainsi se contente-t-elle de défendre un statu-quo qui l’avantage à l’évidence.

Nous sommes dans une impasse. Ne pouvant aller au-delà, et n’osant pas retourner en deçà, nous sommes condamnés à la crise. Au-delà, l’Euro détruit lentement les vieilles nations au sein desquelles s’était construite et consolidé la démocratie. Avec le traité sur la coopération et la gouvernance, dit aussi TSCG, que François Hollande fit ratifier en septembre 2012, c’est la maîtrise du budget, élément essentiel de notre souveraineté, qui est en passe d’être retiré aux élus de la Nation. Les politiciens organisent ainsi leur propre impuissance pour fuir leurs responsabilités. On réaffirme alors un dogme : « l’Euro protège ». Mais, de quoi, et comment, cela n’est jamais dit, et pour cause… « L’Euro favorise la croissance » est un autre point du crédo, que démentent pourtant les faits les plus évidents. L’Euro n’est pas – et ne peut pas être – un objet économique. Il n’est même pas un objet politique. Il est devenu un fantasme, celui qui dévoile en réalité ce grand désir de nombreux responsables et dirigeants politiques de se fondre dans une masse indifférenciée pour échapper à leurs responsabilités.

La « bonne nouvelle » des économistes et l’imposture

Il faut donc revenir sur les origines de l’Euro. Il nous fut présenté comme une terre de grandes promesses : mais elle s’est depuis, transformé en celle du grand mensonge. Tels les trois mages des évangiles, trois principales contributions, celles de Robert Mundell, de R. McKinnon et de Peter Kennen, sont venues porter la « bonne nouvelle ». Pourtant, des études récentes montrent le contraire.

La théorie des zones monétaires optimales (ou ZMO) a été énoncée par l’économiste Robert Mundell en 1961[9]. Elle entend fonder les raisons théoriques de l’existence de zones où il serait avantageux d’avoir une seule et même monnaie. Deux ans plus tard, c’est Allan Robert McKinnon qui apporta sa pierre à l’édifice[10]. Il explique que plus l’ouverture d’une économie sur l’extérieur est importante, plus l’importance du taux de change s’en trouve réduite. L’intérêt d’un ajustement par le taux de change devenait faible. Quant à Peter Kennen[11], il montrait que, si l’économie d’un pays était diversifiée, cette diversification réduisait l’ampleur de ce que les économistes appellent des « chocs exogènes », et permettait à ce pays d’être lié à d’autres par un taux de change fixe. De ces travaux, on pouvait donc déduire qu’un pays avait intérêt à se lier à d’autres par une monnaie unique sous réserve que le capital et le travail soient parfaitement flexibles, qu’il soit très ouvert sur le commerce international et que son économie soit largement diversifiée. Certains économistes avaient déduit des mouvements monétaires extrêmement importants qui s’étaient produits de 1975 à 1990 que la sensibilité des exportations (et des importations) au prix de ces produits était faible dans l’économie moderne. S’était alors développée l’idée que le commerce international se jouait essentiellement sur la qualité des produits. De même on a prétendu démontrer que des pays tireraient des avantages économiques importants d’une monnaie unique. Cette dernière était censée engendrer une augmentation très forte des flux commerciaux entre les pays de la zone monétaire ce que prétendait démontrer Andrew K. Rose[12]. Une littérature extrêmement favorable aux unions monétaires se développa, décrivant les monnaies nationales comme des « obstacles » au commerce international[13] et à l’augmentation de la production et des échanges potentiels[14]. L’union monétaire européenne allait créer les conditions de réussite de la « Zone Monétaire Optimal[15] », dans un mouvement qui semblait devoir être endogène[16].

Il y eut les déclarations imprudentes de divers hommes politiques affirmant que l’Euro allait conduire, de par sa seule existence, à une forte croissance. Jacques Delors et Romano Prodi ont affirmé que l’Euro allait favoriser la croissance européenne de 1% à 1,5% par an et ce pour plusieurs années[17]. Ils furent bien mauvais prophètes.

Le cauchemar de la réalité

Les recherches conduites sur des données plus complètes et plus rigoureuses, ont fortement réduit, voire annulés, les effets positifs de l’union monétaire[18]. La méthode économétrique utilisée était défectueuse[19]. Ces modèles ne prenaient pas en compte la persistance du commerce international[20]. Ceci devait aboutir à la remise en cause des résultats. Harry Kelejian a repris les diverses estimations des effets d’une union monétaire sur le commerce international des pays membres[21]. Les résultats sont dévastateurs. L’impact de l’Union économique et monétaire est estimé à une croissance du commerce de 4,7% à 6,3%, soit très loin des estimations les plus pessimistes des travaux antérieurs qui plaçaient ces effets à 20%, et ceci sans même évoquer les premières analyses de Rose qui les situaient entre 200% et 300%. En dix ans, on a réduit l’effet de 10 à 1 (de 200% à 20%[22]), puis une nouvelle réduction a ramené ces effets à une moyenne de 5% (un facteur de 4 à 1)[23]. Les effets positifs ont donc été largement surestimés, à l’évidence pour des raisons politiques.

On avait aussi avancé l’idée que l’Union monétaire et financière réduirait les risques des à-coups de la conjoncture économique[24], soit le risk-sharing devenu aujourd’hui l’un des arguments des défenseurs de l’Euro[25], régulièrement convoqué pour expliquer que l’Euro « protège ». Mais, le risk-sharing, quand il peut être mesuré, est bien plus le fait de mécanismes budgétaires que de l’unification d’un marché monétaire et financier[26]. Dans le cas de notre zone, il n’est pas évident que l’on ait un quelconque effet de cette sorte[27]. Sur ce point aussi, il est clair que les partisans de l’Euro ont menti. Or, si l’effet, sur le commerce international produit par une zone monétaire est faible, il faut en déduire qu’inversement l’effet des prix (ce que l’on appelle la « compétitivité coût ») est nettement plus important que ce qu’en dit le discours dominant[28]. Ceci redonne toute son importance aux dévaluations pour restaurer la compétitivité de certains pays.

La réévaluation des effets positifs des dépréciations monétaires

L’impact du taux de change sur les balances commerciales était connu. La rapidité du « rebond » de la Russie en 1999 et 2000 en particulier[29], a été l’un des principaux arguments allant dans ce sens. Les économistes du FMI ont réalisé une étude assez systématique sur une cinquantaine de pays[30]. Ils ne trouvent aucun signe de la fameuse « déconnexion » tant citée entre les flux du commerce international et les taux de change. L’étude montre qu’en moyenne, pour une dépréciation du taux de change de 10%, on obtient un gain de 1,5% du PIB. L’Euro fut donc vendu aux populations (et aux électeurs) sur la base de mensonges répétés, mensonges enrobés dans un discours se donnant pour scientifique, mais qui ne l’était nullement. Il y a donc eu manipulation, non pas tant des économistes que des politiques qui se sont servis de leurs travaux. Il s’est construit ce qu’il faut bien appeler un mensonge. L’Euro ne pouvait avoir de bases démocratiques.

2. L’Euro et l’Europe

Les méfaits de l’Euro se sont donc faits sentir dans l’Union européenne. Pourtant, cette dernière est loin d’être convertie dans sa totalité à l’Euro. Plusieurs pays, et non des moindres, tels la Grande-Bretagne, la Hongrie, la Pologne ou la Suède, ont refusé – et refusent toujours – de rejoindre la zone Euro. Force est de constater qu’ils ne s’en portent pas plus mal, loin de là. L’Euro mine l’Union. La crise de l’Euro a paralysée l’UE depuis 2010, et l’a entraînée dans toujours plus d’austérité, suscitant alors une vigoureuse remise en cause de la part des électeurs. Les succès électoraux des partis eurosceptiques, que l’on qualifie de « populistes », en témoignent.

L’Euro et la faible croissance de l’économie européenne

On peut comparer les taux de croissance annuel entre une sélection des 9 pays les plus importants de la zone et le reste des pays développés. L’écart du taux de croissance moyen est, par an, d’environ 1% entre les pays de la zone Euro et les autres pays. Pourtant, ces pays ont connue eux aussi leur lot de problèmes, qu’il s’agisse des États-Unis ou du Royaume-Uni.

L’écart est encore plus spectaculaire si on le compare aux résultats de la Suède, pays européen qui a justement refusé d’adhérer à l‘Euro, ou au Canada. On mesure ainsi les effets délétères de l’Euro sur la croissance. La crise de la zone Euro a aggravé ce freinage. L’Euro a freiné la sortie de crise, voire a aggravé cette dernière dans de nombreux pays. La crise de 2007-2010 a été plus facilement surmontée dans les pays qui n’avaient pas l’Euro que dans ceux qui l’avaient. L’Euro n’a donc nullement « protégé » les pays de la zone. Si l’on prend en compte le PIB par habitant, meilleur indicateur de la richesse réelle d’une population, un seul pays a vu son PIB par habitant s’accroître de manière conséquente par rapport à 1999, c’est l’Allemagne. C’est d’ailleurs le seul pays de la zone où le PIB par habitant se soit accru après la crise financière, de 2008 à 2015. De fait, l’Allemagne est le seul pays de la zone à avoir des chiffres de croissance comparables à ceux des pays ne faisant pas partie de l’Euro, comme le Canada, le Royaume-Uni, la Suède, ou les États-Unis.

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Source : base de donnée du FMI

Source : base de donnée du FMI

La chute est importante pour les autres comme dans le cas de la Grèce (-3,2% par an depuis 2008). Elle est significative pour la Finlande, l’Espagne, l’Italie et le Portugal. Si l’on retirait l’Allemagne de l’échantillon on verrait que le bilan de la zone Euro est encore plus négatif.

La chute des investissements, elle aussi spectaculaire, compromet le développement de l’économie pour les prochaines années et annonce l’équivalent d’une décennie perdue pour les pays de la zone Euro. L’investissement s’est contracté dans la plupart des pays considérés. La chute, faible en ce qui concerne l’investissement global, est significative pour l’investissement par habitant. Cela se traduit par le non-renouvellement du stock de capital par personne. Le contraste est alors saisissant avec les pays ne faisant pas partie de la zone Euro.

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Les seuls pays qui échappent à cette tendance sont la Belgique, la Finlande et la France. Cette contraction est importante en Italie et en Espagne, et catastrophique au Portugal et en Grèce. Ces derniers pays ont le même niveau d’investissement que celui qui était le leur au milieu des années 1980. La partie du continent européen qui vit sous le joug de l’Euro a donc vu le capital fixe par habitant stagner depuis 1999. Or, ce dernier est constitué de choses concrètes, comme des logements, des infrastructures, des routes, des ponts, des voies de chemin de fer ou des aéroports, des systèmes d’adduction d’eau, des systèmes de communication, mais aussi un capital plus directement productif, composé de machines, de bâtiment pour loger ces machines, et ainsi de suite.

C’est bien pourquoi la stagnation de cet investissement par habitant, voire sa diminution, présente une telle menace pour le niveau de vie futur des populations européennes. A contrario, les pays qui ne sont pas dans l’Euro, la Suède, le Royaume-Uni, pour n’évoquer que les pays européens, le Canada et les États-Unis pour l’Amérique du Nord, ont continué à accroître le capital par habitant.

Source : Base de données du FMI

Source : Base de données du FMI

L’Euro et la perte de confiance de l’Europe

On ne peut donc faire fonctionner la monnaie unique sans provoquer une catastrophe en Europe, et au-delà dans l’économie mondiale. L’impact des politiques d’austérité qui n’ont été mises en œuvre que pour « sauver » l’Euro dépasse ainsi de loin les frontières de l’Europe[31]. Cet impact est catastrophique dans le domaine du chômage. Il se concentre sur l’Europe du Sud, où il frappe den priorité les jeunes et fait sentir ses effets dans la démotivation, voire le désespoir, des nouvelles générations, en Grèce, en Espagne et en Italie. C’est alors un capital immatériel que l’Euro détruit, dans ses effets sur la confiance en soi de millions de jeunes et dans les ravages sociaux que cette perte de confiance engendre.

On comprend alors la frilosité des populations européennes face aux réfugiés du Moyen-Orient. Il faut être aveugle pour ne pas voir que ce qui s’exprime dans cette frilosité c’est l’angoisse du lendemain pour des millions et des millions de gens, la destruction de la confiance, la perte de l’idée de l’avenir. De 1945 à 1950, les pays européens eurent à gérer un problème de réfugiés bien plus important que celui d’aujourd’hui. Mais, on avait confiance en l’avenir. Dans les difficultés, pourtant immenses, de la reconstruction de l’après-guerre, les populations sentaient confusément que la situation s’améliorait mois après mois. C’est pourquoi on a su trouver de la place à ces réfugiés. On mesure alors ce que l’Euro coûte aux populations européennes, que ce soit directement – pour les pays membres de la zone Euro – ou que ce soit indirectement pour les autres pays. Parce que l’Euro a été mis en place dans le cœur historique de l’Europe, sa crise affecte naturellement l’Europe toute entière.

L’impossibilité du fédéralisme

La crise grecque, un pays qui représente moins de 3% du PIB de la Zone Euro, est ainsi devenue majeure. Les fondements mêmes de l’UE ont été durablement ébranlés et déconsidérés. La crise des banques italiennes, venant après celle des banques espagnoles et avant celle des banques allemandes, est une nouvelle cause constante d’inquiétude pour les marchés financiers. Ici encore, les institutions de règlement de ces crises, ce que l’on appelle l’union bancaire, qui avaient été mises en place en 2012, n’ont pas fonctionné. Ces crises devront être réglées dans un cadre national. Bien entendu, les moyens existent. Mais, à chaque fois, c’est la zone Euro qui se défait un peu plus.

Car la cause réelle de ces diverses crises n’est pas l’endettement de la Grèce, les mauvaises dettes accumulées dans les banques italiennes, ou les opérations douteuses réalisées sur les marchés financiers par les banques allemandes : c’est le fonctionnement de la zone Euro. Il dresse les peuples les uns contre les autres et ranime les pires des souvenirs de l’histoire européenne. Si l’UE et l’Europe sont deux choses différentes, aujourd’hui, ce qui se joue à Bruxelles n’est plus seulement l’avenir de la Grèce ou de l’Euro, c’est l’existence même de l’Union européenne et l’avenir de l’Europe.

Si, dans des pays fédéraux comme l’Inde, l’Allemagne ou les États-Unis une même monnaie fonctionne en dépit des divergences, parfois extrêmes, qui existent entre les territoires composant ces pays c’est avant tout parce qu’existent des flux de transfert importants. Ceci n’a pu être mis en place au sein de la zone Euro, en raison de l’opposition de nombreux pays mais, par dessus tout, en raison de l’opposition totale de l’Allemagne. Beaucoup de ceux qui écrivent en faveur de l’Euro se lamentent alors sur ce qu’ils appellent « l’égoïsme allemand[32] ». Ils ne prennent jamais la peine de mesurer ce que coûterait à l’Allemagne le financement de ces flux de transfert. Le calcul a été présenté[33]. Il s’évaluait alors autour de 260 milliards d’euros par an, sur une période de dix ans, et ce uniquement pour aider les 4 pays du « Sud » que sont l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce. Sur cette somme, on peut penser qu’environ 90% serait fourni par l’Allemagne. On aboutit alors à un prélèvement sur la richesse produite en Allemagne compris entre 8% et 9% du PIB. Une autre source estimait même ce prélèvement à 12%[34]. Or, imposer un tel prélèvement à l’Allemagne détruirait son économie. La question n’est donc pas que l’Allemagne ne veuille pas mais qu’elle ne peut pas supporter de tels prélèvements.

Le glissement vers la tyrannie

Confrontés à l’impossibilité de mettre en place une union de transfert, les gouvernements de la zone Euro ont cru trouver leur salut dans une combinaison de cures d’austérité dont les effets récessifs ont fragilisé les économies, et d’une politique monétaire expansionniste menée par la Banque centrale européenne. Mais, cette politique monétaire n’a pas résolu le problème et elle est aujourd’hui au bout de ses possibilités. Cela revient à soigner une pneumonie avec de l’aspirine, médicament qui certes permet à la fièvre de baisser, mais ne soigne pas.

L’Allemagne est aujourd’hui, et plus que jamais, opposée à une union de transferts. Elle a réussi à imposer sa propre logique de gestion grâce aux divers « pactes » de solidarité qui ont été signés depuis 2011[35]. C’est ce que l’on appelle le « six pack », qui a été consolidé dans le TSCG signé en 2012[36], et qui est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Ces traités ne font que renforcer les mécanismes d’austérité qui enserrent les économies européennes. Mais, surtout, ils tendent à imposer un cadre disciplinaire au-dessus de la souveraineté des peuples. C’est dans ses comportements que se joue le tournant progressif de l’Union européenne vers une tyrannie[37]. L’Euro a entraîné les économies des pays membres de la zone dans une logique de divergence de plus en plus forte qui conduit à des plans d’austérité de plus en plus violent. Ces plans exaspèrent les populations et dressent celles des pays ayant moins de problèmes contre celles des pays qui en souffrent le plus. Loin d’être un facteur d’unité et de solidarité, l’Euro entraîne le déchaînement des égoïsmes des uns et des autres et la montée des tensions politiques.

3. Sortir de l’Euro

Les dangers de l’Euro sont donc évidents et reconnus tant par des hommes politiques que par des dizaines d’économistes français et étrangers. La liste ne fait d’ailleurs que s’allonger[38], et compterait désormais plus de 175 noms. L’objectif de mettre fin à la monnaie unique, que ce soit dans la cadre d’une dissolution concertée ou que ce soit par une sortie unilatérale, devient désormais prioritaire si l’on veut sauver l’Union européenne. De la même manière que la sortie de la crise des années 1929-1932 impliqua la fin du Bloc-or, la sortie de la crise qui dure maintenant depuis près de dix ans en Europe, implique que l’on mette fin à l’Euro. Le débat sur une sortie, ou sur dissolution, suscite pourtant un certain nombre de questions récurrentes.

Mettre fin à la monnaie unique : un impératif

Une dépréciation de l’Euro pourrait-elle remplacer la dissolution de la zone Euro ? Cette thèse a été avancée de 2010 à 2014 quand le taux de change de l’Euro face aux autres monnaies était très élevé. En réalité, les tenants de cette thèse ont tendance à oublier :

  1. Dans un processus de dépréciation de l’Euro, la parité implicite de chaque pays de la zone entre eux n’est pas modifiée. Or, le problème réside dans les différences de situation à l’intérieur de la zone[39]. Un Euro déprécié avantage l’Allemagne bien d’avantage que les autres pays, si les taux des changes intérieurs à la zone restent constants, à leur niveau fixé en 1999. C’est le rapport entre les monnaies au sein de la zone qu’il faudrait pouvoir modifier pour tenir compte des différences entre les gains de productivité et les taux d’inflation entre chaque pays. Mais, cela, techniquement, exige en réalité que l’on mette fin à l’Euro.
  2. Le fait que tous les pays n’ont pas le même degré d’intégration dans la zone Euro. La France est aujourd’hui l’un des moins intégrés, alors que le taux d’intégration de l’Espagne ou de l’Italie est nettement plus élevé. Dans une dépréciation de l’Euro, la France gagnerait ainsi nettement plus que ses deux voisins du Sud. Soutenir l’idée de la dépréciation de l’Euro par rapport au Dollar, c’est en un sens vouloir la mort des pays du Sud de la zone.

La zone Euro fonctionne comme un système de parités rigides, équivalent du Bloc-or du début des années 1930, et ce sans la possibilité de dévaluer cette parité. Les économistes connaissent bien les inconvénients d’un tel système. Il empêche les ajustements naturels qu’il faut réaliser car les pays ont des trajectoires de gains de productivité et d’inflation qui sont très différentes. Ce système rigide fut l’une des causes de la grande dépression qui suivit la crise de 1929, et ce jusqu’à ce que les pays, les uns après les autres, se mettent à déprécier leurs monnaies, sortant du Bloc-or. L’Allemagne et le Royaume-Uni, en particulier, avaient initialement tenté de mettre en place des politiques de « dévaluations internes » pour maintenir la parité-or de leurs monnaies. Mais la « dévaluation interne » n’est autre que ce que l’on appelait, dans les années 1930, une politique de déflation[40], comme celle qui fut pratiquée par Ramsay Macdonald en Grande-Bretagne, Pierre Laval en France ou le chancelier Heinrich Brünning en Allemagne[41]. Les résultats en furent dramatiques. Compte tenu de la présence de rigidités nominales différentes suivant les prix[42], et du fait que les coûts financiers sont constants en valeur nominale, ces politiques se sont toutestraduites par des désastres sociaux Et économiques. Cette politique est aujourd’hui largement responsable de la hausse du taux de chômage dans les différentes économies du «Sud de la zone Euro. De fait, il n’y a pas d’alternative à ces politiques d’austérité tant que l’on restera dans la zone Euro.

Une sortie de la zone Euro entraînera-t-elle une catastrophe ?

A entendre ceux qui condamnent toute sortie de l’Euro, nous serions menacés d’une terrible catastrophe économique. Ce discours cherche à provoquer une réaction de peur et non une réflexion raisonnée, et raisonnable, sur ce sujet. Que des personnes en soient réduites à ce type d’argument dit bien à quel point on est entré dans le domaine du religieux dès que l’on évoque une sortie de l’Euro. L’un des arguments est qu’une disparition de la monnaie unique entraînant une dépréciation de la monnaie provoquerait une explosion de l’endettement de la France avec des conséquences désastreuses. L’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, s’est illustré en France dans la défense de cet argument qui est l’un des plus mensongers.

Il faut rappeler ici l’état du problème. En droit international ce qui compte n’est pas la nationalité du prêteur mais la nationalité des contrats. Quand une dette, publique ou privée, a été émise en droit français, sa monnaie de règlement est la monnaie ayant cours légal en France, quel que soit cette monnaie (Euro ou Franc, ou Lire, ou Pesetas). Ce principe porte un nom, la Lex Monetae[43]. Pour le cas de la France, la dette publique, les contrats émis en droit français représentent 97% de la dette en 2013. La dette des ménages, elle, est à plus de 98,5% en contrats en droit français. L’endettement des ménages resterait donc inchangé. Pour les entreprises non financières, le problème de la nature du droit ne se pose que pour celles, en général les grands groupes du CAC-40, qui ont emprunté en Dollar, en Livre ou en Yen (voire en Yuan). Mais, ces grands groupes réalisent aussi une large partie de leur chiffre d’affaires hors de France, et dans ces monnaies. La hausse de leur endettement serait couverte par la hausse de leur chiffre d’affaires en monnaie autre que le Franc. Pour les sociétés financières (banques et assurances), une étude de la Banque des règlements internationaux (BRI) de Bâle montre que le système bancaire français peut parfaitement digérer ce choc, dont le montant agrégé ne dépasserait pas les 5 milliards d’Euros. Quant aux assurances, elles ont massivement réorienté leurs actifs vers la France. Si une aide de l’État est nécessaire, elle devrait être limitée.

Une sortie de l’Euro impliquerait un changement global de la politique monétaire et financière de TOUS les états concernés. L’une des caractéristiques les plus importantes de ce changement serait le retour à une situation de réglementations de la finance, ce que l’on appelle la « répression monétaire ». Or, cette dernière eut un impact très positif, que ce soit sur la production ou sur l’investissement, quand elle fut pratiquée après la seconde guerre mondiale[44].

Les avantages d’une dissolution de l’Euro

Les avantages d’une dissolution de l’Euro seraient très importants pour la France comme pour l’Italie, l’Espagne, la Grèce et le Portugal. Cette dissolution, ou une sortie unilatérale provoquant rapidement l’explosion définitive de la zone, rendrait aux différentes monnaies la possibilité de s’ajuster, que ce soit à la baisse ou à la hausse. On sait qu’une dépréciation a des effets positifs sur l’économie, comme le montrent les études réalisées ces dernières années, et en particulier celles Fonds Monétaire International. En particulier, la compétitivité prix reste largement dominante dans le cas des produits fabriqués en France. La France retrouverait donc la compétitivité qu’il a perdue depuis l’engagement dans la logique de l’Euro, c’est à dire depuis en réalité le début des années 1990.

Une dépréciation des monnaies dans les pays en difficultés, combinée avec une réévaluation du Deutsche Mark, entraînerait une forte croissance pendant une période de 3 à 5 ans qui se traduirait par des créations d’emplois importantes. Cette croissance dégagerait les ressources budgétaires et fiscales qui sont nécessaires à la réalisation de véritables réformes structurelles. La forte baisse du chômage entraînerait un équilibre (voire un solde positif) de l’assurance-chômage. En fait, la meilleure des réformes structurelles, que ce soit sur la question de l’assurance-chômage ou sur celle des retraites, c’est bien le retour rapide à une forte croissance et une forte baisse du chômage. Loin de s’opposer, la dépréciation monétaire est le meilleur moyen de réaliser ces réformes structurelles. Les dépréciations monétaires ne s’annuleraient pas les unes par rapport aux autres. Il est certain que le du Deutsche Mark s’apprécierait fortement, par rapport à la Lire italienne à la Pesetas espagnole et au Franc français. Cette situation se révèle favorable tant pour la France que pours les divers pays du « Sud » de la zone Euro. L’excédent commercial « monstrueux » de l’Allemagne, qui détruit les économies européennes, disparaitrait du fait de l’écart entre les taux de change du Franc, de la Lire et de la Pesetas avec le Deutsche Mark. Cet excédent serait pour partie recyclé dans un excédent français et pour partie au profit de l’Italie, de l’Espagne et de la Grèce et du Portugal.. Ceci a été testé[45], et l’on peut montrer que des dépréciations monétaires engendrent une forte croissance non seulement pour la France, mais aussi pour l’ensemble de l’Europe du sud.

La fin de l’Euro est-elle la fin de l’Union européenne ?

Certains, après avoir reconnu et admis que l’Euro était une mauvaise chose pour la France mais aussi pour l’UE, prétendent qu’en sortir entraînerait automatiquement la fin de l’Union européenne. Pourtant, y a des pays, et des pays importants, qui font partie de l’UE et pas de la zone Euro : la Grande-Bretagne (bien que sa sortie soit proche), la Pologne, la Suède. Par ailleurs, l’UE a existé bien avant que ne soit créé l’Euro. Il est donc faux de dire qu’un éclatement de la zone monétaire conduirait à un éclatement automatique de l’UE. C’est l’existence de l’Euro qui compromet aujourd’hui l’UE et qui la rend, dans tous les pays, massivement impopulaire. C’est au nom de l’Euro que l’on a imposé des politiques d’austérités qui sont meurtrières (que l’on pense à la montée des suicides et des pathologies associées) aux pays de l’Europe du sud. C’est l’Euro qui, par ses effets négatifs sur la croissance, fait que, aujourd’hui, l’UE est une zone de stagnation économique tant par rapport à l’Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) que par rapport à la zone Asie-Pacifique. C’est l’Euro, du fait de la crise qu’il provoque à l’intérieur de certains pays, qui menace la stabilité politique et l’intégrité de ces derniers. C’est pourquoi les économistes du European Solidarity Manifesto[46] appellent à mettre fin à l’Euro avant que ce dernier n’ait tué l’Europe.

Il ne faut cependant pas se voiler la face. L’Euro a contaminé l’Union européenne. Il sera inévitable qu’à la suite de la dissolution de l’Euro on remette à plat un certain nombre de problèmes, et d’institution. Mais, l’UE n’est pas l’Europe. L’UE peut disparaître, le besoin d’une coopération entre pays européens se maintiendra.

 

Notes

[1] Bagnai A., « Italy’s decline and the balance-of-payments constrainte : a multicountry analysis » in International Review of Applied Economics, n°20, 2016, pp. 1-26.

[2] IMF, 2016 External Sector Report, 18 juillet 2016, Washington, International Monetary Fund, Washington, D.C.

[3] King, Mervyn A., The End Of Alchemy: Money, Banking And The Future Of The Global Economy, Londres, Little, Brown (à paraître)

[4] Stiglitz Joseph E., The Euro: And its Threat to the Future of Europe, New Yok, Allen Lane, 31 mai 2016, (à paraître)

[5] Coll. L’Euro est-il mort ?, Paris, Editions du Rocher, 2016.

[6] La déclaration se trouve dans le journal Neues Deutschlandhttp://www.neues-deutschland.de/artikel/820333.wirbrauchen-wieder-ein-europaeisches-waehrungssystem.html ainsi que sur le blog d’Oskar Lafontaine : http://www.oskar-lafontaine.de/linkswirkt/details/f/1/t/wir-brauchen-wieder-ein-europaeischeswaehrungssystem/

[7] Fassina S., « For an alliance of national liberation fronts », article publié sur le blog de Yanis Varoufakis par Stefano Fassina, membre du

Parlement (PD), le 27 juillet 2015, http://yanisvaroufakis.eu/2015/07/27/foran-alliance-of-national-liberation-fronts-by-stefano-fassina-mp/

[8] Aris M. et N. M. Healey, « The European Monetary System », in N. M. Healey, The Economics of the New Europe, Londres-New York, Routledge, 1995, p. 45-67

[9] Mundell R., « A theory of optimum currency areas », in The American Economic Review, vol. 51, n°5,‎ 1961, pp. 657-665.

[10] McKinnon R.I., « Optimum Currency Area » in The American Economic Review, Vol. 53, No. 4, 1963, pp. 717-725

[11] Kenen, P.B., “The Theory of Optimum Currency Areas: An Eclectic View, ” in Mundell R.A. et A.K. Swoboda (edits) Monetary Problems of the International Economy, Chicago, Ill., Chicago University Press, 1969.

[12] Rose, A.K., « One money, one market: the effect of common currencies on trade », Economic Policy Vol. 302000, pp.7-45 et Rose, Andrew K., “Currency unions and trade: the effect is large,” Economic Policy, Vol. 33, 2001, 449-461.

[13] Rose, A.K., Wincoop, E. van, « National money as a barrier to international trade: the real case for currency union », American Economic Review, Vol. 91, n°2/2001, pp. 386-390.

[14] De Grauwe, P., Economics of Monetary Union, New York: Oxford University Press, 2003. Frankel, J.A., Rose A.K., « An estimate of the effect of currency unions on trade and output », Quarterly Journal of Economics, Vol. 108, 2002, n°441, pp. 1009-25.

[15] Laurentjoye T., La théorie des zones monétaires optimales à l’épreuve de la crise de la zone euro, Formation « Économie des Institutions », EHESS, Paris, septembre 2013.

[16] Frankel, J.A., Rose A.K., « The endogeneity of the optimum currency area criteria », Economic Journal, Vol.108, 449, 1998, pp.1009-1025. De Grauwe, P. Mongelli, F.P., «Endogeneities of optimum currency areas. What brings countries sharing a single currency closer together? », Working Paper Series, 468, European Central Bank, Francfort, 2005.

[17] Sapir J., Faut-il sortir de l’Euro ?, Le Seuil, Paris, 2012.

[18] Bun, M., Klaasen, F., « The euro effect on trade is not as large as commonly thought», Oxford bulletin of economics and statistics, Vol. 69, 2007, pp. 473-496. Berger, H., Nitsch, V., « Zooming out: the trade effect of the euro in historical perspective », Journal of International money and nance, Vol. 27 (8), 2008, pp. 1244-1260.

[19] Persson T., « Currency Unions and Trade : How Large is the Treatment Effect ? » in Economic Policy, n°33, 2001, pp. 435-448 ; Nitsch V., « Honey, I Shrunk the Currency Union Effect on Trade », World Economy, Vol. 25, n° 4, 2002, pp. 457-474.

[20] Greenaway, D., Kneller, R., « Firm hetrogeneity, exporting and foreign direct investment », Economic Journal, 117, 2007, pp.134-161.

[21] Kelejian, H. & al., « In the neighbourhood : the trade effects of the euro in a spatial framework », Bank of Greece Working Papers, 136, 2011

[22] Du travail initial de A.K. Rose datant de 2000 mais réalisé en fait entre 1997 et 1999 « One money, one market: the effect of common currencies on trade », Economic Policy 30,op.cit., au travail de R. Glick et A.K. Rose, datant de 2002, « Does a Currency Union Affects Trade ? The Time Series Evidence », op. cit..

[23] Bun, M., Klaasen, F., « The euro effect on trade is not as large as commonly thought», Oxford bulletin of economics and statistics, op.cit., estiment l’effet « positif » de l’UEM à 3%, ce qui le met largement dans l’intervalle d’erreurs de ce genre d’estimations.

[24] Artis M. et M. Hoffman, « Declining Home Bias and the Increase in the International Risk Sharing: Lessons from European Integration » , CEPR discussion Papers, 6617, 2007 ; Afonso A. et D. Furceri, « EMU enlargement, stabilization costs and insurance mechanisms », in Journal of International Money and Finance , vol. 27, 2008, pp. 169-187 ;

[25] European Commission, (2007), «Focus: cross-border risk sharing: has it increased in the euro area? », Quaterly report on the euro area, n°3, Bruxelles.

[26] Clévenot M et V. Duwicquet (2011), « Partage du risque interrégional. Une étude des canaux budgétaires et financiers aux États-Unis et en Europe », in Revue de l’OFCE 2011/4 (n° 119), p. 5-33.

[27] Duwicquet V. et J. Mazier, (2011), «Financial integration and macroeconomic adjustment in a Monetary Union », in Journal of Post Keynesian Economics, hiver 2011.

[28] C’est le sens d’une note rédigée par P. Artus, « C’est la compétitivité-coût qui devient la variable essentielle », Flash-Économie, Natixis, n°596, 30 août 2013.

[29] Sapir J., « The Russian Economy: From Rebound to Rebuilding », in Post-Soviet Affairs, vol. 17, n°1, (janvier-mars 2001), pp. 1-22.

[30] Leigh, D, W Lian, M Poplawski-Ribeiro et V Tsyrennikov (2015), “Exchange rates and trade flows: disconnected?”, Chapitre 3 in World Economic Outlook, IMF, Octobre 2015.

[31] Bibow J. et A. Terzi, edits. Euroland and the World Economy, Palgrave MacMillan, New York, 2007.

[32] Voir Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, Michalon, Paris, 2012.

[33] Voir Sapir J., « Le coût du fédéralisme dans la zone Euro », note publiée sur le carnet RussEurope, 10 novembre 2012, http://russeurope.hypotheses.org/453

[34] Patrick Artus, « La solidarité avec les autres pays de la zone euro est-elle incompatible avec la stratégie fondamentale de l’Allemagne : rester compétitive au niveau mondial ? La réponse est oui », NATIXIS, Flash-Économie, n°508, 17 juillet 2012.

[35] Déclaration des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro du 25 mars 2010 (http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/113564.pdf ); Traité instituant le mécanisme européen de stabilité, 11 juillet 2011, http://www.eurozone.europa.eu/media/582863/06-tesm2.fr12.pdf

[36] Voir « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire », http://www.senat.fr/cra/s20121011/s20121011_mono.html

[37] Sapir J., « La zone Euro : du cadre disciplinaire à la ‘démocrannie’ », in Coll., L’Euro est il mort ?, op.cit., pp. 111-124.

[38] On peut consulter l’état de 2014 de cette liste à l’adresse suivante : https://blogs.mediapart.fr/brigitte-pascall/blog/210414/liste-des-economistes-favorables-une-sortie-de-leuro

[39] IMF, 2016 External Sector Report, 18 juillet 2016, op.cit..

[40] Goodhart C. et B. Hofmann (2004), « Deflation, credit and asset prices », In Burdekin R. C. K. & P. L. Siklos, (eds.), Deflation – Current and Historical Perspectives, Cambridge University Press, Cambridge, 2004.

[41] Eschenburg, T. (1972), « The Role of the Personality in the Crisis of the Weimar Republic: Hindenburg, Brüning, Groener, Schleicher », in Holborn H., Republic to Reich The Making of the Nazi Revolution, New York: Pantheon Books, pp. 3–50.

[42] Greenwald B.C. et J.E. Stiglitz, (1989), “Toward a Theory of Rigidities” in American Economic Review, vol. 79, n°2, 1989, Papers and Proceedings, pp. 364-369. J.E. Stiglitz, (1989), “Toward a general Theory of Wage and Price Rigidities and Economic Fluctuations” in American Economic Review, vol. 79, 1989, Papers and Proceedings, pp. 75-80

[43] Garner, B. A. (2001). A Dictionary of Modern Legal Usage, Oxford University Press, p. 526.

[44] Reinhart C. et K. Rogoff, Financial and Sovereign Debt Crises: Some Lessons Learned and Those Forgotten, IMF/FMI Working paper, Washington DC, 2013.

[45] Sapir J., Les scénarii de dissolution de l’Euro, (avec P. Murer et C. Durand), Fondation ResPublica, Paris, septembre 2013.

[46] http://www.european-solidarity.eu/

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 04-11-2016

Source: http://www.les-crises.fr/leuro-contre-leurope-par-jacques-sapir/


La vie de la communauté et la libération d’Alep, par Père Daniel Maes

Monday 16 January 2017 at 02:55

Une lettre d’un religieux en Syrie…

monastere-qara

Mercredi 21 décembre 206

Chers Amis,

La libération d’Alep s’accompagne de tant de souffrances. De plus l’EI, avec l’aide de la coalition internationale dirigée par les USA, a une fois de plus tiré abusivement parti de la “trêve humanitaire” pour attaquer par surprise Palmyre et s’emparer à nouveau de la ville. Il est certain que dans l’avenir proche, l’armée syrienne la reprendra. Hélas, bien qu’il échouera, l’Occident s’acharnera jusqu’au dernier moment à tenter de soumettre la Syrie. Quoi qu’il en soit, la libération d’Alep marque un tournant irréversible en vue de la libération du pays. Peut-être aurons-nous plus tard une vision claire de tout ce qui s’est passé.

Cordialement,
P. Daniel

XI/50
Vendredi 16 décembre 2016

LA VIE DE LA COMMUNAUTE

Plaisirs d’hiver

Nos trois Nigérians trouvent déjà qu’il fait froid quand le mercure descend sous les 10°. Maintenant il gèle, la température est tombée à -10°. Mercredi, un tourbillon de neige est venu couvrir tout le terrain d’un tapis blanc. Ils n’avaient encore jamais vu cela. Ils se précipitèrent dehors, sautant et dansant dans la neige. Leur plaisir n’en finissait pas. Un large sourire aux lèvres, ils sont rentrés tout couverts de neige. Personne ne se plaignait du froid glacial.

Chaque semaine, les frères ont la tâche de jouer un après-midi pendant quelques heures avec les 5 ou 7 enfants. Et ils s’y montrent généralement très créatifs. Mais cette fois, ce ne furent que batailles de neige. Entretemps, 2 frères s’étaient chargés de scier du bois pour le poêle installé dans notre réfectoire. Celui-ci procure instantanément une atmosphère douillette de cocon tout chaud. Car souvent encore, il y a le soir pendant plusieurs heures des coupures d’électricité. Quand bien même un thermostat serait beaucoup plus facile, nous ne pourrions jouir d’un chauffage central. Et d’ailleurs ce n’est pas la vie, ça. La vie est comme un feu de bois qu’il faut toujours entretenir pour qu’il continue à brûler. Au cours de l’été 2013, nous nous étions préparé une belle provision de bois. Les combats ont alors éclaté alentour et dans le monastère. Tous surent très vite où trouver du bois, et au bout de quelques semaines il n’en resta plus. Nous avons essayé de colmater aussi bien que possible les trous dans le grand bâtiment neuf, mais nous constatons à présent qu’il neige à l’intérieur en au moins 10 endroits encore.

L’atelier de couture

Depuis un certain temps déjà, l’une des soeurs se rend chaque jour au village de Qâra, à 3km d’ici. Elle y a monté avec 10 femmes enthousiastes un atelier de couture. Elles confectionnent de petits vêtements d’enfants originaux, qu’elles vendent ensuite à l’étranger. Nous espérons pouvoir un jour en présenter quelques modèles en Belgique.

Une pépinière de champignons

Sous le réfectoire se trouvent plusieurs grottes, qui en 2013 nous servirent d’abris pendant les bombardements. Actuellement, nous y cultivons avec succès des champignons. Cette semaine, lors d’une célébration eucharistique, une caisse remplie de tout beaux champignons fut placée près de l’autel pour que soit béni le fruit de cette première récolte.

DANSES DE JOIE POUR LA LIBERATION D’ALEP

J’avais 7 ans lorsque prit fin la seconde guerre mondiale, et j’ai encore quelques souvenirs du moment du cessez-le-feu. Les gens sortaient dans la rue, s’embrassaient et dansaient. Il y avait aussi de petits tanks (canadiens?), en haut desquels en tapant sur une fine rainure nous faisions tomber les barres de chocolat qui s’y trouvaient disposées. Nous courrions d’un tank à l’autre pour recevoir ainsi chacun une barre de chocolat des soldats.

Ces images me reviennent en entendant et voyant la libération d’Alep. Depuis lundi soir, la population vit là-bas une explosion de joie. C’en est fini pour elle du règne des terroristes, qui font payer très cher la moindre nourriture, torturent les gens, ou séquestrent et abattent ceux qui tentent de fuir via les corridors humanitaires mis en place par la Syrie et la Russie. C’en est fini des massacres et des destructions – pour autant qu’il y restât encore quelque chose à détruire. Le gouverneur d’Alep, Hussein Diab, a quant à lui inauguré ce mercredi un monument en hommage aux deux doctoresses russes lâchement tuées lors de l’attaque du lundi 5 décembre contre leur hôpital mobile qui venait à peine d’être installé. Nous savons désormais aussi que l’information précise concernant cet hôpital fut fournie aux djihadistes par LandCom, le centre de l’OTAN à Izmir (Turquie).

Le message aux pays occidentaux qui continuent de soutenir ces terroristes est clair: vos “bloody games” ici sont terminés! Alors que le peuple syrien éprouve une joie immense, il s’agit pour eux d’une déconvenue cauchemardesque. Que la Syrie soit finalement parvenue avec ses alliés à délivrer la population des griffes des terroristes, cela ne viendra à la bouche d’aucun chef d’Etat occidental. Que la population cherche protection massivement et avec gratitude auprès de l’armée syrienne, les politiciens occidentaux ne veulent pas l’entendre. Alep qui, après Damas puis Homs, devait devenir la capitale de la révolution, en est devenue le cimetière. Quand bien même la ville offre la vision désolante d’une destruction presque totale avec des milliers de morts, cette libération finale apporte de la joie. Et voyez la réaction de l’Occident: un “bourgmestre” d’Alep et le chef du Pentagone Ashton Carter en tournée, la prise de Palmyre par l’EI, le tout couronné par un monceau de mensonges jetés en pâture par les médias pour alimenter la haine et la propagande de guerre.

UN BOURGMESTRE DE PERSONNE ET DE NULLE PART

Avant même la libération finale d’Alep, Brita Hagi Hassan fut reçu avec la plus grande solennité en France, en Suisse et au Canada  en tant que “bourgmestre”. La France et l’Arabie saoudite (les “championnes” de la démocratie, bombardant un peuple qui ne leur a jamais rien fait!) sont les deux seuls pays qui jusqu’aujourd’hui persistent avec entêtement à prôner le départ d’Assad. Ce Brita Hagi Hassan ne parle pas d’Alep-Est comme ayant été occupée par des rebelles, non, il dit qu’Alep-Est avait été déjà en partie “libérée”. Il lance maintenant un appel solennel à la communauté internationale en faveur d’un cessez-le-feu général, d’un gouvernement de transition avec les pleins pouvoirs et de corridors humanitaires, afin qu’un jour Alep tout entière soit “libérée”. Entendez bien: par les terroristes. Il faudrait donc que le calme revienne pour que ceux-ci puissent se regrouper, tandis que l’Occident livrerait de nouveaux effectifs et armements via les corridors humanitaires qui permettraient de réapprovisionner les terroristes en toute sécurité. L’ONU, John Kerry et la communauté internationale devraient lancer au monde des appels pathétiques pour empêcher soit-disant la destruction totale d’Alep (comprenez: par l’armée syrienne et les Russes). Et  voilà Brita Hagi Hassan  invité le plus naturellement du monde par D. Tusk, président du Conseil européen, à venir y servir sa propagande. Qui est cet homme? Il serait un “haut représentant” de l’opposition syrienne – qui du reste n’a été choisi ni voulu par personne au sein de la population -, soudain sorti tel un lapin du chapeau des magiciens de la scène mondiale pour détourner l’attention de la véritable libération d’Alep et faire en sorte que la guerre se poursuive. Et l’on comprend ainsi pourquoi nos médias, eux non plus, ne parlent pas de la « libération » mais  du « siège » d’Alep, ce qui est une façon claire de signifier de quel bord ils sont !

L’EI CONQUIERT A NOUVEAU PALMYRE

En mai 2015, l’EI prit Palmyre et détruisit plusieurs joyaux du patrimoine mondial tels que la Nécropole, l’Arc de Triomphe ainsi que les temples de Baal Shamin et Bel. Le but étant d’anéantir l’identité d’un peuple. L’armée syrienne, avec l’aide des Russes, a libéré Palmyre en mars 2016. En mai, le Russe Valery Gergiev y dirigea un concert inoubliable. Lundi dernier, plus de 4.000 djihadistes ont repris Palmyre à la suite d’une attaque surprise, pendant que l’Armée syrienne était entièrement mobilisée par la libération d’Alep. Les Syriens ont peut-être manqué de vigilance ou commis des erreurs tactiques, ou peut-être ont-ils trop peu tenu compte du fait que chaque « trêve humanitaire » est utilisée par les terroristes pour commettre de nouvelles attaques. Selon Sabbah Zanganeh, analyste politique auprès de l’Organisation de la coopération islamique, il est impossible qu’autant de terroristes se soient rassemblés de Mossoul, d’Alep et d’ailleurs sans la collaboration de la Turquie, de l’Arabie Saoudite, du Qatar et des USA, de même que sans les directives explicites des USA. Quoi qu’il en soit, depuis le début la coalition internationale sous la conduite des USA fait en sorte que l’EI ne soit pas combattu mais piloté d’un endroit à l’autre. 80 % de la population de Palmyre ont pu être évacués à temps. En même temps qu’un bon coup de propagande pour le compte de l’EI, l’Occident offre donc à celui-ci son soutien moral. Affaiblissant constamment la Syrie, tout en agressant la Russie. Il ne fait aucun doute que la Syrie va reconquérir Palmyre, mais entretemps toutefois la guerre et la misère se prolongent. Il n’est pas anodin que le chef du Pentagone, Ashton Carter, ait entrepris son tour du monde juste à ce moment-là, peu avant la présidence de Trump et à l’instant où Obama levait les limitations de livraison d’armes aux « rebelles » soutenus en Syrie par les USA. Carter s’est rendu entre autres au Japon, qui chaque année entretient pour 1,6 milliard de dollars les 50.000 militaires américains stationnés sur son territoire; ensuite en Inde (pour affaiblir les BRICS ?), puis au Bahrein qui prend soin de 58.000 soldats américains, dont 5.000 pour l’Irak et la Syrie. Chemin faisant, il attaqua durement la Russie qui selon lui ne combat absolument pas l’EI, tandis que les USA le font visiblement !? Et le 11 décembre il se trouvait « par hasard » en Irak, alors que l’EI quittait Mossoul pour Palmyre.

UN INEPUISABLE FLOT DE MENSONGES

Tous les médias occidentaux font de leur mieux pour se surpasser les uns les autres dans la production de mensonges sur Alep, suivant le principe: « mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ». Et l’on prétend, sur base de rumeurs ou d’après l’Observatoire Syrien pour les Droits de l’Homme, que les troupes gouvernementales auraient pénétré dans les maisons des citoyens pour les tuer de sang-froid. Bien qu’aucune confirmation n’ait pu le certifier, des civils innocents, dont des femmes et des enfants, auraient été massacrés. Ainsi veulent le voir les médias occidentaux pour justifier la poursuite de la destruction de ce pays. D’Alep où il vit, le Dr. Nabil Antaki nous livre son analyse: « Où est la vérité ? Certainement pas chez les journalistes et les médias, mais bien chez les gens qui vivent sur place ». Si vous avez suffisamment de patience et de temps, vous pouvez lire en détails comment travaille en réalité la machine à mensonges française: Mouna Alno-Nakal, Alep ou la conscience humanitaire exploitée à des fins militaires. Le Père jésuite Zihad Hilal se plaint également de mensonges qui n’ont pour but que d’attiser la haine, alors que c’est avant tout de réconciliation que l’on a besoin maintenant. Oui, notre VRT y va de sa propre inventivité et parle de crimes de « groupes rebelles pro régime ». Est-il donc concevable que ce soient de loyaux citoyens qui massacrent le pays ? Pour se donner raison, elle affirme en outre que l’Armée s’est divisée en différents groupes combattants. Alors que l’unité et la détermination de l’Armée, soutenue par la population, constituent précisément la force de la Syrie. Et la VRT d’ajouter encore que la révolte est née en Syrie d’une population pacifique qui revendiquait uniquement la liberté, négligeant le fait que le groupe Ahrar al-Sham fut fondé pour susciter par la violence le « printemps syrien ».

La libération d’Alep donnera sans doute encore lieu à des meurtres et à des destructions. Les terroristes ont ainsi tenté de détruire leurs dépôts et leurs provisions pour brouiller les traces de leurs maîtres. Ce sont en définitive les grands pôles médiatiques qui alimentent le flot de mensonges auxquels viennent s’accrocher maintes affabulations. Eva Barlett, une journaliste canadienne freelance, prenait part vendredi dernier à une conférence de presse de l’ONU. Il lui a suffi de 2 minutes pour remettre à leur place tous les médias officiels. Ayant qualifié de non fiables l’Observatoire Syrien pour les Droits de l’Homme et les Casques Blancs, elle demande: « Comment pouvez-vous maintenir que l’Armée syrienne attaque des civils et des hôpitaux à Alep, alors que chaque personne sortant libre des territoires occupés par les terroristes raconte le contraire ? »

Personne ne put lui répondre.

AUTODEFENSE… “POUR UNE FOIS”

Merci pour les encouragements que je reçois régulièrement de personnes conscientes du fait que lutter pour la vérité est un combat pour la vie et le maintien non seulement des Chrétiens, mais des peuples du Moyen-Orient. Cette semaine, par ailleurs, j’ai reçu une réaction inhabituellement forte. Parce qu’il y a peut-être encore des personnes aux prises avec de tels sentiments, j’ai tenu à reproduire ici ma réponse.

« Merci de tout cœur de prier pour moi. Je peux tout à fait comprendre votre réaction très violente à mes courriers. Ceux-ci sont à l’exact opposé des informations que vous pouvez lire dans les médias et découvrir aux journaux télévisés. Il y a 5 ans, je recevais parfois aussi de telles réactions. Depuis, la plupart de mes lecteurs ont compris qu’en Occident toute l’information sur la Syrie ne constitue qu’un seul et vaste mensonge, une énorme manipulation pour continuer à faire tourner l’industrie de l’armement et la machine de guerre, et offrir aux Pouvoirs la chance de contrôler la Syrie et le Moyen-Orient en mettant le grappin sur les richesses du sous-sol. C’est dommage que vous n’ayez pas encore réalisé cela, bien que je l’aie déjà souvent montré. Vous trouverez dans mes courriers toutes les réponses à vos imputations. Je souhaite relever ici pour vous aider un seul point. Vous m’écrivez à vrai dire au départ d’un lieu sécurisé et confortable, alors que depuis 6 ans déjà je me trouve ici au cœur de la guerre, ce qui fait toute la différence entre un doux fantasme et une dure réalité. Le Président syrien, dites-vous, est un criminel de masse, qui martyrise à mort son propre peuple, largue sur lui des barils d’explosifs, bombarde les hôpitaux avec l’Armée syrienne et les Russes, etc. En partant de la réalité, je vais vous poser quelques questions qui peuvent vous amener sur la bonne piste. Bachar al-Assad était un tranquille ophtalmologue à Londres, jusqu’à ce que son frère décède dans un accident de voiture et qu’il doive reprendre la présidence syrienne. Personne ne le connaissait. Il veilla entre autres à développer des universités et des hôpitaux libres (même moi aujourd’hui, bien qu’appartenant à une communauté religieuse en Syrie, j’ai accès aux infrastructures gouvernementales – pour autant qu’elles soient toujours en état !). Dans cette guerre atroce, il veille à ce que le prix du pain reste très bas. Comment se fait-il qu’une telle personne puisse soudain apparaître comme l’assassin de son peuple ? Et comment se fait-il que les Syriens eux-mêmes n’en savent rien ? Presque chaque famille déplore un ou plusieurs morts en raison de cette horrible guerre. Se pourrait-il vraiment qu’elles ne sachent pas par qui et pour quoi leurs enfants furent tués ? Pensez-vous sérieusement qu’elles doivent recevoir l’information sur ce qu’il se passe ici de l’Observatoire Syrien pour les Droits de l’Hommebasé à Londres, fonctionnant à partir d’une seule personne s’appuyant sur les terroristes ? Je pense que plus de 100.000 soldats ont été tués. A deux reprises, j’ai assisté à une célébration du peuple en hommage à ses « martyrs ». Dans de tels moments, ressentant la peine profonde de l’assemblée, vous percevez toute la fierté et l’héroïsme d’un peuple, l’unité et le sacrifice de l’Armée syrienne (tellement sous-payée en comparaison des terroristes !).

Comment expliquer que le peuple, à une immense majorité, ait récemment choisi Bachar al-Assad comme président ? Les Syriens réfugiés à l’étranger l’ont élu massivement aussi, du moins dans les pays où ils purent voter (un droit démocratique que le « régime » belge n’accorda pas !). Connaissez-vous un chef d’état occidental qui soit porté par d’aussi larges franges de la population ? Je n’ai encore jamais vu non plus un chef d’état occidental accueilli si chaleureusement lors d’une visite après un attentat. De vieilles dames l’étreignent avec enthousiasme. Pas un seul militaire proche de lui pour le protéger (au-delà oui, bien sûr). Dites-vous bien d’autre part qu’il n’existe pas de gouvernements, ni de chefs d’état parfaits.

Comment comprendre qu’ici en Syrie s’affichent surtout les photos de deux personnes ? Vous voyez sur drapeaux et maisons Bachar al-Assad et Poutine, honorés comme les protecteurs et les sauveurs du peuple !

Comment expliquer qu’il y ait en Syrie une telle unité entre la population, l’armée, le gouvernement et le Président ? C’est ce qui fait d’ailleurs que le pays puisse résister à cette moitié du monde qui vient ici le bombarder illégalement. Comment expliquer enfin qu’une armée qui se compose de plus de 70 % de sunnites soutienne à ce point son Président, qui n’est de fait qu’un alaouite ? Comment un homme qui serait un affreux dictateur envers son peuple pourrait-il, dans un pays complètement envahi de terroristes, rester plus de deux semaines en vie ? Si la moindre chose de ce que vous écrivez était vraie, tout ceci serait simplement impossible. Je préférerais que nous puissions un jour échanger nos idées autour d’une bonne tasse de café, mais cela n’est hélas pas (encore) possible. En attendant, je vous demande de réfléchir sérieusement et de prendre du recul face au lavage de cerveau que l’Occident exerce sur vous quotidiennement. De sorte que vous puissiez arrêter de soutenir les massacres et les destructions de la terre et du peuple syriens par l’Occident. Sachez que vous aussi en tant que Chrétien avez une responsabilité. Vous ne pouvez pas continuer à hurler dans le bois avec les loups. Vous avez le devoir de servir la vérité et de vous tenir aux côtés des victimes innocentes, comme nous essayons ici de le faire. Car ce sont finalement les mensonges qui font durer le calvaire tragique du peuple syrien. Si vous posiez la question aujourd’hui aux milliers de civils sauvés à Alep, ils vous diraient exactement le contraire de tout ce que vous avez jusqu’ici lu et entendu. Le choix vous incombe. Selon ce que vous penserez et direz, soit vous continuerez à soutenir les criminels, soit vous rallierez résolument le camp des victimes innocentes et serez alors traité par les « politiquement corrects » de la même manière que je le suis par vous aujourd’hui.

Ceci encore pour conclure. Ce lundi 12 décembre 2016, le Pape François a écrit une lettre de sympathie et de soutien au Président Bachar al-Assad. Laquelle lui fut remise par le Nonce Apostolique Mario Zenari, devenu cardinal entretemps. Avez-vous connaissance qu’un pape ait jamais envoyé à Staline ou Hitler pareil témoignage ?

Merci de vos prières pour moi et pour nous. Moi aussi je veux vous inclure avec les vôtres dans ma prière.

Cordialement.

  1. Daniel”

Lettre (16 décembre) du Père Daniel Maes, du monastère Saint Jacques le Mutilé, à Qâra.

Source: http://www.les-crises.fr/la-vie-de-la-communaute-et-la-liberation-dalep-par-pere-daniel-maes/


[2e couche de l’Obs] Rapport accablant : Donald Trump peut-il être destitué ? Par Sarah Diffalah

Monday 16 January 2017 at 01:43

2e couche de l’Obs sur Trump – toujours sans la moindre preuve valable…

On passe donc à la légitimation de la destitution…

Source : Le Nouvel Obs, Sarah Diffalah, 13-01-2016

Donald Trump, le 9 janvier à la Trump Tower. (TIMOTHY A. CLARY/AFP)

Donald Trump, le 9 janvier à la Trump Tower. (TIMOTHY A. CLARY/AFP)

Aux Etats-Unis, le président n’est pas protégé par l’immunité et une destitution est envisageable à tout moment.

Dans une semaine, Donald Trump va devenir le 45e président des Etats-Unis. Et déjà, bookmakers et observateurs parient sur une éventuelle destitution.

Du solide, donc…

Jeudi 12 janvier, au lendemain de la publication du rapport controversé sur Donald Trump et de la conférence de pressede ce dernier, le site de paris en ligne britannique Ladbrokes donnait le milliardaire destitué ou démissionnaire avant la fin de son premier mandat avec une cote de 11/10, soit environ une chance sur deux qu’il quitte le bureau ovale avant 2020.

L’historien Allan Lichtman, un des rares à avoir prédit la victoire de Donald Trump –et qui ne s’est jamais trompé depuis 1984-, a lui aussi parié que le futur président ne finirait pas son mandat. Au “Washington Post”, en novembre, il expliquait :

“Je suis assez certain que Trump donnera des motifs pour lancer sa destitution, soit en faisant quelque chose qui met en danger la sécurité nationale, soit parce que cela va l’avantager financièrement.”

Contrairement à ses précédentes prévisions, cette hypothèse n’était pas basée sur la méthode qu’il a mise en place pour prédire les résultats des élections, mais sur son intuition.

“Les républicains ne veulent pas de Donald Trump comme président, car ils ne peuvent pas le contrôler. Il est imprévisible.”

Selon lui, ils préféreraient tout faire pour avoir le vice-président Mike Pence, plus “lisse” et plus “contrôlable”. En cas de destitution, c’est en effet le vice-président qui ferait l’intérim.

La question d’une destitution plane de manière plus vive dans les esprits depuis que des suspicions se sont accumulées ces derniers mois sur les liens qu’ont pu entretenir les soutiens de Donald Trump et la Russie après le piratage des données du parti démocrate lors de l’élection présidentielle.

Mis à part les agitations médiatiques, on n’a rien aucune preuve indiscutable – mais qu’importe, puisqu’on vit une époque de rumeurs…

Trahison, corruption, crimes et délits majeurs

Aux Etats-Unis, le président n’est pas protégé par l’immunité et une destitution est envisageable à tout moment. La section 4 de l’article II de la Constitution américaine de 1787 prévoit et précise les motifs qui peuvent entraîner une procédure de destitution : “Le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des Etats-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation [appelée impeachment, NDLR] et condamnation pour trahison, corruption, ou autre crimes et délits majeurs”.

La Chambre des représentants à la majorité doit enclencher la procédure pour “mettre en accusation” et “instruire” le dossier. Ensuite, le Sénat juge. Il faut que les deux tiers des sénateurs votent en faveur de la destitution pour que la procédure aille à son terme. Si le rôle du Congrès est clair, les motifs de mise en accusation le sont beaucoup moins puisqu’il faut, hormis les cas de trahison et de corruption, interpréter la notion vague et non-définie de “autres crimes et délits”, explique Anne Deysine, spécialiste des institutions américaines dans un document d’étude de la Documentation française.

Dans l’histoire américaine, une vingtaine de juges ont été mis en accusation, dont certains condamnés. Mais on ne compte que deux cas d’impeachment (conclu par deux acquittements) de présidents : Andrew Johnson en 1868 en raison d’un conflit politique et Bill Clinton en 1998 pour parjure et abus de pouvoir après avoir menti sous serment. Richard Nixon, lui, démissionna en août 1974 à la suite du scandale du Watergate, peu avant le déclenchement officielle de la procédure.

La Russie, point chaud

Pour que cette action puisse être intentée contre Donald Trump, un motif recevable doit donc être présenté. A l’heure actuelle, le seul dossier sensible évoqué concerne de possibles contacts entre des proches du futur président et des agents russes.

Oulà, des “contacts” – du très lourd, donc…

Selon le rapport, dont on ne connaît pas précisément l’origine et dont le contenu n’a pas été vérifié mais qui a été communiqué par le renseignement américain à Donald Trump et Barack Obama, l’avocat de Donald Trump, Michael Cohen, aurait rencontré un envoyé du pouvoir russe à Prague à la fin de l’été 2016. Toujours selon ce rapport, le Kremlin aurait “alimenté l’équipe de Trump de renseignements sur ses opposants, notamment la candidate démocrate à la présidentielle américaine Hillary Clinton.”

Du très très solide…

Une ancienne conseillère juridique de la NSA, Susan Hennessey, a souligné à Forbes que “ces allégations devaient être prises au sérieux”. Michael Cohen a démenti sur Twitter l’information, affirmant n’être jamais allé de sa vie à Prague, ce que semble confirmer des informations de presse.

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Ah le type à la preuve que c’est faux  – qu’importe, on sort un article !

Donald Trump a assuré n’avoir “aucune affaire avec la Russie”. Quant aux renseignements américains, ils ont déclaré “n’avoir aucun jugement quant à la fiabilité des informations contenues” dans le document et ne corrobore pas la version donnée par l’auteur du rapport. Ils estiment cependant que certains aspects sont crédibles sans que l’on sache lesquelles.

Des républicains prudents

Ces allégations viennent s’ajouter aux soupçons de collusions entre des proches du milliardaire et la Russie. Peu après l’élection de Donald Trump en novembre, le vice-ministre russe des Affaires étrangères a déclaré qu’il y avait eu des contacts pendant la campagne entre l’entourage de Donald Trump et des représentants russes, hérités de relations antérieures.

Par ailleurs, il est désormais établi par le renseignement américain que la Russie a fait preuve d’ingérence lors des élections américaines, notamment en piratant les messageries de responsables du parti démocrate. Ce que Donald Trump a d’ailleurs reconnu lors de sa conférence de presse.

Ah si c’est un fait… Trump ne l’a pas reconnu aussi clairement semble-t-il…

Si des preuves de connivence entre l’ancien candidat et le pouvoir russe étaient révélées, cela pourrait donner lieu à une procédure de destitution.

Ah si c’est de la “connivence”… La peine de mort au moins, non ?

Mais on en est encore loin. La procédure est complexe et longue. Les républicains auront-ils envie de provoquer un chaos institutionnel alors qu’ils disposent de tous les pouvoirs ? Pour l’heure, le parti républicain, qui n’a pas toujours été tendre avec son candidat, s’est couché devant le président-élu et ne semble pas avoir l’intention de s’engager dans cette voie.

Plaider l’incapacité

Quant à savoir si d’éventuels conflits d’intérêts entre sa fonction et ses désormais anciennes activités dans l’entreprise familiale pourraient lui nuire, difficile de le savoir : la Trump Organization, dont il a confié les rênes à ses fils le temps de son travail à la Maison Blanche, n’est pas côtée en Bourse et reste opaque.

Un journaliste du “Washington Post”  propose une autre option : en vertu du 25e amendement, le vice-président, et “une majorité de fonctionnaires des départements exécutifs” peuvent déposer une déclaration écrite aux présidents des deux Chambres les avisant que le président est dans l’incapacité d’exercer son travail. Le président, alors, peut contester cette incapacité. Ce serait alors au Congrès de trancher.

Il y a l’assassinat aussi…

Sarah Diffalah

Source : Le Nouvel Obs, Sarah Diffalah, 13-01-2016

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Voici la déclaration officielle des agences de renseignement :

DNI Clapper Statement on Conversation with President-elect Trump

Source : DNI.gov, James R. Clapper, Director of National Intelligence, 11-01-2017

DNI Clapper Statement on Conversation with President-elect Trump

Wednesday, January 11, 2017
DIRECTOR OF NATIONAL INTELLIGENCE
WASHINGTON, DC  20511

This evening, I had the opportunity to speak with President-elect Donald Trump to discuss recent media reports about our briefing last Friday. I expressed my profound dismay at the leaks that have been appearing in the press, and we both agreed that they are extremely corrosive and damaging to our national security.

We also discussed the private security company document, which was widely circulated in recent months among the media, members of Congress and Congressional staff even before the IC became aware of it. I emphasized that this document is not a U.S. Intelligence Community product and that I do not believe the leaks came from within the IC. The IC has not made any judgment that the information in this document is reliable, and we did not rely upon it in any way for our conclusions. However, part of our obligation is to ensure that policymakers are provided with the fullest possible picture of any matters that might affect national security.

President-elect Trump again affirmed his appreciation for all the men and women serving in the Intelligence Community, and I assured him that the IC stands ready to serve his Administration and the American people.

James R. Clapper, Director of National Intelligence

SourceDNI.gov, James R. Clapper, Director of National Intelligence, 11-01-2017

accablant

clapper

Source: http://www.les-crises.fr/2e-couche-de-lobs-rapport-accablant-donald-trump-peut-il-etre-destitue-par-sarah-diffalah/


Les documents secrets du FMI sur la Grèce, par CADTM

Monday 16 January 2017 at 00:50

Source : Le blog Mediapart, 13-01-2017

Nous mettons à la disposition du public francophone des documents tenus secrets par le FMI. Il s’agit de documents authentiques qui ont été mis à la disposition de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque par Zoe Konstantopoulou, présidente du Parlement grec du 6 février au 3 octobre 2015. Le contenu de ces 2 documents qui datent de mars et de mai 2010 est accablant pour le FMI.

Le compte-rendu officiel de la réunion du 9 mai 2010 au cours de laquelle la direction du FMI approuvé un crédit de 30 milliards € à la Grèce montre très clairement qu’un nombre élevé de membres de la direction ont exprimé de très fortes critiques à l’égard du programme que l’institution s’apprêtait à mettre en œuvre. Certains d’entre eux ont dénoncé le fait que le programme visait à sauver les banques privées européennes qui étaient créancières de la dette publique et privée grecque, principalement quelques grandes banques françaises et allemandes. Plusieurs d’entre eux ont dénoncé une politique qui reproduisait ce qui avait conduit à la crise argentine de 2001 et à la crise asiatique de 1996-1997 (voir encadré avec la citation du directeur exécutif argentin). Plusieurs dirigeants ont dénoncé le fait que le noyau dirigeant du FMI avait modifié à l’insu des autres membres du conseil d’administration une des règles fondamentales qui conditionnent les crédits alloués par le FMI à ses membres. En effet, pour qu’un crédit puisse être octroyé par le FMI, il faut démontrer que ce crédit et le programme qui l’accompagne rendront soutenable le remboursement de la dette. Vu que cette condition ne pouvait pas être satisfaite dans le cas de la Grèce étant donné que la direction du FMI et les autorités européennes refusaient de réduire la dette grecque et d’y faire participer les banques privées, la condition mentionnée plus haut a été supprimée en catimini. Elle a été remplacée par un nouveau critère : la nécessité d’éviter un risque élevé de déstabilisation financière systémique internationale.

La direction du FMI a justifié par l’urgence ce changement de critère non respectueux des règles de fonctionnement. Afin de convaincre ceux des dirigeants du FMI qui émettaient de très fortes réserves, les dirigeants français, allemand et hollandais ont menti en assurant que les banques de leur pays ne se débarrasseraient pas des titres grecs. Selon eux, les banques françaises, allemandes et hollandaises allaient conserver les titres grecs en leur possession afin de permettre la réussite du programme qui allait commencer. Or il est prouvé que les banques françaises, allemandes et hollandaises ont vendu massivement les titres qu’elles détenaient sur le marché secondaire en provoquant une aggravation de la crise grecque et en reportant sur le dos des contribuables européens, et en premier lieu sur le peuple de la Grèce, les risques qu’elles avaient pris et la crise qu’elles avaient très largement contribué à provoquer. Toujours pour lever les réticences de certains membres de la direction du FMI, les responsables du FMI en charge des relations avec la Grèce ont affirmé que des mesures sociales seraient prises pour éviter que les bas salaires et les petits retraités soient touchés par les mesures d’austérité. Ils ont menti. Pour emporter également l’accord des membres de la direction du FMI, ils ont affirmé que les banques grecques étaient saines et que leurs problèmes provenaient uniquement des risques que faisaient porter sur elles le poids d’une dette publique trop importante et d’un déficit public abyssal. C’était faux : les banques grecques se trouvaient dans un état désastreux. Toujours pour convaincre ceux des dirigeants qui doutaient, on leur a déclaré que le plan serait soumis pour approbation au Parlement grec. Or, en réalité, le programme a été imposé à la hussarde au parlement, sans possibilité d’amendement et en bafouant la constitution grecque, comme l’ont dénoncé à l’époque de nombreux juristes.

Pour convaincre les membres de la direction du FMI qui souhaitaient qu’on demande aux banques de participer « collectivement » à l’effort en acceptant une réduction de leurs créances, les responsables du dossier grec ont affirmé que les autorités grecques ne voulaient pas d’une réduction de la dette publique. Et le représentant grec, Panagiotis Rouméliotis, a confirmé cette version des faits. Plus tard, ce même représentant a affirmé que c’est sous la pression du président de la Banque centrale européenne (BCE) que la Grèce a déclaré qu’elle ne souhaitait pas une réduction de sa dette. Selon le représentant de la Grèce au FMI, Jean-Claude Trichet aurait menacé la Grèce de couper l’accès des banques grecques aux liquidités de la BCE. Il est certain que Jean-Claude Trichet a utilisé cette menace dans les mois au cours desquels le mémorandum a été négocié. Il est également avéré qu’il a utilisé la même menace à l’égard de l’Irlande quelques mois plus tard lors de la mise au point du mémorandum concernant ce pays. Il est également certain que les banquiers grecs, tout comme les banquiers français, allemands ou hollandais ne voulaient pas entendre parler d’une réduction de la dette grecque car ils n’acceptaient pas d’être mis à contribution pour assurer leur propre sauvetage. Les banquiers ont obtenu deux ans de répit afin de pouvoir se dégager et obtenir des compensations importantes.

Le FMI affirme très clairement que, vu l’appartenance de la Grèce à la zone euro, il lui est impossible de retrouver de la compétitivité en dévaluant sa monnaie. Du coup, le FMI considère qu’il faut dévaluer les salaires et les allocations sociales : c’est ce qu’on appelle la dévaluation interne. Elle fait des ravages en Grèce et dans d’autres pays périphériques au sein de la zone euro. Le contenu de ces documents secrets conforte le jugement porté par la Commission pour la vérité sur la dette : les dettes réclamées par le FMI à la Grèce sont illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables (voir le chapitre 8 du rapport de la commission)

En premier lieu, nous proposons à la lecture le compte-rendu de la réunion du conseil d’administration du FMI du 9 mai 2010 car il met en évidence les divergences internes et n’est pas rédigé dans la langue de bois habituelle du FMI. Ce compte-rendu officiel sort tout à fait de l’ordinaire. Il est certain qu’il n’a pas été apprécié par les principaux dirigeants de cette institution despotique et mortifère. À vous de lire et de vous faire une opinion.


 

10 mai 2010

STRICTEMENT CONFIDENTIEL

Sujet : Réunion du Conseil d’administration à propos de la demande d’un Accord de confirmation (Stand-By Arrangement, SBA) pour la Grèce – 9 mai 2010

Le Conseil d’administration a adopté à l’unanimité la demande formulée par la Grèce afin d’obtenir un Stand-By Arrangement (SBA) sur trois ans pour un total de 30 milliards d’euros (26,4 milliards DTS), soit 32 fois le quota grec, le plus important programme adopté par le Fonds à ce jour. Les partenaires de la zone euro participeront à une aide financière bilatérale à hauteur de 80 milliards d’euros. Le montant total de 110 milliards d’euros couvrira le manque attendu de financements publics durant la période d’application du programme. Pour chaque paiement qui aura lieu durant la période d’application du programme, la Grèce s’est engagée à utiliser les ressources du FMI et de la Commission européenne (CE) dans un ratio constant de 3 pour 8.

Les principaux objectifs du programme sont : (i) de réduire le déficit budgétaire en-dessous de 3 % du PIB d’ici à 2014, le ratio dette/PIB devant commencer à se stabiliser à partir de 2013, puis décliner progressivement ; (ii) de sauvegarder la stabilité du système financier à travers l’établissement d’un Fonds de stabilité financière (FSF) entièrement indépendant qui soutiendra les banques si nécessaire |2| ; et (iii) de restaurer la compétitivité de l’économie grecque à travers des réformes structurelles complètes.

En plus des mesures budgétaires déjà adoptées par les autorités au début de l’année 2010 (totalisant 5 % du PIB), le programme envisage un ajustement budgétaire de départ de 11 % du PIB entre 2010 et 2013. Toutes les mesures ont été identifiées, les principales étant : (i) une augmentation des recettes fiscales à hauteur de 4% du PIB, principalement par une TVA plus élevée ; (ii) une réduction significative des dépenses à hauteur de 5,2 % du PIB, principalement à travers l’abolition des 13e et 14e mois de salaire pour les fonctionnaires ainsi que des 13e et 14e mois de pension, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, à l’exception de ceux qui ont de bas salaires ou de basses pensions ; et (iii) des mesures budgétaires structurelles à hauteur de 1,8 % du PIB.

Tout en soutenant le programme, plusieurs directeurs exécutifs non-européens ont soulevé de nombreuses critiques.
1. Une demande d’aide du Fonds arrivée trop tard

Selon certains directeurs exécutifs (Australie, Canada, Chine, Russie, Suisse), le caractère tardif de la demande d’aide révélait des défauts dans l’architecture de la zone euro, y compris dans sa stratégie de communication (portant plutôt à confusion), qui semblait « parcellaire » selon le directeur étatsunien. Le directeur exécutif allemand a clarifié le fait qu’en l’absence d’une disposition appropriée dans le Traité de Maastricht, l’Union européenne avait dû rapidement concevoir un mécanisme d’assistance financière, désormais entièrement opérationnel. Il a été largement remarqué que six directeurs exécutifs européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Pays-Bas et Danemark) avaient publié un communiqué commun soutenant l’accord du SBA à la Grèce.
2. Des hypothèses de croissance optimistes

Les directeurs exécutifs chinois et suisse ont mis l’accent sur le fait que la croissance déterminerait à terme la capacité de la Grèce à se débarrasser du fardeau de sa dette. Un seul écart au scénario de référence du programme suffirait à faire dérailler l’objectif de consolidation budgétaire, mettant en danger la soutenabilité de la dette. Le staff du FMI a répondu en mentionnant qu’il pouvait à l’inverse y avoir des risques à la hausse, en raison des incertitudes sur l’ampleur de l’économie informelle.
3. Risques liés au programme

En raison de l’ajustement budgétaire à deux chiffres face auquel se retrouve la Grèce, certains directeurs exécutifs (Argentine, Australie, Canada, Brésil et Russie) ont souligné les risques « immenses » que comporte le programme (ainsi que le risque de réputation qui s’en suivrait pour le Fonds). Certains ont comparé la situation grecque à celle de l’Argentine avant la crise de la fin 2001.

1er commentaire réalisé par le CADTM et inséré dans le texte du FMI afin de le rendre plus compréhensible.

Pablo Pereira, le représentant argentin, critique sans ambages l’orientation passée et présente du FMI : « Les dures leçons de nos propres crises passées sont difficiles à oublier. En 2001, des politiques similaires ont été proposées par le Fonds en Argentine. Ses conséquences catastrophiques sont bien connues (…) Il y a une réalité qui ne fait aucun doute et qui ne peut être contestée : une dette qui ne peut pas être payée ne sera pas payée sans une croissance soutenue (…) Nous savons trop bien quelles sont les effets des « réformes structurelles » ou des politiques d’ajustement qui finissent par déprimer la demande globale et, par conséquent, les perspectives de reprise économique (…) Il est très probable que la Grèce finisse plus mal en point après la mise en œuvre de ce programme. Les mesures d’ajustement recommandées par le Fonds vont réduire le bien-être de sa population et la capacité réelle de remboursement de la Grèce ». |3|

D’un autre côté, le directeur exécutif russe a fait remarquer que, par le passé, d’autres programmes du Fonds (par exemple au Brésil et en Turquie) que l’on estimait particulièrement risqués se sont finalement révélés être des succès.
Le staff du FMI a lui-même reconnu les risques exceptionnellement élevés du programme, notamment dans leur évaluation de la soutenabilité de la dette à propos de laquelle ils déclarent : « dans l’ensemble, le staff considère que la dette est soutenable sur le moyen terme, mais des incertitudes de taille sur ce sujet rendent difficile toute affirmation catégorique qui dirait qu’il y a une forte probabilité que la dette soit soutenable ».

Le staff du FMI a souligné que la crédibilité du programme repose en partie sur le fait qu’il permet à la Grèce de ne pas devoir retourner sur les marchés financiers avant longtemps (un à deux ans). La mise en place effective du programme conduirait à des excédents budgétaires considérables dont on estime qu’ils rassureront les marchés malgré le niveau élevé de la dette publique.

Le staff du FMI admet que le programme ne fonctionnera pas sans la mise en œuvre de réformes structurelles. À cet égard, les autorités auront pour plus grand défi de vaincre l’opposition féroce des intérêts particuliers. Le directeur exécutif australien a mis l’accent sur le fait qu’il existe un risque à répéter les erreurs commises durant la crise asiatique, en ce qui concerne le fait d’imposer trop de conditionnalité structurelle. Alors que la conditionnalité structurelle du Fonds est vitale au niveau « macro », celle imposée par la Commission européenne ressemble à une « liste de courses » (« shopping list ») – un inventaire à la Prévert ou un catalogue des Trois Suisses.

Le staff du FMI reconnait que le programme mettra certainement la société grecque au défi. Le staff du FMI a rencontré les principaux partis d’oppositions, organisations non-gouvernementales et syndicats. Selon le staff du FMI, la « chose frappante » est que le secteur privé soutient entièrement le programme, vu comme l’instrument qui permettra de mettre fin à de nombreux privilèges du secteur public.

Extrait du document - page 3 - version annotée

Extrait du document – page 3 – version annotée

Extrait du document – page 3 – version annotée
4. Restructuration de la dette.

Plusieurs directeurs exécutifs (Argentine, Brésil, Inde, Russie et Suisse) ont regretté l’absence d’un volet dans le programme : celui-ci devrait avoir inclus la restructuration de la dette et la « participation du secteur privé » (Private Sector Involvement, PSI), afin d’éviter, selon le directeur brésilien, « un bail-out des détenteurs privés de la dette grecque, principalement des institutions financières européennes ». Le directeur argentin a largement critiqué le programme en ce que celui-ci semble répéter les erreurs (c’est-à-dire un resserrement budgétaire insoutenable) qui ont préparé la crise argentine de 2001. À la surprise des autres directeurs exécutifs européens, le directeur suisse a répété énergiquement les inquiétudes mentionnées ci-dessus en ce qui concerne l’absence d’une mesure de restructuration de la dette dans le programme, et a pointé du doigt la nécessité de reprendre les discussions concernant un mécanisme de restructuration des dettes souveraines.

Le staff du FMI a fait remarquer que la restructuration de la dette avait été écartée par les autorités grecques elles-mêmes. Bien qu’il y ait eu des discussions sur le PSI, il était impossible de reproduire l’expérience de la Bank Coordination (« Vienna ») Initiative, en raison de la dispersion des titres publics grecs entre un nombre indéfini de porteurs. En outre, M. Lipsky a souligné le fait que 90% de ces titres ne comportent pas de clause d’action collective, ce qui rendrait une restructuration encore plus difficile.

Les directeurs exécutifs néerlandais, français et allemand ont fait part au conseil d’administration des engagements de leurs banques commerciales destinés à soutenir la Grèce et plus largement à maintenir leur exposition.

2e commentaire réalisé par le CADTM et inséré dans le texte du FMI afin de le rendre plus compréhensible :

Une socialisation des pertes des banques privées et une thérapie de choc qui rappelle ce qui s’est passé en Amérique latine et en Asie

Voici un extrait de la déclaration du directeur exécutif brésilien concernant l’absence de processus de restructuration dans le programme :
« En l’état, le programme risque de remplacer un financement privé par un financement public. Pour le dire en des mots plus forts, il pourrait être vu non pas comme un plan de sauvetage de la Grèce, qui aurait à subir un violent ajustement, mais comme un bail-out des détenteurs privés de la dette grecque, principalement des institutions financières européennes. »

Le directeur exécutif argentin a quant à lui déclaré :
« Dans la mesure où nous traversons encore une crise systémique mondiale, la stratégie de resserrement budgétaire et d’isolation du pays en le blâmant pour son indiscipline budgétaire passée ou son manque de compétitivité, sera très probablement un échec. […] Un partage intelligent et équitable du fardeau que représentent les coûts de la crise aurait été souhaitable pour la réputation du Fonds (en l’état, il risque d’être accusé de simplement faire gagner du temps, ou de garantir aux banques qu’elles seront entièrement remboursées dans l’année qui arrive, avant que l’inévitable se produise), et cela aurait été encore plus souhaitable pour la population grecque et pour les prévisions de croissance du pays. »

Le directeur allemand a ensuite répondu la chose suivante :
« Je peux informer les directeurs exécutifs que les banques allemandes envisagent de soutenir la Grèce, mais je dois également souligner que cela se fera notamment, ou uniquement, sur une base volontaire. Il ne s’agit pas d’une restructuration de dette, il s’agit d’actions volontaires. Je n’ai pas d’information définitive pour le moment, mais je sais que ces banques veulent maintenir une certaine exposition aux banques grecques, ce qui signifie qu’elles ne vendront pas de titres grecs et qu’elles maintiendront leurs lignes de crédit à la Grèce. »

Le directeur français a fait une déclaration dans le même sens :
« Plus tôt cette semaine, une réunion s’est tenue entre nos principales banques et ma ministre, Mme Lagarde |4|. J’aimerais souligner ce qui a été publié à l’issue de cette réunion, à savoir un communiqué dans lequel ces banques françaises s’engagent à maintenir leur exposition en Grèce pendant toute la durée du programme […]. Il est donc clair que les banques françaises, qui figurent parmi les banques les plus exposées en Grèce, vont faire leur travail. »

Enfin, le directeur néerlandais a déclaré :
« Les banques néerlandaises, après avoir consulté notre ministre des Finances, ont annoncé publiquement qu’elles joueraient leur rôle et soutiendraient le gouvernement grec et les banques grecques.  » |5|

En réalité, comme le suspectaient plusieurs directeurs exécutifs du FMI, et comme l’a montré le rapport de la Commission pour la vérité sur la dette grecque, la finalité réelle de l’accord était de donner le temps aux banques des pays les plus forts de la zone euro de se débarrasser des titres grecs.

Le graphique ci-dessous montre très bien que les banques françaises, allemandes, hollandaises, belges, autrichiennes, italiennes, … se sont délestées des titres grecs au cours des années 2010 et 2011.

Exposition des banques étrangères en Grèce (en Mds d’euros)

Source : BRI, Consolidated Ultimate Risk Basis.

Source : BRI, Consolidated Ultimate Risk Basis.

Nous montrerons dans un autre article que c’est la BCE qui les a aidées directement à se débarrasser des titres grecs en les protégeant contre les pertes qu’elles auraient dû affronter.

Le refus des créanciers d’accepter une décote sur leurs titres grecs eut pour conséquence un accroissement de la dette souveraine grecque qui passa de 299 à 355 Mds d’euros entre la fin de l’année 2009 et la fin de l’année 2011, ce qui représente une augmentation de 18,78 %. Au cours des années 2010-2013, une récession sans précédent fut provoquée par les politiques dictées par le Fmi et le reste de la Troïka. Aucun des pronostics du FMI concernant l’amélioration des finances de la Grèce ne s’est concrétisé. Les résultats du mémorandum de 2010 constituent un démenti complet aux prévisions optimistes du FMI.

5. Modalités des évaluations communes FMI/CE/BCE du programme.

Certains directeurs exécutifs (Chine, Égypte et Suisse) ont souligné le risque que des évaluations communes révèlent des différences de jugement entre les trois institutions impliquées (FMI/CE/BCE). Le staff du FMI a spécifié que des représentants de ces trois institutions seraient « assis à la même table au même moment ». Le Fonds est une institution indépendante et mènera les évaluations en conséquence. En principe, si la CE n’acceptait pas de verser sa part de financement en raison de conditionnalités non respectées par les autorités grecques, le Fonds pourrait bloquer sa part de financement en raison d’un manque d’assurances financières. Mais cela ne semble être qu’une possibilité théorique. En réalité, le chef de mission en Grèce (M. Thomsen) a insisté sur le fait que « la coopération a bien débuté », puisque lors des discussions à Athènes, la BCE a entrepris de s’occuper des problèmes du secteur financier, la Commission européenne des problèmes structurels, et le Fonds des problèmes budgétaires. La coopération est une force du programme, et s’exerce dans un système d’équilibre des pouvoirs.
6. Le statut de « créancier privilégié » du FMI.

Le directeur exécutif étatsunien (soutenu par le Brésil et la Suisse) a souligné qu’en raison du statut de créancier privilégié du FMI, le prêt de ce dernier serait considéré supérieur aux prêts bilatéraux de pays membres de l’UE sous supervision de la Commission européenne. Le staff du FMI a confirmé cette supériorité en raison de la nature de bien public que revêt le financement du Fonds, supériorité qui ne va pas à l’encontre des règles du Club de Paris.
7. Critère n°2 pour un accès exceptionnel aux ressources du Fonds.

Le directeur exécutif suisse (soutenu par l’Australie, le Brésil, l’Iran) a fait remarquer que le staff du FMI avait « silencieusement » modifié les documents officiels (c’est-à-dire sans autorisation préalable du conseil d’administration) afin d’en changer le critère n°2 pour l’accès exceptionnel aux ressources du Fonds, en étendant cet accès aux cas dans lesquels il existe un risque élevé de déstabilisation financière systémique internationale (« a high risk of international systemic spillover effects »). Le directeur du département juridique (The General Counsel) a clarifié le fait que cette décision était justifiée par la nécessité d’agir de manière expéditive, en se basant sur l’hypothèse que le conseil d’administration donnerait son approbation lors du compte-rendu suivant. Ce changement dans la politique d’accès aux ressources était nécessaire car la Grèce ne pouvait pas représenter une exception, en raison du fait que les politiques du Fonds doivent être applicables uniformément à tous les Etats membres.

Contributeur : F. Spadafora

Fin du compte-rendu officiel réalisé par le FMI.

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Deuxième document du FMI, il date du 25 mars 2010 Fonds Monétaire International (FMI)

SECRET

Grèce – Questions clés
[25 mars 2010]
La Grèce a besoin d’un programme d’ajustement sur plusieurs années incluant un large filet de sécurité financier. Elle a besoin de plus de temps que ce qui lui est actuellement imparti en vertu du pacte de stabilité et de croissance (PSC) afin d’ajuster son équilibre budgétaire, de contrôler sa dette et de mettre en œuvre les réformes structurelles permettant de restaurer sa compétitivité. Durant cette période de transition, les besoins de financement seront importants, l’économie sera très sensible aux chocs négatifs, et la tension sera élevée pour l’ensemble de la société également. Les marchés des capitaux ont besoin de signaux d’assurance forts pour permettre à ces efforts de s’inscrire dans la durée, ou bien les taux d’intérêt des titres grecs ne redescendront pas et rendront insoutenables les dynamiques d’endettement. Le défi va bien au-delà de la résolution des problèmes à court terme qui résulteront des quelques paiements d’amortissement des mois d’avril et de mai de cette année.

L’économie n’est pas compétitive. Peu de réformes ont été mises en œuvre, l’économie reste relativement fermée, et la compétitivité a chuté d’environ 25% depuis l’adoption de l’euro, tandis que les prix domestiques ont toujours dépassé la moyenne des pays de la zone euro. Le solde des comptes actuel, même en période de récession, reste à un niveau de 11% du PIB.

La politique budgétaire a été peu ambitieuse. Tandis que les dépenses en salaires et en allocations, comme les réductions d’impôts, ont été importantes, les dépenses hors paiement des intérêts de la dette ont bondi à hauteur de 8% du PIB entre 2000 et 2009, et les recettes ont diminué de 3%, fragilisant l’équilibre budgétaire de 11% du PIB depuis 2000. La dette publique a augmenté pour atteindre 115% du PIB.

La déflation et la croissance faible rendront ce fardeau d’endettement plus difficile à gérer. Sans recours à des modifications du taux de change, la Grèce doit faire face au double défi de restaurer sa compétitivité à travers la dévaluation interne – ce qui est toujours long et laborieux – tout en mettant en œuvre un ajustement budgétaire ambitieux. Cela forcera la Grèce à entreprendre des coupes dans les salaires nominaux et dans les allocations sociales – un scénario de désinflation selon lequel le PIB nominal diminuera certainement durant plusieurs années. Les dépenses domestiques, qui sont à la base des rentrées fiscales, seront forcément faibles. Ainsi, par rapport au PIB, le déficit budgétaire et la dette resteront sous une pression à la hausse, même si un ajustement budgétaire significatif était mis en œuvre : malgré des mesures ambitieuses à hauteur de 4% du PIB cette année, il est attendu que le déficit atteigne 11,5% du PIB l’année prochaine. Un ajustement budgétaire fort et prolongé est nécessaire afin de renverser la tendance à la hausse du ratio d’endettement à laquelle la Grèce est confrontée dans les conditions actuelles.

Mais l’ajustement budgétaire doit aussi être réaliste. Même avec des mesures budgétaires additionnelles s’élevant à 2-2,25% du PIB chaque année durant les cinq prochaines années, le ratio de la dette par rapport au PIB s’élèverait à environ 150% du PIB d’ici à 2013, avant de se stabiliser puis de diminuer lentement. Un ajustement plus rapide – tel qu’impliqué par l’objectif d’un déficit de 3% du PIB d’ici à 2012 fixé par le PSC – sera très risqué : la Grèce est une économie relativement fermée, et la contraction budgétaire qu’impliquerait cet ajustement provoquerait une contraction brutale de la demande domestique et une profonde récession qui lui serait liée, détruisant sévèrement le tissu social. De plus, cela semble difficilement faisable puisque des coupes durables dans les dépenses nécessitent des réformes et des changements dans les programmes de prestations sociales qui demanderont du temps afin de les mettre en œuvre et d’en tirer des résultats.

Le système bancaire pose un autre risque important. Avec la dégradation de la situation économique de l’État, les banques ont été mises sous pression pour trouver des financements, mises à l’écart des lignes de crédit interbancaires comme du financement en gros, et, récemment, ont perdu des dépôts. Les banques ont recours à la BCE pour rester à flot, mais ceci n’est pas une solution durable. De plus, le lent déclin économique qui nous attend va faire augmenter le nombre de crédits non recouvrables de manière significative, et il est possible, et même probable, que le gouvernement devra injecter du capital afin de stabiliser le système bancaire et de sauvegarder les dépôts. Ces sommes s’ajouteraient aux besoins de financement du gouvernement, qui sont déjà importants.

Le financement doit rester important. En raison du fait que la réduction du déficit prend du temps tandis qu’il faut rembourser et refinancer le capital emprunté, les besoins d’emprunts du secteur public atteindront en moyenne autour de 50 milliards d’euros en 2010-2012, même avec des mesures budgétaires à hauteur de 2 à 2,5% du PIB chaque année, telles que cela a été présenté plus haut. Et cela ne tient pas compte du besoin potentiel d’un sauvetage public du système bancaire.

C’est pourquoi les marchés de capitaux sont inquiets. Les marchés financiers anticipent et perçoivent que la période qui s’ouvre va être difficile. L’augmentation continue du ratio de la dette menace la notation de l’État et accroît les rendements exigés par les acheteurs de titres grecs. Les marchés ont besoin d’être assurés qu’un défaut de paiement n’est pas à l’ordre du jour avant d’engager plus de fonds.


Traduction de l’anglais vers le français par Nathan Legrand
en collaboration avec Éric Toussaint.

Le document original est disponible sur cette page

NOTES :

|1| Michel Husson, Grèce : les « erreurs » du FMI, 2 septembre 2016

|2| Note du CADTM : il s’agit du Fonds hellénique de stabilité financière créé en juillet 2010. Voir le site officiel

|3| Source : http://adlib.imf.org/digital_assets…, p. 51

|4| Christine Lagarde était, à l’époque, ministre dans le gouvernement du président N. Sarkozy. En 2011, elle est devenue directrice générale du Fonds monétaire international (FMI).

|5| Source : http://adlib.imf.org/digital_assets…

Source : Le blog Mediapart, 13-01-2017

Source: http://www.les-crises.fr/les-documents-secrets-du-fmi-sur-la-grece-par-cadtm/


Revue de presse internationale du 14/01/2017

Monday 16 January 2017 at 00:45

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-14012017/


[Vidéo] Intervention au colloque international sur « La nouvelle diplomatie française au Moyen-Orient », par René Naba

Sunday 15 January 2017 at 03:11

Source : René Naba, 23-06-2016

colloque

Dans le cadre de ses analyses des grandes questions géopolitiques du monde d’aujourd’hui, l’Académie de Géopolitique de Paris, organise le jeudi 23 Juin 2016 de 14H00 à 19H00 à l’université de la Sorbonne, un colloque intitulé « La nouvelle diplomatie française au Moyen-Orient », à l’occasion duquel des personnalités de renom, académiciens, diplomates et des chercheurs spécialisés de la question apporteront leurs éclaircissements sur ce sujet.

L’objectif du colloque est d’analyser en profondeur l’évolution récente de la diplomatie française, en mettant en lumière ce qui a pu conduire le Quai d’Orsay et les responsables politiques gouvernementaux à donner une autre impulsion que celle qui l’avait précédée et qui avait caractérisée la recherche d’autonomie de la France vis-à-vis des têtes du condominium américano-soviétiques pendant la guerre froide, ainsi la continuité de sa politique arabe face aux stratégies anglo-saxonnes. Les contributions des intervenants permettront d’évaluer les effets, la crédibilité et l’avenir de cette nouvelle politique et de ces nouveaux développements sur la scène internationale, et ce, à l’égard des acteurs traditionnels et modernes, étatiques et non-étatiques.

L’Académie de Géopolitique de Paris reste fidèle à sa vocation d’animer librement des débats aux thématiques inédites et originales et c’est ainsi qu’elle a instruit que les travaux des meilleurs spécialistes sollicités reflètent l’indépendance et l’approche scientifiques de son comité d’organisation. Seront évoqués les raisons profondes de ces changements, voire bouleversements, qui ont conduit à de véritables renversements d’alliances pourtant traditionnelles et ancrées sur le long terme. L’intérêt de l’industrie d’armement pour les pays du Golfe Persique, un certain alignement sur le dispositif américain dans la zone et le mépris affiché pour certaines communautés alliées historiquement mais de peu de poids face aux enjeux financiers et de puissance, seront analysés. De même, la question de la légitimité de ce changement stratégique des acteurs français depuis quinze ans devra être posée notamment face à l’implication réelle de nombreux acteurs internationaux. L’Académie de Géopolitique de Paris fait le choix d’une approche pluridisciplinaire et bénéficiera d’expertises en pointe sur ce dossier.

Source : René Naba, 23-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/video-intervention-au-colloque-international-sur-la-nouvelle-diplomatie-francaise-au-moyen-orient-par-rene-naba/