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L’écrasante responsabilité de la gauche dans la victoire de Donald Trump, par Dominique Méda

Tuesday 22 November 2016 at 02:00

Source : Le Monde, Dominique Méda, 13.11.2016

Les gauches se font tailler des croupières presque partout dans le monde par des partis qui prétendent mettre au cœur de leurs préoccupations les oubliés, les damnés de la mondialisation, les sans-grade, les déclassés, parce que la gauche a renoncé à mener une politique de gauche, explique la sociologue Dominique Méda.

« Il ne reste plus à ceux qui votaient traditionnellement pour [la gauche] qu’à se tourner vers ceux qui s’intéressent (ou font semblant de s’intéresser) à eux et à leurs problèmes » (Photo: les leaders et chefs de gouvernement socialistes européens réunis à Paris en 1999). JACK GUEZ / AFP

« Il ne reste plus à ceux qui votaient traditionnellement pour [la gauche] qu’à se tourner vers ceux qui s’intéressent (ou font semblant de s’intéresser) à eux et à leurs problèmes » (Photo: les leaders et chefs de gouvernement socialistes européens réunis à Paris en 1999). JACK GUEZ / AFP

Par Dominique Méda, sociologue, professeure des universités

L’énigme semble complète : pourquoi les pauvres et les ouvriers ont-ils voté pour un milliardaire qui ne s’est donné que la peine de naître – un don conséquent de son père lors de son entrée dans la vie adulte lui ayant permis de construireson empire – et non pour la candidate démocrate ?

Pourquoi presque un tiers des Français qui vont voter à la prochaine élection présidentielle, dont de nombreux électeurs issus des classes populaires, s’apprêtent-ils, selon les sondages, à apporter leur suffrage non pas à la gauche, mais à une candidate, Marine le Pen, dont le répertoire idéologique était il y a encore peu aux antipodes de l’anticapitalisme et de la lutte des classes ?

Pourquoi les gauches se font-elles tailler des croupières presque partout dans le monde par des partis qui prétendent mettre au cœur de leurs préoccupations les oubliés, les invisibles, les damnés de la mondialisation, les sans-grade, les déclassés ?

Les droits que nous pensions définitivement acquis

Cela s’explique en grande partie par le fait que la gauche a tout simplement renoncé à mener une politique de gauche et que, dès lors, il ne reste plus à ceux qui votaient traditionnellement pour elle qu’à se tourner vers ceux qui s’intéressent (ou font semblant de s’intéresser) à eux et à leurs problèmes.

Aurions-nous vu le Front national (FN) changer radicalement de fond idéologique, s’intéresser à la classe ouvrière, à la valeur du travail, à la faiblesse des salaires, aux régions ruinées par le départ des usines, à la difficulté de boucler les fins de mois, à la mondialisation, si la gauche avait été fidèle à son héritage idéologique, on n’ose dire à ses valeurs ?

Les victimes de la globalisation, ceux qui ont perdu leur emploi ou se trouvent dans des zones de relégation seraient-ils autant tentés par le discours de Marine Le Pen si la gauche avait continué à défendre l’égalité, l’augmentation des salaires, le développement de l’Etat-providence, la coopération, la réduction du temps de travail, le partage ?

A l’évidence, non. A l’évidence nous n’en serions pas là, à trembler pour la paix et le maintien de droits que nous pensions pourtant définitivement acquis, si, en 1983, au lieu d’accepter de se soumettre à une Europe qui ne parvenait pas à devenir politique, la gauche au pouvoir avait continué à défendre l’intérêt du paradigme keynésien.

Nous n’en serions pas là si, en 1985-1986, la gauche n’avait pas cédé aux sirènes de la libre circulation des capitaux et de l’ouverture des marchés financiers dont même le Fonds monétaire international (FMI) reconnaît aujourd’hui qu’ils sont en train de détruire nos sociétés ; nous n’en serions pas là si la gauche française n’avait pas, année après année, accepté les uns après les autres les renoncements à l’héritage de gauche.

Augmentation insupportable du chômage

Souvenons-nous : la fameuse équité promue en 1994 par le rapport Minc encensé par la gauche ; l’orthodoxie budgétaire pleinement revendiquée par l’actuel président de la République et qui a conduit à une augmentation insupportable du chômage ; l’abandon dans lequel la gauche a laissé les banlieues depuis trente ans tout en prétendant s’en occuper ; l’obsession de l’équilibre comptable érigé en dogme et objet de la plus grande fierté pendant qu’une partie du pays crève ; le désintérêt complet pour les conditions de travail dont la dégradation saute pourtant tous les jours aux yeux ; le glissement progressif de la gauche vers la condamnation de l’assistanat ; l’incompréhension totale à l’endroit du « Moustachu » (Philippe Martinez), considéré dans les plus hautes sphères de l’Etat comme le Diable ; le refus d’obliger les entreprises mères à assumer la responsabilité des actes de leurs filiales ; la soumission au pouvoir des banques…

Et surtout, la conversion complète – parfaitement mise en évidence dès 1994 dans le livre remarquable publié sous la direction de Bruno Jobert, Le Tournant néo-libéral en Europe (L’Harmattan) – des soi-disant élites à l’ensemble du bagage théorique néoclassique, et à ses prêtres, qui nous proposent depuis des années des baisses du smic (alors que le moindre de leur « ménage » leur rapporte un smic en quelques heures), des contrats uniques, des licenciements plus rapides, un démantèlement complet des protections du travail, une baisse des allocations-chômage et des minima sociaux pour que les paresseux reviennent plus vite au travail, et tout cela en des termes trompeurs (qu’on se souvienne de la fameuse « sécurisation »).

Des élites converties au discours que l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) asséné depuis les années 1980 ; des élites de gauche, y compris Obama, qui préfèrent conserver auprès d’eux des économistes champions de la dérégulation (comme Larry Summers) tant la discipline économique semble aujourd’hui dépolitisée.

Soupçon généralisé sur les chômeurs

Souvenons-nous : la trahison de Bill Clinton qui, en 1992, assène qu’il faut « To end welfare as we know it » (« en finir avec l’Etat-providence tel que nous le connaissons ») et met en place, en 1996, une réforme qui pousse les allocataires de minima sociaux à reprendre le travail à n’importe quel prix, plongeant dans la misère ceux qui n’en sont pas capables.

Souvenons-nous : le coup de tonnerre qu’a constitué le Manifeste Blair-Schröder de 1999 dans lequel les deux dirigeants « de gauche » en appellent à en finir avec cette « vieille » gauche, dopée aux dépenses publiques, incapable de croire à l’entreprise et à la compétitivité.

Souvenons-nous des réformes du chancelier allemand Gerhard Schröder, le soupçon généralisé sur les chômeurs qui refuseraient, par pure paresse, de reprendre des emplois (qui n’existent pas), la fusion de l’allocation-chômage et de l’allocation d’assistance, la politique du « bâton » comme si ceux qui avaient perdu leur emploi et ne parvenaient pas en en retrouver un le faisaient exprès. Et, pendant ce temps, l’explosion des inégalités, les fortunes aussi colossales que rapidement acquises, la consommation ostentatoire, la finance folle.

Presque partout, parvenue au pouvoir, la gauche a adopté le paradigme néolibéral, souvent pour montrer qu’elle était capable d’être une aussi bonne gestionnaire que la droite, souvent aussi parce qu’il aurait fallu renverser la table pour mettre en œuvre une autre politique.

Une Europe n’ayant pour seul idéal que le marché

Chaque époque est singulière. Lors du premier septennat de François Mitterrand, peut-être ne savions-nous pas, ne pouvions-nous pas imaginer, qu’une Europe si mal née, une Europe incapable de s’unir sur des accords politiques, une Europe n’ayant pour seul idéal que le marché, ne pourrait pas survivre.

Mais en 2012, les choses étaient bien différentes. Il aurait fallu, au lieu de vouloir à tout prix exercer le pouvoir, sauvegarder au contraire, comme ce qu’il y a de plus précieux, les valeurs de la gauche. Même au risque d’être moqués, au risque d’être considérés comme de mauvais élèves en économie, comme de piètres gestionnaires, il fallait conserver contre vents et marées comme unique boussole la recherche absolue de l’égalité, l’attention pour les ouvriers, les déclassés, les ségrégués, les oubliés, les dominés, les banlieues, les petits salaires, les privés d’emploi et défendre en conséquence le service public, la solidarité, la redistribution.

Il aurait mieux valu ne pas exercer le pouvoir et conserver intact l’espoir de changer un jour la situation plutôt que de l’exercer en singeant la droite, en récupérant l’héritage, les manières de faire, les comportements, l’idéologie de la droite, ce qui conduit aujourd’hui nos concitoyens abandonnés à se jeter dans les bras des seuls qu’ils n’ont pas encore essayés.

Tant que la gauche n’aura pas renoué avec ses principes fondamentaux, ses (improbables) succès électoraux seront autant de victoires à la Pyrrhus, faisant le lit de la droite et de l’extrême droite.

Source : Le MondeDominique Méda, 13.11.2016

Source: http://www.les-crises.fr/lecrasante-responsabilite-de-la-gauche-dans-la-victoire-de-donald-trump-par-dominique-meda/


Italie : quels scénarios pour l’après-référendum ? Par Romaric Godin

Tuesday 22 November 2016 at 01:30

Source : La Tribune, Romaric Godin,  

Matteo Renzi restera-t-il au pouvoir après le référendum du 4 décembre ? (Crédits : Stefano Rellandini)

Matteo Renzi restera-t-il au pouvoir après le référendum du 4 décembre ? (Crédits : Stefano Rellandini)

Le “non” reste en tête dans le référendum constitutionnel prévu le 4 décembre prochain en Italie. Que se passera-t-il après le vote ? Revue des scénarios possibles.

C’est une bonne nouvelle pour Matteo Renzi. La croissance italienne s’affiche au cours du troisième trimestre 2016 à 0,3 %, autant qu’en zone euro et, pour la première fois depuis début 2009, l’Italie fait mieux que l’Allemagne sur un trimestre. Mais c’est sans doute une maigre consolation, car ce rayon de soleil jaillit de sombres ténèbres : le référendum prévu le 4 décembre prochain sur les réformes constitutionnelles qu’il a proposées s’annonce très difficile pour lui. Et il y a fort à parier que les Italiens n’ont pas réellement senti les effets d’une croissance qui demeure faible et peu fondée sur une amélioration de leurs conditions d’existence.

Ce que disent les sondages

Les sondages en tout cas sont sans appel : le « non » aux réformes constitutionnelles dispose d’un large soutien, souvent en progression. La dernière enquête, réalisée le 14 novembre par EMG, donne 39,2 % d’intentions de vote pour le « non » contre 34,9 % pour le « oui » et 25,9 % d’indécis. Celle réalisée le 12 novembre par Winpoll pour Huffington Post Italia donne 52,5 % pour le « non » et 47,5 % pour le « oui ». Ixè, le 11 novembre, attribue une avance de trois points au « non » : 40 % contre 37 % avec 23 % d’indécis. Enfin, pour Index Research, le « non » était à 52,8 % des intentions de vote le 10 novembre, avec 22 % d’indécis. On le voit, le « non » a partout de l’avance, mais c’est une avance faible et le résultat dépendra évidemment du comportement des 20 à 25 % d’électeurs qui n’ont pas encore fait leur choix. Le problème pour Matteo Renzi est cependant que, selon de nombreuses enquêtes, les indécis choisissent davantage le « non ».

Victoire du « oui », victoire de Matteo Renzi ? Oui, mais…

Reste à savoir ce qui se passera réellement au lendemain du 4 décembre. Si le « oui » l’emporte le 4 décembre, Matteo Renzi en sortira singulièrement renforcé. Il aura remporté le scrutin presque seul contre la quasi-totalité du monde politique, y compris une partie de sa majorité et de son propre parti, le Parti démocrate (PD). Il pourra alors achever sans difficulté son mandat jusqu’en février 2018, date des prochaines élections législatives qu’il abordera dans de bonnes conditions puisque « sa » victoire lui permettra sans doute d’éliminer son opposition interne au PD.

La question de la loi électorale

Seule ombre au tableau : la loi électorale qui est un complément des réformes soumises au référendum. Cette loi, appelée « Italicum », doit en effet assurer une majorité absolue à la future chambre des députés qui sera désormais la seule devant laquelle le gouvernement italien sera responsable. Elle prévoit de donner la majorité absolue des sièges au parti ayant obtenu 40 % au premier tour ou ayant obtenu la majorité lors d’un ballotage opposant les deux premiers partis du premier tour si aucun n’a obtenu lesdits 40 %. Cette loi est cependant soumise à la cour constitutionnelle qui a annoncé qu’elle se prononcera sur sa légalité après cette loi électorale après le scrutin référendaire. Le risque d’une inconstitutionnalité n’est pas à écarter, les deux tribunaux de Messine et Turin, en février et juillet dernier, ont jugé acceptables respectivement six et deux motifs d’illégalité de la loi, notamment le principe du ballottage.

Les élections de 2018 ne sont pas gagnées, même en cas de « oui »

Si la loi est validée par la cour, Matteo Renzi aura réalisé un « grand chelem » et sera en position idéale avant 2018. Sinon, tout dépendra des motifs retenus par la cour, mais l’Italicum devra être corrigé. Or, ceci devrait donner lieu à de vives passes d’armes au parlement. La minorité du PD conteste la loi et l’opposition risque de crier à la manipulation. Modifier une loi électorale à proximité du scrutin est toujours délicat. D’autant que la loi actuelle semble profiter au Mouvement 5 Etoiles (M5S) de Beppe Grillo, qui a montré sa capacité à mobiliser les oppositions à Matteo Renzi en cas de ballotage. Il est à noter, du reste, que, même en cas de « oui », l’élection de 2018 est loin d’être gagnée pour le PD et Matteo Renzi. Et, avec l’application de la réforme constitutionnelle et de l’Italicum, le M5S qui est faible dans certaines régions italiennes, dispose d’un levier pour pouvoir gouverner le pays en 2018. Ce qu’il a beaucoup moins en cas de victoire du « non ». Une fois passé l’euphorie de la victoire, Matteo Renzi restera donc sous pression durant les 14 prochains mois dans un contexte économique qui reste difficile.

Si le « non » l’emporte, Matteo Renzi devra démissionner

En cas de victoire du « non », hypothèse la plus probable aujourd’hui au regard des sondages, il sera difficile à Matteo Renzi de ne pas remettre sa démission de la présidence du Conseil. Le scrutin a été trop personnalisé et la réforme constitutionnelle est trop symbolique pour que Matteo Renzi puisse agir autrement, même si, en théorie, sa majorité parlementaire n’est pas remise en cause par un référendum sur une question précise.

L’option complexe des élections anticipées

La vraie question est de savoir ce que fera ensuite le président de la République Sergio Matarella, à qui reviendra la décision. L’ancien ministre démocrate-chrétien, puis centre-gauche, dispose alors de plusieurs possibilités. La première, celle qui est redoutée par les marchés et les dirigeants européens, est la dissolution du parlement et la convocation d’élections anticipées. Cette hypothèse pose un certain nombre de problème. En effet, la réforme constitutionnelle étant rejetée, l’élection concernera la Chambre et le Sénat (dont les membres sont élus par les conseils régionaux dans la réforme soumise au vote). Le futur gouvernement, comme aujourd’hui, sera responsable après le scrutin devant les deux chambres.

La question des lois électorales

Reste à savoir comment élire les parlementaires. A priori, pour les députés, l’Italicum s’appliquera en attendant la décision de la cour constitutionnelle. Mais il existe une possibilité que cette loi soit invalidée en partie avant le scrutin et que donc la loi électorale ne s’applique qu’en partie, par exemple sans prime majoritaire ou sans ballottage, puisqu’il n’y aura pas le temps suffisant de construire une nouvelle loi. Mais pour le Sénat, l’Italicum ne prévoit rien, puisque le Sénat, dans la réforme constitutionnelle, devait être constitué de membres nommés par les Conseils régionaux. C’est donc la loi précédente, appelée « Consultellum » qui va s’appliquer. C’est l’ancienne loi électorale sans la prime majoritaire, invalidée en 2014 par la cour constitutionnelle (« Consulta » en italien). Autrement dit, le Sénat sera élu par un vote à la proportionnelle dans les régions avec simplement un seuil de 2 % pour les partis membres d’une coalition et de 4 % pour les partis hors coalition. Ceci signifie qu’il n’existera pas de majorité dans l’état actuel du système politique italien au Sénat.

Instabilité politique assurée

Le scénario serait alors le suivant dans l’hypothèse d’une application de l’Italicum tel qu’il existe aujourd’hui. Le Mouvement 5 Etoiles (M5S) et le PD, donnés par les sondages au coude-à-coude aux alentours de 30 % s’affronteraient au deuxième tour. Comme la droite eurosceptique de la Ligue du Nord se reportera vers le M5S, ce dernier pourrait bien gagner face à un PD en plein désarroi le ballotage et être majoritaire à la Chambre. Mais au Sénat, le M5S n’aura pas une telle majorité, ne serait-ce que parce qu’il est très faible dans certaines régions du sud et du nord de l’Italie. Il lui faudra construire une majorité, sans doute avec la Ligue du Nord, les néofascistes de Fratelli d’Italia et, peut-être, le centre-droit berlusconiste. Une coalition fragile et instable qui n’est pas certaine de voir le jour et qui ne manquera pas d’inquiéter sur les marchés et en Europe.

Un autre gouvernement jusqu’en 2018 ?

Devant ce scénario, Sergio Matarella pourrait choisir de temporiser en chargeant un nouveau gouvernement de mettre au point une loi électorale pour le Sénat dans l’optique des élections de 2018. D’autant plus que l’Italie va devoir faire face aux demandes de la Commission sur son budget 2017 qui, si l’on en croit Jean-Claude Juncker, son président, pourrait être rejeté. Il y aura alors urgence à disposer d’un exécutif, même si, par exemple dans le cas du Portugal l’an dernier, le budget de l’année avait finalement été validé en février 2016. Sergio Matarella pourrait aussi élargir cette charge à ce nouveau gouvernement de 14 mois : élaborer une nouvelle réforme constitutionnelle, cette fois sans passer par le référendum, modifier également l’Italicum et, enfin, de façon informelle, mener campagne contre le M5S et la Ligue du Nord. Ceci aura pour intérêt de repousser à plus tard le chaos, mais non de l’éviter.

Un gouvernement Renzi II est-il possible ?

Pour mener cette tâche, le président de la République dispose de trois choix. D’abord, reconduire Matteo Renzi. Ce dernier pourrait bien sûr refuser. Lundi, à la radio, il a laissé entendre qu’il abandonnerait la vie politique en cas de « non » le 4 décembre.  Mais, étant responsable de la nouvelle situation, il pourrait vouloir accepter la charge de la dépasser politiquement. Pour cela, il lui faudra disposer d’une majorité parlementaire. Or, l’opposition interne au PD a clairement en tête d’utiliser le référendum pour l’écarter. Il y a un risque qu’elle ne soutienne pas un deuxième mandat de Matteo Renzi. Tout dépendra du score par lequel le « oui » perd. En cas de courte défaite, l’actuel hôte du Palais Chigi sera plus fort. Il peut aussi demander l’appui de Forza Italia, le centre-droit berlusconiste, mais il en sera à coup sûr affaibli.

Vers un gouvernement « technique » ?

Si Matteo Renzi jette l’éponge, peut-être également pour conserver son capital politique et revenir plus tard, un autre représentant du PD pourrait reprendre les rênes du gouvernement. Ce sera cependant délicat tant la tension entre Renzistes et anti-Renzistes est forte au sein du parti. Le problème qui se pose à Matteo Renzi se posera à tout candidat PD. S’il est de la minorité du parti, il sera rejeté par la majorité du PD et inversement. C’est pourquoi on évoque de plus en plus la possibilité d’un gouvernement « technique », vieille tradition italienne, qui disposerait d’un mandat précis et qui serait soutenu par une large majorité pour ce seul mandat. Ce serait une option qui permettrait de gagner du temps, mais les grandes questions, notamment économiques seraient repoussées à après-2018, ce qui ne favorisera pas la confiance des agents économiques. La possibilité d’une relance sera évanouie, le gouvernement se contentant d’appliquer la feuille de route de Bruxelles. Enfin, les élections de 2018 se présenteront dans le même esprit que celles de 2013 qui avaient été un désastre pour les partis traditionnels. La victoire électorale du M5S et une coalition avec l’extrême-droite ne sera repoussée que de quelques mois.

L’Italie se trouve donc face à une situation difficile dans les prochains dix-huit mois, quoi qu’il arrive. Une situation qui sera délicate à gérer pour la troisième économie de la zone euro, qui est la deuxième la plus endettée et une des moins performantes en termes économiques depuis 1999.

Source : La Tribune, Romaric Godin,  

Source: http://www.les-crises.fr/italie-quels-scenarios-pour-lapres-referendum-par-romaric-godin/


Révélations sur Sarkozy et la Libye : « le traitement médiatique est hallucinant» par David Perrotin

Tuesday 22 November 2016 at 01:10

Source : Buzz Feed News, David Perrotin, 16-11-2016

Depuis novembre, Mediapart et Le Monde ont publié de nombreuses révélations sur un possible versement de fonds par Kadhafi lors de la campagne de Sarkozy en 2007. Une seule question a été posée à l’ancien président pourtant interviewé plus de huit fois ce mois-ci.

«Entretien vidéo exclusif – Takieddine: “J’ai remis trois valises d’argent libyen à Guéant et Sarkozy.”» Mediapart, en partenariat avec l’agence Premières lignes, a lâché un nouveau témoignage mardi qu’on aurait pu penser accablant. Et pourtant, cet énième élément de l’affaire du financement libyen présumé de la campagne de Sarkozy en 2007 a été traité plutôt discrètement. Il ne fait ni la une des journaux, ni celle des JT, et n’est pas, loin s’en faut, le sujet principal abordé dans les interviews politiques. Et si certains médias jugent que les déclarations de Takieddine doivent être prises avec des pincettes, il faut rappeler que ce témoignage n’est pas isolé. Le 3 novembre dernier, Le Monde publiait d’autres révélations tout aussi explosives —renforçant celles déjà publiées par le site Mediapart depuis 2011— à propos de la campagne de 2007.

S’il n’y a toujours aucune preuve tangible concernant un financement de la campagne de Sarkozy par le réseau de l’ex-dictateur Mouammar Kadhafi, les indices accablent le clan Sarkozy. Selon les deux sites d’information, qui ont eu accès à l’enquête, les magistrats instructeurs jugent même désormais «probable l’hypothèse d’un financement libyen». Notamment après ces éléments de l’enquête (non exhaustifs):

Même s’il n’y a pas de preuve irréfutable, même si l’enquête est toujours en cours, il paraît tout de même logique que des journalistes interrogent le candidat à la primaire de droite sur ces nouveaux éléments.

8 interviews de Sarkozy, 1 question sur la Libye

Depuis les révélations du Monde le 3 novembre, Nicolas Sarkozy a été interrogé par TF1, France 2, France 3, Le ParisienValeurs actuelles, RTL et, Public Sénat avec Sud Radio (sans parler des médias spécialisés comme Terre-net.fr ou Business immo). Aucune question ne lui a été posée sur ce sujet. Il aura fallu attendre ce jeudi pour que la seule et l’unique lui soit posée par Le Figaro près de deux semaines après les premières révélations.

Le15 novembre, le candidat à la primaire de la droite est l’invité de la matinale de RTL pendant une quinzaine de minutes. La journaliste cherche à savoir s’il a «la pêche» avant de l’interroger sur la primaire, ses concurrents, François Bayrou, Donald Trump, l’Europe, la double ration de frites pour les enfants musulmans ou juifs, Notre-Dame-des-Landes. Rien sur la Libye.

Le13 novembre, Nicolas Sarkozy est l’invité exclusif du 20h de TF1. Il est interrogé sur les commémorations des attentats, le groupe État islamique, les manifestations de policiers, la victoire de Donald Trump, la primaire de la droite, sa carrière politique en cas de défaite, mais pas un mot sur les accusations liées à sa campagne de 2007.

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Le 12 novembreLe Parisien publie une interview fleuve de l’ex-chef d’État. Deux questions sont bien posées sur «les affaires», mais n’abordent pas le financement supposé libyen.

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Le 10 novembre, Nicolas Sarkozy est interrogé dans la matinale de France 2. Il est invité à répondre sur l’élection de Donald Trump, l’Europe et la primaire. Le nom de Kadhafi ne sera jamais évoqué.

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Le 8 novembre, l’ancien chef de l’État est interrogé pendant une heure par cinq journalistes sur Public Sénat avec Sud Radio. Rien ne sera évoqué.

Le 6 novembre, il est l’invité de l’émission Dimanche en politique de France 3. Sur les 28 minutes du programme, pas une seconde ne sera accordée pour évoquer l’enquête en cours sur le financement de la campagne de 2007.

Par ailleurs, le 3 novembre dernier, lors du second débat entre les différents candidats à la primaire de la droite aucune question n’a été posée sur toutes ces révélations. Même chose dans l’interview publiée par Valeurs actuelles.

Il aura fallu attendre le 17 novembre— plus de 15 jours après les premières révélations— pour que le candidat à la primaire soit interrogé pour la première fois sur le sujet dans le Le Figaro. «Je n’ai que mépris pour cette officine qui depuis des années essaye sans succès de me salir», a-t-il notamment répondu. Il n’a toutefois pas été relancé par les journalistes.

Silence radio dans les JT de France Télévisions

 

Lire la suite sur : Buzz Feed News, David Perrotin, 16-11-2016

Source: http://www.les-crises.fr/revelations-sur-sarkozy-et-la-libye-le-traitement-mediatique-est-hallucinant-par-david-perrotin/


François Fillon, futur Président de la Région France ?

Monday 21 November 2016 at 02:10

Ce mois de novembre aura été riche en évènements – pour le meilleur, et sans doute, hélas, le pire.

Bien sûr, je ne vais pas bouder le plaisir de chanter un beau “Au revoir, Président (Sarkozy)”, qui tourne une page du pays – et pas une des meilleures…

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(P.S. : comment on fait pour avoir 0,3 % des voix quand on a présidé un parti ? Sérieux, mais qui a voté Copé ? Bon, 12 000 voix ce sont surement sa famille, ses amis, Bygmalion et les personnes à qui il a rendu service à Meaux…)

Donc :

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Voilà, ça, c’est fait… Encore un peu de patience pour virer le socialiste, et on aura réglé le cas 2012…

 

Ceci étant dit, nous venons de connaître un petit moment “Trump” – le “n’importe quoi” en moins.

Car à ce stade, il semble clair que François Fillon devrait remporter haut la main la primaire de la Droite et de la Droite (un retournement sera difficile, mais enfin, nous verrons…) dimanche prochain.

Alors comme il y a 15 jours, je dirai que je suis très heureux que Sarkozy ait perdu, mais que je suis inquiet que Fillon l’emporte ainsi.

Bien entendu, il y a des choses intéressantes chez lui – essentiellement au niveau international (un type sérieux ! Qui devrait vraiment lutter contre le terrorisme).

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(après, Dassault devrait faire pressions sur lui, mais bon, au moins a-t-il dit la vérité, c’est déjà ça en ces temps de tromperie universelle…)

Et bon, un Président n’ayant pas ou n’ayant pas eu de soucis sérieux avec la Justice, c’est bien aussi. Et j’ai confiance sur le fait que lui nous horripilera sans doute (c’est de la politique), mais au moins ne nous fera-t-il plus honte…

 

Mais autant j’ai pu penser pour Trump : “Pour le reste, la vie intérieure américaine, eh bien c’est désormais surtout le problème des Américains”, autant ça va être difficile de le dire pour Fillon. Et là, autant le programme des Républicains est une sacrée folie sur certains points, autant Fillon a réussi l’exploit d’apporter des petits plus qui vont encore plus dans la mauvaise direction, économique, sociale, sociétale…

On lira le programme ici et .

S’il applique un tel programme, j’ai bien peur qu’on s’aperçoive qu’il allait bien au delà de ce que pouvait supporter le corps social de la France.

On notera d’ailleurs qu’un tel résultat m’étonne peu dans un pays qui a pu supporter sans bouger le scandale Zemmour en septembre – mais je n’y reviens pas…

Enfin, nous verrons bien, après tout le pire n’est jamais sûr…

 

En tous cas Todd avait (encore) raison : le pays se dirige vers un cure Thatchérienne, à un moment où le reste du monde va faire le contraire… Cure qui sera en totale phase avec les diktats de Bruxelles – mais il est vrai que l’année prochaine aura principalement lieu l’élection visant à désigner le Président de la Région France de l’UE…

Hélas, il est clair qu’il y a des périodes où un pays cherche la pays civile, et d’autres périodes où il cherche l’inverse – et là, le nôtre est bien parti pour l’avoir…

P.S. Un dernier point : il va être urgent d’interdire les sondages politiques, qui outre leur inutilité montrent aussi leur sévère pouvoir manipulateur ; le vote est secret, les opinions doivent l’être aussi (boycottez en tous cas tout sondeur qui vous contacterait…)

[L’Obs] Ce que contient le programme très conservateur de François Fillon

Source : L’Obs, 20/11/2016

Il avait déclaré la France en faillite. Aujourd’hui, François Fillon préconise une rigueur toute thatchérienne et offre une vision très réactionnaire.

Personne ne l’attendait là. Surtout pas Nicolas Sarkozy. François Fillon a doublé tout le monde. Son programme, lui, va ravir les conservateurs et réactionnaires de tous poils.

Il avait déclaré la France en faillite. Aujourd’hui, François Fillon préconise une rigueur toute thatchérienne. Les propositions de l’homme de fer sont un voyage en terre de droite, très à droite.

Primaire de droite : mariage homo, voile, impôts… Ce qui divise les 7 candidats

François Fillon souhaite mettre en place un contrat de travail avec des modalités de rupture prédéfinies et progressives. Concrètement, il veut introduire le motif de réorganisation de l’entreprise dans les procédures de licenciement collectif “pour faciliter l’adaptation des entreprises à leur contexte concurrentiel”.

Dans le cadre du dialogue social dans les entreprises, l’ancien Premier ministre veut que celui-ci s’appuie, en cas d’échec, sur le référendum d’entreprise.

Il veut simplifier le droit du travail autour de “dispositions fondamentales” et “renvoyer le reste” à la négociation au niveau de l’entreprise ou des branches.

Le Thatcher français veut supprimer “la contrainte” des 35 heures et laisser les salariés et chefs d’entreprise négocier librement la durée de travail hebdomadaire. Le tout dans “la limite des 48 heures” posée par le droit européen. Il veut aussi supprimer un jour férié.

François Fillon veut pourvoir les 300.000 emplois “qui ne trouvent actuellement pas de candidats dans notre pays malgré le chômage de masse”.

L’ancien Premier ministre veut plafonner les allocations chômage à 75% et les rendre dégressives “afin que l’indemnisation chômage permette un vrai retour à l’emploi”. Enfin, il veut que la loi sanctionnant les refus successifs d’emploi soit appliquée.

Premier objectif de François Fillon : augmenter le temps de travail des fonctionnaires de 35 à 39 heures. Cette augmentation du temps de travail effectif “sera mise en œuvre en un an”, fait-il valoir.

“Le passage du temps de travail à 39 heures des trois fonctions publiques proposé dans mon projet permettra à terme de réduire le nombre de postes de fonctionnaires jusqu’à 500.000”, assure François Fillon. Gain d’économie, selon l’ultra-libéral : 15 milliards d’euros d’économie .

François Fillon n’aime pas trop les fonctionnaires. “Le statut de la fonction publique sera passé à la paille de fer pour en gommer tous les avantages injustifiés”, assure-t-il. Comme “les mises en disponibilité sans justification”, “les réintégrations dans leur corps d’origine des fonctionnaires ayant commis des fautes”.

François Fillon ambitionne de réduire les dépenses publiques de 100 milliards d’euros sur cinq ans et de “réformer de fond en comble la gouvernance publique”.

Face à la menace terroriste, François Fillon veut s’emparer de la proposition de François Hollande : la déchéance de nationalité. Il veut retirer la nationalité aux Français partis en Syrie ou en Irak et leur interdire de revenir sur le territoire.

Il veut créer un grand ministère de l’intérieur rassemblant toutes les forces qui concourent à la sécurité : police, gendarmerie, administration pénitentiaires, douanes. Par ailleurs, il souhaite que la police municipale soit armée.

François Fillon veut construire 16.000 places dans les prisons.

Il propose aussi la création d’une carte nationale d’identité biométrique.

Enfin, le candidat veut interdire les rassemblements publics que les forces de l’ordre ne seraient pas “capables de protéger”.

Le candidat Fillon n’a pas oublié la triste polémique sur le burkini sur les plages de France cette été. “La décision du Conseil d’Etat impose de clarifier la situation par la loi. Je serais prêt à voter une loi anti-burkini car on ne peut pas laisser les maires et les policiers seuls avec leur liberté d’appréciation”, déclare-t-il au “Monde” en août.

La position de François Fillon est simple : La GPA restera interdite à tous et les sanctions pénales sur le recours ou la promotion de la GPA seront renforcées. La PMA restera interdite aux couples de femmes et aux femmes seules.

Toutefois, François Fillon n’entend pas remettre en cause le principe du mariage des couples de même sexe, il veut réécrire le texte. Il souhaite que “les règles concernant la filiation doivent être réexaminées, car il y va de l’intérêt de l’enfant et cela prévaut pour moi sur toute autre considération”. Il veut supprimer la possibilité d’adoptions plénières pour les parents homosexuels.

François Fillon propose de rétablir l’universalité des allocations familiales et porter le plafond du quotient familial à 3.000 euros.

“La famille est le fondement de notre société, et il ne saurait être question que les familles soient pénalisées par une politique fiscale injuste à leur encontre”, affirme-t-il.

Ce sont ces positions qui lui ont permis de rallier les militants de Sens commun, émanation politique de la Manif’ pour Tous.

François Fillon veut la guerre. Contre qui ? Les “pédagogues prétentieux”. C’est ce qu’il a affirmé lors de son dernier meeting :

“L’échec de l’école est lié à l’échec de l’apprentissage des fondamentaux. Ce n’est pas la faute des enseignants. C’est la faute d’une caste de pédagogues prétentieux qui ont imposé des programmes jargonnants et qui ont pris en otage nos enfants au nom d’une idéologie égalitariste”

Alors, François Fillon propose de suspendre les allocations familiales pour les parents d’élèves absentéistes. L’ancien Premier ministre veut supprimer l’interdiction des devoirs à la maison, fixer le début de la scolarité obligatoire à cinq ans.

Il veut réformer la direction des établissements en donnant aux chefs d’établissement des pouvoirs dans la gestion des enseignants.

François Fillon veut consolider la filière nucléaire française et prolonger l’exploitation des centrales de 40 à 60 ans. Il n’entend pas fermer la centrale de Fessenheim.

Enfin, l’ancien Premier ministre veut supprimer de la Constitution “un principe de précaution dévoyé et arbitraire”.

François le Russe. Le député de Paris veut renouer avec la Russie de Poutine, lever l’embargo et coopérer avec la Russie dans le conflit en Syrie et contre l’Etat islamique. L’ancien Premier ministre veut aussi renforcer les relations avec l’Iran.

Vidéo en réaction :

Source : L’Obs, 20/11/2016

François Fillon est bien plus à droite que vous ne pensez

Claude Askolovitch, Slate, 19/11/2016

François Fillon vient d’une France douce, tempérée, modérée, mais où flottent des vapeurs réactionnaires, jamais totalement dissipées. Il n’est pas d’homme qui exprime mieux ce que deviennent les droites: libérales ultra et réactionnaires d’évidence, en mal de restaurations et de provinces.

[…]  Il n’est pas besoin de crier pour être de droite. Francois Fillon est souriant, urbain, poli, vengeur, et vrai. Il rencontre la droite dans ses aspirations. La purge libérale en économie, la restauration identitaire en société. Il le dit en élégance. Pourquoi préférer l’autre, enfin! Pourquoi se priver de ce que l’on est? Seul Fillon est adéquat, si l’idéologie rencontre la société.

Si cela prend, ce ne sera que naturel. Fillon n’est pas l’alternative à Juppé pour battre Sarkozy. Quelle idée vaine et inculte! Il est l’alternative à Sarkozy contre Juppé, ce radsoc chiraquien, si vieux mais surtout prévisible, qui cherche à faire oublier en jouant les pères nobles et les burgraves de droite, tout ce qu’il a d’humain et de faible, en somme, envers la part métissée de notre monde…

Article à lire ici (si vous aimez le personnage) : Claude Askolovitch, Slate, 19/11/2016

Source: http://www.les-crises.fr/francois-fillon-futur-president-de-la-region-france/


Revue de presse du 21/11/2016

Monday 21 November 2016 at 01:35

Merci à nos contributeurs pour cette revue de presse. Je relance un appel à candidature pour avoir des personnes pour nous aider à la faire…

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-21112016/


[Vidéo] Clip de l’armée ukrainienne…

Monday 21 November 2016 at 00:50

Juste pour rire : une pub réelle de recrutement de l’armée ukrainienne…

Source : Youtube capture-decran-2016-11-21-a-15-31-57

Source : Youtube

Source: http://www.les-crises.fr/video-clip-de-larmee-ukrainienne/


Réseaux Gladio : le documentaire de la BBC de 1992 (1/3 : The Ring Masters)

Sunday 20 November 2016 at 03:35

Suite de notre premier billet sur les Réseaux Gladio.

Je vous propose d’approfondir, en parcourant d’abord cette page Wikipedia dédiée, puis, surtout, en regardant ce très intéressant documentaire de l’excellente série TimeWatch de la BBC de 1992.

En voici la première partie (la deuxième dimanche prochain…), de qualité très médiocre (désolé, mais il n’y a que ça et ce documentaire est exceptionnel, très peu ont été réalisés…), que nous avons sous-titrée pour vous :

(Un grand merci aux traducteurs et sous-titreur)

gladio-1

Source: http://www.les-crises.fr/reseaux-gladio-le-documentaire-de-la-bbc-de-1992-13/


Une paix westphalienne pour le Moyen-Orient, par Michael Axworthy et Patrick Milton

Sunday 20 November 2016 at 03:20

Source : Foreign Affairs, le 10/10/2016

Pourquoi un vieux système pourrait fonctionner

Par Michael Axworthy et Patrick Milton

Entre 1618 et 1648, l’Europe centrale, et le Saint Empire Romain en particulier, était dévastée par une série de conflits causés par des visions politiques antagonistes, des grandes puissances et des rivalités dynastiques, qui ont été exacerbés par les différences religieuses. C’est ce qui a vite été appelé “La Guerre de 30 Ans”. Mais la paix de Westphalie, qui a achevé avec succès la phase allemande du conflit, a été largement incomprise.

L’accord de 1648 est largement perçu comme ayant inauguré un système moderne d’indépendance souveraine des États-nations en Europe (souvent cité comme le système westphalien). Et alors que la discussion continue, quand ce concept a été appliqué plus tard au Moyen-Orient après la chute de l’Empire ottoman, il contribua en fait largement au disfonctionnement actuel de la région. Mais en réalité, l’accord westphalien a produit quelque chose de tout à fait différent de ce qui fut communément pensé. Il s’est installé un système de souveraineté limité pour les nombreux États du Saint Empire Romain (connu officiellement comme États Impériaux, qui étaient les territoires composant l’empire, gouvernés par les princes et des conseils de cités). Il a aussi créé des mécanismes légaux pour régler les conflits et offrir une garantie mutuelle de maintien des termes du traité, qui vus tous ensemble forment un système de sécurité collective.

La correction de cette qualification erronée n’est pas seulement importante pour notre compréhension des conflits modernes au Moyen-Orient, mais aussi pour trouver un moyen d’y mettre fin. [Le traité de] Westphalie peut être utilisé, non pas comme plan pour un nouveau traité dans cette région, mais plutôt comme guide et boite à outil d’idées et techniques pour négocier une paix future.

LA VRAIE WESTPHALIE

La Guerre de 30 Ans a commencé avec la rébellion des nobles protestants dans la Bohême des Habsbourg (à présent la République tchèque) contre la politique de centralisation de l’empereur Habsbourg Ferdinand II (qui régna de 1619 à 1637), qui désavantageait les non-catholiques. La guerre dépassa des terres des Habsbourg et s’engouffra dans une grande partie de l’Allemagne après que l’Electeur Palatin (qui gouvernait un état territorial en substance protestant et était aussi sujet vassal de l’empereur), décida d’accepter la couronne de Bohême, que les rebelles avaient arraché à Ferdinand. Ce dernier devant faire face à cette révolte plus grave et de large ampleur qui menaçait la stabilité de l’Empire en entier, reçut de l’aide des puissances allemandes aussi bien catholiques que protestantes comme la Bavière, la Saxe, et également de ses cousins les Habsbourg d’Espagne. Ses opposants protestants dans l’Empire, en même temps, ont obtenu le soutien des puissances étrangères des deux religions, le Danemark, la Suède, et la France catholique. Ces interventions étrangères successives ont fait durer la guerre et l’ont rendue bien plus destructive.

Le problème fondamental derrière la guerre était les visions antagonistes de l’équilibre constitutionnel, qui se passait sur deux niveaux : entre les prérogatives de l’empereur et celles des princes, de même entre les prérogatives des princes (y compris l’empereur Habsbourg en tant qu’État impérial) et celles de leurs populations assujetties respectives au sein de leurs territoires. La question de l’équilibre confessionnel, et comment les divisions causées par la Réforme devraient être gérées et adaptées par la constitution impériale, était imbriquée dans ces deux problèmes.

L’accord final de Westphalie consistait en trois éléments principaux : une réforme du système impérial constitutionnel et politique ; en fonction de cela, un agrément religieux modernisé ; et un traité de paix international entre le Saint Empire Romain et les principaux belligérants européens, France et Suède. Bien qu’il ait fallu cinq ans, le succès final des négociations de paix au congrès des villes de Westphalie, Münster et Osnabrück, était dû pour une bonne partie à la participation de la plupart des États impériaux. Un sommet global de cette ampleur était sans précédent à l’époque, et c’était la volonté des participants d’explorer un terrain diplomatique inconnu qui a aidé à son succès. Cela en a fait un congrès “universel” qui a permis un accord qui satisfit tous les membres de l’empire. Le rôle des discussions informelles entre les envoyés et les dignitaires sur le sujet de développer des structures plus formelles, et finalement, les dispositions du traité, a été d’importance pour le succès de Westphalie. L’arrivée tardive sur la scène d’un groupe essentiel de princes des deux religions a aussi été vitale, ils étaient prêts à faire des compromis et ont agi comme des médiateurs informels entre l’empereur et les couronnes étrangères. Un tel groupe de diverses confessions fut sans précédent et a grandement poussé le processus de paix vers sa phase finale. La participation des princes impériaux dans le processus de paix en 1647-48 a eu pour résultat un ultimatum lancé à l’empereur Ferdinand III qui régna de 1637 à 1657, le forçant à rechercher un accord ou risquer de perdre entièrement leur soutien. Cette intervention arriva à un moment crucial quand le congrès risquait de s’effondrer complètement et qu’il était clair que l’accord de paix franco-espagnol, qui était aussi en négociation, n’aurait pu se conclure à Münster. (Il a seulement pu être conclu beaucoup plus tard, en 1659.) L’intervention de cette “tierce partie” assura ainsi cela, bien qu’un accord de paix universel ait été inatteignable, la paix aurait été sécurisée dans le centre crucial européen de l’Empire.

L’inclusion des États impériaux dans le processus de paix a aussi modifié l’équilibre constitutionnel du pouvoir entre l’empereur et les princes dans le texte du traité. L’un des compromis du traité impliquait la confirmation de la “supériorité territoriale” des princes, ou autonomie politique, aussi bien que leurs droits à participer aux décisions des principaux domaines politiques, conclure des alliances avec d’autres États de l’empire et puissances étrangères, entretenir des armées, financer la guerre, et faire la paix. Mais ils ont reçu un avertissement d’importance, les princes ne pourraient pas forger d’alliances directement dirigées contre l’empereur, l’empire, ou l’accord de paix. Les princes restent sujets de l’empereur, qui garde son pouvoir en tant que suzerain féodal et judiciaire. De même, l’empire et ses cours suprêmes détiennent la supervision judiciaire et la juridiction sur les territoires des princes. L’opinion commune qui admet que Westphalie a créé un système d’États souverains et égaux est donc fausse – d’autant plus que le traité a enlevé la prérogative étendue des princes sur les affaires religieuses, et le droit garanti à Westphalie à l’intervention de garants extérieurs à l’empire.

Le vrai coup de maître diplomatique de l’accord de paix a été sa constitution religieuse ajustée qui améliorait la “juridification” du conflit sectaire — en d’autres mots, qui apportait des moyens légaux plutôt que militaires pour résoudre les conflits. Les clauses religieuses développaient une trame basique existant dans l’empire depuis 1555, qui essayait de gérer la co-existence religieuse légalement et politiquement, tout en mettant entre parenthèses les questions litigieuses et insolubles de la vérité théologique. Le traité de Westphalie a étendu la protection légale des Calvinistes identifiés comme troisième religion, et en réduisant l’autorité des princes sur leur sujets en matière de religion, et par ce moyen répondant aux préoccupations de leurs sujets. Après de longues négociations et marchandages, les parties choisirent l’année 1624 comme “année normative”. A cette date, les propriétés religieuses (églises et  terres monastiques, par exemple), les droits de culte public, et le statut confessionnel de chaque territoire ont été verrouillés. Ce qui signifiait que les princes ne pouvaient plus imposer leur foi à leurs sujets et ceux qui s’étaient convertis à une confession différente ne pouvaient plus changer le statut confessionnel de leur territoire. C’était un moyen innovant pour rétablir la confiance entre protestants et catholiques. Comme les États impériaux catholiques étaient plus nombreux que les protestants, il fut décidé que le vote à la majorité ne serait plus décisif dans les corps représentatifs tels que le Reichstag (Diète Impériale) sur les questions confessionnelles. A la place, les représentants des princes devaient se séparer en partis religieux et chercher un accord par des négociations directes. Ce principe de parité confessionnelle a aussi été appliqué à la justice impériale, où les membres protestants des deux cours suprêmes ont été assurés d’avoir, de facto, le droit de veto.

ACCOMPLIR LA PAIX

Naturellement, l’analogie entre l’Europe du 17ème siècle et le Moyen-Orient contemporain exige un bond imaginatif, compte tenu des quatre siècles passés et des différences politiques, socio-culturelles, et des contextes économiques. Il y a néanmoins de remarquables similitudes entre de nombreux points de base. Pour commencer, on a la longueur et l’intensité du conflit, la complexité déconcertante des raisons de la discorde, le rôle des rebellions internes aggravant largement les conflits, et l’implication de puissances étrangères. Il y a aussi l’intensité des animosités religieuses entre les militants, la pluri-polarité de la scène internationale, la rivalité de nombreuses dynasties princières, et la fusion (et confusion) des motifs religieux et politico-constitutionnels. Les deux conflits ont vu de grandes puissances utiliser de plus petits groupes locaux pour se battre à leur place ; l’exaspération des peurs sécuritaires plus ou moins paranoïdes à travers des préjudices religieux ; et l’arrivée de nouvelles puissances dans le conflit, craignant que leurs propre sécurité et leurs intérêts soient touchés s’ils restaient inactifs. Les deux conflits ont vu l’exploitation de nouvelles formes d’information technologique pour exacerber les sectarismes (l’imprimerie au 17ème siècle et internet de nos jours), et les deux ont entrainé un niveau horrible de souffrance humaine. (On pense que l’Allemagne a perdu 1/3 de sa population entre 1618 et 1648, et une grande partie de la population a été déplacée, devenant des réfugiés.) Bien que le sectarisme ait été exploité à des fins politiques dans les deux contextes, il a aussi été un facteur déstabilisant en soi. Avant la Guerre de 30 Ans, il y avait un compromis qui fonctionnait entre les Catholiques et les princes luthériens, mais la politique impériale redevint plus agressive et confessionnelle à la fin du XVIe siècle. Pareillement, les relations sectaires dans le Moyen-Orient entre les Chiites et les Sunnites se sont détériorées à la fin des années 30, et les forces laïques précédentes dans les politiques régionales ont été repoussées et marginalisées.

La principale leçon donnée par l’expérience européenne est que, pour atteindre la paix, un accord effectif doit être initié par une conférence ou un congrès multilatéral auquel participeraient ensemble toutes les parties dans le but de négocier. La participation doit être la plus large possible ; cependant, certains éléments perturbateurs et autrement plus dérangeants pourraient être exclus. Les exilés qui se sont rebellés contre les Habsbourg ont été empêchés de participer au congrès de Westphalie, juste comme l’EI (ISIS) le serait aujourd’hui. Les participants devraient être prêts à travailler souplement et atteindre un nouveau degré diplomatique. Avec les encouragements du congrès, et en tant qu’élément de la progression, les participants doivent être préparés, comme le dit le ministre des Affaires étrangères allemand Frank-Walter Steinmeier dans un discours récent à Hambourg, à s’ouvrir de manière transparente sur leurs problèmes de sécurité, et à faire quelques sacrifices et compromis pour atteindre la paix. Si le Moyen-Orient n’est pas encore prêt à cela, l’expérience de la Guerre de 30 Ans suggère aussi que la région devra endurer plus de sang versé avant de finalement être amené à adopter les attitudes coopératives et positives nécessaires pour construire la paix. M. Steinmeier suggéra aussi qu’à des tournants cruciaux le rôle d’une “tierce partie” de plus petites puissances puisse être décisif pour donner un élan important à l’achèvement du processus de paix, ainsi que cela s’est passé en 1647-48. Il nota que les États d’Europe pourraient jouer un tel rôle dans le Moyen-Orient. Il est important d’ajouter ici que les négociateurs de Westphalie n’insistèrent pas sur un cessez-le-feu durable avant d’avoir commencé les discussions. Les négociations commencèrent et continuèrent alors que les combats faisaient rage, et furent influencées par les revers de fortunes de guerre. Durant les négociations de Westphalie, il fut nécessaire pour les participants de développer un certain degré de confiance mutuelle, pour faciliter une plus grande transparence entre eux à propos de leurs problèmes de sécurité et de nourrir un sens d’un objectif commun pour une paix durable. Ce n’a pas été facile alors, et ne sera pas facile à présent, mais c’est possible. Cela prend du temps.

Maison des Habsbourg (en mauve) ; Maison des Hohenzollern (en bleu) ; l'empire de Suède ; La monarchie danoise ; les îles britanniques ; la France (en rouge) ; l'Allemagne ; les républiques de Pologne ; La frontière ouest de la Russie.

Maison des Habsbourg (en mauve) ; Maison des Hohenzollern (en bleu) ; l’empire de Suède ; La monarchie danoise ; les îles britanniques ; la France (en rouge) ; l’Allemagne ; les républiques de Pologne ; La frontière ouest de la Russie.

La rivalité Arabie saoudite-Iran est aujourd’hui un problème central. Si le Moyen-Orient doit accomplir sa propre paix westphalienne, les représentants de ces deux régions ennemies, Arabie saoudite et Iran, doivent participer activement et constructivement aux négociations. Dans cette veine, il est utile d’étudier les parallèles entre le gouvernement d’Arabie saoudite, étant donné sa suprématie sunnite dans le Moyen-Orient contemporain, et l’empereur Habsbourg, qui avait un rôle similaire dans le Saint Empire Romain et l’accord de Westphalie. Il y a de nombreux points similaires entre la famille al-Saud et les Habsbourg du 17ème siècle. Les Saoudiens ont eu des difficultés à surmonter avec le fait qu’ils étaient en position d’autorité et de protecteurs des places sacrées de La Mecque et Medina, et le fait qu’ils n’étaient pas Califes ; les Habsbourg autrichiens ont eu fort à faire avec leur prééminence théorique en tant qu’empereurs du Saint Empire, et la réalité géopolitique. Les Habsbourg craignaient et souffraient de l’érosion de la suprématie régionale dont ils jouissaient avant, comme le font les Saoudiens à présent. A la place du pétrole saoudien, il y avait l’or et l’argent des Amériques qui finançait le soutien militaire apporté à l’empereur par ses cousins Habsbourg d’Espagne. A la place du wahhabisme sponsorisé par les Saoudiens et sa haine du chiisme, il y avait la contre-réforme catholique, qui cherchait à faire reculer les progrès protestants par une étroite interprétation catholique des lois impériales, illustré par l’Édit de Restitution de 1629. La contention (au moins) du wahhabisme saoudien devra être une partie majeure de tout accord dans le futur Moyen-Orient. Mais l’Arabie saoudite devra être choyée quelque-soit le processus de négociation, exactement comme les autres partis à Westphalie ont pris grand soin des intérêts de l’empereur.

ASSURER LA PAIX

N’importe quel accord au Moyen-Orient doit être construit sur des traditions religieuses, légales et autres structures propres à la région, juste comme Westphalie était rigoureusement basé sur le système impérial préexistant, mais négocié. Imposer un modèle européen est hors de question ; l’idée est plutôt d’appliquer les principes sous-jacents et l’expérience de Westphalie au Moyen-Orient.

Le premier principe implique de limiter la souveraineté de la plupart des États ou gouvernements de la région en donnant un niveau de protection aux citoyens contre leurs propres gouvernants, et en donnant aux sujets et citoyens le droit d’en appeler à une plus haute autorité légale. Cela pourrait être sous forme d’un tribunal, comme ce fut le cas dans le Saint Empire Romain, où il fut crucial de désamorcé des tensions et prévenir des conflits.

Les deux tribunaux suprêmes juridictionnels du Saint Empire Romain étaient essentiels pour la défense des termes et des droits de Westphalie. Les tribunaux réglaient souvent les conflits entre les princes plus qu’ils ne donnaient de verdicts après un procès, mais c’était un bon exemple pour montrer comment les mécanismes informels de résolution d’un conflit marchaient mieux que les jugements formels.

En acceptant les appels de la part des sujets qui auraient pu poursuivre en justice leurs gouvernants, le système judiciaire impérial a servi de soupape de sécurité contre le mécontentement larvé du peuple. Les tribunaux ont aidé à maintenir le statu quo, et en particulier la souveraineté conditionnelle qui limitait le pouvoir des princes impériaux en supervisant et réglant leur conduite, y compris la façon dont ils traitaient leurs sujets. Le Moyen-Orient n’a jamais eu de telle structure juridique supra-nationale, mais les Nations Unies en tant qu’institution possèdent un système de cours internationales et des mécanismes de résolution de conflits qui pourraient être adaptés dans ce but. Certaines nations pourraient être réticentes à accepter des limites à leur souveraineté, mais si de telles limites devaient arriver avec la marque des Nations Unies, elles seraient alors plus acceptables, spécialement s’il devient clair que cela soit la seule alternative à une violence sans fin.

Un second principe est de reconnaître que cette paix durera seulement si des garants extérieurs renforcent collectivement, au sein des États, le droit fondamental des peuples en matière de religion, propriété et procédure. Un des héritages clé du système westphalien était son innovant système de garants, qui a permis aux signataires de renforcer les dispositions de l’accord et d’installer un système de sécurité collectif englobant à la fois les garants internes (empereur et princes) et les garants externes (France et Suède). Ces derniers ont intégrés ce système dans un ordre international plus large dans l’Europe moderne naissante.

La garantie était plus évidente quand l’intégrité et la balance constitutionnelle de l’empire étaient menacées, menace qui dans certains cas venait d’un ou plusieurs garants eux-mêmes – notablement du roi français Louis XIV, dans la dernière partie du 17ème siècle. Les garants qui n’étaient pas partie prenante du conflit devaient normalement se manifester et défendre l’ordre westphalien – soit par conviction sur le principe, ou intérêt géopolitique en soi, soit par la combinaison des deux.

Comme aucun des mécanismes judiciaires internes ne pouvait contraindre l’empereur à adhérer à la loi impériale, la garantie externe était un complément nécessaire ; cela a encouragé la retenue de la part des princes et de l’empereur, dissuadé les brèches évidentes dans l’agrément de paix et dans la loi, et incité le respect des droits confessionnaux et des prérogatives princières qui avaient été confirmés à Westphalie. Le système de garants a aussi pu évoluer et s’accroître en réponse à l’évolution des courants internationaux : le déclin géopolitique de la Suède durant le 18ème siècle l’a rendue moins capable d’exercer de manière efficace son rôle de garant (même si en termes formels, elle a gardé son plein statut jusqu’à la chute de l’empire en 1806), alors que la puissance croissante de la Russie l’a propulsé au rang de garant en 1779. Un système de garantie pour le Moyen-Orient devrait être aussi souple.

Bien que Louis XIV et d’autres monarques essayent de tirer avantage de leur statut de garants pour faire avancer leur pouvoir et leurs intérêts politiques, les normes établies à Westphalie ont servi à limiter les brèches. Par exemple, la question de la violation a été discutée, y compris par le roi lui-même, en termes de normes westphaliennes, avec un préjudice inhérent pour la paix. Finalement, les aventures géopolitiques de Louis XIV se sont soldées par un échec et les règles de comportement établies par Westphalie ont joué une grande part en faisant obstacle à ses ambitions et en rassemblant les autres États européens en alliance contre lui. Le succès du système des garants était en partie dû à une large acceptation normative d’une intervention extérieure pour protéger les droits et les libertés. Il y avait aussi une tradition similaire, enracinée dans l’empire, de rechercher l’assistance de l’étranger. Ceci, avec la nature décentralisée de l’empire, a aidé à rendre le système de garantie extérieur efficace.

Dans le but de trouver des garants extérieurs appropriés pour un future accord en Moyen-Orient, on aura besoin d’établir des mécanismes qui reflètent la distribution de l’importance des puissances, mais aussi ayant des légitimités régionales. Certains ont suggéré que le système européen de l’Europe moderne naissante avait un plus grand niveau d’homogénéité culturelle que le Moyen-Orient a de nos jours. Dans ce sens, la France et la Suède comme garants ne semblait pas aussi “externe” que les USA et l’Union européenne le seraient pour le Moyen-Orient, par exemple. Les Nations Unies pourraient être le seul garant externe potentiel avec une vraie légitimité depuis qu’elles incluent une représentation moyen-orientale, mais sa légitimité est obtenue au coût de son efficacité, d’une certaine manière.

Pour qu’un système externe de garantie soit efficace, il a besoin d’être soutenu par une force militaire, même si cette force n’est jamais utilisée. Même si les USA et l’UE étaient réticents à s’engager dans un tel arrangement, des puissances régionales comme l’Arabie saoudite et l’Iran seraient plus intéressées. La Turquie également pourrait être tentée de jouer un rôle plus important. Dans ce contexte, on devrait faire face au risque que des interventions de garants exacerbent les tensions existantes sur le terrain, et aussi d’être perçues comme guidées par des intérêts personnels, comme ce fût le cas avec la France sous Louis XIV. Il serait donc préférable de concilier les intérêts des garants avec ce qui est nécessaire pour maintenir le système, quand on établira ce système des garants. Pour l’Arabie saoudite, il est important de maintenir la position du régime en tant qu’État prééminent de l’Islam Sunnite, renforcé par son rôle de gardien des places sacrées de la Mecque et Medina. Les leaders iraniens se sentent certainement en devoir de parler pour les minorités Chiites plus ou moins opprimées de cette région.

Un troisième principe ou élément, dérivé de Westphalie, pourrait être que le Moyen-Orient détermine sa propre “année normative” pour réinstaller les droits de culte publics et l’équilibre intercommunautaire des États et des acteurs locaux à une date passée équitable convenue. Aucun sujet ou citoyen ne pourrait être exclu d’une administration sous prétexte de religion. A l’intérieur de chaque État, un niveau minimum de droits et de protection des groupes minoritaires serait garanti. Cette disposition implique aussi que les frontières établies entre les états seraient gardées et maintenues comme partie de l’accord, comme cela a été le cas à Westphalie. Sélectionner une date pour l’année normative serait sujet à contentieux, et il pourrait être utile de le faire dans certains contextes plutôt que d’autres. Mais ce serait un outil très utile dans le processus de paix, si appliqué judicieusement et souplement (dans le traité de Westphalie, cette question était à géométrie variable, avec la date générale normative en 1624, mais en 1618 pour certains cas particuliers). A la place d’un conflit confessionnel éradiqué par Westphalie, il a été transformé en procédé légal – autre exemple de la “juridification” du conflit, caractéristique du Saint Empire Romain. Le litige, la négociation et la diplomatie devinrent cruciales pour désamorcer les tensions et transformer un conflit brulant en tension diplomatique, notablement durant la crise confessionnelle allemande de 1719. Cela a été déclenché par les tentatives de quelques princes catholiques du Rhin de miner les droits de leurs sujets protestants. En réponse, les puissances protestantes d’Allemagne du Nord ont menacé d’intervenir avec une armée. Un conflit armé a été évité grâce à l’implication des parties en accord avec les mandats politico-judiciaires de Vienne pour restaurer les États dans leurs conditions d’avant-crise.

C’est presque une sagesse conventionnelle que l’hétérogénéité des acteurs dans le Moyen-Orient sape les chances d’atteindre un accord général comme celui de Westphalie. Mais le Saint Empire Romain contenait aussi un ensemble d’acteurs et d’intérêts divers, traumatisés et divisés par la guerre et les atrocités. Même si c’est impossible (et peut-être indésirable) d’essayer de transposer des solutions globales comme des plans ou modèles d’une région à l’autre, l’expérience de Westphalie est précieuse. Elle montre de manière importante que la paix peut toujours être négociée — sans tenir compte de la complexité, de la durée et de l’intensité du conflit — avec l’aide de négociateurs diplomatiques autoritaires discrets, et expérimentés, comme le ministre des Affaires étrangères allemand Steinmeier le déclarait. Et, des siècles plus tard, le traité de Westphalie nous montre comment une telle paix peut être trouvée.

Source : Foreign Affairs, le 10/10/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/une-paix-westphalienne-pour-le-moyen-orient-par-michael-axworthy-et-patrick-milton/


Obama réimpose le néolibéralisme en Amérique latine, par Ted Snider

Sunday 20 November 2016 at 03:10

Source : Consortiumnews.com, le 13/10/2016

Le 13 octobre 2016

La principale réussite du président Obama en Amérique latine n’a pas été de restaurer des relations diplomatiques avec Cuba ; mais plutôt la stratégie de son administration du «changement de régime», permettant la ré-institution d’une économie « néolibérale » orthodoxe sur la région, comme l’explique Ted Snider.

Par Ted Snider

Peu de temps après sa prise de fonctions, le président Barack Obama a promis de changer la façon dont l’Amérique fait des affaires avec l’Amérique latine, en signe de reconnaissance de l’histoire effroyable des interférences et du changement de régime datant du XIXe siècle, de l’hostilité de Thomas Jefferson envers la rébellion des esclaves d’Haïti à la trahison de William McKinley de Cuba après sa « libération » de l’Espagne.

Il y a eu ensuite le cas de Théodore Roosevelt qui a séparé le Panama de la Colombie en 1903 dans le but de construire le canal de Panama. Et un autre cas en 1908 lorsque le gouvernement des États-Unis a coopéré à l’éviction du président vénézuélien Juan Vicente Gómez. Et en 1909, lorsque William Taft a enlevé José Santos Zelaya au Nicaragua parce qu’il insistait pour que les entreprises américaines au Nicaragua honorent leurs accords, et qu’il essayait de rendre son pays moins dépendant des États-Unis en empruntant aux banques européennes, plutôt qu’américaines.

Le président Barack Obama revient à la Maison-Blanche, le 17 janvier 2013. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)

Le président Barack Obama revient à la Maison-Blanche, le 17 janvier 2013. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)

Dans l’époque moderne, Dwight Eisenhower avec la CIA a renversé Jacobo Arbenz au Guatemala en 1954. Avant de quitter ses fonctions, il a initié les mesures secrètes visant à éliminer le leader de Cuba Fidel Castro, un processus qui a continué sous John Kennedy avec l’invasion de la Baie des Cochons et ses suites. Puis il y a eu le coup d’État de 1964 au Brésil pour renverser Joao Goulart ; la même année a été entreprise l’action politique pour éliminer Chedi Jagan de Guyane.

En 1971, Richard Nixon a déstabilisé le Chili en suscitant un coup d’État sanglant contre Salvador Allende. Ronald Reagan a financé une guerre secrète pour évincer le gouvernement sandiniste du Nicaragua, tout en apportant un soutien militaire à divers régimes brutaux et répressifs en Amérique centrale. George H.W. Bush a détruit des quartiers civils de Panama City lors d’une invasion qui avait pour but d’arrêter le chef panaméen Manuel Noriega.

Et la pauvre Haïti s’est régulièrement trouvée dans le collimateur de Washington. Avec le soutien des administrations Bush-41 et Bush-43 [41e et 43e président, NdT], un complot a renversé, par deux fois, le leader populaire Jean-Bertrand Aristide en Haïti. George W. Bush a également soutenu un coup d’État éphémère en 2002 pour évincer le président vénézuélien Hugo Chavez. Et ceci n’est qu’une liste partielle des interventions américaines menées dans leur “arrière-cour”.

Ainsi, il est important d’évaluer les résultats de la promesse d’Obama de changer cette histoire tragique et honteuse. Pourtant, il n’a pas fallu longtemps pour voir que rien n’avait vraiment changé. Il semble que l’administration Obama ait adopté une stratégie de huit ans pour faire reculer ce qui a été appelé la marée rose des dirigeants progressistes ou socialistes qui osaient défier le modèle économique néolibéral de Washington pour cet hémisphère.

L’administration Obama a favorisé plutôt une approche plus subtile du changement de régime que ses prédécesseurs. Contrairement aux coups d’État militaires parrainés par les administrations antérieures, les coups d’État d’Obama n’ont pas nécessité de chars dans les rues. Au contraire, ils ont été déguisés en affrontements politiques internes, à commencer par des troubles civils et des accusations par les médias de violations commises par le chef visé, suivies par voie parlementaire où les tribunaux utilisent la destitution ou autre moyen « constitutionnel » pour réaliser le changement de régime. Il s’agissait de coups d’État silencieux ou « feutrés » réalisés sous déguisement démocratique.

Nous en avons un exemple précoce le 28 juin 2009, lorsque le président libéral du Honduras démocratiquement élu Manuel Zelaya a été accusé d’avoir fomenté un amendement constitutionnel qui autorisait plus d’un mandat pour le président. Sur les directives de ses adversaires politiques à la Cour suprême, l’armée l’a enlevé et emmené dans un avion qui s’est ravitaillé sur une base militaire américaine.

Cela aurait pu être l’occasion pour Obama de montrer qu’il ne plaisantait pas, qu’il plaçait la démocratie et le progrès social au centre de son agenda régional. Au lieu de cela, il a permis à son département d’État de signaler que les États-Unis étaient secrètement ravis de l’éviction de Zelaya.

Après le coup d’État, l’ambassadeur américain n’a pas été rappelé, les États-Unis ont refusé de se joindre à la demande de l’assemblée générale des Nations Unies et de l’Organisation des États Américains (OAS) pour le retour du président élu, et le mot “coup” a été banni du lexique du département d’État.

Bien que l’OAS refuse de reconnaitre le nouveau président amené au pouvoir par le coup d’État, le département d’État sous Hillary Clinton alla dans la direction opposée, en reconnaissant le coup d’État du gouvernement comme gagnant des nouvelles élections controversées. Le soutien militaire des États-Unis s’est également accru.

Pourtant, en dépit des contorsions linguistiques de l’administration Obama pour ne pas appeler publiquement l’enlèvement de Zelaya un coup d’État, la Maison-Blanche d’Obama savait que c’en était un. Le 24 juillet 2009, moins d’un mois après, la Maison-Blanche recevait un télégramme de l’ambassade des États-Unis au Honduras informant le Président Obama des faits.

Par un manque de subtilité quasi-comique qui n’était pas censé être publié, le télégramme s’appelait « Ouvert et fermé : l’affaire du coup d’État au Honduras. » Dans ce document, l’ambassade a écrit: « Il ne fait aucun doute que les militaires, la cour suprême et le Congrès national ont conspiré dans ce qui constitue un coup d’État illégal et anticonstitutionnel. »

L'ancien président du Honduras Manuel Zelaya.

L’ancien président du Honduras Manuel Zelaya.

La conclusion ne pouvait être plus claire. Mais au cas où il y aurait encore des doutes, le câble ajoutait que « aucun des… arguments [des défenseurs du coup d’État] n’ont la moindre validité au regard de la constitution du Honduras. »

Dans l’interprétation la plus généreuse de l’action ou de l’inaction d’Obama, on pourrait dire qu’il a permis le succès du coup d’État tout en restant silencieux. Cependant, il est plus probable que son administration l’ait soutenu, en dialoguant avec les militaires honduriens jusqu’au jour du coup d’État et en reconnaissant peu après le gouvernement qui a suivi comme légitime. Zelaya a toujours insisté sur le fait que « le coup est venu du Nord, des États-Unis. »

Dans le feu de l’action, l’avion qui transportait le président kidnappé a atterri sur la base militaire américaine de Palmerola pendant 15 à 20 minutes pour se ravitailler. Les États-Unis ont choisi de ne pas intervenir.

Dans ses mémoires, Hard Choices, Clinton a admis qu’elle avait aidé la nouvelle direction en court-circuitant tous les efforts pour restaurer Zelaya au pouvoir. « Dans les jours suivants [le coup], j’ai parlé avec mes homologues de l’hémisphère, y compris la Secrétaire [Patricia] Espinosa au Mexique. Nous avons étudié un plan stratégique destiné à rétablir l’ordre au Honduras et veiller à ce que des élections libres et équitables soient organisées rapidement et légitimement, ce qui rendrait le problème de Zelaya nul et non avenu, » écrit-elle.

L’Équateur en ligne de mire

Après le coup d’État contre Zelaya, le Président populaire élu de l’Équateur, Rafael Correa, affirmait : « Nous avons des rapports des services de renseignement qui disent qu’après Zelaya je suis le prochain. » Il avait probablement raison, car l’année suivant le coup d’État du Honduras, il y eut une tentative de coup d’État contre Correa qui a échouée. L’expert latino-américain Mark Weisbrot a déclaré que c’était clairement une tentative de coup d’État destinée à renverser le gouvernement Correa.

Correa avait renégocié les contrats pétroliers et demandé une plus grande part du chiffre d’affaire des grandes compagnies pétrolières pour le peuple d’Équateur. Il était également opposé à un traité de libre-échange avec les États-Unis et a fermé une base militaire américaine en Équateur. Et il rejoignit le Venezuela, Cuba, la Bolivie et l’Équateur dans la Bolivarian Alliance for the Peoples of Our America (ALBA) et il fit défaut avec succès sur plus de 3 milliards de dollars de dette extérieure qui fut illégitimement contractée par des dirigeants équatoriens dont Correa disait qu’ils étaient des dictateurs soutenus par la CIA.

Les États Unis ont commencé leur action contre Correa durant la présidence de George W. Bush. En octobre 2005, un télégramme de l’ambassade envoyé par l’ambassadeur américain Linda Jewell décrivait l’action comme “un changement politique et économique souhaitable en Équateur.” En 2006, elle télégraphia que l’élection de Correa ferait dérailler les espoirs américains tout comme l’ambassade s’attendait à ce que Correa se joigne à Chavez ainsi que d’autres dirigeants nationalistes sud-Américains. Dans le même télégramme, (06QUITO2150), Jewell disait que les États Unis avaient « activement découragé les alliances potentielles » avec Correa. Elle a admis (06QUITO2991) « travailler de concert avec les autres équatoriens et groupes qui partagent notre vision. »

Durant les années d’Obama, les États-Unis continuèrent à intervenir en Équateur. En mars 2009, l’Équateur a expulsé Mark Sullivan, un responsable américain qui était accusé d’être le chef de la CIA à Quito et qui a joué un rôle dans la suspension de l’aide des États Unis à une unité de police spéciale d’enquête, lorsque l’Équateur a nommé un nouveau chef que les États Unis n’approuvaient pas.

Le 30 octobre 2010 eut lieu la tentative de coup d’État que Correa attendait. Le leader du coup d’État était diplômé de l’École des Amériques. Une commission nommée par le gouvernement a constaté que des “acteurs étrangers” y avaient participé. Un des membres de la commission a annoncé sa conviction que le département d’État américain et la CIA étaient impliqués dans la tentative avortée de renverser Correa.

Haïti, une fois de plus

En 2010, Obama a échoué à un autre test lorsque Washington finança les élections haïtiennes à hauteur de 14 millions de dollars, un prix affiché qui donnait vraisemblablement à l’Amérique un avantage significatif. Pourtant, le Conseil électoral provisoire d’Haïti (CEP) a interdit à 14 partis de concourir, y compris Fanmi Lavalas, le parti de Jean-Bertrand Aristide, qui avait été par deux fois destitué par des coups d’État appuyés par les Américains.

L'ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide.

L’ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide.

Le plus grand et le plus populaire des partis d’Haïti, Fanmi Lavalas, a remporté toutes les élections où il avait été autorisé à participer. Mais dans cette élection sous patronage américain, Fanmi Lavalas n’a pas été autorisé à concourir. En d’autres termes, l’administration Obama a financé une élection qui excluait spécifiquement le parti que les gens voulaient élire.

L’indicateur suivant de l’action déplorable d’Obama est advenu au Paraguay, où, en juin 2012, Fernando Lugo, le dirigeant démocratiquement élu du Paraguay, a été éliminé par un coup d’État. L’opposition de droite capitalisa de façon opportuniste sur une escarmouche dans le territoire disputé qui fit au moins 11 morts en reprochant injustement leur mort au président Lugo. Ils l’ont ensuite destitué après lui avoir donné seulement 24 heures pour préparer sa défense et seulement deux heures pour la plaider.

Les organisations latino-américaines UNASUR et MERCASUR ont suspendu le nouveau gouvernement paraguayen, mais le gouvernement des États-Unis a passé la journée du coup d’État à négocier une nouvelle base militaire au Paraguay. Comme avec le Honduras, les responsables américains évitaient d’utiliser publiquement le mot « coup d’État ».

Pourtant, dès 2009, un câble de l’ambassade américaine a reconnu que l’opposition politique de Lugo a pour objectif de « capitaliser sur tout faux pas de Lugo » et de « destituer Lugo et assurer leur propre suprématie politique. » Le câble a noté que, pour atteindre cet objectif, l’opposition était prête à destituer « légalement » Lugo, « même sous des motifs fallacieux »; un soi-disant « coup d’État feutré. »

Focus sur le Venezuela

L’année suivante, en 2013, l’attention s’est reportée sur le Venezuela à la suite de la mort d’Hugo Chavez d’un cancer. Contre la volonté des États-Unis, le successeur d’Hugo Chavez, Nicolás Maduro, a gagné le droit de poursuivre la révolution bolivarienne en remportant l’élection nationale suivante. Les États Unis ont été le seul pays au monde à ne pas reconnaître les résultats des élections, bien que 150 observateurs électoraux du monde entier aient suivi l’élection du Venezuela, y compris les délégations de l’Union des Nations sud-américaines et le Centre Carter.

Le défunt président vénézuélien Hugo Chavez.

Le défunt président vénézuélien Hugo Chavez.

La pression de l’administration d’Obama sur le gouvernement du Venezuela a été implacable. De l’argent américain, totalisant au moins 90 millions de dollars depuis 2000, a été injecté dans le Venezuela afin de financer des groupes opposés au mouvement chaviste, avec le soutien américain en 2015 à une nouvelle tentative de coup d’État, de laquelle Maduro a accusé le gouvernement américain.

Bien que méprisée par le gouvernement américain et par les médias grand public américains, l’accusation n’était pas infondée. Des fonctionnaires du Venezuela ont accumulé une somme importante de preuves que les évènements constituaient un coup d’État manqué avec le soutien des États-Unis, y compris l’enregistrement d’un communiqué qui devait être publié après que le gouvernement Maduro aurait été écarté du pouvoir. Le gouvernement Maduro a également montré les aveux de militaires, ainsi qu’une conversation téléphonique entre les dirigeants de l’opposition discutant du coup d’État, impliquant le maire de Caracas Antonio Ledezma connu pour avoir passé des appels vers un numéro de téléphone américain.

Lucas Koerner de Venezuelanalysis.com a ajouté que l’avion devant être utilisé dans le cadre du coup d’État manqué a des liens avec la célèbre firme américaine de sécurité Academi (anciennement Blackwater). Et il a été rapporté qu’un certain nombre de leaders du coup d’État avaient obtenu des visas de l’ambassade américaine pour faciliter leur évasion en cas d’échec.

Et en mai dernier, le président Maduro a déclaré l’état d’urgence, accusant les États-Unis de conspirer une nouvelle fois avec des groupes d’extrême-droite au Venezuela pour renverser son gouvernement. Maduro a déclaré que « Washington est en train de prendre des mesures à la demande de la droite fasciste du Venezuela. »

Le reflux de la Marée Rose

L’effet cumulatif de toute cette pression sur les dirigeants progressistes en Amérique latine a provoqué un reflux notable du mouvement Marée Rose (Pink Tide), qui avait à son actif une amélioration significative des conditions de vie des citoyens les plus pauvres de la région, bien que beaucoup de ces gains soient maintenant perdus.

L'ancienne présidente du Brésil Dilma Rousseff devant l'Assemblée générale des Nations Unies. (Photo ONU par Marco Castro)

L’ancienne présidente du Brésil Dilma Rousseff devant l’Assemblée générale des Nations Unies. (Photo ONU par Marco Castro)

Le coup, peut-être le plus fort, porté aux tentatives de l’Amérique latine pour réduire la pauvreté et structurer l’économie au bénéfice des gens ordinaires, et non des riches, n’est venu que cette année au Brésil quand un autre « coup d’État feutré » a été organisé pour écarter la présidente brésilienne Dilma Rousseff de sa fonction, et la remplacer par un pouvoir de droite.

Une fois de plus la preuve d’un coup d’État était évidente avec les partis de l’opposition se saisissant d’un différend budgétaire pour renverser la volonté des électeurs dans le plus grand pays et la plus grande économie d’Amérique du Sud. La preuve comprenait la publication d’un compte rendu de l’appel téléphonique entre Romero Jucá, qui était sénateur au moment de l’appel, et l’ancien directeur exécutif des hydrocarbures Sergio Machado, évoquant « un pacte national » pour supprimer Rousseff et installer Michel Temer comme président. Jucá a révélé que non seulement les politiciens de l’opposition, mais les membres de l’armée et de la Cour suprême étaient dans le complot.

En ce qui concerne le rôle de l’armée, Jucá a dit : « Je parle avec les généraux, le commandement militaire. Ils sont d’accord avec ça, ils ont dit qu’ils vont le soutenir. » Et, comme pour la Cour suprême, Jucá a admis qu’il « a parlé et assuré la participation de nombreux juges de la Cour suprême du Brésil, » selon le journaliste Glenn Greenwald basé au Brésil. Jucá s’est en outre vanté que « il y a seulement un petit nombre » de juges de la Cour suprême avec qui il n’a pas parlé. (Jucá est depuis devenu ministre de la planification dans le nouveau gouvernement Temer.)

Michel Temer était si confiant du soutien des États-Unis pour son coup d’État qu’il pouvait s’en vanter ouvertement à New York, devant un public de dirigeants d’affaires et de politique étrangère, en septembre. Temer a confirmé à son auditoire américain que Rousseff a été écartée du pouvoir parce qu’elle a refusé de mettre en œuvre un plan économique pro-business, qui comportait des réductions pour la santé, l’éducation et les dépenses sociales, et mettait davantage l’accent sur la privatisation et la dérèglementation.

Temer a déclaré : « Il y a plusieurs mois, alors que j’étais encore vice-président, nous avons publié un document intitulé “Un pont vers l’avenir”, parce que nous savions que ce serait impossible pour le gouvernement [Rousseff] de continuer sur cette voie. Nous avons suggéré que le gouvernement devrait adopter les thèses présentées dans ce document. Mais comme cela n’a pas fonctionné, le plan n’a pas été adopté et un processus a été établi qui a culminé avec mon installation comme président de la république. »

Comme Inacio Vieira l’a signalé pour The Intercept, « L’argumentaire de vente de Temer était farci d’euphémismes du jargon néo-libéral standard, y compris l’universalisation du marché brésilien, le rétablissement de la confiance, une stabilité politique extraordinaire, un partenariat public-privé, et la mise en œuvre de réformes fondamentales dans des domaines comme le droit du travail, la sécurité sociale et les dépenses publiques. »

Et s’il reste un doute sur la motivation de ce gouvernement pour ce coup d’État – ostensiblement son indignation au sujet de la manœuvre budgétaire de Rousseff – il y a le fait que l’un des premiers actes du gouvernement issu du coup d’État fut de légaliser explicitement l’acte budgétaire pour lequel ils avaient mis en accusation Rousseff deux jours plus tôt.

Satisfaction américaine

Bien que la participation directe américaine dans le coup d’État au Brésil n’ait pas été établie, le silence d’Obama au sujet du renversement d’un gouvernement démocratique supplémentaire, se produisant dans le pays économiquement le plus important d’Amérique latine, démontre clairement sa satisfaction à l’égard du coup d’État.

Le Président Barack Obama

Le Président Barack Obama

Considérant la façon dont son administration dénonce les développements prétendument anti-démocratiques, par exemple la Russie, la réticence d’Obama à protester contre un autre coup sévère à la démocratie dans l’hémisphère occidental suggère une satisfaction de l’imposition d’un nouvel agenda économique néolibéral au Brésil.

C’est également la conclusion de nombreux analystes proches de la scène brésilienne. « Il ne fait aucun doute que les plus grands acteurs de cette tentative de coup d’État – des gens comme les anciens candidats à la présidentielle José Serra et Aécio Neves – sont des alliés du gouvernement américain, » selon l’expert latino-américain Mark Weisbrot.

Et Boaventura de Sousa Santos, professeur de sociologie à l’Université de Coimbra au Portugal et éminent juriste à l’Université de Wisconsin-Madison, a déclaré que le Brésil est inondé de financements américains, y compris des « organisations liées à la CIA. »

Le lendemain du vote de destitution, le sénateur Aloysio Nunes, un acteur important du coup d’État, a entamé une visite de trois jours à Washington. Nunes prévoyait des réunions avec entre autres, le président et un membre éminent du Comité des relations étrangères du Sénat, Bob Corker et Ben Cardin, ainsi qu’avec le secrétaire d’État et ancien ambassadeur au Brésil Thomas Shannon.

En dépit des dénégations de Nunes, des rapports indiquent que son voyage à Washington a été commandé par Michel Temer. La volonté de poursuivre les réunions prévues avec Nunes juste après le vote de destitution a démontré, une fois de plus, au moins l’approbation tacite de Washington. Si le gouvernement américain avait voulu envoyer un message de désapprobation, le voyage aurait été annulé.

L’impact cumulé de la présidence d’Obama sur l’Amérique latine a été le reflux constant de la Marée Rose alors que les gouvernements socialement progressistes de l’hémisphère ont été soit écartés par des « coups d’État feutrés » ou placés sous une énorme pression économique, inversant la plupart des gains sociaux qui se sont produits dans la décennie précédente.

Ironie du sort, les gouvernements progressistes d’Amérique latine ont fait plus de progrès lorsque le prédécesseur d’Obama, George W. Bush, était au pouvoir parce que son administration a été davantage axée sur le Moyen-Orient et la « guerre contre le terrorisme. »

Ainsi, la présidence d’Obama représentait moins une nouvelle page dans l’histoire des relations des États-Unis à l’égard de ses voisins latins que la répétition de vieux chapitres dans lesquels le gouvernement américain a fait équipe avec les oligarques locaux et les idéologues de droite pour créer un climat économique favorable aux investisseurs extérieurs et aux élites locales traditionnelles.

L’approche d’Obama a peut-être été plus subtile que celle des précédents présidents américains – en utilisant des « coups d’État feutrés » plutôt que le déploiement de chars dans les rues – mais l’effet a été le même, imposer la domination économique et politique des États-Unis sur la région et écarter les gouvernements démocratiques qui ont osé mettre les intérêts de leur peuple en premier.

Ted Snider écrit sur l’analyse des tendances dans la politique étrangère et l’histoire des États-Unis.

Source : Consortiumnews.com, le 13/10/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/obama-reimpose-le-neoliberalisme-en-amerique-latine-par-par-ted-snider/


Le Parisien censure le DVD de Merci Patron !

Sunday 20 November 2016 at 02:52

Source : Fakir, 08/11/2016

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Que Le Parisien ne parle de pas de notre film, au printemps, on comprend. Mais même quand on se propose d’aligner les billets pour une publicité, la porte reste fermée !

Noël approche, et pour la promotion de notre DVD dans les rayons des supermarchés, on a décidé de prendre une pub dans Le Parisien, le quotidien populaire de Bernard Arnault.
Et on y a cru.
Ça a presque marché !

La régie du Parisien l’avait validé : notre publicité devait passer dans les pages politiques, le mercredi 9 novembre. Nous avions, de notre côté, accepté la facture : 4 000 €, plus cinquante DVD de Merci Patron ! adressés au quotidien. On venait d’ailleurs de verser 30 % de la facture, soit 1 200 euros. Et le carton de DVD était prêt, dans notre salle à manger, avec des petits cœurs dessinés dessus. Il ne nous restait qu’à envoyer le visuel, comme convenu, le vendredi 4 novembre.
Mais la veille, le jeudi 3, patatras !

Le « directeur de la clientèle » nous appelle : « Je suis allé un peu vite dans la confirmation… euh… Puisqu’on avait des directives en fait en période préélectorale de… euh… de refuser en fait tout ce qui est communication polémique. Or, la vôtre en fait partie… »
Nous voilà bien surpris : il s’agit d’une banale promo, sans caractère ni polémique ni électoral.

Fakir : Si vous voulez, la seule polémique possible, elle est avec votre propriétaire… Bernard Arnault.
Long silence.
Le directeur : Bah sans doute… mais ça reste politisé.
Fakir : Non, non ! A moins que vous ne me révéliez maintenant que Bernard Arnault a des ambitions pour la prochaine élection…
(Long silence.)
Le directeur : On peut pas se permettre de… de laisser la parole libre comme ça à des personnalités ou à… Y a une indépendance de la rédaction et ils restent maîtres de leurs contenus. Ils veulent une autonomie, ils veulent une clarté de l’information… et ça passe par ce type de choix… ça peut être difficile…

Formidable logique : censurer la publicité de Merci Patron ! garantit l’indépendance de la rédaction !

Fakir : Je suis désolée que ça tombe sur vous… Vous avez l’air très sympathique… Je préférerais être en contact directement avec le donneur d’ordre, avec la personne qui vous a demandé de prendre cette décision…
Le directeur : Je peux prendre un message.
Fakir : Je préférerais être directement en contact avec le propriétaire du journal… qui est le personnage principal de mon film… Vous voyez ?
Le directeur :  Il n’est même pas au courant de notre conversation… 
Fakir : Non, je n’en doute pas, il n’a même pas besoin d’être au courant. Il a des serviteurs dociles qui devancent ses ordres… et vous en êtes un des rouages…

C’est la deuxième fois, tout de même, que cette censure invisible nous joue des tours. Au printemps déjà, alors que l’aventure Merci patron ! remplissait les colonnes de tous les journaux nationaux et locaux, Le Parisien excellait par son silence. 
Jusqu’à la sortie d’un communiqué signé des trois syndicats et de la Société des journalistes de la rédaction :

Stéphane (le directeur de la rédaction) assure qu’il n’y a eu aucune pression ni consigne venue d’en haut. Nous le croyons volontiers. C’est justement le principe de l’autocensure que de rendre inutile les pressions, en anticipant la conduite supposément attendue.
Se pose alors la question de la confiance dans la direction de la rédaction à garantir notre liberté éditoriale et notre capacité à faire notre métier de journaliste, au risque de déplaire à notre puissant actionnaire.

Les « serviteurs dociles », tout de même, ça les titille ce silence. Martine Chevalet, journaliste dans le canard du compère Arnault, confirme :

On se dit : qu’est-ce qu’il se passe derrière… Est-ce que c’est impossible de parler de Bernard Arnault, est-ce que c’est impossible de parler de LVMH autrement en terme laudateur ? Est-ce que c’est impossible de parler d’aucune de ses marques ? Est-ce que par exemple, demain on aura la possibilité de décrire euh … un événement social chez Carrefour par exemple ? Tout le monde dans la rédaction s’est interrogé sur la… la marge de liberté qui restait… pour les uns et pour les autres.
Il y a quelques jours Le Parisien fait une UNE avec « Osons l’optimisme ». Osons l’optimisme c’est la thématique de campagne de communication de Carrefour. LVMH est actionnaire de Carrefour et on a un papier qui commence par : « …. Comme le dit la campagne d’une grande surface… »… Voila « osons l’optimisme ». C’est choisi à dessein ou est-ce que c’est complètement le fait du hasard ?

Naïvement, on y a cru, vraiment, à l’indépendance de la presse.
Mais même avec le carnet de chèques, c’est toujours « non merci, patron ! ».

 Source : Fakir, 08/11/2016

Source: http://www.les-crises.fr/le-parisien-censure-le-dvd-de-merci-patron/