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Le contrat « zéro heure », une spécificité britannique qui séduit, par Léa Surugue

Thursday 8 September 2016 at 00:50

Admirez la propagande d’un journal financier…

Cela relativise aussi les chiffres du chômage anglais…

Source : Les Echos, Léa Surugue, 07/01/2015

13% des employeurs britanniques ont recours aux contrats zéro heure, une proportion qui passe à 45 % dans l’industrie de la restauration et du logement. - Shutterstock.com

13% des employeurs britanniques ont recours aux contrats zéro heure, une proportion qui passe à 45 % dans l’industrie de la restauration et du logement. – Shutterstock.com

Près de 1 million et demi de salariés ont signé un contrat « zéro heure » au Royaume-Uni, ce qui confère plus de flexibilité à l’entreprise. Le modèle est cependant vivement critiqué par les syndicats.

À l’occasion des élections législatives qui débutent le 7 mai en Grande-Bretagne, focus sur les contrats “zéro heure”, qui se sont multipliés en Grande-Bretagne sous l’impulsion de David Cameron.

Appeler les employés pour travailler seulement quand l’entreprise en a besoin, et les payer seulement pour le nombre d’heures effectuées. Au Royaume-Uni, ce type de contrat dit « zéro heure » est en plein essor depuis 2008. Dans le pays, 1.4 millions de salariés seraient concernés, d’après les estimations du Trade Union Congress (TUC), la fédération nationale des syndicats.

En vertu de ces contrats, les employeurs n’ont pas d’obligation de leur donner des heures de travail chaque semaine, mais les employés ne sont pas forcés d’effectuer les heures demandées. Cet arrangement suppose néanmoins que plusieurs principes du droit du travail britannique, définis dans le Employment Rights Act de 1996, soient respectés. Les employés ont donc la garantie de toucher le salaire horaire minimum (environ 7.70 euros/heure), et quand ils travaillent, les employeurs doivent se porter garants de leur sécurité. De plus, les travailleurs ont droit à un congé annuel payé.

La précarité augmente

En ne fixant aucun horaire, les contrats « zéro heure » sont avant tout très flexibles, ce qui a séduit de nombreuses d’entreprises. Ceux-ci recherchent avant tout une plus grande souplesse d’organisation pour gérer le coût du travail, alors qu’ils sont de plus en plus touchés par les mesures d’austérité du gouvernement de David Cameron.

Si ces contrats sont populaires auprès des patrons, ils suscitent aussi la polémique dans le pays. 13% des employeurs britanniques ont recours aux contrats zéro heure, une proportion qui passe à 45 % dans l’industrie de la restauration et du logement, où les horaires de travail doivent être particulièrement souples. Mais, tendance nouvelle depuis 2008, de plus en plus de contrats « zéro heure » sont aussi utilisés dans le secteur public, en particulier dans l’éducation (35%) et dans la santé (27%).

D’après les données du TUC, les travailleurs en contrat « zéro heure » gagnent en moyenne 118 £ par semaines (239 euros) pour les heures effectuées, contre 479 £ (610 euros environ) en moyenne pour les personnes en contrat fixe. Au-delà ces différences de revenu hebdomadaire, les postes en contrat « zéro heure » sont caractérisés par une plus grande précarité, qui empire chaque année. Ainsi, en 2008, 19% de ces travailleurs n’arrivaient pas à trouver un emploi en contrat plein temps. Ils sont 41% aujourd’hui.

Des conséquences incertaines

Et cette tendance ne risque pas de s’inverser de sitôt, car le fait de pouvoir organiser les temps de travail des employés en fonction de la demande est très valorisé par l’entreprise. Il s’agit d’une stratégie efficace pour diminuer leurs coûts, puisqu’ils ne payent que les heures travaillées. Cependant, tous les économistes ne s’accordent pas sur ce point : « En principe, les contrats « zéro heure » permettent aux patrons de faire correspondre le coût du travail à la demande de biens ou de services. Mais nous ne pouvons pas assurer qu’ils réduisent les coûts de travail unitaires parce que leur impact sur la productivité est incertain », souligne Alex Bryson, chercheur et professeur d’économie du travail à l’université LSE de Londres.

Les détracteurs de ces contrats pointent surtout du doigt l’insécurité pour les travailleurs en contrat « zéro heure ». Ce sont ceux qui veulent effectuer le plus d’heures, mais ils ne peuvent souvent pas trouver un second emploi, puisqu’ils doivent rester disponibles jusqu’au dernier moment au cas où ils seraient amenés à travailler quelques heures. Résultat, ils se retrouvent souvent en situation de sous-emploi, alors qu’ils souhaiteraient travailler plus. Ces travailleurs savent rarement à l’avance le nombre d’heures qu’ils vont avoir à travailler dans une semaine. Dans 42% des cas, leurs supérieurs ne les préviennent que 12h en avance, et pour 6% d’entre eux, leur heure de travail est annulée au dernier moment. L’absence de prévisibilité rend toute organisation ou garde d’enfants compliquées à gérer.  « Ces contrats sont bien plus risqués pour les employés que pour les employeurs », confirme Alex Bryson.

Cependant, ils peuvent permettre de gagner en compétences et en expérience, sans avoir à accepter une offre de travail de long terme que le travailleur ne souhaiterait pas. Un contrat « zéro heure » peut aussi être accepté comme deuxième emploi pour compléter un salaire peu élevé ou un mi-temps. Enfin c’est aussi une solution idéale pour les étudiants qui veulent un emploi peu contraignant pendant les moments où ils ne sont pas à l’université.

Quoi qu’il en soit, le TUC entend bien insister sur la nécessité de clarifier les droits et les responsabilités de chacun afin de limiter les abus. Elle propose notamment revaloriser la rémunération horaire de ces travailleurs pour récompenser la flexibilité apportée à l’entreprise, et de ne proposer ces contrats qu’à des personnes qui le demandent spécifiquement.

Source : Les Echos, Léa Surugue, 07/01/2015

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Source: http://www.les-crises.fr/le-contrat-%e2%80%89zero-heure%e2%80%89-une-specificite-britannique-qui-seduit-par-lea-surugue/


Des vétérans du renseignement répondent aux inconscients signataires d’une « note dissidente » à propos de la Syrie

Wednesday 7 September 2016 at 01:45

Source : Consortiumnews.com, le 25/06/2016

Le 25 juin 2016

Un groupe d’anciens du renseignement américain exhorte le président Obama à résister à l’appel « inconscient » de 51 fonctionnaires du Département d’État qui, dans un récent « mémo dissident », exhortent le Président à intensifier la guerre en Syrie.

NOTE DIPLOMATIQUE POUR : Assistant du Président pour les affaires de sécurité nationale

DE : Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS) (Anciens professionnels du renseignement soucieux d’éthique)

Objet : Méfiez-vous de la nébuleuse dissidente

Dissidence et désaccords au sein de la politique étrangère et de la bureaucratie de la sécurité nationale ne retiennent l’attention du public que quand apparaissent des divergences profondes et fondamentales d’opinions à propos des objectifs et de la mise en œuvre de la politique américaine. Les cas de désaccord sont apparus au cours de la guerre du Vietnam et sont réapparus périodiquement, par exemple pendant la guerre de Contra en Amérique centrale dans les années 1980 et la guerre froide avec les Soviétiques. Nous pouvons maintenant ajouter la Syrie à cette liste.

La conseillère à la sécurité nationale Susan E. Rice informe le président Barack Obama de l'évolution de la politique étrangère au cours de la pause estivale d'Obama aux Vignobles de Martha, Massachusetts, le 12 août 2013. (Photo officielle de la Maison-Blanche, par Pete Souza)

La conseillère à la sécurité nationale Susan E. Rice informe le président Barack Obama de l’évolution de la politique étrangère au cours de la pause estivale d’Obama aux Vignobles de Martha, Massachusetts, le 12 août 2013. (Photo officielle de la Maison-Blanche, par Pete Souza)

Le dernier buzz médiatique est venu avec la fuite selon laquelle 51 « diplomates du Département d’État » ont signé une lettre d’opposition préconisant l’utilisation des bombardements américains comme outil pour forcer la Syrie à se soumettre aux diktats de notre gouvernement. Les agents du service extérieur des États-Unis constituent un ensemble unique de personnes hautement qualifiées, qui sont très fières d’avoir réussi l’examen d’entrée dans ce service. Pourtant, même parmi ces « gens brillants », certains succombent aux forces du carriérisme et aux pressions du renseignement politisé.

Malheureusement, les signataires dissidents se réclament d’une Amérique menaçante, menant une guerre agressive contre les forces d’une nation souveraine sur son propre territoire. Nation qui, parmi ses partisans, compte la Russie, l’autre grande puissance nucléaire du monde.

Cette manière de penser – que le droit et le devoir de l’Amérique est d’utiliser le meurtre à grande échelle pour imposer la volonté de ses dirigeants aux autres peuples – correspond à la notion démente que les États-Unis jouissent du privilège unique et permanent d’être le « seul pays indispensable au monde. » Si cette notion a parfois été fondée, cette époque est révolue depuis longtemps – et rend aujourd’hui ses partisans manifestement aveugles au bon sens le plus élémentaire.

Un tel courant de pensée n’est pas nouveau. Theodore Roosevelt l’a popularisé quand nous sommes entrés en guerre pour annexer des territoires espagnols aux Philippines et aux Caraïbes – au prix de plus d’un demi-million de vies indigènes – il y a plus d’un siècle. Nous avons des exemples à la pelle, avec nos lumineux stratèges – ceux qui sont responsables de la destruction du Vietnam. Trois millions de vietnamiens sont morts dans cette guerre (selon l’ancien secrétaire à la Défense Robert McNamara), et deux autres millions environ par contrecoup en Indochine. Après ces massacres et la mort de dizaines de milliers de ses propres soldats, les États-Unis ont subi une défaite totale et humiliante, influençant encore aujourd’hui sa politique intérieure et étrangère. Leurs brillants successeurs ont soutenu l’attaque contre l’Irak en 2003, le catalyseur d’une flambée de violence qui a provoqué des morts atteignant des millions – encore une fois – en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen, en Somalie et dans d’autres pays voisins dont nous entendrons un jour parler. Ces agressions ont créé des millions de réfugiés traumatisés.

La note, un premier jet qui a été fourni au New York Times (et au Wall Street Journal), vraisemblablement par l’un des employés du Département d’État qui l’ont rédigé, soutient que la politique américaine a été « submergée » par la violence incessante en Syrie et appelle à « une utilisation judicieuse des armes maritimes et aériennes, qui pourraient sous-tendre et conduire à un processus diplomatique américain plus dirigé, plus concentré et intransigeant. » En outre, selon le NYT :

« Dans la note, les fonctionnaires du Département d’État ont écrit que la poursuite des violations du cessez-le-feu par le gouvernement Assad, officiellement appelé cessation des hostilités, condamneront les efforts visant à négocier un règlement politique, parce que M. Assad ne sentira pas de pression pour négocier avec l’opposition modérée ou d’autres factions le combattant. Le bombardement de civils par le gouvernement à l’aide de barils, est-il écrit, est “la cause première de l’instabilité qui continue de frapper la Syrie et ses environs.” »

« Le mémo a reconnu que l’action militaire comporte des risques, en particulier un accroissement des tensions avec la Russie, qui est intervenue dans la guerre aux côtés de M. Assad à l’automne dernier. La Russie a ensuite contribué à négocier le cessez-le-feu. Ces tensions ont augmenté jeudi quand, selon un haut responsable du Pentagone, la Russie a mené des frappes aériennes au sud de la Syrie contre les forces soutenue par les E.-U. et combattant l’État islamique. »

Rencontre entre le président Barack Obama et le président russe Vladimir Poutine en marge du sommet du G20 à l'Hôtel Regnum Carya à Antalya, en Turquie, le dimanche 15 novembre 2015. La conseillère nationale de sécurité Susan E. Rice écoute à gauche. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)

Rencontre entre le président Barack Obama et le président russe Vladimir Poutine en marge du sommet du G20 à l’Hôtel Regnum Carya à Antalya, en Turquie, le dimanche 15 novembre 2015. La conseillère nationale de sécurité Susan E. Rice écoute à gauche. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)

Les dissidents ont été assez habiles pour préciser « qu’ils ne préconisent pas une escalade qui se terminerait par une confrontation militaire avec la Russie, » mais plutôt une menace crédible d’action militaire pour « calmer le jeu de M. Assad. » Plus facile à dire qu’à faire ! Les 51 sont muets sur ce point d’importance capitale.

La prémisse fondamentale de leur désaccord est que « les bombardements par barils » d’Assad (suivis par des attaques chimiques) sur des civils ont provoqué la guerre civile en Syrie. Il est vrai que la phase initiale du printemps syrien semble avoir été largement spontanée. Les faits montrent cependant que les intervenants extérieurs – principalement les États-Unis, le Royaume-Uni, la Turquie, Israël et l’Arabie saoudite – ont contribué à dévoiler l’enchainement qui a amené l’enfer de la guerre civile. Des fonds secrets, la fourniture d’armes et de munitions et un soutien matériel aux groupes d’opposition organisant les grèves contre le gouvernement syrien ont provoqué une réaction militaire d’Assad – ce qui a servi de prétexte pour notre soutien élargi aux groupes rebelles.

De nombreuses preuves montrent également que ce sont les forces rebelles soutenues par les E.-U. qui ont employé des armes chimiques contre des civils. Ils ont alors accusé Assad, dans un but de propagande pour obtenir le soutien public international permettant une intervention ouverte américaine.

Les frappes américaines contre la Syrie ont été largement perçues comme faisant partie d’une bataille par procuration plus large avec l’Iran, et ont été poursuivies pour contrer l’influence de ce dernier au Moyen-Orient. Mais l’émergence de l’Iran comme puissance régionale n’est pas le résultat d’un événement magique. Il est la conséquence directe de l’invasion américaine de l’Irak et de notre décision ultérieure d’éradiquer tout vestige du parti baasiste et d’installer les dirigeants chiites irakiens ayant des liens étroits avec l’Iran dans les postes de direction.

Nous avons ainsi contribué à déclencher une guerre et avons l’audace de faire semblant d’être choqués par les conséquences de notre propre action.

Les dissidents du Département d’État ne sont pas les premiers à sauter à pieds joints dans cette nouvelle bataille de relations publiques qui caractérise la politique américaine en Syrie. Le Département de la Défense et la CIA semblent être entrés dans la mêlée depuis deux semaines. Selon un rapport publié dans The Daily Beast, le Département de la Défense et la CIA se livrent « une bataille féroce ».

Deux fonctionnaires du Département de la Défense ont affirmé dans les médias qu’ils ne sont pas désireux de soutenir les rebelles qui combattent dans la ville d’Alep, car ils sont soupçonnés d’être affiliés à al-Qaïda en Syrie, ou Jabhat al-Nosra. La CIA, qui soutient ces groupes rebelles, dément cette affirmation, disant que ce sont des alliances de circonstance face à une offensive dirigée par les Russes ; des alliances de nécessité tactique, pas d’idéologie.

« C’est étrange que le bavardage du Département de la Défense imite la propagande russe, » a noté ironiquement un fonctionnaire américain, qui soutient la position de la communauté du renseignement à propos de l’affirmation du Pentagone selon laquelle les membres de l’opposition et d’al-Nosra sont les mêmes.

La communauté du renseignement, qui a soutenu les forces d’opposition à Alep, estime que l’EI ne peut être vaincu tant qu’Assad est au pouvoir. Le groupe terroriste, disent-ils, se développe dans des territoires instables, et seules des forces locales – comme celles soutenues par la CIA – peuvent atténuer cette menace.

« L’opposition résiste aux horribles attaques menées par les forces syriennes et russes, » explique un responsable du renseignement américain au Daily Beast. « La défaite d’Assad est une condition préalable nécessaire pour vaincre l’EI. Tant qu’il y aura un leader défaillant à Damas et un État en échec en Syrie, l’EI aura un espace pour agir. Vous ne pouvez pas vous occuper de l’EI si vous avez un État en échec, » a observé le fonctionnaire américain.

Ce fonctionnaire anonyme ignore commodément le fait que les États-Unis travaillent activement à provoquer l’effondrement de la Syrie. Nous sommes stupéfaits. Après 15 ans de théories bruyantes expliquant comment mener une guerre contre al-Qaïda, nous avons maintenant fait volte-face pour voir la CIA et un concert de voix au sein du Département d’État qui préconisent l’armement et la formation d’un groupe affilié à al-Qaïda.

Il est impossible de savoir si oui ou non l’éruption de ce différend est une gifle au président Obama, tout simplement parce qu’il semblait d’abord soutenir le renversement d’Assad avant d’ensuite reculer sur l’organisation de son éviction par une action militaire.

L’influence de l’Arabie saoudite pour aider à instaurer et promouvoir un « changement de régime » en Syrie ne doit pas être sous-estimée. Les Saoudiens auraient financé de manière importante des secteurs clé de la politique étrangère des E.-U. et, paraît-il, ont eu une influence considérable sur notre politique de sécurité. Davantage de preuves nous montrent que les Saoudiens ont financé de manière importante la fondation Clinton.

Le roi Salman d'Arabie saoudite et son entourage arrivent pour saluer le président Barack Obama et la Première Dame Michelle Obama à l'aéroport international King Khalid, à Riyad, le 27 janvier 2015. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)

Le roi Salman d’Arabie saoudite et son entourage arrivent pour saluer le président Barack Obama et la Première Dame Michelle Obama à l’aéroport international King Khalid, à Riyad, le 27 janvier 2015. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)

Un rapport récent sur le site de la Petra News Agency (qui a ensuite été retiré et présenté comme un « piratage ») soulève des préoccupations importantes. Le dimanche un rapport parut sur ce site comprenant ce qui était décrit comme des commentaires exclusifs de l’adjoint du prince héritier saoudien Mohammed bin Salman. Les commentaires comprenaient une allégation selon laquelle Riyad a fourni 20% du financement total de l’éventuelle campagne du candidat démocrate. Bien que le rapport ne soit pas resté longtemps sur le site, l’Institut pour les affaires du Golfe, basé à Washington, a ensuite republié une version arabe de celui-ci, citant le prince Mohammed disant que l’Arabie saoudite avait fourni avec « plein d’enthousiasme », un montant d’argent confidentiel à Mme Clinton.

Compte tenu du plaidoyer virulent d’Hillary Clinton pour imposer une zone d’exclusion aérienne en Syrie, ce qui nous mettrait sur la voie de l’intensification de notre intervention en Syrie et d’une confrontation militaire avec la Russie, il est naturel de se demander si les donations saoudiennes ont eu une influence sur l’orientation de la politique américaine en Syrie et le soutien aux groupes rebelles ?

En somme, la dernière note des 51 fonctionnaires du Département d’État est juste un indice alarmant supplémentaire du désarroi et de l’échec chez les responsables de la politique étrangère des États-Unis. Il est à noter que la plupart de leurs enfants et petits-enfants ne seront pas dans les rangs de l’armée de ceux qui sont appelés à mener cette guerre. Ils sont trop intelligents et trop « précieux » pour se livrer à ces actes absurdes. Donc, ce qu’on appelle une « armée de volontaires » a été recrutée, peuplée par des « volontaires » – la plupart venant des centres-villes et des petites villes de notre pays, où les emplois et l’éducation sont inexistants.

Cette lettre dissidente, sans précédent, des 51 faucons enhardis du Département d’État est un nouveau signe alarmant de la direction imprudente que des éléments, bien organisés, de l’élite de la politique étrangère des États-Unis cherchent à nous faire prendre. Ainsi, nous faisons appel à vous, en tant qu’adjoint du président pour la sécurité nationale, pour aider le président Barack Obama à maintenir une position ferme contre une telle déconstruction institutionnelle et à contenir le désordre et la discorde bureaucratique qui divisent son équipe. Si les 51 sont sincères dans leur plaidoyer pour une politique de type « essayons-un-peu-plus-la-même-politique-mais-en-plus-dure », nous pourrions espérer d’eux qu’ils acceptent les risques pour leur personne qu’il y a à être envoyé pour frapper Bachar avec des armes de « confrontation » ou de « combat rapproché ». Cela pourrait leur donner, dans un premier temps, le sens des responsabilités – puis, plus tard, une éducation.

(Voir également les remarques précédentes de certains membres du VIPS : par Ann Wright ici, par Elizabeth Murray et Ray McGovern ici ; par Philip Giraldi ici.)

Pour le groupe directeur, Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS)

William Binney, ancien Directeur technique, analyse militaire et géopolitique du monde, NSA ; cofondateur du SIGINT Automation Research Center (à la retraite)

Philip Giraldi, CIA, Responsable des opérations (à la retraite)

Mike Gravel, ancien adjudant, agent de contrôle top secret, Communications Intelligence Service ; agent spécial des Counter Intelligence Corps et ancien sénateur des États-Unis

Matthew Hoh, ancien capitaine, USMC, agent Irak et service extérieur, Afghanistan (associé VIPS)

Larry Johnson, CIA et Département d’État (à la retraite)

Michael S. Kearns, agent de renseignement, USAF (à la retraite) ; ancien maître instructeur SERE.

John Kiriakou, ancien agent antiterroriste CIA et ancien enquêteur principal, Comité des relations étrangères du Sénat

Karen Kwiatkowski, ancienne lieutenant-colonelle, US Air Force (à la retraite), au bureau du secrétaire à la défense observant la fabrication des mensonges sur l’Irak, 2001-2003

Edward Loomis, NSA, chercheur en cryptologie (à la retraite)

David MacMichael, National Intelligence Council (à la retraite)

Ray McGovern, ancien agent du renseignement/infanterie de l’armée des États-Unis et analyste à la CIA (à la retraite)

Elizabeth Murray, adjointe à l’agent principal du renseignement national au Proche-Orient, la CIA et le National Intelligence Council (à la retraite)

Todd E. Pierce, commandant, juge-avocat dans l’armée des États-Unis (à la retraite)

Coleen Rowley, agent spécial du FBI et ancienne conseillère juridique dans la division de Minneapolis (à la retraite)

Peter Van Buren, Département d’État des États-Unis, agent des services extérieurs (à la retraite) (associé VIPS)

J. Kirk Wiebe, ancien analyste principal, SIGINT Automation Research Center, NSA

Ann Wright, Colonelle, armée des États-Unis (à la retraite) ; agent des services extérieurs (a démissionné en opposition au déclenchement de la guerre en Irak)

Source : Consortiumnews.com, le 25/06/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Source : The Nation, le 21/06/2016

La représentante Tulsi Gabbard, vétérane de la guerre en Irak, explique à The Nation pourquoi l’intervention américaine ne fera qu’empirer la crise humanitaire en Syrie.

By James Carden | 21 juin 2016

Un homme porte un enfant après des frappes aériennes sur Alep, Syrie, le 28 avril 2016. (Validated UGC via AP video)

Un homme porte un enfant après des frappes aériennes sur Alep, Syrie, le 28 avril 2016. (Validated UGC via AP video)

De tous les mythes qui circulent à Washington lors de ces dernières années Obama et qui passent pour de la sagesse populaire, celui qui est le plus tenace est sans doute celui de l’« inaction » d’Obama dans l’affaire syrienne.

D’après Robert S. Ford, ancien ambassadeur des États-Unis en Syrie (de 2010 à 2014) et désormais membre important à l’Institut du Moyen Orient, l’administration Obama a continué une politique de « non-ingérence » au sujet de la Syrie, prétendant que le président et d’autres hauts responsables de l’administration ont été « réticents à l’idée d’avoir recours à tous les moyens à disposition pour faire pression » sur le gouvernement syrien. Et la semaine dernière, le New York Times révélait qu’au Département d’État, 51 responsables de niveau intermédiaire avaient rédigé un « billet de désaccord » adressé à leur Secrétaire d’État John Kerry, conseillant vivement aux États-Unis de réaliser « des frappes militaires contre le gouvernement de Bachar el-Assad. » Le Times a remarqué plus tard que les dissidents en complet à rayures du ministère des Affaires Étrangères « s’irritent depuis longtemps du refus de la Maison-Blanche de se laisser entraîner dans un conflit en Syrie. »

Pourtant, loin de « refuser de se laisser entraîner dans un conflit en Syrie, » l’administration Obama a, depuis 2013, activement financé et entraîné les rebelles syriens prétendument « modérés », qui sont, en fait, des extrémistes salafistes liés à al-Qaïda. Des opérations de la CIA et du Pentagone parallèles à celles de l’administration ont favorisé la déstabilisation de la région, et donc la crise des réfugiés. En outre, en s’en prenant au gouvernement souverain de Bachar el-Assad, elles ont contribué à renforcer la position stratégique de l’EI.

Pire encore, les alliés des Américains ont travaillé main dans la main avec les sunnites radicaux, adversaires du gouvernement laïc de Bachar el-Assad. Même Ford a publiquement avoué en janvier 2015 : « Pendant longtemps, nous avons regardé de l’autre côté quand al-Nosra et les groupes armés au sol, dont nous aidons une partie, se sont alliés pour effectuer des opérations militaires contre le régime. »

Effectivement, dès 2015 il était de plus en plus difficile de soutenir la fiction d’une opposition « modérée ». Selon le journaliste Gareth Porter, « Les États-Unis misent secrètement et indirectement sur le succès militaire de la branche syrienne d’al-Qaïda, et comme on avait besoin d’une feuille de vigne politique, il fallait soutenir qu’existait toujours une opposition armée “modérée”. »

C’est la représentante de Hawaï, Tulsi Gabbard, qui mène les actions visant à l’arrêt d’une guerre illégale et stérile pour un changement de régime en Syrie. L’année dernière, cette jeune femme, qui a servi deux fois dans les rangs de l’armée en Irak, a déposé un projet de loi qui devrait supprimer les fonds pour ce qu’elle appelle « la guerre de l’administration pour un changement de régime en Syrie. »

En attendant le vote de ce projet au Congrès, Tulsi Gabbard a déposé, la semaine dernière, un amendement à la Loi de finances de la Défense destiné à bloquer les fonds du programme pour « la formation et l’équipement syriens ». Même si l’amendement a recueilli le soutien de 135 représentants, y compris de conservateurs convaincus comme le représentant de la Caroline du Sud, Trey Gowdy, et celui du Michigan, Justin Amash, et de démocrates de premier plan comme le candidat du Maryland au Sénat, Chris Van Hollen, il n’a cependant pas été voté. Et le rejet de cet amendement s’est trouvé coïncider avec la publication par le Département d’État de la note de désaccord qui appelle à des frappes militaires contre la Syrie.

Si on les examine conjointement, ces événements sont troublants. En effet, comme le fait remarquer, à juste titre, Tulsi Gabbard, si la guerre pour le changement de régime réussissait à renverser Assad, ce seraient l’EI et al-Qaïda qui viendraient combler le vide. C’est cette perspective, qui serait une catastrophe stratégique, tactique et morale, que la politique américaine devrait chercher à éviter. Loin d’atténuer la crise humanitaire et celle des réfugiés, l’action militaire des États-Unis les aggraverait. Et pourtant, l’administration, via le programme de la CIA « Train and Equip » (Formation et équipement), persiste à se plier à la volonté de nos plus odieux alliés que sont la Turquie, l’Arabie saoudite ou encore le Qatar, en insistant pour qu’Assad quitte la scène.

Dans un discours, ce week-end, au Sommet du peuple à Chicago, Tulsi Gabbard a attaqué directement les 51 « dissidents » du Département d’État. Selon elle, « trop de gens n’ont pas tiré les leçons du passé, ils n’ont rien appris de l’Irak et du renversement de Saddam Hussein, ils n’ont rien appris du chaos qui a résulté du renversement de Kadhafi en Libye. »

Lundi, elle a déclaré à The Nation : « Intensifier la guerre pour renverser Assad va encore empirer la situation. Cela va causer davantage de souffrance et de chaos, cela va tellement renforcer l’EI et al-Qaïda qu’ils vont finir sans doute par être capables de s’emparer de la Syrie tout entière. » Cette éventualité serait, selon Tulsi Gabbard, un désastre, « qui verrait un génocide des minorités religieuses, des laïques, des athées et de tous ceux qui refusent d’accepter la théologie extrémiste du wahhabisme. La crise des réfugiés va empirer de façon exponentielle et elle pourrait conduire à une confrontation directe avec la Russie. »

Pourtant, les diplomates dissidents insistent sur le fait qu’ils ne préconisent pas de s’engager sur une « pente glissante » qui déboucherait sur une confrontation avec la Russie, mais avancent que doit simplement être mise en place « la menace crédible » d’une réponse militaire ciblée des États-Unis aux violations des droits de l’homme faites par le régime. Toutefois, selon un responsable du Pentagone qui a parlé à notre journal : « Qu’arriverait-il si un missile sol-air abattait un avion de combat des États-Unis au-dessus de la Syrie ? Les missiles russes S-400 pourraient être utilisés pour éliminer les missiles de croisière américains, et aurait-on encore vraiment affaire à une guerre par procuration ? Et que pourrions-nous faire pour contrer cela ? Essayer d’anéantir les sites de S-400 russes ? Ça m’a tout l’air d’une pente glissante. »

Selon ce responsable, officier dans l’armée depuis 20 ans, qui a effectué de nombreuses missions dans les ambassades américaines du monde entier, la note de désaccord « semble être le fait de carriéristes qui se sont beaucoup démenés pour atteindre un but néfaste, le renversement d’Assad, tout en refusant d’accepter que la priorité s’est déplacée et qu’il s’agit maintenant de vaincre l’EI et que, pour ce faire, peut-être faudra-t-il permettre à Assad de reprendre la situation en main. »

En fin de compte, la politique que soutient la note de désaccord mènerait les États-Unis sur le chemin de la guerre contre la Syrie et presque certainement à une guerre contre la Russie. Pendant ce temps, on a besoin plus que jamais d’initiatives sérieuses, comme celles de la représentante Tulsi Gabbard, pour forcer l’administration à concentrer ses efforts sur la lutte contre l’EI et la conclusion de la guerre civile syrienne.

Source : The Nation, le 21/06/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/des-veterans-du-renseignement-repondent-aux-inconscients-signataires-dune-note-dissidente-a-propos-de-la-syrie/


Trois manières dont l’Arabie saoudite porte atteinte aux droits humains – et comment elle échappe à toute sanction, par Amnesty International

Wednesday 7 September 2016 at 01:30

Source : Amnesty International, 29-06-2016

Amnesty International demande que l’Arabie saoudite soit suspendue du Conseil des droits de l’homme des Nations unies – voici pourquoi.

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Abdullah al Hamid, Waleed Abu al Khair et Mohammad al Qahtani. © DR

1. Répression des militants

L’Arabie saoudite continue à mener une politique répressive de grande ampleur contre les militants des droits humains.Tous les défenseurs des droits fondamentaux influents et indépendants du pays ont été emprisonnés, réduits au silence ou ont fui le pays.De plus en plus sont condamnés à des années de prison en vertu de la loi de 2014 sur la lutte contre le terrorisme. Parmi les nombreuses personnes incarcérées figure Waleed Abu al Khair, l’avocat de Raif Badawi. Des dizaines d’autres ont été emprisonnées au titre de cette loi en 2015 et en 2016, à l’issue de procès iniques, notamment les défenseurs des droits humains Abdulkareem al KhoderAbdulrahman al HamidIssa al Hamid et Abdulaziz al Shubaily, tous membres fondateurs de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), organisation indépendante désormais dissoute.

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Ali al Nimr. © DR

2. Multiplication des exécutions

Depuis son élection au Conseil des droits de l’homme, l’Arabie saoudite a procédé à de très nombreuses exécutions, ôtant la vie à au moins 350 personnes depuis novembre 2013. Cela inclut l’exécution de masse de 47 personnes en un seul jour en janvier dernier, parmi lesquelles le dignitaire chiite Nimr al Nimr. Le neveu de celui-ci, Ali al Nimr, a été arrêté après sa participation à des manifestations et condamné à mort pour des infractions commises alors qu’il était adolescent.Le tribunal semble avoir fondé sa décision sur des « aveux » qui, selon Ali al Nimr, lui ont été extorqués sous la torture et au moyen d’autres formes de mauvais traitements.

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Un soldat saoudien près de la frontière entre l’Arbie saoudite et le Yémen, avril 2015. © FAYEZ NURELDINE/AFP/Getty Images

3. Preuves de crimes de guerre au Yémen

Le pays est à la tête d’une coalition militaire menant une campagne dévastatrice de bombardements aériens au Yémen. Plus de 3 500 civils ont été tués et 6 200 blessés dans le cadre de ce conflit, pour la plupart par des frappes aériennes de la coalition, qui ont touché des infrastructures civiles, comme des centres de santé, des écoles, des usines, des centrales électriques, des ponts et des routes. Amnesty International a déterminé que ces frappes étaient souvent disproportionnées ou menées sans discrimination, et ont semble-t-il parfois pris directement pour cible des civils ou des biens à caractère civil. Les attaques de ce type sont susceptibles de constituer des crimes de guerre.

…Et les responsables ne sont pas amenés à rendre des comptes, en partie parce qu’ils sont protégés par leurs alliés

Les alliés de l’Arabie saoudite placent les intérêts économiques et les partenariats de sécurité au-dessus des droits humains. Ils refusent de critiquer publiquement le pays, lui donnant essentiellement carte blanche. Ils soutiennent par ailleurs sans vergogne la politique répressive du royaume au nom de la soi-disant « guerre contre le terrorisme ». Les gouvernements britannique et américain fournissent des armes, un soutien logistique et des renseignements à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen.

Malgré tout cela, l’Arabie saoudite continue à siéger au Conseil des droits de l’homme, un groupe de 47 États dont le rôle est de promouvoir et protéger l’ensemble des droits fondamentaux dans le monde. Actuellement, elle utilise le Conseil avec cynisme afin de se soustraire à tout examen plus poussé.

Agissez

Demandez aux gouvernements internationaux de suspendre l’Arabie saoudite du Conseil des droits de l’homme, ou d’expliquer pourquoi ils cautionnent aveuglément ses attaques contre les droits humains.

Source : Amnesty International, 29-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/trois-manieres-dont-larabie-saoudite-porte-atteinte-aux-droits-humains-et-comment-elle-echappe-a-toute-sanction-par-amnesty-international/


Miscellanées du Mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, ScienceEtonnante, DataGueule)

Wednesday 7 September 2016 at 01:15

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute de Delamarche : les chiffres de l’emploi américain. “C’est une comédie, série b, voire C”

Olivier Delamarche VS Patrice Gautry (1/2): Les chiffres de l’emploi américain vont-ils influencer la stratégie de la Fed ? – 05/09

Olivier Delamarche VS Patrice Gautry (2/2): Comment les marchés appréhendent-ils les prochaines élections en Europe et aux Etats-Unis ? – 05/09

II. Philippe Béchade

La minute de Béchade: Bourse: “Tout est sous contrôle, tout est prévu d’avance” – 31/08

L’œil du stratège: Philippe Béchade – 31/08

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir : ” les chiffres de l’emploi ne sont pas fiables”

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (1/2): Les mauvais chiffres de l’emploi marquent-ils un ralentissement global de l’économie américaine ? – 06/09

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (2/2): Le secteur pétrolier est-il toujours attractif en Bourse ? – 06/09

V. ScienceEtonnante

Le deep learning — Science étonnante #27

VI. DataGueule

Big data : données, données, donnez-moi ! #DATAGUEULE 15


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-scienceetonnante-datagueule/


Rudy Reichstadt ou la Dénonciation calomnieuse de complotisme pour combattre la liberté d’expression

Tuesday 6 September 2016 at 06:55

Je suis bien triste du climat de plus en plus années 30 qui s’empare de notre pays – crise économique sans fin, minorité bouc-émissaire de plus en plus pointée du doigt, recul des libertés, appels à la haine nationale et internationale grandissants…

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I. Les faits

Je partage donc avec vous une sacrée expérience vécue ce week-end – il y en a qui osent tout.

J’ai été invité à participer à un petit débat sur la régulation de la Finance à l’Université d’été des Frondeurs du PS, ayant beaucoup travaillé sur ce sujet. J’avais en effet été auditionné à l’Assemblée Nationale sur le sujet de la séparation des banques, pour lequel j’avais alors fait un très long dossier en 2013 défendant cette mesure, indispensable pour la sécurité bancaire de notre épargne nationale.

Et voilà que Rudy Reichstadt, animateur du site Conspiracy Watch (également appelé Observatoire du conspirationnisme et des théories du complot) se lance dans une campagne de dénigrement que chacun jugera, connaissant bien ce blog :

Sur Facebook :

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Puis sur Twitter :

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Avec le compte-rendu de la dénonciation :

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II. Réponse

Alors vu la “qualité” du travail de recherche effectué, je vais en profiter pour rappeler quelques points à Rudy Reichstadt.

Le site www.les-crises.fr est un simple blog personnel, que j’ai créé en 2011. Globalement, il vise :

  1. d’une part à montrer et analyser la propagande à destination des citoyens français sous différentes formes (économique, géopolitique, médiatique etc.)
  2. à réaliser des études et analyses économiques
  3. à diffuser des analyses essentiellement politiques ou géopolitiques originales, à contre-courant, issues de penseurs de qualité, parfois étrangers, un peu à la manière d’un modeste Courrier International. Et, ce, soit pour ouvrir l’esprit à d’autres façons de voir, soit simplement pour pouvoir apprécier le champ des débats à l’étranger.
  4. à l’occasion à défendre quelques valeurs et causes qui me sont chères.

Le point 4 comprend par exemple la défense de ces causes sur ce site :

Le point 3 à une conséquence assez évidente, et que les néo-conservateurs ne comprendront probablement pas : je ne soutiens pas forcément tout le contenu de tous les articles présentés, que je critique parfois à l’occasion.

Par ailleurs, si j’essaye parfois de faire connaître une fois une nouvelle vision intéressante et originale de personnes non connues, j’essaie de voir aussi ce qu’elles peuvent penser par ailleurs pour ne pas mettre en avant sur ce blog des personnes qui contreviendraient aux points précédents. Après, il y a près de 4 000 articles publiés et plus de 200 000 commentaires, donc il est évident qu’une poignée d’erreurs a dû se glisser ; si cela arrive, et qu’on nous en signale, nous supprimons alors le billet dont l’auteur peut poser question (même si le contenu du billet lui-même n’en pose généralement pas).

Après, tout est question d’honnêteté intellectuelle : quand on l’est, on essaie d’analyser la globalité d’un site, son orientation, la qualité des gens publiés, etc.

Alors je vais répondre à ça :

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Hmmm, “complosphère” c’est de vous ? Mignon. Et ça veut dire quelque-chose en vrai ? ( “complo-galaxie”, “complo-univers” ?).

Évidemment un tel billet vise à nuire, laissant à penser qu’on soutiendrait ici les pires conspirationnistes, antisémites, ou totalitaires…

J’ai publié 2 ou 3 articles intéressants de Paul Craig Roberts en 2014 et 2015 traitant de l’économie américaine et des médias, et comme c’est un ancien ministre de Reagan, chroniqueur du Wall Street Journal, titulaire de la Légion d’honneur en 1987, cela ne m’a pas semblé délirant à l’époque, et n’ai plus rien publié de lui depuis lors… Après, je n’ai pas des fiches de police sur la Terre entière…

J’avais publié UN article de Gordon Duff début 2014. Venant d’un vétéran, c’était un joli texte contre la guerre, et il DÉNONÇAIT l’antisémitisme des intégristes religieux américains : “Christian evangelism is based on jew hatred […] The majority of Christians in America are “born again” or Christian evangelists […] They don’t like Jews.”

Comme on m’a dit par la suite que le site original était contestable (là encore, je n’ai pas de fiches de police de tous les sites étrangers, désolé), j’avais alors immédiatement supprimé le billet de mon blog. Ses délires par la suite m’ont donné raison. (Petite) Errare Humanum Est – même si je répète, rien ne posait a priori problème dans le texte publié.

Il m’est arrivé de relayer quelques articles pertinents de Russia Today, ce qui ne me semble pas un crime. S’ils contiennent des erreurs merci de me le signaler. Après, il est vrai que RT diffuse parfois de belles âneries, c’est vrai. C’est-à-dire comme nos médias à nous – dois-je rappeler Timisoara, les couveuses du Koweit, la plan fer à cheval en Bosnie, les 200 000 morts du Kosovo, les armes de destruction massives en Irak, le Viagra pour les soldats violeurs de Khadafi, Al-Nosra (= Al-Qaïda en Syrie) qui fait du “bon boulot”, etc. ? Après, je reconnais que les erreurs de RT sont souvent plus visibles – ils débutent en propagande internationale eux – mais vous m’accorderez peut-être alors que son audience en France étant confidentielle, elle pose bien moins de problèmes que le manque de contrôle et de qualité des grands médias bien de chez nous. Mais n’hésitez pas à me signaler les problèmes, que je corrige si besoin, je manque de bras, merci. Vu nos très faibles moyens, je ne peux garantir la perfection, seulement l’honnêteté intellectuelle et l’intégrité.

Annie Lacroix-Riz est une historienne française, normalienne, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris VII – Denis Diderot. elle participe au débat historique, et suscite le débat, ce qui est la base de toute science. Elle a beaucoup travaillé sur la collaboration du Patronat français, dépouillant de nombreuses sources originales – sur un sujet qui, apparemment, n’attire étrangement pas des foules de thésards… Après, j’imagine que vous n’avez pas lu les derniers billets où j’indique pourtant clairement dès le début :

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Et enfin, magnifique, Soral. Il va sans dire, vu les valeurs décrites, que je condamne sans ambiguïté tous ses propos homophobes et antisémites (comme ceux de Dieudonné), et que je n’ai jamais mis les pieds sur son site. J’ai découvert qu’en 2014-2015, il avait repris quelques vidéos Youtube que j’avais faites sur BFM Business, où je dénonçais la folie de la spéculation, et une grosse dizaine de billets, dont ceux sur Charlie Hebdo, ou d’autres “hautement problématiques”, genre :

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qui n’était d’ailleurs qu’une simple reprise de ma part de Regards.fr :

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ou ça :

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=> un article historique sur un sondage IFOP de 1945, un sur la mise en place de la possibilité de couper l’eau aux plus démunis – quelle pépite…

Ou :

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=> un article sur la réalité du réchauffement climatique, et un sur le scandale des mutuelles allant mal rembourser (sujet encore confirmé cet été par la presse)…

Bref, du très très très lourd en effet M. Reichstadt.

Ah, et au fait, j’avais demandé au site de cesser de faire des liens – ce qu’il n’a plus fait depuis près de 2 ans (ayant finalement compris quelles étaient nos positions)…

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Notons enfin que, dans un autre genre, d’autres personnes ont 300 reprises…

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Voici donc la réponse à vos accusations de soralistico-extremedroite-dieudonnico-stalino-complotisme (et je précise par avance que je ne vais JAMAIS à Castorama…).

Je souligne au passage un élément qui aide à reconnaître un  conspirationniste : la misère intellectuelle et logique des théories avancées. Exemple 1 : “le gouvernement américain a organisé la 11 Septembre en tuant 3 000 personnes pour envahir l’Irak” (alors qu’ils envahissent un pays tous les 2 ans depuis 2 siècles sans jamais avoir tué ses civils chez eux ; et d’ailleurs l’excuse étaient les Armes de Destruction Massive ; et qu’ils n’ont pas été foutus d’en planquer 10 dans le désert pour faire croire que Saddam en avait). Exemple 2 : penser qu’un type invité par des frondeurs du PS est un admirateur de Soral…

Bien entendu, une démarche beaucoup plus honnête ne visant pas à induire en erreur le public, aurait cité non pas ces ragots, ou ces accusations style “le type qui a publié le type qui a croisé le gars qui a vu le complotiste”, et se serait intéressée au contenu du blog, au global, ou à ce que j’aurais pu dire sur ce blog. Parce que c’est quand même principalement de ceci que je suis responsable.

Bien entendu, avant d’alerter le dixième de l’Assemblée Nationale, vous auriez pu me contacter pour en savoir plus et m’entendre une fois, pour confirmer ou pas vos a priori, ou obtenir des informations…

Je vous aurais rappelé mes valeurs, ou indiqué par exemple ceci, qui les illustre, tiré d’articles récents (je fais large, connaissant vos méthodes d’amalgames) :

Dénonciation de l’antisémitisme :

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Dénonciation de l’homophobie :

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Dénonciation des délires complotistes sur le 11 Septembre :

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C’est une énorme série de 10 billets démontant les délires de Meyssan sur le Pentagone, où il n’y a jamais eu le moindre problème.

C’est donc une des études les plus complètes du web francophone, avec des centaines d’images.

Et je me demandais donc pourquoi vous n’en aviez pas parlé…. #HonnêtetéIntellectuelle ?

Et bonne nouvelle, il y aura une suite la semaine prochaine… 🙂

Soutien à Amnesty et à la LDH sur le Burkini

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Soutien à Amnesty et à la LDH sur l’état d’urgence

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Soutien à Amnesty sur la situation des Libertés en Russie

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Soutien à Amnesty sur les crimes du régime Syrien

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et ici

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Critique sévère du conseiller économique de Trump

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Et, le plus drôle, je vous aurais même parlé de cet article au moment du drame Charlie Hebdo – que je garde avec plaisir vu sa qualité :

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On notera aussi que n’est faite aucune mention du travail réalisé ici,  par exemple:

Et je vais reprendre un de mes préférés pour illustrer pourquoi je subis ce genre d’attaques : mon travail sur l’extrême-droite ukrainienne.

Qu’y puis-je s’il suffit de regarder la page Wikipédia d’Andry Parouby (Grooooos travail d’enquête…) le nouveau Président du Parlement ukrainien, la Rada (c’est à dire qu’il est désormais un potentiel futur Premier Ministre) élu par la majorité des députés ukrainiens au printemps 2016 :

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Qu’y puis-je si ça n’intéresse personne s’il “fonde le Parti social-nationaliste d’Ukraine, combinant le nationalisme radical et plusieurs traits néo-nazi et se revendiquait du nazisme”. Et s’il en dirigeait les milices paramilitaires ? Qu’y puis-je si c’était un proche de Jean-Marie Le Pen, mais que ce dernier s’est fâché avec l’Ukrainien, car il était trop extrémiste ?

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Qu’y puis-je si sur ce site on a traduit sa prose de 1999, parce que, par cohérence, pour nous le combat contre ces idées ne cesse pas à la frontière : “C’est alors que l’Ukraine a défendu la race blanche contre les hordes asiatiques. Elle s’est dressée pour sa défense. Ce grand conflit des deux races, où l’Ukraine avait dignement accompli sa mission, a affaibli la puissance de notre pays. Mais il a assuré le libre développement des autres peuples européens. […] C’est en cela que consiste la mission de l’Ukraine […] Et alors les peuples blancs réuniront de nouveau leurs forces pour lutter contre le Chaos, pour le retour de l’Ordre. Telle est la mission historique de l’Ukraine […] faire face aux idées destructrices qui submergent l’Occident et que les ennemis tentent d’exporter en Ukraine ; faire face à l’agressivité des idées pernicieuses du monde asiatique sauvage, dont l’incarnation aujourd’hui est la Russie.”

Qu’y puis-je si le 26 avril, Parouby a fièrement tweeté sa rencontre fructueuse avec la Ministre américaine des affaires étrangères pour l’Europe, la fameuse Victoria Nulland, et son souhait de continuer à sanctionner la Russie :

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Ou là, le 13 mai, par le Président de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (source) :

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Qu’y puis-je si ça n’intéresse personne de dénoncer le poids de l’extrême-droite en Ukraine (où tous les Ukrainiens ne sont évidemment pas d’extrême-droite !!! Et je rappelle que j’ai aussi dénoncé les atteintes aux libertés en Russie, STOP aux accusations de poutinolatrie, merci, c’est lourd, je ne soutiens aucun gouvernement par principe.)

III. Les réactions

Bien entendu, voyant ceci, j’ai répondu à @conspiration me semble-t-il très clairement :

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Bilan : aucune réponse, aucun dialogue

Au contraire, ils passent à la suite – #TotalMépris

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(l’auteur a en effet réalisé un rapport pour la Fondation Jean Jaurès – Petite pensée pour le grand Jaurès au passage…)

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Un non-néo-conservateur, lui…

D’ailleurs, Conspiracy retweete un retweet de sa propre dénonciation :

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@joelgombin : Joel Gombin, sociologue et enseignant donc. À qui je réponds :

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Ben oui, dommage, il y en a qui bossent…

Joel Gombin ne m’a jamais répondu ni effacé sont tweet. #TotalMépris.

J’ai d’ailleurs une pensée pour Michel Rocard, qui m’a beaucoup aidé, et a été le seul politique de premier plan à demander la scission prudentielle des grandes banques, et qui ma encore encouragé lors de notre dernière entrevue au printemps, me disant qu’il fallait poursuivre le combat contre la finance… #Merci

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Notez, c’est drôle, 2 tweets après, Joel Gombin participait à la diffamation contre Bruno Le Maire :

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et donc, la vérité connue, il n’a pas supprimé les tweets diffamatoires… Comme quoi…

Sinon une simple citoyenne re-tweete :

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Et là magique, la maire de Dieulefit enchaîne :

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D’où ce petit échange avec @chrispriotto :

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Bref, des fois, j’ai l’impression que l’emploi du mot “excuses” est un motif de bannissement sur Twitter…

 

Après, un animateur du site BHLien La règle du jeu m’interpelle :

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Il faudra quand même qu’on m’explique UN JOUR QUELS COMPLOTS je suis censé avoir soutenus, vu que je me crève à dénoncer les délires autour du 11 Septembre, et que j’ai toujours dénoncé les délires autour de la religion de Barack Obama, de la mort de Lady Di, de l’affaire DSK (contrairement à BHL semble-t-il), de Mohamed Merah, de Charlie Hebdo, etc., qui font tant de mal à une recherche intègre de la Vérité.

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Ah – parce qu’il y a des gens qui donnent des brevets de Démocratie…

Ca tombe bien, comme le sujet d’amélioration de la Démocratie est au cœur de mes réflexions (cf mon dernier livre par exemple), j’allais en apprendre beaucoup :

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Hélas, il ne m’a jamais répondu… #TotalMépris.

Continuons une partie de la liste des partages du billet original (qui est là) :

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Un médecin qui estime que je suis de “mauvaise compagnie” sans rien connaître de moi – #Superbe…

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Donc un type qui appelle à “contrôler la population” (certains s’y sont essayés avec un certains succès – mais ce n’est pas du tout mon truc, bien au contraire…) me traite de “rétrograde” donc…

On a aussi ça :

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Europe Trade Experts, a priori big commerce avec l’Ukraine, depuis Kiev…

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ou ça :

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(encore un qui semble avoir envie de bruler ce blog…)

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(eh bien, on le connaîtra le drapeau ukrainien…)

et ça :

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Ben dis-donc, si c’est le genre de “Libertés” et de méthodes qu’il promeut en Russie, ça ne va pas s’arranger des masses là-bas…

Moi, je m’étonne de la masse de personnes en lien avec l’Ukraine et la Russie dans ces réseaux, comparés à l’absence quasi-générale de promoteurs de la Démocratie en Arabie saoudite par exemple, où je rappelle que l’homosexualité est punie en théorie de la peine de mort (et j’ai déjà demandé la rupture des relations diplomatiques avec cet État moyenâgeux soutien du terrorisme, tant que ceci ne sera pas corrigé – la realpolitik, oui, mais il y a des limites…)

Mais pour la liste des “complots” que je suis censé défendre, je comprends mieux : ce doit être tous les points où je ne suis pas d’accord avec eux

Et clin d’œil à :

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#MerciPourCeMoment

Bref, j’avoue que tout ceci me dépasse, si je faisais des délations sans avoir vu de mes yeux des propos inacceptables et sans ambiguïté de la bouche de la personne impliquée, je me sentirais extrêmement mal…

IV. Épilogue

Je cesse là ce billet de réponse, mais un autre suit, sur les fréquentations d’une des “Stars” de Conspiracy Watch – c’est à lire ici.

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Sur le sujet initial, on a bien compris la méthode.

D’abord, user de diffamation, sortir n’importe quel ragot, pour empêcher quelqu’un dont on n’apprécie pas certaines idées (vu que je ne suis pas néo-conservateur) pourtant totalement acceptables, de s’exprimer.

Et en l’espèce, jouer un jeu politique assez évident, pour manipuler les débats au sein du PS, en particulier au détriment d’un courant frondeur non apprécié des néo-conservateurs – dont pourtant les démocrates reconnaitront, quoi qu’ils en pensent, qu’il est plus conforme aux promesses électorales de 2012 que le reste du parti. On voit clairement ce jeu politique dans certaines réactions :

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avec en plus les méthodes classiques de vouloir aller “mettre le boxon” – des dé-mo-cra-tes on vous dit.

Dans ces conditions, je ne participerai pas à ces manœuvres de très basse politique visant à déstabiliser un courant du PS, car je souhaite que les débats soient consacrés au fond, et non pas à ces artifices tellement mesquins visant à détourner l’attention…

“Conspiracy Watch adhère à l’association « Onze janvier » à sa création en septembre 2015. Présidée par Mohamed Sifaoui, elle « a pour objet, selon ses statuts, la défense, la propagation, la diffusion et la consolidation dans la société et au-delà du territoire national des principes démocratiques (…) »” [Wikipédia]

Et donc j’ai donc informé les organisateurs que, ayant reçu une autre proposition, je préférais aller plutôt à la fête de l’Huma ce week-end (où vous pourrez donc m’entendre), ce que nous avons convenu en commun. Désolé M. Reichstadt, je continuerai donc à m’exprimer (et les frondeurs à débattre tranquillement), promouvant la fraternité et la lutte contre TOUS les extrémismes, libre à vous de me critiquer après si bon vous chante… #ViveCharlie

En fin de compte, pour la beauté du débat intellectuel, je me suis demandé quels points nous séparaient, puisque nous en avons en commun (lutte contre l’antisémitisme, l’homophobie, etc). Je me demandais si nous ne serions pas en désaccord sur certains de ces points :

Je vous rappelle enfin la phrase fétiche du blog, affichée en permanence à la fin de l’édito en haut à droite :

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Enfin, M. Reichstadt, je reste à votre disposition pour un débat filmé à l’occasion, pour débattre de tout ceci – si cela vous intéresse de discuter sereinement…

“Je désapprouve vos idées, mais je donnerais ma vie pour défendre votre droit de les exprimer.” [Evelyn Beatrice Hall, 1906]

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Source: http://www.les-crises.fr/rudy-reichstadt-ou-la-denonciation-calomnieuse-de-complotisme-pour-combattre-la-liberte-dexpression/


Pierre-André Taguieff, “Star” de Conspiracy Watch

Tuesday 6 September 2016 at 06:50

Pour continuer sur l’article sur la dénonciation de Conspiracy Watch, je me suis demandé quels étaient du coup les “Stars” de Conspiracy Watch, et ce que cela donnerait si j’employais les méthodes de Rudy Reichstadt.

I. La “Star” de Conspiracy Watch

Un nom émerge : Pierre-André Taguieff, cité plus de 100 fois :

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J’avoue peu connaître. On lit sur sa page Wikipedia :

Pierre-André Taguieff, né le 4 août 1946 à Paris, est un sociologue, politologue et historien des idées français.

Il est directeur de recherche au CNRS attaché au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) et enseigne à l’Institut d’études politiques de Paris. Membre du cercle de réflexion le Cercle de l’Oratoire, il fait également partie du comité de rédaction de la revue de ce cercle, Le Meilleur des mondes, ainsi que de celui de la revue Des Lois et des Hommes.

Taguieff est l’auteur de nombreux ouvrages touchant à la fois aux domaines de la politique, l’histoire des idées, la sociologie et la théorie de l’argumentation. Préoccupé notamment par les questions du racisme, de l’antisémitisme et des idéologies d’extrême droite, il s’est fait connaître par ses travaux sur le populisme, la « Nouvelle Droite » et le Front national.

Son parcours politique va de « l’anarcho-situationnisme au chevènementisme patriote de la Fondation du 2-Mars ». Se réclamant un temps des idées de la gauche républicaine, décrit également comme un « libéral social conservateur », et comme un néoconservateur, ses prises de position et ses travaux (notamment sur la « Nouvelle Droite » et la « nouvelle judéophobie ») ont fait l’objet de controverses médiatisées. Taguieff se présente lui-même comme engagé dans la lutte « contre tous les racismes ».

On rappellera que le Cercle de l’Oratoire est un “cercle de pensée, qualifié de néo-conservateur, a disposé, entre 2006 et 2008, d’une revue intitulée Le Meilleur des Mondes, fondée initialement pour défendre le bien-fondé de la guerre en Irak et s’opposer à la montée de l’anti-américanisme en France.” J’ai cru comprendre d’ailleurs que Rudy Reichstadt aurait peut-être collaboré à cette revue (mais c’est à confirmer).

OK, une vraie différence.

Après, je trouve A PRIORI plutôt sympathique le “Taguieff se présente lui-même comme engagé dans la lutte « contre tous les racismes »”

D’ailleurs il semble écrire des trucs intéressants :

On peut définir la diabolisation comme un acte de discours à visée polémique consistant à transformer en diable, ou en représentant du Mal, un adversaire, individuel ou collectif, traité en ennemi absolu. Elle représente une forme de catégorisation négative d’un individu ou d’un groupe humain, dans le cadre d’un conflit ou d’un affrontement. Elle implique une déshumanisation de l’autre, qui fait l’objet d’une réduction (à une figure non humaine) et d’une reconstruction, faisant surgir une altérité intrinsèquement négative et chimérique. Les propagandes politiques y recourent, comme les propagandes de guerre. Il s’agit à la fois de faire peur et de faire haïr, pour faire agir dans un certain sens. La diabolisation constitue donc une méthode d’illégitimation d’un adversaire, d’un opposant, d’un concurrent, d’un contradicteur, qui sont par là même transformés en ennemis, et en ennemis redoutables.

Diaboliser, c’est dénoncer et condamner un individu ou un groupe assimilé à une incarnation du Mal. Et, partant, créer un ennemi absolu, absolument redoutable et haïssable, contre lequel tout est permis. Celui qui diabolise l’autre (l’opposant ou le différent) se classe par là même dans la catégorie des représentants du Bien, voire des combattants du Bien. (…)

La diabolisation de l’ennemi est une opération qui fait partie de la logique du nationalisme, dont la stratégie est d’abord défensive.

Ce qui est cocasse, c’est que c’est cité par Conspiracy Watch – j’imagine que c’est de l’Orwell au second degré vu les opérations de diabolisation de ce site…

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Mais on apprend toujours sur Wikipedia que:

“Taguieff contribue et collabore à Dreuz info, un site web qui se présente comme « francophone, chrétien néo-conservateur et pro-israélien »16, et qui, selon Samuel Laurent du journal Le Monde, « mêle islamophobie, ultra-sionisme et théories néoconservatrices »”.

II. Dreuz.info

Vérifions :

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Il est donc toujours bien collaborateur du site… Site qui indique en bien gros :

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Fichtre, “fachosphère” – encore un concept Conspiracy Watch ? Ce n’est pas commun d’écrire ce genre de truc – on imagine donc du gros second degré. Voyons…

Simple, on va prendre simplement la Une de ce jour, 5 septembre 2016 :

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On est d’accord, c’est bien du conspirationnisme “les médias nous mentent tous” ? En parfaite phase avec le logo du site notez :

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La suite de la page d’accueil :

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Détail :

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(tiens, je pensais, que le zoo, c’était Gaza moi…)

Et puis on a des trucs très sérieux :

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Il semble assez clair que ce site pose de très lourds questionnements… Bon, après, je pourrais faire quelques recherches plus poussées, mais ce n’est pas très nécessaire…

Ceci suffira, non ?

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Mais ça ne tombe pas sous le coup de la loi ça ??? Car sur le fond, il fut un temps pas très lointain où le devoir civique était d’être antisémite – c’est bien de retenir les leçons de l’Histoire…

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Quand on en appelait à d’autres “-phobies”…

Il est clair qu’un lien vers ce genre de site n’est pas accepté sur Les-crises.fr, poubelle direct : nous dénonçons VRAIMENT pour notre part “toutes les formes de racisme” (sic.).

Pas mal ça aussi, sur le leader de l’extrême-droite néerlandaise Geert Wilders :

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Extraits :

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Ça, pour être “remarquable”, c’est “remarquable”…

Que nous dit Taguieff de lui ? :

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Ah oh, le type n’est pas d’extrême-droite, ni même “extrémiste”, il fait juste des vannes pas super drôles quoi…

Il faut avouer que c’est bien imité quand même…

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En tous cas, je suis impressionné par “la qualité” du site animé par “la Star” de Conspiracy Watch…

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Taguieff se présente lui-même comme engagé dans la lutte « contre tous les racismes ». [sic]

Il faut donc avoir un sacré coffre pour venir me faire la leçon (sans avoir grand chose à reprocher sur le contenu publié par ce blog…) quand on publie des dizaines de fois des islamophobes…

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UN SEUL article, avec 4 lignes sur Dreuz en 2012 – une vraie priorité pour Conspiracy Watch…

Bon, après, à leur décharge, c’est vrai qu’il y a d’autres priorités…

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Rudy, un conseil – gracieux, ne me remerciez pas – : allez donc à Sainte-Anne à Paris, interviewer une vingtaines de dingues, ça va faire des billets for-mi-da-bles ! Je salue le courage, la transgression, la mise en danger au service de la Vérité, chapeau ! (encore mieux qu’aller Critiquer Le Monde, France Culture ou Arte…)

P.S. pour “fachosphère”, je confirme, merci.

III. Hessel

Avant son décès, Stéphane Hessel avait défendu le principe du boycott des produits israéliens produits en Palestine occupée. Cela lui a valu la hargne des néo-conservateurs français, dont Taguieff. Admirez…

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Rue89 dans un post très détaillé de Pierre Haski explique qu’il a écrit :

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Avec une réponse hallucinante de Taguieff, genre :

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Bref, en gros, à Buchenwald Hessel avait la Clim’ et vue sur la plage…

Notez enfin la méthode d’un autre auteur de Dreuz, Gilles William Goldnadel :

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Il écrit un livre contre Hessel :

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Dans lequel il accuse Hessel d’avoir menti sur son rôle dans la rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme, en indiquant qu’il aurait participé à sa rédaction (alors qu’il n’était qu’observateur, comme il l’a toujours clairement dit… Mais on voit le niveau) :

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Il indique donc ici que l’éditeur d’Hessel a menti. Notez bien les […]

Car comme l’a démontré brillamment Guillaume Weill-Raynal, c’est une énorme falsification pour salir Hessel, car voici le livre original :

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Le début de la phrase citée parle d’Hessel, mais après la coupe “[…]” l’éditeur parle de Cassin qui a bien participé à la rédaction lui.

Un petit détail, mais qui en dit long sur l’éthique d’une personne et donc d’un site…

En tous cas, je suis très fier d’avoir interviewé peu avant son décès ce grand humaniste qu’était Stéphane Hessel, dans ce billet, chacun ses références…

IV. Épilogue

Je rappelle en conclusion que, par manque de temps je n’ai pas étudié plus que ça Taguieff – qui, j’avoue me dépasse, je comprends mal comment on peut dénoncer le FN et se comporter ainsi… Bref, on est en plein “confusionnisme”…

Mais c’est juste que, quand je tombe sur un tel profil en général, je passe à autre chose….

Je regrette aussi de n’avoir pas eu le temps d’analyser les billets de Conspiracy Watch osant accuser Pierre Bourdieu de complotisme… Par chance, cet article du jour en parle très bien…

 

Bref, comme aurait pu dire le regretté Desproges, “Plus je connais les néo-conservateurs, plus j’aime mon chien…”

Source: http://www.les-crises.fr/pierre-andre-taguieff-star-de-conspiracy-watch/


Usages médiatiques d’une critique savante de « la théorie du complot », par Patrick Champagne et Henri Maler

Tuesday 6 September 2016 at 06:45

Très intéressant article, dans la ligne du jour…

Source : AgonePatrick Champagne, Henri Maler, 24/01/2012

Il existe, il a toujours existé, des « complots » et des « comploteurs » ainsi que des sociétés secrètes et, plus banalement encore, des lobbies et des groupes de pression qui cherchent, de manière plus ou moins cachée, à peser sur les prises de décisions politiques. Mais il existe par ailleurs des gens pour qui le monde est entièrement gouverné par ce qu’ils pensent être autant de forces occultes qui tireraient les ficelles – et que tout s’expliquerait par là. Sous cette dernière forme, le conspirationnisme est moins une « théorie » qu’une vision de la société et de l’histoire qui mérite d’être critiquée, c’est-à-dire d’abord analysée et comprise.

Un média cultivé comme France Culture devrait être la station de radio tout indiquée pour aborder sérieusement la question des formes et des motifs des visions « conspirationnistes ». Mais France Culture n’est plus tout à fait France Culture : les polémiques en dessous de la ceinture qui se présentent comme des débats cultivés tendent à s’y multiplier ; les émissions sérieuses masquent des émissions qui le sont beaucoup moins. Par ­exemple « Les nouveaux chemins de la connaissance » de Raphaël Enthoven qui, le 18 décembre 2009, était justement consacrée à « la théorie du complot ». Il recevait, pour en parler, un directeur de recherche au CNRS, Pierre-André Taguieff, présenté comme un spécialiste de la question.

Pendant la première demi-heure de l’émission, encouragé par Enthoven, Taguieff tente de définir les propriétés de cette « théorie », qu’il présente, en dépit de quelques dénégations, comme un objet unitaire dont il suffirait de recenser les multiples facettes. Notre savant explique que cette prétendue théorie repose sur une vision conspirationniste du fonctionnement du monde. Elle reposerait sur des croyances naïves et acritiques propagées par des individus de mauvaise foi ; ses tenants raisonneraient en s’interrogeant exclusivement sur le fait de savoir « à qui profite le crime » ; ils multiplieraient les sophismes et les stéréotypes, pratiqueraient l’amalgame, recourraient au plagiat et n’hésiteraient pas à fabriquer des faux. Enfin, cette « théorie » s’appuierait sur une conception de l’histoire délirante, obsédée par la dénonciation de grands complots aussi chimériques qu’imaginaires, fomentés par les Juifs, les francs-maçons, des ploutocrates, etc.

La description est souvent juste. Mais, pour que tout puisse entrer dans ce qu’il faut bien appeler un fourre-tout, Taguieff concède que cette « théorie » présente quelques variétés et des degrés, qui vont du complot purement imaginaire, comme « celui qui avait été attribué aux judéo-lépreux en 1321 en Aquitaine, qui n’était fondé sur rien », aux prétendus complots qui se fondent « sur des éléments de réalité certes mésinterprétés ou surinterprétés mais où on peut discuter », comme c’est le cas de certaines dénonciations contemporaines. « Il y a, explique Taguieff, des théories du complot qui se fondent sur des éléments empiriques, sur des fragments de réel, et c’est la force des complotistes contemporains que de se fonder sur quelques contradictions dans les relations des faits. »

Jusque-là, on peut être d’accord avec Taguieff, au moins sur un point : conclure au « complot » chaque fois qu’on est confronté à une explication insuffisante revient, en effet, à donner libre cours à l’imagination. Mais Taguieff franchit un pas de plus en proposant d’appeler les modernes conspirationnistes des « dubitationnistes » (pas « négationnistes » précise-t-il au cas où l’auditeur n’aurait pas saisi les résonances) car, plus pervers, ils ne nient pas mais, bien que cela revienne au même, ils ne font apparemment que douter. « Leur discours, poursuit-il, c’est de dire : “Je m’interroge, je ne réponds pas mais il y a des choses troubles, il y a du mystère.” » Et Taguieff conclut en observant que, « à force de critiques, on détruit le réel ». Faut-il en conclure que tout doute sur une explication mène tout droit à l’invocation d’un complot imaginaire ? Taguieff tend, pour le moins, à le suggérer.

En fait, cette dénonciation de « la théorie du complot » généralise une description qui peut être exacte : elle amalgame des assertions ou des élucubrations de nature très différente et mélange des faits qui ne relèvent pas de logiques identiques. Mais surtout elle caricature et ridiculise des représentations sociales que notre savant dénonce en bloc plutôt que de les expliquer. On ne tarde pas, au cours de l’émission, à en comprendre la raison : si Pierre-André Taguieff construit ainsi, de bric et de broc, « la » théorie du complot – une théorie délirante pour demeurés, pour individus menteurs, stupides ou paranoïaques, et, réellement ou potentiellement, antisémites (puisque les Juifs sont souvent dénoncés comme des comploteurs), c’est pour s’en servir comme arme qui peut atteindre, sans autre argument que la calomnie péremptoire, n’importe quel adversaire.

Les journalistes « complotistes » en version France Culture

Comme les complots ne se fomentent pas, par définition, au grand jour, ce sont les journalistes d’investigation ou de révélation qui sont d’abord pris dans les filets de la théorie de « la » théorie du complot.

« Est-ce qu’un journaliste comme Edwy Plenel, qui considère que son travail de journaliste consiste, à partir de quelques pièces de puzzle dont il dispose, à reconstituer le puzzle : est-ce que cette ambition-là, ce travail, cette conception qu’un certain nombre de journalistes se font de leur propre métier relève […] de la théorie du complot ? » demande Raphaël Enthoven.

On ne voit pas en quoi le travail d’investigation des journalistes relèverait d’une quelconque « théorie du complot » : ils font leur travail de journalistes qui consiste, non pas à proposer une théorie du monde social, mais à produire de l’information et à enquêter notamment sur le pouvoir et sur les affaires bien réelles qu’il tente de dissimuler. Tout cela relève de la fonction démocratique de la presse et non de délires « complotistes ».

Mais tout peut entrer dans « la » théorie du complot comme le montre le « spécialiste » qui, loin de refuser l’amalgame, répond : « C’est le modèle paléontologique appliqué dans un domaine qui est mi-policier mi-journalistique. Il y a un modèle policier du travail journalistique, notamment chez certains journalistes d’investigation. Edwy Plenel fait partie d’une immense famille… Ce point de vue, qu’on trouve dans le gauchisme ­culturel aujourd’hui, qui consiste à s’intéresser aux zones ­d’ombre. L’expression d’ailleurs est fameuse et utilisée par lui. Ce sont des gens qui s’intéressent aux zones d’ombre. Zones d’ombre, souterrain, crypte, caveau, nuit – tout cela, c’est le complot. C’est l’imaginaire du complot. Le complot, évidemment, ne se fait jamais au grand jour. On fomente des complots dans les caves et les zones d’ombre. Et donc il y a une espèce… »

Ainsi, selon Taguieff, tout serait transparent et tout se ferait au grand jour. Rien n’étant caché, prétendre révéler d’hypothétiques secrets fait de certains journalistes des « théoriciens du complot ». On espère qu’il existe encore quelques journalistes d’investigation à France Culture qui ne se laisseront pas dissuader de faire leur travail. Et on espère également, en dépit de ce qui suit, que France Culture accueillera encore quelques sociologues soucieux de mettre au jour des relations qui ne sautent pas aux yeux.

Pierre Bourdieu, « complotiste » jargonnant & académique

Sans transition, après avoir réglé leur compte aux journalistes d’investigation, Taguieff s’en prend au sociologue Pierre Bourdieu, qui ferait partie de l’« espèce » et doit donc, lui aussi, être classé dans la décidément très vaste catégorie des adeptes de « la théorie du complot » : « Et donc il y a une espèce… Comme dans la sociologie d’ailleurs de Bourdieu, ce qu’a vu très bien dans son dernier livre Nathalie Heinich, notamment dans le recueil de textes Contre-feux de Bourdieu. Bourdieu dénonce, par exemple, un gouvernement mondial invisible. Bon, manifestement, il cite un certain nombre d’organismes qui ressemblent beaucoup à des sociétés secrètes selon lui. Sa sociologie est une traduction plus ou moins jargonnante, en tout cas académique, d’une certaine théorie du complot, ce que Popper appelait la “théorie sociologique du complot”. »

Notre directeur de recherche au CNRS cite donc, comme une preuve irréfutable, le livre d’une de ses collègues, Nathalie Heinich. Celle-ci a publié un pamphlet, Le Bêtisier du sociologue : prétendant parler, elle, au nom de la vraie science, elle dénonce chez ses collègues ce qu’elle pratique pourtant elle-même allègrement, et au carré, dans son propre livre de circonstance, où elle milite avec ardeur contre tout militantisme, excepté le sien. Il ne suffit pas, en effet, de se prévaloir de l’inusable « neutralité axiologique » exigée par Max Weber (la suspension des jugements de valeur dans le métier de savant) pour régler une fois pour toutes, comme elle croit le faire, la question des rapports entre la sociologie, le politique et l’engagement militant.

Dans son opuscule, si Nathalie Heinich prend effectivement à partie le « complotisme » de Pierre Bourdieu, coupable à ses yeux d’avoir parlé d’un « gouvernement mondial invisible », elle se garde bien de condamner toute l’œuvre : il s’agirait « seulement » d’un « moment d’égarement », l’expression d’« une grosse faiblesse, à la fois intellectuelle et psychique », de Pierre Bourdieu à la fin de sa vie [1] !

Moins prudent que sa collègue, Taguieff dénonce toute l’œuvre de Bourdieu. Pour ce faire, il évoque, sans le moindre souci de précision, le texte d’une conférence du sociologue prononcée en mai 2000 à Zurich devant l’Union des syndicats suisses et en juin 2000 à Berlin devant les étudiants de l’université Humboldt : un texte qui a été édité sous le titre « La main invisible des puissants » [2].

Dans cette conférence, constatant que les dominants se sont déjà organisés au niveau européen, Bourdieu se borne à exhorter les forces politiques de gauche et les syndicats à s’organiser, eux aussi, au niveau européen pour défendre les acquis sociaux qui sont remis en cause par le néolibéralisme et la logique du capitalisme financier. S’appuyant sans doute sur le seul titre de la conférence, Taguieff voit dans ce texte la dénonciation exclusive « d’organismes qui ressemblent beaucoup à des sociétés secrètes » là où Bourdieu évoque le champ du capital financier, qui « fonctionne comme une sorte de machine infernale sans sujet qui impose sa loi aux États et aux entreprises » ; ou encore insiste sur le fait que, « en face d’un mode de domination aussi complexe et raffiné dans lequel le pouvoir symbolique tient une place si importante, il faut inventer de nouvelles formes de lutte » ; ou encore que « tout ce qu’on décrit sous le nom à la fois descriptif et normatif de “mondialisation” est l’effet non d’une fatalité économique mais d’une politique, consciente et délibérée, mais le plus souvent inconsciente de ses conséquences » [3]. Faut-il nier l’existence de formes de concertation qui s’étalent au grand jour et de choix politiques délibérés pour ne pas être soupçonnable de « conspirationnisme » ? Et pour que la mesure soit comble, est-il indispensable de ne tenir aucun compte de phrases qui insistent sur la complexité des mécanismes sans sujet et de politiques inconscientes de leurs conséquences ? – des phrases qui suffisent à situer l’analyse aux antipodes de tout conspirationnisme.

Mais sa disqualification allusive ne suffit pas à Taguieff, qui décrète que c’est toute l’œuvre du sociologue qui relèverait d’« une certaine théorie du complot ».

Bourdieu « conspirationniste » ne serait-il pas, en outre, potentiellement ou réellement, aussi antisémite ? Et s’il est antisémite, cela n’expliquerait-il pas qu’il soit un adepte de « la théorie du complot » ? C’est Raphaël Enthoven qui se charge de faire ce rapprochement en posant une question dont la relation avec « la théorie du complot » est pour le moins assez lointaine : « Vous iriez jusqu’à dire, comme Jean-Claude Milner sur les ondes de France Culture, que Les Héritiers de Bourdieu, c’est un livre sur les Juifs ? »

Cette allusion à la « charge indécente et diffamatoire de Jean-Claude Milner [4]» ressasse et entretient le doute – bien que cette charge, chose rare, ait fait l’objet d’un droit de réponse sur France Culture. Peut-être faut-il voir dans cette interrogation et dans la réponse un cas de ce « dubitationnisme » dont Taguieff a forgé le « concept » et dont il abuse quelque peu ? « Non, ça je… on peut soutenir cette thèse, mais ce n’est pas la mienne, précise Taguieff. Non, moi je vois simplement la sociologie de Bour­dieu comme une sociologie s’intéressant aux stratégies liées à des réseaux qui ­com­plotent. Je pense que le modèle, le paradigme de la pensée de Bourdieu, est un modèle conspirationniste. »

En soutenant qu’il s’agit d’une « thèse » qui « peut se soutenir », Taguieff entretient donc le doute – un doute qui lui fournit l’occasion de réaffirmer « simplement » que la sociologie de Bourdieu repose sur « un paradigme » : façon pseudo-savante de désigner un modèle sous-jacent, complotiste évidemment. Et comme chacun sait que le « complot juif », dénoncé par les antisémites, est un exemple exemplaire de « théorie du complot »…

« La théorie du complot » comme argument de propagande médiatique

Ainsi les critiques englobantes de « la théorie du complot » ne se bornent pas à débusquer des interprétations abusives ou délirantes : ils les amalgament et leur amalgament tout ce qui, de près ou de loin, mais ­surtout de loin, leur déplaît.

Cette critique par amalgames, surtout quand elle peut se prévaloir de références savantes, est particulièrement ajustée aux exigences des médias cultivés [5]. De quoi s’agit-il en fait ? De donner une apparence savante à une dénonciation qui englobe, dans une même vision du monde, des pseudo-explications par des complots imaginaires et des tentatives d’explications par des causes (qui sont parfois des conspirations) bien réelles. La dénonciation des premières permet, à peu de frais, de se débarrasser des secondes.

Vous menez une recherche sur le lobby militaro-industriel américain qui cherche par des moyens discrets à peser sur les prises de décisions politiques – et l’on peut vous accuser de voir des complots partout ; vous enquêtez sur le fait de savoir qui a fait couler le Rainbow Warrior ou quel fut le rôle de la CIA dans la chute d’Allende au Chili – et vous êtes censé être obsédé par les actions des services secrets qui comploteraient contre la démocratie ; vous suivez l’épistémologie de Gaston Bachelard selon laquelle il n’y a de « science que du caché » – et vous êtes là encore atteint par ce qui, finalement, serait moins une théorie qu’une sorte de maladie.

En réalité, « la théorie du complot », telle que la conçoivent quelques pseudo-savants et les journalistes qui les suivent, n’existe que dans la tête de ceux qui la dénoncent. Tout et n’importe quoi peut se voir rangé sous cette dénomination – et il en est de même de la pseudo-psychiatrie du « délire » étendue à des explications de toute nature. Au point que les pourfendeurs de cette version de la théorie du complot finissent par prêter leurs propres élucubrations et leur propre imagination à ce qu’ils dénoncent – un peu à la manière de ces présidents de ligues de moralité qui conjurent et pourchassent leurs propres « perversions » à travers celles, souvent imaginaires, qu’ils ont tendance à voir un peu partout autour d’eux.

Le « cas » de Pierre-André Taguieff – que nous nous garderons de qualifier de « paranoïaque » – est, à cet égard, éclairant. Enthoven, qui ne peut pas ne pas voir l’obsession dénonciatrice de son interlocuteur, lui tend la perche pour qu’il s’en défende : « Mais je vous pose la question ; enfin, je me fais l’interprète de ceux qui se la posent en vous écoutant : est-ce que vous ne faites pas vous-même le même travail, c’est-à-dire de sociologue du complotisme ? Est-ce que, en pointant des liens, des réseaux, des accointances, des homologies, des structures, des isomorphismes entre différents discours, est-ce que vous ne tombez pas vous-même sous le coup du reproche que vous formulez à l’attention des complotistes ? En somme, est-ce que vous ne seriez pas… que répondez-vous à ceux qui considèrent que vous voyez des paranoïaques partout et qu’en somme il y aurait une paranoïa propre à la détestation de la paranoïa ? »

La réponse est révélatrice d’une des logiques au principe de la dénonciation, englobante au point d’en devenir délirante, de la « théorie du complot ». Pour se doter du prestige moral qui donne à ses versions les plus vulgaires une caution savante, elle se présente elle-même comme une « autocritique » d’un ancien « égaré ». Pour Taguieff « cela, on peut le dire évidemment de tout examen critique, bien sûr. Je ne peux pas répondre puisque c’est un argument ad hominem. Donc je peux dire : “Écoutez, je suis de bonne foi, lisez mes textes, voyez tout de même les autocritiques que je peux faire, je n’ai pas une trajectoire je dirais rectiligne parce que, tout simplement, je me suis moi-même égaré à un certain moment.” Par exemple, quand je travaillais sur l’extrême droite, je me fondais sur une idée très banale et reçue, et qui, d’ailleurs, est une des théories du complot des années 1950 et 1960, l’idée communiste qu’il y a un grand complot fasciste mondial. Idée que ce brave boy-scout intellectuel qu’est Daniel Lindenberg a reprise dans son dernier livre ».

Cette allusion vise peut-être Le Procès des Lumières, dans lequel personne, hormis Taguieff, ne pourrait trouver le moindre indice de la thèse d’un « grand complot fasciste mondial » [6]. Elle vise, plus sûrement, un essai précédent du même auteur, Le Rappel à l’ordre, dans lequel celui-ci classait Taguieff parmi les « nouveaux réactionnaires » [7]. Quelle meilleure réplique que de lui attribuer une « théorie du complot » avant de généraliser. « Donc, continue Taguieff, ce sont des gens en quête d’indices d’un complot ­[mondial] fasciste ou néonationaliste ou néoconservateur, peu importe, qui est une idée qui, évidemment, relève du mythe. Et moi-même j’étais persuadé, j’étais en quête, je cherchais des indices au début des années 1980, je tenais un discours militant, engagé, antifasciste traditionnel. »

Si Taguieff reconnaît avoir été atteint par cette maladie, c’est pour dire que, à la différence de certains de ses anciens petits camarades – Linden­berg, Plenel, etc. –, lui, il est vraiment guéri. Et même bien guéri parce qu’il a été très malade et qu’il a touché le fond du conspirationnisme. Et qu’il faut avoir été très malade pour être définitivement guéri.

« Bon, ben j’ai rompu avec cela, continue Taguieff. Mais il faut aller jusqu’au bout de la nuit, jusqu’au bout de l’erreur. Plenel l’a fait, mais il y est resté. On peut rester dans l’erreur, on peut rester dans le mythe, on peut rester dans les fantasmes, mais on peut aussi s’en sortir. Je pense que, sur ces questions-là, j’ai échappé à la pensée conspirationniste, mais pour l’avoir traversée. »

La lucidité à laquelle Taguieff prétend désormais est rehaussée par une autocritique illusoire. Après avoir vu des complots partout, il voit désormais partout des « théories du complot », qu’il passe son temps à pourchasser, à la manière de ces anciens staliniens devenus des antistaliniens de manière stalinienne. Et France Culture concourt à donner des lettres de noblesse à une chasse aux « complotistes » imaginaires : une chasse que nombre de médias accueillent et pratiquent avec délectation.

Des cibles ajustées à la disqualification de toute critique des médias

Cette critique par amalgames est également partagée par quelques journalistes de haut rang et d’éminents intellectuels médiatiques. Elle a pour cible toute trouvée la critique des médias.

Ainsi « d’imaginaires “théories du complot” » sont-elles convoquées comme « arguments de propagande » [8]: des citations détournées de leur sens (quand elles ne sont pas coupées pour leur faire dire le contraire de ce qu’elles affirment) permettent de falsifier la critique des médias par Noam Chomsky et Edward Herman [9].

Militant engagé dans la critique-critique de la critique des médias, Philippe Corcuff « découvre » que la « vision des médias » d’Acrimed serait « fondée sur “la manipulation” consciente et dans les coulisses, par quelques individus en “connivence” et en “réseaux” ». Pour décrypter cette « vision », il suffit d’affirmer qu’« elle n’utilise pas en général les mots “complot” ou “conspiration” mais recourt à un vocabulaire et à des constructions de phrases qui en suggèrent le sens [10]». Cette « vision » serait ainsi une vision complotiste « fondée », non sur ses arguments, mais sur ce que les mots et la grammaire « suggèrent »… à leur interprète.

Soutenue par le journaliste Emmanuel Lemieux, la sociologue Nathalie Heinich reprend la même chanson dans la revue Sciences humaines [11]. Et le journaliste Jean Quatremer, piqué au vif parce qu’on lui reproche de présenter comme une vérité avérée une thèse controversée, réagit en brandissant l’accusation de « Théorie du complot » [12].

Les hommes politiques qui contestent l’ordre médiatique ne sont pas mieux traités. François Bayrou dénonce-t-il, au cours de la campagne de l’élection présidentielle de 2007, la place prépondérante accordée à deux autres candidats ? Alain Minc l’accuse d’avoir parlé de complot médiatique, Bernard-Henri Lévy d’être atteint de « complotisme » – « une des vilaines maladies partagées, une maladie, une vérole commune à la gauche et à la droite » –, et Le Monde d’avoir eu recours à « la vieille thèse du “complot médiatique” » [13].

Le décryptage de la prestation de Pierre-André Taguieff permet peut-être de mieux comprendre pourquoi, dans l’espace médiatique, la critique des médias peut être régulièrement accusée de succomber à la « théorie du complot » – même lorsque les accusés ne cessent de s’opposer à toute conception réductrice et obsessionnellement manipulatrice des médias.

Les pressions (et censures) politiques et économiques seraient en effet inefficaces si les rapports de forces institutionnels ne les favorisaient pas. La corruption, quand elle existe – et elle existe –, est d’abord structurelle. Les journalistes, quand ils sont « manipulés » (mais dès lors, cet adjectif ne convient plus), le sont avant tout par les logiques sociales qui sont à l’œuvre dans le microcosme médiatique et notamment par la concurrence interne entre supports et par les contraintes objectives de la production de l’information. Il reste que ces processus objectifs s’incarnent dans des personnes, et même des personnalités.

Une critique sérieuse, c’est-à-dire argumentée et reposant sur des faits précis, se doit d’enquêter, de citer les déclarations et les commentaires de journalistes à l’appui des analyses, de compter les invitations dans les émissions, de mettre en évidence les échanges de services et les connivences, bref de faire apparaître des relations objectives à partir de la désignation de personnes qui ne cultivent guère leur anonymat et qui ne peuvent pas être dégagées de toute responsabilité individuelle. Dans cet univers social (comme dans tout autre), les relations objectives que l’on cherche à mettre en évidence passent en grande partie par des relations interpersonnelles qu’il n’y aurait aucun sens à passer sous silence. On comprend dès lors pourquoi la dénonciation de la « théorie du complot » trouve un écho favorable, notamment chez ceux qui occupent une position éminente dans les médias : elle permet de disqualifier toute analyse qui les désigne nommément et de se débarrasser à peu de frais de toute critique effective des médias.

Plus généralement, le procès en conspirationnisme, fondé au mieux sur de vagues impressions et de maigres citations, fonctionne comme un véritable opérateur de dénégation du social. Les journalistes, du moins la minorité qui occupe le sommet de la hiérarchie professionnelle et dont la tête ou la signature est connue et reconnue, cultivent une revendication d’indépendance dont dépend le crédit qu’il conviendrait d’accorder à ce qu’ils disent : ils sont censés dire et écrire librement ce qu’ils pensent, sans préjugés ni esprit partisan, et ne servir que la vérité et la démocratie. Mais cette revendication n’est pour une large part qu’une croyance : une croyance que menace de défaire brutalement toute critique des médias qui, s’appuyant sur les méthodes des sciences sociales, leur rappelle que, comme tout individu, les journalistes sont socialement conditionnés, que le sentiment de liberté qu’ils éprouvent effectivement réside en grande partie dans le fait qu’ils sont les bonnes personnes à la bonne place dans un ensemble social très vaste et très complexe. C’est pourquoi placer sous le titre de « théorie du complot » une sociologie (imaginaire) des médias, qui ferait des journalistes de simples marionnettes des puissants, offre un repoussoir commode à toute tentative d’objectivation qui se propose de mettre méthodiquement en relation position sociale, propriétés sociales et prise de position, sans se taire sur les personnes et les faits qui les illustrent.

Le rapport que nombre de médias entretiennent avec « la théorie du complot » est en définitive purement instrumental. Tandis que certains journalistes dénoncent à juste titre des élucubrations complotistes, ­d’autres – et parfois les mêmes – participent à ces « marronniers » des news magazine sur les « francs-maçons » ou les « dessous de… » dont le contenu est tellement superficiel qu’il encourage les visions purement manipulatrices de la vie sociale et politique.

C’est pourquoi cette mise au point restera vraisemblablement sans effet. Si l’accusation de « complotiste » peut revenir en permanence, c’est que la théorie de « la théorie du complot » remplit des fonctions sociales et idéologiques relativement puissantes. Et cela d’autant mieux qu’il ne s’agit pas d’une véritable théorie, c’est-à-dire d’un ensemble de propositions cohérentes, discriminantes et falsifiables. Elle annexe à des critiques qui peuvent être fondées des imputations sans preuves, qui fonctionnent alors comme de simples calomnies. Et la calomnie peut frapper d’autant plus largement que la théorie de « la théorie du complot », telle qu’elle est construite, est un vaste fourre-tout attrape-tout qui fonctionne par association de mots et mélange tous les genres : journalistiques et scientifiques, théoriques et polémiques, militants et politiques.

Notes

1  Nathalie Heinich, citée in « Pierre Bourdieu et le “gouvernement mondial ­invisible” », Conspiracywatch.info.

2  Pierre Bourdieu, Contre-feux 2, Raisons d’agir, 2001, p. 43-55.

3  Ibid., p. 45, 53 et 57.

4  Henri Maler, « Droits de répondre et droit de répandre : Jean-Claude Milner, Alain Finkielkraut et compagnie », Acrimed.org, 8 mars 2007.

5  Lire par exemple Arnaud Rindel et Henri Maler, « Arte et la théorie du complot : une émission de propagande de Daniel Leconte », Acrimed.org, 27 avril 2004.

6  Daniel Lindenberg, Le Procès des Lumières, Seuil, 2009.

7  Daniel Lindenberg, Le Rappel à l’ordre.Enquête sur les nouveaux réactionnaires, Seuil, 2002.

8  D’après le titre d’un article d’Arnaud Rindel et Serge Halimi, « D’imaginaires “théories du complot” comme arguments de propagande », Acrimed.org, 20 août 2007 – version abrégée de « La conspiration. Quand les journalistes (et leurs favoris) falsifient l’analyse critique des médias », Agone, 2005, n° 34<http://www. agone.org.agone34/>

9  Lire Gilbert Achcar, « Corcuff et la “théorie du complot” », Acrimed.org, 6 septembre 2006.

10  Philippe Corcuff, « De quelques aspects marquants de la sociologie de Pierre Bourdieu », Bellaciao.org, octobre 2004.

11  Lire Henri Maler, « Modeste contribution au “bêtisier du sociologue” de Nathalie Heinich », Acrimed.org, 8 janvier 2010.

12  Henri Maler, « M. Quatremer, de Libération, n’est pas content », Acrimed.org, 28 mars 2006.

13  Lire « Brèves de campagne (5) : Professionnalismes… », Acrimed.org, 20 mars 2007 ; également Henri Maler et Sébastien Fontenelle, « Le Monde réplique à François Bayrou », Acrimed.org, 13 septembre 2006.

Patrick Champagne et Henri Maler

 Source : AgonePatrick Champagne, Henri Maler, 24/01/2012
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Source: http://www.les-crises.fr/usages-mediatiques-dune-critique-savante-de-la-theorie-du-complot-par-patrick-champagne-et-henri-maler/


Yémen : l’hypocrisie meurtrière des exportateurs d’armes, par Amnesty International

Monday 5 September 2016 at 00:30

Source : Amnesty International, 31-08-2016

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À Genève cette semaine, la Coalition pour le contrôle des armes et Pax ont organisé une rencontre pour rappeler la souffrance endurée par les civils au Yémen aux délégations présentes lors de la conférence des Ėtats parties au Traité sur le commerce des armes. Le silence des États-Unis et du Royaume-Uni lors de cette réunion fut assourdissant. Quant à la France, elle ne s’est pas donnée la peine d’y assister.  

Par Rasha Mohamed, chercheuse sur le Yémen à Amnesty International, et Rasha Abdul Rahim, chargée de campagne sur le Contrôle des armes à Amnesty International 

ENCORE UN HÔPITAL TOUCHÉ PAR LA COALITION

La frappe aérienne qui a touché l’hôpital rural d’Abs, dans le gouvernorat d’Hajja, au Yémen, le 15 août, est la quatrième attaque contre un hôpital de Médecins Sans Frontières (MSF) en 10 mois. Cela n’a en rien atténué le choc.

Ayman Issa Bakri, chauffeur d’ambulance de 16 ans, compte parmi les 10 victimes. Il y travaillait depuis que MSF a commencé à financer l’hôpital à l’été 2015.  Son corps a été retrouvé près du site de l’impact ; il portait encore dans les bras la patiente qu’il transférait de l’ambulance jusqu’aux urgences.

Peu après, MSF a annoncé qu’elle mettait un terme à ses opérations au Yémen. Il est difficile d’imaginer le désespoir des Yéménites apprenant que le seul hôpital à des kilomètres à la ronde est rayé de la carte.

DES ARMES POUR COMMETTRE DES CRIMES DE GUERRE

Sur le site de l’hôpital en ruines, nous avons identifié des fragments de bombes qui, semble-t-il, ont été fabriquées aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Cela coïncide avec ce que nous savons des importantes exportations d’armes qu’effectuent ces deux pays vers l’Arabie saoudite et d’autres membres de sa coalition militaire.

Parallèlement, des délégations du Royaume-Uni et des États-Unis s’apprêtaient à participer à la deuxième Conférence des États parties au Traité sur le commerce des armes (TCA), qui s’est achevée à Genève le 26 août. Le TCA définit des interdictions portant sur les transferts d’armes lorsque l’on sait qu’elles seront utilisées pour commettre des crimes de guerre – dans le cadre d’attaques directes ou menées sans discrimination contre des civils notamment.

Le Royaume-Uni ayant ratifié le Traité, il est tenu d’en respecter les dispositions. En tant que signataires, les États-Unis ne doivent prendre aucune mesure susceptible de saper l’objet et le but du Traité.

L’HYPOCRISIE INTERNATIONALE

Étant donné les nombreuses informations pointant du doigt l’utilisation, par la coalition que dirige l’Arabie saoudite, de certaines armes pour commettre des attaques aveugles et directes contre des hôpitaux et des cibles civiles, ils ne devraient autoriser aucun transfert d’armes susceptibles d’être utilisées par la coalition au Yémen.

C’est précisément pourquoi nous avons demandé à plusieurs reprises un embargo total sur les transferts d’armes susceptibles d’être utilisées par l’une des parties au conflit au Yémen.

Dans une déclaration à la Conférence le 23 août, la délégation britannique a exhorté les États parties à « remédier aux pratiques qui ne vont pas dans le sens de l’idéal du Traité » et à se montrer prêts à accepter les critiques quant à leur conduite.

Cet appel est d’une hypocrisie consternante : il intervient après trois semaines d’horreurs vécues par les civils yéménites, une nouvelle fois victimes d’attaques menées sans discrimination par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite qui regorge d’armes fabriquées au Royaume-Uni – munitions et avions militaires notamment.

UN TIERS DES CIVILS TUÉS SONT DES ENFANTS

En effet, depuis l’échec fracassant des pourparlers au Koweït le 6 août, les frappes aériennes contre le groupe armé des Houthis ont repris, et les civils en paient le prix fort. Deux jours seulement avant l’attaque contre l’hôpital d’Abs, 10 enfants auraient été tués et 28 blessés dans le bombardement de leur école à Saada. Les enfants ne peuvent se sentir en sécurité nulle part. Ils comptent pour le tiers des 3 799 civils tués au Yémen depuis le lancement de la campagne de la coalition en mars 2015.

Nous avons recueilli de nombreuses informations sur les livraisons d’armes qu’effectuent certains États parties au TCA à destination de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, armes du même type que celles utilisées pour les attaques contre des civils et des infrastructures civiles au Yémen. En continuant ces livraisons, ces États risquent de se rendre complices de ces attaques illégales.

Par ailleurs, la coalition dirigée par l’Arabie saoudite utilise des bombes à sous-munitions, prohibées par un traité international que le Royaume-Uni a signé. Lors de notre dernière mission au Yémen, nous avons découvert des fragments de bombes à sous-munitions fabriquées au Royaume-Uni et aux États-Unis, éparpillés autour de maisons et qui pendaient des arbres, ainsi que des preuves de leur impact : des enfants à qui il manque des doigts, des parents qui ont perdu leurs enfants.

LA FRANCE PARMI LES CINQ PRINCIPAUX FOURNISSEURS

À Genève cette semaine, la Coalition pour le contrôle des armes et Pax ont organisé une rencontre pour rappeler aux délégués la souffrance humanitaire endurée par les civils au Yémen. Le silence des États-Unis et du Royaume-Uni lors cette réunion fut assourdissant.

Quant à la France, elle ne s’est pas donné la peine d’y assister. Avec le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Allemagne et l’Espagne, la France compte parmi les cinq principaux fournisseurs d’armes de l’Arabie saoudite – d’après son propre rapport annuel, elle a autorisé l’exportation de près de 16 milliards d’euros d’armements à ce pays en 2015.

Le refus des principaux fournisseurs d’armes de l’Arabie saoudite d’ouvrir un débat public sur ce qui se passe au Yémen est honteux. Ils opposent systématiquement des démentis catégoriques, des platitudes fumeuses ou un silence absolu aux informations solides et crédibles selon lesquelles la coalition dirigée par l’Arabie saoudite utilise ces armes pour commettre de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains.

Les photos de munitions du type vendues par le Royaume-Uni à l’Arabie saoudite à proximité de bambins en sang et de maisons réduites en poussière ne sont apparemment pas jugées suffisamment probantes pour inciter le Royaume-Uni à se fendre d’une brève déclaration publique.

LE TRAITÉ SUR LE COMMERCE DES ARMES CONSTAMMENT VIOLÉ

Les États parties au TCA, dont le Royaume-Uni, encouragent d’autres États à se joindre au Traité. Cependant, s’ils ne sont pas prêts à examiner leur propre conduite ni à sanctionner les violations, ils saperont l’esprit fondateur du Traité, qui se résumera bientôt à un simple exercice de relations publiques.

Il faut mettre en œuvre la tolérance zéro pour les États qui bafouent les obligations découlant du Traité.

Nous demandons qu’un critère essentiel s’applique aux exportateurs d’armes : ils ne doivent pas autoriser les transferts d’armes tant que les États importateurs n’ont pas fourni de garanties juridiquement contraignantes assurant que les utilisateurs finaux de ces armes respecteront les droits humains et l’état de droit.

À titre d’exemple, le Royaume-Uni ne pourrait pas actuellement autoriser un transfert d’armes vers l’Arabie saoudite sans avoir reçu la garantie juridiquement contraignante que ces armes ne seraient pas utilisées au Yémen.

CONTRÔLER LES EXPORTATIONS D’ARMES

Le silence sur les victimes civiles au Yémen compromet l’un des outils majeurs de la communauté internationale pour protéger les civils pris au piège des conflits. Un ambassadeur de haut niveau a déclaré à nos chercheurs lors de la Conférence que, le TCA n’ayant que deux ans, nous devons « faire preuve de patience » et lui donner du temps.

Cependant, des États comme le Royaume-Uni, la France ou les États-Unis ont les ressources nécessaires pour contrôler leurs exportations d’armes et garantir qu’elles n’alimentent pas des atrocités – ils peuvent et doivent montrer l’exemple.

En attendant que les États parties au TCA se montrent à la hauteur de leurs obligations, les Yéménites dans les lits d’hôpitaux peuvent prier pour ne pas être la cible de la prochaine série de frappes aériennes.

Source : Amnesty International, 31-08-2016

Source: http://www.les-crises.fr/yemen-lhypocrisie-meurtriere-des-exportateurs-darmes-par-amnesty-international/


Audition du général Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire

Monday 5 September 2016 at 00:15

Un document assez technique, mais avec quelques points importants, surlignés en jaune…

Source : Assemblée Nationale, 25-03-2015

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 25 mars 2015

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 49

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition du général Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire, sur le projet de loi relatif au renseignement

La séance est ouverte à neuf heures.

Mme la présidente Patricia Adam. Général, mes chers collègues, mesdames et messieurs, je suis heureuse d’accueillir le général Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire, pour une audition sur le projet de loi relatif au renseignement.

Nous poursuivons en effet avec vous le cycle de nos auditions sur le sujet, notre commission s’étant saisie pour avis. La direction du renseignement militaire (DRM) fait partie de ce qu’il est convenu d’appeler la communauté du renseignement et comme telle est directement concernée par ce projet de loi. Votre audition nous permettra donc de mieux en comprendre les enjeux.

Général Christophe Gomart. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré d’être entendu aujourd’hui par votre commission. Avant de prendre la tête de la direction du renseignement militaire en 2013, j’ai eu la chance de commander les opérations spéciales de 2011 à 2013 ; auparavant, j’ai été adjoint du coordonnateur national du renseignement Bernard Bajolet – de 2008 à 2011 – et chef du bureau réservé du cabinet du ministre à la Défense – de 2006 à 2008. Ce parcours me permet d’avoir une vision assez large du monde du renseignement et de tout ce qui touche à sa spécificité.

Je propose de commencer par vous présenter brièvement la direction du renseignement militaire avant d’évoquer l’état de la menace et ses enjeux majeurs et de conclure par mon appréciation du projet de loi, qui me semble aller dans le bon sens.

Foch disait : « À la guerre, on fait ce qu’on peut avec ce qu’on sait ; pour pouvoir beaucoup, il faut savoir beaucoup ». C’est dans cet état d’esprit que je conçois l’action de la DRM, service de renseignement des armées, à l’heure où nos soldats sont engagés dans de nombreuses opérations à l’étranger et sur le territoire national. Nous contribuons – c’est l’essentiel de mon travail – à l’appréciation autonome de situation des chefs militaires de tous niveaux et des responsables politiques dans le choix des options militaires.

La DRM est l’un des six services de renseignement de notre communauté nationale, au sein de laquelle elle occupe une place particulière liée à ses missions et à son organisation. Service de renseignement des armées, elle est subordonnée au chef d’état-major des armées (CEMA). Elle dépend donc des armées pour l’ensemble de ses ressources humaines, matérielles et financières, et le directeur que je suis est également le conseiller du ministre en matière de renseignement d’intérêt militaire. La DRM est donc un service spécialisé autonome qui agit discrètement, mais pas secrètement. Notre expertise est celle du renseignement d’intérêt militaire, comme l’a rappelé le plan national d’orientation du renseignement (PNOR) 2014-2019, qui est un document secret défense permettant de définir le périmètre de chacun des services, ce qui me paraît essentiel. Mon périmètre s’intéresse aux parties des forces vives, militaires et paramilitaires, étatiques ou non, de nos adversaires et de leur environnement qui ressortissent strictement aux seuls domaines d’intérêt militaire, c’est-à-dire ayant ou pouvant avoir des conséquences sur nos forces et nos intérêts nationaux. Notre champ d’action est donc large : il couvre aussi bien l’appui direct aux opérations militaires en cours – en Irak, au Sahel, en Centrafrique –, l’anticipation de crises comme en Ukraine ou en Libye, et la veille stratégique permanente comprenant la surveillance des grandes puissances militaires potentiellement dangereuses, notamment la Chine ou la Russie.

Nous relevons ce défi permanent grâce à la nature intégrée de la DRM, qui lui permet de disposer de la gamme complète des capacités nécessaires à l’élaboration du renseignement.

Il s’agit, premièrement, de l’orientation de la recherche, en étant pleinement impliqués dans les travaux du groupe d’anticipation stratégique du chef d’état-major des armées et en favorisant l’exploitation en boucle courte ; deuxièmement, de la recherche du renseignement, car nous disposons – soit en propre, soit du fait de la mise à disposition par les armées – d’un certain nombre de capteurs techniques – électromagnétiques et de l’image – et humains dans tous les domaines ; troisièmement, de l’analyse et de l’exploitation des informations recueillies par le croisement d’expertises géographiques et thématiques ; quatrièmement, enfin, de la diffusion de ce renseignement élaboré aux destinataires idoines.

La DRM est implantée à Paris, Creil et Strasbourg, ainsi que dans neuf centres d’écoute répartis sur la surface du globe. Nous contribuons aussi aux opérations par la projection en permanence d’environ cent personnes sur les théâtres d’opérations. La DRM emploie 1 600 personnes, dont 80 % provenant du personnel de toutes les armées, des services et de la gendarmerie, et 20 % de personnel civil. Nous souffrons, pour la catégorie du personnel militaire, de lacunes dans la réalisation de nos effectifs de personnel de spécialités rares, notamment les interprétateurs images et les linguistes. Les 20 % de personnel civil sont majoritairement des fonctionnaires. Nous avons également la chance de disposer d’agents sous contrat très diplômés, principalement en tant qu’analystes géographiques et thématiques. Notre richesse réside dans cette alchimie d’experts militaires et civils expérimentés ou tout juste sortis d’école.

La loi de programmation militaire (LPM) doit consolider notre capacité de recherche, notamment dans le domaine satellitaire. Nous attendons avec impatience l’arrivée de la constellation MUSIS, prévue pour 2018, et de CERES, qui doit être lancé en 2020. Ces satellites pérenniseront nos capacités stratégiques du renseignement d’origine image et d’origine électromagnétique. Nous sommes aussi vigilants sur la réalisation des autres programmes comme la charge utile de guerre électronique aéroportée pour succéder au C-160 Gabriel, l’acquisition patrimoniale d’avions légers de surveillance et de reconnaissance, comme ceux que nous louons actuellement sur les théâtres d’opérations et qui se révèlent très efficaces, ainsi que les perspectives de drones MALE en y intégrant une charge de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM).

Les attaques du mois de janvier ont cruellement rappelé l’actualité de la menace à laquelle nous sommes confrontés. La DRM s’intéresse principalement à l’adversaire que combattent les armées sur les théâtres d’opérations saharo-sahélien, centrafricain, irakien voire libanais. La zone d’intérêt renseignement est toutefois beaucoup plus vaste que la zone d’opérations stricto sensu ; nous avons à regarder aussi ce qui se passe alentour, dans le golfe arabo-persique, au Levant au sens large, en Afrique du Nord et singulièrement en Libye, au Nigeria et au Cameroun pour citer les principales zones chaudes.

Cet adversaire a radicalement évolué au cours de la dernière décennie. La globalisation de la menace qu’envisageaient les deux derniers livres blancs est désormais une réalité dans tous les domaines. Nous faisons face à un ennemi très réactif, résolument moderne, capable de s’adapter à ses adversaires et ayant des objectifs politico-stratégiques bien définis. L’adversaire s’est approprié la révolution mondiale de l’information dans laquelle nous sommes immergés. Il maîtrise parfaitement les moyens en réseau modernes pour recruter, influencer et communiquer. Les publications en ligne ou les vidéos de Daech illustrent combien notre ennemi sait utiliser les failles de nos « sociétés connectées ».

Cette modernité de l’adversaire lui permet aussi d’être très réactif et de s’adapter face à nous sur le terrain. Il combine aisément les modes d’action conventionnels et les modes d’action asymétriques : les groupes armés terroristes (GAT) du Nord Mali montent ainsi des embuscades classiques contre les forces multinationales et continuent de poser des engins explosifs improvisés, tandis que Daech mène des offensives d’envergure en Irak et en Syrie et lance des attaques suicides au cœur même de Bagdad. Connaissant nos restrictions d’action, Daech sait aussi se fondre dans la population, emprunter des tenues des forces de sécurité irakiennes ou entreposer ses armes dans des hôpitaux ou des mosquées. Ayant tiré les enseignements des premiers combats contre la force Serval, les GAT ont revu leurs procédures : ils n’emploient plus les moyens de communication que nous pouvons intercepter et préfèrent désormais se déplacer à moto plutôt qu’en colonnes de pick-up.

La continuité de cette menace constitue le fait nouveau qui mobilise l’ensemble des services de renseignement. Les armées combattent cet ennemi « au loin », en Irak et au Sahel, mais cet adversaire est de plus en plus intimement lié avec la menace sur le territoire national que j’évoquais précédemment. Il y a donc une véritable continuité entre l’adversaire qui vient nous attaquer sur le sol national et celui qui se trouve aujourd’hui au Sahel ou en Irak.

Au-delà du constat sur la menace – notre raison d’être –, nous avons aussi à prendre en compte l’évolution de l’environnement dans lequel nous évoluons. Nous avons à faire face à une multiplication des sollicitations et à une croissance phénoménale des informations à traiter. Lorsque le général Bolelli, mon prédécesseur, s’exprimait devant vous il y a deux ans, la DRM appuyait principalement le théâtre afghan et les derniers soubresauts du théâtre ivoirien ; aujourd’hui, nous sommes engagés sur toute la bande sahélo-saharienne, en Centrafrique, en Irak et au Liban. La réelle explosion du volume d’informations est déjà une réalité et constitue un phénomène qui s’amplifiera dans les années à venir. Il devient donc encore plus difficile de discriminer la bonne information dans une telle masse.

Conscients de ces défis, nous avons engagé la DRM dans un vaste chantier de transformation depuis bientôt deux ans. L’objectif majeur est de garder l’initiative sur notre adversaire. Nous avons pour ambition de continuer à garantir au CEMA sa liberté d’action par sa capacité autonome d’appréciation de situation. Nous revoyons donc en profondeur notre organisation et nos procédures pour les optimiser, les moderniser et les adapter. Nous comptons exploiter pleinement les acquis actuels et futurs des programmes d’équipement de la DRM.

Parmi nos chantiers, je souhaiterais en souligner trois. Premièrement, la DRM dispose désormais d’une capacité de renseignement fusionné géospatial – ce que les Anglo-Saxons appellent GEOINT (geospatial intelligence) – au sein d’un centre dédié à Creil, le centre de renseignement géospatial interarmées, véritable start-up dont l’ambition est de fournir un renseignement complet, précis, géolocalisé et actualisé sur un support numérique adapté aussi bien aux décideurs stratégiques qu’aux analystes de la DRM et aux chefs militaires tactiques sur le terrain ; il faut voir cela comme une espèce de Google Earth comportant un visualisateur permettant de voir, pratiquement en temps réel, ce qui se passe en tout point du globe.

Deuxièmement, nous poursuivons notre pleine implication dans la mutualisation des programmes entre les services de renseignement. Les moyens de la DGSE, auxquels la DRM, la DGSI, la DNRED et la DPSD ont accès, nous permettent de bénéficier de capacités techniques importantes et dimensionnantes et de guider notre réorganisation.

Troisièmement, enfin, la gestion de la ressource humaine fait l’objet d’une attention toute particulière. Nous avons un besoin criant d’effectifs, au risque d’être asphyxiés et de ne plus répondre correctement aux sollicitations. Ainsi, je ne suis actuellement plus en mesure de suivre les pays classés en catégorie P3, étant obligé de recentrer mes moyens sur les crises actuelles. Nos effectifs ne sont pas pleinement réalisés et nous faisons face à un manque chronique de personnel dans des spécialités importantes, comme les interprétateurs photos et les linguistes. Les enjeux que je vous ai décrits militent pour un renforcement de nos effectifs, afin de nous permettre de traiter cette masse exponentielle d’informations qui nous arrivent et d’y détecter rapidement les signaux d’alerte, capacité vitale pour le renseignement. À titre de comparaison, la DGSE dispose d’un volume de personnel militaire plus important que celui de la DRM – notamment d’un nombre plus important d’officiers brevetés de l’École de guerre. Il a été décidé, à la suite des attentats, de renforcer les effectifs de 185 personnels pour la DGSE – dont au moins trente militaires, qui n’iront pas forcément à la DRM – et de 65 pour la DPSD. Il faut aussi que nous puissions offrir des perspectives de carrières attractives au personnel, tant militaire que civil. Deux pistes sont déjà explorées mais n’ont pas encore abouti : la recherche d’un statut d’emploi pour notre personnel civil et le développement d’une réelle mobilité interservices.

Nous nous attachons à relever d’autres défis, comme celui de la disposition de systèmes d’information et de communication robustes et résilients, la prise en compte du déménagement vers Balard, en réfléchissant sur les opportunités de stabilité et de cohérence qu’offre la base de Creil où nous sommes déjà implantés, ou encore la consolidation d’un centre de bases de données qui vient de nous être livré.

Je crois aussi que nous devons poursuivre la coopération opérationnelle interservices initiée en appui des opérations en Irak avec la cellule Hermès – dont j’ai souhaité la création, soutenu en cela par le chef d’état-major des armées et le ministre de la Défense –, qui permet à tous les services de renseignement de se retrouver au centre de planification et de conduite des opérations au profit des opérations militaires menées actuellement en Irak. Je suis convaincu que la création d’Hermès, qui constitue une première, nous apportera énormément : elle a tracé la voie d’une plus grande interaction entre les services, d’un échange dynamique et efficace de renseignement au profit de l’action, militaire dans ce cas précis. Les enjeux sécuritaires actuels et futurs, notamment sur le territoire national, militent pour la pérennisation et la consolidation de dispositifs similaires.

À propos du projet de loi relatif au renseignement qui vous est soumis, je souhaiterais faire trois observations liminaires. Premièrement, ce projet colle aux réalités présentes et futures de nos services de renseignement quant à leurs moyens et à leurs missions ; deuxièmement, il donne un cadre clair et applicable à tous les services de renseignement ; troisièmement, je pense que cette loi protégera bien nos citoyens.

Le projet définit les missions des services de renseignement, précise les finalités pour lesquels les services peuvent recourir aux techniques de renseignement prévues par la loi, fixe les techniques de renseignement et leurs conditions de mise en œuvre et définit des procédures de contrôle par une autorité administrative indépendante et par un contrôle juridictionnel.

Pour la DRM, il s’agit d’un projet de loi complet et cohérent qui respecte un équilibre entre les nécessités opérationnelles des services et un contrôle indispensable pour la garantie des libertés publiques. Il assoit aussi la légitimité de l’action des services. Ce projet complète le dispositif existant sans remettre en cause les capacités déjà prévues par les dispositifs législatifs existants.

Les finalités définies dans le titre Ier, pour lesquelles les services peuvent mettre en œuvre les techniques de renseignement, ne contraignent pas la DRM. Dans ce cadre, elle peut remplir l’ensemble de ses missions, de l’appui aux opérations à la veille stratégique.

Il ne fait pas de distinction entre les services qui agissent sur le territoire national et ceux qui agissent à l’extérieur. La DRM agit essentiellement à l’extérieur du territoire national concernant les techniques de renseignement abordées par ce projet. Elle dispose toutefois de capteurs stationnés sur notre territoire : il s’agit notamment des centres d’écoute de Giens et des départements et collectivités d’outre-mer de Mayotte, Pointe-à-Pitre, Papeete et la Tontouta, ainsi que des bâtiments de la marine nationale tels que le Dupuy-de-Lôme et d’autres bâtiments embarquant des moyens d’interception électromagnétique. Elle est principalement concernée par les mesures de surveillance internationales et le maintien de celles concernant le spectre hertzien déjà prévues par la loi de 1991.

Pour la DRM, le titre V consacré aux techniques de renseignement soumises à autorisation constitue le principal apport de ce projet de loi. Il définit en effet des dispositions relatives aux mesures de surveillance internationales. Celles-ci prennent en compte la surveillance des communications émises ou reçues à l’étranger à partir de capteurs situés sur le territoire national. Elles tiennent surtout compte de l’évolution des techniques de communications électroniques, qui vont bien au-delà de la simple téléphonie telle qu’elle était définie dans la loi de 1991. Il s’agit d’une avancée importante et indispensable au regard du besoin opérationnel et des nouvelles techniques de communication électroniques.

Le dispositif prévu par ce projet, qui apparaît comme plus souple que celui en vigueur pour les interceptions de sécurité, présente cependant de solides garanties : pour les communications qui renvoient à des identifiants nationaux, leur conservation relève de la même procédure que celle prévue pour les autres techniques de renseignement sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Par ailleurs, la CNCTR s’assure des bonnes conditions de mise en œuvre de ces mesures.

En son article 5, le projet reprend les dispositions de l’exception hertzienne prévues par l’article 20 de la loi de 1991. La DRM considère que le maintien de ces dispositions est impératif, dans la mesure où le balayage du spectre hertzien à partir de capteurs situés sur le territoire national permet la détection de signaux faibles qui, une fois identifiés, peuvent être traités, par exemple, dans le cadre des mesures de surveillance internationale ou de l’accès aux données techniques de connexion.

Je souhaite souligner deux derniers points qui me semblent importants, car ils permettent aux services de réaliser leurs missions dans de meilleures conditions. Premièrement, les dispositions relatives aux conditions dans lesquelles seront pris les actes réglementaires et individuels concernant l’organisation, la gestion et le fonctionnement des services, constituent un complément utile au dispositif existant qui vise à garantir l’anonymat des agents ; deuxièmement, l’article 9 du projet, qui complète l’article 41 de la loi de 1978 relative à l’informatique aux fichiers et aux libertés, est une garantie apportée à la nécessaire confidentialité de l’action des services et au respect du secret de la défense nationale face à un contentieux relatif à l’accès aux fichiers, qui s’accroît en permanence.

Enfin, la définition des missions de la nouvelle commission nationale de contrôle des techniques de renseignement permet une réelle unification des procédures d’autorisation et de contrôle. Elle nous donnera un avis préalable avant la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et procédera au contrôle a posteriori sur la mise en œuvre de ces techniques. Je pense que l’action de cette commission sera une véritable garantie du respect des libertés publiques.

Le directeur du renseignement militaire que je suis considère donc que ce projet de loi relatif au renseignement concourra au maintien et à l’assurance de l’efficacité des services de renseignements. Notre mission a besoin d’un cadre cohérent appuyé sur des capacités de contrôle. Je salue personnellement cette volonté de nous garantir un tel cadre et je peux vous assurer que l’ensemble des membres de mon service demeurent pleinement engagés dans leur mission, avec pour principale ambition de contribuer à la sécurité de nos concitoyens.

Mme la présidente Patricia Adam. Puisque vous avez évoqué les pays classés dans la catégorie P3, pouvez-vous nous préciser quels sont ces pays ?

Général Christophe Gomart. Nous classons les pays en trois catégories, de la catégorie P1, qui regroupe les pays en crise, ou au sujet desquels la sécurité de la France est directement mise en jeu, à la catégorie P3, constituée de pays que nous estimons présenter un risque plus réduit pour la sécurité nationale – P2 étant évidemment la catégorie intermédiaire. Je précise que nous n’abandonnons pas systématiquement toute surveillance des pays classés P3 : ainsi, nous continuons de suivre de près ce qui se passe dans certains d’entre eux. Compte tenu des contraintes auxquelles nous devons faire face en matière d’effectifs, nous devons cependant cesser de surveiller certains pays, notamment ceux d’Amérique latine et les États-Unis d’Amérique. Nous nous contentons de suivre ces derniers sur les théâtres d’opérations militaires, considérant que la mission militaire de défense basée à Washington est parfaitement en mesure de nous tenir informés sur les chefs militaires américains en poste et leurs orientations.

M. Frédéric Lefebvre. Quelles sont nos relations avec la base de l’OTAN de Norfolk ?

Général Christophe Gomart. Nous avons d’excellentes relations avec le commandant suprême allié Transformation (SACT) et les notes de renseignement de la DRM alimentent d’ailleurs la réflexion de l’OTAN. En septembre prochain, le général Denis Mercier va succéder au général Jean-Paul Paloméros à ce poste.

La vraie difficulté avec l’OTAN, c’est que le renseignement américain y est prépondérant, tandis que le renseignement français y est plus ou moins pris en compte – d’où l’importance pour nous d’alimenter suffisamment les commanders de l’OTAN en renseignements d’origine française. L’OTAN avait annoncé que les Russes allaient envahir l’Ukraine alors que, selon les renseignements de la DRM, rien ne venait étayer cette hypothèse – nous avions en effet constaté que les Russes n’avaient pas déployé de commandement ni de moyens logistiques, notamment d’hôpitaux de campagne, permettant d’envisager une invasion militaire et les unités de deuxième échelon n’avaient effectué aucun mouvement. La suite a montré que nous avions raison car, si des soldats russes ont effectivement été vus en Ukraine, il s’agissait plus d’une manœuvre destinée à faire pression sur le président ukrainien Porochenko que d’une tentative d’invasion.

M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis. Je vous remercie de nous avoir fait part de vos convictions au sujet du projet de loi relatif au renseignement et de votre service.

Vous avez indiqué que cette loi collait aux réalités, qu’elle constituait un cadre clair et applicable et présentait des garanties satisfaisantes en termes de garanties des droits des citoyens, et avez insisté sur les mesures de surveillance internationale constituant le cadre général de votre action. Pouvez-vous nous indiquer de quelle manière vous exercez votre droit de suite : les individus et les groupes que vous suivez pouvant être amenés à aller et venir entre la France et l’étranger, assurez-vous le suivi des personnes concernées en tous lieux, ou êtes-vous amenés à passer le relais à un autre service dans certaines circonstances ?

M. Alain Moyne-Bressand. Pouvez-vous nous indiquer comment s’effectue la coordination entre les services civils de renseignement et le vôtre, de nature militaire ? On sait que, par le passé, les relations entre les services de renseignement ont été marquées par une certaine rivalité. La nouvelle organisation va-t-elle vous permettre de travailler la main dans la main, dans l’intérêt de la sécurité et de la République – ce qui doit être une priorité ?

Par ailleurs, on sait que le terrorisme islamiste et extrémiste est à surveiller avec la plus grande attention. Comment vous y prenez-vous pour identifier et suivre les chefs terroristes dans les théâtres d’opérations maliens et irakiens, constitués de régions désertiques et montagneuses extrêmement difficiles d’accès ?

Général Christophe Gomart. La DRM a effectivement vocation à travailler sur les théâtres d’opérations et à assurer la surveillance de tout ce qui est susceptible de constituer une menace pour les forces armées françaises : ainsi surveille-t-elle ce qui se passe en Libye et peut menacer les troupes déployées au Niger, au Tchad et au Mali. Nous suivons les chefs terroristes et les individus – composant AQMI, par exemple – mais pas forcément les filières, qui relèvent plutôt de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) – cette dernière étant leader.

Le rôle de la cellule interagence Hermès consiste précisément à croiser les renseignements dont disposent ces différents services agissant chacun dans son périmètre. Ainsi la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) suit-elle toutes les filières, de même que TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), qui observe la circulation des fonds et les éventuelles fermetures de comptes. Les différents services peuvent communiquer entre eux par le biais de la cellule Hermès, mais aussi du coordonnateur national du renseignement, qui réunit les directeurs de service autour de lui au moins une fois par mois, afin que ceux-ci fassent le point sur l’état de la menace et exposent leurs sujets de préoccupation. Il existe donc bien une coordination entre les services, qui revêt un aspect opérationnel d’une part en ce qui concerne Hermès pour le théâtre d’opérations du Levant, d’autre part entre la DGSE, la DRM et le commandement des opérations spéciales (COS) pour le suivi des terroristes du Sahel.

Cette coopération se fait en association avec les Américains, qui mettent à notre disposition des moyens de surveillance aérienne – notamment des drones – afin de suivre des djihadistes devenus plus difficiles à tracer depuis qu’ils n’utilisent plus que très rarement les moyens de communication qui nous permettraient naguère de les localiser. Les terroristes sont donc revenus à des méthodes anciennes – notamment celle de l’estafette – et, en matière de téléphonie, utilisent des dispositifs de courte portée, dont le rayonnement est limité à quelques kilomètres. Ces nouvelles pratiques compliquent considérablement l’interception des communications, ce qui n’empêche cependant pas que certaines actions soient couronnées de succès. Ainsi le COS a-t-il pu neutraliser un certain nombre de chefs djihadistes.

En résumé, il y a bien une coordination entre les différents services, qui ont tous des capacités spécifiques, dépendant des missions qui leur sont confiées.

M. Daniel Boisserie. J’aimerais savoir comment se passe la coopération entre la France et les autres pays d’Europe occidentale. Vous avez évoqué la difficulté à recruter des linguistes et des interprétateurs d’image. Pouvez-vous nous expliquer quel est le rôle des interprétateurs images, et quelle est leur formation ? Pour ce qui est des linguistes, quelles sont les langues les plus recherchées, et celles où vous avez le plus de mal à trouver des personnels ? Enfin, ne pensez-vous pas que la mutualisation des personnels exerçant ces deux fonctions pourrait être plus poussée, notamment en ce qui concerne la DGSE ?

Mme Édith Gueugneau. La DRM fait partie intégrante du système de renseignement français coordonné par le Conseil national du renseignement (CNR), dont la mise en place en 2008 a permis un meilleur partage des savoir-faire et des informations dans le respect des périmètres de responsabilité de chacun. Quel bilan tirez-vous de la création du CNR ? Aujourd’hui, la France doit se doter de moyens efficaces et modernes, tout en disposant de garanties renforcées et d’une définition forte de la protection de notre nation. Selon vous, comment le projet de loi relatif au renseignement peut-il nous permettre d’aller plus loin face à la menace terroriste dans une société hyperconnectée ?

Général Christophe Gomart. La coopération avec les pays d’Europe occidentale est bonne. La DRM participe à deux forums, dont l’un réunissant régulièrement les pays de l’OTAN autour de divers sujets. Je me souviens que lors de l’un de ces forums, on a cherché à nous forcer la main au sujet de l’Ukraine. Cela montre bien l’importance de disposer de renseignements concrets et factuels : de ce point de vue, la France dispose des moyens lui permettant d’apprécier les situations et de faire valoir son point de vue.

La coopération se fait également dans le cadre de relations bilatérales, c’est-à-dire d’échanges d’informations. La France, généralement très bonne en ce qui concerne l’Afrique, est en mesure de fournir des renseignements sur cette région du monde à ses partenaires, en échange d’autres renseignements concernant des régions où elle en recueille moins. Nous échangeons beaucoup avec les Allemands, les Américains, les Britanniques et les Suisses.

Un interprétateur images est une personne capable de repérer sur une image satellite des éléments que vous et moi ne verrions pas, de déterminer si un missile est érigé ou pas, de mettre en évidence la présence d’un hélicoptère sur la plate-forme arrière d’un navire et d’identifier précisément de quel type d’engin il s’agit, de faire la distinction entre des impacts d’obus et des arbustes, là où tout autre ne verrait que des taches noires. La formation initiale de base dure au moins six mois, et il existe des formations continues complémentaires en vue d’effectuer des analyses encore plus rapides et précises. L’exercice de cette fonction implique une bonne connaissance des capacités adverses, afin de faire la distinction entre les matériels militaires et ceux qui ne le sont pas et d’être en mesure, par exemple, de tirer des conclusions de la façon dont certains canons sont disposés.

Pour former un linguiste en chinois, il faut trois ans ; en russe ou en arabe, deux ans. Nous avons donc tout intérêt à fidéliser les personnels concernés une fois qu’ils sont formés, car la longueur de leur formation constitue un investissement non négligeable. Bien évidemment, nous nous efforçons de mutualiser ces fonctions avec d’autres services de renseignement. Si nous avons actuellement besoin de linguistes maîtrisant le tamasheq – l’une des langues parlées au Sahel –, nous ne savons pas combien de temps il nous sera utile de disposer de tels spécialistes, c’est pourquoi nous y réfléchissons à deux fois avant de faire entrer des personnels dans une filière de formation à cette langue : il est plus judicieux de recourir à des personnels mutualisés. Par ailleurs, quand c’est possible, nous nous efforçons de reconvertir les linguistes spécialisés dans une langue qui ne présente plus un intérêt majeur pour nous : ainsi une partie des nombreux linguistes que nous avons formés au serbo-croate durant les années 1990 ont-ils été transformés en linguistes spécialistes du russe. De même la crise en Centrafrique nous a-t-elle obligés à trouver des personnes parlant le sango.

Sur ce point, il me semble, à l’instar de mes homologues dirigeant d’autres services, qu’il conviendrait d’engager une vraie réflexion sur le plan national afin de déterminer s’il ne serait pas possible de recruter en France des personnels parlant le tamasheq, le pachto ou le dari – deux langues parlées notamment en Afghanistan –, en contrepartie de la délivrance d’un visa longue durée, voire de l’attribution de la nationalité française. L’un des obstacles auxquels nous nous heurtons en matière de recrutement est que notre service n’est pas forcément celui offrant la meilleure rémunération – et je ne parle même pas des postes proposés par le secteur privé.

Pour ce qui est du projet de loi, je rappelle que la loi de 1991 était intéressante dans la mesure où le législateur avait prévu une grande souplesse, ce qui explique que nous ayons pu attendre jusqu’à maintenant – même si certaines évolutions sont intervenues entre-temps – avant l’élaboration d’une nouvelle loi, rendue nécessaire par les gigantesques progrès accomplis en quinze ans en matière de moyens de communication. L’un des intérêts de la nouvelle loi va consister à rendre légales des actions qui ne l’étaient pas et à protéger les agents qui travaillent pour le bien commun et l’intérêt général. Par ailleurs, cette loi va instaurer un meilleur contrôle, auquel les agents ne cherchent pas à se soustraire : ce sont des gens passionnés qui souhaitent avant tout faire œuvre utile dans le respect des libertés publiques. De ce point de vue, le projet de loi me paraît équilibré, même si des amendements permettront sans doute de préciser certaines choses qui méritent de l’être. Cela dit, cette loi est déjà le fruit d’une longue réflexion, portant la marque d’une fructueuse maturation depuis la loi de 2007 portant création d’une délégation parlementaire au renseignement, et j’y vois une réelle plus-value.

M. Serge Grouard. Vous avez évoqué nos moyens spatiaux, dont j’estime que nous parlons trop peu d’ordinaire, alors que la France est une grande puissance spatiale militaire. Vous avez cité les programmes satellitaires CERES (Capacité de Renseignement Électromagnétique Spatiale) et MUSIS (Multinational Space-based Imaging System for Surveillance, Reconnaissance and Observation, ou Système multinational d’imagerie spatiale pour la surveillance, la reconnaissance et l’observation). Pouvez-vous nous confirmer que ces deux programmes seront totalement opérationnels en 2018 ?

Par ailleurs, vous nous avez dit éprouver des difficultés à recruter des interprétateurs images. Le problème réside-t-il dans le fait de peiner à trouver les compétences de base chez les jeunes recrutés, ou dans le fait qu’il ne s’ouvre pas suffisamment de postes ? Dans le premier cas, on peut penser qu’il existe en France des formations qui vous permettraient de recruter des jeunes qualifiés selon vos besoins – à condition que des postes soient ouverts en quantité suffisante, évidemment.

M. Gwendal Rouillard. Vous avez insisté sur la qualité de la coopération mise en œuvre avec nos alliés occidentaux au cours des derniers mois, mais je constate pour ma part que nous avons encore une marge de progression en la matière, en particulier avec les États-Unis, comme on a pu le voir au cours de l’opération Chammal. Pouvez-vous nous dire si des discussions ont été engagées en vue d’une coopération plus efficace – en d’autres termes, afin que nos alliés se montrent plus généreux ?

Général Christophe Gomart. On peut effectivement considérer que, grâce à ses satellites militaires, la France dispose d’une bonne capacité à apprécier les situations : rien ne vaut une image, surtout dans les premiers temps. Pour ce qui est de MUSIS, deux satellites vont être lancés à partir de 2018 – l’un comportant une optique « très haute résolution » (THR), l’autre une optique « extrêmement haute résolution » (EHR). Un troisième satellite doit ensuite être lancé en coopération avec les Allemands, qui participent financièrement au programme. En ce qui concerne CERES, un lancement est prévu pour 2020.

L’imagerie satellitaire française repose actuellement sur les programmes Helios et Pléiades – ce dernier, à vocation partiellement commerciale, accorde cependant une priorité d’accès aux militaires quand ils ont besoin d’images. Helios fournit déjà des images de très haute résolution et demain, nous franchirons une nouvelle étape avec la mise en service de MUSIS en extrêmement haute résolution. Quant aux satellites Pléiades, ils présentent l’avantage de fournir des images couleur, ce qui facilite leur interprétation.

Le flux de recrutement des interprétateurs images n’est effectivement pas suffisant. Le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, à qui j’ai exposé ce problème, a augmenté le recrutement, mais il nous appartient désormais d’ouvrir davantage de postes, ce qui pose un problème de qualification. Face à la pénurie de jeunes disposant de la formation adéquate, je me suis tourné vers le secteur civil afin de savoir comment former de jeunes civils. Tous les stages de formation à la fonction d’interprétateur images – qu’ils aient vocation à exercer au sein des armées, de la DGSE, ou même de l’OTAN – s’effectuent actuellement dans le centre de la DRM de Creil : comme vous le voyez, la France est leader dans ce domaine.

Pour ce qui est du partage de renseignements avec nos alliés, j’insiste sur le fait qu’une telle pratique est toujours compliquée à mettre en œuvre. Pour moi, le renseignement est avant tout national, dans la mesure où il permet à notre pays de disposer de son indépendance en matière de politique étrangère, et à nos dirigeants de prendre des décisions importantes. Pour le directeur d’un service de renseignement, toute la difficulté consiste à déterminer ce qu’il peut communiquer en toute sécurité à ses alliés et partenaires, notamment au vu de leur possible utilisation pour une action militaire.

Pour ce qui est de la coopération avec nos amis américains, la problématique est davantage liée à leur organisation. Lors de mes voyages aux États-Unis, j’ai eu l’occasion de rencontrer le directeur national du renseignement américain, à qui j’ai clairement dit qu’il devait ouvrir les robinets plus largement s’il voulait obtenir plus de renseignements de la part de la France Pour le moment, les Américains se réfèrent à l’accord dit Five Eyes, conclu entre les services de renseignement des États-Unis, de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni, et dans le cadre duquel ils partagent beaucoup. Je verrais comme une contrainte le fait d’intégrer ce Five Eyes, dans la mesure où cela nous obligerait à partager systématiquement l’intégralité de notre renseignement brut : en l’état actuel des choses, nous n’échangeons avec ces alliés que du renseignement élaboré. Fournir du renseignement brut impliquerait de dévoiler nos capacités – que les Américains connaissent déjà en grande partie, il est vrai.

Au Sahel, les Américains nous donnent tout ce qu’ils ont, et vont jusqu’à mettre à notre disposition leurs drones d’observation équipés de capteurs images et d’interception électromagnétique. Au Levant, ils ont commencé à ouvrir un peu plus les robinets du renseignement, mais beaucoup dépend des commandants de théâtre, qui disposent d’une très vaste marge d’autonomie et peuvent être d’une certaine manière comparés chacun à l’équivalent du CEMA en France. J’ai rencontré Michael G. Vickers, Under Secretary of Defense for Intelligence, c’est-à-dire sous-secrétaire à la défense pour le renseignement, qui est très ouvert et m’a expliqué avoir donné des ordres afin que des échanges de renseignements aient lieu. Le problème, c’est que les Français n’apparaissent pas toujours comme un partenaire très fiable aux yeux des Américains : il semble qu’ils nous considèrent comme un peu fantasques, tout en nous reconnaissant un grand professionnalisme et une capacité à agir largement démontrée au Sahel – ce qui les conduit même à admettre qu’ils auraient été incapables d’en faire autant avec si peu de personnel.

Il semble que nous soyons parvenus à enclencher une nouvelle dynamique d’échange, en tenant compte de l’observation des Américains selon laquelle nous ne leur donnions pas suffisamment en retour, donc en revoyant à la hausse le flux de renseignement que nous leur adressons. Pour cela, nous avons dû déterminer de quel type de renseignements ils avaient besoin, et surtout traduire ces renseignements en anglais avant de les leur transmettre. Des officiers de liaison ont été affectés au sein de toutes les structures de commandement américaines impliquées dans la résolution du conflit levantin, au Koweit, auprès de l’unité coordonnant les actions aériennes, à Tampa, et j’ai le sentiment que nous gagnons progressivement la confiance de nos alliés. Petit à petit, nous parvenons à entrer dans leur J2 – l’état-major du renseignement – et à avoir accès aux briefings du Five Eyes, auquel nous sommes même parfois associés en un « Five Eyes + 1 » lorsque la France est particulièrement concernée par certains renseignements ou certaines décisions à prendre.

M. Alain Chrétien. Si j’ai bien compris l’esprit du projet de loi relatif au renseignement, vous n’êtes pas très concerné par ses dispositions, puisque votre rôle consiste le plus souvent à suivre des individus de nationalité étrangère en dehors du territoire national. Dans ces conditions, vous pouvez continuer à pratiquer des interceptions de communications comme vous le faisiez auparavant, sans passer par les fourches caudines de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), qui vous obligerait à emprunter un circuit administratif complexe. Pouvez-vous nous confirmer ce point ?

M. Christophe Guilloteau. Six services de renseignement en France, cela paraît beaucoup, même avec la coordination assurée par la cellule Hermès. Pouvez-vous nous indiquer comment s’effectue le tuilage entre la DRM et la DGSE, en particulier la mutualisation du renseignement avec vos collègues de la DGSE dans le cadre de votre action contre Daech et AQMI ?

Général Christophe Gomart. La DRM semble effectivement moins concernée par la loi sur le renseignement. Point important, le maintien de l’exception hertzienne permet d’intercepter, à partir du territoire national ou de bâtiments de la marine nationale – je pense notamment au Dupuy-de-Lôme – des flux émanant non pas de Français, mais de nos adversaires d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain. Le SIGINT (Signals intelligence, ou renseignement d’origine électromagnétique), comprend à la fois le COMINT (Communications intelligence), c’est-à-dire l’écoute des communications transitant par les ondes radio, et l’ELINT (Electronic intelligence), à savoir la captation des émissions électromagnétiques d’appareillages électroniques – il s’agit essentiellement des renseignements que l’on peut tirer de l’analyse des émissions radar.

Je ne sais pas s’il y a trop ou trop peu de services de renseignement, puisque d’autres services que les six composant actuellement la communauté nationale du renseignement frappent à la porte pour se joindre à eux. Mes fonctions antérieures d’adjoint du coordonnateur national du renseignement me conduisent cependant à considérer que chacun remplit bien la mission qui lui est confiée. Ainsi la DNRED et TRACFIN présentent-ils une remarquable efficacité en dépit de leur taille modeste. La DGSI résulte de la fusion, en juillet 2008, de la direction de la surveillance du territoire (DST) et de la direction centrale des renseignements généraux (DCRG). La direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) agit dans le domaine de la contre-ingérence et de la protection des forces armées du ministère de la Défense et des entreprises travaillant pour la défense. La DGSE est le service de renseignement historique, à vocation générale, qui répond aux besoins du Gouvernement, tandis que la DRM répond à ceux des armées, même si elle éclaire le ministre de la Défense et, via le coordonnateur, le chef des armées qu’est le Président de la République. C’est grâce aux renseignements recueillis par ces différents services que l’on dispose aujourd’hui d’une vision large.

Il peut y avoir des frictions entre eux, du fait que certaines de leurs attributions respectives se recouvrent – mais c’est là un inconvénient obligatoire si l’on veut éviter qu’il n’y ait des « trous dans la raquette ». Cela dit, il n’y a plus de guerre des services comme on a pu en connaître par le passé, et le fait de se rencontrer régulièrement autour du coordonnateur, ou de façon bilatérale, favorise une bonne entente. Il existe par ailleurs des protocoles entre certains des services – il en existe un liant la DRM à la DGSE, et un autre à la DPSD –, régulièrement remis à jour.. Nos actions sont donc relativement coordonnées et suivies.

La cellule Hermès joue un rôle intéressant en ce qui concerne la crise au Levant, en ce qu’elle nous amène à mettre en commun ce que nous savons, au profit des formes armées agissant en Irak. Enfin, l’existence de l’Académie du renseignement a un effet positif en ce qu’elle permet aux cadres des différents services de renseignement de se connaître, et de savoir ce que font les uns et les autres. C’est là un aspect très important, car l’organigramme des services de renseignement étant généralement secret, il est très difficile de joindre un interlocuteur au sein d’un service autre que le sien : il n’est évidemment pas question de consulter un annuaire ! Aujourd’hui, grâce aux contacts établis dans le cadre de l’Académie du renseignement, un traitant Afrique de la DRM peut entrer en contact avec son homologue de la DGSE sans trop de difficulté, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.

M. Jean-François Lamour. Vous avez insisté à deux reprises sur la pénurie de personnel et rappelé que, si 185 recrutements avaient été annoncés pour la DGSE et 65 pour la DPSD suite aux événements de janvier dernier, la DRM n’en avait eu aucun, alors que la collecte et le traitement des flux d’information nécessitent d’importants besoins humains, et qu’une centaine de personnels sont présents en OPEX chaque année.

À combien estimez-vous vos besoins aujourd’hui et à moyen terme – notamment dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire – compte tenu du fait que vous servez également de vivier à la DGSE lorsqu’elle souhaite recruter des militaires ?

M. Alain Marty. Pouvez-vous nous faire le point de la situation au Yémen, à savoir quelles y sont les forces en présence et comment vous voyez la situation ? Par ailleurs, avez-vous quelques renseignements concernant l’otage française au Yémen, et une piste au sujet de ses ravisseurs ?

M. Jean-Jacques Candelier. Les événements survenus au cours des dernières années dans le monde ont rendu nécessaire une nouvelle loi sur le renseignement, venant actualiser et compléter la précédente, qui remontait à 1991, sans pour autant porter atteinte aux libertés publiques.

Après l’élimination de Mouammar Kadhafi – que je vois pour ma part comme une erreur, regrettant que les propositions alternatives de l’Union africaine n’aient pas été entendues –, la Libye est devenue un pays ingérable, dont les djihadistes ont fait leur quartier général. En votre qualité de DRM, pouvez-vous nous donner des précisions sur la situation exacte de la Libye, ainsi que sur les rapports entre Daech et Al-Qaïda, que l’on dit tendus ?

Général Christophe Gomart. Pour ce qui est du besoin en personnel, mon rêve serait de pouvoir recruter 300 personnes, ce qui n’est pas tant qu’il y paraît. Comme j’ai eu l’occasion de le dire au chef d’état-major des armées, le renseignement participe des trois principes de la guerre, à savoir la liberté d’action, l’économie des moyens et la concentration des efforts. Le fait de disposer d’un renseignement de bonne qualité permet une liberté d’action, dans la mesure où il donne les moyens aux chefs militaires et aux décideurs politiques de savoir ce qu’ils vont faire ; il permet d’économiser les moyens en n’engageant que les forces nécessaires, et de concentrer les efforts sur l’endroit précis où se trouve l’adversaire.

Le renseignement ne doit pas être réduit à proportion des effectifs de notre armée : bien au contraire, il doit compenser les réductions d’effectifs de l’armée en permettant d’utiliser au mieux les moyens dont elle dispose : c’est tout l’intérêt du renseignement et de ses capacités d’appréciation autonome des situations. La répartition des missions se fait sous l’égide du coordonnateur, qui rédige un plan national des orientations du renseignement, définissant exactement, selon une vision thématique et géographique, ce qui relève de la responsabilité de chacun des services. Cette répartition, revue annuellement par chacun des cabinets ministériels dont dépendent les services de renseignement concernés, est effectuée de façon rigoureuse.

Le centre de renseignement géospatial interarmées récemment créé nécessite du personnel pour fonctionner de manière satisfaisante, comme tous les nouveaux outils permettant de disposer d’une vision plus réactive et plus précise de ce dont nous avons besoin. Je pense notamment à la recherche en source ouverte, c’est-à-dire au renseignement obtenu par une source d’information publique – aujourd’hui, on trouve pratiquement tout ce que l’on veut sur internet à condition de bien chercher, ce qui nécessite d’importants moyens humains. Le renseignement d’origine source ouverte est très précieux en ce qu’il permet souvent de venir compléter, préciser et recouper le renseignement fermé.

J’aimerais donc pouvoir effectuer 300 recrutements – militaires et civils –, étant précisé que la DRM, dont les effectifs n’ont fait que diminuer au cours des dernières années, emploie actuellement 1 600 personnes, ce en quoi je vois un seuil compte tenu des crises actuelles : nous devons veiller à disposer de capteurs en nombre suffisant pour nous permettre de continuer à exercer notre capacité d’appréciation autonome des situations.

Je ne suis pas chargé du dossier concernant Isabelle Prime, otage française au Yémen – cette affaire est suivie par la DGSE. L’agence de presse Reuters a annoncé par erreur sa libération il y a quelques jours : en réalité, seule l’interprète qui l’accompagnait a été relâchée.

Le Yémen se partage en deux zones : le Nord, où se trouvent les Houthis chiites, et le Sud, territoire des partisans de l’ancien président, réfugié à Aden. L’Arabie saoudite vient de lancer des frappes contre les positions houthies, soulevant des protestations de la part des Iraniens, de plus en plus présents dans le Levant et soutenant à la fois les rebelles chiites, l’armée irakienne et le régime syrien. Les Saoudiens sont particulièrement inquiets, car ils doivent faire face à la problématique yéménite à leur frontière sud et à la problématique irakienne et de Daech à leur frontière nord.

Nous nous efforçons de suivre ce qui se passe au Yémen, étant précisé que la France a des intérêts importants dans le terminal pétrolier de Balhaf – pour le moment préservé. Le week-end dernier, les Américains ont mené une opération avec les Britanniques afin de procéder au retrait de leurs derniers soldats, stationnés à proximité d’Aden. Nous sommes donc désormais dans le noir car, dans l’impossibilité de recouper sur place les éléments obtenus grâce aux interceptions électromagnétiques et à l’imagerie, il est difficile de disposer d’informations fiables.

Pour ce qui est de la Libye, j’ai participé au Forum international pour la paix et la sécurité en Afrique qui s’est tenu en décembre dernier à Dakar, et je me rappelle que le président tchadien Idriss Déby a longuement insisté sur le fait qu’après avoir créé le désordre en Libye en éliminant le président Kadhafi, l’OTAN devait désormais trouver une solution pour ce pays et son peuple. La situation actuelle inspire une grande inquiétude à mes homologues égyptien et tunisien : Daech commence en effet à s’implanter en Libye, combattant les affiliés à Al-Qaïda après avoir rétabli la division traditionnelle de la Libye en trois wilayas – la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan – et il serait de l’intérêt des Libyens de s’entendre contre ce troisième acteur. Il est en effet à craindre de voir des combattants de Daech venus du Levant – Irak et Syrie – affluer en Libye afin de prendre possession de certains territoires. On sait que Daech cherche actuellement des ressources financières que la prise des champs pétroliers situés en Irak – dans la région de Kirkouk, où ses hommes ont engagé une offensive – voire en Libye, lui procurerait.

La Libye est déstabilisée, et nous nous inquiétons beaucoup de voir les principaux chefs terroristes d’AQMI s’y trouver – plutôt au nord, tandis que le Sud, notamment la ville d’Oubari, est le théâtre de combats entre les Touaregs et l’ethnie des Toubous, soutenue par Idriss Déby. Plus généralement, la Libye est devenue un lieu où s’affrontent les islamistes et les combattants nationalistes, ces derniers cherchant actuellement à s’emparer de Tripoli, pour le moment sans succès. Enfin, les Égyptiens accueillent en ce moment des avions des Émirats arabes unis destinés à aller bombarder la Libye. L’élimination de Kadhafi a donc effectivement engendré une situation extrêmement complexe, ce qui s’explique en partie par le fait que le dirigeant libyen tenait seul les rênes du pays, qui n’était pas doté de structures étatiques.

La séance est levée à dix heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, M. Sylvain Berrios, M. Daniel Boisserie, M. Malek Boutih, M. Jean-Jacques Candelier, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Guy Chambefort, M. Alain Chrétien, M. Jean-David Ciot, Mme Catherine Coutelle, M. Bernard Deflesselles, M. Nicolas Dhuicq, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Serge Grouard, Mme Edith Gueugneau, M. Christophe Guilloteau, M. Laurent Kalinowski, M. Patrick Labaune, M. Marc Laffineur, M. Jacques Lamblin, M. Gilbert Le Bris, M. Frédéric Lefebvre, M. Jean-Pierre Maggi, M. lain Marty, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset, M. Stéphane Saint-André, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. – M. Olivier Audibert Troin, M. Frédéric Barbier, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Lucien Degauchy, M. Guy Delcourt, M. Yves Foulon, M. Francis Hillmeyer, M. Éric Jalton, M. François Lamy, M. Charles de La Verpillière, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Damien Meslot, Mme Marie Récalde, M. François de Rugy, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin

Assistait également à la réunion. – M. Jean-François Lamour

 Source : Assemblée Nationale, 25-03-2015
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Source: http://www.les-crises.fr/audition-du-general-christophe-gomart-directeur-du-renseignement-militaire/


Syrie : « La France doit sortir de son aveuglement néoconservateur au plus vite », par Renaud Girard

Monday 5 September 2016 at 00:02

Renaud Girard est un journaliste, reporter de guerre et géopoliticien français, auteur de livres sur le Moyen-Orient, le Pakistan et l’Afghanistan et d’essais sur les relations internationales. Grand Prix 2014 de la Presse Internationale de L’Association de la presse étrangère pour « l’ensemble de sa carrière de Grand reporter international et pour l’excellence de ses chroniques internationales ».

Voici sa vision, dans la Revue des Deux Mondes, assez décapante.

On n’oubliera cependant pas non plus les exactions commises par les troupes du gouvernement syrien (voir ici par exemple).

Cela illustre la complexité de la Diplomatie.

Source : Revue des Deux Mondes, Jean-Loup Bonnamy, 23-08-2016

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Revue des Deux Mondes – Quelles sont les vraies causes de la guerre en Syrie ? S’agit-il d’un nouvel épisode de la guerre entre sunnites et chiites ? 

Renaud Girard – De manière générale, le monde arabe connaît actuellement une crise liée à des mutations sociologiques et anthropologiques. La Syrie est un cas particulier de cette crise globale. La crise y est renforcée par trois éléments particuliers. Tout d’abord, la société syrienne, sunnite à 70 %, est profondément divisée entre d’une part des islamistes sunnites et d’autre part tous ceux qui sont hostiles à l’islamisme et soutiennent le pouvoir. Parmi ces soutiens du régime, on compte d’ailleurs non seulement toutes les minorités mais aussi de nombreux sunnites, comme la femme de Bachar al-Assad ou Ali Mamlouk, le chef des services de renseignement.

Cette division est en partie due au fait que la région ne s’est jamais relevée de la chute de l’Empire ottoman et que les frontières de la Syrie et de l’Irak reposent sur une décision franco-britannique prise en 1916 sans égard pour les réalités historiques et sociologiques, forçant à vivre ensemble des populations très différentes.

« Les jeunes fraîchement déracinés des campagnes et installés dans les périphéries des grandes agglomérations constituent des cibles idéales pour la propagande islamiste. »

Ensuite, de 2000 à 2008, la Syrie a connu un boom économique permis par la libéralisation partielle de son économie, Internet, le tourisme. Mais les fruits de cette expansion n’ont pas été répartis équitablement, ce qui a provoqué le ressentiment de beaucoup de sunnites des classes populaires et moyennes.

Enfin, la crise a une origine écologique trop souvent négligée : de 2006 à 2011, la Syrie a été touchée par une grande sécheresse qui a poussé peut-être un million de personnes à migrer des campagnes vers les villes. Ce fut très déstabilisateur pour la société syrienne, les jeunes fraîchement déracinés des campagnes et installés dans les périphéries des grandes agglomérations constituent des cibles idéales pour la propagande islamiste.

La crise syrienne n’est donc pas en soi une guerre entre sunnites et chiites puisque de nombreux sunnites soutiennent le gouvernement de Damas. Mais au niveau international, elle s’intègre dans le Kriegspiel entre l’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite. 

Revue des Deux Mondes – Comment jugez-vous la politique de la France sur l’affaire syrienne depuis le début de la guerre civile, en 2011 ? 

Renaud Girard – Très négativement. Nous avons péché par ignorance historique, manichéisme politique et wishful thinking diplomatique. Par ignorance historique, nous avons méconnu les profondes divisions de la société syrienne. Comme l’avait vu Michel Seurat, la société syrienne est partagée entre des islamistes très puissants, par exemple à Alep, et la coalition de ceux qui souhaitent éviter que les islamistes prennent le pouvoir (chrétiens, druzes, alaouites, Kurdes, bourgeois sunnites).

Par manichéisme politique, nous avons considéré que puisque le régime de Damas était une dictature (ce qui est vrai), ses opposants devaient être de gentils démocrates (ce qui est faux). Nous avions imaginé que ceux qui combattaient Bachar al-Assad en Syrie étaient des héros de la liberté, comparables à nos jeunes polytechniciens lors des Trois Glorieuses de la révolution de juillet 1830, alors qu’il s’agit d’islamistes radicaux hostiles à nos intérêts et à nos valeurs. Il est vrai que les manifestants des premières protestations du printemps 2011 étaient en partie de jeunes démocrates sincères. On comptait même parmi eux des chrétiens, ce que l’archevêque de Homs m’a confirmé. Mais dès qu’on a cessé d’avoir affaire à un « printemps » pour passer à une situation de lutte armée et de guerre civile, l’opposition en Syrie s’est aussitôt réduite aux seuls islamistes, habitués à la clandestinité.

« La fermeture de l’ambassade a privé la France d’un formidable instrument de dialogue et de renseignement. »

Par wishful thinking diplomatique, c’est-à-dire en formant un vœu pieux, nous avons refusé de regarder la réalité en face et de parler avec des acteurs pourtant indispensables à tout processus de paix. Nous avons exclu Bachar al-Assad et l’Iran de la table des négociations alors qu’il incarne l’État et jouit de nombreux soutiens parmi la population et que l’Iran est le premier soutien du régime syrien. 

Résultat ? La Syrie connaît une guerre terrible depuis cinq ans. En avril 2012, la France a fermé son ambassade à Damas, en faisant le pari d’une chute imminente de Bachar. Manque de chance pour elle, cette chute n’a pas eu lieu. Mais la fermeture de l’ambassade a privé la France d’un formidable instrument de dialogue et de renseignement. Une bonne diplomatie doit parler avec tout le monde, sans préjugés ni barrières morales ou idéologiques. La réalité exerce un pouvoir de contrainte : c’est pourquoi on ne peut faire de la politique que sur des réalités et donc, comme le disait le général de Gaulle au moment de reconnaître la Chine populaire en 1964, il faut prendre les réalités telles qu’elles sont et non telles qu’on voudrait qu’elles fussent.

Si la France avait maintenu son ambassade, elle aurait pu continuer à parler avec Assad, l’exhorter à plus de modération et se proposer comme médiatrice, ce qui aurait peut-être permis d’éviter beaucoup de morts inutiles. Et elle aurait aussi pu utiliser son ambassade comme relais pour collaborer avec les services secrets syriens afin de lutter contre l’ennemi commun, les djihadistes. Peut-être que des citoyens français sont morts ou vont mourir dans des attentats qui pourraient être évités si nous collaborions avec les services secrets syriens.

« Par son attitude, la France s’est ridiculisée et a été sortie du jeu. »

En octobre 2012, nous avons violé l’embargo international sur les armes pour livrer des armes à la rébellion. Ces armes, payées par le contribuable français, ont fini entre les mains de Daesh, soit qu’elles aient été prises au cours de combats, soit qu’elles aient été vendues, soit que les rebelles « modérés » aient rejoint les rangs de Daesh avec armes et bagages. Il est curieux de voir que la France, au risque de sa réputation et de ses emplois, a refusé d’honorer sa signature pour vendre des armes à la Russie ; or ces armes ne changeaient rien à l’équilibre stratégique des forces et n’auraient pas été utilisées en Ukraine ; la France a violé un embargo pour donner des armes qui finalement ont servi à détruire le patrimoine mondial de l’humanité à Palmyre et qui peut-être serviront un jour à nous attaquer.

En 2013, au moment de l’affaire des armes chimiques, elle s’est humiliée deux fois. D’une part, elle a affirmé vouloir attaquer le régime de Damas, ce qui aurait été une catastrophe. Heureusement, le plan Lavrov mis en place par la Russie et accepté par les États-Unis a permis d’obtenir le désarmement chimique de la Syrie et d’éviter toute intervention. D’autre part, elle a fait volte-face lorsqu’elle a vu que ni les États-Unis ni le Royaume-Uni n’étaient prêts à la suivre. Même si cette idée de guerre était une grave erreur, la politique de la France ne doit pas être dictée par l’attitude de ses alliés. Par son attitude, elle s’est ridiculisée et a été sortie du jeu. Si bien qu’en 2015, la France n’a même pas été invitée à la conférence internationale de Genève, alors qu’elle avait été la puissance mandataire en Syrie jusqu’en 1946 et que le Moyen-Orient était censé être l’une des régions phares de son activité diplomatique […]

Source : Revue des Deux Mondes, Jean-Loup Bonnamy, 23-08-2016

Source: http://www.les-crises.fr/syrie-la-france-doit-sortir-de-son-aveuglement-neoconservateur-au-plus-vite-par-renaud-girard/