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Penser l’avenir, par Jacques Sapir

Sunday 7 August 2016 at 01:18

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 29-06-2016

Le « Brexit » précipite, et c’est une évidence, la crise latente que connaissait l’Union européenne depuis plusieurs années. La construction institutionnelle issue du traité de Maastricht se meurt sous nos yeux. Nous pouvons avoir une longue et pénible agonie, comme nous pouvons décider que cette dernière sera courte. Mais, il faut alors pouvoir penser ce qui remplacera l’UE. L’UE en effet ne disparaîtra complètement que quand elle sera remplacée par autre chose. Car, le besoin, voire la nécessité, de collaboration entre les États européens perdure. Ce besoin aujourd’hui s’exprime sur trois points, qui sont justement les points sur lesquels l’UE a failli : la démocratie des institutions et la garantie de la souveraineté des peuples, la sécurité et le développement économique.

Il convient de prendre acte des échecs de l’Union européenne si nous voulons pouvoir penser ce qui sera appelé à lui succéder. Divers projets sont aujourd’hui en train de voir le jour. Seuls les projets garantissant la souveraineté des peuples et la démocratie ont une chance de s’imposer car, dans le contexte actuel, toute tentative pour imposer par la force ou par la ruse un « saut fédéral » dans les institutions européennes est appelé à se heurter à une opposition farouche des peuples. Les dirigeants qui caressent de tels projets doivent prendre conscience qu’ils sont le chemin le plus sur et le plus court vers la guerre civile mais aussi vers la guerre entre les Nations. Je n’ai pas la prétention de formuler un projet complet. Mais, je voudrais ici rappeler quels devraient en être les axes directeurs.

Une Communauté des Nations Européennes

Il importe donc de penser ce que pourrait être une Communauté des Nations Européennes succédant à l’UE. D’un point de vue politique l’une des leçons majeures des événements récents est l’impossibilité d’avoir des règles qui ne soient pas décidées et votées dans chaque pays. C’est un principe démocratique de base, et c’est ce qui motive l’insurrection démocratique que l’on connaît en Europe, et qui s’est manifestée dans divers votes, dont le référendum britannique. Il faut savoir que la supériorité des règles et lois nationales sur les directives européennes a été affirmée à de multiples reprises par diverses instances juridiques et en particulier en Allemagne lors d’un arrêt de la cour constitutionnelle de Karlsruhe. L’arrêt du 30 juin 2009 est particulièrement important par ce qu’il traite du fond. Il stipule en effet qu’en raison des limites du processus démocratique dans l’Union européenne, seuls les États nations sont dépositaires de la légitimité démocratique[1]. Tirons en les conséquences. Ce sont les règles décidées dans un cadre européen qui devraient être compatibles avec les législations nationales et non le contraire. Le Parlement européen devrait donc découler des Parlements nationaux, mais surtout, l’instance de décision doit être le Conseil européen où s’expriment les gouvernements démocratiquement élus. Ce Conseil européen devrait revenir à la règle de l’unanimité car le droit international l’impose. Le droit international est nécessairement un droit de coordination et non un droit de subordination[2]. L’unanimité y est la règle et non la majorité. Cela veut dire que la communauté politique est celle des États participants, et non la somme indifférenciée des populations de ces États. Un traité n’est contraignant que pour ses signataires, et chaque signataire y jouit d’un droit égal quand il s’engage par signature, quelle que soit sa taille, sa richesse, ou le nombre de ses habitants.

La contrepartie de cela est que si des États voulaient poursuivre des coopérations renforcées ils puissent le faire. Les règles de la Communauté des Nations Européennes ne doivent pas interdire la possibilité à ce que certains États membres s’associent pour développer des projets communs. Ils ne doivent pas, pour cela, avoir besoin d’un accord préalable des autres États. Ces projets peuvent être industriels, ils peuvent concerner la recherche, comme ils peuvent être politiques voire stratégiques. Il faut rappeler que c’est ainsi que sont nés Airbus, Ariane et bien d’autres projets que l’on présente abusivement comme des « projets européens » alors qu’ils n’ont été que des projets intergouvernementaux. Le principe de la Communauté vise à laisser les pays membres libre de s’associer pour mettre en œuvre de tels projets.

La question de la sécurité

L’importance de ce principe se manifeste avec force quand il s’agit de la sécurité. Les divergences d’intérêts sont aujourd’hui telles entre les États de l’UE que toute tentative d’organiser une politique de sécurité commune à l’ensemble est un échec. Ici encore, il convient d’en tirer les leçons. Si une politique de sécurité globale est impossible, cela n’implique pas que des accords entre des États confrontés aux mêmes dangers ne puissent être passés. C’est en particulier le cas pour la Méditerranée. On voit tout l’intérêt à une politique de surveillance commune mise en œuvre par l’Espagne, la France, la Grèce et l’Italie.

Au-delà, les États retrouvant leur pleine et entière souveraineté, il convient de ne pas lier la défense de la Communauté des Nations Européennes à une quelconque organisation, comme l’OTAN. Si des pays souhaitent adhérer à l’OTAN, qu’ils le fassent, mais que cela n’empêche pas les autres d’avoir d’autres structures de défense si nécessaires. En particulier, la France dont certains des impératifs de sécurité sont liés à d’autres terrains que l’Europe doit avoir la possibilité de passer des partenariats avec l’OSC (organisation de Shanghai) qui est amenée à jouer un rôle important tant en Asie centrale que dans l’Océan Indien, avec le processus d’adhésion décidé par l’Inde et par le Pakistan.

Par contre, des structures de coopération, que ce soit pour des opérations de police ou pour la lutte anti-terroriste peuvent se développer. Certaines d’entre elles existent déjà (INTERPOL et EUROPOL) et il importe de les continuer.

Refonder les règles économiques

Reste la question économique. Il est clair que la monnaie unique (l’Euro) devrait être dissoute, quitte à ce que certains pays, s’ils le désirent, puissent avoir entre eux une union monétaire, dont ils assumeraient seuls les responsabilités. Par contre, un instrument collectif (monnaie commune) devrait être créé pour les transactions avec les pays hors de la Communauté. Cet instrument monétaire commun ne pourrait être acquis que par les banques et les entreprises, et ne pourrait circuler qu’entre les banques centrales des pays de la communauté. Les règles de conversion de l’instrument monétaire commun en monnaies nationales ferait l’objet de réunions technique tous les semestres pour réajuster les parités.

La règle du marché unique a, elle aussi, abouti à des errements graves. On a mis en concurrence des situations qui étaient incomparables. Le principe de libre circulation des biens ne peut s’appliquer que s’il abouti à une concurrence des projets entrepreneuriaux et non à une concurrence des structures sociales et fiscales. Devraient alors être adoptées des mesures de protection visant à compenser les effets du véritable « dumping social et écologique » auquel se livrent certains pays par l’instauration, aux frontières la Communauté des Nations Européennes, de taxes importantes compensant les écarts tant sociaux que fiscaux, sur la base d’un calcul des productivités réciproques entre les pays. Ce même principe devrait prévaloir au sein de la Communauté des Nations Européennes mais ici sous une forme spécifique, celle de montants compensatoires sociaux et écologiques. Ces montants seraient prélevés quant un pays dont les règles tant sociales qu’écologiques sont plus avancées commercerait avec un pays dont les règles sont moins avancées. Ces taxes seraient reversées non pas au budget du pays les appliquant mais à celui du pays dont les produits seraient taxés afin qu’il puisse progressivement se mettre au niveau. En effet, ces taxes, en faisant monter le coût des importations, rétabliraient la compétitivité des producteurs internes. Mais il convient de ne pas donner au premier pays un avantage indu. Aussi, les revenus que ces taxes devraient dégager pourraient alors alimenter des fonds dans les pays visés par de telles taxes pour leur permettre de progresser dans les domaines sociaux et écologiques[3].

De même, si la liberté d’installation devrait être maintenue au sein de la Communauté des Nations Européennes le principe de l’application des règles sociales du pays d’accueil devrait s’imposer, sauf si les règles du pays d’origine sont plus avantageuses.

Penser l’avenir

L’Union européenne telle qu’elle existe aujourd’hui de manière institutionnelle, soit à vingt-sept membres désormais, ne remplit aucune des conditions pour entamer une rupture démocratique ou s’opposer à la globalisation marchande. Elle est trop engagée dans ce processus pour que l’on espère pouvoir l’attirer vers les positions qui s’imposent si l’on veut tirer les leçons des événements actuels. Les directives de Bruxelles ont été en réalité les vecteurs de cette globalisation, et on le constate avec la négociation de traités comme le CETA ou le TAFTA. Si nous restons dans les cadres actuels tout espoir d’amélioration de notre situation devient impossible. Il n’y a pas alors d’autre voie que celle du « moins disant, moins coûtant », initiée par la concurrence acharnée de tous contre tous et qui nous conduira inéluctablement à une dégradation constante de notre cadre social. Toute relance de la consommation ne peut ainsi que se transformer en un facteur supplémentaire de déséquilibres extérieurs. Même une relance par l’investissement se heurtera au fait qu’aux prix actuels et au taux de change actuel il serait plus profitable d’investir hors de France

Mais, d’un autre côté, elle est aussi trop étroite. En fait, le projet que l’on a dessiné s’adresse aussi à des pays qui sont hors de l’Union européenne mais qui ne sont pas nécessairement hors de l’Europe, entendue cette fois dans le sens géographique. La Russie pourrait ainsi être concernée. Le projet peut ainsi intéresser des pays qui seraient prêts à reconfigurer l’Europe comme la Suisse ou la Norvège. C’est pourquoi le passage de l’Union européenne à la Communautés des Nations Européennes s’impose. En fait, le choix présenté, soit poursuivre dans la voie actuelle de l’Europe avec son cortège de faibles croissances et de soumission à la globalisation, soit entamer un nouveau cours donnant la priorité à la croissance la plus forte possible, au plein-emploi et à l’émergence d’un nouveau projet social, provoquera sans doute une cassure décisive avec certains nos partenaires. Encore faut-il que ce choix ne soit pas virtuel. C’est dans la concrétisation unilatérale des premières mesures de ce choix que nous pourrons voir quels sont les pays qui sont réellement prêts à nous suivre et commencer le nécessaire travail de reconstruction d’un avenir en commun.

 

[1] Voir H. Haenel, « Rapport d’Information », n° 119, Sénat, session ordinaire 2009-2010, 2009.

[2] R. J. Dupuy, Le Droit International, PUF, Paris, 1963.

[3] C’est le principe du « protectionnisme altruiste » défendu entre autres par Bernard Cassen.

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 29-06-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/penser-lavenir-par-jacques-sapir/


Le prix de l’humanité …ou l’histoire de “El Negro”, le nègre empaillé, par Belinda Tshibwabwa Mwa Bay

Sunday 7 August 2016 at 00:49

Source : Grioo, Belinda Tshibwabwa Mwa Bay, 26/05/2004

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Le prix de l’humanité

Le 17 février 2002, La chaîne ARTE a diffusé un documentaire allemand intitulé : el negro, le Noir empaillé. Ce documentaire retraçait 4 siècles de classifications et de hiérarchisations de l’espèce humaine en Occident, de la célèbre controverse de Valladolid en 1550, durant laquelle le Saint-siège avait débattu de la ” nature” des Nègres d’Afrique et des Indiens du Nouveau Monde, aux expositions universelles et coloniales de la première moitié du 20ième siècle. Le récit avait pour toile de fond, le parcours du corps d’un jeune chasseur koi-san originaire du Botswana, où il avait été déterré et naturalisé par deux aventuriers français, afin d’être exposé dans des foires et des musées européens au milieu du 19ième siècle. Le ” Nègre empaillé ” a fait la fierté du musée de Darder de Banyoles, où il a été exposé pendant 80 ans. L’Espagne l’a restitué à contre-cœur à son pays d’origine en 1996, suite aux protestations répétées de l’OUA et de l’ONU. Ce n’est pas tant le propos de ce documentaire qui paraissait surprenant, mais plutôt sa rareté, en particulier sur une chaîne publique et à une heure de grande écoute.

S’il ne fait aucun doute que la notion de ” devoir de mémoire ” s’impose plus qu’elle ne se cultive au sein de la société française de ces vingt dernières années, en particulier en matière de crime contre l’humanité, force est de constater qu’elle reste encore très sélective. Les médias privilégient généralement l’histoire récente, car celle-ci bénéficie dans son traitement du support et du poids des images. Il semble, en effet, de plus en plus difficile de concevoir un crime contre l’humanité sans images, il semble même impossible de le condamner sans l’avoir, au préalable, matérialisé, visualisé, et l’actuelle prolifération des images des sévices infligés aux détenus irakiens par les soldats américains en témoigne. La principale conséquence de cette médiatisation des crimes et des conflits dans un monde où de plus en plus, n’existe que ce que l’on voit, est que l’absence d’images, même lorsque celles-ci existent, signifie l’absence des faits. Ce qui signifie pour beaucoup, que l’absence d’images sur l’esclavage et le colonialisme garanti leur oubli, et rend obsolète un quelconque ” devoir de mémoire ”

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Pourtant, comme l’illustre très bien l’histoire du ” Nègre empaillé “, le colonialisme et plus précisément l’impérialisme occidental en Afrique et en Asie, figurent au nombre des crimes contre l’humanité les plus abondamment mis en images, pour ne pas dire ” mis en scène “. La culture coloniale et ses corollaires (exotisme, expansion territoriale, mission civilisatrice, etc.) a même été en France l’une des premières, sinon la première, véritables cultures de consommation de masse du début du 20ième siècle, aussi bien à travers le cinéma, la publicité, la littérature, la presse, les arts et les sciences. Ce passé, pourtant récent, a quasiment disparu de l’histoire “populaire” de la France et même de sa mémoire collective, et l’attitude des médias reflète ce phénomène d’occultation, autant qu’elle y participe.

Lors de la célébration du nouveau millénaire en l’an 2000, il suffisait de feuilleter les innombrables éditions spéciales et autres hors-séries des magazines d’actualités consacrés à la rétrospective des 20 siècles de l’histoire de la France, pour savoir quelle place près de 4 siècles d’esclavage et près d’un siècle de colonialisme occupaient dans le passé de ce pays. Un seul de ces magazines avait mentionné l’esclavage ou plutôt son abolition dans les Antilles françaises en 1848, nous rappelant ainsi que pour l’historiographie française, c’est Victor Schoelcher qui appartient à l’histoire de la France et non les 3 siècles et demi d’esclavage qui l’ont précédé. Il n’y avait rien sur la traite négrière, qui comme peu de gens, hormis les spécialistes, le savent, est un fait historique différent de celui de l’esclavage. Quant au colonialisme, lorsque ce mot était cité, c’était en référence à la compétition que se sont livrées, en arrière-cour, les puissances européennes dans leur course à l’hégémonie mondiale. A aucun moment cette vision de l’esclavage ou du colonialisme, n’a intègré la notion d’humanité, il n’est jamais question d’individus, de populations ou de cultures. A ce jour, la traite négrière et l’esclavage n’occupent pas plus d’un paragraphe dans les manuels scolaires d’histoire qui les mentionnent sans, bien entendu, les définir ni les décrire. Mais nous n’en sommes pas à la première contradiction idéologique du “pays des droits de l’homme”.

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La France a pourtant maintenu son rang parmi les plus grandes nations esclavagistes de son temps. La plupart des chroniqueurs de l’époque s’accordaient même à décerner aux esclavagistes français des Antilles, la palme de la barbarie dans le traitement des esclaves. L’enfer des plantations de Saint-domingue n’avait, paraît-il, rien à envier à celui des plantations de la Virginie. La possession d’actions sur des bateaux négriers étant parmi les plus rentables durant cette période, de nombreux ” esprits des Lumières”, ont personnellement investit dans ce commerce. D’autres, comme Montesquieu, Raynal, Condorcet, Grégoire, Tocqueville ont eu a cœur de justifier l’esclavage, du moins suffisamment pour s’en accommoder, alors que Rousseau lui l’a magnifiquement ignoré. Sans oublier le fameux Code Noir, dont la lecture, insoutenable mais salutaire, nous rappelle que la France du Siècle des Lumières fut la première puissance coloniale des temps modernes à avoir codifier l’esclavage des Noirs. Selon Louis Sala-Molins* : « le Code Noir règle le génocide utilitariste le plus glacé de la modernité » Il n’en faut pour preuve que cette assertion fondamentale, extraite de l’article 44 du dit Code : « Déclarons les esclaves être meubles » Toujours selon le professeur sala-molins, ce crime contre l’humanité, ce génocide : « La France intelligente a choisi, depuis longtemps, de l’ignorer pour ne pas même devoir peiner à l’oublier. »

Il est vrai que l’éloignement géographique, plus que l’éloignement chronologique, facilite cette distanciation avec le passé. Pour le citoyen lambda, l’esclavage appartient à l’histoire des Antilles, le colonialisme à celle de l’Afrique. Mais ne faut-il pas également chercher dans la corrélation entre les notions de crime et de culpabilité, les véritables raisons de cette dissociation ? Au regard des évènements et des conflits mondiaux récents, Il semble que la notion de “crime contre l’humanité”, telle que l’a défini l’article 6 C de la Charte du tribunal militaire de Nuremberg en 1964, à savoir : “l’Assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre des populations civiles”, ne s’inscrive que dans une vision manichéenne, voir américaine du monde. En d’autres termes le crime contre l’humanité n’est facilement reconnu que lorsqu’il met en scène la lutte du bien contre le mal, et n’a de sens que s’il y a des bons et des méchants. Il n’est validé que lorsqu’il met aux prises deux formes de pouvoir et d’idéologie opposées, ex : La coalition anglo-américaine contre Saddam Hussein.

Si la traite négrière, l’esclavage et le colonialisme ont mis tant de temps à être reconnus, du bout des lèvres, comme des crimes contre l’humanité, c’est bien parce qu’ils ne s’inscrivent pas dans ce schéma conceptuel et historique. Il s’agit ici d’une culpabilité collective, d’une brutalité commise par une civilisation à l’égard d’autres peuples au prétexte unique de leur infériorité, et ce, dans un contexte pacifique. Comment, en effet, considérer comme crime un système de pensée mondial, si économiquement, socialement, scientifiquement et religieusement justifié, sans remettre en cause les fondements mêmes de la civilisation occidentale. Pour cette dernière, le commerce triangulaire, l’esclavage et le colonialisme, ne peuvent donc être perçus comme des crimes contre l’humanité, mais tout juste comme de regrettables “dommages collatéraux “, liés à son expansion. A ce propos, la délégation canadienne à la conférence de Durban en Afrique du sud en août 2001, s’est bien montrée la plus pragmatique. D’après elle, on ne pouvait considérer comme crimes contre l’humanité, des faits qui n’étaient pas considérés comme tels à l’époque où ils ont été perpétrés.
On comprend mieux alors que le mea culpa occidental ait ses limites, et ceci d’autant qu’il court depuis une vingtaine d’années environ, l’idée que le crime contre l’humanité serait “dé dommageable”, “monnayable”. Or si l’humanité a un prix, alors sa destruction, au propre comme au figuré, n’est plus un crime, tout au plus un délit. Si l’humanité ou plutôt la dignité humaine n’est plus un principe, si elle peut être chiffrée, négociée, marchandée, alors la traite et l’esclavage étaient légitimes, et leur reconnaissance comme crime contre l’humanité porte en elle-même sa propre contradiction.

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A combien les pays occidentaux, anciennes nations esclavagistes, sont-ils prêts à racheter ces hommes, femmes et enfants, vendus en ” lot promotionnel ” entre des meubles, des animaux domestiques, des fruits et des légumes, dans les petits bazars des rues de Rio de Janeiro aux 19ième siècle ? A combien estime-t-on les millions de mains coupées par le roi des belges Léopold II à ses “sujets” du Congo belge entre le début et le milieu du 20ième siècle ? Quel est le prix du déracinement, de la désocialisation, de la déshumanisation et quel est le prix du traumatisme, de l’aliénation qu’ils ont engendré ? De combien dédommagera-t-on ces parents et grands-parents antillais qui, pour ” sauver ” leurs enfants, prient pour qu’ils naissent clairs de peau et compriment leurs nez dans une pince à linge afin de leur ôter tout trait négroïde ? Un siècle après l’abolition totale de l’esclavage, la marque du fer rouge reste toujours aussi ancrée, toujours aussi vive et difficile à supporter, et ce d’autant que les victimes de ce système ont fini par être considérées par leurs descendants, et par défaut, comme les seules coupables de leur déchéance.

L’une des meilleures définitions du crime contre l’humanité, et celle qui s’appliquerait certainement le mieux à la traite, à l’esclavage et au colonialisme, est sans aucun doute celle de Pierre Truche** : « Le crime contre l’humanité est la négation de l’humanité chez des membres d’un groupe d’hommes en application d’une doctrine. Ce n’est pas un crime commis d’homme à homme mais la mise en exécution d’un plan concerté pour écarter des hommes de la communauté des hommes. » A ce titre l’esclavage et le colonialisme sont des crimes contre l’humanité, et ils peuvent être ” réparés “. Pour que les peuples noirs reprennent leur place dans la communauté des hommes, il faut que les faits qui les en ont chassé soient connus et reconnus. Je ne parle pas ici de ce texte de loi, préalablement vidé de sa substance, adopté par le parlement et le sénat français en mai 2001, et qui condamne un crime contre l’humanité sans coupable***. Je ne parle pas non plus des 3 malheureuses lignes si douloureusement enfantées par l’ONU lors de la 3ième conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, qui s’est tenue du 31 août au 7 septembre 2001 à Durban, condamnant l’esclavage tout en évitant soigneusement de mentionner le terme de “réparation”, alors que cette même organisation a adopté en 1968, une convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerres et des crimes contre l’humanité****.

La condamnation du crime contre l’humanité doit avant tout servir à réaffirmer le principe d’humanité. Elle ne doit parler que des hommes, elle ne doit s’intéresser qu’à el negro le Noir empaillé, à Saartje Bartman la Vénus Hottentot, et à des milliers d’individus comme eux, promenés à travers l’Europe et l’Amérique pour être exhibés dans des spectacles, des foires et des musées. Mais également à d’autres, anonymes, arrachés par millions à leur terre natale, déportés et exploités dans des conditions qui nous paraissent aujourd’hui surréalistes. Et c’est peut-être là que se situe la réelle difficulté de juger ” ce ” crime contre l’humanité. La réparation pécuniaire présente l’avantage de “régler “, de “solder ” symboliquement et matériellement un problème, tout en soulageant sa conscience et en gardant l’illusion que le principe d’humanité est préservé. Alors que la connaissance et la reconnaissance, par le menu, de 4 siècles d’exploitation de l’homme par l’homme nous fait courir, à tous, le risque de douter définitivement de la notion même d’humanité.

*Louis Sala-Molins. Le Code Noir ou le calvaire de Canaan. PUF, Paris, 1987.

** Pierre Truche. Esprit. N° 5.1992

*** Extrait du texte de loi adopté par le Parlement et le Sénat français en 2001. D’après une Proposition de loi, déposée par Mme Christiane Taubira-Delannon, députée de la Guyane.

“La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’Océan indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du 15ième siècle aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’Océan indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes, constituent un crime contre l’humanité” (jeudi 10 mai 2001)

**** Extrait de la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Résolution 2391 (XXIII) du 26 novembre 1968 des Traités Internationaux.

Considérant que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité comptent au nombre des crimes de droit internationale les plus graves, […]

Reconnaissant qu’il est nécessaire et opportun d’affirmer en droit internationale, au moyen de la présente Convention, le principe de l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et d’en assurer l’application universelle, […]

Article 1

Les crimes suivants sont imprescriptibles, quelle que soit la date à laquelle ils ont été commis :

a)Les crimes de guerres […] b)Les crimes contre l’humanité […]

Article 4
Les Etats parties à la présente Convention s’engagent à prendre, conformément à leurs procédures constitutionnelles, toutes mesures législatives ou autres qui seraient nécessaires pour assurer l’imprescriptibilité des crimes visés aux articles premier et 2 de la présente Convention, tant en ce qui concerne les poursuites qu’en ce qui concerne la peine ; là où une prescription existerait en la matière, en vertu de la loi ou autrement, elle sera abolie.
La France Etat membre de l’ONU et présente à cette convention, l’a ratifiée et signée.

Source : Grioo, Belinda Tshibwabwa Mwa Bay, 26/05/2004

Source: http://www.les-crises.fr/le-prix-de-lhumanite-ou-lhistoire-de-el-negro-le-negre-empaille-par-belinda-tshibwabwa-mwa-bay/


« Face au moment le plus critique de l’histoire de l’humanité… », par Noam Chomsky

Saturday 6 August 2016 at 00:31

Source : Le Grand Soir, Noam Chomsky18/07/2016

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Entretien réalisé par Agustín Fernández Gabard et Raúl Zibechi pour le quotidien La Jornada (Mexique) – 07/02/2016. Dans un long entretien, Noam Chomsky aborde les principales tendances du scénario politique international actuel, l’escalade militariste de son propre pays et les risques croissants de guerre nucléaire. Il avance aussi quelques réflexions sur les espoirs de paix en Colombie.

Noam Chomsky est l’un des plus grands intellectuels vivants selon le New-York Times ; philosophe et professeur au MIT, il est une référence mondiale dans le domaine de la linguistique et un connaisseur très critique de la politique étrangère de son propre pays, les Etats-Unis.

“Les Etats-Unis ont toujours été une société colonisatrice, qui a commencé à éliminer ses populations indigènes avant même de se constituer en tant qu’Etat ce qui a provoqué la destruction de beaucoup de peuples autochtones”, synthétise le linguiste et activiste étasunien Noam Chomsky lorsqu’il lui est demandé de décrire la situation politique mondiale. Virulent critique de la politique étrangère de son pays, il soutient que celle-ci s’est tournée vers le monde à partir de 1898 avec le contrôle de Cuba, pays qui s’est littéralement transformé “en colonie”. S’ensuivit l’invasion des Philippines avec “l’assassinat de quelques centaines de milliers de personnes”.

Chomsky continue à parler en tissant le récit d’une sorte de contre-histoire de l’empire étasunien : “Les Etats-Unis ont ensuite volé Hawaï à sa population indigène, 50 ans avant de l’incorporer comme un état de plus”. Juste après la Seconde Guerre Mondiale, les Etats-Unis deviennent une puissance internationale. “Dotée d’un pouvoir sans précédents dans l’histoire, avec un système de sécurité incomparable, ils contrôlent l’hémisphère occidental et les deux principaux océans, et naturellement ils planifient l’organisation du monde à leur convenance”.

Chomsky reconnait que le pouvoir de la super-puissance a diminué par rapport à ce qu’il était en 1950, époque de splendeur durant laquelle les Etats-Unis accumulaient 50% du PIB mondial (25% aujourd’hui). Même ainsi, il lui paraît nécessaire de rappeler que les Etats-Unis restent encore le pays le plus riche et puissant du monde, dont le niveau de développement militaire n’a pas d’égal.

Un système de parti unique

Chomsky compare les élections dans son pays à un client qui devrait choisir entre différentes marques de dentifrice au supermarché. “Il n’y a qu’un seul parti politique aux Etats-Unis, le parti des entreprises et du business, avec deux factions, démocrates et républicains”, proclame-t-il, même s’il considère que la période néolibérale a provoqué une mutation dans les traditions de ces deux camps. “Il y a les républicains modernes qui se font appeler démocrates, pendant que l’ancienne organisation républicaine est sorti du spectre politique, parce que ces deux groupes se sont déplacés vers la droite durant la période néolibérale, comme ce fut le cas en Europe ». Le résultat est le suivant : les nouveaux démocrates d’Hillary Clinton ont adopté le programme des vieux républicains, et ceux-ci ont été à leur tour complètement déplacés par les néoconservateurs. “Si vous regardez les spectacles télévisés dans lesquels ils « débattent », vous pouvez vous rendre compte qu’ils ne font en fait que se crier dessus et les seuls politiques qu’ils présentent font froid dans le dos”.

Par exemple, Chomsky rappelle que tous les candidats républicains nient le réchauffement climatique ou se montrent très sceptiques à ce sujet (…). “Pourtant le réchauffement global est le plus grand problème que l’espèce humaine ait jamais eu à affronter et nous nous dirigeons vers un désastre complet.” Selon lui, le changement climatique a des effets seulement comparables avec la guerre nucléaire. Pire encore, “les républicains veulent augmenter l‘utilisation des énergies fossiles. Nous ne sommes pas face à un problème qui se pose sur cent ans, mais sur une ou deux générations”.

La négation de la réalité, qui caractérise les néoconservateurs, répond à une logique similaire à celle qui promeut la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique. “Ces personnes que nous essayons de maintenir éloignées de nous sont en fait en train de fuir des situations catastrophiques dans leurs pays qui sont le résultat des politiques étatsuniennes.

“A Boston, où j’habite, le gouvernement d’Obama a déporté il y a quelques jours un guatémaltèque qui habitait ici depuis 25 ans ; il avait une famille, une entreprise, il faisait parti de la communauté. Il avait fui le Guatemala qui avait été détruit pendant l’époque de Reaggan. Et quelle est notre réponse ? Construire un mur. En Europe c’est la même chose. Quand on voit que des millions de personnes fuient la Libye et la Syrie vers l’Europe, il faut se demander ce qui s’est passé durant les 300 dernières années pour en arriver à cette situation.”

Les invasions et le changement climatique se rétro-alimentent

La situation conflictuelle s’est complètement transformée au Moyen-Orient durant ces 15 dernières années “suite à l’invasion étatsunienne de l’Irak, le pire crime du siècle. L’invasion britannique-étasunienne a eu des conséquences horribles, ils ont détruit l’Irak, qui est aujourd’hui le pays « le plus malheureux du monde » ; l’invasion a provoqué la mort de centaines de milliers de personnes et des millions de réfugiés, qui n’ont pas été accueillis par les Etats-Unis et qui ont dû être reçu par leurs pays voisins, qui sont pauvres : ils ont été chargés de ramasser les ruines de ce que nous avons détruit. Et le pire de tout ça c’est que les Etats-Unis ont incité un conflit entre sunnites et chiites qui n’existait pas auparavant.”

Les mots de Chomsky rappellent la destruction de la Yougoslavie durant les années 1990 fomentée par l’Occident. Comme a Sarajevo, il rappelle que Bagdad était une ville dans laquelle divers groupes culturels partageaient les mêmes quartiers, des membres de différents groupes ethniques et religieux se mariaient entre eux. “L’invasion et les atrocités qui ont suivi ont alimenté la création d’un monstre appelé Etat Islamique, qui voit le jour avec un financement saoudien, un de nos principaux alliés dans le monde.”

Un des plus grands crimes a été, d’après Chomsky, la destruction d’une grande partie du système agricole syrien, qui assurait l’alimentation [des populations], ce qui a poussé des milliers de personnes vers les villes “créant des tensions et des conflits qui explosent juste après le début de la répression”.

Une des lignes de travail les plus intéressantes de Chomsky consiste en analyser les effets des interventions armées du Pentagone en croisant ces résultats avec les conséquences du réchauffement global.

Au sujet de la guerre du Darfour, par exemple, convergent les intérêts des puissances avec la désertification qui expulse des populations entières des zones agricoles, ce qui aggrave et intensifie le conflit. “Ces situations débouchent sur des crises épouvantables, comme c’est le cas en Syrie, où s’enregistre la plus grande sécheresse de l’histoire qui a détruit une grande partie du système agricole, provoquant des déplacement et attisant à son tour les tensions et les conflits”.

Beaucoup de personnes ne se rendent pas compte des conséquences du déni du réchauffement global et des plans des républicains qui prétendent l’accélérer sur le long terme : “Si le niveau de la mer continue de monter de façon précipitée, des pays comme le Bangladesh risquent de se faire engloutir, affectant des centaines de millions de personnes. Les glaciers de l’Himalaya fondent rapidement mettant en danger l’approvisionnement en eau du sud de l’Asie. Qu’adviendra-t-il de toutes ces personnes ? Les conséquences imminentes sont terribles, nous faisons face au moment le plus critique de l’histoire de l’humanité.”

Chomsky avance que nous nous trouvons à une croisée des chemins importante de notre histoire et que les êtres humains devons décider si nous voulons vivre ou mourir : “Je le dis clairement. Nous n’allons pas tous mourir, mais ce qui est certain c’est que nous sommes en train de détruire les possibilités d’avoir une vie digne ; de son côté le parti républicain voudrait accélérer le réchauffement climatique. Je n’exagère pas – insiste-t-il – c’est exactement ce qu’ils veulent faire.”

Il cite ensuite le Bulletin des Scientifiques Atomistes [http://thebulletin.org/] et son Horloge de la fin du monde, pour nous rappeler que les spécialistes soutiennent que lors de la Conférence de Paris sur le réchauffement climatique il était impossible d’obtenir un traité juridiquement contraignant, seulement des accords volontaires. “Pourquoi ? Et bien parce que les républicains ne l’accepteraient pas. Ils ont bloqué la possibilité d’aboutir à un traité juridiquement contraignant qui aurait pu représenter des avancées contre cette tragédie qui est massive et imminente, une tragédie comme il n’en a pas encore connue l’histoire de l’humanité. C’est de ça qu’il s’agit, ni plus ni moins.”

La guerre nucléaire n’est pas a écarter

Noam Chomsky n’est pas du genre à se laisser porter par des modes académiques ou intellectuelles ; son raisonnement radical mais serein cherche surtout à éviter les emportements, et c’est peut-être pourquoi il se montre réticent à présager au haut-parleur la souvent annoncée décadence de l’empire [américain]. “[Les USA] ont 800 bases [militaires] autour du monde et investissent dans leur armée autant que le reste de al planète entière. Aucun autre pays n’est à ce niveau, avec des soldats combattants sur les quatre coins de la terre. La Chine a une politique principalement défensive, elle n’a pas de programme nucléaire important, bien que celui-ci puisse croître dans le futur”.

Le cas de la Russie est différend. C’est le principal caillou dans la botte de la domination du Pentagone, parce qu’elle “a un système militaire énorme”. Le problème est que ces deux pays sont en train d’accroître leurs systèmes militaires, “tous deux agissent comme si la guerre était envisageable, ce qui est une folie collective”. Chomsky considère que la guerre nucléaire est irrationnelle et qu’elle ne pourrait arriver qu’en cas d’incident ou d’erreur humaine. Néanmoins, il coïncide avec William Perry, ex-secrétaire de Défense, qui a déclaré récemment que la menace d’une guerre nucléaire était aujourd’hui plus importante que lors de la Guerre froide. Chomsky estime que le risque se concentre autour de la prolifération d’incidents qui mettent en cause les forces armées des puissances nucléaires.

“Nous sommes passés très près de la guerre de très nombreuses fois”, admet-il. Un de ses exemples favoris est l’incident survenu lors de la présidence de Ronald Reagan, lorsque le Pentagone a décidé de tester les défenses de l’Union Soviétique en simulant une attaque contre ce pays.

“Le problème c’est que les Russes ont pris l’exercice très au sérieux. En 1983, le système de défense automatisé des soviétiques a détecté une attaque de missile étatsunien. Le protocole prévoyait dans ces cas là que l’information soit directement remontée au haut commandement et de lancer une contre-attaque. Un soldat devait transmettre cette information, Stanislas Petrov, mais il a décidé qu’il s’agissait d’une fausse alarme. C’est grâce à lui si nous sommes tous vivant et capables d’en parler aujourd’hui.” [1]

Il affirme que les systèmes de défense des Etats-Unis souffrent de graves erreurs, comme l’a confirmée l’information diffusée il y a quelques semaines au sujet d’une situation qui s’est déroulée en 1979, quand l’armée américaine a détecté une supposée attaque massive de missiles provenant de Russie. Alors que le conseiller à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski décrochait son téléphone pour appeler le président James Carter et lancer une attaque en représailles, une autre information annonçant qu’il s’agissait d’une fausse alerte est arrivée. [2] “Il y a des douzaines de fausse alertes chaque année”, assure-t-il.

Dernièrement, les provocations des Etats-Unis sont constantes. “L’Otan effectue des manœuvres militaires à 200 mètres de la frontière avec l’Estonie. Nous ne tolérerions jamais un tel comportement à la frontière mexicaine.”

Le cas le plus récent est l’affaire de l’avion russe qui bombardait des forces djihadistes en Syrie abattu fin novembre. “Une partie de la Turquie est presque entourée par le territoire syrien et l’avion russe l’aurait traversée pendant 17 secondes, et il a été abattu. Une énorme provocation à laquelle la Russie n’a fort heureusement pas répondu par la force, mais elle a tout de même envoyé son système antiaérien le plus avancé –qui permet d’abattre des avions de l’OTAN- dans la région”. Chomsky rappelle que des provocations ont aussi lieu en mer de Chine, de façon presque continue.

L’impression que donnent ses analyses est que si les puissances agressées par les Etats-Unis agissaient avec la même irresponsabilité que Washington, notre sort serait scellé.

entretien réalisé par Agustín Fernández Gabard et Raúl Zibechi

La Jornada – dimanche 7 février de 2016

Traduit pour Le Grand Soir par Luis Alberto Reygada (Twitter : @la_reygada)

Notes du traducteur

[1] Pour plus d’informations sur cet épisode peu connu mais qu aurait pu tourner à la catastrophe, lire l’article de Noam Chomsky publié sur Le Grand Soir : La stupidité institutionnelle (2015) http://www.legrandsoir.info/la-stupidite-institutionnelle-la-jornada.html ; l’article publié sur Les-Crises.fr : Able Archer 83 : l’exercice militaire qui a bien failli déclencher la Troisième Guerre mondiale http://www.les-crises.fr/able-archer-83-lexercice-militaire-qui-a-bien-failli-declencher-la-troisieme-guerre-mondiale/ ainsi que le documentaire d’Arte : 1983 – Au bord de l’apocalypse http://www.dailymotion.com/video/xexbny_1983-au-bord-de-l-apocalypse-1sur4_news.

[2] A ce sujet, consulter l’article The 3 A.M. Phone Call http://nsarchive.gwu.edu/nukevault/ebb371/

Source : Le Grand Soir, Noam Chomsky18/07/2016

Source: http://www.les-crises.fr/face-au-moment-le-plus-critique-de-lhistoire-de-lhumanite-par-noam-chomsky/


[Humour] Le Facebook d’Adolf Hitler : “Je me tire une balle, je reviens dans 5 minutes”

Saturday 6 August 2016 at 00:15

Allez, riens un peu, et révisons l’Histoire…

Source : Le Blog d’un odieux connard

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P.S. Version en une seule image ici

 

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Source : Le Blog d’un odieux connard

 

Source: http://www.les-crises.fr/humour-le-facebook-dadolf-hitler-je-me-tire-une-balle-je-reviens-dans-5-minutes/


Grèce : la responsabilité du FMI mise au jour, mais tout continue comme avant, par Romaric Godin

Saturday 6 August 2016 at 00:06

Source : La Tribune, Romaric Godin, 29/07/2016

Le FMI a commis de lourdes fautes sur la Grèce. Et alors ? (Crédits : © Kim Kyung Hoon / Reuters)

Le FMI a commis de lourdes fautes sur la Grèce. Et alors ? (Crédits : © Kim Kyung Hoon / Reuters)

L’instance de surveillance indépendante du FMI a mis en cause la gestion de la crise grecque par cette institution. Des critiques qui détruisent la narration officielle, mais ne la change pas…

Un peu plus de six ans après le début de la crise grecque, la narration officielle, le « storytelling » qui a été élaboré par les gouvernements et les institutions qui ont géré cette crise, tombe chaque jour un peu plus en lambeaux. Alors que la malheureuse Grèce, soumise à un troisième mémorandum signé voici un an avec ses créanciers, n’en finit pas de s’effondrer économiquement, le FMI, membre de la troïka qui a supervisé la gestion de cette crise, n’en finit pas de procéder à des mea culpa tardifs, mais sans appels.

Absence de discussions internes

Après avoir reconnu qu’elle avait sous-estimé les « multiplicateurs budgétaires », autrement dit l’impact de la consolidation budgétaire sur la croissance, pour la Grèce, l’institution de Washington avait récemment, dans un article de recherche reconnu les effets négatifs des politiques d’austérité imposées à Athènes. Ce jeudi 28 juillet, un nouveau rapport est venu critiquer le rôle pris par le FMI dans sa gestion de la crise grecque. Et il est sévère. Le Bureau indépendant d’évaluation du FMI (IEO) a publié un long rapport sur le « FMI et les crises en Grèce, au Portugal et en Irlande » qui dresse un constat : le FMI a agi sous la pression des intérêts de certains pays de la zone euro, contre ses propres intérêts et a cherché pour cela à court-circuiter le conseil d’administration. Cette procédure a clairement conduit à des erreurs d’appréciations majeures de la situation, notamment en Grèce.

Dans son rapport, l’IEO confirme notamment ce que, entre autres, la Commission de Vérité sur la dette grecque, établie au printemps 2015 par le parlement hellénique, avait pointé du doigt : pour faire passer le soutien financier à la Grèce du FMI malgré le caractère insoutenable de la dette grecque, la direction de l’institution a fait adopter discrètement une modification des critères d’accès à l’aide du FMI. « Le conseil d’administration n’a pas été consulté sur cette question. En fait, les directeurs ne furent pas même informés des doutes des équipes sur la soutenabilité de la dette grecque », estime l’IEO. Et de poursuivre : « ni la direction du FMI, ni les équipes n’ont cherché à porter l’attention du Conseil sur la décision proposée de modifier les critères ou sur le fait qu’un critère d’accès exceptionnel serait modifié en approuvant le programme grec ». En clair : il y a eu clairement une volonté de tromper le Conseil, en incluant cette modification cruciale, qui plaçait le FMI dans la position de s’exposer à un pays insolvable. L’IEO renforce cette idée en précisant que le Conseil a été pressé par le temps, et n’a pas eu la possibilité de regarder le programme en détail.

Conséquences désastreuses

Les conséquences de cette pratique ont été désastreuses pour la Grèce. Ce pays s’est en effet retrouvé dans la situation de devoir gérer une dette insoutenable et croissante. L’issue de cette impasse était une autre impasse : demander toujours plus d’aides pour rembourser la dette. Créer donc un schéma de Ponzi, avec la complicité du FMI et des pays de la zone euro désireux de maintenir la fiction de la « soutenabilité » de la dette grecque. C’est ce montage qui a obligé la Grèce à aller toujours plus loin dans la politique d’austérité puisque ses créanciers continuaient à vouloir faire croire qu’une purge budgétaire et des « réformes structurelles » suffiraient à rendre la dette soutenable. Cette « tromperie » du FMI est donc une des sources des maux grecs. En passant, on remarquera que l’IEO estime que ceci pose un problème de « légitimité » pour le FMI. Une question de légitimité qui se pose aussi pour la dette du FMI alors contractée par la Grèce et qui, en 2015, a pesé si lourd dans le sort du pays.

Soumission à la zone euro

Si le FMI avait appliqué ses critères habituels, il aurait imposé une restructuration de la dette dès 2010. C’est la procédure habituelle du Fonds : faire de l’austérité contre une coupe dans la dette. Selon une étude parue en 2015 aux Etats-Unis, les équipes avaient proposé cette possibilité au directeur général d’alors du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Ce dernier l’aurait cependant rejeté et aurait refusé de le proposer aux Européens. Et ceci pose un autre problème majeur posé par l’étude de l’IEO : les amours coupables entre le FMI et la zone euro. Car les causes de ce refus de la restructuration de la dette en 2010 sont connues : c’est la protection des banques européennes, principalement françaises et allemandes, exposées à la dette grecque. Il fallait rapidement venir à la rescousse de ces créanciers, pour leur donner le temps de vendre les titres à des investisseurs rassurés par l’implication du FMI.

Le rapport de l’IEO ne va pas jusqu’à cette conclusion, désormais cependant bien connue, mais il pointe les relations très étroites entre la direction du FMI et la zone euro. Il critique ainsi la « faiblesse de la surveillance de la zone euro » fondée sur l’idée que « l’Europe est une chose différente ». Cette faiblesse a conduit à l’absence d’analyse des déséquilibres de la zone euro, notamment sur les comptes courants. Elle a ensuite conduit à un « oubli » des « leçons des crises passées ». Ces leçons « ne furent jamais appliquées », estime l’IEO. De fait, le FMI est largement apparu comme suiviste des décisions de l’Eurogroupe puisque les décisions de la zone euro « ont toujours précédé les réunions du conseil du FMI ». « Le FMI a perdu sa souplesse et son agilité en tant que gestionnaire de crise compte tenu des multiples couches de décisions dans la zone euro », explique l’IEO qui déplore aussi le poids de l’Eurogroupe qui a conduit « les jugements des équipes techniques du FMI à des pressions politiques ». C’est donc bien une soumission du FMI à la zone euro qu’implicitement dénonce l’IEO. Du reste, le rapport souligne la très forte « asymétrie de l’information » au sein du FMI puisque « des directeurs représentant les pays de la zone euro ont pu avoir accès à des informations qui n’étaient pas à la disposition des autres ».

L’IEO ne cache donc pas la soumission du FMI aux instances de la zone euro. Ceci pose, pour l’institution, la question de la nationalité de ses directeurs généraux. Le fait que le FMI ait été dirigé par un Français et l’est encore apparaît clairement comme une entrave à son bon fonctionnement, mais aussi à l’efficacité de ses politiques. Il est sans doute temps de donner aux pays dits émergents leur chance au sein du Fonds.

Destruction de la narration officielle

En attendant, cette soumission à la zone euro a eu des conséquences majeures pour la Grèce : nul ne s’est opposé aux décisions prises par Paris et Berlin pour « sauver la zone euro » et nul n’a vraiment apporté un esprit critique sur ses plans d’aide. Cette soumission du FMI a permis le développement du storytelling officiel : la faute est grecque. La Grèce aurait fait des excès et elle serait « sauvée » et « aidée » par les Européens. Plus tard, lorsque l’échec de ces politiques était devenu évident, le problème a encore été porté sur les Grecs qui auraient refusé de « s’approprier les programmes ». Or, là aussi l’IEO souligne que l’aveuglement du FMI a été total et qu’il a bien été commis des erreurs de politiques économiques majeures, notamment, comme on l’a vu par l’oubli du passé. « Les programmes du FMI pour la Grèce et le Portugal ont inclus des projections de croissance largement trop optimistes », indique le rapport qui ajoute des « projections plus réalistes auraient rendu évidents les impacts sur la croissance et la dynamique de la dette de la consolidation budgétaire ». L’IEO indique que ceci aurait conduit à laisser « jouer les stabilisateurs automatiques », ce qui n’a pas été fait et a conduit à l’effondrement de 25 % du PIB grec sur 6 ans en plongeant l’économie hellénique dans un cercle vicieux. En refusant la réalité par sa soumission politique, le FMI a donc été une des causes de la crise grecque. C’est une destruction en règle de la narration officielle.

Le rapport de l’IEO confirme donc ce que la Commission sur la dette grecque de 2015 avait établi sur 2010 : un déni de réalité a dominé les décisions d’alors, alimenté par des intérêts politiques dans les grands pays de la zone euro. Ce déni de réalité est devenu une vision officielle qu’il a fallu maintenir à tout prix et a conduit à l’effondrement de la Grèce. Le FMI a contribué à cette situation. C’est ce que la crise du premier semestre 2015 a prouvé : le nouveau gouvernement grec a réclamé la fin de ce cercle vicieux et a demandé la construction d’un compromis qui lui a toujours été refusé. Les créanciers ont préféré une nouvelle fois briser l’économie grecque plutôt que de reconnaître les erreurs que l’IEO met en avant aujourd’hui.

La réponse de Christine Lagarde

La question reste désormais de savoir quel sera l’impact réel de ce rapport. L’IEO rappelle que dès 2011, elle avait mis en garde contre l’aveuglement vis-à-vis de la zone euro, sans succès. La réponse, vendredi 29 juillet, de l’actuelle directrice générale Christine Lagarde n’est guère encourageante de ce point de vue : elle a repris la critique de la Grèce, de son manque « d’appropriation » des programmes, de l’instabilité politique du pays et a finalement rappelé que la Grèce est restée dans la zone euro, ce qui était « un objectif majeur ». Bref, le mea culpa au sein des instances agissantes du FMI n’est pas à l’ordre du jour. Rappelons que, de 2010 à 2015, la Grèce n’a connu qu’un mois d’instabilité politique après les élections de mai 2012. Le reste du temps, la majorité parlementaire en faveur de la troïka a été stable et les gouvernements ont pu appliquer les programmes. Certes, tout n’a pas été appliqué, mais ne serait-ce pas le signe que tout n’était pas applicable ? Selon une étude de l’OCDE datée de 2015, la Grèce a été le pays le plus « réformateur » de l’organisation. Dire que la Grèce n’a rien fait n’a pas de sens : l’effondrement de l’économie et le redressement des finances publiques sont les preuves de cette action. La réalité est bien que c’est la politique menée qui était insensée. Le maintien dans la zone euro est, de ce point de vue, une consolation bien maigre et une façon d’éviter le cœur du problème, ce qui semble le plus urgent pour Christine Lagarde.

La logique actuelle continue de dominer

En réalité, rien n’a changé. La politique du troisième mémorandum et du troisième mémorandum « et demi » imposée à la Grèce en août 2015 et encore en juin 2016 viennent le confirmer. Aucune critique n’a été réalisée au sein de la zone euro sur les politiques menées. L’Eurogroupe continue de dominer le jeu et d’imposer sa logique de consolidation budgétaire et de réformes structurelles à une économie exsangue. Cet Eurogroupe refuse toute remise en cause de la narration officielle et continue à réclamer du gouvernement grec un « engagement » dans le programme. La mise en place de coupes automatiques dans les dépenses pour atteindre l’objectif d’excédent primaire de 2018 est le nec plus ultra de cette logique. Et la preuve que rien n’a réellement changé. Aujourd’hui, la narration officielle fait toujours porter la faute de l’échec des programmes est toujours reporté sur les Grecs et sur son gouvernement qui a osé refuser au premier semestre 2015 ces politiques imposées par les créanciers. Or, cette critique qui était fort modérée et davantage un appel au compromis, se révèle chaque jour désormais plus pertinente.

Quant au FMI, il affirme avoir changé : il demande désormais une restructuration de la dette avant d’entrer dans le programme. C’est une avancée importante. Mais le FMI a néanmoins accepté le plan de juin 2016 et le report de l’essentiel de la restructuration de la dette à après 2018. A l’été 2015, il a tout fait pour faire échouer le gouvernement grec et le conduire à accepter un troisième mémorandum. Et, on l’a vu, l’analyse de Christine Lagarde demeure très proche de celle de l’Eurogroupe. Au final, le rapport de l’IEO est un élément important pour écrire l’histoire. Mais certainement pas pour la changer.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 29/07/2016

Source: http://www.les-crises.fr/grece-la-responsabilite-du-fmi-mise-au-jour-mais-tout-continue-comme-avant-par-romaric-godin/


[Humour] Chirac sur l’Europe : constance et cohérence

Friday 5 August 2016 at 00:59

Merci à Camille ! 🙂

Source : Youtube, 12-06-2016

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Aux premières élections européennes au suffrage universel en 1979, Jacques Chirac est candidat avec Michel Debré pour le RPR, il est alors à la pointe du combat politique contre l’Europe, combat notamment marqué par son “appel de Cochin”. Il perdra ses élections face à Simone Veil et révisera alors son jugement sur l’Europe…

Source : Youtube, 12-06-2016

 

Clip de propagande de l’UMP pour le traité constitutionnel européen

Source : Youtube, 20-06-2016

Clip de propagande l’UMP en faveur de la ratification du traité constitutionnel européen en 2005.

Source : Youtube, 20-06-2016

Situation économique de la Grèce avant son adhésion à la CEE

Source : Youtube, 12-06-2016

Source : Youtube, 12-06-2016

 

François Mitterrand sur le marché commun et la PAC

Source : Youtube, 12-06-2016

Selon le Président François Mitterrand, il y a trois conditions pour que l’Europe soit viable :
– une politique agricole commune régulé avec un tarif un unique sur certains produits
– une préférence communautaire
– une union douanière

Source : Youtube, 12-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/humour-chirac-sur-leurope-constance-et-coherence/


Les lanceurs d’alerte du LuxLeaks condamnés : le Luxembourg se déshonore, par Emmanuel Lévy

Friday 5 August 2016 at 00:30

Source : Marianne, Emmanuel Lévy, 29-06-2016

Ils ont permis le Luxleaks, dévoilant nombre d’accords fiscaux secrets entre des multinationales et le Luxembourg. Pourtant, Antoine Deltour et Raphaël Halet ont été condamnés à respectivement 12 et 9 mois de prison avec sursis et 1 500 et 1 000 euros d’amende.

Antoine Deltour a écopé de 12 mois de prison avec sursis et 15000 euros d'amende - JEROME MARS/JDD/SIPA

Antoine Deltour a écopé de 12 mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende – JEROME MARS/JDD/SIPA

Et pourquoi pas le bûcher ? Dans le duché du Luxembourg, paradis de l’optimisation fiscale, on ne rigole pas avec le secret des affaires, a fortiori quand il s’agit des accords fiscaux entre le gouvernement et les multinationales. Et même si les peines sont bien inférieures aux réquisitions du parquet, le verdict du procès LuxLeaks est à la hauteur du crime de lèse duché : une peine de , 9 mois de prison avec sursis et 1000 euros d’amende pour Raphaël Halet. Ces deux anciens du cabinet Price Waterhouse et Cooper devront aussi payer un euro symbolique à leur ex-employeur. Édouard Perrin, le journaliste de Cash investigation qui avait diffusé les informations de ces deux lanceurs d’alerte, a lui été acquitté.

C’est pourtant grâce aux informations révélées par Antoine Deltour que les citoyens européens et plus encore les journalistes qui travaillent sur les questions fiscales ont eu la preuve de leur intuition : le Luxembourg est le centre d’une vaste machine pompant les ressources fiscales de ses partenaires européens. Le Luxleaks, avec ces milliers de documents de PWC (30 000 au total), dévoilent, en effet, nombre d’accords fiscaux secrets conclus entre les multinationales comme Starbuck, Ikea, Mc Donald ou encore Fiat et le gouvernement du Duché, notamment sous la direction de Jean-Claude Junker, l’actuel président de la Commission européenne. Ces « tax rulings » ne sont rien moins que d’imposants montages juridiques ayant pour but de transférer au Luxembourg, pays à faible imposition, les profits réalisés dans les pays à fort taux d’impôts sur les sociétés.

Antoine Deltour jugé comme un voleur de mobylette

Qu’Antoine Deltour ait reçu le Prix du citoyen européen 2015 décerné par le Parlement européen. Que Michel Sapin, notre ministre des finances et actuel employeur via l’Insee de l’ancien auditeur déclare « Des situations comme celle de Monsieur Deltour sont inadmissibles. A l’avenir en France il sera protégé ». Ou enfin qu’à la suite des révélations des deux lanceurs d’alertes, la Commission a considéré que la faible imposition de Starbuck et Fiat par le Luxembourg constituait une subvention. Rien n’y a donc fait.

Chez nous, un étrange mouvement de sympathie s’est cristallisé autour de Jérôme Kerviel. Le trader agissait pourtant comme un croyant dans le dieu argent et il espérait bien en retirer des subsides sous forme de bonus. Lui, qui « sentant le marché » a misé jusqu’à 50 milliards d’euros sur la hausse, quand c’est la baisse qui est sortie de son pari à pile ou face. Rien de tout cela avec Antoine Deltour. La conscience de cet aimable auditeur chez PWC avait été heurté par l’incroyable hold-up à plusieurs dizaines de milliards d’euros dont les citoyens de l’Union étaient victimes. En dévoilant ces informations, il n’en a pas profité matériellement, il a juste fait acte d’esprit civique. Le Luxembourg l’a jugé comme un voleur de mobylette. Le message aux dizaines de milliers d’employés des banques et autres cabinets d’audit et d’avocats que compte le petit état est aussi clair que celui des mafieux siciliens : l’omerta pour tout le monde.

Source: http://www.les-crises.fr/les-lanceurs-dalerte-du-luxleaks-condamnes-le-luxembourg-se-deshonore-par-emmanuel-levy/


La Cour de Karlsruhe valide sans conviction le programme OMT de la BCE, par Romaric Godin

Friday 5 August 2016 at 00:01

0505Source : La Tribune, Romaric Godin, 21/06/2016

Les juges de Karlsruhe ont dû s'admettre vaincus par la Cour de Luxembourg. (Crédits : Reuters)

Les juges de Karlsruhe ont dû s’admettre vaincus par la Cour de Luxembourg. (Crédits : Reuters)

Les juges constitutionnels allemands ont validé l’OMT, un programme de rachats de titres de la BCE, quatre ans après son lancement. Mais c’est une décision contrainte par la cour de justice de l’UE.

C’est l’épilogue d’un long feuilleton débuté en 2012 et qui a vu des allers-retours entre Francfort, Luxembourg et Karlsruhe. Ce mardi 21 juin, la Cour constitutionnelle (Verfassungsgericht) allemande, qui siège dans cette dernière ville, a finalement, près de quatre ans après son annonce, jugé conforme à la Loi fondamentale allemande (la constitution de la République fédérale) le programme OMT de la BCE. Ce programme, baptisé en anglais de Francfort « Outright Monetary Transactions » (transactions monétaires totales) prévoit de pouvoir racheter une quantité illimitée de dette d’un pays attaqué sur les marchés moyennant le placement de ce pays sous un « programme d’ajustement » (autrement dit, un plan d’austérité) du Mécanisme européen de Stabilité (MES).

Qu’est-ce que l’OMT ?

Annoncé dès la mi-juillet 2012 par Mario Draghi dans un célèbre discours londonien où il s’était engagé à faire « tout ce qu’il faut » (« whatever it takes ») pour sauver l’euro, le programme OMT a été lancé officiellement le 6 septembre 2012. Mais il n’a jamais été utilisé. Sa présence dissuasive a en effet été suffisante pour calmer les esprits et dissuader les investisseurs de vendre en masse leurs titres de dettes de la zone euro. La BCE offrait avec l’OMT au marché une « assurance vie » qui a même déterminé certains opérateurs à revenir vers les pays en crise qui offraient de bons rendements. Avec l’OMT, la première phase de la crise, celle de la dette souveraine et de ses tensions sur les « spreads » (« écarts de taux ») était terminée. La crise prenait une tournure plus économique avec la récession liée à l’austérité et ses conséquences à long termes au niveau social, politique et sur les prix.

Les arguments des plaignants

Dès l’annonce de ce programme, un certains nombres d’associations allemandes, attachées au principe de l’ordolibéralisme, avaient porté plainte contre l’OMT, jugeant qu’il s’agissait là d’une façon détournée de financer les budgets des Etats « mauvais élèves ». Selon eux, le rachat, même sur le seul marché secondaire, revenait à « subventionner » par la baisse des taux le marché primaire et donc à apporter un effet de distorsion du marché pour les pays qui ne respectent pas les grands équilibres budgétaires. Pour ces plaignants, ce programme revient à transférer le risque budgétaire des « mauvais élèves » vers les « bons élèves » par la banque centrale. Les pertes liées à ces rachats sont en effet assumées en partie par les banques centrales nationales, donc par les contribuables. Comme pour les autres programmes de la BCE lancé depuis le début de la crise, l’affaire a été portée devant la Cour de Karlrsuhe.

La navette entre Karlsruhe et Luxembourg

Or, dans une première décision, en janvier 2014, cette Cour avait jugé illégal l’OMT, mais s’était déclarée incompétente puisque la BCE n’est pas soumise à sa juridiction. L’affaire avait alors été transmise à la Cour de Justice de l’UE (CJUE) à Luxembourg pour établir cette légalité. Les juges de Karlsruhe se réservaient par la suite le droit d’établir si la décision de la CJUE autorisait ou non l’application en Allemagne de l’OMT, autrement dit la participation de la Bundesbank au programme, était possible. Le 16 juin 2015, la CJUE avait jugé l’OMT conforme aux traités en fixant certaines conditions, notamment dans la limite et la temporalité des achats de la BCE. C’est sur cette dernière décision que Karlsruhe devait statuer ce mardi.

La décision des juges allemands

Finalement, les juges du Verfassungsgericht ont suivi la CJUE et ont accepté ses raisons. Les plaignants sont donc déboutés. Pour Karlsruhe, « l’inaction du gouvernement fédéral allemand et du Bundestag » sur l’application de l’OMT ne « viole pas les droits des plaignants ». De plus, les droits du Bundestag, notamment budgétaires, « ne sont pas remis en cause ». Pour le justifier, la Cour de Karlsruhe suit à la lettre la décision de la CJUE qui a jugé que la BCE poursuivait des objectifs de transmission de la politique monétaire. Or, la souveraineté allemande sur la politique monétaire a été transférée au niveau européen, à la BCE, par les traités. Si l’OMT reste dans ce cadre, il échappe naturellement au contrôle allemand.

Par ailleurs, la Cour constitutionnelle s’estime rassurée par l’obligation de « proportionnalité » des mesures de la BCE prise dans la mise en place concrète l’OMT qu’a imposée la CJUE. Ce principe vise à assurer qu’il n’existe pas de distorsion majeure des prix du marché et, ainsi, d’incitations pour les pays « protégés » par l’OMT à dépenser plus et à transférer son risque vers les banques centrales et les budgets nationaux des autres Etats membres.

Les critiques à la CJUE

Reste que cette soumission à la décision de la CJUE est ouvertement contrainte. Les juges allemands semblent conserver leur premier avis négatif sur l’OMT, mais la décision venue de Luxembourg les contraint à la soumission. Le Verfassungsgericht émet ainsi des doutes sur la qualité de la décision de la CJUE et ne cache pas ses « inquiétudes sur la façon dans les faits ont été établis dans cette affaire, sur la façon dont ont été menées les discussions et sur la façon dont a été menée la revue juridique des actes de la BCE ». Karlsruhe critique ouvertement et en détail le fonctionnement de la CJUE qui a fondé sa décision. Les juges allemands estiment que la CJUE a bien trop fait confiance à la BCE en ne « mettant pas en doute ou au moins en ne discutant pas » l’assertion selon laquelle l’OMT poursuit un but de politique monétaire. Karlsruhe estime que la cour de Luxembourg aurait dû « tester les affirmations de la BCE au regard des indications qui vont à l’évidence à l’encontre d’un objectif de politique monétaire de l’OMT ». Bref, les juges en rouge sont particulièrement amers et accusent directement la CJUE de prendre quelques libertés avec le droit communautaire. Mais ils ne peuvent agir contre Luxembourg. La CJUE est souveraine pour examiner la conformité aux traités, Karlsruhe ne peut contester sa décision et doit donc accepter sa décision, même de mauvaise grâce.

Les conditions sont fixées

La Cour constitutionnelle expose donc les conditions futures d’application de l’OMT, telles qu’elles ont été fixées par la CJUE. Si la Bundesbank doit participer à cette action, elle devra s’assurer que les « achats ne sont pas annoncés au préalable, que le volume des achats soit limité, qu’il existe un temps minimal entre les achats et l’émission de titres, que les achats concernent les Etats membres aient un accès au marché, que l’on ne conserve les titres à maturité que dans des cas exceptionnels et que les achats soient limités à la stricte nécessité ». Ces conditions sont globalement conformes à celles que se fixe, dans le cadre de ses programmes d’achat la BCE.

Succès pour Mario Draghi

Mario Draghi peut avoir le sourire. Cette décision du Verfassungsgericht ne valide pas seulement l’OMT, un programme qui n’est pas d’actualité et n’a jamais été utilisé. Elle conforte la BCE sur la légalité de ses programmes lancés depuis mars 2015 de rachats de titres dans le cadre de l’assouplissement quantitatif. C’est une défaite certaine pour les associations plaignantes, mais aussi pour ceux qui, de près ou de loin, avaient en Allemagne soutenu cette plainte et régulièrement critiqué la BCE, notamment la Bundesbank et le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble. Mais cette défaite pourrait aussi être utilisée par le parti eurosceptique Alternative für Deutschland (AfD) qui reste très critique vis-à-vis de l’engagement allemand dans l’euro et qui pourrait jouer sur les risques que font peser l’OMT sur le contribuable allemand ainsi que sur la soumission forcée de la très prestigieuse cour de Karlsruhe à la CJUE. L’affaire de l’OMT est classée, quatre ans après, mais elle pourrait laisser des traces.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 21/06/2016

Source: http://www.les-crises.fr/la-cour-de-karlsruhe-valide-sans-conviction-le-programme-omt-de-la-bce-par-romaric-godin/


À la télé, il y a urgence à débattre du rétablissement de la torture “à la française”, par Samuel Gontier

Thursday 4 August 2016 at 01:30

Source : Télérama, Samuel Gontier, 17-06-2016

« La menace terroriste est au plus haut, des policiers ont été assassinés, l’Euro a débuté », énumère Ruth Elkrief, dont l’interlocuteur, Fabrice Angei, secrétaire confédéral de la CGT, répond en direct du siège de la centrale, à Montreuil, mercredi dernier. « Et néanmoins, vous ne considérez pas que votre mouvement contre la loi travail qui a commencé il y a QUATRE mois [c’est la présentatrice qui insiste] peut s’arrêter, se modérer, se reporter, par solidarité, par responsabilité ? » Mais non, le syndicaliste refuse catégoriquement de faire preuve de responsabilité, de solidarité avec les policiers et l’Euro assassinés. Alors même que les images accompagnant son scandaleux discours montrent clairement l’association de la CGT aux violences des casseurs :

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« Monsieur Angei, reprend la présentatrice de BFMTV, d’une patience infinie face au fanatisme de l’irresponsable syndicaliste, vous savez que quand des organisations syndicales prennent la responsabilité de manifestations, elles sont aussi responsables des dérapages. » « Dérapages », quel doux euphémisme pour désigner les attentats perpétrés par « les hordes de manifestants violents » repérés par Bernard Cazeneuve ! « Le préfet de police de Paris déclare qu’une petite partie des manifestants de la CGT ont eux-mêmes participé à des actes de violence, qu’il y a eu des formes de solidarité passive. » Si c’est le préfet qui le dit, rien ne sert de nier. D’ailleurs, un bandeau placé sous le syndicaliste avertit le téléspectateur de l’indécente ambigüité de ses propos :

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Ruth Elkrief poursuit la formulation de sa question-édito deux fois plus longue que le temps imparti aux réponses du syndicaliste afin d’atténuer la terreur qu’elles pourraient inspirer aux « Français » : « Vous savez combien les Français sont CHOQUÉS par ce qui s’est passé à l’hôpital Necker. Vous pourriez trouver d’autres formes d’expression. » Par exemple, défiler de 6 heures à 8 heures du matin entre Saint-Germain-de-Calberte et Saint-Martin-de-Lansuscle les derniers vendredis des mois de novembre des années bissextiles. « Vous ne pensez pas qu’aujourd’hui les Français vont beaucoup vous en vouloir de ce qui s’est passé ? » Comment le pourrait-il ? Il ne soucie absolument pas de ces « Français » dont Ruth Elkrief possède une connaissance intime.

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« Dernière question, vous savez bien que la CGT a fait des tracts contre la police, des tracts qui ont été DÉNONCÉS. » Par les Français (de Ruth Elkrief). « Il ne faut peut-être pas être étonné ensuite de voir qu’il y a au sein de vos cortèges des hommes effectivement identifiés qui s’en prennent aux policiers. » Parce qu’en plus ils sont « identifiés » ? Qu’attend-on pour les placer dans des centres de rétention ?« Policiers qui par ailleurs ont la responsabilité de nous protéger contre le terrorisme. » Mais la CGT les en empêche en organisant des manifestations depuis QUATRE mois.

« A un moment donné, on a l’impression qu’on ne vit pas dans le même pays : il y a des gens qui sont dans la rue qui tapent sur des policiers et puis il y a des policiers qui nous protègent. » Ces « gens » sont schizos : ils tapent sur les policiers qui les protègent avec tendresse, dévouement et grenades de désencerclement. « On n’est pas ensemble, on n’est pas dans le même pays ? » Moi, j’ai choisi, je veux vivre dans le pays de Ruth Elkrief.

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Terrifié par l’extrémisme radical du militant CGT, je me réfugie sur iTélé où se tient un opportun débat, « Faut-il interdire les manifestations ? », entre gens de raison – représentants de la droite modérée (Jean-Claude Dassier, de Valeurs Actuelles) et de la gauche de gouvernement (Françoise Degois). L’éditorialiste de Valeurs Actuelles soupçonne toutefois sa comparse d’avoir pactisé avec les ennemis de la République : « Ils ne viennent pas d’arriver sur le terrain parisien de la violence, vos amis les antifas ! »

« Arrêtez de dire “mes amis”, “les amis de la gauche”, se défend Françoise Degois. Vous ne pouvez pas prêter ce genre d’intention à un gouvernement quel qu’il soit ! »Tout de même, j’ai trouvé Manuel Valls bien indulgent avec les islamo-gauchistes ces derniers temps. Jean-Claude Dassier aussi : « Les antifas, les black blocks, tous ces gens-là, vous n’en avez pas arrêté un ! » « On a fait 43 interpellations », revendique Françoise Degois. « Oui, des interpellations. Mais ils sortent le soir même ! » Pour aussitôt incendier des voitures de police et saccager des hôpitaux pour enfants (de policiers tués).

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Jean-Claude Dassier prend du recul : « On les a vus sur le barrage de Sivens, ils font mener une vie insensée aux Nantais avec l’aéroport. A Rennes, violence permanente. A Nantes, violence permanente. A Paris, violence comme on n’en a jamais vu. » C’est vrai, en 1871, les communards ne brisaient pas les vitres des hôpitaux pédiatriques. « D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ? On dit qu’il y a beaucoup d’étrangers. » Ceux de la cinquième colonne. « Pourtant, aucune reconduite à la frontière ! Y en a-t-il en prison ? Non !!! » Confrontée à l’évidence du laxisme gouvernemental, Françoise Degois bredouille timidement : « Nous sommes dans un Etat de droit. » « Ah oui, et vous n’avez jamais interdit des manifestations du mariage pour tous, peut-être ?! », rétorque Jean-Claude Dassier, conscient que le zèle répressif de la gauche s’exerce uniquement contre les rassemblements de fervents républicains.

« La France donne une image d’elle-même qui est pitoyable », résume l’éditorialiste, répondant catégoriquement à la question mise en débat par Laurence Ferrari : « Il faut jusqu’à la fin de l’Euro suspendre toute manifestation publique. »Et même jusqu’à la fin du Tour de France. Des JO. De la saison 2016-2017 du championnat de Ligue 1, de la Coupe du monde de foot au Qatar et de toute compétition sportive se déroulant avant la fin du XXIe siècle. « Je vous rappelle qu’on est en état de guerre, en état d’urgence ! On veut faire la fête de l’Euro et quand on est en état de guerre, on ne tolère pas n’importe quoi ! » On ne tolère que l’Euro, ça va de soi.

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Pour finir, Jean-Claude Dassier fait part de sa frayeur face au droit-de-l’hommisme revendiqué par notre Premier ministre mardi dernier à l’Assemblée. « Je reviens aux déclarations de Manuel Valls qui me traumatisent un peu. Nous n’échapperons pas à un débat sur l’ouverture de centres de rétention. Centres de rétention qui peuvent parfaitement fonctionner avec les centres de déradicalisation. » L’un ne va pas sans l’utre, il faut jouer la complémentarité. « On peut avancer là-dessus, convient Françoise Degois, le débat fait son chemin. »

Il me suffit de zapper sur France 5 pour constater que le débat fait du chemin et que je n’y échapperai pas. La première discussion de C à vous interroge en effet : « Faut-il un Guantánamo à la française ? » Le lendemain, iTélé renchérit au pluriel : « Des Guantánamo à la française ? » Pour ma part, je préférerais un Belzec à la française, c’est plus efficace et ça ne laisse pas de traces. A moins que nous ne nous reposions sur notre savoir-faire national : après tout, la gégène a déjà fait ses preuves sur les islamo-gauchistes du FLN.

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Ce jeudi, Olivier Galzi reçoit aussi Christophe Caresche, député PS de Paris. « Une députée britannique a été assassinée en pleine rue. Votre réaction ? » « Ce qui me frappe, c’est la violence du débat public en France comme en Grande-Bretagne. » De ce côté-ci de la Manche, on ne compte plus les tentatives d’assassinat de députés favorables à la loi El Khomri. « La violence, on en a beaucoup parlé en France aussi, rebondit judicieusement Olivier Galzi. On l’a vue en marge des manifestations contre la loi travail. François Hollande a même menacé d’interdire les manifestations. » Il a dû regarder Ruth Elkrief (ou Laurence Ferrari).

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« La question effectivement se pose, admet Christophe Caresche. Les événements de mardi ont été inacceptables. On voit de plus en plus de casseurs, huit cents selon le préfet de police. » Et si c’est le préfet qui le dit… « Organisés, déterminés, armés, avec la volonté de tuer. C’est aussi ce qu’a dit le préfet de police. » Cet homme est providentiel. Si la chaîne de télé interne à la Préfecture de police occupait toutes les fréquences hertiziennes, l’information gagnerait en objectivité et Ruth Elkrief pourrait y livrer ses éditos en tenue anti-émeute.

« Certains militants de la CGT ont participé aux gestes avec les casseurs, c’est ce que dit Manuel Valls, dit aussi Olivier Galzi. Il y a des photos, d’ailleurs, qui vont dans ce sens. On y voit des membres de la CGT qui jettent des pavés sur les CRS. »Ce n’est pas surprenant pour Christophe Caresche, selon qui « la CGT a depuis longtemps une attitude ambigüe au sujet de la violence ». Depuis longtemps et dès avant sa création : en 1891, à Fourmies, les CRS de l’époque avaient déjà été contraints d’utiliser les flash-balls de l’époque (des Lebel) pour tirer sur la foule de ses futurs militants et casseurs qui réclamait impudemment la journée de huit heures.

Christophe Caresche ne remonte pas si loin : « Ça a commencé avec Air France et la tentative de lynchage de deux responsables d’Air France. » « Lynchage », le mot paraît faible. Ne faudrait-il pas plutôt parler de tentative d’assassinat ? J’en suis à ces réflexions sémantiques quand un nouveau militant masqué de la CGT apparaît dans le dos d’Olivier Galzi :

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Horreur ! C’est le même casseur que celui qui lance son projectile en boucle sur BFMTV ! Preuve que les islamo-gauchistes sont partout infiltrés. Pour me rassurer, je me rappelle la réaction de Jean-Claude Dassier au salut de Laurence Ferrari qui, ravie, congédiait ses invités : « Merci à tous les deux pour ce débat enflammé. » « La situation l’exige, le commande ! » Oui, la situation commande que la télé fasse la promotion du fascisme.

Source : Télérama, Samuel Gontier, 17-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/a-la-tele-il-y-a-urgence-a-debattre-du-retablissement-de-la-torture-a-la-francaise-par-samuel-gontier/


Comment la CIA est devenue incontrôlable, par Yochi Dreazen et Sean D. Naylor

Thursday 4 August 2016 at 00:30

Source : Slate, Yochi Dreazen, Sean D. Naylor, 17.08.2015

Yochi Dreazen et Sean D. Naylor

Traduit par Yann Champion

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Des frappes de drones à la torture de prisonniers, l’agence tire les ficelles de la politique extérieure américaine depuis le 11 septembre 2001. Et il y a fort à parier qu’elle continuera de le faire dans les années à venir.

Dennis Blair n’était pas content. En mai 2009, cet ancien amiral de la marine américaine officiait en tant que directeur du renseignement national (DNI). En théorie, ce titre lui donnait le contrôle sur la CIA et les seize autres agences de renseignement de Washington. Mais en réalité, il était impuissant, même pour désigner le senior spy, «premier espion» d’un pays donné (un titre qui, durant des décennies, revenait traditionnellement aux «chefs de station» de la CIA dans différentes capitales, de Londres à Beyrouth). Blair se sentant habilité à le faire, il envoya –sans consulter la Maison Blanche– un ordre écrit annonçant que le DNI serait désormais celui qui désignerait la plupart des senior spies. Mais ce n’était pas le changement le plus important: la personne choisie pouvait désormais provenir de n’importe quelle agence de renseignement américaine. Blair eut beau affirmer qu’il s’agirait presque toujours d’un membre de la CIA, cela n’eut pas l’heur de plaire au directeur de l’époque de la CIA, Leon Panetta, qui répondit en envoyant un message à tous ses bureaux à l’étranger leur demandant d’ignorer complètement la note.

Les médias évoquèrent une guerre de clochers. Si c’en était une, elle était bien inégalitaire: le bureau de Blair était totalement impuissant, balayé d’un revers de la main par une CIA s’accrochant à son propre pouvoir.

Quelques mois plus tard, alors que les quatre années du premier mandat tumultueux de Barack Obama touchaient à leur fin, Blair y vit une nouvelle occasion de réaffirmer les prérogatives de son bureau, écrit le journaliste Mark Mazzetti dans The Way of the Knife, un récit détaillé de cette période. Ayant hérité de George W. Bush plusieurs dossiers hautement confidentiels au sujet d’opérations secrètes, Obama avait voulu tous les passer en revue un par un. Les dossiers en question impliquaient notamment des activités de la CIA visant à freiner le programme nucléaire iranien et l’utilisation de drones pour tuer des activistes au Pakistan. Une fois de plus, l’absence d’autorité de Blair apparaissait de manière évidente: le DNI, tel que l’avait défini la législation de 2004 à l’origine de la fonction, devait servir de point de convergence entre les services de renseignement et le gouvernement américain. Il avait son mot à dire sur les questions budgétaires, mais n’avait aucun pouvoir sur les missions secrètes à l’étranger.

Blair n’aimait pas que la CIA soit en liaison directe avec la Maison Blanche pour les missions secrètes de ce genre. À ses yeux, les programmes de ce type pouvaient facilement aller au-delà de leur but initial et servir de solutions dangereusement faciles –et tentantes– à des dirigeants ne sachant plus trop comment gérer des sujets aussi complexes que, par exemple, la question de l’Iran. Blair souhaitait que chaque programme soit pleinement étudié et débattu par les membres du Congrès avant que ne soit prise la décision finale de le poursuivre, de le modifier, voire de l’abandonner. Panetta, qui ne l’entendait pas de cette oreille, rétorqua que toute tentative d’imposer des guides ou des procédures formelles à la CIA ne ferait que nuire à l’efficacité de ses programmes. Une fois que tout fut dit, au printemps 2009, le gouvernement accepta officiellement tous les programmes de la CIA à l’étranger, ouvrant la voie à un véritable déluge de financements (en 2013, par exemple, l’agence a réclamé pas moins de 14,7 milliards de dollars de budget, soit une augmentation conséquente par rapport aux 4,8 milliards qu’elle avait reçus en 1994, à en croire le Washington Post et les documents révélés par Edward Snowden).

À la même période, en demandant à la Maison-Blanche d’accroître de manière significative la guerre secrète menée par la CIA contre al-Qaïda et ses alliés, Panetta pensait pouvoir obtenir cinq des dix choses qu’il réclamait, a écrit Daniel Klaidman dans Kill or Capture. Au lieu de cela, il les obtint toutes, d’après Mazzetti, y compris des budgets pour acheter plus de drones armés et l’autorisation explicite de les utiliser dans des zones du Pakistan plus vastes qu’auparavant: «La CIA obtient tout ce qu’elle veut», aurait sèchement dit Obama à ses conseillers. Sept mois plus tard, Blair était poliment dirigé vers la sortie.

Depuis sa création en 1947, la CIA a peu à peu délaissé sa fonction première –l’espionnage de gouvernements étrangers– pour se consacrer de plus en plus à la traque et à l’assassinat de personnes ciblées dans un nombre grandissant de pays. On sait depuis un moment déjà que l’importance et l’influence croissantes de l’agence dans le combat contre-terroriste reflètent son habileté à traquer les ennemis des États-Unis à l’étranger, du Pakistan au Yémen. Il est en revanche plus surprenant de constater que la CIA est aussi devenue experte dans l’art de se sortir des scandales publics et de contrer aussi bien le DNI que ses adversaires politiques à la Maison Blanche, au Congrès, au ministère de la Défense ou dans le reste de la communauté du renseignement. Par ses machinations, la CIA a réussi à affaiblir, voire éliminer, les contrepoids les plus importants à son propre pouvoir.

Cette puissance et cette autonomie accordée à la CIA ont eu, à n’en pas douter, des répercussions importantes au niveau mondial. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, une part importante de ce que le monde associe à la politique extérieure américaine –des frappes aériennes de drones au Moyen-Orient au réseau de prisons secrètes, en passant par les tortures sur son propre territoire– trouve son origine à Langley, où se situe le siège de l’agence. Et compte tenu de la prédominance actuelle de la CIA, elle semble destinée à garder un rôle disproportionné dans la manière dont les États-Unis agissent et sont perçus à l’étranger. Étant à l’avant-poste de la nouvelle guerre qui se profile au Moyen-Orient, il y a fort à parier que sa primauté sera à nouveau mise à l’épreuve.

Aujourd’hui, la CIA est le fer de lance des efforts du gouvernement américain pour repousser l’État islamique, qui contrôle de vastes portions des territoires irakien et syrien. Dans de petites bases le long des frontières turque et jordanienne, des officiers de la CIA ont participé au recrutement et à la formation des membres de l’opposition syrienne dite modérée afin qu’ils puissent vaincre l’État islamique et, finalement, déloger de Damas le régime du président syrien Bachar el-Assad. En outre, la CIA s’est chargée de faire passer des armes et autres fournitures aux rebelles. Pendant ce temps, le Pentagone, qui dépasse de loin la CIA par sa taille, par ses ressources et par le soutien qu’il reçoit du Congrès, a envoyé ses forces spéciales dans la région pour mener quasiment les mêmes missions de formation et d’entraînement. Mais si les deux piliers de la sécurité nationale devaient entrer en conflit à propos de l’Irak et de la Syrie, on aurait tort de croire que la CIA risquerait d’être perdante. En effet, depuis le début de la guerre contre le terrorisme, il y a quatorze longues années, elle n’a cessé de remporter ce type de batailles.

Un drone Predator dans le ciel yéménite

Au printemps 2002, un drone Predator volant silencieusement dans le ciel yéménite observa un gros 4×4 sur un chemin de terre d’une région très peu peuplée de ce pays pauvre. Les techniciens en charge de la surveillance des vidéos du drone avertirent le directeur de la CIA de l’époque, George Tenet, qui supervisait les efforts pour retrouver Qaed Salim Sinan al-Harethi, le commandant d’al-Qaïda au Yémen, suspecté d’être à l’origine de l’attentat d’octobre 2000 contre l’USS Cole, qui tua dix-sept marins et en blessa des dizaines d’autres. La CIA semblait enfin tenir le terroriste. Tenet contacta le lieutenant général Michael DeLong, un haut officier du commandement central des forces américaines, et lui demanda de décider quoi faire. Dans une interview accordée à l’émission Frontline de PBS, DeLong s’est ensuite souvenu avoir entendu Tenet déclarer: «Ce 4X4… c’est là qu’il se trouve.» «Ok, c’est bon, vous pouvez le descendre», lui aurait-il répondu.

Tenet transféra l’ordre et le drone envoya un missile Hellfire vers le véhicule, qui fut pulvérisé. La frappe tua Harethi, ainsi que plusieurs activistes de rang inférieur. Premier assassinat confirmé, par un drone de la CIA, d’un terroriste recherché, l’évènement constitua un tournant dans l’étonnante mutation de l’agence, passée de «service d’espionnage traditionnel s’adonnant au vol de secrets de gouvernements étrangers», comme le décrit Mazzetti, à une «machine à tuer, un organisme entièrement dédié à la chasse à l’homme».

Le siège de la CIA à Langley (via Wikimedia Commons).

Le siège de la CIA à Langley (via Wikimedia Commons).

Cet assassinat ciblé n’entraîna aucune contestation ni aucun véritable examen de conscience au sein de la CIA. Au contraire, l’agence semblait de plus en plus à l’aise pour éliminer les ennemis des États-Unis à travers le monde. En 2004, elle s’engagea encore plus intensément dans les assassinats en engageant des professionnels extérieurs en liens avec Blackwater (société de mercenaires devenue tristement célèbre suite à divers abus en Irak) pour tuer des activistes sur le terrain. En juin 2009, Panetta informa le Congrès de l’existence de ce programme secret en ajoutant qu’il y avait mis fin rapidement après avoir pris la tête de l’agence, plus tôt dans la même année. Il déclara que les professionnels en question n’avaient tué personne –ce que confirmèrent plusieurs autres représentants de l’agence– mais cela ne put suffire à calmer la colère des parlementaires, furieux que la CIA ait pu effectivement recruter des mercenaires pour tuer des ennemis, sans véritable contrôle du gouvernement.

L’assassinat d’Harethi constitua un changement profond dans la politique de l’agence. Ce fut sans doute même un véritable bouleversement pour nombre d’anciens de la CIA, qui avaient été formés dans les années faisant directement suite aux auditions de 1975 par la commission conduite par le Démocrate de l’Idaho Frank Church, qui avait décrit en détail les tentatives avortées de la CIA visant des leaders étrangers. L’année suivante, Gerald Ford, le président de l’époque, signa l’ordre exécutif 11905, qui interdit à la CIA de s’engager dans des assassinats politiques où que ce soit dans le monde.

Néanmoins, la CIA renoua avec force avec les assassinats suite aux attentats du 11 septembre 2001, Bush et Obama faisant des drones leur arme de choix dans la chasse à l’homme menée contre les ennemis des États-Unis à travers le monde. Les représentants de la Maison Blanche et de la CIA affirment que ces véhicules sans équipage permettent un niveau de précision historiquement élevé, qui permet de faire très peu de victimes civiles. Les groupes de défense des droits humains, en revanche, ont rassemblé un nombre conséquent de preuves pour dire que les frappes ont tué des centaines de personnes innocentes.

Rien qu’au Pakistan, le Bureau of Investigative Journalism estime que les drones de la CIA ont tué pas moins de 960 civils, dont 207 enfants, entre juin 2004 et avril 2015. Le gouvernement américain, qui s’est même servi de drones contre ses propres ressortissants, ne doute pas, en revanche, de la valeur de ces appareils. «Des dizaines de dangereux chefs, formateurs, fabricants de bombes et autres hommes d’al-Qaïda ont été éradiqués du champ de bataille, a déclaré Obama en mai 2013, lors d’un long discours à propos du programme. Des projets terroristes ont été déjoués. Ils visaient des vols internationaux, les systèmes de transports américains, des villes européennes et nos troupes en Afghanistan. Pour le dire plus simplement, ces frappes ont sauvé des vies.»

La CIA avait proposé il y a fort longtemps d’utiliser les drones Predator armés auxquels Obama faisait référence –ce qui montre bien que l’agence travaillait déjà sur le contre-terrorisme bien avant que cela ne devienne la priorité de Washington. Après avoir créé son Counterterrorist Center (centre de contre-terrorisme, plus tard renommé Counterterrorism Center) en 1986, la CIA a affecté une équipe à la seule traque d’Oussama ben Laden en 1996 et, comme le dit George Tenet, alors directeur de l’agence, a déclaré «la guerre» à al-Qaïda dès 1998. «Ce n’est pas le ministre de la Défense [qui l’a déclarée], explique Hank Crumpton, qui a eu une longue carrière à la CIA avant de devenir le coordinateur du contre-terrorisme au Département d’État. Ni le directeur du FBI, ni qui que ce soit dans la communauté du renseignement n’a endossé ce type de leadership.»

L’abondance de moyens consacrés par la CIA au contre-terrorisme a rendu son incapacité à détecter ou prévenir les attentats du 11 septembre 2001 encore plus retentissante. Suite aux attentats, le gouvernement américain a créé une commission bipartisane de dix spécialistes de Washington pour examiner les circonstances du désastre et recommander des manières de réduire les risques d’autres attentats. Dans son rapport, publié en 2004, la commission fustigeait la CIA pour ne pas être parvenue à pister deux des terroristes potentiels, Khalid al-Midhar et Nawaq Alhazmi, et pour ne pas avoir «informé le FBI du visa américain de l’un des futurs terroristes, ni du voyage aux États-Unis de son acolyte». Un autre rapport, rédigé par une commission d’enquête composée de membres du Sénat et de la Chambre des représentants, permit de découvrir que la CIA savait que les deux hommes étaient en lien avec le terrorisme international, mais qu’elle n’avait transmis l’information au FBI que quelques semaines avant les attentats. Comme le découvrit la commission, ce retard fit que le FBI fut incapable de profiter du fait que l’un de ses informateurs était en relation avec l’un des terroristes. «Les contacts de l’informateur avec les terroristes, s’ils avaient été exploités, auraient fourni au FBI de San Diego ce qui aurait sans doute été la meilleure chance de la communauté du renseignement de tuer dans l’œuf le projet 11-Septembre», concluait le rapport de la commission.

La CIA s’est aussi trompée en beauté à propos de l’arsenal supposé d’armes de destruction massive de Saddam Hussein, une erreur cataclysmique qui a ouvert la voie à la guerre en Irak et a entaché la réputation de l’agence de manière indélébile. Plus récemment, on l’a accusée de n’avoir su totalement prévoir la montée de l’État islamique ou les projets russes d’invasion et d’annexion de la Crimée. Obama lui-même a semblé adresser des reproches à la CIA et aux autres agences de renseignement quand, fin 2014, il a dit que la communauté du renseignement avait, de manière collective, «sous-estimé» à quel point le chaos syrien entraînerait l’émergence de l’État islamique. La CIA et ses défenseurs insistent sur le fait que l’agence avait envoyé très tôt des avertissements tant sur les islamistes que sur Vladimir Poutine, avertissements que la Maison Blanche avait ignorés.

«Les mêmes personnes que celles avec qui elles allaient à la fac»

Grâce à plusieurs avantages bureaucratiques, la CIA a réussi à avoir un temps d’avance sur ses détracteurs et ses rivaux de la communauté du renseignement. Le DNI, position qu’occupait Blair lors de sa vaine bataille contre l’agence, n’a pas l’autorité nécessaire pour recruter ou renvoyer un directeur de la CIA; c’est une prérogative qui revient au Président. Par conséquent, les différents directeurs qui se sont succédé à la tête de la CIA ont été en relation plus directe avec ce dernier qu’avec leur propre supérieur hiérarchique, ce qui a souvent permis aux chefs de l’agence de court-circuiter le DNI en toute impunité. Et si le poste de DNI existe depuis à peine une décennie, la tradition qu’a la CIA d’entretenir des liens étroits avec la Maison Blanche et d’autres représentants du pouvoir à Washington remonte à ses origines.

En effet, si l’agence a depuis longtemps accès à d’autres centres d’influence à Washington, c’est parce qu’une grande partie de son personnel a été façonnée pour adhérer à la «structure politique américaine tendance Ivy League», à en croire un ancien analyste de la Defense Intelligence Agency (DIA), l’une des agences rivales de la CIA dans la vaste sphère du renseignement aux États-Unis. Pour les représentants de la Maison Blanche aussi bien que pour les députés les plus influents, «les personnes à la tête de la CIA ont toujours été du même type que celles avec qui elles allaient à la fac», a en croire ce spécialiste, qui tient à rester anonyme. De l’époque Eisenhower, où l’agence était dirigée par Allen Dulles (un ancien de Princeton), en passant par celle de Ford, durant laquelle la CIA avait à sa tête le futur président George H.W. Bush, un ancien de Yale, pour finir par celle d’Obama et de David Petraeus (un autre ancien de Princeton), le carnet d’adresses hérité de l’Ivy League est un atout de poids pour les cadres de la CIA.

Avec Obama, un record d’intimité a même été battu: John Brennan, le directeur actuel de la CIA, était l’un de ses principaux conseillers sur le renseignement et le contre-terrorisme durant la campagne présidentielle de 2008 et il a travaillé à la Maison-Blanche pas moins de quatre années en tant qu’assistant du Président pour les questions de sécurité intérieure et de contre-terrorisme. «Personne, dans le monde américain du renseignement, n’a jamais eu le type d’accès ou de soutien politique dont Brennan peut bénéficier», déclare l’ancien analyste de la DIA. «Maintenant, est-ce que ça va continuer comme ça? Le prochain directeur jouira-t-il du même soutien? Sans doute pas, mais il est certain que c’est le cas de Brennan.»

Lorsque Brennan a été nommé à la tête de l’agence en 2013, Obama avait entamé son second mandat et il avait compris l’importance de la CIA. John McLaughlin, qui avait été sous-directeur de l’agence avant de devenir son directeur attitré en 2004, y a passé des décennies et a travaillé pour des présidents des deux camps. Il nous affirme qu’Obama, comme de nombreux autres présidents américains avant lui, avait peu conscience de ce que fait, ou de ce que peut faire, la CIA avant d’entrer en fonction:

«Je ne pense pas qu’il ait abordé son mandat en étant hostile à la CIA, mais je pense qu’il est arrivé en s’intéressant avant tout aux affaires intérieures et qu’il a découvert par la suite que la politique extérieure allait prendre dans son mandat une place plus importante qu’il ne l’aurait pensé. C’est à ce moment qu’il a réalisé que la CIA faisait partie de sa boîte à outils et qu’il avait tout intérêt à l’utiliser.»

C’est sans doute le plus gros avantage de la CIA: elle n’a, concrètement, de comptes à rendre à personne si ce n’est au président des États-Unis. Le DIA, en charge de la collecte et de l’analyse du renseignement militaire, travaille pour le Pentagone; le FBI, qui joue un rôle clé en matière de contre-espionnage et d’antiterrorisme, dépend du ministère de la Justice; et le Bureau of Intelligence and Research, en charge de s’assurer que les services de renseignement soutiennent la diplomatie américaine, répond du Département d’État. Même la célèbre NSA, qui constitue, de loin, la partie la plus importante et la mieux financée de la communauté du renseignement aux États-Unis fait, techniquement, partie du Pentagone. Ce n’est pas le cas de la CIA. D’après Hank Crumpton, l’ancien de la CIA, il en résulte «une autorité sans précédent pour les missions secrètes… dans une guerre secrète».

Dure bataille

La CIA a dû batailler dur pour conserver ce pouvoir, même si cela a parfois impliqué de s’opposer à d’autres membres de la communauté du renseignement.

Au printemps 2012, la DIA a dévoilé un projet ambitieux visant à étendre son petit contingent d’espions, baptisé Defense Clandestine Service (DCS). Le lieutenant général Michael Flynn, qui prit la direction de la DIA en été de la même année, fit du projet une priorité absolue. En particulier, il souligna l’importance qu’il y avait à augmenter le nombre d’officiers déployés dans les zones de guerre actuelles ou potentielles afin de collecter des renseignements sur les priorités défensives, comme, par exemple, savoir quelles bases aériennes l’armée américaine pourrait utiliser en cas de crise.

L’idée fut contestée dès le départ, certains représentants de la CIA allant jusqu’à travailler activement au blocage de ce qu’ils voyaient comme un rival potentiel au National Clandestine Service (NCS) de l’agence. Anciennement baptisé Directorate of Operations (un nom que Brennan est en train de ressusciter), le NCS est le bras de la CIA consacré au renseignement humain; il vise à dérober des secrets d’importance stratégique aux organisations et gouvernements étrangers. C’est le cœur de métier de la CIA, la base de sa réputation auprès du public. Aussi, l’agence voit d’un mauvais œil toute tentative du Pentagone pouvant s’apparenter à de la concurrence. «La CIA est très chatouilleuse là-dessus, déclare Joseph DeTrani, un officier retraité de l’agence, qui a jadis officié en tant que consultant senior auprès du DNI. Le côté humain de la chose, c’est leur avantage par rapport aux autres.»

Les porte-parole de la CIA nient que l’agence ait essayé d’empêcher la création du nouveau service d’espionnage du Pentagone. Au contraire, d’après eux, la CIA y avait vu une chance de pouvoir répartir la collecte et l’analyse des flux bruts de renseignements sur les ennemis des États-Unis. Pourtant, plusieurs représentants du département d’État, retraités ou encore en poste, affirment que plusieurs membres de la CIA se sont farouchement opposés à la création du DCS, craignant un possible double emploi entre les deux agences. Flynn dut faire face à une importante opposition au sein de sa propre agence mais «il avait encore plus de détracteurs et d’ennemis en dehors, notamment dans l’autre agence à trois lettres, qui ne pensaient pas que la DIA ait besoin de voir augmenter ses prérogatives en la matière, d’après un employé du ministère de la Défense travaillant en lien étroit avec la DIA. Il y avait constamment des frictions.»

Dans cette bataille rangée, l’une des armes les plus efficaces était le contrôle de la CIA sur d’autres organes moins connus de la bureaucratie gouvernementale. Le projet de Flynn d’envoyer des espions supplémentaires à l’étranger aurait dû être suivi d’une augmentation de postes dans les ambassades américaines, où le DCS aurait pu placer ses agents sous couverture. Le Département d’État impose des limites strictes sur le nombre de ces postes diplomatiques et la CIA a la mainmise sur les postes déjà existants. Bien que ni le Département d’État, ni Langley n’aient officiellement rejeté la demande de la DIA, la lenteur de leur réponse fut un «important élément limitatif», déclare un ancien fonctionnaire du Département d’État.

Ce genre d’affrontements n’a rien de nouveau entre les deux agences, bien que la CIA ait souvent l’avantage en raison du grand nombre de ses anciens placés aux positions clés du gouvernement américain. Deux anciens directeurs de l’agence, Robert Gates et Leon Panetta, sont devenus secrétaires de la Défense après avoir quitté sa tête. Michael Vickers, autre ancien de l’agence qui aurait joué un rôle clé dans les missions secrètes de la CIA en Afghanistan dans les années 1980, a été assistant secrétaire à la Défense pour les opérations spéciales et les conflits de basse intensité de 2007 à 2011, avant d’être nommé sous-secrétaire d’État au renseignement, numéro trois du Pentagone, un poste qui lui donne autorité sur toutes les agences et tous les programmes de renseignements du Pentagone. (Vickers est parti à la retraite fin avril.) L’adjoint civil de Flynn à la DIA, David Shedd, était aussi un ancien de la CIA, tout comme son successeur, Doug Wise.

Michael Flynn partit brusquement à la retraite en août 2014. Moins de six mois plus tard, Vincent Stewart, lieutenant général des Marines, prenait les rênes de la DIA. En mars de la même année, Stewart briefait un groupe d’anciens membres de la communauté du renseignement sur les principales priorités de son mandat de directeur: «regagner» le Congrès, façonner de futurs leaders et améliorer la qualité générale du personnel de la DIA. Il ne parla pas du Defense Clandestine Service.

«De graves craintes au sujet de la CIA»

Par une journée étonnamment belle et chaude de mars 2014, la sénatrice démocrate Dianne Feinstein, alors présidente du Senate Intelligence Committee (Commission sénatoriale dédiée à la surveillance de la communauté du renseignement), s’est avancée sur une estrade en bois dans le bâtiment du Sénat, a jeté un œil à ses notes et s’est mise à proférer une série d’accusations incroyables contre la CIA. L’agence de renseignement, a-t-elle affirmé, avait violé la loi en fouillant les ordinateurs d’employés du Sénat participant depuis plusieurs années à une enquête sur la détention et les tortures subies par des personnes soupçonnées de terrorisme durant le mandat de Bush Jr.

Dianne Feinstein, le 11 mars 2014. REUTERS/Jonathan Ernst

Dianne Feinstein, le 11 mars 2014.
REUTERS/Jonathan Ernst

«J’ai de graves craintes au sujet de la CIA, qui pourrait avoir enfreint les principes de séparation des pouvoirs inscrits dans la Constitution des États-Unis d’Amérique, a-t-elle lancé. Cela pourrait avoir porté atteinte au cadre constitutionnel essentiel à une bonne surveillance par le Congrès des activités de renseignement ou de toute autre tâche gouvernementale.»

D’autres démocrates influents ont porté des accusations similaires –Patrick Leahy, sénateur du Vermont, alors président du Comité judiciaire du Sénat, a dit que ces allégations avaient de «sérieuses implications constitutionnelles»– mais ce sont celles de Feinstein qui ont fait le plus de bruit, que ce soit à l’extérieur ou au sein même de la CIA, car la sénatrice a longtemps été considérée comme l’un des plus farouches soutiens de la communauté du renseignement. En 2013, lorsque les premières révélations de Snowden ont été publiées dans les médias, elle avait écrit une tribune dans USA Today affirmant que l’immense collecte d’informations de la NSA faite lors d’écoutes téléphoniques de centaines de millions d’Américains lambda était à la fois «légale» et «un moyen efficace d’empêcher des complots terroristes contre les États-Unis et leurs alliés». Feinstein a aussi vigoureusement soutenu l’utilisation de drones par la CIA pour tuer des personnes suspectées de terrorisme (y compris certaines de nationalité américaine), sans aucune forme de procès ni aucune information sur les activités présumées qui les avaient mises dans le collimateur de l’agence.

La raison de ce revirement est digne d’un scénario de film d’espionnage et résulte d’une suite d’évènements ayant mis à mal une relation de plus de quarante ans entre la CIA et ses «contrôleurs» de Capitol Hill. En 2009, les enquêteurs du Sénat se sont lancés dans une enquête de plus de cinq ans dont est sorti un rapport de 6.000 pages sur les politiques de détention et d’interrogation de l’ère Bush, avec notamment des techniques barbares comme le waterboarding, qu’Obama lui-même a clairement qualifié de torture. Pour mener ces investigations, les enquêteurs devaient utiliser des ordinateurs fournis par la CIA, dans un local de l’agence, dans le nord de la Virginie. Dans son discours-fleuve, Feinstein a accusé la CIA d’avoir illégalement fouillé les ordinateurs des employés qui examinaient les millions de documents hautement confidentiels. Elle a soutenu que ces agissements constituaient une violation potentielle du quatrième amendement de la Constitution –qui protège contre «les enquêtes et les saisies indues»–, du Computer Fraud and Abuse Act (loi sur les fraudes et infractions dans le domaine informatique), une loi de 1986 qui fait de l’intrusion dans les ordinateurs du gouvernement sans autorisation un crime fédéral, ainsi que du décret présidentiel 12333, qui interdit à la CIA de mener des missions de surveillance intérieure.

Les représentants de l’agence, pour leur part, lancèrent aussi plusieurs accusations étonnantes. Ils reprochèrent en effet aux enquêteurs du Sénat d’avoir retiré illégalement plusieurs documents classés qui n’entraient pas dans le champ de l’enquête initiale du Congrès et qui étaient protégés par le «privilège de l’exécutif» (executive privilege). La CIA transmit ces allégations au département de la Justice et le FBI ouvrit une enquête sur les activités des enquêteurs. Pour Brennan, les allégations de Feinstein étaient «mensongères»et «totalement infondées». Feinstein demanda au département de la Justice d’ouvrir une enquête pour savoir si la CIA avait ou non enfreint la loi. En juillet 2014, Brennan finit par admettre que, comme Feinstein l’avait dit, son personnel s’était en effet introduit dans les ordinateurs des enquêteurs sénatoriaux.

Mais le véritable feu d’artifice eut lieu lorsque la Maison Blanche fit une dernière tentative pour limiter l’impact du futur rapport sur les tortures. Montrant clairement sa volonté de défendre l’agence, Obama demanda à Denis McDonough, son chef de cabinet, de prendre l’avion jusqu’à San Francisco afin de prier personnellement Feinstein d’amender d’importantes parties de son rapport. Elle consentit à faire quelques modifications de dernière minute pour faire plaisir à la Maison-Blanche, mais refusa ses autres demandes et fit publier le résumé non confidentiel de son rapport début décembre. Les agissements que les enquêteurs du Sénat avaient découverts étaient, selon elle, «une tache sur les valeurs [des États-Unis] et sur [leur] histoire».

Avalance de détails horribles

Page après page, dans une avalanche de détails particulièrement horribles, le rapport accusait la CIA d’avoir torturé des prisonniers et d’avoir systématiquement trompé le gouvernement Bush, le Congrès et le public à propos de la valeur des renseignements obtenus suite à ces brutalités (les agents menaçaient, entre autres, de violer et de tuer les mères des détenus et procédèrent de force à une «alimentation rectale» sur certains prisonniers). Dans une des sections, le rapport expliquait comment, entre fin 2002 et début 2003, un agent de la CIA qui interrogeait Abd al-Rahim al-Nashiri, un détenu suspecté d’appartenir à al-Qaïda, l’avait menacé avec une perceuse électrique. Dans une autre partie, le rapport arrivait à la conclusion que la CIA avait menti en 2011 lorsqu’elle avait affirmé que les violents interrogatoires des prisonniers d’al-Qaïda avaient permis d’obtenir des informations qui lui avaient permis de retrouver et de tuer ben Laden. En effet, le rapport indiquait que les renseignements avaient été obtenus avant même que les prisonniers soient torturés. Dans les jours qui suivirent la publication du rapport, la CIA convoqua les journalistes à Langley pour une très rare conférence de presse avec Brennan.

Le directeur de la CIA fit quelques concessions. Il désavoua le système de l’après 11-Septembre, qui permettait de détenir et d’interroger sans pitié toute personne suspectée de terrorisme. Il affirma même que certaines méthodes d’interrogatoire étaient «odieuses». Néanmoins, il irrita de nombreux élus démocrates en refusant de reprendre la terminologie d’Obama et d’admettre que l’agence avait utilisé la «torture». Il déclara également qu’il n’existait aucune loi interdisant de manière explicite ce que le personnel de l’agence avait fait aux personnes sous leur garde, ce qui signifiait qu’un futur Président pourrait de nouveau ordonner de procéder à des brutalités sur des détenus si il ou elle le décidait.

Ces commentaires déclenchèrent la colère de Feinstein, qui se tourna vers Twitter –alors que Brennan était encore en train de parler– pour contester en temps réel chaque point de son discours. «Le futur président pourrait inverser l’ordre de l’exécutif, réintroduire le programme [de techniques d’interrogatoire renforcé]. Un dispositif législatif est nécessaire», écrivit-elle dans un tweet.

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Moins de trois semaines plus tard, Feinstein envoya une lettre à Obama en précisant son intention de présenter un dispositif législatif qui pourrait, pour reprendre ses mots, «combler toutes les failles sur l’usage de la torture» en interdisant à la CIA les longues détentions de prisonniers et en empêchant le personnel de l’agence d’utiliser des méthodes d’interrogatoire non incluses dans le manuel des armées. L’utilisation de techniques d’interrogatoire sauvages comme le waterboarding serait considérée comme une violation de la loi américaine et non plus comme un outil que le Président pourrait simplement autoriser par décret.

Le fait que Feinstein ressente le besoin de rédiger un tel dispositif (voté par le Sénat en juin,mais pas encore par la Chambre des représentants) est un autre signe qui prouve qu’Obama est prêt à accepter les abus commis par la CIA durant l’ère Bush, alors qu’il avait promis d’y mettre un terme en prenant ses fonctions. Brennan, par ailleurs, reste en poste. «[Obama] est le seul à pouvoir me demander de rester ou de partir», a-t-il déclaré en mars 2014. Pour tout dire, le chef de la CIA a endossé un rôle encore plus public en incarnant les tentatives du gouvernement de vendre ses négociations controversées sur le nucléaire avec l’Iran à des législateurs sceptiques et de se défendre contre les critiques qui affirment que le gouvernement ne possède pas de stratégie pour battre l’État islamique.

Feinstein a perdu son poste à la tête de la Commission sénatoriale dédiée à la surveillance de la communauté du renseignement lorsque les Républicains ont remporté les élections de mi-mandat, en 2014, et gagné la majorité au Sénat. Le nouveau directeur de la commission, le Républicain de Caroline du Nord Richard Burr, a affirmé que la CIA n’avait pas été, ces dernières années, l’objet d’une attention publique trop faible, mais plutôt trop importante. «Je ne crois personnellement pas que ce qui se passe dans la Commission sur le renseignement doive jamais faire l’objet de débats publics», a-t-il soutenu devant des journalistes en 2014. Il a déjà mis sa déclaration en pratique: l’une de ses premières décisions, une fois à la tête de la Commission, a été d’écrire à Barack Obama une lettre lui demandant à ce que tous les exemplaires du rapport complet sur les tortures que Feinstein avait envoyé aux diverses agences de l’organe exécutif soient «immédiatement renvoyés». Des experts du privé pensent que Burr agit à la demande de la CIA, qui voudrait s’assurer que les rapports ne seront jamais rendus publics dans le cadre du Freedom of Information Act. Une preuve de plus, pour reprendre les mots d’Obama, que la CIA obtient tout ce qu’elle veut.

Source: http://www.les-crises.fr/comment-la-cia-est-devenue-incontrolable-par-yochi-dreazen-et-sean-d-naylor/