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Le pouvoir du « Niet », par Dmitry Orlov

Tuesday 2 August 2016 at 00:41

Source : Le Grand Soir, Dmitry Orlov30/07/2016

Voici la manière dont les choses sont censées fonctionner sur cette planète : aux États-Unis, les structures de pouvoir (publiques et privées) décident ce qu’elles veulent que le reste du monde fasse. Elles communiquent leurs vœux par les canaux officiels et officieux, et comptent sur une coopération automatique. Si la coopération n’intervient pas immédiatement, elles appliquent des pressions politiques, économiques et financières. Si cela ne produit toujours pas l’effet escompté, elles tentent de changer de régime par une révolution de couleur, un coup d’état militaire ou en organisant et finançant une insurrection conduisant à des attaques terroristes et à la guerre civile chez la nation récalcitrante. Si cela ne fonctionne toujours pas, ils bombardent le pays le réduisant à l’âge de pierre. C’est ainsi que cela fonctionnait dans les années 1990 et 2000, mais dernièrement une nouvelle dynamique a émergé.

Au début, elles se concentraient sur la Russie, mais le phénomène s’est depuis répandu dans le monde et est même prêt à engloutir les États-Unis eux-mêmes. Il fonctionne comme ceci : les États-Unis décident ce qu’ils veulent que la Russie fasse et communiquent leurs souhaits dans l’expectative d’une coopération automatique. La Russie dit « Niet ». Les États-Unis alors entreprennent toutes les étapes ci-dessus à l’exception de la campagne de bombardement, à cause de la puissance de dissuasion nucléaire russe. La réponse reste « Niet ». On pourrait peut-être imaginer qu’une personne intelligente au sein de la structure du pouvoir étasunien dirait : « Sur la base des preuves que nous avons devant nous, dicter nos conditions à la Russie ne fonctionne pas ; nous allons essayer de négocier de bonne foi avec elle, comme des égaux ». Et puis tout le monde applaudirait disant : « Oh ! C’est génial ! Pourquoi n’y avions-nous pas pensé ? » Mais au lieu de cela, cette personne serait le jour-même virée parce que, voyez-vous, l’hégémonie mondiale étasunienne est non-négociable. Et donc ce qui se passe à la place est que les étasuniens déconcertés, se regroupent et essayent de nouveau ; ce qui donne un spectacle tout à fait amusant.

L’ensemble de l’imbroglio Snowden était particulièrement amusant à suivre. Les États-Unis exigeaient son extradition. Les Russes ont répondu : « Niet, notre constitution l’interdit ». Et puis, de manière hilarante, quelques voix en Occident ont demandé alors que la Russie change sa constitution ! La réponse, ne nécessitant pas de traduction, était « ha-ha-ha-ha-ha ! ». L’impasse sur la Syrie est moins drôle : les étasuniens ont exigé que la Russie aille de pair avec leur plan pour renverser Bachar al-Assad. L’immuable réponse russe a été : « Niet, les Syriens décideront de leurs dirigeants, pas la Russie ni les États-Unis ». Chaque fois qu’ils l’entendent, les étasuniens se grattent la tête et … essayent de nouveau. John Kerry était tout récemment à Moscou, pour engager une « session de négociations » marathoniennes avec Poutine et Lavrov.

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« On peut voir ci-contre une photo de Kerry en discussion avec Poutine et Lavrov, à Moscou, il y a environ une semaine, et il est difficile de se méprendre sur leurs expressions. Il y a Kerry, dos à la caméra, débitant ses discours comme d’habitude. La mine de Lavrov dit : “Je n’arrive pas à croire que je doive être encore assis là pour écouter ces inepties”. La mine de Poutine dit : “Oh le pauvre idiot, il n’arrive pas à se résoudre à comprendre qu’on va lui répondre niet une fois de plus”. Kerry est rentré chez lui avec encore un autre “niet” »

Ce qu’il y a de pire est que d’autres pays entrent dans ce jeu. Les Étasuniens ont dit aux Britanniques exactement comment voter, cependant ceux-ci ont dit « Niet » et ont voté pour le Brexit. Les Étasuniens ont dit aux Européens d’accepter les conditions désastreuses que voulaient imposer leurs grandes transnationales, le Partenariat pour le commerce et l’investissement transatlantique (TTIP), et les Français ont dit « Niet, ça ne passera pas ». Les États-Unis ont organisé un nouveau coup d’état militaire en Turquie pour remplacer Erdoğan par quelqu’un qui ne tentera pas d’essayer de faire le gentil avec la Russie. Les Turcs ont dit « Niet » à cela aussi. Et maintenant, horreur des horreurs, c’est Donald Trump qui dit « Niet » à toutes sortes de choses : l’OTAN, la délocalisation des emplois étasuniens, l’entrée à des vagues de migrants, la mondialisation, les armes pour les ukrainiens nazis, le libre-échange …

L’effet psychologiquement corrosif du « Niet » sur la psyché hégémonique étasunienne ne peut être sous-estimé. Si vous êtes censé penser et agir comme un hégémon, mais où seule fonctionne la partie penser, le résultat est la dissonance cognitive. Si votre travail est d’intimider les nations tout autour, et que les nations refusent de l’être, alors votre travail devient une blague, et vous devenez un malade mental. La folie qui en résulte a récemment produit un symptôme tout à fait intéressant : quelque membres du personnel du Département d’état étasunien, ont signé une lettre – rapidement fuitée – appelant à une campagne de bombardement contre la Syrie pour renverser Bachar al-Assad. Voilà des diplomates !

La diplomatie est l’art d’éviter la guerre, par la négociation. Les diplomates qui appellent à la guerre ne sont pas tout à fait … des diplomates. On pourrait dire que ce sont des diplomates incompétents, mais ce ne serait pas suffisant (la plupart des diplomates compétents ont quitté le service pendant la seconde administration Bush, beaucoup d’entre eux à cause du dégoût d’avoir à mentir au sujet de la justification de la guerre en Irak). La vérité est, qu’ils sont malades, des va-t-en-guerre non-diplomates mentalement dérangés. Voilà la puissance de ce simple mot russe qui leur a fait perdre littéralement la tête.

Mais il serait injuste de mettre en avant le Département d’Etat. C’est l’ensemble du corps politique étasunien qui a été infecté par un miasme putride. Il imprègne toutes les choses et rend la vie misérable. En dépit de l’augmentation des problèmes, la plupart des autres choses aux États-Unis sont encore un peu gérables, mais cette chose-là : l’incapacité d’intimider l’ensemble du monde, ruine tout. C’est le milieu de l’été, la nation est à la plage. La couverture de plage est mitée et râpée, l’ombrelle trouée, les boissons gazeuses dans la glacière pleines de produits chimiques nocifs et la lecture estivale ennuyeuse … et puis il y a une baleine morte qui se décompose à proximité, dont le nom est « Niet ». Elle ruine tout simplement toute l’ambiance !

Les têtes bavardes des media et des politiciens de l’ordre établi, sont à ce moment, douloureusement conscients de ce problème, et leur réaction prévisible est de blâmer ce qu’ils perçoivent comme la source des maux : la Russie, commodément personnifiée par Poutine. « Si vous ne votez pas pour Clinton, vous votez pour Poutine » est une devise puérile nouvellement inventée. Un autre est « Trump est l’agent de Poutine ». Toute personnalité publique qui refuse de prendre une position favorable à l’ordre établi est automatiquement étiquetée « idiot utile de Poutine ». Prises au pied de la lettre, de telles allégations sont absurdes. Mais il y a une explication plus profonde en ce qui les concernent : ce qui les lie toutes ensemble est la puissance du « Niet ». Le vote pour Sanders est un vote pour le « Niet » : l’ordre établi du Parti démocrate a produit une candidate et a dit aux gens de voter pour elle, et la plupart des jeunes ont dit « Niet ». De même avec Trump : L’ordre établi du Parti républicain a fait trotter ses sept nains et dit aux gens de voter pour l’un d’eux, et pourtant la plupart des ouvriers blancs laissés pour compte ont dit « Niet » et voté pour un outsider, Blanche neige.

C’est un signe d’espoir de voir que les gens à travers le monde dominé par Washington, découvrent la puissance de « Niet ». L’ordre établi peut encore apparaître, pimpant de l’extérieur, mais sous la nouvelle peinture brillante, il cache une coque pourrie, qui prend eau à toutes les jointures. Un « Niet » suffisamment retentissant sera probablement suffisant pour le faire couler, permettant quelques changements très nécessaires. Quand cela se produira, je vous prie de vous rappeler que c’est grâce à la Russie … ou, si vous insistez, Poutine.

Dmitry Orlov

Dmitry Orlov est né à Leningrad et a immigré aux États-Unis en 1970. Il est l’auteur de Reinventing Collapse, Hold Your Applause ! et Absolutely Positive. Il publie toutes les semaines sur le très populaire blog www.ClubOrlov.com.

[Traduction Alexandre MOUMBARIS
relecture Marie-José MOUMBARIS
Pour le Comité Valmy]
éditions Démocrite,
democrite@neuf.fr

Source : Le Grand Soir, Dmitry Orlov30/07/2016

Source: http://www.les-crises.fr/le-pouvoir-du-niet-par-dmitry-orlov/


Obama n’a jamais rencontré une seule fois son chef du renseignement à la Défense, par Richard Pollock

Monday 1 August 2016 at 00:50

Source : The Daily Caller, le 12/07/2016

Rencontre entre le président Obama et le premier ministre d'Inde Narendra Modi dans le bureau ovale à la Maison-Blanche, le 7 juin 2016 à Washington DC (Photo de Dennis Brack-Pool/Getty Images)

Rencontre entre le président Obama et le premier ministre d’Inde Narendra Modi dans le bureau ovale à la Maison-Blanche, le 7 juin 2016 à Washington DC (Photo de Dennis Brack-Pool/Getty Images)

Le président Obama a nommé deux fois le lieutenant général Michael T. Flynn à des postes clés de la sécurité nationale dans son administration, y compris comme directeur adjoint du renseignement national et plus tard comme directeur de l’Agence de renseignement de la Défense, mais il n’a jamais une seule fois rencontré Flynn en personne.

Le général, qui a passé 33 ans dans le domaine du renseignement, a dit à la fondation Daily Caller News qu’il n’a jamais été appelé pour une réunion en face à face avec Obama, que ce soit pour lui donner son analyse sur Daesh en train de se déchaîner au Moyen-Orient, ou durant la débâcle politique en Libye et en Egypte, ou sur les tentatives de l’Iran de construire une bombe nucléaire, ou sur le « reset » russo-américain qui a mal fini.

En quatre ans, Flynn n’a jamais été invité pour informer le président sur une quelconque question de renseignement. Jamais.

« Voici l’essentiel de ma relation avec Obama, » a affirmé Flynn au DCNF (The Daily Caller News Foundation) dans une longue interview mardi. « Je suis là, à faire fonctionner l’une des plus grandes agences de renseignement du monde. Il m’a nommé à deux reprises — une fois comme directeur adjoint du renseignement national et une autre comme directeur de la Defense Intelligence Agency. Je suis aussi son officier supérieur du renseignement. Et j’ai combattu presque cinq ans. »

Il fait une pause, puis il ajoute : « Je ne l’ai jamais rencontré une seule fois. »

« Pour ce qui est du relationnel, c’est un gars bizarre, » a déclaré Flynn au DCNF. « Il est très distant et très lointain. Je n’étais pas dans ses priorités. Je n’apparaissais pas sur son radar, c’est vraiment déplorable. C’est incroyable. »

Maintenant, dans un retournement de situation, Flynn est conseiller du probable candidat républicain Donald Trump et il est largement présenté comme figurant sur la liste réduite des personnes pressenties comme vice-président de Trump.

Contrairement à Obama, Trump n’a pas seulement rencontré Flynn mais a passé des heures à écouter ses points de vue.

Les réponses typiques de Flynn sont franches et directes. Sur le choix possible d’être le colistier et futur vice-président de Trump : « C’est un honneur d’être pris en considération et de participer à ce mélange de talents. Le fait que je sois choisi parmi ce petit groupe pour ce poste prestigieux est la chose à laquelle je prêterai la plus grande attention. »

Et il ajoute : « J’ai dit que je voulais continuer à servir ce pays, quel que soit mon rôle. »

Comme Trump, Flynn est un personnage hors du commun qui déteste le politiquement correct.

Il vient de publier son premier livre après avoir été congédié sans ménagement par Obama en 2014 pour avoir donné une évaluation pessimiste de l’EI devant le Congrès. La présentation contredisait directement la prédiction du président estimant que l’EI était sans importance — une « JV team » [une équipe universitaire, NdT].

Flynn aurait pu choisir d’écrire le livre classique de l’initié décrivant de l’intérieur l’administration Obama. Au lieu de cela, il a fait équipe avec Michael Ledeen, expert de l’Iran et du Moyen-Orient, pour écrire un livre sérieux au sujet de la menace du terrorisme islamique intitulé « The Field of Flight: How We Can Win the Global War Against Radical Islam and Its Allies » (Le champ de bataille : comment nous pouvons gagner la guerre globale contre l’islam radical et ses alliés).

Flynn dit qu’il est impressionné par Trump. « Je l’ai rencontré. Nous nous sommes assis et avons parlé dans ses bureaux à New York. La première fois remonte à un certain temps. Je suis resté en contact avec lui et son premier cercle depuis septembre dernier, » a-t-il dit au DCNF.

« Il prend très, très au sérieux l’avenir de ce pays. C’est un auditeur attentif. J’ai eu le sentiment que nous avons eu une bonne discussion sur l’état du monde. »

À la première réunion, « il m’a posé deux ou trois questions, j’ai trouvé qu’elles étaient très révélatrices de sa perspicacité et de ses connaissances. »

Alors, a dit Flynn, les deux « ont passé en revue le monde pendant environ une heure et demie, en passant d’un sujet à l’autre. »

Flynn décrit Trump comme « très rafraîchissant ». Le candidat à la présidentielle « s’est vraiment penché profondément sur les problèmes de l’Amérique et sur ses relations avec le monde. Et aussi sur l’Amérique elle-même, » a-t-il dit.

« Mon impression — et j’ai côtoyé de nombreux bons leaders dans ma carrière — est que j’ai trouvé en lui un chef de file très fort et dynamique. Et je pense que c’est pourquoi il est si attrayant pour tant de gens dans ce pays en ce moment. »

« Trump a une vision plus ambitieuse et plus à long terme de ce pays que de simplement siéger comme président pendant quatre ans. Il a cette vision. Et voilà ce qui m’impressionne, » a dit Flynn au DCNF.

Flynn est moins charitable envers l’ancien secrétaire d’État Hillary Clinton, l’un de ses collègues de l’administration Obama.

« C’est quelqu’un qui vous donne l’impression d’avoir un autre programme secret, » dit-il. « J’ai toujours eu l’impression que là où il y avait des interférences, il y avait un autre programme caché, et pas nécessairement dans le meilleur intérêt du pays. Comme s’il y avait quelque chose d’autre derrière. »

Il pointe du doigt le « reset » russo-américain de Clinton, qu’il considère comme l’un de ses plus grands échecs. Le “reset” était une initiative de Clinton dans le but de rétablir des relations positives avec l’homme fort russe Vladimir Poutine.

« Le “”reset” a été un échec complet. C’était en quelque sorte son bébé. Elle n’a rien compris de la façon dont la Russie se comporte sur la scène mondiale, comme de la façon dont elle traite les personnes, les personnalités, ainsi que les rapports entre nations, ni de la manière dont ils nous voient, » ajoute Flynn.

« Elle a agi dans cette affaire avec arrogance et avec un manque de compréhension. »

Contrairement à certains sceptiques à Washington, Flynn pensait à l’époque que le « reset » russe pourrait fonctionner. « Cette réinitialisation des relations aurait pu effectivement se transformer en une sorte de respect mutuel. Mais en fait, sous sa direction, cela s’est complètement effondré. »

Il est également sévère sur la corruption et la Fondation Clinton : « La corruption publique entre la Fondation Clinton et le Département d’État pourrait ne jamais être découverte. Comme elle pourrait très bien être découverte bien après l’élection. Dans tous les cas, c’est un problème très réel. »

Flynn a remis en question l’acceptation par la fondation de 100 millions de dollars de donation venant des cheiks du golfe Persique.

« Le fait qu’elle accepte ne serait-ce qu’un seul dollar de l’Arabie saoudite est une honte, » a déclaré Flynn. « Tous ces pays détruisent les droits des femmes. Et ensuite, elle se tient là et clame qu’elle défend les femmes. »

Hillary Clinton « devrait rendre chaque centime qu’elle reçoit de ces gars-là, » a dit Flynn. « Ensuite seulement pourra-t-elle parler des droits des femmes. »

Source : The Daily Caller, le 12/07/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/obama-na-jamais-rencontre-une-seule-fois-son-chef-du-renseignement-a-la-defense-par-richard-pollock/


Une mise au point sur la couverture de la campagne américaine, par Stephane Trano

Monday 1 August 2016 at 00:30

Source : Marianne, Stephane Trano, 29/07/2016

Une nouvelle période de 90 jours s’ouvre, avec la conclusion de la convention nationale démocrate et le début du grand affrontement entre Donald Trump et Hillary Clinton. Une occasion de prendre un peu de recul et de réaffirmer la vocation de ce blog. Edito.

Photo BBC

Photo BBC

Tant d’inepties écrites sur Donald Trump. Tant de couronnes tressées pour Hillary Clinton. Tant de plagiats grossièrement inspirés par les agences de presse, qui font de tant de journalistes des scribes sans pensée ni talent. Tant de discours lénifiants, d’éditoriaux voulant imposer au bon peuple une pensée “convenable”, s’en prenant à ceux qui ne pensent pas bien, ces gens mal éduqués, comme dit le gourou Alain Minc, chef de file d’une clique qui alimente le feu populaire, l’exaspération et qui sait, bientôt, la violence.

Alors où en est-on, ici, dans ces colonnes? Nos convictions sont claires. Nos doutes sont nombreux. Nos principes solides.

De droite? Tout simplement et sans détour: non.

Le premier réflexe de l’homme de droite est toujours de dire « Non ». Il est ainsi naturellement préparé à récolter les fruits de toutes les peurs et de toutes les crises. Il finit toujours par avoir raison : toutes les époques “permissives”, portées par un désir de progrès social, engendrent leurs contradictions et sont fondamentalement vulnérables, face à ceux qui fantasment sur un monde propre, ordonné, prompt à la punition et à l’éradication des individus défaillants. Il pense qu’il est possible de détruire ce contingent de perturbateurs et que l’avènement d’une société où la peur du patron, du policier, du juge et du professeur dissuadera toute velléité de désordre. Il estime que l’homme mauvais contamine les autres et que seule la faiblesse rend le monde invivable. Que l’égalité des droits ne doit pas s’appliquer à certains hommes dont les comportements, les motivations, les mœurs ou les origines sont incompatibles avec l’idée qu’il se fait d’un monde où le concept même de « tolérance » est le germe d’une peste en puissance. L’homme de droite est ainsi, toujours, au rendez-vous de la colère, de la rancœur, du désir de revanche et de vengeance.  Parce qu’il ne porte aucun projet humaniste et qu’il est, de ce fait, dispensé de puiser dans le registre des « bons sentiments », il n’a qu’à attendre son heure pour triompher. C’est vrai dans toutes les sociétés humaines, et c’est vrai, également, de part et d’autre de l’Atlantique, à la veille d’élections importantes pour les Etats-Unis et pour la France.

Un choc de culture

La convention nationale démocrate, comme la républicaine qui l’a précédé, s’achève sur un constat brutal. Deux visions du monde s’opposent de manière désormais irréconciliable. A Cleveland, les républicains ont dépeint un monde en ruines et par dizaines, des intervenants sont venus tenir des discours empreints de cynisme, de méchanceté et d’insultes, avec Dieu en toile de fond, un dieu dont le projet est clairement perçu comme celui d’une grande purification. A Philadelphie, ce fut une célébration euphorique d’un monde en marche et porté par des idéaux, la négation de toute erreur et de l’auto-contemplation par des hommes et des femmes qui s’estiment meilleurs que les autres. Bien sûr, c’est l’Amérique : un pays où l’explicite est roi, ou le sous-entendu est impoli, où Dieu est en toutes choses, où la réussite individuelle est l’Alpha et l’Omega. Les républicains disent que l’Amérique est déconsidérée sur le plan international. Les démocrates estiment que leur pays est un phare pour l’Humanité. Et quel pays, au fond, quelle société, ne pense pas être le meilleur au monde ?

Un choix crucial

Les Français auraient bien tort de jeter un regard lourdement critique sur les Américains, et vice-versa. Les deux sociétés font face au même dilemme. Que le rapport de forces soit évidemment inégal n’y fait rien : l’Amérique ne dicte pas aux Français ce qu’ils doivent ressentir ou penser. Chacun va faire son choix. Nous ne sommes pas, ici, pour réécrire et paraphraser sans les citer, comme nombre de nos confrères, les dépêches des agences de presse. Les fidèles de ces colonnes en connaissent les fondements : un refus catégorique de se plier aux travers du journalisme corporatiste, des éditorialistes civilisateurs qui tordent le bras du lecteur, persuadés de leur supériorité intellectuelle. Le spectacle offert par les républicains et les démocrates, aux Etats-Unis, à la veille du réel début d’une campagne de 90 jours qui va opposer Donald Trump et Hillary Clinton, n’est rien d’autre que la version décomplexée du débat français à venir. Nous n’aimons pas plus l’acidité extrême des gens de droite que l’infinie bonne conscience des gens de gauche. Nous n’avons ni héros, ni admiration aveugle pour l’Amérique, ni jugement péremptoire sur la France qui aime tant l’auto flagellation.

Simplement, il va falloir choisir. Faire le choix de la revanche ou celui de l’adaptation. Faire un choix, sans doute, fondé sur le moindre risque, à moins que l’on ne considère justifié d’ouvrir une période, sans doute pour une dizaine d’années, où la violence sera opposée à la violence, jusqu’à ce que l’ennemi s’épuise, à moins qu’il ne s’agisse de nous.

Que chacun choisisse en conscience et en assume les conséquences, quel que soit ce choix.

Nous continuerons, ici, à dénoncer la faillite de l’intelligence et le triomphe de l’émotionnel, la coalition des bien-pensants et celle des fous de dieu, comme les évangélistes, à soutenir le droit de penser en dehors des lignes tracées par tant d’intellectuels et de journalistes lovés dans leur aristocratie spirituelle, et à défendre la libre expression. Nous le ferons, bien sûr, sans aucune faiblesse vis-à-vis de ceux qui n’ont de boussole que la haine du Juif, de l’Arabe, de l’Amérique, d’Israël, de la “gauche” en tant que prétendu monopole de la “générosité” et, finalement, de l’Autre: jamais, quel qu’en soit le prix.

Mais sans jamais, non plus, se soumettre au dogme de la politesse et de l’humanisme mou et faussement généreux.

Source : Marianne, Stephane Trano, 29/07/2016

Source: http://www.les-crises.fr/une-mise-au-point-sur-la-couverture-de-la-campagne-americaine-par-stephane-trano/


Quelle guerre financière ? Par Jean-François Gayraud

Monday 1 August 2016 at 00:10

Source : Diploweb,  Jean-François Gayraud, Pierre Verluise, 02-05-2016

Jean-François Gayraud s’est conquis un large public avec Le Monde des mafias, La Grande Fraude, Géostratégie du crime (avec François Thual) et Le Nouveau Capitalisme criminel, tous publiés aux éditions Odile Jacob. Il vient de publier L’art de la guerre financière. Pierre Verluise, Docteur en Géopolitique est le Directeur du Diploweb.com

Jean-François Gayraud vient de publier « L’art de la guerre financière » (Odile Jacob). Il répond aux questions de Pierre Verluise, Directeur du Diploweb.com. Un propos qui rompt avec la “petite musique” habituelle à propos des activités financières et de l’endettement public.

Pierre Verluise : Comment définissez-vous la finance et la guerre financière ? Quelles sont les représentations fausses à ce propos ?

Jean-François Gayraud : Depuis les années 1980, la Finance occupe une place centrale dans le fonctionnement des sociétés contemporaines. Sa position de surplomb par rapport aux échanges économiques et aux classes politiques font que cette matière ne peut plus être analysée simplement avec la focale de la “science économique”, surtout orthodoxe. Derrière la technicité se dissimulent des enjeux politiques et des luttes de pouvoir majeurs. Le diagnostic demeure incomplet et biaisé tant que la perspective “économiste”, positiviste et néoclassique, est privilégiée. Car ce qui se trame, au sens de la dramaturgie, relève de la Politique. Ainsi, fondamentalement, il n’y a jamais de crises financières, mais des choix politiques ayant des conséquences financières. Rechercher les seules explications techniques et ignorer les racines politiques, consiste à privilégier des causes immédiates et à s’aveugler sur les causes premières. Depuis la mise en œuvre des politiques de dérégulation, d’abord aux Etats-Unis puis en Europe, la finance est devenue un phénomène de pouvoir, avec de véritables puissances, en partie autonomes poursuivant des objectifs propres. La dérégulation a sorti le génie de la lampe : depuis, la haute finance s’est émancipée au détriment des Etats et des peuples. De là, le concept de guerre ne relève pas de la métaphore facile mais d’une claire prise en compte des véritables enjeux imposés par la domination inédite de la finance depuis les années 1980. Comprenons bien ce qui se joue : des puissances financières développent des formes d’hostilité en direction des Etats et des peuples ; telle est la signification exacte du concept de guerre. Il faut avoir une conception réductrice de la guerre, donc de l’hostilité, pour ne l’envisager que sous le seul angle des affrontements militaires. Ce serait oublier que l’hostilité a toujours revêtu dans l’histoire des formes diverses : certes militaire mais aussi politique, culturelle, économique ou finalement financière. Par ailleurs, cette hostilité est en partie criminelle quand on prend en compte deux dimensions. D’abord, les fraudes gigantesques, souvent systématiques et parfois à effet systémique, dont la finance se rend coupable. Ensuite les conséquences destructrices sur les populations de ses actions.

L’idéologie néolibérale est évidement rétive à toute analyse en termes d’hostilité puisque son projet tente de faire accroire que le “doux commerce” cher à Montesquieu (1689-1755) est le pacificateur ultime. Les libéraux veulent imposer l’idée que la concurrence, et non l’hostilité, est la solution ultime. Ainsi que le montrent Julien Freund et auparavant Carl Schmitt, la doxa libérale tente de dépolitiser les rapports sociaux et internationaux afin de conférer au dieu Marché la fonction d’arbitre suprême.

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Ce point acquis, la question de l’hostilité conduit ensuite vers le véritable questionnement, sous-jacent : qui est l’ennemi ? Car les vraies guerres – et non ces guerres métaphysiques telles “la guerre à la drogue, à la pauvreté ou au terrorisme”, toutes celles déclenchées à partir d’une idée vague -, impliquent des ennemis réels, donc situés géographiquement et historiquement. La désignation de l’ennemi relève d’un choix politique permettant de discerner ce qui est dangereux voire mortel. Ce nominalisme n’est pas neutre, bien au contraire : c’est fondamentalement un acte de souveraineté.

P.V. : Pourquoi parler de “grandes migrations” à propos de la guerre financière ? 

J-F G. : La mobilité est l’une des grandes tactiques de l’art militaire. Or la guerre financière, ainsi que je le démontre dans mon livre, s’appuie sur une quadruple migration : des capitaux, des élites, des dettes et des responsabilités. Ces phénomènes migratoires sont une clef d’explication importante pour comprendre la puissance des institutions financières qui mènent de véritables “guerre de mouvement”.

P. V. : Le crime financier est-il puni à la hauteur de ses conséquences ? 

J-F G. : Globalement, les crimes financiers majeurs sont impunis. Ou lorsqu’ils le sont, c’est de manière imparfaite car trop souvent dans un cadre transactionnel, ainsi que les Américains nous ont habitué à la faire avec leurs dispositifs de plea bargaining et de deffered prosecution. Les sanctions sont alors principalement financières. Elles peuvent donc être socialisées et elles fonctionnent de fait comme de simples taxes sur la fraude. Comme elles ne touchent que rarement à titre personnel les banquiers, l’incitation à la récidive est gravée dans le marbre. Les raisons de cette impunité sont multiples. Derrière les nombreuses explications conjoncturelles et techniques, il y a une causalité politique unique. Les grands crimes financiers sont des crimes engageant les élites, et non les classes modestes de la société. Les politiciens ne sont donc pas a priori incités à organiser la poursuite d’individus appartenant au même monde qu’eux ou finançant leurs campagnes. Il est par ailleurs aisé de nier l’existence de ces crimes, tant les obstacles sont évidents à leur émergence : caractérisation intellectuelle subtile, définition juridique complexe, invisibilité matérielle fréquente, et administration de la preuve souvent diabolique.

A ce titre, le bilan de la crise de 2008 aura été caricatural et révélateur des véritables rapports de force à l’œuvre aux Etats-Unis. Aucun banquier n’aura comparu devant la justice pénale. Seuls deux cadres intermédiaires auront eu ce “privilège”, dont un Français employé chez Goldman Sachs. Les fraudes avaient pourtant été évidentes et elles seules ont pu expliquer une partie de la formation de bulles immobilières et boursières à l’origine de cette crise. D’un point de vue historique, il s’agit d’une véritable régression. Il convient de se souvenir qu’après les crises de 1929 et celle des Savings and loans dans les années 1980, les Etats-Unis avaient su réagir, même imparfaitement, en usant de l’arme pénale. Ce diagnostic criminel s’est semble t-il perdu en route, étouffé par le catéchisme néolibéral et par le poids politique de Wall Street. On ne décrira jamais assez la combinaison perverse du mécanisme dual  Too big to fail et Too big to jail.

P. V. : A propos des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), pourquoi parlez d’un “concept truqueur” ? 

J.-F. G. : Avec l’acronyme BRIC, une armada d’éditorialistes et d’universitaires se sont faits les propagandistes enthousiastes et sans recul critique d’une parfaite illusion politique et économique. Le fait que cette providentielle découverte émane du monde de la finance, en l’occurrence de la banque Goldman Sachs, n’a soulevé aucun questionnement. Personne ne s’est avisé que la banque, en inventant ce concept, pouvait poursuivre un objectif moins désintéressé que la science : inciter de nouveaux pays miraculeusement adoubés dans la première classe mondiale à goûter aux « nouveaux produits financiers ». Ce concept bric-à-brac marie pourtant torchons et serviettes, niant les facteurs de différenciation (histoire, mœurs, culture, etc.) au profit d’une vague homogénéité issue d’indices économiques incertains. Si l’on comprend le sens de la supercherie imaginée par la banque new-yorkaise, l’aveuglement collectif des universitaires et des éditorialistes l’est moins. Une décennie plus tard, les BRIC ont montré leurs limites. La banque Goldman Sachs finira par avouer de longues années après qu’elle avait mis en circulation une simple marque. Son économiste en chef John O’Neill, inventeur de l’acronyme magique, expliquera qu’il s’agissait en fait d’un « simple accessoire mental » : un effet d’annonce, une recette de camelot. On pourra toujours considérer que la banque américaine ne faisait que proposer à sa clientèle des produits financiers en pariant sur les « grandes économies émergentes » : elle se lançait en fait dans une prophétie autoréalisatrice qui, une fois passée le temps de l’euphorie artificiellement suscitée, ne pouvait que sombrer.

P. V. : De manière comparative, que nous apprennent la Grèce et l’Islande ? 

J-F G. : L’histoire de l’Islande des années 2000 a valeur de métaphore, de conte voltairien. Voilà un pays qui par folie des grandeurs avait décidé de devenir un paradis fiscal et bancaire, un vaste fond spéculatif. L’Islande était devenue temporairement le 5ème pays le plus riche du monde par une politique irraisonnée de dérèglementation de tout son système financier. Toute sa richesse fictive a inéluctablement volé en éclats avec la crise de 2008. La classe politique islandaise, déjà coupable d’avoir transformé le modèle de développement économique du pays et de s’être acoquiné avec les élites bancaires, a voulu imposer un règlement orthodoxe de la faillite bancaire, en appliquant le catéchisme libéral : faire payer le contribuable ! Les Islandais ont refusé par des manifestations de rue puis lors de deux référendums, estimant insupportable “une socialisation des pertes et une privatisation des profits”. Ce sursaut démocratique et viril, qui trouve peut-être son explication dans l’ancienne culture viking, a valeur d’exemple. Cependant, il est évident que ce sursaut de souveraineté politique a été facilité par le fait que les Islandais n’avaient pas encore abdiqué leur souveraineté monétaire. Si l’Islande avait été corsetée par les traités européens et l’Euro, ce sursaut aurait probablement fait long feu ou bien se serait terminé en tragédie grecque : une camisole bancaire et l’austérité permanente. Faut-il préciser que l’Islande a recouvré sa prospérité et que la Grèce se meurt lentement ? Dans le rapport du faible au fort, les Islandais ont démontré que la résistance a payé, contre l’avis des institutions internationales, des banquiers et des économistes majoritaires.

P. V. : Les “Panama papiers” ont-ils apporté des révélations ?

J-F G. : Tout (peut-être) et rien (certainement). Commençons par le Rien.

Le dispositif global était connu depuis longtemps, documenté et analysé par des ouvrages universitaires et des enquêtes journalistiques nombreux et complets. La description de ce que j’appellerai la “triade et son outil” était tout sauf ignoré : des grandes banques ayant pignon sur rue, des territoires transformés en Etats pirates et des cabinets d’avocats spécialisés, développant des myriades de sociétés écrans. Les révélations ont plutôt porté sur des noms de particuliers et d’entreprises. Toutefois, il faudra observer dans la durée l’ampleur de ce processus de désignation de coupables présumés pour en mesurer la portée exacte. Il ne sera d’ailleurs pas indifférent à terme de comprendre l’origine réelle et les motivations de ces fuites d’informations.

Par ailleurs, la question de fond sera de savoir si, une fois l’émotion médiatique et l’effroi politique passés, ces fuites d’informations auront déclenché ou non des bouleversements tels que le phénomène de la fraude et de l’évasion fiscale auront pu être enfin jugulé. La fuite d’informations aura t-elle pour effet bénéfique de limiter durablement la fuite des capitaux ? L’histoire de cette question nous apprend qu’il y a un gouffre entre les proclamations gouvernementales suivant chaque scandale – “plus jamais ça” – et ce que les Etats font réellement une fois l’écume de l’agitation médiatique disparue.

Il me semble aussi important de souligner que la lumière crue jetée sur un pays avec les “Panama papers” ne doit pas occulter trois faits essentiels. D’abord que nous sommes en présence d’une véritable industrie mondialisée de la piraterie fiscale menée par des entreprises bancaires et juridiques a priori respectables, employant des milliers de diplômés des meilleures universités. On ne soulignera d’ailleurs jamais assez que d’un point de vue sociologique, la fraude et l’évasion fiscale profite à une partie des élites et est mise en œuvre par un segment de ces mêmes élites, du Nord comme du Sud. Ensuite, que Panama n’est pas un cas isolé, un mouton noir de la communauté internationale, mais un exemple parmi des dizaines d’autres de pays ayant décidé de faire de la haute finance douteuse un pilier de leur développement économique, et parfois leur business model. Enfin, il ne faut pas perdre de vue qu’il n’existe pas deux mondes séparés, celui d’une finance propre et de l’autre d’une finance obscure, mais un continuum dans lequel les Etat pirates et les sociétés écrans servent de ponts à ces deux univers et surtout de régulateur à un capitalisme devenu anomique.

La fin des paradis fiscaux et bancaires ne dépendra pas des seules bonnes intentions portées par l’OCDE et les Etats, mais de véritables sanctions commerciales et financières contre les Etats pirates. Faute de quoi, l’impunité et l’opacité perdureront. Il y a pourtant urgence à agir car, au delà de la dimension éthique du problème, la situation dégradée des finances publiques des Etats impose de récupérer ces dizaines de milliards qui échappent à l’impôt. L’évitement de l’impôt a toujours été un sport oligarchique, à l’image du golf ou du polo, et il faut donc analyser tous ces mécanismes et institutions de l’opacité fiscale comme une industrie de protection des riches, que cette richesse soit légale à l’origine ou issue de la criminalité. Jusqu’à présent, les Etats et les organisations internationales ont usé, par lâcheté ou impuissance, de méthodes relevant de la persuasion face aux Etats pirates. On en voit les limites aujourd’hui. Seule une politique répressive aura des effets réels et durables. Un peu de dureté ne nuit jamais.

Pour être complet sur le sujet, il faut rappeler que s’il existe objectivement des dizaines de paradis fiscaux et bancaires à travers le monde, nombre de pays pourtant victimes de ces fuites abyssales de capitaux sont, par segments, aussi de micros paradis fiscaux et bancaires. Ils le sont par exemple quand ils décident une baisse drastique des impôts pour leurs riches : la Grèce est ainsi historiquement un paradis fiscal pour ses oligarques ; et les Etats-Unis depuis les années 1980. Ou bien quand des conventions fiscales favorables sont signées avec des partenaires privilégiés : la France est depuis 2008 un paradis fiscal pour les investisseurs du Qatar.

P. V. : Beaucoup d’étudiants rêvent de “faire de la finance”. Quid de son enseignement ? 

J-F G. : “Rêver de faire de la finance” me semble une étrangeté, voire un oxymore ; encore que tout soit possible puisque l’homme moderne semble réduit à un Homo oeconomicus, un bipède consommateur, cupide et festif. Il est vrai que les plus hauts maitres de la finance affirment que la cupidité est une valeur positive. En France, le ministre de l’économie et des finances a expliqué, je cite : “Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires” (2016). J’en déduis que la finance n’est pas l’ennemi de tout le monde. Jean Tirole, lauréat du prix de la Banque de Suède, plus complaisamment appelé “prix Nobel d’économie”, répète à l’envie que “l’égoïsme est le moteur du lien social” et que “la cupidité n’est ni bonne ni mauvaise”. Vous me direz qu’il ne fait que répéter la vieille doxa libérale. Ce thuriféraire du Dieu marché omniscient est l’exemple typique de ces économistes de la finance qui fonctionnent tels des “intellectuels organiques”, pour reprendre l’expression de Gramsci. Nul hasard ainsi que Jean Tirole ait reçu le prix 2007 “Risques Les Echos” pour son livre The Theory of Corporate Finance des mains de Daniel Bouton, PDG de la Société générale. On admirera le dispositif chimiquement pur : un quotidien d’obédience libéral propriété du groupe LVMH, le PDG de l’une des plus grandes banques du monde, pour un livre forcément en anglais qui est la lingua franca de la haute finance dont le contenu sert de bréviaire aux acteurs du marché. D’ailleurs, Daniel Bouton ne cache pas son bonheur à disposer ainsi d’une base académique pour justifier ou légitimer le travail de la banque contemporaine quand il explique lors de cette remise de prix, le 7 juin 2007, ” combien le travail académique a permis de bouleverser en quelques décennies la pratique de l’activité financière. Sans recherche, il n’y aurait, pas de marchés dérivés qui ont permis la marchéïsation du financement de l’économie”. Et de préciser pour ceux qui n’auraient pas compris : ” Monsieur Jean Tirole, votre ouvrage est d’ores et déjà reconnu comme une référence. La presse scientifique, mais aussi la presse d’information générale, en particulier anglo-saxonne, ont souligné qu’il constitue le nouveau manuel de base pour tout étudiant et tout chercheur en finance d’entreprise”.

J’en profite pour souligner l’énormité des contradictions et des impostures de ces Maitres de la Haute finance qui ne cessent de prôner la transparence sur les marchés mais se refusent à se l’appliquer à eux-mêmes. Nombre de ces économistes étant des “économistes à gages”, largement rémunérés par des institutions financières pour leur travaux, conseils ou via des chaires, dans une ambiance de conflits d’intérêts hallucinante. Les mêmes banquiers se refusent à eux-mêmes cette transparence, comme l’avoue Daniel Bouton lors toujours de son discours de remise de prix à Jean Tirole : ” Ce sujet de l’asymétrie de l’information est évidement un sujet qui passionne le banquier en tant que prêteur, mais aussi l’investisseur sur les marchés. L’un comme l’autre sont, et c’est évidemment récent, avides de transparence. (…) Il reste un point sur lequel il ne faut pas accepter la transparence totale c’est la stratégie future. Il importe au plus haut point que les théoriciens de la corporate finance ne commettent pas l’erreur d’exiger cette transparence, à travers en particulier la transparence sur les règles de fixation des rémunérations des dirigeants qui souvent permettent de la découvrir.” Comprenons-bien le sens du propos en forme d’injonction intimidante : la transparence pour tous, sauf pour les rémunérations des banquiers ! Cette manière brutale d’interdire a priori un domaine de recherche à un “scientifique” en dit long sur la réalité des relations entre une “science de la finance” et ses ” universitaires” : mais le client est roi ! Le Maitre dicte ses conditions.

Il est dommage que ce goût pour la transparence ne se soit pas répandu au sein de cette grande banque universelle car elle eut peut-être permis de découvrir la gigantesque fraude de 4,9 milliards d’euros (l’affaire dite Kerviel) qui faillit la faire disparaitre par l’énormité des engagements pris sur les marchés.

On constate au final combien l’économie dominante enseignée est porteuse d’une idéologie qui avance masquée derrière les oripeaux de la science et des mathématiques, y compris à l’Université. Les conceptions hétérodoxes et non strictement mathématiques sont marginalisées, au profit d’une doxa néo classique et libérale. Une business school peut-elle développer une critique de la haute finance contemporaine quand ses financeurs sont le secteur marchand et bancaire et son objectif affiché le business ? Exigerait-on d’une école hôtelière de professer une éthique de la frugalité ?

Mais il ne faut pas trop incriminer la seule science économique. D’autres disciplines se sont montrées aveugles aux dérèglements de la haute finance et à la criminalité financière. Pourquoi la sociologie criminelle française ne s’est-elle pas emparée du sujet ? Une sociologie d’Etat qui, alliée à certains juristes, a œuvré – milité devrait-on dire – pour empêcher l’émergence en France d’une discipline criminologique autonome à l’Université.

Copyright Mai 2016-Gayraud-Verluise/Diploweb.com

Mise en page 1

4e de couverture

Les guerres financières existent.

Ce sont de vraies guerres qui tuent et paupérisent les peuples, comme on l’a vu en Grèce. Cette situation stratégique inédite s’explique par la nouvelle puissance des acteurs financiers : banques d’affaires, fonds d’investissements, milliardaires de Wall Street.

Depuis les années 1980, une finance dérégulée, mondialisée et en partie toxique s’est bâti de vastes principautés immatérielles, surplombant les économies et lançant des raids sur des États captifs et des populations tétanisées. Malgré sa responsabilité dans la crise de 2008, la finance-puissance continue d’étendre son emprise, dans l’ombre, usant de stratégies empruntant à l’art de la guerre.

Ce livre en décrypte les ruses et les tactiques. Au-delà, il donne au citoyen des raisons d’espérer : il existe des moyens pour libérer les États et les peuples de ce Léviathan d’un genre nouveau. Là où la Grèce a dû plier face aux banques, l’Islande a su s’extirper du joug de la haute finance par une insurrection démocratique.

Jean-François Gayraud s’est conquis un large public avec Le Monde des mafias, La Grande Fraude, Géostratégie du crime (avec François Thual) et Le Nouveau Capitalisme criminel, tous publiés aux éditions Odile Jacob.

Source : Diploweb,  Jean-François Gayraud, Pierre Verluise, 02-05-2016

 

 

La finance et le capitalisme sont-ils un champ de bataille ?

Source : Youtube, Jean-François Gayraud, 30-05-2016

Entretien avec Jean-François Gayraud, auteur de « L’art de la guerre financière » aux éditions Odile Jacob.
Depuis des années, Jean-François Gayraud martèle son message : les crises économiques sont rarement systémiques, elles ont le plus souvent des origines criminelles. 2008 a confirmé son analyse. Aujourd’hui il précise sa pensée avec « L’art de la guerre financière ».

Source : Youtube, Jean-François Gayraud, 30-05-2016

Source: http://www.les-crises.fr/quelle-guerre-financiere-par-jean-francois-gayraud/


[Vidéo] 200 terroristes sur le territoire ? Entre Ukraine, Irak, Terrorisme, Reporter de Guerre et après ? Par Thinkerview

Monday 1 August 2016 at 00:01

Source : Youtube, Thinkerview, 04-07-2016

Interview de Paul Moreira, journaliste “d’investigation”, reporter de guerre. Enregistrée le 22 juin 2016.

SUJETS :
Cash investigation, IRAK, IRAN, Guerre, Elise Lucet, Terrorisme, Daesh, Al Quaida, Forces Américaines, Armes de destructions massives, PNAC, Réalités de terrain, journalistes d’investigations, Attentats de Paris, 200 terroristes sur le territoire ?, Etat d’urgence, Fiche S, Ecoute téléphonique, Services secrets, Ben Laden, Ukraine, Massacre d’Odessa, Russie, Est de l’Ukraine, Néoconservateur, pensée de groupe , conseils pour les jeunes générations

Source : Youtube, Thinkerview, 04-07-2016

Capture d’écran 2016-07-06 à 15.42.53

Source: http://www.les-crises.fr/video-200-terroristes-sur-le-territoire-entre-ukraine-irak-terrorisme-reporter-de-guerre-et-apres-par-thinkerview/


Un manifeste inédit d’Albert Camus sur la liberté de la presse

Sunday 31 July 2016 at 02:40

Source : Javier Bonilla Saus, 18-03-2012

Albert Camus

À PROPOS DES ATTAQUES SYSTÉMATIQUES CONTRE LA PRESSE EN ÉQUATEUR, CUBA, VÉNÉZUÉLA, ARGENTINE, BOLIVIE, NICARAGUA, ETC.
UN MANIFESTE INÉDIT D´ ALBERT CAMUS SUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE
(Publié en exclusivité par “LE MONDE  INTERNATIONAL” du 18/03/2012)
Le manifeste que nous publions a été rédigé par Albert Camus (1913-1960) près de trois mois après le début de la seconde guerre mondiale. Il a alors 26 ans. Non signé, le texte est authentifié. Il est aussi d’actualité. Il pourrait tenir lieu de bréviaire à tous les journalistes et patrons de journaux qui aspirent à maintenir la liberté d’expression dans un pays en guerre ou soumis à la dictature, là où le patriotisme verrouille l’information. ” Toutes les contraintes du monde ne feront pas qu’un esprit un peu propre accepte d’être malhonnête “, écrit Camus, pour qui résister, c’est d’abord ne pas consentir au mensonge. Il ajoute : ” Un journal libre se mesure autant à ce qu’il dit qu’à ce qu’il ne dit pas. “
Cet article de Camus devait paraître le 25 novembre 1939 dans Le Soir républicain, une feuille d’information quotidienne vendue uniquement à Alger, dont Camus était le rédacteur en chef et quasiment l’unique collaborateur avec Pascal Pia. Mais l’article a été censuré. En Algérie, sa terre natale, qu’il n’a, à l’époque, jamais quittée hormis pour de brèves vacances, Camus jouit d’un petit renom. Il a déjà écrit L’Envers et l’Endroit (1937) et Noces (mai 1939). Il a milité au Parti communiste pour promouvoir l’égalité des droits entre Arabes et Européens, avant d’en être exclu à l’automne 1936 – il a consenti à cette exclusion, tant les reniements politiques du parti l’écoeuraient.
Secrétaire de la maison de la culture à Alger, il a monté la première compagnie de théâtre de la ville, adapté Le Temps du mépris, de Malraux, et joué des classiques. Sa première pièce, Révolte dans les Asturies, coécrite avec des amis, a été interdite par Augustin Rozis, le maire d’extrême droite d’Alger. Le jeune Camus, orphelin d’un père mort en 1914, fils d’une femme de ménage analphabète, fait de la littérature une reconnaissance de dette. Fidélité au milieu dont il vient, devoir de témoignage.
Pascal Pia, vieil ami d’André Malraux, l’a recruté en 1938 comme journaliste polyvalent pour Alger républicain, quotidien qui entendait défendre les valeurs du Front populaire. Ce journal tranchait avec les autres journaux d’Algérie, liés au pouvoir colonial et relais d’une idéologie réactionnaire. Ainsi Camus a publié dans Alger républicain une série d’enquêtes qui ont fait grand bruit, la plus connue étant ” Misère de la Kabylie “.
Camus est pacifiste. Mais une fois la guerre déclarée, il veut s’engager. La tuberculose dont il est atteint depuis ses 17 ans le prive des armes. Alors il écrit avec frénésie. Dans Alger républicain puis dans Le Soir républicain, qu’il lance le 15 septembre 1939, toujours avec Pascal Pia. Ces deux journaux, comme tous ceux de France, sont soumis à la censure, décrétée le 27 août. Par ses prises de position, son refus de verser dans la haine aveugle, Camus dérange. L’équipe, refusant de communiquer les articles avant la mise en page, préfère paraître en laissant visibles, par des blancs, les textes amputés par la censure. Au point que certains jours, Alger républicain et surtout Le Soir républicain sortent avec des colonnes vierges.
Moins encore qu’en métropole, la censure ne fait pas dans la nuance. Elle biffe ici, rature là. Quoi ? Des commentaires politiques, de longs articles rédigés par Camus pour la rubrique qu’il a inventée, ” Sous les éclairages de guerre “, destinée à mettre en perspective le conflit qui vient d’éclater, des citations de grands auteurs (Corneille, Diderot, Voltaire, Hugo), des communiqués officiels que n’importe qui pouvait pourtant entendre à la radio, des extraits d’articles publiés dans des journaux de la métropole (Le Pays socialiste, La Bourgogne républicaine, Le Petit Parisien, le Petit Bleu, L’Aube)…
Ce n’est jamais assez pour le chef des censeurs, le capitaine Lorit, qui ajoute d’acerbes remarques sur le travail de ses subalternes lorsqu’ils laissent passer des propos jugés inadmissibles. Comme cet article du 18 octobre, titré “Hitler et Staline”. “Il y a là un manque de discernement très regrettable “, écrit le capitaine. Ironie, trois jours plus tard, à Radio-Londres (en langue française), les auditeurs peuvent entendre ceci : “La suppression de la vérité, dans toutes les nouvelles allemandes, est le signe caractéristique du régime nazi.”
Le 24 novembre, Camus écrit ces lignes, qui seront censurées : “Un journaliste anglais, aujourd’hui, peut encore être fier de son métier, on le voit. Un journaliste français, même indépendant, ne peut pas ne pas se sentir solidaire de la honte où l’on maintient la presse française. A quand la bataille de l’Information en France ? ” Même chose pour cet article fustigeant le sentiment de capitulation : ” Des gens croient qu’à certains moments les événements politiques revêtent un caractère fatal, et suivent un cours irrésistible. Cette conception du déterminisme social est excessive. Elle méconnaît ce point essentiel : les événements politiques et sociaux sont humains, et par conséquent, n’échappent pas au contrôle humain ” (25 octobre).
Ailleurs, sous le titre ” Les marchands de mort “, il pointe la responsabilité des fabricants d’armes et l’intérêt économique qu’ils tirent des conflits. Il préconise ” la nationalisation complète de l’industrie des armes “qui ” libérerait les gouvernements de l’influence de capitalistes spécialement irresponsables, préoccupés uniquement de réaliser de gros bénéfices ” (21 novembre). Il n’oublie pas le sort des peuples colonisés en temps de guerre, dénonçant la ” brutalisation ” des minorités et les gouvernements qui ” persistent obstinément à opprimer ceux de leurs malheureux sujets qui ont le nez comme il ne faut point l’avoir, ou qui parlent une langue qu’il ne faut point parler “.
Bien que les menaces de suspension de leur journal se précisent, Albert Camus et Pascal Pia ne plient pas. Mieux, ils se révoltent. Pascal Pia adresse une lettre à M. Lorit où il se désole queLe Soir républicain soit traité comme ” hors la loi ” alors qu’il n’a fait l’objet d’aucun décret en ce sens. Parfois le tandem s’amuse des coups de ciseaux. Pascal Pia racontera que Camus, avec malice, fit remarquer à l’officier de réserve qui venait de caviarder un passage de La Guerre de Troie n’aura pas lieu qu’il était irrespectueux de faire taire Jean Giraudoux, commissaire à l’information du gouvernement français…
Le Soir républicain est interdit le 10 janvier 1940, après 117 numéros, sur ordre du gouverneur d’Alger. Camus est au chômage. Les éventuels employeurs sont dissuadés de l’embaucher à la suite de pressions politiques. Tricard, le journaliste décide de gagner Paris, où Pascal Pia lui a trouvé un poste de secrétaire de rédaction à Paris Soir. La veille de son départ, en mars 1940, il est convoqué par un commissaire de police, qui le morigène et énumère les griefs accumulés contre lui.
L’article que nous publions, ainsi que les extraits cités ci-dessus, ont été exhumés aux Archives d’outre-mer, à Aix-en-Provence. Ces écrits, datant de 1939 et 1940, ont été censurés par les autorités coloniales. Ils n’ont pas été mis au jour par les spécialistes qui se sont penchés sur l’oeuvre de Camus. Notamment Olivier Todd, à qui on doit la biographie Albert Camus, une vie (Gallimard 1996). Ni dansFragments d’un combat 1938-1940(Gallimard, ” Cahiers Albert Camus ” n° 3, 1978), de Jacqueline Lévy-Valensi et André Abbou, qui réunit des articles publiés par Camus alors qu’il habitait en Algérie.
C’est en dépouillant carton par carton que nous avons découvert les articles manquants d’Alger républicain et du Soir républicaindans les rapports de censure. Car cette dernière a pour qualité d’être une greffière rigoureuse. De même que les services des renseignements généraux, qui notent tous les faits et gestes des individus qu’ils surveillent – ce fut le cas d’Albert Camus en Algérie. C’est ainsi qu’ont surgi, sous nos yeux, les mots, les phrases, les passages et même les articles entiers qui n’avaient pas l’heur de plaire aux officiers chargés d’examiner les morasses des pages des journaux.
” Ces archives-là n’ont pas été utilisées “, confirme le spécialiste Jeanyves Guérin, qui a dirigé leDictionnaire Albert Camus (Robert Laffont, coll. ” Bouquins “, 2009). Même confirmation d’Agnès Spiquel, présidente de la Société des études camusiennes.
Dans l’inédit publié ici, Camus considère que ” la vertu de l’homme est de se maintenir en face de tout ce qui le nie “. DansL’Homme révolté, il ne dit pas autre chose, estimant que la révolte, ” c’est l’effort pour imposer l’Homme en face de ce qui le nie “.
” Les quatre commandements du journaliste libre “, à savoir la lucidité, l’ironie, le refus et l’obstination, sont les thèmes majeurs qui traversent son oeuvre romanesque, autant qu’ils structurent sa réflexion philosophique. Comme le football puis le théâtre, le journalisme a été pour Camus une communauté humaine où il s’épanouissait, une école de vie et de morale. Il y voyait de la noblesse. Il fut d’ailleurs une des plus belles voix de cette profession, contribuant à dessiner les contours d’une rigoureuse déontologie.
C’est aux lecteurs algériens que Camus a d’abord expliqué les devoirs de clairvoyance et de prudence qui incombent au journaliste, contre la propagande et le ” bourrage de crâne “. ACombat, où Pascal Pia, son mentor dans le métier, fait appel à lui en 1944, Camus poursuit sa charte de l’information, garante de la démocratie pour peu qu’elle soit ” libérée ” de l’argent : ” Informer bien au lieu d’informer vite, préciser le sens de chaque nouvelle par un commentaire approprié, instaurer un journalisme critique et, en toutes choses, ne pas admettre que la politique l’emporte sur la morale ni que celle-ci tombe dans le moralisme. “
En 1951, il laisse percer sa déception dans un entretien donné à Caliban, la revue de Jean Daniel : ” Une société qui supporte d’être distraite par une presse déshonorée et par un millier d’amuseurs cyniques (…) court à l’esclavage malgré les protestations de ceux-là mêmes qui contribuent à sa dégradation. “
Macha Séry 

Le manifeste censuré de Camus

En 1939, peu après le déclenchement de la guerre, et alors que la presse est déjà souvent censurée, l’écrivain veut publier dans le journal qu’il dirige à Alger un texte vibrant qui invite les journalistes à rester libres. Ce texte fut interdit de publication. Il est inédit. Et il reste très actuel :
“Il est difficile aujourd’hui d’évoquer la liberté de la presse sans être taxé d’extravagance, accusé d’être Mata-Hari, de se voir convaincre d’être le neveu de Staline.
Pourtant cette liberté parmi d’autres n’est qu’un des visages de la liberté tout court et l’on comprendra notre obstination à la défendre si l’on veut bien admettre qu’il n’y a point d’autre façon de gagner réellement la guerre.
Certes, toute liberté a ses limites. Encore faut-il qu’elles soient librement reconnues. Sur les obstacles qui sont apportés aujourd’hui à la liberté de pensée, nous avons d’ailleurs dit tout ce que nous avons pu dire et nous dirons encore, et à satiété, tout ce qu’il nous sera possible de dire. En particulier, nous ne nous étonnerons jamais assez, le principe de la censure une fois imposé, que la reproduction des textes publiés en France et visés par les censeurs métropolitains soit interdite au Soir républicain – le journal, publié à Alger, dont Albert Camus était rédacteur en chef à l’époque – , par exemple. Le fait qu’à cet égard un journal dépend de l’humeur ou de la compétence d’un homme démontre mieux qu’autre chose le degré d’inconscience où nous sommes parvenus.
Un des bons préceptes d’une philosophie digne de ce nom est de ne jamais se répandre en lamentations inutiles en face d’un état de fait qui ne peut plus être évité. La question en France n’est plus aujourd’hui de savoir comment préserver les libertés de la presse. Elle est de chercher comment, en face de la suppression de ces libertés, un journaliste peut rester libre. Le problème n’intéresse plus la collectivité. Il concerne l’individu.
Et justement ce qu’il nous plairait de définir ici, ce sont les conditions et les moyens par lesquels, au sein même de la guerre et de ses servitudes, la liberté peut être, non seulement préservée, mais encore manifestée. Ces moyens sont au nombre de quatre : la lucidité, le refus, l’ironie et l’obstination.
La lucidité suppose la résistance aux entraînements de la haine et au culte de la fatalité. Dans le monde de notre expérience, il est certain que tout peut être évité. La guerre elle-même, qui est un phénomène humain, peut être à tous les moments évitée ou arrêtée par des moyens humains. Il suffit de connaître l’histoire des dernières années de la politique européenne pour être certains que la guerre, quelle qu’elle soit, a des causes évidentes. Cette vue claire des choses exclut la haine aveugle et le désespoir qui laisse faire. Un journaliste libre, en 1939, ne désespère pas et lutte pour ce qu’il croit vrai comme si son action pouvait influer sur le cours des événements. Il ne publie rien qui puisse exciter à la haine ou provoquer le désespoir. Tout cela est en son pouvoir.
En face de la marée montante de la bêtise, il est nécessaire également d’opposer quelques refus. Toutes les contraintes du monde ne feront pas qu’un esprit un peu propre accepte d’être malhonnête. Or, et pour peu qu’on connaisse le mécanisme des informations, il est facile de s’assurer de l’authenticité d’une nouvelle. C’est à cela qu’un journaliste libre doit donner toute son attention. Car, s’il ne peut dire tout ce qu’il pense, il lui est possible de ne pas dire ce qu’il ne pense pas ou qu’il croit faux. Et c’est ainsi qu’un journal libre se mesure autant à ce qu’il dit qu’à ce qu’il ne dit pas. Cette liberté toute négative est, de loin, la plus importante de toutes, si l’on sait la maintenir. Car elle prépare l’avènement de la vraie liberté. En conséquence, un journal indépendant donne l’origine de ses informations, aide le public à les évaluer, répudie le bourrage de crâne, supprime les invectives, pallie par des commentaires l’uniformisation des informations et, en bref, sert la vérité dans la mesure humaine de ses forces. Cette mesure, si relative qu’elle soit, lui permet du moins de refuser ce qu’aucune force au monde ne pourrait lui faire accepter : servir le mensonge.
Nous en venons ainsi à l’ironie. On peut poser en principe qu’un esprit qui a le goût et les moyens d’imposer la contrainte est imperméable à l’ironie. On ne voit pas Hitler, pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, utiliser l’ironie socratique. Il reste donc que l’ironie demeure une arme sans précédent contre les trop puissants. Elle complète le refus en ce sens qu’elle permet, non plus de rejeter ce qui est faux, mais de dire souvent ce qui est vrai. Un journaliste libre, en 1939, ne se fait pas trop d’illusions sur l’intelligence de ceux qui l’oppriment. Il est pessimiste en ce qui regarde l’homme. Une vérité énoncée sur un ton dogmatique est censurée neuf fois sur dix. La même vérité dite plaisamment ne l’est que cinq fois sur dix. Cette disposition figure assez exactement les possibilités de l’intelligence humaine. Elle explique également que des journaux français comme Le Merle ou Le Canard enchaîné puissent publier régulièrement les courageux articles que l’on sait. Un journaliste libre, en 1939, est donc nécessairement ironique, encore que ce soit souvent à son corps défendant. Mais la vérité et la liberté sont des maîtresses exigeantes puisqu’elles ont peu d’amants.
Cette attitude d’esprit brièvement définie, il est évident qu’elle ne saurait se soutenir efficacement sans un minimum d’obstination. Bien des obstacles sont mis à la liberté d’expression. Ce ne sont pas les plus sévères qui peuvent décourager un esprit. Car les menaces, les suspensions, les poursuites obtiennent généralement en France l’effet contraire à celui qu’on se propose. Mais il faut convenir qu’il est des obstacles décourageants : la constance dans la sottise, la veulerie organisée, l’inintelligence agressive, et nous en passons. Là est le grand obstacle dont il faut triompher. L’obstination est ici vertu cardinale. Par un paradoxe curieux mais évident, elle se met alors au service de l’objectivité et de la tolérance.
Voici donc un ensemble de règles pour préserver la liberté jusqu’au sein de la servitude. Et après ?, dira-t-on. Après ? Ne soyons pas trop pressés. Si seulement chaque Français voulait bien maintenir dans sa sphère tout ce qu’il croit vrai et juste, s’il voulait aider pour sa faible part au maintien de la liberté, résister à l’abandon et faire connaître sa volonté, alors et alors seulement cette guerre serait gagnée, au sens profond du mot.
Oui, c’est souvent à son corps défendant qu’un esprit libre de ce siècle fait sentir son ironie. Que trouver de plaisant dans ce monde enflammé ? Mais la vertu de l’homme est de se maintenir en face de tout ce qui le nie. Personne ne veut recommencer dans vingt-cinq ans la double expérience de 1914 et de 1939. Il faut donc essayer une méthode encore toute nouvelle qui serait la justice et la générosité. Mais celles-ci ne s’expriment que dans des coeurs déjà libres et dans les esprits encore clairvoyants. Former ces coeurs et ces esprits, les réveiller plutôt, c’est la tâche à la fois modeste et ambitieuse qui revient à l’homme indépendant. Il faut s’y tenir sans voir plus avant. L’histoire tiendra ou ne tiendra pas compte de ces efforts. Mais ils auront été faits.
Albert Camus
L’article que nous publions devait paraître le 25 novembre 1939 dans ” Le Soir républicain “, un quotidien limité à une feuille recto verso que Camus codirige à Alger. L’écrivain y définit ”les quatre
commandements du journaliste libre” : luciditérefusironie et obstination.
Notre collaboratrice Macha Séry a retrouvé ce texte aux Archives nationales d’outre-mer, à Aix-en-Provence (Lire son texe plus haute). Camus dénonce ici la désinformation qui gangrène déjà la France en 1939. Son manifeste va plus loin. Il est une réflexion sur le journalisme en temps de guerre. Et, plus largement, sur le choix de chacun, plus que celui de la collectivité, de se construire en homme libre.
 
ULLSTEIN BILD / ROGER-VIOLLET

Source: http://www.les-crises.fr/un-manifeste-inedit-dalbert-camus-sur-la-liberte-de-la-presse/


Turquie : les autorités révèlent le nombre de participants au putsch (+ Actualités)

Sunday 31 July 2016 at 02:15

Un  putsch secret avec 8 600 personnes : bien sûr !!!

Source : Sputnik News27/07/2016

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Les autorités turques ont dévoilé le nombre de participants à la tentative de coup d’Etat du 16 juillet.

Il s’agit au total de 8 651 militaires, soit 1,5% des effectifs de l’armée. Selon les enquêteurs, pour se reconnaître, les putschistes utilisaient des signes sur les billets de 1 dollar.

Selon la chaîne turque NTV, les comploteurs ont engagé trois navires de guerre, des dizaines de chars et d’avions, ainsi que des centaines de véhicules blindés.

Le gouvernement indique dans un communiqué que les putschistes ont suivi les instructions de l’imam Fethullah Gulen, en exil dans l’Etat américain de Pennsylvanie depuis 1999.

Les militaires, pour leur part, ont utilisé 35 avions, dont 24 chasseurs, et 37 hélicoptères, ainsi que 3.992  armes à feu, 74 chars, 246 véhicules blindés et trois navires de la marine turque.

Le ministre turc de la Justice Bekir Bozdag a annoncé que des dollars américains ont été trouvés pendant les perquisitions chez de nombreux conspirateurs. Ces billets de 1 dollar servaient aux putschistes à se reconnaître entre eux. Ainsi, la lettre F sur le billet signifiait l’appartenance à la position supérieure dans la hiérarchie, et les lettres J et C indiquaient un rang inférieur.

Le ministère de l’Intérieur fait état de l’interpellation de plus de 15.000 personnes, dont 10.000 militaires. Reuters communique que 8.113 personnes ont été arrêtées.

Source : Sputnik News27/07/2016

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Ah oui, on comprend mieux : si tu as un billet d’1 dollar, tu es suspect…

Turquie : des universitaires arrêtés pour possession de dollar… ensorcelé

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la suite des accusations du président Erdogan contre les membres du mouvement Gülen, une purge de grande envergure qui s’apparente à une véritable chasse aux sorcières en Turquie a été lancée. Les autorités chargées de l’enquête se focalisent surtout sur la recherche de preuves incriminant Fethullah Gülen et son mouvement.

Curieusement, dans cette frénésie montante, des éléments aberrants et parfois irrationnels peuvent être retenus comme éléments de preuves ayant la particularité d’avoir un rapport avec les fameuses théories du complot autour du mouvement Gülen, des États-Unis et de la franc-maçonnerie.

La dernière en date concerne le billet d’un dollar américain, retrouvé sur des personnes présumées en lien avec le mouvement Gülen. La théorie selon laquelle le mouvement Gülen serait une organisation maçonnique à la merci des États-Unis est très répandue dans une partie de population turque. Depuis 2013, le gouvernement turc cherche à renforcer sa position en utilisant ces rumeurs symptomatiques de l’obsession turque pour les théories du complot.

Le dollar américain comme preuve de la culpabilité de Gülen

Ces derniers jours, les médias pro-AKP font état d’un élément de preuve accablant les sympathisants du mouvement Gülen.

En effet, lors des investigations et des perquisitions, les enquêteurs auraient mis la main sur un mystérieux billet de 1 dollar retrouvé sur certaines personnes impliquées dans le putsch raté. Plus étonnant encore, on retrouve ce fameux billet dans les différents cadres des institutions tels que les militaires, les magistrats et les instituteurs.

Pour les enquêteurs, le point commun à tous ces billets de dollar américain, serait Gülen qui les distribuerait à tous ses sympathisants. Les lettres F, C et J au début du numéro de série permettraient d’établir la hiérarchie au sein du mouvement.

Le mystère autour des billets de dollar ensorcelés

Les journaux pro-Akp titraient aujourd’hui «l’énigme du dollar élucidé».  En effet, selon leurs sources, Gülen aurait distribué des billets d’un dollar américain qui seraient en réalité ensorcelés. Avec ces billets, Gülen aurait envisagé de garder le contrôle sur les sympathisants qui lui sont dévoués.

L’effervescence autour de ces billets ne semble pas s’arrêter là. Toujours selon les mêmes sources, « ces billets seraient en réalité des amulettes ensorcelées par les illuminatis. Il renfermerait plusieurs symboles maçonniques et occultes faisant référence au satanisme. L’œil de la providence sur le billet de dollars serait un rappel, mais aussi une menace aux gülenistes que Satan les surveille à tout instant et qu’ils doivent rester loyaux à la cause».

De nombreux universitaires sont en attendant placées en garde à vue pour être en possession de ces billets. Dans la même veine, le maire d’Ankara, Melih Gökçek, a affirmé que Gülen s’assurait de la fidélité de ses partisans grâce aux… djinns.

Source : Zaman

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Un clerc, un bouclier et un delirium tremens

Source : Chroniques du Grand Jeu22/07/2016

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Petit panaché de nouvelles…

En Irak, le fameux Moqtada Sadr, influent prêcheur chiite, a appelé à attaquer les troupes US. Quand on sait que les brigades “sadristes” comptent plusieurs dizaines de milliers de combattants et qu’elles ne jettent pas leur part au chien dans la guerre contre Daech, cela complique quelque peu la situation. Cette déclaration incendiaire est sans doute à relier aux grandes manoeuvres préparant l’après-guerre.

Car Daech est clairement sur le reculoir en Irak où ses jours sont comptés. Les petits hommes en noir ont perdu Tikrit, Ramadi, Fallujah et ne tiennent plus que Mossoul ainsi que des pans de désert. Mais en face, quel joyeux bordel, on trouve tout et son contraire : Irakiens chiites, Iraniens, Américains, Turcs (nous avions parlé de leur présence dans le nord), Kurdes PUK et Kurdes PDK (qui se détestent), PKK même (Sinjar)… Tous combattent ou disent combattre l’EI, mais tous passent leur temps à se tirer dans les pattes.

Pour qui roule Moqtada ? Sans doute pour personne. On aurait tort de le considérer comme l’homme des Iraniens ; depuis treize ans, plusieurs points de tension ont éclaté entre Téhéran et cet électron libre. Le gouvernement irakien, chiite comme lui, en a une peur bleue : on se souvient de l’invasion du parlement en avril, en pleine zone verte, pour réclamer la fin du népotisme, de la corruption et mettre en place un “gouvernement de technocrates” sans affiliation politique ou religieuse (nouvelle preuve de la complexité du personnage, religieux à la politique laïque).

A plusieurs milliers de kilomètres de Bagdad, le sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai, à Tachkent début juillet, a accouché d’une nouvelle fort intéressante. En plus de ce que nous avions déjà évoqué, l’on apprend maintenant que des discussions ont eu lieu sur la possibilité de mettre sur pied un bouclier anti-missile couvrant l’OCS !

Alors bien sûr, ils n’en sont qu’au stade des discussions, le projet pourra rencontrer un certain nombre d’obstacles pour les “petits” pays (en fait, il s’agirait d’un don russo-chinois à l’organisation) etc. Mais potentiellement, c’est énorme. L’OCS se transformerait peu à peu en véritable OTAN eurasienne (le bouclier en question faisant en quelque sorte office d’article 5). Une bulle d’exclusion sur le continent-monde, Spykman doit se retourner dans la tombe…

Un pays qui, lui, ne fait et ne fera sans doute jamais partie d’aucune organisation militaire est l’Ukraine post-Maïdan, inénarrable cirque sans fin. Sautant sur chaque bouée pour éviter de tomber dans le précipice, Tapiocashenko ne sait plus à quel saint se vouer.

Il a bondi de joie après la rupture turco-russe suite à l’incident du SU-24 et s’est mis sur son 31 pour flirter avec Erdogan. Evidemment, la volte-face du sultan a pris notre pauvre Poro totalement de court, il en aurait même avalé ses chocolats de travers. De manière puérile, il a voulu sauver la face en expliquant qu’Erdogan lui avait demandé… la permission avant d’écrire sa lettre d’excuses au Kremlin ! On peut dire tout ce qu’on veut sur le comique de Kiev, mais une chose est sûre : il nous fait rire, ce qui n’est déjà pas si mal.

Et comme tous les grands artistes, il ne s’arrête pas en si bon chemin. Début juillet, il nous a pondu un sermon fanatique sur l’Union européenne qu’on pourrait résumer ainsi : Il n’y a de Dieu que l’UE et Bruxelles est son prophète (excellent titre de Russia Insider). Notons qu’au même moment, les Britanniques votaient le Brexit et Barroso allait se caser chez ses partenaires de Goldman Sachs…

Source : Chroniques du Grand Jeu22/07/2016

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Réponse du berger à la bergère ou propagande as usual ?

Source : Chroniques du Grand Jeu24/07/2016

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Le 14 juin, le notoirement russophobe Washington Post révélait que des hackers liés au gouvernement russe avaient piraté pendant un an les ordinateurs du Parti démocrate US, notamment les dossiers concernant Donald Trump. Résumé en français de l’affaire :

Les pirates informatiques ont œuvré pendant près d’un an avant d’être stoppés. Ces hackers, liés au gouvernement russe, ont massivement fouillé et volé des données dans les ordinateurs du parti démocrate américain à Washington.

Parmi les données volées figurent les volumineux dossiers de recherches sur le passé de Donald Trump, selon le Washington Post qui a révélé l’affaire mardi 14 juin. Ces enquêtes approfondies sont menées par des collaborateurs du parti qui épluchent chaque recoin de la vie du candidat, dans le but de trouver des vulnérabilités politiques. Tous les partis mènent ce genre de recherches.

Des informaticiens du Comité démocrate national (DNC), les instances nationales du parti, ont donné l’alerte à la fin du mois d’avril, selon le quotidien. Le DNC a ensuite demandé à la société CrowdStrike d’intervenir pour identifier l’ampleur de l’intrusion et sécuriser le réseau.

Selon Dmitri Alperovitch, cofondateur de CrowdStrike, deux groupes russes distincts et bien connus s’étaient introduits à l’intérieur du réseau. Il s’agit de Cozy Bear, dont l’intrusion remonte à l’été 2015, et de Fancy Bear, qui a œuvré à partir d’avril 2016.

Cozy Bear a pu intercepter toutes les communications du parti. En 2014, ce même groupe avait réussi à pénétrer dans les systèmes de messagerie non classifiés du département d’État et de la Maison Blanche. Fancy Bear, lui, a ciblé et volé les dossiers relatifs à Donald Trump.

“Les deux intrus exécutent des missions d’espionnage politique et économique au profit du gouvernement de la Fédération de Russie et sont liés de près aux puissants services de renseignement russes”, écrit ce responsable sur le site de l’entreprise.

Si c’est vrai, voilà une délicieuse réponse du berger à la bergère. Les Etats-Unis ont passé ces dernières décennies à tenter d’influencer nombre d’élections dans des pays considérés comme stratégiques, utilisant toutes les ficelles – noyautage des médias, pression des ONG américaines, mise sur pied de “mouvements populaires spontanés”, soutien sans faille aux “opposants”, accusations de fraude… Bref, l’habituel cocktail des révolutions, ou en l’occurrence des élections colorées. La Russie elle-même a senti l’ingérence US lors de l’élection présidentielle de 2012.

Cruel retour de bâton ! Alors que l’empire tangue, que sa politique étrangère se délite, qu’il est divisé comme jamais dans son histoire (la guerre Pentagone-CIA par groupes syriens interposés restera dans les annales) et qu’un candidat, Trump, clive totalement l’establishment et la société, voilà que Moscou rend la pareille à Washington.

Le piratage du Parti démocrate, qui montre entre autres le sabotage de la candidature de Bernie Sanders par l’appareil du parti ou la collusion avec certains médias “indépendants” (défense de rire), met l’hilarante Clinton dans une situation encore un peu plus difficile après le scandale du mois dernier. Pour son directeur de campagne, c’est en trop : Moscou est derrière afin de favoriser l’élection de Trump, réputé bien plus proche des vues russes (ce qui est totalement vrai). La chose n’est donc pas invraisemblable.

Sauf que… c’est peut-être l’inverse !

L’excellent Zero Hedge donne une version totalement différente. Les pirates n’auraient rien à voir avec les services russes, il s’agirait en réalité d’un certain Guccifer 2.0, hacker roumain fameux dans le milieu et qui a donné une interview pour expliquer en détail comment il a procédé. A la question “Travaillez-vous pour les Russes ?“, il a nié catégoriquement : “Je n’aime pas les Russes et leur politique étrangère, je déteste qu’on me relie à eux.

Si cette version est la bonne, cela signifie tout simplement que le système donne dans l’habituel russian-bashing, alertant le bon peuple sur le terrible cyber-danger russe (tiens, tiens, la lutte contre la menace cyber de l’ours ne fait-elle justement pas partie des grandes résolutions de l’OTAN ?) Bref, propagande as usual, ce qui là non plus n’est pas invraisemblable.

Difficile, dans ce flot d’info et d’intox, de démêler le vrai du faux. A vous, chers lecteurs, de vous faire votre propre opinion…

Source : Chroniques du Grand Jeu24/07/2016

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Le nounours contre-attaque

Source : Chroniques du Grand Jeu27/07/2016

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Si de charmantes demoiselles sont capables d’amadouer le roi de la taïga, l’aigle américain manque, lui, cruellement de charme. Aussi n’est-il pas étonnant que l’ours ait tendance à lui voler dans les plumes ces derniers temps, que ce soit dans les travées du pouvoir à Washington ou sur le terrain syrien.

L’affaire du piratage informatique du Parti démocrate continue de faire parler. Moscou nie totalement son implication et parle de petits jeux politiciens internes. Lavrov s’est même fendu d’un commentaire pour le moins tranchant quand, interrogé par une journaliste, il a répondu en ces termes : “Je n’ai pas envie d’utiliser un mot en quatre lettres” [pour les non anglophones, il s’agit de “f.u.c.k”]

Point final, donc, nous ne serions qu’en présence d’une pauvre échappatoire du sérail démocrate afin de cacher ses turpitudes ? mmm, pas si simple… Les avis sont très divergents, l’affaire commence à prendre des proportions importantes et à partir dans tous les sens.

Pour Moon of Alabama, il ne faut y voir qu’une (habituelle) cabale anti-russe, le site rappelant d’ailleurs que l’hilarante a elle-même bénéficié de largesses financières du Kremlin : plus de 2 millions de dollars pour la Fondation Clinton et 500 000 pour le désœuvré Bill, sans doute jaloux de sa femme. Notons d’ailleurs que voilà Poutine en quelque sorte maître de l’élection américaine, les deux candidats étant d’une certaine manière ses obligés.

Zero Hedge n’est plus tout à fait sûr de la non-implication de Moscou, relevant que le fameux Guccifer 2.0 utilise plusieurs programmes en langue russe alors qu’il assurait ne pas la connaître. Barack à frites lui-même a lancé quelques insinuations. Quant aux secteurs conservateurs du spectre politique états-unien, ils sont eux aussi convaincus de la participation russe… et s’en félicitent ! Buchanan propose même le Pulitzer pour Poutine.

Décidément, il est difficile d’y voir clair. Il est assez évident que Trump a la préférence du Kremlin. Son refus de soutenir les djihadistes syriens, le réalisme de son entourage (visite de son conseilleren politique étrangère à Moscou, critique de Flynn sur la folle politique de Washington), sa prise de distance avec l’OTAN, son isolationnisme… tout cela ne peut que plaire à Moscou (et ailleurs, soit dit en passant). Surtout qu’en face, l’hilarante fiancée de Goldman Sachs et des néo-conservateurs serait plutôt sur la lancée d’un George Bush Jr. Alors, Vladimirovitch a-t-il décidé de donner un petit coup de pouce à Donald ?

Syrie justement. Nous avions évoqué en juin le curieux et culotté bombardement russe sur une base près de la frontière jordanienne :

F18 américains et Sukhois russes se sont retrouvés presque nez-à-nez dans le sud du pays. Pour être tout à fait honnête, la responsabilité de l’incident incombe surtout aux Russes qui ont pris les Américains à leur propre jeu. C’est le bien informé Moon of Alabama qui nous en offre l’explication.

Depuis des mois, Washington tente de dissuader Moscou de bombarder Al Qaeda arguant du fait que rebelles “modérés” soutenus par les Etats-Unis et djihadistes combattent côte à côte et que les premiers pourraient être malencontreusement tués, les pauvres choux. Passons sur le fait que les Américains admettent ouvertement soutenir les alliés du groupe de Ben Laden ; les victimes du 11 septembre doivent se retourner dans leur tombe, mais plus rien ne nous étonne désormais de ce qui vient d’outre-Atlantique…

Le pathétique argument de Washington – Il est difficile de séparer les modérés des djihadistes, laissez-nous plus de temps – fait perdre patience aux Russes qui voient dans ces manoeuvres dilatoires un moyen de sauver les djihadistes syriens. Aussi sont-ils allés, sans crier gare, bombarder les seuls rebelles vraiment modérés du pays, tout au sud près de la frontière jordanienne, au nez et à la barbe de leurs protecteurs. Aux cris d’orfraie américains, le facétieux Kremlin a ironiquement répondu en reprenant presque mot pour mot les propres explications de Kerry : “Des airs, il est difficile de distinguer les différents groupes rebelles”. Le message est-il passé ?

Nous en savons un peu plus maintenant. C’était apparemment une base américaine utilisée par les forces spéciales US et britanniques ! S’il n’y a pas eu de morts autres que quelques rebelles entraînés par lesdites forces, il semble qu’une vingtaine de soldats anglais aient été présents seulement la veille. Bref, on est passé tout prêt d’une crise majeure.

Or il est intéressant de noter la sécheresse de la réponse russe : “La coalition [sous direction US] est la seule responsable du risque couru par ses soldats puisqu’elle refuse de partager les informations”. Emballez c’est pesé, on voit qui est le patron en Syrie désormais…

Le bombardement a creusé un peu plus les divisions déjà béantes au sommet du pouvoir américain : la Maison blanche et le Département d’Etat ont décidé d’ignorer l’incident et de continuer les discussions avec Moscou, ce qui a rendu furieux la CIA et le Pentagone qui crient à la capitulation. De fait, il semble bien que Washington laisse désormais les mains libres aux Russes en Syrie, ce qui pourrait expliquer la tentative un peu désespérée et assez grossière des Seoud proposant à Poutine monts et merveilles (“la Russie sera encore plus puissante que l’URSS”) s’il lâche Assad.

S’il se confirme qu’Obama a définitivement jeté l’éponge, Moscou, Damas et Téhéran ont six mois pour finir la guerre, avant la prise de fonction du prochain occupant de la Maison blanche. Avec Trump, Poutine aura carte blanche de toute façon. Si c’est Clinton, les néo-cons ressortiront la tête de l’eau mais il sera un peu tard.

Source : Chroniques du Grand Jeu27/07/2016

Source: http://www.les-crises.fr/turquie-les-autorites-revelent-le-nombre-de-participants-au-putsch/


Quelle est la mission réelle de Fethullah Gülen ? Par Osman Softic

Sunday 31 July 2016 at 01:50

Article de 2014 pour mieux comprendre Fethullah Gülen….

Source : openDemocracy, le 06/02/2014

OSMAN SOFTIC, le 6 février 2014

À quel point le leader de Hizmet — un mouvement religieux, social et politique international — fait-il, sciemment ou non, partie d’une machination dont le but est de déstabiliser, voire de renverser le gouvernement turc de Recep Tayyip Erdoğan ?

Bien qu’il ait plus tôt insinué que Fethullah Gülen et ses partisans seraient responsables d’avoir tenté de discréditer le gouvernement, le premier ministre turc s’est finalement exprimé publiquement.

Recep Tayyip Erdoğan a cité Fethullah Gülen et son mouvement Hizmet (ou Cemaat) [Cemaat est un autre nom du mouvement de Gülen qui signifie « Communauté », NdT] comme les principaux coupables de la tentative de renversement de son gouvernement par un coup d’État secret, dans le but d’ébranler l’impressionnant succès économique que la Turquie a réalisé au cours de la décennie précédente, sous la direction du Parti de la Justice et du Développement (AKP).

Qui est Fethullah Gülen ? Quelle est la mission réelle de son mouvement ? Quel rôle ses partisans (ceux-là même qu’Erdoğan a accusés d’avoir « installer un État dans l’État ») jouent dans la vie politique de la Turquie ? Comment ce conflit bouillant qui est maintenant apparu entre Hizmet (qui veut dire « service » en turc) et le gouvernement d’Erdoğan pourrait se terminer ?

Protestation contre la conférence sur le mouvement de Gülen, Berlin, mars 2012/Demotix/Theo Schneider/Tous droits réservés

Protestation contre la conférence sur le mouvement de Gülen, Berlin, mars 2012/Demotix/Theo Schneider/Tous droits réservés

La formation de la nouvelle élite turque

Mohammed Fethullah Gülen, imam obscur et controversé, est né en 1941 à Korucuk, un petit village en Anatolie. Il a servi en tant qu’imam à Izmir jusqu’en 1981 lorsqu’il a officiellement cessé de prêcher activement. Bien qu’il n’ait pas de qualification islamique formelle, il est, en Occident, souvent cité comme l’une des personnalités islamiques les plus influentes au monde.

Gülen admet que Said Nursi, le réformateur islamique turc, a eu une très grande influence intellectuelle sur lui. Il a hérité de Nursi d’un profond sentiment anti-communiste et d’une propension pour le capitalisme entrepreneurial, des traits qui lui ont plus tard valu de grandes faveurs et des amis à la Central Intelligence Agency (CIA).

Hakan Yavuz, le biographe de Gülen, le décrit comme un penseur musulman dont les idées résonnent avec le calvinisme, à cause de sa promotion du capitalisme néolibéral. Cependant, à cause du manque de transparence de Hizmet, de sa confidentialité et de l’influence disproportionnée de ses partisans au sein des institutions d’État en Turquie, une comparaison de son mouvement avec celui de l’Opus Dei serait plus appropriée.

Jusqu’à maintenant, Gülen a réussi à recruter trois millions d’adhérents en Turquie, en Amérique et dans le reste du monde. Son idée était d’assurer l’alphabétisation des classes populaires et moyennes en Anatolie, imprégnée des valeurs morales de l’Islam et de science, en particulier de mathématiques, de chimie et de physique, leur permettant de former une nouvelle élite turque capable d’éradiquer le sécularisme kémaliste de la société turque et des institutions d’état, avec l’objectif de les remplacer avec des valeurs islamiques.

Bien qu’il n’y ait pas de menace claire ou de peur qu’il puisse être emprisonné par les autorités turques de l’époque, Gülen immigra aux États-Unis en 1999 sous prétexte de traitement médical. Par la suite il déclara qu’il s’était lui-même imposé l’exil.

Pendant 15 ans Gülen a dirigé son empire d’écoles secondaires, d’universités, de conglomérats d’entreprises, de sociétés financières et médiatiques, de membres de Hizmet en Turquie et partout dans le monde, quasiment par un contrôle distant depuis son complexe à Saylorsburg, une petite ville en Pennsylvanie.

Après son départ de Turquie en 2000, Gülen fut jugé par contumace pour avoir comploté pour renverser l’ordre constitutionnel turc et établir un état islamique en Turquie. Il fut acquitté. Le procureur fit appel, mais le respect de son acquittement après le procès était assuré par la cour d’appel en 2008. Gülen n’est pas revenu des États-Unis dans sa Turquie native.

Un chef pragmatique

Bien que Gülen soit dépeint en Occident comme un protagoniste de l’islam « modéré » et un pacifiste qui fait avancer le dialogue inter-religieux, son mouvement ressemble d’une certaine façon à un culte religieux dominé par le Hoca Efendi (« le professeur respecté »), tel que Gülen est perçu par ses partisans.

Son interprétation de l’islam, apparemment inspirée par la tradition soufie, est souvent présentée comme le modèle islamique le plus acceptable et le plus modéré, du point de vue des intérêts occidentaux. Dans certains centres académiques influents et des puissants cercles politiques d’Occident, l’« islam de Gülen » est considéré comme digne d’être répliqué par les musulmans du monde arabe, par les pays musulmans de l’Asie centrale et par les diasporas d’Europe, d’Amérique et d’Australie.

Ainsi, décrire Gülen comme un « dissident » serait quelque peu douteux. Il serait plus convenable de le décrire comme un chef pragmatique d’un mouvement religieux qui, avec opportunisme, a choisi une base depuis laquelle il peut superviser son réseau éducatif d’écoles et son commerce de plusieurs milliards, ainsi que son empire médiatique et financier.

De plus, auparavant, Gülen entretenait des relations amicales avec les anciens premiers ministres Tansu Ciller et Bulent Ecevit, ce qui a encore plus ébranlé l’idée qu’il était un dissident. Cependant, Gülen n’a jamais eu de proche contact avec des chefs de partis islamiques en Turquie, et il n’a pas non plus publiquement condamné l’interdiction du parti Refah [parti du bien-être, NdT], fondé par Necmettin Erbakan, dont le gouvernement fut brusquement renversé par le régime kémaliste à l’époque.

Puisqu’il a prôné la réhabilitation d’un islam conservateur et la purge des institutions d’État turques d’un inflexible sécularisme, Gülen a conseillé à ses partisans de voter pour les candidats AKP lors des élections passées, du fait que les sympathisants de Hizmet et du AKP sont musulmans, des classes populaires jusqu’aux classes moyennes en Anatolie, qui avaient été marginalisés par les élites turques séculaires pendant des décennies. En plus, Hizmet et AKP ont plaidé en faveur du capitalisme libéral comme le modèle le plus effectif de développement économique.

Au cours de la dernière décennie, le gouvernement d’Erdoğan a gagné plusieurs élections consécutives avec la majorité absolue. Cela est en grande partie grâce à Hizmet. D’un autre côté, Hizmet apprécia la liberté d’action qui en a découlé et ses activités ont prospéré sous la direction du AKP.

Bien que l’interdépendance et la complémentarité entre Hizmet et le AKP basées sur des valeurs et intérêts communs soient discutables, il n’en est pas moins qu’il y a toujours eu de réelles différences idéologiques et politiques entre eux. Ces différences ont grandi avec le temps, se transformant en un conflit ouvert qui a récemment explosé.

Du fait que les sympathisants de Hizmet ont infiltré avec brio les structures de l’État parmi les plus sensibles telles que la police, le renseignement et les ministères publics et judiciaires, il est fort possible que ce mouvement puisse avoir servi comme une opportunité pour déstabiliser et même renverser le gouvernement Erdoğan, par des acteurs internationaux bien plus puissants et sinistres.

Gülen est probablement devenu lui-même un pion très pratique dans la tentative de déstabilisation de la Turquie, précisément alors que la Turquie sortait d’un succès économique impressionnant et avait introduit des réformes complètes dans l’optique d’une réelle démocratisation et d’une émancipation culturelle. Elles incluent de prometteuses actions pour la résolution des plaintes de la minorité kurde, à un moment où la Turquie prenait également d’importantes décisions concernant une politique étrangère indépendante, qui se libérait de la tutelle des États-Unis, faisant de la Turquie une puissance forte et respectable fondée sur des principes avec ses propres valeurs morales — probablement le phénomène le plus récent dans les relations internationales contemporaines.

Une Amérique déçue

Erdoğan a raison quand il affirme que le développement rapide de la Turquie a mis ses ennemis mal à l’aise. Par conséquent, les accusations du gouvernement contre Gülen et ses partisans lui reprochant de rendre un service inestimable aux ennemis de la Turquie pourraient être fondées.

Tout au moins, les accusations d’Erdoğan contre Hizmet ne sont pas une simple théorie du complot, comme certains médias turcs et internationaux voudraient nous le faire croire.

Michael Koplow, le directeur de programme à l’Institut israélien de Washington, fait valoir qu’aucun pays ne peut remplacer le rôle stratégique de la Turquie pour les États-Unis. L’Amérique est toutefois préoccupée, car elle ne sait pas si elle peut encore faire confiance au dirigeant turc et si la Turquie peut toujours être considérée comme une alliée fiable. Des questions se posent à Washington pour savoir si la Turquie est toujours une alliée de l’Occident.

Le gouvernement des États-Unis ne cache pas son mécontentement face aux récents choix faits par la Turquie en matière de politique étrangère. Les États-Unis reprochent au gouvernement AKP de privilégier sa politique étrangère à court terme au détriment des objectifs américains à long terme dans cette région. Ces accusations portent sur les choix politiques de la Turquie vis à vis de l’Egypte et de la Syrie, en particulier sur l’aide peu critique apportée à l’opposition syrienne et les pires relations bilatérales imaginables avec Israël.

Ce que le gouvernement des États-Unis ne veut pas pardonner à la Turquie, c’est le dernier choix en date de son gouvernement d’ouvrir le marché d’approvisionnement des systèmes de défense antimissile à la Chine, un concurrent des États-Unis, plutôt qu’à un pays membre de l’OTAN.

Les États-Unis considèrent une telle politique immature et égoïste. La Turquie a bien sûr le droit de faire comme elle le souhaite, cependant, comme Koplow l’a récemment déclaré dans un entretien publié par Strategic Outlook, un groupe de réflexion et de recherche turc de Konya, l’administration Obama ne peut pas simplement ignorer une telle décision.

Les États-Unis ne peuvent pas accepter l’indépendance de la politique étrangère de la Turquie, craignant que cela ne mette à mal leurs objectifs stratégiques à long terme et leur hégémonie globale. C’est aussi une critique de la Turquie, en réponse de quoi la Turquie a menacé d’expulser l’ambassadeur des États-Unis à Ankara. Les questions sur ce que pense Erdoğan, quels sont ses plans et sur la nécessité éventuelle pour les États-Unis de modifier leur attitude face à la Turquie ont généré de vives inquiétudes et d’importantes confusions à Washington.

Il est fort probable que les États-Unis vont tenter de tirer parti des structures d’État parallèles formées des partisans de Gülen afin de déstabiliser le gouvernement AKP et éventuellement de provoquer un changement de dirigeant à la tête du gouvernement turc, en espérant que le nouveau meneur du AKP soit un partenaire plus fiable.

La mission de Gülen

En 1953, les États-Unis ont clandestinement aidé à renverser le gouvernement nationaliste Mossadegh d’Iran. Ils avaient leur part de responsabilité dans la chute de Sukarno en Indonésie en 1965, et en 1973 quand ils ont renversé le président chilien Salvador Allende. À la place de ces chefs populaires, les États-Unis ont installé quelques-uns des dictateurs les plus cruels du 20ème siècle : Shah Reza Pahlavi, Suharto et Pinochet.

En rapport avec cette analogie, il peut être intéressant de mentionner certaines allégations concernant certaines écoles de Gülen en Asie centrale qui auraient servi par le passé de couverture pratique à 130 agents de la CIA en Ouzbékistan et au Kirghizstan, qui espionnaient pour le compte du gouvernement américain tout en travaillant comme enseignants d’Anglais.

Dans ses mémoires, Osman Nuri Gundes, ancien chef de la branche d’Istanbul des services de renseignement turcs, parle même des « ponts de l’amitié » (« Bridges of Friendship ») comme nom de code pour ces opérations. Ce cas particulier d’abus présumé des écoles de Gülen par la CIA a été par la suite documenté par Sibel Edmonds dans ses mémoires « Classified Woman: Sibel Edmonds Story » (« Une femme secrète : l’histoire de Sibel Edmonds »). Edmonds est une ancienne traductrice du FBI qui, par la suite, est devenue l’une des lanceuses d’alerte les plus connues dans le domaine de la sécurité nationale.

Edmonds affirmait que le maillon clé entre Fethullah Gülen et ses manœuvres avec la CIA était Graham Fuller, un célèbre analyste du renseignement à la « RAND Corporation », ex-responsable de la CIA à Kaboul et vice-président du conseil national du renseignement.

Quoiqu’ayant réfuté les allégations sur le rôle des écoles de Gülen dans la dissimulation des agents de la CIA, Fuller a admis qu’il s’est porté garant de Gülen lorsque les services américains de l’immigration ont voulu l’expulser en 2006. Fullen a écrit une lettre au FBI et au Département de la Sécurité intérieure en faveur de Gülen. Fuller a écrit qu’il ne croyait pas que Gülen soit une menace pour l’Amérique. Grâce à ce soutien, Gülen a été autorisé à rester sur le territoire des États-Unis. L’autre personne à avoir écrit une lettre similaire en faveur de Gülen fut Morton Abramowitz, ex-agent de la CIA en Turquie, qui par la suite a occupé le poste d’ambassadeur des États-Unis dans ce même pays.

Malgré le fait que Gülen a toujours plaidé que son mouvement avait une portée éducative et non politique, les derniers évènements en Turquie montrent que son objectif ultime était d’établir un contrôle politique des différentes institutions de l’État turc, mais sans l’apparente transparence observable lors de la création d’un parti politique ou lors de la participation à des élections. Il a préféré pour cela l’infiltration des structures d’État.

Quelques indices sur ces motivations peuvent être trouvés dans l’appel de Gülen à ses partisans vers la fin des années 90 dans lequel il dit :

« Nous invitons nos amis qui occupent de hautes fonctions dans la branche législative du gouvernement et des institutions d’État à maitriser les arts administratifs, pour qu’ils puissent, le moment venu, réformer l’État turc et le rendre plus productif à tous les niveaux au nom de l’islam. Nous devons être patients et attendre le bon moment et la bonne occasion. Nous ne devons pas le faire trop tôt. »

Ce genre d’infiltration a nui à la réputation de la Turquie dans le monde, comme le montre l’arrestation d’un grand nombre d’innocents considérés être des partisans de Gülen travaillant dans la police, le ministère public et la justice. L’organisme turc de défense du droit de la presse affirmait que les journalistes Ahmet Sik et Nedim Sener ont été emprisonnés en 2011 uniquement à cause de leur travail plutôt que pour leur implication dans des activités subversives ou en lien avec des fractions ultra-nationalistes, les deux faits dont ils étaient accusés.

Dans son livre « Imam’s Army » (« Armée de l’Imam »), Ahmet Sik ne fait pas qu’énumérer les preuves de l’ingérence de Fethullah Gülen dans les affaires de la police et de la justice turques, il révèle aussi certaines activités cachées dont le but est d’aider ses partisans à obtenir un pouvoir politique et de l’influence en Turquie. Il y a des indices montrant que 95% des employés de la police en Turquie sont des sympathisants Hizmet. Cependant, certains experts récusent les accusations concernant l’infiltration. Le professeur Mucahit Bilici de l’université de New York plaide que Gülen est très soutenu et très suivi par les citoyens turcs et que Hizmet n’est pas une organisation secrète.

Contrairement à Erdoğan, qui a violemment critiqué la politique israélienne dans le passé, Gülen a cultivé des relations étroites avec Israël et les membres du lobby juif en Amérique, critiquant vivement la flottille du Mavi Marmara lorsque ses militants ont essayé de briser le blocus de la bande de Gaza. Gülen a averti qu’une telle action n’aurait pas dû avoir lieu sans l’approbation préalable des autorités israéliennes.

Le succès et la capacité d’Erdoğan à créer une Turquie économiquement forte et prospère, ainsi que sa volonté résolue à mener une politique étrangère authentique et indépendante, semblent déjà causer de sérieuses inquiétudes à Washington et en Israël. Il ne serait donc pas surprenant que l’infrastructure Hizmet de Gülen soit identifiée comme mécanisme destiné à réorienter la politique turque. Gülen, comme dans « L’empire de la peur » [allusion au roman de science-fiction de L. Ron Hubbart, NdT], comme l’a récemment mentionné Erdoğan, pourrait bien avoir été spécialement choisi pour imposer un modèle laïc recyclé à la Turquie par la plus hégémonique des puissances mondiales.

Source : openDemocracy, le 06/02/2014

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/quelle-est-la-mission-reelle-de-fethullah-gulen-par-osman-softic/


[Vidéo] À l’origine de la nullité française, par Annie Lacroix-Riz

Saturday 30 July 2016 at 00:45

Une autre intéressante interview d’Annie Lacroix-Riz (ancienne élève de l’école normale supérieure (Sèvres), agrégée d’histoire, docteur-ès-Lettres, professeur d’Histoire contemporaine à l’université Paris VII DenisDiderot). Je rappelle l’adresse de son site, plein d’études historiques, ouvertes à la critique : historiographie.info

Amusant comme certaines personnes hurlent “ATTENTION c’est une historienne marxiste !” dès qu’ils la voient, comme s’il y avait seulement 2 types d’historiens : les marxistes et ceux qui disent la vérité (dont bien entendu les historiens d’extrême-droite, qu’on ne qualifiera bien entendu jamais ainsi…). Comme si l’Histoire n’était pas une matière complexe dès qu’on s’intéresse à des macro-faits, à des interprétations, etc. On voit bien qu’on n’arrive pas à comprendre en France l’Ukraine, la Russie, la Syrie, la Turquie, l’Arabie, alors que c’est sous nos yeux, et on voudrait qu’il n’y ait aucun problème pour comprendre des faits d’il y a 70 ans !

Donc oui, vous aurez ici un regard orienté – car tous les regards sont orientés. Mais Annie Lacroix-Riz fait un énorme travail sur les sources – vous n’avez qu’à lire ses livres pour le voir, qui ouvrent des perspectives souvent très intéressantes. Après, c’est le travail des historiens de se critiquer entre pairs, comme dans toute matière scientifique… Mais les saloperies du capitalisme, c’est un marxiste qui vous en parlera le mieux – et vice-versa… 🙂

Après, il faut bien comprendre que, quand nous proposons ici une analyse différente pour sortir d’une propagande (et je rappelle le “L’histoire est un mensonge que personne ne conteste” de Napoléon), cela ne signifie pas que le regard en question soit une vérité absolue, où il faut tout croire sans se poser de questions – ce qui serait risquer de retomber dans une autre propagande…

Il faut donc lire les informations avec recul et prudence, distinguer les faits des interprétations, faire preuve d’esprit critique, comme dans tout ce que vous lisez, ici et ailleurs…  🙂

Source : Librairie Tropiques, 31-05-2016

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la population et singulièrement les classes populaire ont de sérieuses raisons de s’inquiéter du délabrement des élites françaises en cette période troublée, et bien que ça ne soit pas de nature à les rassurer, Annie Lacroix-Riz, au fil de son dernier ouvrage, nous permet d’apprendre à quel point la propension à l’opportunisme servile est coutumière de la part de nos classes dirigeantes…
Ainsi la conférence d’Annie Lacroix-Riz, consacrée aux élites françaises entre 1940 et 1944 permet-elle de découvrir à quel point le comportement et les personnalités des politiques de l’occupation (par les nazis) peuvent rappeler ceux de la classe politico-médiatique europhile et atlantiste qui se distingue assez pitoyablement aujourd’hui, “aux affaires” du pays.

Les élites françaises entre 1940 et 1944 : 1ère partie

2e partie

Source : Librairie Tropiques, 31-05-2016

 

Source: http://www.les-crises.fr/video-a-lorigine-de-la-nullite-francaise-par-annie-lacroix-riz/


Une politique de non-intervention des États-Unis au Venezuela serait un changement bienvenu [The New York Times]

Saturday 30 July 2016 at 00:30

Source : Le Grand Soir, Mark Weisbrot20/07/2016

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Cet article a été publié par le New York Times en espagnol le 8 juillet 2016, dans le cadre d’un débat présentant deux visions sur la position des Etats-Unis par rapport à la situation au Venezuela. Cet article de Mark Weisbrot était suivi du texte de Ricardo Hausmann (professeur en développement économique et directeur du Centre pour le Développement International de la Faculté Kennedy de Harvard) intitulé “Le Venezuela a besoin de l’aide internationale pour se relever”.

La meilleure chose que pourrait faire le gouvernement des Etats-Unis par rapport à ce qui se passe au Venezuela serait de ne plus intervenir, et ce indépendamment des résultats politiques.

Lors de ces 15 dernières années, Washington a occasionné de gros dégâts au Venezuela avec sa stratégie acharnée de “changement de régime”. Le mois de mars dernier, le président Obama a déclaré une nouvelle fois, de façon irrationnelle, que le Venezuela représentait une “menace extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis”, élargissant les sanctions économiques contre ce pays.

Même si ces sanctions ont une portée limitée, leurs conséquences sont importantes au niveau des prises de décisions pour les investissements, car les investisseurs savent très bien ce qui arrive habituellement aux pays qui sont dans la ligne de mire de Washington en tant que ” menace extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis”. Les sanctions, tout comme la pression provenant du gouvernement étatsunien, ont provoqué le refus de la part d’importantes institutions financières de prêts au gouvernement vénézuélien, alors qu’ils auraient été considérés comme peu risqués dans d’autres circonstances puisque garantis en or.

Washington était impliqué dans le coup d’Etat de 2002 contre le gouvernement élu du Venezuela. Le Gouvernement des Etats-Unis a reconnu avoir fourni “l’entraînement, des installations institutionnelles et d’autres moyens de soutien à des personnes et organisations” qui ont participé au coup d’Etat. Par al suite, il a augmenté le financement de groupes de l’opposition et continue aujourd’hui de leur attribuer des millions de dollars.

En 2013, Washington s’est de nouveau retrouvé isolé au niveau régional et mondial, en refusant de reconnaître les résultats des élections présidentielles (alors même qu’il n’y avait pas eu de doute quand au déroulement du processus électoral), et a soutenu les manifestants violents qui voulaient faire tomber le gouvernement. Washington a aussi soutenu politiquement des tentatives similaires en 2014.

Tout cela est très bien documenté et les journalistes qui couvrent le Venezuela en ont été informés, néanmoins il n’est pas aisé d’en trouver un parmi les médias les plus importants qui ait le courage d’écrire à ce sujet. Comme si l’on voulait informer au sujet de la situation en Ukraine sans jamais mentionner la Russie.

En effet, l’intervention des Etats-Unis au Venezuela, comme celle d’autres pays, a contribué a la polarisation politique et à alimenter un conflit qui dure depuis des années, en encourageant de diverses façons certains éléments de l’opposition à chercher une stratégie de changement de régime, laissant de côté la voie d’un changement politique pacifique.

Mettre en place une politique de non-intervention au Venezuela serait un changement énorme pour Washington, et constituerait un précédent salutaire. Après tout, le monde est déjà inondé de sang et de réfugiés à cause de la volonté des Etats-Unis de provoquer des “changements de régime” en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie et dans d’autres pays. Pourquoi ne pas essayer une autre méthode en Occident ?

Mark Weisbrot – Center for Economic and Policy Research

Traduction pour Le Grand Soir par Luis Alberto Reygada (Twitter : @la_reygada).

Mark Weisbrot est co-directeur du Centre de Recherches en Economie et Politique (Center for Economic and Policy Research, CEPR), basé à Washington, Etats-Unis ; il préside aussi l’organisation Just Foreign Policy. Il est l’auteur du livre “Echec. Ce que les ‘experts’ n’ont pas compris au sujet de l’économie globale” (Akal, Madrid, 2016).

Le CEPR est un centre de recherches indépendant et non partidiste, créé pour promouvoir le débat démocratique sur les sujets économiques et sociaux les plus importants qui affectent la population mondiale.

Source – New York Times en espagnol : http://www.nytimes.com/es/2016/07/08/mark-weisbrot-y-ricardo-hausmann-debaten-sobre-el-futuro-de-venezuela/

La version originale en anglais est disponible ici.

Source – CEPR : http://cepr.net/publicaciones/articulos-de-opinion/una-politica-de-no-intervencion-en-venezuela-seria-un-cambio-bienvenido

Source : Le Grand Soir, Mark Weisbrot20/07/2016

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Au passage :

Dilma Rousseff innocentée par un tribunal international

Source : Le Grand Soir, Lina Sankari23/07/2016

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Une cour symbolique composée de spécialistes du monde entier – dont la sénatrice communiste du Val-de-Marne Laurence Cohen – a écarté, à l’unanimité, le crime de responsabilité de la présidente brésilienne. Elle en conclut que la procédurede destitution est à ce titre illégale.

Le tribunal a rendu sa sentence. Mercredi, la présidente brésilienne Dilma Rousseff a été innocentée à l’unanimité par le tribunal international pour la démocratie, chargé de juger les modalités de la procédure de destitution, ouverte au Sénat pour maquillage présumé du déficit public en 2014, année de sa réélection. Installée à Rio de Janeiro, au Teatro Casa Grande, lieu historique de la résistance à la dictature, l’instance a été convoquée à l’initiative de Via Campesina, des Juristes pour la démocratie et du Front Brésil populaire, qui regroupe les mouvements syndicaux et politiques de gauche. Avocate et professeure de droit civil à la faculté de droit de Rio de Janeiro, Caroline Proner a expliqué que l’objectif était de mettre en débat l’ensemble des arguments et a insisté sur « la transparence » de la procédure menée par des personnalités internationalement reconnues. Lors de ce procès symbolique, ces spécialistes venus du Mexique, de France, d’Italie, d’Espagne, du Costa Rica et des États-Unis ont conclu que la procédure d’impeachment viole la Constitution brésilienne, la Convention interaméricaine des droits de l’homme et le Pacte international des droits civiques et politiques. Inspirée du tribunal Russell qui jugea les crimes de guerre américains durant la guerre du Vietnam, cette cour a été chargée de se documenter et de juger les différents aspects de la procédure brésilienne.

La procédure de destitution, « un outil putschiste utilisé par les forces antidémocratiques »

Si l’expertise indépendante commandée par le Sénat a également mis en évidence l’absence de crime de responsabilité commis par Dilma Rousseff, les sénateurs, fidèles au gouvernement intérimaire du libéral Michel Temer, pourraient pourtant condamner la présidente progressiste fin août. Selon le tribunal international, en l’absence de crime de responsabilité, la procédure de destitution s’apparente à « un outil putschiste utilisé par les forces antidémocratiques et les conservateurs pour renverser le gouvernement légalement élu ». Caroline Proner dénonce « le nouveau type de coup d’État parlementaire qui revêt les atours de la légalité ». Membre du jury, l’artiste argentin et Prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel a comparé la procédure en cours aux coups d’État de 2009 et 2012 contre les présidents du Honduras, José Manuel Zelaya, et du Paraguay, Fernando Lugo. En avril, alors qu’il s’adressait aux sénateurs brésiliens, Adolfo Pérez Esquivel a lancé : « Les intérêts du peuple du Brésil et de toute l’Amérique latine devraient être placés au-dessus des intérêts partisans des élites. » Lors de son allocution, Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne (Groupe communiste, républicain et citoyen), a dénoncé « le procès politique dont la droite et la grande bourgeoisie, qui n’ont jamais supporté que 48 millions de Brésiliens sortent de la pauvreté, s’étaient fait les instigateurs afin de maintenir leurs privilèges. Cette grande bourgeoisie d’hommes blancs aisés et d’âge mûr n’est pas à l’image de la société. C’est une politique raciste et misogyne qui revient sur le devant de la scène ». En atteste les premières réformes politiques édictées par le gouvernement intérimaire de Michel Temer. L’avocate Tania Oliveira égrène : « Le retour de la privatisation rampante, le démantèlement du Code du travail, l’augmentation du temps de travail, la réduction des dépenses publiques en matière d’éducation et de santé, la discrimination envers les femmes, les Noirs, les Indiens et tout représentant des minorités et l’abaissement de l’âge de la responsabilité pénale. » Laurence Cohen a été reçue jeudi avec les autres jurés par Dilma Rousseff afin d’exposer la décision du tribunal.

Source : Le Grand Soir, Lina Sankari23/07/2016

Source: http://www.les-crises.fr/une-politique-de-non-intervention-des-etats-unis-au-venezuela-serait-un-changement-bienvenu-the-new-york-times/