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Brexit ! Démocratie 1 – UE 0 (EDIT)

Saturday 25 June 2016 at 00:00

Donc belle et grande nouvelle ce matin :

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Bravo aux Anglais pour cette belle leçon de Démocratie !

Voici les résultats :

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On saluera les sondages, qui ont donc oscillé entre… 10 % d’avance et 10 % de retard… :

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Avant-hier :

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(LeParmentier est le JeanQuatremer du Monde pour mémoire)

Après, on sait lire une tendance, ou on ne sait pas la lire… :

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On saluera la presse avant le vote aussi :

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Réaction boursière du jour (quelle importance en vrai ?), qui fait les choux gras de la presse

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mais au moins on voit bien du coup qui bénéficie de l’UE en vrai…

Réaction du clergé ce matin :

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(belle fraternité et respect de la Démocratie)

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(cool, pourquoi ne pas l’avoir vraiment soutenu alors ?)

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National-populiste, j’adore – pourquoi pas nazi tout court, ce serait plus simple…

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  1. Ben oui : car le “jeune”, il ne vieillit jamais, ne devient jamais vieux, ne comprend donc pas avec le temps ce qu’est l’UE et ne change donc jamais d’avis…
  2. bizarre, je n’ai pas lu ça quand l’Écosse est restée dans le Royaume-Uni à cause des vieux… #GrosHypocrites

 

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(ben si ça fait éclater le pays, c’est qu’il n’était pas solide, et qu’il vaut mieux 2 pays – quelle importance sir l’Écosse est indépendante, et les Écossais plus heureux ?)

Avant :

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Après :

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J’adore :

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L’éditocrate de gôôôôôche moderne vomissant la Démocratie et tripant sur Thatcher, bienvenue au XXIe siècle…

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Bien sûr… :

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Mais on saluera ça :

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Il me semble qu’au moins 52 % des Britanniques le demandaient (beaucoup plus en vrai, ils sont vraiment démocrates là-bas…) – je dis ça, je dis rien…

Même l’AFP s’y met :

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Bref, le Démocrate est désormais vu comme un “apprenti sorcier” par le “saint des saints” du “journalisme” français, cela en dit très long…

En conclusion :

 

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Les pays qui veulent un référendum (Source) :

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Ce que voteraient les citoyens :

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Ce que veulent les citoyens :

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On voit que les européistes ne représentent que 30 % chez nous, dont la moitié d’intégristes…

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Edit :

Les gens intelligents disent :

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(belle interview à lire sur l’Obs ici)

Les autres :

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Ben un référendum en France, ce serait déjà un bon début pour savoir si les Français veulent relancer ce Titanic, non ? #Démocratie…

François dernier qui avait déjà, avec toute sa finesse politique, pris position sur ce problème intérieur anglais :

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Et donc :

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Cool – mais quelle intelligence diplomatique… Ce n’est pas comme l’infâme Poutine qui ferme sa bouche :

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Et donc maintenant, on va rentrer dans la phase “Faisons un exemple avec l’Angleterre, il est HORS DE QUESTION qu’elle aille bien en sortant de l’UE (comme la première Suisse ou Norvège venue), cela donnera des idées aux autres sinon…

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Sauf que ça va se voir, et ça faire haïr encore plus l’UE…

Mais bon…

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En tous cas, on a confirmation :

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Pensée pour le Général…

EDIT 2 : tiens, ça va être drôle…

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C’est horrible tous ces anglais qui vont bientôt mourir de faim comme en Suisse !!!!! 🙁

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(Emmanuel Macron a toujours du mal à différencier un peuple et ses élites…)

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Bien sûr… On peut revoter su Maastricht aussi ?

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(fantastique)

Pronostic solide :

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Oups :

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La Une du Monde – qui a le sens des priorités historiques :

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Bilan :

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– 8 % en France ou au  Japon, – 3 % à Londres : qui a du souci à à se faire ?

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(énorme)

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(Madrid ne pas accepter je pense…)

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(c’est sûr qu’avec 100 % de la presse europhile…)

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(ahh la civilisation…)

 

Source: http://www.les-crises.fr/brexit/


Le top des excuses pour ne pas faire de référendum sur l’UE

Friday 24 June 2016 at 10:28

Un lecteur du blog a réalisé cette magnifique compilation :

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Source: http://www.les-crises.fr/le-top-des-excuses-pour-ne-pas-faire-de-referendum-sur-lue/


[Propagande] Brexit : “Tout le monde ici vote pour la sortie” (+ Quatremer)

Friday 24 June 2016 at 10:26

Bel article de propagande…

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Source : Nouvel Obs, 23/06/2016

A Dagenham, un quartier populaire de l’Est de Londres, les électeurs votent massivement depuis ce matin pour quitter l’Union européenne, qu’ils accusent d’être à l’origine de tous leurs maux. Reportage.

John, yeux bleus vitreux sous sa casquette, s’est installé avec sa pinte de bière à une table devant la salle où a été installé le bureau de vote, à l’arrière du pub.

“C’est un jour historique, je ne veux pas en rater une miette”, explique-t-il.

Le retraité déjà titubant en profite au passage pour distiller ses consignes de vote aux électeurs qui s’enchaînent sans discontinuer : “Faut voter ‘out’ [dehors, ndlr], hein”, ordonne-t-il à un jeune qui lui semble suspicieux. Il n’a pourtant pas beaucoup de soucis à se faire. A Dagenham, ce quartier populaire de la banlieue Est de Londres où UKIP (le parti de droite populiste et europhobe de Nigel Farage) et BNP (le British National Party, une formation d’extrême droite) font le plein des voix, les drapeaux blancs frappés d’une croix rouge avec l’inscription “England” flottent partout aux fenêtres des petites maisons de briques decaties en ce jour de référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Pas un poteau, mur, barrière qui ne porte une affichette rouge “Vote Leave” [votez pour sortir, ndlr].

bref, l’europhobe est un nervi alcoolique

L’Europe, cause de tous les maux

Un attroupement de retraités s’arrêtent à la hauteur de John. Ils sont nés ici, insistent-ils, mais ne se sentent plus chez eux. “Les logements sont devenus trop chers pour y loger nos enfants, on est obligé de faire des kilomètres pour voir un médecin, les écoles publiques sont une catastrophe”, liste Laura, 80 ans, avec de faux airs de reine Elisabeth sous son chapeau rose.

“Tout cela, c’est le résultat des décisions qui sont prises par Bruxelles”.

L’Europe est considérée comme la cause de tous leurs maux, les petits comme les grands.

ce qui ne saurait être vrai, bien entendu…

Ici, la campagne menée par le Premier ministre David Cameron en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union a peu convaincu : les risques économiques que pourrait provoquer une sortie ne font trembler personne à Dagenham. “Au point où on en est, ça ne peut pas être vraiment pire…”, grommelle Tom, au chômage.

Ce sont tous les arguments ressassés par le camp du “out” pendant la campagne, que ce soit par Nigel Farage ou par les conservateurs eurosceptiques menés par l’ancien maire de Londres Boris Johnson, qui sont convoqués en ce jour de vote. Il y a John, facteur, qui veut “récupérer l’argent que l’on donne à Bruxelles et qu’on utiliserait mieux ici”, et James, livreur, qui veut que “le Royaume-Uni redevienne souverain, que ce ne soit pas Bruxelles qui nous dise ce qu’on doit faire”. Il y a Jo et Jane, retraités, qui ne décolèrent pas de voir leur fille infirmière de 40 ans et leur petit-fils être obligés de vivre chez eux parce qu’elle n’a pas les moyens de se loger. Il y aussi Dorothée et David qui avaient déjà voté “No” lors du référendum de 1975 sur l’entrée du Royaume-Uni dans l’Union européenne, qui se souviennent qu’à l’époque “le gouvernement avait bizarrement perdu des urnes”, et espèrent “ne pas se faire avoir une nouvelle fois”.

La peur de l’immigration

Il y a enfin cette grand-mère qui s’étrangle d’indignation :

“Et puis ils veulent construire une immense mosquée à deux pas d’ici. Ils ne nous ont même pas demandé notre avis ! On est submergé par les migrants sans avoir notre mot à dire. Ça aussi c’est à cause de l’Europe”.

“Immigration”. Le mot revient en boucle dans ce quartier majoritairement peuplé de classes populaires blanches : les immigrants sont accusés de prendre leur travail, leur logement, de bénéficier de la sécurité sociale sans y contribuer et d’être des terroristes en puissance…

Autant de raisons pour lesquelles ils ont tous mis un bulletin “out” dans l’urne aujourd’hui avec l’espoir qu’une fois sortis de l’Union européenne ils reprendront la main sur leur destin.

Une femme qui tient le bureau de vote confirme l’engouement pour le référendum : “A 10h, on avait déjà eu plus de 100 personnes, c’est beaucoup plus que lors des précédentes élections.”

Fracture générationnelle

Devant un centre sportif reconverti en un bureau de vote quelques rues plus loin, Mary, cuisinière scolaire, soupire : “Je sais bien que je suis une espèce rare, que tout le monde ici vote pour la sortie. Même ma voisine a un drapeau ‘leave’ à sa fenêtre.” Mais pour elle ce sera “remain” [rester, ndlr]. Comme son fils, Chris, 19 ans, qui inaugure avec ce référendum historique son droit de vote.

“J’espère que l’on restera dans l’Europe, on a tout à perdre en sortant, nous les jeunes on sait que notre avenir est en Europe. Mes potes pensent comme moi, ils votent ‘in'”, assure-t-il.

Eh oui, la mère de famille non alcoolique non raciste, elle est pour l’UE ! Comme les enfants de 19 ans, à al conscience politique suraigüe, donc…

Christopher, 36 ans, web developper, fonce tête baissée vers le bureau de vote comme s’il voulait échapper au petit groupe de têtes blanches qui palabre à l’entrée : “Contrairement à tous ces retraités qui mettent des drapeaux anglais à leurs fenêtres, je me sens européen, j’ai travaillé en Europe, ma copine est allemande”. C’est l’une des grandes fractures de ce scrutin : les jeunes sont majoritairement pro-européens, les vieux anti. 

Ou plutôt : ceux qui ont de l’expérience sont anti, ceux à peine démoulés su moule à propagande, pour… Les CSP + aussi donc.

“Mieux vaut un mal connu…”

Nick avance voûté en faisant résonner sa canne sur le pavé défoncé de la ruelle. Qu’a-t-il voté ?

Mieux vaut un mal connu qu’un bien qui reste à connaître“, nous répond-il malicieusement.

Sérieusement ?

Sa voix est couverte par les coups de klaxon d’une voiture rouge qui fonce sur l’avenue, les deux rétroviseurs enveloppés dans les drapeaux blanc et rouge anglais : “Out ! Out ! Out !”, hurle le crâne rasé aux bras tatoués qui tient le volant. Sur le trottoir, les badauds applaudissent.

Au final, il est donc clair que le Brexit, ça pue vraiment le peuple, beurk !

Sarah Halifa-Legrand – envoyée spéciale de l’Obs au Royaume-Uni

Journaliste

C’est toujours bien de finir par un mot d’humour…

Source : Nouvel Obs, 23/06/2016

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Edit : Rôôôô, je le rajoute celui-là, tout frais :

Brexit : oui, le Royaume-Uni est mort ce matin

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Source : Nouvel Obs, 24/06/2016

Le Brexit n’est pas une victoire du souverainisme. Au contraire, il risque de précipiter la fin de la nation britannique.

“Britain first” – la Grande-Bretagne d’abord -, ne cessent de clamer les supporters du Brexit. En vérité, le renoncement à l’Union européenne acquise par référendum marque sans doute la fin d’une nation telle que les siècles l’ont façonnée.

Adieu le Royaume-Uni ! Les Ecossais qui ont voté à 62% pour l’Europe s’apprêtent à reprendre leur indépendance après cinq siècles de domination anglaise. Les Irlandais rêvent d’une réunification sous la loi de Bruxelles. Et la glorieuse cité de Londres se réveille avec le sentiment d’avoir été trahie : les yuppies et les bobos de la capitale se demandent ce qu’ils ont encore de commun avec les Britanniques des campagnes craintives et des anciens bastions industriels désespérés. La ville-monde raisonne comme le continent et s’exaspère du revirement de son Iago shakespearien : Boris Johnson, devenu par opportunisme le tribun d’un peuple sans repère.

Rancoeurs et nostalgies

Le Brexit est une victoire à la Pyrrhus. L’ancien empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais se rétrécit toujours plus. Les eurosceptiques du reste de l’Union drapés dans leur drapeaux nationaux feraient bien de méditer ce paradoxe.  Ils se réclament de la grandeur des nations mais ne font que les saborder par désir de revanche sociale. Nigel Farage, tout à son exaltation factice de la souveraineté retrouvée, a semblé embarrassé par un résultat qu’il n’attendait pas et sans doute, au plus profond de lui, ne souhaitait pas vraiment

Les pères fondateurs de l’Europe avaient raison : les nations triomphantes des années 1815-1914 étaient bien mortes, putréfiées sur les charniers de la première puis de la deuxième guerre mondiale. Après soixante ans de convergence européenne, aussi maladroites furent-elle, ces idéologies foncièrement xénophobes n’ont aucune chance de ressusciter.

A l’heure de l’humanité connectée, les individus se rattachent à d’autres communautés. Un londonien partage plus de valeurs et de communauté de destin avec un parisien, un milanais, un berlinois ou un new-yorkais qu’avec un agriculteur du Devonshire. Un étudiant de Glasgow préfère rencontrer ses semblables de Séville, Athènes ou Copenhague… C’est là, le véritable sens de la pensée de Churchill qui préférait le “grand large” au “Continent”.

Champion du Monde ça, alors que Churchill expliquait que les Anglais préféreraient toujours les États-Unis à l’Europe…

En optant pour le Brexit, la majorité des électeurs anglais ont détourné leur regard du vaste horizon. Leurs frontières renferment trop de rancœurs et de nostalgies.

Sylvain Courage

Journaliste

Source : Nouvel Obs, 24/06/2016

Je ne parierai pas trop là-dessus quand même… Pour une raison simple : il faut tout l’aveuglement d’un européiste pour ne pas comprendre que l’Espagne mettrait très certainement son véto aux aspirations d’une entrée dans l’UE d’une l’Écosse indépendante – pour ne pas donner des idées à la Catalogne…

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Et voici enfin la réaction de Quatremer :

Brexit : amis Anglais, merci pour votre sacrifice ! Par Jean Quatremer

Amis Anglais et Gallois, merci, du fond du cœur. Vous avez su résister à tous les arguments, des plus rationnels aux plus apocalyptiques, de ceux qui militaient pour le remain.

Puisqu’il n’en existe aucun poru le Brexit, évidemment

Vous avez choisi d’ignorer les risques d’explosion de votre glorieux pays, les Écossais et les Irlandais du nord, deux des quatre nations de ce qui reste de votre Empire, ayant massivement -et honteusement- voté en faveur de l’Union.

On en reparlera… Ca va sinon l’Espagne et la Belgique ?

Vous avez pris le risque de diviser pour longtemps votre société entre, d’une part, jeunes, diplômés et urbains, massivement remain, et, d’autre part, vieux, peu diplômés et ruraux, massivement leave, une fracture sociétale pour longtemps béante.

Alors que quand on reste et qu’on approfondi, on en divise pas le pays, CQFD

Un vote d’un courage inouï puisqu’il a politiquement dévasté et va économiquement affaiblir votre pays dont l’Europe ne peut que vous être reconnaissante.

Car il manifeste votre sens du sacrifice dont le continent a bénéficié à plusieurs reprises, lorsque vous l’avez sauvé des griffes de Napoléon, puis de l’hégémonisme allemand à deux reprises. Vous avez enfin compris que la place de votre île n’était pas au sein de l’Union. Bien que vous ayez un grand pied en dehors (budget, euro, Schengen, politique de sécurité et d’immigration, union bancaire, etc.), votre seule présence suffit à bloquer toute tentative d’intégration supplémentaire non seulement par peur de vous déplaire, mais parce qu’il fallait à chaque fois imaginer une usine à gaz supplémentaire pour que vous conserviez votre « statut spécial ». Résultat : les réformes de l’Union ont toujours abouti, à cause de vous, à la rendre de plus en plus illisible aux yeux des citoyens et donc à les en éloigner.

Aaaaaaaaah, c’était donc la faute des Anglais… Cool, ça va s’arranger alors…

En dépit de tous nos efforts, vous continuiez à trouver cette Europe ultra-réglementaire et dirigiste, alors que la majorité des Européens la trouvent bien trop libérale :

Ce n’est en rien incompatible, car le financiarisme n’est en fait pas libéral, mais laissez-fairiste sur certains points. Mais cela demande une analyse un peu plus poussée que 3 mots valises…

nous n’avons pas eu la chance de connaître Margaret Thatcher et nous sommes resté, globalement, attaché à l’État providence, à l’interventionnisme étatique, au marché régulé, toutes choses qui vous font horreur.

Et dont la Commission a aussi horreur bien sûr…

Aussi, nous avons du accepter d’affadir le projet des pères fondateurs et pratiquer une politique du moyen terme qui, au final, déplait à tout le monde: l’Europe a réussi l’exploit d’inventer l’ultralibéralisme réglementaire !

C’est amusant cette fascination a reprendre la mythologie américaine…

Vous avez assisté aux chocs qui ont secoué l’Union depuis 2008 et vous avez compris que l’Union risquait de mourir sous le poids de ses contradictions, de ses paralysies, de ses compromis et de la médiocrité de ses dirigeants nationaux qui alimentent un scepticisme de plus en plus fort à l’égard d’un projet européen rendu responsable de toutes les difficultés nationales.

Oui.

Vous avez donc décidé de nous donner un grand coup de pied au derrière : si le choc du départ de l’un des quatre grands pays de l’Union ne nous réveille pas, si nous ne mobilisons pas pour relancer une construction qui a assuré la paix sur le continent depuis 70 ans, c’est que vraiment nous méritons de disparaître.

Oui.

Votre sursaut churchillien restera dans l’histoire ! Car vous savez ce qui vous attend : après la Seconde Guerre mondiale, vous vous êtes enfoncé dans la dépression économique au point que le FMI a dû voler à votre secours, comme une vulgaire Grèce. Votre PIB, lors de votre adhésion en 1973, était l’un des plus bas de la CEE, et c’est pour cela que vous avez rejoint un projet qui vous répugnait.

Et puis est venue la finance…

Si Churchill était pour les États-Unis d’Europe, c’était évidemment avec un Royaume-Uni qui en serait la puissance tutélaire et non un simple membre, pas plus important que la France !

Le 23 mai 1944, Churchill invite de Gaulle à Londres pour discuter de l’administration des territoires qui seront libérés en France […] Churchill lance sa tirade célèbre : « Nous allons libérer l’Europe, mais c’est parce que les Américains sont avec nous pour le faire. Car, sachez-le ! chaque fois qu’il nous faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous choisirons le grand large ! Chaque fois qu’il me faudra choisir entre Roosevelt et vous, je choisirai Roosevelt ! »

Je suis impressionné, comme toujours, par votre sens du sacrifice et de l’intérêt collectif. Quand je pense à ce qui vous attend, tant pour couper les liens entre vous et nous (200 accords commerciaux signés en votre nom par l’Union que vous allez devoir renégocier, 80000 pages de lois communautaires qu’il va falloir trier pour éviter les vides juridiques, les opérations en euros qui vont partir pour le vieux continent) que pour essayer de conserver un accès au marché unique, notamment pour vos banques et vos services financiers, je ne peux que saluer votre courage !

Pour ce qui est du marché unique, je ne vois aucun souci à ne rien changer là dessus pour ma part… Amusant comme les libres-échangistes changent vite de casaque…

Ce sont des années d’incertitudes, de tourmentes, de déchirements qui vous attendent. Chapeau bas, messieurs les Anglais ! Espérons que nous serons nous montrer digne de votre sacrifice.

En tous les cas, good luck pour votre aventure solitaire.

Source : Blog de Jean Quatremer, 24/06/2016

“Aventure solitaire” donc, avec juste les États-Unis et 185 autres pays quoi…

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Source: http://www.les-crises.fr/propagande-brexit-tout-le-monde-ici-vote-pour-la-sortie/


Dominique Wolton : La consanguinité journalistes-politiques ravage la démocratie

Friday 24 June 2016 at 01:00

Source : La Tribune,  Denis Lafay, 01/11/2012

La dérive, en France, comme ailleurs, ne concerne pas tous les médias mais surtout une partie de la hiérarchie journalistique et éditorialiste ©DR (Crédits : DR)

La dérive, en France, comme ailleurs, ne concerne pas tous les médias mais surtout une partie de la hiérarchie journalistique et éditorialiste ©DR (Crédits : DR)

Propos recueillis par Denis Lafay, Acteurs de l’économie

Une stratégie hasardeuse et impréparée, une posture de « normalité » inadaptée aux enjeux, une compagne « incroyablement » inconsciente des devoirs qui incombent à sa nouvelle responsabilité : en matière de communication politique, les débuts de François Hollande sont pour le moins chaotiques. Et se heurtent à des médias que le directeur de l’Institut des Sciences de la Communication (CNRS) juge ivres d’un pouvoir et de collusions qui mettent leur légitimité et leur avenir en péril. Pour Dominique Wolton, l’avenir même de la démocratie est en jeu.

Voilà six mois que François Hollande est président de la République. Il avait promis une rupture dans la manière d’exercer sa responsabilité, d’appliquer la gouvernance avec son Premier ministre, mais aussi de communiquer. Quels premiers enseignements peut-on dresser ?
La rupture a eu lieu. Mais dans le système politique contemporain et, au-delà, dans la société moderne, les concepts, les rhétoriques, les postures s’usent très vite, trop vite. En l’occurrence, la « normalité » qu’il avait promise est déjà contestée, notamment, et de manière disproportionnée par une presse qui oublie ou méprise le temps de la politique et des réformes, créant alors un amalgame corrélatif entre lenteur et immobilisme, entre patience et inactivité. Pour autant, le pouvoir en place et plus globalement la nouvelle majorité ne sont pas exempts d’erreurs et de responsabilités : ils peinent à communiquer au sens fort du terme, c’est-à-dire construire un lien avec le pays. Compressés par la volonté de rompre avec la stratégie de communication de leurs prédécesseurs mais saisis par la gravité de la crise, ils se replient sur l’action sans escorter celle-ci d’un « faire savoir » et d’une pédagogie adaptés. Or en politique l’acte de parole est central, surtout lorsque l’on reprend le pouvoir. Le « silence » gouvernemental est apaisant, mais il perturbe une opinion publique qui, particulièrement dans un contexte de crise et de grandes incertitudes, a besoin de connaître et de comprendre les changements en cours. Y compris pour se les approprier et accorder sa confiance à ceux qui les piloteront. La politique, c’est toujours un exercice d’explication, de mise en perspective, et les nouveaux gouvernants doivent apprendre à en façonner une forme inédite, qui leur soit propre et leur corresponde. La marge de man?uvre est toutefois étroite, car ces élections ne furent pas triomphales et résultèrent du bon sens. Et elle doit composer avec une opposition vindicative et volontiers arrogante, dont l’enjeu ante et post primaires de cet automne enflamme la capacité critique en dépit d’une situation ubuesque : peut-on décemment juger l’action d’un gouvernement en place depuis quelques mois lorsqu’on lui laisse cinq années d’un bilan discutable ?

Que la presse et l’opinion publique aient ainsi décidé de fustiger dès la rentrée de septembre, soit seulement quelques semaines après la fin du scrutin législatif, la supposée absence de cap, de conviction, de décision, même la mollesse du tandem Hollande-Ayrault, démontre-t-il que Nicolas Sarkozy a enraciné dans la conscience collective le sentiment que l’autorité, la crédibilité, l’efficacité ne peuvent résulter que d’une pratique ostentatoire, clivante, directive, immédiate, voire autocrate du pouvoir ?
Ce n’est pas l’opinion publique qui a « tiré » la première ; ce sont les médias qui, au nom de leur autonomie, ont tendance à se considérer comme un quatrième pouvoir. Ils ont pensé trouver dans la très relative déception de l’opinion publique un terreau fertile pour donner une résonance à leurs prises de position. Mais à terme, le calcul est fallacieux. La folie de la vitesse qui a gagné le fonctionnement des médias ne peut pas déstabiliser à ce point la politique. Nicolas Sarkozy voulait en quelque sorte une politique à la vitesse des médias. C’est impossible et dangereux. D’autant que cette obsession de la vitesse et de l’hypermédiatisation est moins un idéal que le résultat d’une concurrence farouche qui ne dit pas son nom entre les médias classiques et les nouveaux supports – internet, réseaux sociaux, twitter… – Cette course contre la montre n’a pas grand chose à voir avec l’idéal de l’information au nom de laquelle elle est faite. Les médias confondent une espèce de pseudo-rationalité journalistique avec une bataille économique et justifient cette concurrence endiablée, au nom du progrès de l’information. Un tel amalgame est invraisemblable. Qui vit à un rythme de secrets, révélations, exclusivités… quotidiens ? Reste qu’après le rythme effréné que Nicolas Sarkozy leur avait imposé, – y compris parce que l’agenda du président leur fournissait confortablement matière à « remplir » leur grilles ou leurs pages -, le rythme déployé par François Hollande leur semble si calme qu’ils l’assimilent à une soi-disant inaction. En agissant de la sorte, ces médias prennent le risque de mettre en péril leur propre légitimité. Rien ne dit en effet que les citoyens apprécient cette course effrénée et les leaders médiatiques ne font pas l’opinion. Celle-ci se construit très lentement, selon des rythmes et surtout des logiques beaucoup plus complexes que celle des médias ou des sondages. Un « retour de bâton » pourrait être cuisant.

Particulièrement en période de crise, les Français sont en demande d’un « chef », d’une autorité qui rassure, anticipe, sur-communique et donne l’impression de maîtriser le cap. La difficile transition portée par François Hollande n’est-elle pas la preuve que l’individu est intoxiqué par une stratégie et un traitement médiatiques qui pendant cinq ans ont créé l’assimilation entre le « faire » et le « faire savoir » ?
En situation de crise, « on » veut un grand capitaine. Pour l’heure, François Hollande n’en porte pas les habits. Mais peut-être le sera-t-il un jour, peut-être se révélera-t-il dans la fonction, peut-être imposera-t-il un style performant… Méfions-nous des jugements hâtifs, ils font partie de cette idéologie de la vitesse qui d’ailleurs permettra, avec la même certitude, de dire le contraire de ce qui a été prononcé. En ce qui concerne François Hollande, son parcours appelle à la prudence. Il n’a jamais été ministre, il fut toujours un « second » jugé inoffensif par ses rivaux, mais c’est lui qui est aujourd’hui président.
Nicolas Sarkozy pensait que « faire savoir » c’était « faire ». Résultat : une contestation radicale, un rejet, et in fine la défaite. Il est exact que sa stratégie s’était tant déployée qu’elle avait conditionné le rapport des gens à la communication politique. Et elle contribue à placer François Hollande dans une situation délicate : il doit créer de « l’exceptionnel » en demeurant dans une posture « banale », il doit susciter de la crédibilité sans verser dans les excès « bling bling » de son prédécesseur. La nature du ton et des discours peut y contribuer, mais pour l’heure ce n’est pas audible. Et le problème est qu’en matière de communication politique le staff de François Hollande n’a pas anticipé la victoire et ne s’est pas projeté dans l’application d’une stratégie structurée, fondée, durable. Les socialistes n’avaient pas assez travaillé et préparé le changement. Décréter une « présidence normale » est une posture, mais délestée d’une véritable stratégie alternative n’a pas d’avenir pertinent. La « normalité », la banalité, le classicisme de ladite stratégie aujourd’hui employée ne sont pas adaptés aux enjeux. Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est l’action et les résultats dans un contexte impitoyable.

La gauche est culturellement insubordonnée, et la cohabitation éruptive au sein du gouvernement de personnalités et d’obédiences antagoniques en témoigne : l’esprit culturel de gauche est-il incompatible avec la discipline qu’impose l’exercice du pouvoir ?
Non. Simplement, la nature et l’expression de cette discipline sont singulières. Elles sont essentiellement politiques et idéologiques, et interviennent lors des arbitrages. Les conflits internes au PS prennent trop de place, même si les dirigeants ont l’habitude de les gérer. Le problème aujourd’hui, ce n’est pas le PS, mais la France. Et les Français ne supportent pas cette confusion. Pour l’heure, les socialistes ont du mal à réussir une communication d’État performante. Cette difficulté à inventer un autre mode de communication publique et politique est d’autant plus étonnante que la majorité actuelle dispose d’une substantielle expérience du pouvoir dans les grandes villes, les régions, et les départements. De quoi ce paradoxe résulte-t-il ? Les raisons sont multiples. Mais la première d’entre elles, c’est l’absence dans leurs rangs d’une réflexion critique sur le statut, les leviers, les desseins, les impacts de la communication, du rapport entre communication et politique. Et surtout d’une confusion entre la remarquable complexité du fonctionnement de l’opinion publique et sa simplification sécurisante, dans les sondages.

Les vives critiques de la presse dite de gauche contre la politique du gouvernement répondent-elles de cette insoumission culturelle endogène, d’une louable indépendance, ou d’une stratégie marketing ?
Contrairement à ce que les éditorialistes concernés expriment, ce déferlement ne traduit pas une maturité. L’analyse est plus triviale : le pouvoir médiatique ne sait plus s’arrêter, ne connait plus ses limites, se croit légitime à tout juger, tout examiner, tout critiquer, tout revendiquer. Or franchir cette ligne pourrait lui être fatal, car le public, même s’il est parfois voyeur ou en accord idéologique, ne souscrit pas à cette outrance dans l’anathème qui décrédibilise l’information et discrédite la posture. « Dégommer » un président après quatre mois d’exercice n’est pas une marque d’indépendance mais d’inconsistance. Etre indépendant, c’est chercher des sujets singuliers, c’est les traiter autrement, c’est être neuf dans leur exploration, c’est prendre le temps de bien les réaliser, c’est proposer une vision insoupçonnée de la société, c’est comparer. Et surtout c’est sortir de France. Voyager. Interroger l’extrême complexité de l’Europe et sa force. Et aussi se familiariser avec l’extraordinaire rupture de la mondialisation… Bref, c’est être original, rigoureux et intègre, se différencier, et ne pas « surfer » sur la production des rivaux. L’originalité, ce n’est pas être « de gauche » ce qu’il faudrait encore expliciter, et s’employer à anéantir l’action de la gauche au pouvoir – cette observation vaudrait bien sûr pour une presse de droite à l’égard d’une droite au pouvoir depuis quatre mois. Oui à l’information, à la critique, et au contre-pouvoir de la presse. Non au mythe de l’auto-institution de la presse en 4e pouvoir. Seuls les politiques ont la redoutable responsabilité de l’action. D’ailleurs, il faut nuancer. Cette dérive, en France, comme ailleurs, ne concerne pas tous les médias mais surtout une partie de la hiérarchie journalistique et éditorialiste.

Etre vainqueur davantage par défaut qu’au nom d’une idéologie, d’un projet et d’un programme différenciants, doit-il dicter une certaine manière de communiquer ?
Absolument. Etre élu par défaut ne constitue pas en soi un handicap, car la légitimité peut être conquise une fois au pouvoir. En revanche, et toujours au nom de cette soi-disant « normalité », les dirigeants socialistes ont commis l’erreur d’adopter un style extrêmement classique et traditionnel du pouvoir, au point que l’opinion ne distingue qu’avec peine les ministres des gouvernements Ayrault et Fillon. La similitude des apparences et des modes d’expression, des styles technocratiques, des langues de bois, des manières de parler… induit l’idée qu’il n’existe pas de différences dans le fonctionnement, dans les méthodes, dans la stratégie du gouvernement et de l’État. Cette confusion est problématique.

Le cas Montebourg-Pulvar est symptomatique : la compagne d’un ministre emblématique est nommée à la tête d’un hebdomadaire politique par un propriétaire, également co-actionnaire du Monde, par ailleurs mandaté par Bercy – où siège ledit ministre – pour paver la création de la Banque publique d’investissement. Quant à Valérie Trierweiler, en dépit de son mea culpa et de son renoncement à intégrer la chaine D8, elle poursuit sa collaboration à Paris Match, tout en bénéficiant de la logistique humaine, organisationnelle, financière propre à sa condition de Première Dame. La liberté de travailler, particulièrement pour les « compagnes ou compagnons de », peut-elle s’appliquer sans conditions à l’exercice journalistique ?
Les deux cas sont différents. On peut faire confiance à la capacité à distinguer information et politique pour les journalistes. Non, le problème ici plus grave est la consanguinité de plus en plus forte entre journalistes et politiques. Preuve que les uns et les autres vivent de plus en plus les uns sur les autres. Ce qui pose un problème de fond : la fin d’une vision différente du monde et une certaine homogénéisation de points de vue. Donc un risque d’appauvrissement, que la société verra très bien. La compagne d’un président de la République pose un autre problème. Jusqu’où peut-on tout faire, et surtout a-t-on encore la capacité de se dédoubler ? On ne peut pas à la fois bénéficier de tous les honneurs et des servitudes de la République et faire semblant d’être indépendante dans la pratique de sa profession. Il faut choisir. Le vrai problème plus général est le manque d’autonomie du monde médiatique par rapport à la politique. D’une manière générale, les élites dans les démocraties sont beaucoup trop homogènes, et la société le voit, alimentant un populisme rampant. Plus le monde est apparemment transparent, plus il faut au contraire préserver les différents points de vue entre information, action politique, culture et connaissance. La consanguinité actuelle est dévastatrice pour la démocratie. Pas d’espace public sans hétérogénéité de points de vue, et sans visibilité de cette hétérogénéité. C’est la condition du lien social. Sinon la représentation de la société est bancale. Refléter la complexité et l’hétérogénéité de la société est la condition du fonctionnement des sociétés contemporaines. D’où la responsabilité des médias qui hélas se ressemblent tous, beaucoup trop.

A l’heure d’une crise de confiance sans précédent de l’opinion publique à l’égard des journalistes et des producteurs d’information, mesure-t-on les dégâts que ces collusions provoquent ?
On ne le mesure pas parce que ce n’est pas visible. C’est comme la question très compliquée de l’opinion publique, à savoir les mutations lentes invisibles avec les sondages. En cinquante ans, le contre-pouvoir médiatique, dans les démocraties évidemment et non dans les régimes autoritaires, a tendance à ne plus savoir où sont ses limites. D’autant que le pouvoir politique, avec la visibilité justifiée critique des médias, la rigidité de nos sociétés et les difficultés de la mondialisation, devient de plus en plus fragile. La baisse de prestige de la politique ne doit pas faire oublier sa spécificité : la grandeur et les risques de l’action. Mais comme la collusion presse – politique – élites en général est trop forte, cela ne donne plus confiance aux citoyens. Surtout en temps de crise, alimentant ce pernicieux populisme rampant. La transparence critique se retourne contre les médias avec cette réflexion : « Ils ne sont pas mieux que ceux qu’ils critiquent. Tout ça, c’est le même monde ».

Ces délétères effets collatéraux sont-ils fondamentalement différents de ceux générés par la proximité incestueuse qui liait Nicolas Sarkozy à plusieurs « patrons de presse » – Arnaud Lagardère, Martin Bouygues, Serge Dassault, Vincent Bolloré, Bernard Arnault… – ?
Ce problème n’était pas propre à Nicolas Sarkozy. Ce qui était inédit, c’était cette correspondance générationnelle entre lui et les patrons de presse, c’était aussi cette manière de l’afficher ostensiblement. Pour autant, était-ce pire ? Certes, quelques coups de téléphone douteux passés aux dirigeants de quelques grands titres avaient témoigné d’un raisonnement classique – et faux – du pouvoir politique convaincu que s’il maîtrise les « tuyaux » il maîtrise les consciences. Mais c’était oublier deux paramètres : celui des journalistes, qui à un moment se révoltent, et celui des citoyens que l’envahissement de messages, souvent unilatéraux, ne rend pas plus dociles ou favorables. Cette collusion entre Nicolas Sarkozy et certains médias l’a servi jusqu’en 2010. Puis, comme autrefois Michel Rocard, François Mitterrand ou Jacques Chirac l’avaient eux-mêmes expérimenté, l’élite médiatique s’est détournée puis s’est retournée contre sa « coqueluche ». La volte-face fut brutale. Sa côte de confiance au sein des médias était devenue faible mais il « tenait » encore ces derniers grâce à ses « amis » et ainsi demeurait hyper médiatisé. Pour cette raison, il a eu grand tort de s’afficher en « victime expiatoire » desdits médias. Et l’issue du scrutin a donc démontré que « tenir » les médias ne signifie pas « tenir » les consciences.
Le plus important n’est pas ce que les médias disent du président, c’est la perception que les citoyens se font de l’action du Président. Or ils sont à même de juger de la cohérence ou du décalage entre les discours et les actes du pouvoir indépendamment des médias.

Il fut reproché à Nicolas Sarkozy de mêler l’opinion publique à ses affaires privées les plus intimes. Et son successeur avait, là encore, promis la rupture. De la guerre que se livrent Ségolène Royal et Valérie Trierweiler au fameux tweet de cette dernière en passant par les prises de position des enfants du couple Royal – Hollande, le nouveau Président ne fait pas mieux que son prédécesseur. Seule différence : il est débordé là où Nicolas Sarkozy manoeuvrait voire instrumentalisait. Est-ce intrinsèque à une société des réseaux sociaux, de la surenchère médiatique, de l’interconnexion immédiate, et de la dictature de l’anecdote qu’aucune volonté ne peut désormais contenir ? Ce tweet pourrait-il se révéler le pendant du funeste dîner au Fouquet’s qui poursuivit Nicolas Sarkozy durant toute sa mandature ?
Qu’un président de la République se montre incapable de contenir les sentiments de sa compagne n’est pas anodin au moment où il s’emploie à l’égard de l’opinion publique à asseoir sa légitimité. Ceci étant, les personnalités, politiques ou artistiques, disposent d’une marge de man?uvre dans leur appréhension des mécanismes de peoplisation qui se sont imposés dans la société et au sein des médias. Tout est question d’anticipation, de rigueur, de discipline. Et de lucidité : on ne peut pas espérer vivre « normalement » et exprimer « librement » ses sentiments lorsqu’on est la compagne du président de la République. Cette absence de réflexion sur les enjeux contemporains de la communication est sidérante. Et cette illusion de croire que « twitter » fait de vous une personne moderne et proche des jeunes, est tout aussi incompréhensible. Le tweet est un poison pour ceux qui s’y enferment et n’est la preuve d’aucune intelligence. La réalité politique ne va pas à la vitesse de ces commentaires, et la société est dans un autre espace-temps. Toujours cette illusion d’une élite qui en saurait plus que les autres dans une sorte de virtuosité de la vitesse… On voit le résultat…

Le numérique a bel et bien bouleversé l’exercice politique. Le rapport des élus au peuple est métamorphosé, la participation de ce dernier à la « chose politique » est transformée. Une nouvelle démocratie est-elle en train de naître ? Le risque que les institutions représentatives volent en éclats sous le joug d’une supposée démocratie directe est-il réel ?
On assiste moins à l’irruption d’un nouveau modèle qu’à celle d’une forme caricaturale d’un modèle ancien. Cette dérive, c’est la liberté de la presse désormais sans limite. Liberté au nom de laquelle la peoplisation, le parler de soi, la mise en scène, la futilité, l’absence de culture, deviennent la norme, le narcissisme et l’auto-congratulation un idéal… Cela va accentuer le sens critique du public, mais aussi obliger à réintroduire de la démocratie « indirecte ». Pour casser l’illusion d’une société en direct, étouffée par la peopolisation, la psychologie, et les révélations, il faut maintenir la compétence et la visibilité de tous les intermédiaires d’une société : hauts fonctionnaires, professeurs, médecins, militaires, religieux… Laisser visible cette hétérogénéité de la société et casser la fausse homogénéité. Organiser la cohabitation de points de vue contradictoires. Quant à l’avènement d’une démocratie directe, je n’y crois pas. Certes, les nouvelles technologies ont modifié les codes de l’information et de la communication, ils ont instauré une instantanéité et une interactivité avec lesquelles il faut intelligemment composer. Mais la classe politique ne doit en aucun cas faire acte de suivisme. La politique ne se fera jamais à la vitesse des internautes. Heureusement. Et surtout en démocratie où le défi est justement d’organiser la cohabitation de points de vue et de gérer les échelles contradictoires du temps. Plus tout est transparent, plus chacun doit demeurer à sa place. Un journaliste est un journaliste, un élu est un élu, un scientifique est un scientifique, un patron est un patron, etc. Les identités des uns ne peuvent se substituer à celles des autres, et il n’y a pas de progrès dans cette sorte de mimétisme techniciste et urbain. La modernité ne veut pas dire grand chose quand tout est moderne. Cette confusion rétrécit l’espace de représentation nécessaire au fonctionnement de la démocratie. C’est l’altérité des points de vue qui est au c?ur de la politique. Et c’est en cela que l’homogénéité des élites est dangereuse. La « transparence » apparente de nos sociétés devrait au contraire renforcer la visibilité de la transparence des repères politiques et culturels. Ceci afin de ne pas confondre les performances techniques qui permettent vitesse et transparence avec l’inévitable et indispensable épaisseur des sociétés et des cultures.

Source : La Tribune,  Denis Lafay, 01/11/2012

Source: http://www.les-crises.fr/dominique-wolton-la-consanguinite-journalistes-politiques-ravage-la-democratie/


Nous vivons en kleptocratie, par Derrick Jensen

Thursday 23 June 2016 at 01:00

23Source : Le Partage, Derrick Jensen, 14-06-2016

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Traduction d’un article initialement publié (en anglais) dans le magazine Orion, et plus tard sur internet à l’adresse suivante.


Les États-Unis ne sont pas une démocratie. Il est plus rigoureux de dire que nous vivons dans une ploutocratie  — un gouvernement des riches, par et pour les riches — ou plus exactement encore, dans une kleptocratie — un gouvernement qui a pour principe premier d’organisation le vol; qui vole les pauvres, qui vole la Terre, et qui vole le futur. Nous nous exprimons et agissons pourtant souvent publiquement comme si nous vivions en démocratie.

Mais il y a un problème bien plus profond que le fait que nous ne vivions pas en démocratie, un problème plus profond encore que notre incapacité à reconnaître le fait que nous ne vivions pas en démocratie : le fait qu’il y ait véritablement un aspect selon lequel nous vivons vraiment en démocratie. Ses implications sont de très mauvais augure pour la planète.  Ce n’est pas tant lié à la façon dont nous sommes gouvernés qu’à ce que nous voulons, et faisons. S’il est vrai que, comme quelqu’un l’a dit il y a longtemps, c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez, il devient clair que, pour reprendre l’expression de ma mère, la majorité des gens de ce pays se moquent de la santé de la planète comme de l’an quarante. Quelques exemples devraient suffire à illustrer cela.

Tout d’abord, les tigres. Pas les vrais tigres, pas ceux de chair et d’os, pas ceux qui sont exterminés dans la nature ; mais ceux de l’équipe de football des Tigres de l’Université d’État de Louisiane (LSU). En janvier dernier, lorsque LSU a joué contre l’Alabama lors du championnat de football des universités, plus de 78 000 personnes ont assisté au match. Le prix moyen d’un ticket était de 1565$, et certains sièges ont coûté jusqu’à 10 000$. La région était si excitée par ce match de football qu’un certain nombre d’écoles ont fermé pour l’occasion. &, bien sûr, l’audience télévisuelle a dépassé les 24 millions de téléspectateurs. Ce fut la deuxième émission la plus regardée de l’histoire de la télévision câblée.

Tout ceci m’amène à conclure que dans ce pays, plus de gens se soucient de l’équipe de football des Tigres que des tigres vivants, de chair et d’os. Manifestement, la même chose est vraie des Tigres de Detroit, des Marlins de Miami, des Panthères de Caroline, des Jaguars de Jacksonville, et ainsi de suite. [& des Canaris de Nantes, des Lionceaux de Sochaux, des Merlus de Lorient, des Ours d’Ajaccio, des Dogues de Lille, des Pingouins de Libourne, des Aiglons de Nice, des Crocodiles de Nîmes, des Sangliers de Sedan, de la Panthère de Saint-Etienne, et ainsi de suite, NdT].

Le 11 janvier 2015, lorsqu’il s’agit d’être « Charlie », 1 600 000 personnes marchent dans les rues de Paris…

Le 11 janvier 2015, lorsqu’il s’agit d’être « Charlie », 1 600 000 personnes marchent dans les rues de Paris…

Ne vous méprenez pas: j’aime le sport. Mais, finalement, nous parlons ici d’un jeu. Pensez-vous qu’il soit possible que des écoles ferment, ou que 70 000 personnes se rassemblent pour aider à nettoyer les plages de Louisiane suite au déversement d’hydrocarbures dans le golfe du Mexique (et ce semaine après semaine, comme c’est le cas lors des matchs de football de la LSU, lors des matchs de football des Saints de la Nouvelle-Orléans — comme c’est le cas presque chaque jour à travers le pays pour le football, le baseball, le basketball, et ainsi de suite) ? Ou mieux, pensez-vous qu’il soit possible que des écoles ferment, ou que 70 000 personnes se rassemblent semaine après semaine pour faire quelque chose pour « l’allée du Cancer » de cette région ?

Un autre exemple: pendant une courte nuit, il y a deux ans, le comté du Nord de la Californie, où je vis — celui de Del Norte — est devenu un exemple éclatant et vigoureux de la démocratie participative en action. Mais ce n’était pas la sauvegarde des séquoias, le dépérissement des amphibiens, ou le démantèlement des barrages qui firent se déplacer les masses. Elles se déplacèrent pour une plante domestiquée particulièrement controversée. Vous savez probablement qu’en raison d’un vote populaire, l’état de la Californie a légalisé le cannabis à usage médical, et que le nombre de plantes autorisées diffère et est déterminé dans chaque comté. C’est pourquoi, lorsque les superviseurs du comté de Del Norte ont envisagé revoir ce nombre à la baisse, le faisant passer de 99 à 6, une marée humaine a inondé et empêché la réunion de consultation du public. Voilà comment la démocratie participative est censée fonctionner : les « représentants » publics sont censés rapporter la volonté du Peuple, et ceux qui tentent de faire autrement doivent être démis de leurs fonctions.

La question ici n’est pas de savoir si la marijuana devrait être légale, pas plus qu’il ne s’agit de savoir si l’équipe d’Alabama a battu l’équipe de la LSU. Le problème, c’est que j’aimerais que les gens se soucient autant des saumons que de la marijuana, ou du football. Mais ce n’est pas le cas. Si les gens devaient choisir collectivement entre les rivières vivantes et l’électricité des barrages (et l’amusement sur les réservoirs, et la valeur des maisons de vacances de certains), nous pouvons imaginer ce qu’ils choisiraient. D’ailleurs, nous savons déjà ce qu’ils ont choisi. La réponse est manifeste, exprimée à travers les 2 millions de barrages que l’on trouve dans ce pays ; à travers les 60 000 barrages de plus de 4 mètres de haut ; à travers les 70 000 barrages de plus de 2 mètres de haut ; à travers l’effondrement des populations de mollusques, de poissons, à travers l’agonie des rivières et des plaines inondables. Si les gens avaient à choisir collectivement entre les iPods et les gorilles des montagnes, nous savons ce qu’ils choisiraient (ce qu’ils choisissent). S’ils avaient à choisir collectivement entre les ordinateurs portables sur leurs genoux et les droits humains en République Démocratique du Congo, nous savons bien ce qu’ils choisiraient (ce qu’ils choisissent).

…tandis que le samedi 23 Mai 2015, QUELQUES CENTAINES de personnes ont marché à Paris contre la multinationale Monsanto.

…tandis que le samedi 23 Mai 2015, QUELQUES CENTAINES de personnes ont marché à Paris contre la multinationale Monsanto.

Vous pourriez dire que je compare des pommes et des oranges, mais je ne fais que discuter des priorités des gens à travers leurs actes. C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez.

Mais il y a pire, car la plupart des gens ne reconnaitront pas, même envers eux-mêmes, qu’ils font ces choix. Tous les choix effectués machinalement, à la longue (au niveau personnel et à échelle sociale), cessent de passer pour des choix et passent pour des impératifs économiques, des inéluctabilités politiques, ou simplement l’état des choses. Trop de gens prétendent — ou plutôt, ne prétendent pas, mais supposent allègrement — que nous n’avons pas à choisir entre les rivières vivantes et les barrages, que nous n’avons pas à choisir entre une planète vivante et l’économie industrielle. Mais je ne fais pas ici référence à la pensée magique. Je parle de la réalité, où, comme Bill McKibben le souligne si fréquemment et si éloquemment, vous ne pouvez pas débattre avec les lois physiques. Des millions de barrages et des centaines de milliers de rivières et de cours d’eau ruinés après, nous devrions tous le comprendre. Tout comme nous devrions savoir que brûler des substances carbonées émet du carbone dans l’air ; et que les objets qui nécessitent des matériaux industriellement extraits — les iPods, les ordinateurs portables, les éoliennes, les cellules de solaire photovoltaïque, les réseaux électriques, et ainsi de suite — requièrent des mines, ce qui signifie qu’ils détruisent des territoires.

La notion selon laquelle nous n’aurions pas à choisir, selon laquelle nous pouvons avoir « les conforts et les luxes » (selon les mots d’un philosophe pro-esclavage d’avant-guerre) de ce mode de vie sans en souffrir les conséquences, que nous pouvons avoir les friandises de l’empire (pour nous) sans les horreurs de l’empire (pour les victimes), que nous pouvons avoir une économie industrielle sans détruire la planète, est absolument contrefactuelle. Cette notion ne peut être avancée que par les bénéficiaires de ces choix, ou par ceux qui s’identifient à leurs bénéficiaires, c’est-à-dire par ceux qui ne se soucient pas, ou ne s’identifient pas avant tout aux victimes de ces choix. Cette notion ne peut être avancée que par ceux qui se sont rendus — consciemment ou pas — insensibles à la souffrance, et en fait à l’existence même de ces victimes. Ce qui nous ramène à ce point de vue selon lequel nous vivons vraiment dans une démocratie. Cette lacune dans l’imagination — cette incapacité à se soucier — est au cœur de ce qui perpétue le fonctionnement de nos démocraties incroyablement destructrices. Sans l’ombre d’un doute, la plupart des gens de cette culture préfèrent les « conforts et les luxes » à une planète vivante, et c’est ainsi que le vol, le viol et le pillage sont autorisés à régner.

Comme Upton Sinclair l’a dit, il est difficile de faire comprendre quelque chose à quelqu’un, quand son travail dépend du fait qu’il ne la comprenne pas. Je dirais qu’il est difficile de faire en sorte que les gens se soucient de quelque chose lorsqu’ils bénéficient du fait de ne pas s’en soucier. Cette démocratie destructrice que nous partageons est une démocratie où la plupart des gens votent — à travers leurs actions et leurs inactions, à travers leurs passions déclarées, à travers ce dont ils se soucient, et ce dont ils ne se soucient pas — avec et pour des prérogatives. C’est pourquoi, si nous sommes vraiment honnêtes avec nous-mêmes, nous devrions utiliser le terme kleptocratie. La démocratie par, pour et de ceux qui bénéficient de la destruction complète de la planète.

Derrick Jensen


Traduction: Nicolas Casaux

Source : Le Partage, Derrick Jensen, 14-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/nous-vivons-en-kleptocratie-par-derrick-jensen/


[GEAB] Colère des peuples, défis démocratiques, crise systémique globale – Balkanisation et retour des empires en Europe centrale et orientale : la bombe de l’échec de l’intégration européenne et de la crise euro-russe

Thursday 23 June 2016 at 00:01

Source : GEAB

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En 2014, nous anticipions le délitement du flanc oriental de l’UE suite au différend euro-russe. À peine deux ans plus tard, les dégâts deviennent visibles. Si l’Europe et la Russie ne parviennent pas à renouer le dialogue, le pire est à attendre dans cette partie de l’Europe où les anciens démons sont en pleine résurrection (guerre froide, guerres européennes, balkanisation et logiques d’empire…), et où tous les échecs de la politique d’élargissement de l’UE commencent à se révéler.

Figure 1 – Carte de l’Europe centrale et orientale. Source : KKR.

Figure 1 – Carte de l’Europe centrale et orientale. Source : KKR.

L’intégration de l’Europe de l’Est est un échec

Le plus grand échec des 30 dernières années de construction européenne est bien la politique d’élargissement aux pays du bloc soviétique. Cette politique essentiellement mue par l’âpreté au gain des entreprises d’Europe de l’Ouest (et au-delà) s’est faite aux dépens de l’intégration politique du continent dans son ensemble et des populations de l’Est en particulier. Nous avons souvent évoqué les faibles taux de participation aux élections européennes dans cette région qui était pourtant si avide de rentrer dans l’UE. Le flanc oriental de l’UE est désormais un patchwork de pays mus par des motivations différentes, intégrés à des degrés divers et traversés par des intérêts de toutes natures. Les risques de délitement et de conflits sont immenses et menacent le projet européen, bien plus que l’hypothèse d’une sortie du Royaume-Uni.

La crise euro-russe de 2014 a créé les conditions d’une dislocation de cette région, désormais tiraillée entre d’innombrables intérêts et avenirs possibles. Comme nous le verrons plus loin, la montée des extrêmes-droites, notamment, date de 2014, comme par hasard. La conscience de ces dangers amène notre équipe à anticiper que les Européens parviendront à mettre fin aux sanctions contre la Russie à la fin de l’année (voir l’article plus loin dans ce numéro). Si jamais ils n’y arrivaient pas, la dislocation de cette région du monde n’ira pas sans une explosion de tensions dans cette région et entre l’Europe et la Russie. Explosion dont le détonateur pourrait bien se situer dans les Balkans d’ailleurs, dont nous ne parlerons pas dans cet article, mais qui participent bien sûr à l’équation.

Schengen, euro, UE : une intégration à vitesses multiples

Figure 2 : UE, zone Euro, espace Schengen – Source : Le Monde

Figure 2 : UE, zone Euro, espace Schengen – Source : Le Monde

Dans les faits, regardons la disparité de cette zone d’élargissement post-chute du mur. Certains pays sont membres de tous les niveaux d’intégration européenne (UE, euro, Schengen), à savoir la Slovénie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Slovaquie. Cette liste révèle une certaine aberration à voir figurer les trois pays baltes en lieu en place de la Pologne ou de la République tchèque qui sembleraient des membres complets plus logiques.

D’autres pays sont membres de l’UE et de la zone Schengen, mais pas de la zone euro : Pologne, République Tchèque, Hongrie. D’autres ne sont membres que de l’UE, parfaits membres de seconde zone, tels que la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie. Certes, il s’agit des derniers arrivés, mais les réticences de fond à voir ces pays accéder au privilège de la liberté de déplacement (zone Schengen) semblent bien ancrées.

Et puis il y a les pays-candidats, coupés de tout avenir autre qu’européen, qui se voient indéfiniment promettre la prise en compte de leur demande d’adhésion, indistinctement mélangés entre membres réellement potentiels et affabulations complètes : pays des Balkans, Ukraine, Turquie, Géorgie…

Niveaux d’intégration et droits différents créent un sentiment de castes et de vraies inégalités de traitement dans la région. Les pays qui ont intégré la zone euro correspondent aux seigneurs de la région. À l’inverse, la Roumanie (qui est pourtant le pays qui a candidaté le premier à l’UE, dès 1995) et la Bulgarie, en n’étant pas dans Schengen au moment où Schengen se renforce, risquent de se retrouver de l’autre côté du mur que dresse actuellement le reste de l’Europe. Une telle évolution exclurait de fait ces deux pays, les renvoyant à une région des Balkans dont le sort a de quoi inquiéter si l’Europe et la Russie ne parviennent pas à s’entendre à nouveau, comme on l’a vu maintes fois.

De grandes disparités économiques

On parle toujours de l’axe de disparité est-ouest. L’Europe centrale et orientale est en réalité loin d’être homogène. Si l’on regarde les salaires moyens, l’amplitude se situe entre 350 euros en Bulgarie et 1 092 euros en Slovénie. La Slovénie se situe au niveau de salaire des pays les plus pauvres d’Europe de l’Ouest (Portugal et Grèce, légèrement au-dessus de 1 000 euros). En revanche, les bulgares ne reçoivent en moyenne qu’un tiers de cette somme, soit moins que les Chinois[1].

En matière de chômage, l’amplitude maximale se situe entre la République tchèque (4,5% de taux de chômage) – correspondant au niveau de l’Allemagne –, et la Croatie (15,1%) – avec la Slovaquie juste avant (10,3%), correspondant à la moyenne de la zone euro (incluant les 20% de chômage espagnol et les 24% de chômage grec)[2].

Quant à la croissance, l’Europe centrale et orientale s’en sort bien dans son ensemble, ce qui est normal compte tenu du processus de convergence induit par l’intégration à la zone économique UE. Néanmoins, on y distingue de vrais champions de l’UE comme la Roumanie (3,8%) suivie de la Pologne et de la Slovaquie (3,6%)… mais aussi des pays plus lents comme la Croatie (1,6%) – l’Estonie, quant à elle, est seulement à 1,1% de croissance mais on a vu ci-dessus que ses niveaux de salaires élevés indiquent un niveau de développement de type Europe occidentale, en phase de stabilisation probablement donc[3].

Ces données permettent de constater qu’il n’existe pas de cohérence dans les atouts de chacun de ces pays : par exemple la Roumanie croît plus vite que la Bulgarie alors que ses niveaux de salaire sont déjà bien au-dessus ; ou encore la Slovaquie peine avec ses 10,3% de chômage pour des niveaux de salaire pourtant identiques à ceux de la Pologne qui n’est qu’à 6,8% de chômage…

Les pays les plus touchés par la pauvreté présentent une liste encore différente : Bulgarie, Roumanie, Lettonie et  Hongrie sont les plus affectés[4] alors qu’ils figurent dans des catégories très différentes sur des indicateurs de chômage, de salaires ou de croissance. La Hongrie en particulier doit être très inégalitaire si l’on compare ses plutôt bonnes performances économiques à ses risques de grande précarité.

Tout ceci révèle un échec de convergence économique qui était pourtant la motivation principale à l’entrée dans l’UE. Ces disparités sont tout aussi criantes en Europe occidentale mais la motivation économique à l’entrée dans l’UE concernait surtout trois pays (Portugal, Espagne et Grèce), alors qu’elle concerne la totalité des pays d’Europe centrale et orientale. Le sentiment de déception est donc inévitablement beaucoup plus fort dans ces pays. On leur a vendu l’intégration en leur faisant miroiter un profit rapide qui n’est pas au rendez-vous. La convergence économique assortie à l’intégration à la zone économique commune s’avère être un mensonge.

Armées, églises : Europe de l’Est, terre de conquête

L’échec d’intégration et la crise euro-russe ont en outre transformé l’Europe centrale et orientale en véritable foire d’empoigne. Les intérêts étrangers qui s’y affrontent sont bien sûr l’UE, la Russie et les États-Unis. Toute l’Europe centrale et orientale souhaite rester dans l’UE mais certains voient dans l’Europe une simple extension de l’Amérique dont ils exigent la protection (pays baltes, Pologne), tandis que d’autres réclament que leur participation à l’UE ne les coupe pas de leur grand voisin russe (Hongrie, Slovaquie, Bulgarie). Les hostilités sont déclenchées et les grands puissances jouent de tous leurs outils d’influence : OTAN en ce qui concerne les États-Unis, propagande du côté russe… et du côté occidental aussi puisque l’OTAN passe son temps à parler de contre-propagande[5], et religion des deux côtés également.

Ce dernier point est particulièrement intéressant car bien peu observé. En réalité, depuis la fin du communisme, le sentiment religieux, bridé pendant les décennies soviétiques, a explosé en Russie et dans les pays d’Europe centrale et orientale. À la manœuvre derrière cet authentique retour à la foi, on a vu dès le début des années 90 tout un tas de sectes évangélistes venues d’outre-Atlantique s’installer dans les campagnes de Roumanie et d’ailleurs[6], avec beaucoup d’argent et des programmes sociaux détournant facilement ces oies « blanches » de leurs religions historiques (catholicisme et orthodoxie).

L’orthodoxie russe a mis un peu plus de temps à revenir mais elle est maintenant bien là. Par exemple, la Roumanie se couvre actuellement de monastères orthodoxes[7] (bien plus vite que d’hôpitaux), y compris dans les régions de l’Ouest historiquement catholiques[8] (comme en Transylvanie)… Abonnez-vous et lisez l’article en entier dans le bulletin GEAB 106.

Voici les titres des autres chapitres contenus dans ce même article :
Business, mafias et corruption…
Minorités désintégrées…
La confusion des sentiments UE-OTAN…
Nationalisme vs fédéralisme…
Le « contre-modèle » Višegrad Group ou V4…
V4 et empire austro-hongrois…
Terreau d’extrêmes-droites…
Décembre 2016 : le devoir européen de lever les sanctions contre la Russie…

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[1]    Salaires moyens dans l’UE en 2015. Source : Reinisfischer, 2015
[2]    Source : Statista, Février 2016
[3]    Source : La croissance en Europe, Toute l’Europe, 11/05/2016
[4]    Source : Euractiv, 20/02/2015
[5]    « NATO looks to combat Russia’s ‘information weapon’: document » (or une contre-propagande peut-elle être autre chose que de la propagande ?). Source : Reuters, 27/01/2016
[6]    Témoins de Jéhovah en Slovaquie (source : CultNews, 28/08/2002) ; Evangélistes en Roumanie (source : The Independent, 13/12/1993) pour ne citer que ceux-là…
[7]    « Romania’s costly passion for building churches ». Source : BBC, 07/08/2013
[8]   Cette situation résulte d’ailleurs de l’époque communiste durant laquelle l’athéisme des Ceausescu a composé avec la puissante ferveur du pays en imposant une religion unique, l’orthodoxie, pour des raisons évidentes de basculement vers l’Est.

Source : GEAB

Source: http://www.les-crises.fr/geab-colere-des-peuples-defis-democratiques-crise-systemique-globale-balkanisation-et-retour-des-empires-en-europe-centrale-et-orientale-la-bombe-de-lechec-de-lintegr/


[Dingue ça…] Il n’existe que 10 pays dans le monde vivant en paix totale. Et un seul en Europe

Wednesday 22 June 2016 at 04:01

Source : Le Nouvel Obs, 19-06-2016

Conflits externes :

conflits externes

Conflits internes :

conflits-internes

Terrorisme :

terrrorisme

Alain Bommenel (AFP)

Alain Bommenel (AFP)

10, seulement ! Selon l’édition 2016 du classement Global Peace Index (animation et pdf), réalisé par le think tank Institute for Economics and Peace, seuls dix pays dans le monde vivent en paix totale, à l’abri de tout conflit.

Pour entrer dans ce cercle très fermé, le pays doit en effet être totalement en paix, autrement dit : non engagés dans un quelconque conflit, qu’il soit interne ou externe à leurs frontières, explique “The Independent”relayé en France par BFMTV.

Et au final, la liste est donc très courte et assez étonnante : le Botswana, le Chili, le Costa Rica, le Japon, l’île Maurice, le Panama, le Qatar, la Suisse, l’Uruguay et le Vietnam.

* Image d’illustration

Source: http://www.les-crises.fr/dingue-ca-il-nexiste-que-10-pays-dans-le-monde-vivant-en-paix-totale-et-un-seul-en-europe/


Italie : les raisons de la défaite de Matteo Renzi, par Romaric Godin

Wednesday 22 June 2016 at 02:00

Pour faire suite à l’article d’hier, un article écrit cette fois par un (grand) journaliste…

Source : La Tribune, Romaric Godin, 20/06/2016

Virginia Raggi a été élue maire de Rome avec 67 % des voix. (Crédits : Reuters)

Virginia Raggi a été élue maire de Rome avec 67 % des voix. (Crédits : Reuters)

Le parti du président du Conseil a subi lors des municipales de ce 19 juin une vraie défaite en perdant Rome et Turin, mais aussi plusieurs villes moyennes dont Trieste, Grosseto ou Savone. Le fruit d’un échec de Matteo Renzi qui a fait du Mouvement 5 Etoiles une “réponse logique”.

« Une défaite capitale ». C’est ainsi que le quotidien de gauche italien Il Manifesto a titré son éditorial du lundi 20 juin après les deux lourdes défaites enregistrées la veille par le Parti démocrate (PD) du président du Conseil Matteo Renzi aux élections municipales de Rome et de Turin. Dans les deux villes, qui figurent parmi les trois capitales de l’Italie unifiée, les candidats du gouvernement ont été battus par les candidates du Mouvement 5 Etoiles, le parti qui semble désormais en mesures de s’imposer comme un prétendant sérieux à la direction du pays dans les prochaines années.

Défaite évidente pour Matteo Renzi

Certes, la défaite du PD doit être relativisée. Dimanche, on votait dans 121 communes où il y avait des ballottages. Le parti de Mateo Renzi a remporté 34 de ces 121 duels, le centre-droit, 33 et le Mouvement 5 Etoiles, 19. Le PD reste donc encore la première force politique de la Péninsule et parvient à conserver quelques grandes villes comme Milan (difficilement), Bologne ou Ravenne. Mais il ne s’agit là que de demi-succès. La réalité est bien celle d’une vraie défaite. Le centre-gauche est sur la défensive et perd beaucoup de villes moyennes comme Novare, Savone, Trieste ou encore Grosseto, en Toscane, à gauche depuis 10 ans. Et si la défaite à Rome était attendue, celle à Turin ne l’était pas. La volonté de sanctionner le centre-gauche a été très présente, permettant notamment à des partis de centre-droit pourtant en très petite forme politique de l’emporter dans ces villes.

La capacité fédératrice du Mouvement 5 Etoiles

Mais l’élément le plus inquiétant pour le Palais Chigi, résidence de la présidence du conseil, est bien la poussée du Mouvement 5 Etoiles (M5S). Le parti fondé par le blogueur et comique Beppe Grillo a remporté 19 des 20 ballottages où il était présent dimanche. On peut estimer que c’est peu, mais les élections municipales étaient, selon les politologues italiens, peu propices au M5S, dont le vote serait le fruit d’un mécontentement sur la politique nationale. Cette vision a été disqualifiée dimanche. Comme a été disqualifiée l’idée que le M5S serait un parti de protestation pure. La victoire dans deux grandes villes, Turin et Rome, a montré, comme l’a souligné l’étoile montant du parti, Luigi di Maio, que « les citoyens ont reconnu une capacité à gouverner » au M5S.

A Rome, comme à Turin, le M5S a montré sa capacité à « unifier » les mécontents de la politique de Matteo Renzi. Le « tout sauf Renzi » a parfaitement fonctionné dans le cas du Mouvement 5 Etoiles, ce qui n’a pas été le cas pour le centre-droit qui a échoué à mobiliser les oppositions au PD pour lui barrer la route à la mairie de Milan, par exemple. La candidate « grilliste » à Turin, Chiara Appendino, a ainsi pratiquement doublé son score du premier tour, passant de 118.000 voix à 202.000, tandis que le maire sortant Piero Fassino ne progressait que de 8.000 voix… A Rome, la démonstration est encore plus éclatante : Virginia Raggi, la candidate du M5S, a gagné 317.000 voix de plus que ses 453.000 du premier tour, tandis que le candidat « renziste », Roberto Giacchetti, a progressé de 57.000 voix seulement.

Une force d’alternance ?

Le Mouvement 5 Etoiles a donc fait la preuve de sa capacité à réunir les oppositions à Matteo Renzi. A l’inverse, le PD apparaît incapable de mobiliser au-delà de ses propres troupes face au M5S, ce qui est moins le cas face au centre-droit. C’est un élément essentiel qui doit donner des sueurs froides à l’hôte du Palais Chigi car la nouvelle loi électorale que Matteo Renzi a fait adopter, l’Italicum, prévoit un ballottage au niveau national pour obtenir la majorité à la chambre entre les deux premiers partis si personne n’a obtenu plus de 40 % des suffrages au premier tour. Or, il y a fort à parier qu’en cas de législative, le deuxième tour oppose le PD au M5S. Et désormais, le M5S dispose de candidats crédibles, jeunes et dynamiques, à opposer à Matteo Renzi pour la conquête du Palais Chigi : Virginia Raggi, la nouvelle maire de Rome et Luigi di Maio, 30 ans, de 11 ans le cadet du président du Conseil, devenu très populaire.

La fin du « miracle » Renzi

Comment en est-on arrivé là ? Voici deux ans, Matteo Renzi remportait haut la main les élections européennes avec 40,6 % des voix et pouvait donner la leçon aux autres partis sociaux-démocrates d’Europe. Mais en mai 2014, Matteo Renzi n’était président du Conseil que depuis décembre 2013. Il était encore auréolé de sa jeunesse, de son volontarisme qui l’avait porté au pouvoir par un putsch rapide contre Enrico Letta au sein du PD et de son discours de renouvellement et de réformes face à une classe politique italienne fatiguée et incapable de prendre en compte la situation réelle des Italiens. Depuis, le « miracle » Renzi s’est évanoui.

Une croissance revenue, mais insuffisante

Certes, la croissance est revenue : + 0,3 % au premier trimestre 2016 sur trois mois et 1 % sur un an. Mais comme ailleurs en Europe, c’est une croissance qui s’appuie sur des éléments qui ne trompent guère les citoyens : la baisse du prix de l’énergie et la précarisation des plus fragiles. C’est ce qui explique que, même là où elle est vigoureuse, comme en Espagne, cette croissance ne se traduit pas électoralement. De ce point de vue, la politique de Matteo Renzi n’a guère changé par rapport à celles mises en place depuis l’arrivée au pouvoir de Mario Monti sous la pression de la BCE en 2011. Le « Job Acts », porté aux nues de ce côté-ci des Alpes, n’a pas convaincu les Italiens qui ont compris le caractère très précaire de ces CDI créés à coup de subventions et facilement annulables. Ils savent aussi que le « miracle de l’emploi » dont se vante le gouvernement est loin d’avoir annulé la progression du chômage depuis le début de la crise et qu’il est fort peu probable qu’il y parvienne.

Économiquement, l’Italie va peut-être « mieux », mais elle reste en sous-régime. Sa croissance est encore deux fois inférieure à celles de la zone euro au premier trimestre sur trois mois. La confiance dans l’avenir peine à revenir. Les PME continuent de souffrir d’un système bancaire grevé par les mauvaises créances et les indécisions du pouvoir central. Les mesures prises pour rétablir la santé du secteur bancaire italien ont été contre-productifs. A l’automne, le « sauvetage » de quatre banques a conduit à la ruine de plusieurs épargnants, dont un s’est suicidé, et a été entaché par des conflits d’intérêts. Au printemps, le fonds « Atlas » destiné à sauver les banques n’a convaincu personne. Le chômage reste élevé, les PME en plein désarroi et la croissance trop faible. Le bilan économique de Matteo Renzi n’est donc pas bon. Il en paie logiquement le prix.

La défaite des « réformes »

La défaite du PD ce 19 juin est donc celui de ce « réformisme » et de cette « modernité » qu’incarnaient Matteo Renzi. L’ancien maire de Florence avait fait un pari : que les « réformes » relance le pays et que son modernisme le place au centre de la vie politique italienne, à la place de l’ancienne Démocratie chrétienne. Ce pari est manqué. Les « réformes » n’ont conduit qu’à radicaliser davantage une partie de l’opinion et donc à réduire la base « centriste » du PD. Le Mouvement 5 Etoiles peut aisément récupérer les déçus du renzisme avec un discours que les médias internationaux qualifie par paresse de « populisme », mais qui répond à plusieurs demandes de la société italienne.

La demande démocratique

Demande démocratique, d’abord. Matteo Renzi est un adepte de la pensée économique dominante. Il considère que la démocratie est une entrave aux réformes. Il a donc, en 2013, pris le pouvoir sans élections, sur un programme réformateur destiné à conduire à une victoire en 2018. Les réformes d’abord, les élections ensuite. Et des élections réalisées avec une loi électorale faite alors sur mesure pour sa « nouvelle DC ». Les propositions du M5S d’une démocratie plus active et d’une plus grande participation populaire aux décisions ont alors davantage convaincu un peuple italien fatigué par les combinaisons post-électorales et traumatisé par l’imposition par la BCE en 2011 de Mario Monti à la présidence du conseil pour appliquer un programme désastreux pour eux. Au niveau local, cette demande s’est traduite, à Rome, par exemple, par une volonté de maîtriser la gestion de la ville, notamment sur les projets de prestige comme les Jeux Olympiques. L’arrogance croissante de Matteo Renzi, fruit de cette idéologie des « réformes douloureuse mais nécessaires », a été sanctionnée par des Italiens en demande d’une autre forme de politique.

La demande réformatrice

Demande réformatrice, ensuite. Il y a réforme et réforme. Matteo Renzi aime à se présenter dans toutes l’Europe comme l’exemple même du dirigeant réformateur, mais l’Italie continue à souffrir de l’inefficacité de l’Etat et des liens troubles de la politique et des milieux économiques, et, parfois, de la criminalité organisée. La vision du M5S est que seul un vrai renouvellement de la classe politique peut changer la donne. C’est populiste, si l’on veut, mais ce qui a été sanctionné à Rome et à Turin, ce sont précisément ces liens troubles et le fait que le PD de Matteo Renzi ne peut incarner un changement de ce point de vue. A Turin, le maire sortant, Piero Fassina, est un cacique à l’ancienne, souvent cité dans des affaires de corruption. Il est l’exemple même de l’incapacité du PD à incarner un renouvellement. Dans l’esprit des Italiens, le M5S « populiste » apparaît pour la gestion de l’Etat plus réformateur que les partis traditionnels, englués dans leurs intérêts locaux. Il réclame une informatisation et une simplification d’un Etat connu pour sa complexité. Sans doute peut-on avancer que le M5S deviendra aussi corrompu que les autres une fois au pouvoir, mais c’est tout à l’honneur des Turinois et des Romains d’avoir donné sa chance à une alternative politique au milieu d’un immense océan de désintérêt pour la politique, comme l’a montré la progression de l’abstention.

La demande européenne

Demande de débat européen enfin. L’Italie est un des rares pays à ne pas avoir connu de croissance depuis son entrée dans la zone euro en 1999. Le passage de Mario Monti au gouvernement avec l’appui de l’UE, a conduit à un fort mouvement d’euroscepticisme qui profite au M5S. Ce dernier prétend organiser un référendum sur l’appartenance à l’euro. Démagogie ? Peut-être, mais c’est aussi la traduction d’un échec de Matteo Renzi qui, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, avait promis de réorienter l’Europe et qui, malgré ses rodomontades régulières contre Bruxelles et Berlin, n’y est pas parvenu. Sa présidence italienne de l’UE au cours du second semestre 2014 a été un fiasco retentissant. Et les Italiens ont le sentiment justifié que, malgré les réformes subies depuis 2011, l’Europe se contente de leur en demander davantage. Les Italiens refusent le simplisme européen selon lequel les « réformes structurelles » sont bonnes par nature. Ils ont d’excellentes raisons pour cela. La poussée du M5S traduit donc un mal-être italien dans l’Europe et une gestion européenne aveugle à la situation italienne. C’est aussi autour de la critique de l’UE que le M5S est désormais capable de mobiliser contre le PD.

Le risque pour l’avenir

Certes, il est plus aisé de fédérer autour d’un « ennemi commun », en l’occurrence Matteo Renzi que de construire une action de gouvernement pouvant satisfaire un électorat de second tour encore disparate. Mais c’est là le même problème que celui de Matteo Renzi qui doit maintenir au sein du PD sa gauche et son centre. Le danger est évidemment que le M5S, qui a séduit beaucoup d’électeurs de gauche, ne se concentre désormais sur ses réserves de voix au second tour en voulant séduire l’extrême-droite eurosceptique de la Ligue du Nord et de Fratelli d’Italia, notamment par un discours xénophobe. L’équilibre sera difficile à trouver, de ce point de vue, mais le M5S dispose d’un atout majeur, le rejet actuel, en dehors du noyau des électeurs du PD, de Matteo Renzi.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 20/06/2016

Source: http://www.les-crises.fr/italie-les-raisons-de-la-defaite-de-matteo-renzi-par-romaric-godin/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Béchade, Onfray, ScienceEtonnante, DataGueule)

Wednesday 22 June 2016 at 01:00

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute de Delamarche: “Yellen est dans un corner. Elle ne relèvera pas ses taux !” – 20/06

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (1/2): Outre les marchés, qui sera le plus affecté par un éventuel Brexit ? – 20/06

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (2/2): Une hausse des taux de la FED entraînera-t-elle l’économie américaine vers une récession ? – 20/06

II. Philippe Béchade

Les indés de la finance: À l’inverse des marchés actions européens qui grimpent ce vendredi, Wall street recule – 17/06

La minute de Béchade : Si il y a un Brexit, “on se reprendra tout dans la figure”

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (1/2): Si le Brexit venait à se confirmer, les marchés en pâtiraient-ils ? – 15/06

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (2/2): Les taux négatifs peuvent-ils constituer une menace pour la croissance européenne ? – 15/06

IV. Michel Onfray

V. ScienceEtonnante

La machine à inventer des mots (avec Code MU) — Science étonnante #17

VI. DataGueule

Pirate mon amour #DATAGUEULE 5


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Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-bechade-onfray-scienceetonnante-datagueule/


Municipales en Italie : le populisme à la conquête du pouvoir, par Marcelle Padovani

Tuesday 21 June 2016 at 02:00

Ah, ces “populistes”… Bel exemple du “journalisme du XXIe siècle”

Source : Le Nouvel Obs, Marcelle Padovani, 19-06-2016

La candidate M5S à la mairie de Rome, Virginia Raggi, lors d'un meeting à Rome le 10 juin 2016. (Luigi Mistrulli/SIPA)

La candidate M5S à la mairie de Rome, Virginia Raggi, lors d’un meeting à Rome le 10 juin 2016. (Luigi Mistrulli/SIPA)

Le deuxième tour des élections municipales en Italie dimanche devrait voir triompher Virginia Raggi à Rome, et d’autres populistes à Naples et Turin. Une nouvelle donne.

Le monde entier a les yeux fixés sur Rome, Milan, Naples et Turin. En ce dimanche 19 juin, on vote en Italie au deuxième tour dans un millier de communes, sur les 8.000 que compte la Péninsule, et jamais municipales partielles n’auront bénéficié d’une telle exposition médiatique.

Il y a bien longtemps que l’Italie n’avait plus été dans ce rôle de laboratoire politique, qu’elle a tant joué par le passé, pour le pire – le fascisme mussolinien, père du nazisme allemand, ou le terrorisme des Brigades rouges qui dans les années 1970/80. Mais aussi pour le meilleurs : le “communisme à visage humain” qui dans l’après-guerre se montra capable de gérer la plupart des grandes villes et des régions avec une extraordinaire efficacité, et dans le plus profond respect des règles de la démocratie.

Aujourd’hui le “labo” italien nous offre sur un plateau un avant-goût de ce que peut devenir un grand pays européen aux mains du populisme. Et c’est Virginia Raggi, la “sexy grillina” candidate au poste de maire de la capitale, qui illustre le mieux la puissance de feu du très populiste Movimento5Stelle de Beppe Grillo. Né en 2009, il s’apprête  tranquillement à prendre d’assaut les institutions.

Quel avenir pour Rome ?

Le mercredi 15 juin sur la place du Capitole, dans un studio en plein air monté par la chaîne Sky, elle débattait avec son concurrent du Parti démocratique (PD), Roberto Giachetti. Des sondages disent qu’elle pourrait obtenir de 60% à 70% des suffrages des Romains. Est-ce cette perspective qui attire des myriades de goélands autour de la statue de Marc Aurèle ?

Sont-ils effarés à l’idée de voir Rome aux mains d’une maire dépourvue d’expérience administrative ou politique et de compétence en matière de gestion de la chose publique ? C’est en tout cas cette personne qui devrait gérer, à partir de lundi, une ville de 3 millions d’habitants, étendue sur 1.250 km2 et lestée de 14 milliards de déficit.

Roberto Giachetti du PD et Virginia Raggi, du M5S, candidats à la mairie de Rome, lors de leur débat à Rome, le 15 juin 2016. (AGF/SIPA)

Roberto Giachetti du PD et Virginia Raggi, du M5S, candidats à la mairie de Rome, lors de leur débat à Rome, le 15 juin 2016. (AGF/SIPA)

L’inquiétude est d’autant plus grande que l’avocate Raggi reste incroyablement avare sur son équipe, sur ses projets, sur son programme. Et qu’elle répond avec des phrases toutes faites lorsqu’on conteste ses idées les plus saugrenues – celle des “pannolini” par exemple, langes  recyclables destinées à diminuer les déchets, ou celle du funiculaire au-dessus du Tibre pour éviter aux usagers de la zone est de la capitale de devoir traverser un pont pour aller d’une station de métro à un arrêt de bus…

Ou encore quand on lui demande des comptes sur son hostilité à la construction d’un stade pour l’équipe de foot de la Roma. Ou enfin quand on la prie d’expliciter le “code de comportement” qu’elle dit avoir “signé avec Beppe Grillo“. La seule perspective offerte par cette candidate est celle d’un grand saut dans le vide, un vote de confiance à une entité mystérieuse. Le politologue Roberto D’Alimonte analyse :

“C’est justement cela qui séduit. Les Romains sont tellement dégoûtés des politiciens, des scandales, de la corruption et de l’ineptie de certaines administrations qu’ils choisissent la politique du pire. Comme s’ils voulaient faire une dernière farce à l’establishment.”

Le résultat risque de surprendre plus d’un observateur. La presse européenne s’est soigneusement préparée au Brexit mais beaucoup moins à  l’idée non moins perturbante du grillisme au coeur du Palazzo, le pouvoir romain.

Parti démocrate vs populisme

En ce sens, pour un Movimento qui ne gérait jusqu’ici que 17 municipalités, ces élections sont devenues un tremplin. A travers l’analyse des déplacements de voix, on comprendra si les électeurs ont suivi au deuxième tour les consignes des partis exclus de la compétition et qui (presque) tous appelaient, à Rome par exemple, à voter Raggi.

Dans ces conditions, le politologue Ilvo Diamanti va jusqu’à envisager une fusion à court terme entre le populisme xénophobe de droite de la Ligue du Nord, sous l’égide de son leader Matteo Salvini, et le populisme du Movimento 5 Stelle sous l’égide de Grillo. Ce qui aboutirait à la construction d’un nouveau bipolarisme : le centre gauche d’un coté, les populistes de l’autre ; le centre droit ayant en fait été évacué du paysage politique en même temps que la personne de Silvio Berlusconi.

Le scénario “PD contre M5S” pourrait bien se généraliser à l’avenir. Il suffit pour s’en convaincre de comparer la situation de Rome avec celle d’une autre grande ville comme Turin. Dans la capitale du Piémont s’affrontent dimanche le maire sortant, Piero Fassino, élu d’un centre gauche qui gère (plutôt bien) les affaires locales depuis des décennies, et une “grillina” de la dernière heure , Chiara Appendino, qui a poussé la démagogie jusqu’à proposer la constitution d’un fonds de 100.000 euros destiné à “dédommager les victimes des vols à la tire lorsqu’elles sont âgées de plus de 65 ans”. Au premier tour, elle a raflé 30% des suffrages.

La situation n’est pas plus rassurante à Naples, où règne un populisme d’inspiration locale porté par un ex-magistrat narcissique et désavoué dans la plupart de ses enquêtes judiciaires, le maire Luigi de Magistris. Cet habitué des coups de gueule démagogiques est au pouvoir depuis cinq ans et risque bien de l’emporter dimanche. Bref, les traditionnels duels entre gauche et droite sont en voie d’extinction.

A Milan, bonnet blanc et blanc bonnet

Seule exception : Milan, où le centre gauche Beppe Sala, 58 ans, affronte le centre droit Stefano Parisi, 60 ans. Mais les deux hommes se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Il fallait voir leur débat final : même sourire avenant, même costume sombre, même style civilisé et même genre gentleman. Même programme au fond, puisque l’un et l’autre pensent aux problèmes concrets de leur ville.

Une différence ? Sala veut construire une mosquée à Milan, quand Parisi veut que l’immigré “fasse siennes les valeurs de la culture gréco-romaine et judéo-chrétienne”. Mais c’est bien leur plus gros désaccord. Ce sont deux “city managers”, deux fonctionnaires qui ont débuté, l’un dans le centre droit pour filer ensuite vers le centre gauche, et inversement pour le second !

Stefano Parisi, à gauche, et Giuseppe Sala, tous deux candidats à la mairie de Milan, le vendredi 11 mai 2016. (Luca Bruno/AP/SIPA)

Stefano Parisi, à gauche, et Giuseppe Sala, tous deux candidats à la mairie de Milan, le vendredi 11 mai 2016. (Luca Bruno/AP/SIPA)

De quoi déstabiliser plus encore un électorat qui tend un peu partout à exprimer sa méfiance à l’égard des appareils, des partis et de la politique, et à privilégier “l’antipolitique” à tout prix.

La gauche en lambeaux

Une nouvelle façon de conquérir le pouvoir s’impose en Italie, qui n’a plus rien à voir avec ce qu’on a connu au XXe siècle et au début du XXIe. Finies les sections, les cellules, les unités locales. Finis les fonctionnaires de parti, les intermédiaires, les organigrammes. Finies les longues palabres pour élaborer un programme. Tout se joue désormais entre le leader charismatique et son peuple, dans un grand élan émotif.

Car le populisme est un rapport au peuple qui a été chamboulé. Stefano Folli, éditorialiste à la “Repubblica”, résume ainsi la nouvelle donne :

“On lui parle, au peuple, mais on cherche à le deviner plutôt qu’à l’orienter. On cherche à répondre par avance à ses besoins supposés, à ses peurs, et à ses rejets.”

Comment s’étonner alors que des batailles fratricides entre les leaders de la gauche, ou entre majorité et minorité, mine le Parti démocrate ? Un sommet, encore impensables il y a seulement trois ans, a été atteint le 15 juin dernier. L’un des fondateurs du PD, Massimo d’Alema, s’est en effet vanté en public de “voter pour Raggi”, parce qu’il ne voulait en aucun cas donner son bulletin à un membre de son parti – le démocrate Roberto Giachetti en l’occurrence – espérant de la sorte mettre en difficulté le secrétaire général Matteo Renzi, Président du Conseil, et le faire chuter…

Sur ces décombres avancent inexorablement les mouvements qui vivent sur “la peur des flux migratoires, le rejet des instances européennes et une méfiance atavique envers les classes dirigeantes”. Avec la complicité de “la gauche de la gauche”, comme dit le sénateur Emanuele Macaluso. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes, clairement explicité dans le Parti démocrate italien, que de voir une gauche de gouvernement qui s’autodétruit à peine est-elle arrivée au pouvoir. Faisant elle-même le lit des populismes.

Seul vrai problème, souligne Emanuele Macaluso, 92 ans, que tout le monde considère comme un “sage de la politique” : les populistes sauront-ils cesser d’être subversifs lorsqu’ils seront aux leviers de commande ? Le laboratoire italien pourrait donner une première réponse dès lundi.

Source : Le Nouvel Obs, Marcelle Padovani, 19-06-2016

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ITALIE. La populiste Virginia Raggi emporte Rome : Matteo Renzi sur la sellette

Source : Le Nouvel Obs, Marcelle Padovani, 20-06-2016

Virginia Raggi, 37 ans, du Mouvement 5 Etoiles, a été élue maire de Rome. Tout comme Chiara Appendino, 31 ans, à Turin. Deux femmes qui bousculent Matteo Renzi.

Les observateurs du monde entier avaient les yeux rivés sur Rome, et Rome ne les a pas déçus : c’est bien Virginia Raggi, 37 ans, avocate et militante du Movimento 5 Stelle qui l’a emporté avec plus de 67% des suffrages, loin devant Roberto Giachetti, le candidat du Parti démocrate (PD, centre-gauche). Ce plébiscite annoncé couronne une inconnue, une débutante, qui n’a pour l’heure ni programme ni “squadra” (équipe), qui a salué avec jubilation ce “moment historique fondamental puisque pour la première fois, la capitale a un maire au féminin”.

Dans son quartier général d’Ostiense, les militants en T-shirts blancs décorés du sigle du M5S crient “Honnêteté ! Légalité !”. Beppe Grillo s’est déplacé pour fêter la victoire, ainsi que Davide Casaleggio, le fils du fondateur du Movimento, qui gère le blog et la plate-forme “Rousseau”, vraies instances dirigeantes du M5S : c’est de là que partent les mots d’ordre, les investitures et les expulsions – près d’une centaine d’élus en ont déjà fait l’expérience.

Il y a gros à parier que “Rousseau” aura du pain sur la planche avec la gestion d’une capitale qui se trouve dans un état désastreux : du plus visible (les ordures, la voirie, les transports) au plus caché (les près de 14 milliards de dettes accumulées en vingt ans de “malgoverno”, ou “mauvais gouvernement” comme disent les “grillini”. “Arrivederci Roma !”, titre “l’Unità”, le quotidien du Parti démocrate. Aujourd’hui, Virginia Raggi fera son entrée au Capitole, prenant possession de l’immense et surprenant bureau de premier édile, qui domine le Forum.

Rome avant l’Italie ?

On aura beau dire qu’un Romain sur deux n’est pas allé voter dimanche, et que Virginia Raggi doit aussi sa victoire au centre droit qui, lorsqu’il a voté au deuxième tour, a préféré la candidate “grillina” à l’homme du centre gauche Roberto Giachetti, son triomphe n’en est pas moins significatif . Il change la donne politique générale, puisque pour la première fois c’est un mouvement “anti politique” et populiste qui s’apprête à gérer la capitale. En attendant de gérer le pays ?

Rappelons-le : le Movimento est populiste et n’a rien voir avec Podemos ou Syriza, ne serait-ce que parce qu’il se dit officiellement “ni de droite ni de gauche” et siège au Parlement européen, avec ses 17 élus, dans le même groupe que le britannique Nigel Farage, connu pour sa xénophobie et son anti-européisme. Or le Movimento vise désormais le poste de Premier ministre, après avoir donné depuis Rome un premier coup de balai à l’expérience Renzi.

Plus encore que Rome, c’est Turin qui a été la grande surprise de ce second tour. La ville était, de l’aveu général, gérée de façon excellente par un maire du Parti démocrate, Piero Fassino. Et c’est Chiara Appendino, 40 ans, inconnue au bataillon de la politique elle aussi, qui l’a emporté avec 53% des suffrages sous la houlette du Movimento 5 Stelle.

Cette élection tend à prouver que la consultation municipale a été l’occasion d’exprimer un rejet de la politique même quand elle marche bien, un refus du Parti démocrate même quand il travaille bien, et un “stop” à Matteo Renzi, Premier ministre de centre gauche depuis un peu plus de deux ans.

Renzi fragilisé

Puissamment épaulé par un centre droit en déconfiture, le Movimento a donc su donner un avertissement à Renzi. Un coup de semonce. Un avis d’expulsion. Comment le Président du Conseil l’a-t-il pris ? En continuant à soutenir que cette consultation avait une “valeur locale”, même si elle a fait comprendre que ce sont “les visages jeunes et nouveaux” qui ont les faveurs de l’électorat. Et même si à Milan, ce n’est pas un tout jeune démocrate, mais Beppe Sala, 58 ans, qui l’a emporté contre le berlusconien Stefano Parisi. Comme dit le politologue D’Alimonte :

“Le Parti démocrate l’emporte quand il a contre lui la droite, mais pas quand il est confronté aux tout nouveaux ‘grillini’.

Le vrai problème maintenant est de savoir comment Renzi affrontera vendredi la direction de son parti , où l’aile gauche s’apprête à demander sa démission de secrétaire du parti et la convocation immédiate d’un congrès. Et surtout comment pense-t-il se préparer à ce qui reste son grand rendez-vous politique : le référendum d’octobre sur la révision constitutionnelle pour réduire des pouvoirs du Sénat. N’a-t-il pas déclaré que si sa réforme n’était pas approuvée, il donnerait sa démission, donnant une signification ultérieure à la consultation ? Beaucoup pourraient voter contre le nouveau Sénat rien que pour évacuer Renzi.

Candidate anti-corruption

Parce que l’anti-corruption, c’est du populisme hein…

Nouvelle figure montante du Mouvement 5 étoiles (M5S) – ambitieuse formation populiste et anti-partis -, Virginia Raggi s’est imposée triomphalement.

Née à Rome, elle est entrée en politique il y a seulement cinq ans, séduite par le discours radical du M5S, qui s’est juré d’en finir, comme tant d’autres en Europe, avec la classe politique traditionnelle.

Et celle-ci est particulièrement discréditée à Rome, où l’ancien maire de centre-gauche a été poussé avec fracas à la démission fin 2015 après une affaire de fausses notes de frais.

C’est la naissance de son fils Matteo qui l’a convaincue qu’elle ne pouvait rester sans rien faire face à l’état de dégradation de la capitale, qui exaspère les près de trois millions de Romains, a-t-elle raconté dans un entretien avec l’AFP.

De sa jeunesse dans le quartier de Saint-Jean de Latran, Virginia Raggi raconte qu’elle était surtout studieuse.

“J’étais une jeune fille curieuse, intéressée par beaucoup de choses, mais toujours très concentrée sur ses objectifs, comme je le suis du reste aujourd’hui. En fait, la détermination ne m’a jamais manqué”, explique-t-elle sur son site internet.

C’est sur cette exaspération, après vingt ans d’immobilisme, de corruption et d’incurie administrative, que Virginia Raggi a construit son succès.

Elle devra désormais faire la preuve de sa compétence dans une ville en plein désarroi, criblée de dettes et réputée ingérable. Ce défi s’annonce de taille, y compris pour le M5S, un mouvement créé en 2009 qui joue aussi à Rome sa crédibilité alors qu’il ambitionne de gouverner un jour tout le pays.

Référendum en octobre

A Turin (nord-ouest), une autre novice du MS5, Chiara Appendino, 31 ans, a détrôné avec 54% l’expérimenté maire sortant Piero Fassino, une figure du PD, qui a dénoncé l’appel de la Ligue du Nord de Matteo Salvini, allié du Front national français, à voter pour les deux candidates du M5S afin de battre Matteo Renzi.

En revanche à Milan (nord), la capitale économique du pays, le candidat du PD Giuseppe Sala, ancien commissaire de l’Exposition universelle, l’a emporté avec 51,7% des voix.

Le parti de Matteo Renzi se maintenait aussi à Bologne (centre), un fief historique de la gauche, mais n’était même pas au second tour à Naples (sud-ouest), où le maire sortant Luigi De Magistris, homme de gauche atypique et ennemi juré de Matteo Renzi, a été largement réélu.

Pour ces élections partielles, qui concernaient près de 9 millions d’électeurs dans un peu plus d’une centaine de villes, la participation, déjà en berne au premier tour, a accusé un nouveau coup, à Rome comme ailleurs, dépassant à peine les 50% selon le ministère de l’Intérieur.

Si la lune de miel entre le gouvernement et les électeurs italiens semble bel et bien terminée, une analyse nationale des résultats restera délicate : le M5S était absent à Naples, Bologne et Milan, la droite déchirée à Rome mais unie à Milan. Pendant des semaines, le chef du gouvernement a d’ailleurs tenté de minimiser la portée du scrutin en répétant que “la mère de toutes les batailles” politiques restait pour lui le référendum prévu en octobre sur sa réforme constitutionnelle. Il s’est engagé à démissionner en cas d’échec.

Le M5S y compte bien. Fondé en 2009 et devenu le deuxième parti du pays avec 25% des voix dès les législatives de 2013, il pioche dans ses propositions à droite comme à gauche, y compris dans les extrêmes, et continue de tisser sa toile aux élections locales en s’appuyant inlassablement sur la dénonciation d’une classe politique malhonnête.

“Nous sommes prêts à gouverner le pays”, a répété dimanche soir le jeune Luigi di Maio, dauphin pressenti de Beppe Grillo à la tête du mouvement. “Et les Italiens nous reconnaissent la capacité de gouverner. Maintenant c’est à Rome et à Turin, après ce sera le tour du reste du pays”.

Marcelle Padovani

Source: http://www.les-crises.fr/municipales-en-italie-le-populisme-a-la-conquete-du-pouvoir-par-marcelle-padovani/