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Affaire Robert Boulin : la thèse de l’assassinat politique ressurgit, par Guillaume Stoll

Sunday 19 June 2016 at 01:01

Quand je pense au temps passé par nos médias sur la Russie, et quand je vois ça, comment dire… ?

La page Wikipédia de Robert Boulin, “suicidé” avec une fracture du maxillaire supérieur gauche du vivant du ministre.

Source : Le Nouvel Obs, Guillaume Stoll, 08-06-2016

Robert Boulin, ministre du Travail, le 26 septembre 1979, un mois avant sa mort. (MARCEL BINH / AFP)

Robert Boulin, ministre du Travail, le 26 septembre 1979, un mois avant sa mort. (MARCEL BINH / AFP)

Deux nouveaux témoignages accréditent la thèse de l’assassinat en 1979 du ministre du Travail, et non celle du suicide.

L’une des plus grandes affaires politico-judiciaires de la Ve République connaît de nouveaux développements potentiellement explosifs. Plus de 36 ans après la mort mystérieuse de Robert Boulin, alors ministre du Travail de Raymond Barre, de nouveaux témoins accréditent la thèse de l’assassinat politique. Ces témoignages, révélés mercredi 8 juin par “20 Minutes” et France Inter, ont été recueillis par la juge d’instruction de Versailles (Yvelines), Aude Montrieux, laquelle avait rouvert le volumineux dossier en septembre à la demande de la famille Boulin.

Le corps inanimé de Robert Boulin avait été retrouvé le 30 octobre 1979 dans un étang de la forêt de Rambouillet, près de Paris.

Une première information judiciaire avait conclu à un suicide mais la fille de l’ancien ministre a toujours été persuadée qu’il avait été assassiné alors que son nom était pressenti pour succéder à Raymond Barre à Matignon. Dans les années 1980, la famille Boulin avait déposé plainte pour homicide volontaire. Un non-lieu avait finalement été rendu en 1992.

“J’ai pensé qu’il avait été battu”

Alors, Robert Boulin s’est-il suicidé, comme le raconte la version officielle, ou a-t-il été assassiné pour l’empêcher de révéler des secrets d’Etat ? La deuxième hypothèse prend à nouveau corps. Jamais auditionné au cours de l’enquête initiale, le médecin réanimateur qui accompagnait les pompiers de Rambouillet au moment de la découverte du corps, est formel, lorsqu’il est interrogé par la juge le 19 janvier dernier :

“Tout de suite, ce qui nous a sauté à l’idée, c’est qu’il était dans l’eau mais pas dans la position d’un noyé. On avait l’impression qu’il avait été placé mort dans l’eau […] Un pompier a même fait la remarque : ‘Tiens, on a l’impression qu’on l’a apporté dans une malle.’ […] Il était presque à genoux. On aurait dit qu’on le sortait d’une malle. Vu sa position dans l’eau, ce n’était pas possible que ce soit un suicide. […] Il avait des ecchymoses sur le visage, des éraflures…”

“C’est donc qu’il avait le visage hors de l’eau ?”, lui demande alors la magistrate lors de son audition.

Réponse du médecin : “Oui, hors de l’eau. Ce qui n’est pas courant pour un noyé […] J’ai pensé qu’il avait été battu. J’ai vu une bagarre, un truc […].”

Las, les doutes du médecin ne seront jamais versés à l’enquête lancée à l’époque. “Nous avons été mis à l’écart tout de suite. Visiblement, nous n’étions pas les bienvenus”, déplore-t-il aujourd’hui.

Comme le souligne “20 minutes”, ce témoignage corrobore les déclarations du gendarme qui avait été le premier à découvrir le corps du ministre.

Boulin aperçu dans une voiture avec deux hommes

Un autre témoin capital semble en mesure de faire vaciller la version officielle. Cet homme, qui est probablement l’un des derniers à avoir vu en vie Robert Boulin, raconte avoir croisé la route d’une Peugeot 305 dans la petite ville de Montfort-l’Amaury, située à seulement quelques kilomètres de l’étang où a été retrouvé le corps du ministre.

Dans ce  véhicule, le témoin dit avoir vu Robert Boulin accompagné de deux mystérieux hommes.

“J’ai nettement reconnu le passager qui était M. Boulin. […] Il y avait le chauffeur. M. Boulin, à la droite du chauffeur et une autre personne à l’arrière. […] Ce n’étaient pas des personnes détendues et gaies. Ils avaient des visages assez fermés. […] [Les deux personnes dans le véhicule du ministre] étaient plus jeunes que M. Boulin. Ils avaient des cheveux plutôt foncés, pas blancs”, raconte-il à la juge lors de son audition le 17 décembre dernier.

Et le témoin ne doute pas :

“Je suis sûr de l’heure, de l’endroit et de la personne.”

Ces deux témoignages inédits versés au dossier ne sont peut-être pas les derniers. D’autres personnes sont attendues dans le bureau de la juge d’instruction Aude Montrieux.

De quoi réjouir la fille de Robert Boulin qui se bat depuis de nombreuses années pour faire la lumière sur cette sombre affaire. Son avocate veut d’ailleurs croire que le temps fera son oeuvre : “Dans une affaire d’Etat comme celle-là, le temps qui passe permet aussi aux personnes de ne plus avoir peur de témoigner. Tout reste à dire, à faire et à révéler.”

Guillaume Stoll

Source : suite 1à lire sur Le Nouvel Obs, Guillaume Stoll, 08-06-2016

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Vidéos sur l’affaire – je vous recommande vivement la première :

Autre reportage de France Tv ici

Téléfilm :

 

Source: http://www.les-crises.fr/affaire-robert-boulin-la-these-de-lassassinat-politique-ressurgit-par-guillaume-stoll/


Grèce : la BCE, bras armé des créanciers, par Romaric Godin

Saturday 18 June 2016 at 00:30

Source : La Tribune, Romaric Godin, 02-06-2016

Euclide Tsakalotos, ministre des Finances grec, n'a pas réussi à décider la BCE à aider son pays. (Crédits : Reuters)

Euclide Tsakalotos, ministre des Finances grec, n’a pas réussi à décider la BCE à aider son pays. (Crédits : Reuters)

En refusant de rétablir la dérogation sur le refinancement des banques grecques, la BCE a, ce jeudi, sanctionné une nouvelle volonté de résistance du gouvernement grec. Une décision logique au regard de l’attitude de la BCE depuis le début de la crise hellénique.

Rien n’aura décidément été épargné à Alexis Tsipras. Ce jeudi 2 juin 2016, la BCE a refusé de rétablir la dérogation levée le 4 février 2015 permettant aux banques grecques d’utiliser les bons d’Etat helléniques comme collatéral pour se refinancer auprès de la banque centrale. Pourtant, mercredi soir, le gouvernement grec avait soumis en urgence à la Vouli, le parlement, un ensemble de textes pour mettre en place les dernières conditions réclamées par les créanciers. Mais Mario Draghi n’a pas été convaincu : il a demandé à voir la « mise en œuvre des mesures préliminaires du nouvel accord » avant de rétablir cette dérogation.

Il faudra donc encore attendre une décision du directoire du Mécanisme européen de stabilité (MES) avant d’agir. Or, les prochaines réunions du conseil des gouverneurs (pour la politique non monétaire) de la BCE sont prévues les 22 juin et 6 juillet. A moins que la BCE ne préfère attendre la prochaine réunion de politique monétaire, prévue le 21 juillet. Les banques grecques pourraient donc encore devoir attendre un mois et demi.

L’importance de la dérogation

Or, cette dérogation est importante pour elles. Actuellement et depuis février 2015, les banques grecques se refinancent principalement, à hauteur de 9,3 milliards d’euros par l’aide à la liquidité d’urgence, le fameux programme ELA. Cette aide, théoriquement provisoire et exceptionnelle, coûte 1,5 point d’intérêt en plus que le refinancement normal de la BCE qui est actuellement gratuit. Pour les banques grecques, la dérogation permettrait de se refinancer gratuitement à hauteur de 5,1 milliards d’euros, selon le site Macropolis, ce qui permettrait, par contrecoup, d’améliorer leurs résultats et de baisser leurs taux proposés à l’économie grecque. Surtout, Alexis Tsipras espère que ce retour de la dérogation permettra d’envoyer un signal positif à des agents économiques qui en ont bien besoin. Il pourrait être perçu comme la première étape vers une autre dérogation permettant d’inclure la dette grecque le programme de rachat de la BCE.

Pourquoi la BCE a refusé

La BCE a justifié son refus par le besoin de « voir ». Mais le rétablissement de cette dérogation semblait acquis en début de semaine. Seulement, entretemps, le gouvernement grec a voulu montrer, comme à son habitude, des signes de résistance. Le ministre des Finances, Euclide Tsakalotos, avait prévenu que « toutes les mesures ne pourraient pas être mises en œuvre ». Cette résistance a un usage interne à la Grèce : elle est la mise en scène de l’utilité du gouvernement face aux créanciers, alors que la réaction à l’accord du 25 mai a été très négative en Grèce. Pour faire comprendre au gouvernement grec qu’il n’avait guère son mot à dire, les créanciers ont donc une nouvelle fois utilisé la BCE en reportant la levée de la dérogation.

Panique à Athènes

Le gouvernement grec a alors clairement paniqué mercredi en déposant en hâte des mesures complémentaires. Euclide Tsakalotos a tout fait pour obtenir ce vote en précisant que « ceux qui avaient voté la dernière loi n’ont aucune raison de ne pas voter ces mesures. » Au programme, on trouve le programme des privatisations et la suppression de la retraite complémentaire pour les plus fragiles, l’EKAS, entre autres. Mais cette manœuvre désespérée destinée à convaincre au dernier moment la BCE aura été inutile. La Grèce va devoir encore attendre. Une fois de plus, il aura été prouvé que l’autonomie du gouvernement grec n’existe pas. Le gouvernement grec va donc devoir encore courber l’échine et oublier ses velléités de résistance, comme le prouve la volte-face d’Euclide Tsakalotos. Une fois les mesures complémentaires votées, on attend le versement de la nouvelle tranche de « l’aide » le 13 juin. La BCE décidera donc ensuite.

La BCE, bras armé des créanciers de la Grèce

La BCE, de son côté, confirme qu’elle n’hésite pas à être le bras armé des créanciers. Le 4 février 2015, la dérogation avait été levée sur la conviction de la BCE que la Grèce ne voulait plus suivre le programme de la troïka. Cette décision était hautement contestable. Certes, l’usage des bons d’Etat n’est permis que lorsque ces États sont notés en catégories d’investissement par les agences de notation reconnues par la BCE. Lorsqu’un pays est « sous programme », la BCE accorde une dérogation en considérant que le pays est sur le chemin du retour à une meilleure notation.

Mais le 4 février 2015, la Grèce n’était pas hors du programme. Le gouvernement grec avait indiqué vouloir renégocier les termes du programme, mais ce dernier a été renouvelé le 20 février jusqu’au 30 juin 2015. La suppression de la dérogation était une décision politique qui visait à provoquer une panique bancaire et à faire plier le gouvernement grec. La BCE jouait donc clairement dans le camp des créanciers en faisant dépendre le système bancaire grec de l’ELA, fil fragile et remis en question chaque semaine. Après l’annonce du référendum le 29 juin, le gel de l’ELA a provoqué la fermeture des banques et le menace explicite de la BCE d’exclure la Grèce de la zone euro. In fine, c’est bien cette action qui a fait céder Alexis Tsipras.

Maintenir le « nœud coulant »

Après la décision de ce dernier le 13 juillet 2015 d’accepter les conditions des créanciers et la signature d’un troisième mémorandum en août, la BCE a décidé d’attendre pour rétablir cette dérogation, ce qui repoussait encore davantage l’inclusion de la Grèce dans le programme de rachat de titres. C’était évidemment s’appuyer sur une méfiance entretenue par l’Eurogroupe pour faire accepter toujours plus de mesures au gouvernement grec. La BCE, en ne bougeant pas, maintenait le « nœud coulant » en place depuis le 4 février 2015. Cette stratégie d’appui aux créanciers de la BCE vient d’être confirmée ce jeudi 2 juin par Mario Draghi.

Attitude contestable

L’attitude de l’institution de Francfort demeure cependant problématique. Au niveau de la zone euro, la BCE tente avec raison de dynamiser la croissance et de lutter contre la déflation. Or, la Grèce est un pays en récession et en déflation. L’exclure du QE et placer des conditions de politiques déflationnistes à l’accès des banques au taux normal de refinancement n’a économiquement aucun sens. C’est donc que la raison de ce comportement n’est pas économique, mais politique et qu’une telle attitude serait impensable avec un pays d’une plus grande taille de la zone euro. La BCE sanctionne donc, sous couvert d’un respect prétendu des règles, la Grèce pour l’exemple et établit, elle, si fière d’être la seule institution « fédérale » de la zone euro, un « deux poids, deux mesures » qui pose problème en terme d’égalité des États membres de l’Union monétaire.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 02-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/grece-la-bce-bras-arme-des-creanciers-par-romaric-godin/


Intervention de Jacques Sapir à l’ESSEC (Critique de la Raison Européenne)

Saturday 18 June 2016 at 00:01

Source : Youtube, Jacques Sapir, 09-06-2016

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Le 9 juin 2016, Jacques Sapir était l’invité de CRE ESSEC et intervenait sur le campus de l’école sur le thème “Souveraineté monétaire et Euro : l’économie peut-elle aboutir à une remise en cause de la démocratie ?”

Source : Youtube, Jacques Sapir, 09-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/intervention-de-jacques-sapir-a-lessec-critique-de-la-raison-europeenne/


Brexit : pourquoi les ouvriers anglais détiennent la clé du vote, par Romaric Godin

Friday 17 June 2016 at 00:01

Source : La Tribune, Romaric Godin, 10/06/2016

Une rue de Newcastle, dans le nord de l'Angleterre. C'est sans doute dans cette région que le Brexit va se jouer en grande partie. (Crédits : Reuters)

Une rue de Newcastle, dans le nord de l’Angleterre. C’est sans doute dans cette région que le Brexit va se jouer en grande partie. (Crédits : Reuters)

Alors que le débat sur le référendum du 23 juin semble se limiter à un dialogue au sein de la droite britannique, le scrutin pourrait se jouer sur la population ouvrière qui vote travailliste.

A écouter les débats autour du référendum britannique sur le maintien dans l’Union européenne du 23 juin, on a souvent l’impression d’un dialogue entre les deux grandes tendances de la droite britannique : celle qui défend une politique continentale active et celle qui défend le « splendide isolement ». Un retour en plein 19e siècle et aux grands débats entre tories et whigs. Du reste, le premier débat télévisé de la campagne a opposé le premier ministre conservateur pro-UE David Cameron à l’Eurosceptique xénophobe du parti UKIP, Nigel Farage. Et les médias britanniques sont remplis des polémiques entre le conservateur anti-UE Boris Johnson et le conservateur pro-UE George Osborne.

Cette image, qui façonne également la grande majorité des commentaires étrangers, risque de jouer un rôle majeur dans les négociations qui suivront le scrutin en cas de succès du vote « Leave » (« Quitter » l’UE). Elle est pourtant très imparfaite. Car les oppositions politiques traditionnelles ne sont pas déterminantes dans ce vote. L’opposition se joue davantage sur le plan social et géographique,  entre d’autres oppositions que le spectre politique britannique ne reflète plus réellement : opposition entre grandes métropoles mondialisées et régions victimes ou oubliées de cette mondialisation ; opposition entre la partie des classes moyennes qui s’enrichit encore et celle qui se paupérise ou à le sentiment d’une paupérisation. L’Union européenne joue alors le rôle d’un symbole d’une évolution sociale que l’on veut préserver ou freiner.

Pourquoi le scrutin se joue à gauche

Politiquement, la droite et la gauche britannique sont donc divisés de l’intérieur. La droite penche néanmoins largement en faveur du Brexit si l’on se base sur les résultats de l’élection générale de mai 2015. L’ensemble des partis de droite, des Libéraux-démocrates à l’UKIP en passant par les Tories et les unionistes nord-irlandais, y avait obtenu 58,4 % des voix. Selon un sondage Yougov récent, les trois quarts des électeurs libéraux (ce parti a obtenu 7,9% des voix) sont favorables au maintien dans l’UE, tandis que la quasi-totalité des électeurs de l’UKIP (12,6% des voix) sont favorables au Brexit, les Conservateurs (36,9% des suffrages) étant coupés en deux. Très schématiquement, les électeurs de droite devraient contribuer à ce que 33 % de la totalité des électeurs britanniques votent en faveur du Brexit, tandis qu’ils apporteraient 25 % des suffrages pour le maintien dans l’UE.

En théorie, donc, si les électeurs de la gauche britannique qui représentaient plus de 40 % des votes en 2015, suivaient les consignes de leurs partis, tous quasi unanimement favorables au vote « Remain », l’affaire serait entendue et le Brexit accuserait un retard considérable de plus de 15 points, ce qui devrait lui assurer une victoire aisée, même en prenant en compte la grossièreté de ces calculs. Or, ce n’est pas le cas. Les électeurs de la gauche britannique sont donc aussi fort divisés. C’est bien cette division « invisible » dans les débats – malgré  l’existence d’une minorité de dirigeants du parti travailliste qui font campagne pour le Brexit – qui sera déterminante pour le résultat final. La division de la droite n’est en effet pas suffisante pour justifier un résultat serré au référendum.

Une gauche divisée

La clé du vote est donc l’électeur de la gauche de 2015 qui est prêt à voter pour le Brexit. Quel est cet électeur ?  Où est-il ? Globalement, il ne s’agit pas d’un électeur d’un parti nationaliste d’une des trois nations « périphériques » du Royaume. Ces partis (SNP en Ecosse, Plaid Cymru au Pays de Galles et Sinn Féin en Ulster) se situent tous à gauche de l’échiquier politique et leurs électeurs sont généralement très favorables à l’UE. Ils y voient, en effet, un contre-pouvoir à Westminster et à la domination anglaise dans le Royaume-Uni. L’UE garantit en effet des droits aux minorités linguistiques. Dans le cas nord-irlandais, le Sinn Féin redoute qu’un Brexit ne renforce encore la frontière entre les deux Irlande, une dans l’UE, l’autre au-dehors, ce qui éloignerait encore son but de réunification de l’île.

Certes, en Ecosse, il peut y avoir un vote «  à plusieurs bandes » dans lequel on mise sur le Brexit pour provoquer un deuxième référendum sur l’indépendance, mais il est marginal. Globalement, les nationalistes gallois, irlandais et écossais estiment que plus on est Européen, moins on est anglais. Leur vote, qui a pesé en mai 2015, près de 6 % de l’électorat semble acquis au vote « Remain ». Ce qui rééquilibre théoriquement la répartition des votes entre les deux camps.

L’électeur décisif est donc un électeur travailliste. Certes, ces électeurs semblent Or, selon le sondage de Yougov, cet électeur est déterminé à 75 % à voter en faveur du maintien dans l’UE. Ce résultat ne semble pas cohérent avec un vote serré au référendum et il est sans doute en réalité inférieur. C’est l’ampleur de la division sur la question européenne au sein des électeurs du Labour qui va déterminer le résultat final. La progression du vote « Leave » correspond donc à la progression de ce vote au sein des électeurs du Labour. Et c’est ici que l’on retrouve la division socio-géographique déjà citée.

Les régions industrielles du nord, clé du scrutin

En mai 2015, le Labour pouvait s’appuyer sur deux grands bastions : l’agglomération londonienne et les zones ouvrières du centre et du nord de l’Angleterre. Dans le Grand Londres, le Labour a glané 1,5 million de voix, soit 43,7 % des bulletins. Dans le Nord, les Travaillistes ont récolté 2 millions de voix et près de 45 % des voix. Or, pour le référendum, il semble que les deux régions pourraient voter différemment : Londres est très favorable à l’UE, le Nord de l’Angleterre plus tenté par le Brexit. Ceci signifie que la clé du scrutin sont les ouvriers anglais, encore nombreux dans le nord, qui, en mai 2015 ont voté Labour, mais qui, ce 23 juin, pourraient déposer un bulletin « Leave ».

Il est intéressant de remarquer que les électeurs des régions industrielles qui ont rejoint le UKIP en mai 2015 ne sont pas majoritairement des électeurs travaillistes. L’analyse du scrutin régional ne laisse aucun doute sur ce point : la progression du UKIP est considérable dans le Nord-Est par exemple (+17 points), mais le Labour a aussi progressé (+3,3 points) : les nouveaux électeurs du parti de Nigel Farage viennent d’abord des déçus du vote libéral et des autres partis, pas du Labour. Autrement dit : si la vote en faveur du Brexit l’emporte dans ces régions et fait basculer le vote national, ce sera surtout le fruit d’un électorat ouvrier travailliste.

Les raisons de la timidité de Jeremy Corbyn

Le Labour doit donc faire face à ce paradoxe : les classes les plus fragiles de la société ont voté pour lui à 41 % en 2015, mais voteront à 47 % pour le Brexit selon un sondage Yougov (contre 26 % pour l’UE). C’est ce paradoxe qui contribue à rendre le référendum serré et c’est de son ampleur que dépend le résultat du 23 juin. Jeremy Corbyn, le leader du Labour l’a bien compris : il marche sur des œufs et doit prendre garde de ne pas s’aliéner définitivement une partie considérable de son électorat. Sa campagne assez timide pour le « Remain » ne s’explique donc pas seulement par ses options personnelles (il a longtemps été un opposant à l’UE) comprimées par les « barons » du parti, c’est aussi un enjeu d’avenir pour les Travaillistes.

Rien à perdre ?

Reste à savoir pourquoi les classes ouvrières et populaires sont prêtes à basculer dans le vote en faveur du Brexit. Il semble, en tout cas, que ces classes les plus fragiles ne croient ni aux études catastrophiques sur les conséquences économiques de la sortie de l’UE ni au discours des dirigeants travaillistes sur le « matelas de protection » de droits sociaux qu’offre l’UE face aux projets de la droite en cas de Brexit.

Pourquoi ? Peut-être parce que la situation de cette classe sociale est mauvaise et qu’elle désire logiquement la changer. Or, le vote « Remain » est naturellement perçu comme un vote de continuité. Le vote « Leave » s’impose donc alors comme une alternative possible que les discours de peur de l’élite renforcent par ailleurs, en confirmant que ce sont bien les plus puissants et les plus riches qui ont le plus à perdre d’un Brexit. Dans un autre sondage Yougov, à la question qui a le plus à perdre d’un Brexit ? une petite majorité de 5 % de Britanniques citait les ouvriers pauvres, mais une très large majorité de 20 % citait les grands patrons.

Les fruits d’une stratégie économique

Ce qui déterminera le résultat du référendum, ce sont donc les conséquences du modèle économique britannique. Ce dernier repose sur un plein-emploi alimenté par une faible croissance des salaires et par une productivité réduite. Pour financer l’immense déficit courant issu de la désindustrialisation, les gouvernements britanniques ont choisi d’attirer les investissements financiers centrés sur Londres par des taux d’imposition attractifs financés par des coupes dans les services publics. Il en résulte une désertification des régions périphériques qui explique à la fois la poussée du nationalisme et le mécontentement des classes populaires. On a ici tous les ingrédients d’un rejet de la situation actuelle.

La question des salaires est centrale. L’ensemble des salaires réels britanniques a progressé de 15,5 % en 16 ans, soit 0,97 % par an. Une faible hausse qui ne reflète pas une forte disparité. D’autant que dans les régions du nord de l’Angleterre, cette modération salariale – alimentée par la flexibilité du marché du travail – n’a guère permis d’attirer l’emploi industriel, mais a développé l’emploi dans les services, là où les salaires sont les moins élevés et où la concurrence de la main d’œuvre d’Europe de l’est est la plus palpables.

Un discours pro-Brexit plus audible

Le discours apocalyptique en cas de Brexit est donc plus difficile à accepter chez cette population qu’à Londres, où l’on sait ce que l’on doit à la finance et au libre-échange. Le discours xénophobe de la droite pro-Brexit a plus de facilité à trouver un écho. Dans les régions industrielles, on constate que l’UE n’a pas pu protéger le niveau de vie de beaucoup de travailleurs et n’a pas su défendre les usines. La fermeture des opérations britanniques de l’aciériste de Tata Steel qui est en cours est venue encore renforcer ce sentiment. Dans ces conditions, que craindre de plus ? Et pourquoi ne pas tenter une autre stratégie ? L’Union européenne devrait aussi réfléchir sur ce fait : si Brexit il y a, ce sera aussi le fruit d’une stratégie économique qui l’a longtemps inspiré. Pour se sauver, elle devra sans doute alors réfléchir à sa politique économique.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 10/06/2016

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Espagne : Podemos devant les socialistes, mais encore loin du gouvernement

Source : La Tribune, Romaric Godin, 09/06/2016

Pablo Iglesias et Alberto Garzon, les deux dirigeants de la gauche radicale espagnole, seraient les vainqueurs du scrutin du 26 juin. Mais gouverneront-ils ? (Crédits : © Andrea Comas / Reuters)

Pablo Iglesias et Alberto Garzon, les deux dirigeants de la gauche radicale espagnole, seraient les vainqueurs du scrutin du 26 juin. Mais gouverneront-ils ? (Crédits : © Andrea Comas / Reuters)

La grande enquête du CIS semble confirmer que Podemos, allié au reste de la gauche radicale, dépasserait le PSOE et se rapprocherait des conservateurs, toujours en tête. Mais la constitution d’une alliance sera délicate.

Unidos Podemos, l’alliance entre Podemos, certains partis régionalistes et la coalition Izquierda Unida, qui regroupe les Verts et le Parti communiste, pourrait être le principal vainqueur de la nouvelle élection générale espagnole prévue le 26 juin. C’est du moins ce qui ressort de l’enquête menée par le Centre d’enquête sociologique (CIS) entre le 4 et le 22 mai dernier. Ce sondage est considéré comme un des plus significatifs, étant fondé sur plus de 17.000 entretiens individuels réalisés dans plus de 1.000 communes espagnoles. Surtout, il permet des projections en sièges, ce qui est essentiel pour évaluer la capacité future de formation d’un gouvernement. Il est donc observé de très près pour juger de l’état de l’opinion près d’un mois avant le scrutin.

Surplace du PP

Certes, le Parti populaire (PP) du président du gouvernement sortant Mariano Rajoy resterait le premier parti du pays. Son soutien pourrait même légèrement progresser, passant de 28,7 % le 20 décembre dernier à 29,2 %. Mais en termes de nombre d’élus au Congrès des députés, le PP n’obtiendrait que de 118 à 121 sièges, contre 123 en décembre. En réalité, il semble que le parti conservateur reste centré sur ses bastions et ne puisse guère descendre plus bas (en 2011, il avait obtenu 45 % des voix), mais Mariano Rajoy, malgré ses promesses de baisses d’impôts, sa volonté de capitaliser sur les succès économiques du pays et sa posture de « seul recours » contre le blocage politique, ne parvient guère à regagner du terrain. Le PP ne progresse pas, handicapé par les effets durables de sa politique d’austérité, par la figure honnie par beaucoup de Mariano Rajoy et par les très nombreux scandales de corruption qui le frappent.

Ciudadanos en légère progression

Parallèlement, l’autre parti de droite, Ciudadanos (C’s) progresserait aussi de 0,7 point à 14,6 %. Cette nouvelle progression ne se traduirait cependant pas en sièges puisque le parti d’Albert Rivera emporterait 38 à 39 sièges contre 40 le 20 décembre. Albert Rivera ne réussirait donc qu’à moitié son pari de se présenter, après l’échec de la précédente législature, comme un homme de bonne volonté, capable de s’allier avec les socialistes pour former un gouvernement. Cette position qui ferait de Ciudadanos un parti capable de dénouer la situation politique ne joue donc qu’à la marge. Dans le prochain Congrès, ce parti ne devrait pas connaître un renforcement majeur. Albert Rivera semble ne pas pouvoir réaliser de nouvelle percée significative ni dans l’électorat socialiste, ni dans l’électorat conservateur.

Sorpaso à gauche

La vraie nouveauté possible de cette élection se situe à gauche où le « sorpaso », le dépassement du parti socialiste, le PSOE, par Unidos Podemos serait réalisé. Selon le CIS, la gauche radicale cumulerait 25,6 % des voix, soit 1,2 point de plus que le score de Podemos et d’IU le 20 décembre et dépasserait le PSOE donné en baisse de 0,8 point à 21,2 %. En termes de sièges, le PSOE compterait entre 78 et 80 sièges, soit entre 12 et 10 sièges de moins que les 90 du 20 décembre, tandis qu’Unidos Podemos aurait entre 88 et 92 sièges contre 71 le 20 décembre. C’est le fruit du système électoral espagnol, système proportionnel au niveau des provinces avec une prime au plus fort reste, donc aux partis les mieux placés. Grâce à la conjonction des deux partis et à sa progression, Unidos Podemos gagneraient ainsi jusqu’à 20 sièges.

Le PSOE en plein désarroi

Cette situation serait un coup de tonnerre dans le paysage politique espagnol. Jamais, depuis le retour de la démocratie en 1978, le PSOE avait été placé en troisième position. Il faut même remonter à la seconde république et aux élections de 1933, désastreuses pour la gauche, pour voir le PSOE troisième au niveau national. Ce serait donc un échec cinglant pour le secrétaire général du PSOE, Pedro Sánchez, qui, en mars, avait souhaité, après un pacte avec Ciudadanos, briguer la présidence du gouvernement. Mais le refus de Podemos l’avait alors fait échouer. Pedro Sánchez l’a reconnu : il n’y a plus guère d’enthousiasme au sein du PSOE.

Le parti ne s’est jamais remis de sa politique au début de la crise, en 2010-2011, où il a initié la politique poursuivie par Mariano Rajoy. L’incertitude de son positionnement, renforcée encore par son alliance avec Ciudadanos au printemps, ne lui permet guère de gagner du terrain. De même, sa position dure sur la question catalane, inspirée par la présidente andalouse Susana Díaz, lui a fait perdre un terrain considérable en Catalogne. La tentative de revenir à un statut proche de celui de 2006 a lamentablement échoué sur l’opposition catalane et sur l’opposition interne au PSOE. Il a ainsi perdu un de ses bastions pour en conserver un autre tant bien que mal. Comme beaucoup de ses équivalents européens, le PSOE n’apparaît plus comme « utile » politiquement et son soutien se limite à des votes de réflexe qui s’effritent inexorablement.

Les raisons de la poussée de Podemos

En face, Podemos bénéficie évidemment de l’effet de masse lié à son alliance avec IU qui lui apporte près de 4 points de pourcentage supplémentaires et un million de voix, quelques-uns assez déterminant comme en Andalousie ou en Aragon. Mais cette alliance a aussi permis de capitaliser sur la popularité du président d’IU, Alberto Garzón, élu par les enquêtes homme politique le plus apprécié d’Espagne. Au-delà, la cohérence de Podemos qui, durant les négociations du premier semestre, s’est montré ouvert tout en refusant de revenir sur certaines lignes rouges, lui permettent de profiter des déçus du PSOE et de progresser dans les territoires périphériques du pays.

L’insistance de Podemos à permettre un référendum d’autodétermination en Catalogne lui permet ainsi de gagner du terrain dans cette région, où il était déjà arrivé en tête le 20 décembre et où il gagnerait encore 3 sièges de plus à 17 sièges. Les Catalans voient dans le vote Unidos Podemos un vote « utile » pour imposer le référendum. Un vote plus utile que celui de certains partis indépendantistes, comme celui de centre-droit (DiL), qui perdrait entre un et deux sièges. Même constat au Pays Basque où Unidos Podemos passerait en tête avec deux sièges de plus que le 20 décembre (sept contre cinq) au détriment du Parti nationaliste basque (PNV). Un quart de sa poussée en sièges s’expliquerait donc par ces deux régions.

La gauche devant, mais…

Pour autant, le « sorpaso » que craint tant le PSOE et qu’espère tant Podemos ne règle rien en termes arithmétiques. Construire une coalition sera toujours aussi difficile. Certes, la gauche passera clairement devant la droite en termes de sièges. L’alliance PSOE-Unidos Podemos pourrait disposer de 170 sièges, celle entre le PP et Ciudadanos de 159 sièges. Mais aucune n’auront la majorité absolue. Et surtout, la politique espagnole ne se construit pas en termes d’opposition droite-gauche pure. L’histoire des partis, la question des nationalités, la relation à la monarchie jouent aussi des rôles et rebattent les cartes.

Le PSOE est un des partis sociaux-démocrates les plus « centristes » d’Europe. Ses cadres sont très hostiles à une alliance avec Podemos et IU. Le dirigeant de Podemos, Pablo Iglesias est franchement détesté par les barons du PSOE. Ces derniers seront vent debout contre cette alliance, d’autant que Pedro Sánchez, détesté également par les cadres du parti depuis sa nomination par la base à la surprise générale en 2014, sera sous pression et pourrait être écarté. La défaite de Pedro Sánchez sera celle d’une position moyenne cherchant à construire un impossible pont entre Ciudadanos et Podemos contre le PP. Une fois le secrétaire général du PSOE discrédité, il y a fort à parier que le PSOE regarde davantage au centre qu’à gauche et préfère n’importe quelle option à un gouvernement dirigé par Pablo Iglesias.

D’autant que la nouvelle femme forte du parti devrait être Susana Díaz. Laquelle ne voudra d’aucune alliance sur la base d’un référendum en Catalogne. Or, pour que Pablo Iglesias devienne président du gouvernement, il faudrait obtenir au moins l’abstention des républicains catalans d’ERC (donnés à 9 sièges), lesquels n’en voudront pas parler sans engagement sur un référendum. L’équation semble donc insoluble. Car même si l’aile gauche du PSOE l’emporte après les élections, ce qui est très improbable, le parti risque alors davantage d’exploser que de se ranger derrière l’idée d’une alliance de gauche.

Une alliance de droite avec la tolérance du PSOE ?

La nouvelle élection pourrait donc ne rien régler. Le PSOE affaibli pourrait préférer une abstention qui, in fine, permettrait au PP et à Ciudadanos d’obtenir une fragile majorité relative. Un tel scénario semble aujourd’hui plus probable qu’une alliance de gauche et permettrait au PSOE de jouer le rôle d’arbitre et d’influer du dehors sur la politique. Il pourrait ainsi espérer profiter d’une partie du bilan du gouvernement, tout en jouissant de l’enviable position d’opposant. Mais il faudra régler le problème Rajoy puisqu’Albert Rivera et Ciudadanos refusent toujours de soutenir le président sortant. Le blocage politique pourrait donc durer encore après le 26 juin. Reste cependant à savoir si les tendances affichées par cette enquête du CIS seront durables. 22 % des personnes interrogées demeurent indécises. Leur vote peut donc encore faire bouger les lignes. Même si les différences entre les partis semblent insurmontables.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 09/06/2016

 

 

Vers une “bataille du cash” entre la BCE et l’Allemagne ?

Source : La Tribune, Romaric Godin, 09/06/2016

Les banques allemandes vont-elles stocker des billets pour éviter les taux négatifs de la BCE ? (Crédits : CC0 Public Domain)

Les banques allemandes vont-elles stocker des billets pour éviter les taux négatifs de la BCE ? (Crédits : CC0 Public Domain)

Commerzbank réfléchirait à stocker de l’argent liquide pour échapper aux taux négatifs. Une menace sérieuse, mais qui fait oublier la source du problème du secteur financier allemand.

C’est un avertissement direct envoyé à Mario Draghi. Selon des informations dévoilées mercredi 8 juin par l’agence Reuters, la banque allemande Commerzbank « réfléchirait » à stocker de l’argent liquide pour contourner le taux de dépôt négatif imposé par la BCE. Ces discussions seraient allées jusqu’à impliquer les autorités allemandes. Cette information n’a pas été directement démentie par Commerzbank qui s’est contenté de déclarer à Reuters qu’elle « ne stockait pas de liquidités pour le moment ». Ce qui laisse évidemment toutes les possibilités ouvertes pour l’avenir…

Les taux négatifs

Depuis le 11 juin 2014, la BCE frappe les dépôts au-delà des réserves obligatoires d’une taxe. Celle-ci est passée de 0,1 % à 0,4 % depuis le 16 mars dernier. Cette taxe n’a pas pour fonction, comme on le dit souvent, de favoriser l’usage direct de ces réserves pour les prêts à l’économie. Les fonds déposés auprès de la BCE sont de la monnaie de banque centrale ou « monnaie de base » et ne peuvent qu’être utilisés dans un « circuit fermé » incluant les banques centrales et banques commerciales. Les banques de la zone euro sont ainsi incitées par la BCE à « compenser » ces taux négatifs auxquelles elles peuvent difficilement échapper par des prêts à l’économie et notamment aux secteurs de l’économie les plus risquées, là où les taux sont encore largement positifs. Le coût du dépôt est alors annulé par le gain réalisé par le prêt.

Le problème du secteur financier allemand

Mais, en Allemagne, cette démarche provoque une levée de bouclier. L’Allemagne est un pays d’épargne. L’immense excédent extérieur courant de la première économie d’Europe, qui frôle les 9 % de son PIB prouve assez cet excès d’épargne: c’est le signe d’une économie qui produit plus qu’elle ne consomme . Or, pour récupérer cette épargne immense, qui s’accroît encore avec l’augmentation des revenus outre-Rhin, les banques et les assureurs allemands rivalisent de promesses de rendement. Les taux négatifs rendent ces promesses de moins en moins réalisables, d’autant que l’excès d’épargne rend sa marge de manœuvre pour « compenser » plus étroite. Il suffit d’observer l’évolution récente des dépôts et des prêts outre-Rhin pour s’en convaincre. Les prêts aux ménages et aux entreprises non financières allemands ont progressé entre janvier et avril 2016 de 18,2 milliards d’euros tandis que les dépôts ont progressé de 28,6 milliards d’euros. Le système financier allemand est donc sous pression : elle doit rémunérer davantage d’épargne à des taux élevés tout en devant payer les dépôts auprès de la BCE.

Commerzbank, banque semi-publique

On comprend donc la panique du système financier allemand. Et du gouvernement fédéral qui sait, par ailleurs, la faiblesse structurelle du secteur bancaire allemand. L’information de Reuters est donc clairement une menace adressée à la BCE l’enjoignant de ne pas aller plus avant dans les taux négatifs. Car Commerzbank n’est pas une banque allemande comme les autres. Elle a été sauvée en janvier 2009 par l’Etat fédéral qui a financé la fusion avec la troisième banque du pays, la Dresdner Bank. Aujourd’hui encore, Berlin possède 25 % de son capital. Bref, la discussion sur les moyens de contourner la politique de la BCE ne peut donc ne faire sans impliquer directement le gouvernement fédéral. Or, Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand est un adversaire ouvert et répété des taux négatifs. La semaine dernière, il a encore avancé que la politique de la BCE causait « des problèmes extraordinaires » aux banques allemandes.

De l’euro lourd, très lourd…

La menace est-elle crédible ? Les banques commerciales ne peuvent pas être rationnées en billets de banque. Elles pourraient donc théoriquement demander à la BCE de changer leur « monnaie de base » taxée à 0,4 % en argent liquide non taxé. C’est clairement le talon d’Achille du taux négatif. Mais attention, l’argent liquide n’est pas réellement « gratuit » : il prend de la place et pose des problèmes de sécurité considérables. Reuters a calculé que un stocke de 2 milliards d’euros en billets de 200 euros pèserait 11 tonnes. Le lieu de stockage nécessaire serait donc important et coûteux. L’assureur allemand Ergo a fait part de demandes des banques concernant le coût éventuel d’une assurance sur des stockages d’argent liquide. La question consiste cependant à savoir si ce coût dépasse ou non la taxe de la BCE sur les dépôts.

Pourquoi la BCE prend la menace au sérieux

A priori, les expériences étrangères montrent que l’on peut aller encore plus loin dans les taux négatifs. En Suisse, le taux est de – 0,75 % tandis qu’en Suède, il est de – 1,10 %. Mais les conditions sont différentes : la pression de l’excès d’épargne est moins forte et les taux de refinancement sont aussi négatifs, alors qu’ils sont à zéro en zone euro, ce qui réduit l’impact négatif de la taxe sur les dépôts. Du coup, la menace allemande n’est peut-être pas une menace en l’air. Et cette information parue mercredi vient sans doute enfoncer le clou. Si une banque semi-publique comme Commerzbank discute avec l’Etat fédéral de cette option, ceci signifie peut-être que Berlin envisage la possibilité de participer à la sécurisation du stockage et donc de faire baisser le coût de l’alternative « cash » aux taux négatifs. La BCE est donc prévenue : la ligne rouge est proche pour l’Allemagne. L’institution le sait sans doute et sa décision récente de rationner les billets de 500 euros en stoppant la production, malgré les cris d’orfraies venus d’Allemagne et de la Bundesbank n’est pas étrangère à cette situation. En réduisant la capacité d’accès aux plus grosses coupures, on rend la tâche du stockage plus difficile pour les banques…

La BCE au pied du mur

L’ennui, c’est que les taux négatifs n’ont pas réellement réussi pour le moment à remplir leur rôle. Le premier eût été de faire baisser l’euro, ce qui n’advient pas. Quant à la hausse du crédit, elle est réelle, mais insuffisante. La BCE n’a certes pas l’intention dans l’immédiat d’aller plus loin, mais si les nouvelles mesures de mars ne sont pas suffisantes, la question se posera. De même, si la croissance s’accélère en Allemagne, la pression pour une inversion du niveau des taux négatifs sera très forte. Car il se pourrait que cette croissance s’appuie à nouveau sur le modèle traditionnel de l’Allemagne, celui d’une croissance des exportations. Les chiffres du commerce extérieur allemand en avril sont assez préoccupants de ce point de vue : les exportations ont progressé de 3,8 % en un an et les importations sont restées stables. Autrement dit, l’Allemagne accroît encore son excédent d’épargne, rajoutant de la pression. Comment la BCE réagira-t-elle alors, prise entre la pression déflationniste et les menaces allemandes ?

Cacher la responsabilité allemande

Reste que ces manœuvres allemandes ont un fond politique évident. Il s’agit de faire porter la responsabilité de la situation à la seule BCE. Or, c’est bien le modèle économique allemand qui est le premier responsable. L’immense et grandissant excédent courant est la vraie malédiction de la zone euro, bien davantage que le déficit public français ou même que la dette grecque. Le refus de Wolfgang Schäuble de pratiquer une vraie relance budgétaire, notamment par des investissements massifs dans les besoins d’infrastructures pourtant évident réduit la demande de crédits outre-Rhin. Les rendements proposés par les banques allemandes ont les mêmes torts : elles favorisent l’épargne et réduisent les dépenses. Ce modèle économique basé sur une survalorisation morale de l’épargne et de l’excédent provoque naturellement un effet négatif sur les perspectives d’inflation et conduit la BCE à faire flèche de tout bois pour dissuader l’épargne.

Les taux négatifs sont donc la conséquence logique d’une Allemagne qui refuse de se réformer et d’engager un vrai rééquilibrage de son modèle en abandonnant réellement son modèle mercantiliste. Comme dans le cas grec, par exemple, les accusations allemandes visent avant tout à dissimuler sa propre responsabilité dans les dysfonctionnements de la zone euro. Et que l’on ne s’y trompe pas : comme dans le cas grec, l’Allemagne n’hésitera pas à saper toute solution raisonnable pour défendre ce qu’elle estimera être ses propres intérêts.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 09/06/2016

 

 

Ces trop grosses banques européennes

Source : La Tribune, Jézabel Couppey-Soubeyran, François Morin, 

Jézabel Couppey-Soubeyran et François Morin. (Crédits : DR)

Jézabel Couppey-Soubeyran et François Morin. (Crédits : DR)

 

Les banques paneuropéennes existent déjà, elles ne sont pas concurrentielles et font courir un risque systémique. Par Jézabel Couppey-Soubeyran* et François Morin**

Le 26 mai, dans “Les Echos”, l’économiste Jacques Delpla, membre associé à l’Ecole d’économie de Toulouse, signait une tribune pour appeler à « la naissance de grandes banques paneuropéennes concurrentielles ». Il dénonçait selon lui deux erreurs majeures des autorités européennes. D’abord, celle de ne pas encourager les fusions transfrontalières, ensuite, celle d’empêcher la constitution de grandes banques.

Les grandes banques existent….

Il nous a semblé utile de répondre à Jacques Delpla que les grandes banques existent en Europe et en zone euro. Leur dimension n’est pas paneuropéenne mais mondiale : ce sont donc des banques largement transfrontalières, qui réalisent pour la plupart entre la moitié et les trois-quarts de leur activité à l’international. Le Conseil de Stabilité financière les liste parmi les 30 banques systémiques mondiales, autrement dit parmi celle qui font courir un « risque systémique », c’est-à-dire un risque d’effondrement global du système bancaire et financier. Combien sont-elles parmi les 30 ? Pas moins de 16 dont 9 en zone euro, 4 en France, dont 2 qui figurent d’ailleurs parmi les principaux sponsors de l’institution pour laquelle Jacques Delpla travaille en tant que professeur associé. Listons-les dès fois que … : Deutsche Bank (Allemagne), Santander et BBVA Bilbao (Espagne), Crédit agricole, BNP Paribas, Société générale et BPCE (France), HSBC, Barclays PLC, Royal Bank of Scotland, Standard Chartered (Royaume-Uni), Unicredit Group (Italie), ING Bank (Pays-Bas), Nordea (Suède), UBS et Crédit Suisse (Suisse).

…et elles ne cessent de grossir!

Ces grandes banques n’ont cessé de grossir depuis le début des années 2000, la crise a juste ralenti leur croissance mais a à peine réduit la taille de leur bilan. En 2013, le bilan de ces banques systémiques européennes pesait encore quelques 27 000 milliards d’euros, soit plus de la moitié des 50 000 milliards d’actifs gérés par l’ensemble de ces banques systémiques (l’équivalent de la dette publique mondiale). Elles ne sont en rien concurrentielles. Au contraire, elles concentrent un énorme pouvoir de marché et fonctionnent en oligopole, capables d’ententes et de manipulations, comme cela a été constaté sur le marché des changes ou sur le Libor, et pour lesquelles elles ont été condamnées.

Des exigences règlementaires justes…

A juste titre, l’Union bancaire a placé ces banques systémiques sous la surveillance d’un superviseur européen, la banque centrale européenne. A juste titre, le Comité de Bâle a recommandé des surcharges de fonds propres pour que ces banques exposées à des risques multiples – risque de crédit, risques de marché, risque opérationnel – soient davantage en capacité d’assumer leurs pertes éventuelles. A juste titre, le Conseil de stabilité financière a recommandé que ces grandes banques soient obligées de constituer un coussin supplémentaire d’absorption des pertes (Total Loss absorbing Capacity – TLAC) pour que, en cas de difficulté, leurs créanciers puissent être mis à contribution comme le prévoient les nouveaux dispositifs de résolution des faillites bancaires. A juste titre, l’Autorité bancaire européenne avait envisagé qu’au niveau européen – précisément parce que l’Europe compte beaucoup de banques systémiques – ce coussin soit un peu rehaussé dans le cadre du MREL (Minimum Requirement for own funds and Eligible Liabilities).

… mais remises en cause depuis l’arrivée de Juncker

Oui mais, cela, c’était avant ! Avant que la Commission européenne ne soit présidée par Jean-Claude Juncker. Avant que Jonathan Hill ne devienne Commissaire européen à la Stabilité financière, aux services financiers et à l’Union des marchés de capitaux. Avant que le lobby bancaire ait ainsi tout loisir de faire entendre ses sirènes et puisse sans plus aucune entrave dicter son intérêt, le sien propre qui – faut-il le rappeler ? – n’est pas celui de la collectivité. Le lobby bancaire a partout ses étendards, jusqu’à la Commission européenne, jusqu’à nos universités les plus prestigieuses. Ce qui se joue aujourd’hui est un retour en arrière sur les réformes bancaires et financières qui restaient à poursuivre. Ce relâchement de la réglementation bancaire ne profitera pas à la croissance en Europe. Au contraire, il élèvera l’instabilité des économies européennes et laissera l’hydre bancaire déployer ses tentacules pour les étrangler un peu plus encore.

(*) maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre d’économie de la Sorbonne & CEPII, auteur de Blablabanque. Le discours de l’inaction, éditions Michalon (septembre 2015).

(**) professeur émérite à l’université de Toulouse-Capitole, auteur de L’hydre mondiale. L’oligopole bancaire, éditions Lux (mai 2015).

Source : La Tribune, Jézabel Couppey-SoubeyranFrançois Morin, 

Source: http://www.les-crises.fr/brexit-pourquoi-les-ouvriers-anglais-detiennent-la-cle-du-vote-par-romaric-godin/


[Daechland] Qatar : victime d’un viol, une jeune femme condamnée pour adultère

Thursday 16 June 2016 at 00:18

Source : Le Nouvel Obs, AFP, 13-06-2016

Le centre-ville de Doha (Qatar) - image d'illustration (WITT/SIPA)

Le centre-ville de Doha (Qatar) – image d’illustration (WITT/SIPA)

Un tribunal du Qatar a condamné à un an de prison avec sursis pour “adultère” une Néerlandaise qui, en vacances dans le pays, avait été arrêtée après avoir porté plainte pour viol.

Double peine pour Laura, une jeune Néerlandaise de 22 ans, qui passait des vacances au Qatar. Un tribunal du pays l’a condamnée lundi 13 juin à un an de prison avec sursis pour “adultère”. La jeune femme avait été arrêtée après avoir porté plainte pour viol. Absente à l’audience, elle va être expulsée du Qatar une fois qu’elle aura payé une amende de 3.000 riyals (732 euros).

Les faits se sont déroulés au mois de mars, alors que Laura, originaire d’Utrecht, passait quelques jours au Qatar, après le mariage d’un ami en France, rapporte “Le Parisien”. Elle se rend dans un hôtel de Doha dans lequel la consommation d’alcool est autorisée. “Elle est allée danser, mais quand elle est revenue à sa table, après la première gorgée de sa boisson, elle s’est rendue compte que quelqu’un avait ajouté quelque chose dans son verre”, explique son avocat Brian Lokollo.

“Elle ne se sentait vraiment pas bien. Après, elle ne se souvient plus de rien jusqu’au matin, quand elle se réveille dans un appartement complètement inconnu et qu’elle réalise, à sa plus grande horreur, qu’elle a été violée.”

“Parfois, elle pleure, elle pleure…”

Elle parvient à s’enfuir et se rend dans un poste de police, avec l’intention de déposer plainte. Mais les policiers ne la laissent pas repartir. En vertu de la charia, le Qatar considère comme adultère “toute relation sexuelle en dehors des liens du mariage”. La jeune femme est arrêtée et placée en détention.

Pendant des semaines, la famille de Laura n’a rien dit, espérant que le ministère néerlandais des Affaires étrangères parvienne à régler l’affaire dans le secret de la diplomatie. Mais lorsque le procès a eu lieu, sa mère Marian a dit son inquiétude à la presse. “C’est tellement inhumain”, a-t-elle affirmé à la télévision néerlandaise NOS, en montrant une photo de sa fille aux longs cheveux noirs bouclés, qui partait pour la première fois en vacances sans sa mère.

Au téléphone, Laura “essaie parfois de me rassurer en disant, ‘Je vais bientôt rentrer à la maison’, et puis parfois, elle pleure, elle pleure…”, raconte Marian, en larmes.

Sur les réseaux sociaux, la jeune femme est soutenue avec le hashtag #FreeLaura.

140 coups de fouet pour l’homme

Selon les journaux hollandais, l’auteur du viol serait un expatrié. Il a assuré que la relation était consensuelle et que la jeune femme lui avait même demandé de l’argent. “Elle réfute complètement ces accusations”, souligne son avocat. “Elle et sa mère ont subi des pressions pour qu’elle épouse son agresseur”. “Certains des proches de l’auteur leur ont dit : ‘Comme ça, chacun pourra rentrer chez soi'”.

L’homme a écopé de 100 coups de fouet pour “adultère” et de 40 autres coups de fouet pour “consommation d’alcool”.

Une Norvégienne de 24 ans qui avait porté plainte pour viol contre son patron avait été condamnée en 2013 à 16 mois de prison aux Emirats arabes unis voisins pour comportement indécent (une relation sexuelle hors mariage), parjure et consommation d’alcool. Elle avait ensuite été graciée.

A. S.

Source : Le Nouvel Obs, AFP, 13-06-2016

qatar

Dans la série, les créateurs de Daech, je m’en voudrais de ne pas publier ça :

qatar

(l’émir du Qatar est à droite, sa femme est à gauche)

Source: http://www.les-crises.fr/daechland-qatar-victime-dun-viol-une-jeune-femme-condamnee-pour-adultere/


Selon Donald Tusk, une victoire du Brexit pourrait mener à la fin de la civilisation occidentale

Thursday 16 June 2016 at 00:01

Dans la grande série sans fin Propagande (j’avoue que je suis heureux de voir que, malgré ma haute blasitude, ils arrivent encore à m’épater…) :

tusk

Selon Donald Tusk, une victoire du Brexit pourrait mener à la fin de la civilisation occidentale

“En tant qu’historien, je crains qu’un Brexit puisse marquer non seulement le début de la destruction de l’UE mais aussi de la civilisation occidentale”, a déclaré le président du Conseil européen.

Source : à lire sur Atlantico

Mais le titre suffit à lui-même…  🙂

Je rappelle que c’est le Président de l’Europe, hein, ça en dit long sur le niveau de bonne gouvernance…

Dire qu’elle avait résisté à 2 Guerres Mondiales, et qu’elle ne peut résister au Brexit, c’est triste non ?

On sent bien que le Brexit remonte, mais bon, soyons prudents, et attendons, J-7…

Source: http://www.les-crises.fr/selon-donald-tusk-une-victoire-du-brexit-pourrait-mener-a-la-fin-de-la-civilisation-occidentale/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray, ScienceEtonnante, DataGueule)

Wednesday 15 June 2016 at 00:01

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: Brexit: “Il ne se passera strictement rien” -13/06

Olivier Delamarche VS Patrice Gautry (1/2): Le référendum britannique alimente-t-il la baisse des marchés ? – 13/06

Olivier Delamarche VS Patrice Gautry (2/2): La politique monétaire de la BCE arrive-t-elle encore à soutenir l’économie en zone euro ? – 13/06

II. Philippe Béchade

Philippe Béchade VS Serge Négrier (1/2): Pourra-t-on un jour normaliser la politique monétaire de la FED ? – 08/06

Philippe Béchade VS Serge Négrier (2/2): Le rachat des dettes d’entreprises par la BCE impactera-t-il les marchés ? – 08/06

III. Jacques Sapir

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (1/2): A qui profitera l’éventuelle sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne ? – 14/06

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (2/2): Le passage en seuil négatif des taux d’emprunt allemands à 10 ans est-il aussi inquiétant ? – 14/06

IV. Michel Onfray

V. ScienceEtonnante

La mécanique quantique en 7 idées — Science étonnante #16

VI. DataGueule

Aux Frontex de l’Europe #DATAGUEULE 4


beleave

biere

duham

sarko-2

macron-3

ukraine

caviar

fillon

Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

usa

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais,
Martin Vidberg, Grémi.

 

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-onfray-scienceetonnante-datagueule/


Jacques de Larosière : “Les gouvernements ont démissionné face aux marchés financiers”

Tuesday 14 June 2016 at 00:01

Source : Les Echos, Guillaume, Maujean, 10/06/2016

Jacques de Larosière a été notamment directeur général du Fonds monétaire international et gouverneur de la Banque de France. - DR

Jacques de Larosière a été notamment directeur général du Fonds monétaire international et gouverneur de la Banque de France. – DR

Jacques de Larosière, auteur de “50 ans de crises financières” (éd. Odile Jacob), était ce vendredi 10 juin 2016 l’invité de la matinale des Echos.

Né en 1929, l’année de la plus grande crise financière, Jacques de Larosière a ensuite vécu au plus près les grandes déflagrations économiques, de la fin du système de Bretton Woods à la chute du bloc soviétique. Il a été successivement patron du Trésor et du FMI, gouverneur de la Banque de France, président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Il vient de publier un livre mémoire, “50 ans de crises financières” (éd. Odile Jacob). L’occasion de faire le point avec lui sur l’actualité de la finance et de la monnaie.

L’excès d’endettement à l’origine de toutes les crises

J. de Larosière fustige le manque de discipline des pays développés qui sont assis sur des montagnes de dettes. Et met en garde : “toutes les crises ont été créées par un excès d’endettement, car quand on est trop endetté, le marché vous tient…”.

Les marchés financiers, les maîtres du jeu

“Après la guerre, on pensait que les gouvernements étaient maîtres de leurs politiques économiques et de leurs systèmes de change… mais aujourd’hui, en réalité, ce sont les fonds financiers, les mouvements de capitaux…” Jacques de Larosière se montre d’ailleurs assez critique du programme de rachats d’actifs de la BCE (de l’ordre de 1.500 milliards d’euros) qu’il accuse de créer une bulle.

“Le choix des bonnes dépenses publiques”

“La question n’est pas de réduire la dépense publique pour le plaisir de la réduire, la question est d’avoir un budget intelligent.” Jacques de Larosière met en avant le système des pays nordiques qui chaque année remettent à plat la dépense publique : “pas un Français ne serait contre car cela permettrait de rationaliser la finance publique”.

Source : Les Echos, Guillaume, Maujean, 10/06/2016

Source: http://www.les-crises.fr/jacques-de-larosiere-les-gouvernements-ont-demissionne-face-aux-marches-financiers/


Le Brexit, un sacrifice pour sauver l’Europe, par Jean Quatremer

Monday 13 June 2016 at 00:01

Du lourd…

Source : Libération, Jean Quatremer, 31-05-2016

Les Britanniques voteront pour ou contre la sortie de l'UE le 23 juin. Photo Emmanuel Dunand. AFP

Les Britanniques voteront pour ou contre la sortie de l’UE le 23 juin. Photo Emmanuel Dunand. AFP

Edito Amis Anglais, puisque c’est vous seuls qui êtes tentés par le «Brexit», ne vous laissez pas convaincre par les arguments des partisans du remain et votez pour le leave le 23 juin ! Je vais être honnête : ce n’est vraiment pas dans votre intérêt de quitter l’Union européenne. Il est évident que les partisans du Brexit vous mentent en vous faisant croire que, seuls, vous vous en sortirez mieux dans un monde qui est déjà dominé par les Etats-Unis, l’Asie et, demain, l’Afrique, d’autant que l’Europe que vous honnissez est largement à votre main idéologique, au point qu’elle gouverne vingt-huit nations dans votre langue.

Mais qu’importe ! Ici, je défends le point de vue de l’Union, et c’est dans son intérêt qu’il faut que vous la quittiez. Si vous restez, vous allez nous pourrir la vie comme jamais auparavant : David Cameron sera le seul leader européen ayant été capable de remporter un référendum sur l’Europe et retrouvera donc un rôle central dans le jeu communautaire. Lui et ses successeurs négocieront alors concession sur concession pour enterrer totalement le rêve fédéraliste des pères de l’Europe et achever la transformation du Vieux Continent en une zone de libre-échange de plus en plus molle. Tout espoir d’un rebond européen sera alors définitivement enterré : déjà, l’Union se meurt, faute de volonté des gouvernements européens d’aller plus loin, la scène nationale étant désormais partout dominée par les souverainistes qui ont confisqué le débat et parfois le pouvoir, comme en Europe de l’Est. Les valeurs européennes ont volé en éclats, comme le montre l’abandon du droit d’asile, et les partis de gouvernement pensent qu’une élection ne peut se gagner que par l’aile eurosceptique, quand bien même l’élection présidentielle autrichienne a démontré l’exact contraire…

L’aiguillon de la peur d’un effondrement immédiat de l’Union, politiquement et économiquement coûteux, ayant disparu avec le remain, pourquoi prendre des risques électoraux en concédant de nouveaux partages de souveraineté, comme cela s’est passé pendant la crise de la zone euro ? D’autant que ces partages de souveraineté ne produiront des effets que des années plus tard. Autant continuer à vivoter sur les acquis européens, même s’ils sont chaque jour de plus en plus attaqués. Autant dire, amis Anglais, que votre maintien dans l’Union évitera une crise immédiate, mais plombera durablement le projet européen jusqu’au délitement final. L’Europe, qui voulait peser dans un monde où l’Occident deviendra inexorablement quantité négligeable, ne sera plus qu’un failed project qui fera sourire les dirigeants chinois, indiens ou même américains. Seul votre départ en fanfare pourrait lui permettre de rebondir. Je ne suis pas un adepte de la «crise salutaire», mais l’Europe est déjà en catalepsie, et seul un choc de grande ampleur pourrait la réveiller et obliger les dirigeants les plus visionnaires (s’il en reste) à réagir pour éviter un émiettement mortel.

Votre sacrifice pour le bien commun européen aurait de la grandeur, un sacrifice qui, je le reconnais, pourrait aboutir à la disparition du Royaume-Uni de Grande-Bretagne, l’Ecosse, voire l’Irlande du Nord pouvant être tentées par l’indépendance. Mais, au fond, ce ne serait que la quatrième fois que vous viendriez au secours des tribus européennes divisées, après la lutte contre l’Empire français puis les deux Reich allemands, et ce, au prix de lourds sacrifices. Alors, amis Anglais, un peu de courage ! Laissez-vous convaincre par les brillants leaders que sont Nigel Farage ou Boris Johnson, qui au fond, ne veulent que le bien des Européens. Et promis, dans vingt ans, on vous laissera revenir. A nos conditions, bien sûr, la corde au cou et en robe de bure : un faible prix à payer pour sauver le rêve européen.

Source : Libération, Jean Quatremer, 31-05-2016

Source: http://www.les-crises.fr/le-brexit-un-sacrifice-pour-sauver-leurope-par-jean-quatremer/


Aude Lancelin virée de L’Obs : un chef-d’œuvre de management très politique, par Henri Maler

Sunday 12 June 2016 at 00:30

Source Acrimed, Henri Maler, 07-06-2016

Les motifs politiques du licenciement d’Aude Lancelin sont désormais avérés. Notre solidarité (comme celles de toutes celles et de tous ceux qui, intellectuels ou non, journalistes ou pas, se sont manifestés) est entière. Son cas personnel est emblématique. Il suffit de parcourir les épisodes de ce licenciement pour voir se confirmer sur un exemple particulier un fonctionnement de la presse qui ne concerne pas seulement L’Obs.

Cela commence par l’audience en berne d’un hebdomadaire, puis un ultimatum lancé par des actionnaires inquiets à leur factotum – le directeur de la rédaction (Mathieu Croissandeau) –, ultimatum auquel répondent des mesures autoritaires, prises avec la complicité active des dits actionnaires, dans le but de leur complaire. Ce management brutal se prévaut d’une prétendue efficacité qui dissimule mal des motifs politiques. La rédaction se rebelle mais, la hiérarchie étant ce qu’elle est, ses protestations sont vaines : elle ne dispose d’aucun véritable pouvoir statutaire.

Seulement voilà : les articles de la concurrence et une tribune d’intellectuels (dont on pourrait souhaiter que la question des médias les émeuve même quand ils ne sont pas directement concernés) ont obligé le chef, ainsi que le cofondateur de L’Obs (Jean Daniel) à réagir. Ces magnifiques tentatives de déni ont été démenties par un simple SMS, avant que des extraits d’un conseil de surveillance n’attestent la brutalité de l’intervention des actionnaires et son caractère politique.

Bref : les actionnaires actionnent et Aude Lancelin est licenciée.

Reprenons…

Au commencement était la crise

La diffusion de L’Obs est en chute libre. La consultation de son site aussi. Selon l’ACPM (l’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias), la diffusion moyenne de l’hebdomadaire en kiosque a chuté de 13 % en 2015. Et certains numéros ont été vendus à moins de 30 000 exemplaires en kiosque. Selon CB News« malgré une nouvelle formule en 2014, l’hebdomadaire affiche sur les trois premiers mois de 2016 une baisse de 16,64% de sa diffusion, à 356 477 exemplaires en moyenne, selon les déclarations déposées trimestrielles (DDT) publiées le 12 mai dernier par l’ACPM-OJD. » Et, « sur le numérique, les chiffres sont catastrophiques », indique Libération qui précise : « 40,3 millions de visites au mois de mars, en baisse continue, quand la moyenne cumulée de 2015 hors attentats oscillait autour des 44,2 millions de visites mensuelles. »

Alarme et ultimatum : le jeudi 10 décembre 2015, lors d’une réunion d’un Conseil de surveillance de L’Obs, les trois actionnaires – Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre Bergé – « donnent un mois à Matthieu Croissandeau pour changer la ligne éditoriale » [1].

L’orientation éditoriale d’un titre, on s’en doute, n’a aucun rapport avec son orientation politique… Et en exigeant que la ligne éditoriale change, les actionnaires, c’est évident, n’interviennent nullement sur l’orientation politique ! D’ailleurs celle-ci est placée sous le contrôle du directeur de la rédaction qui occupe cette fonction grâce à des actionnaires qui, bien sûr, sont les garants de son indépendance !

Et le management fut brutal

Le 10 mai 2016, les deux directeurs adjoints de la rédaction, Aude Lancelin et Pascal Riché, sont écartés par Matthieu Croissandeau [2].

Le mercredi 11 mai, la conférence de rédaction est d’autant plus tumultueuse que, s’agissant d’Aude Lancelin, c’est un licenciement sec qui est prévu et que Mathieu Croissandeau, droit dans ses bottes, refuse de s’expliquer. La société des rédacteurs décide alors de soumettre au vote, le lendemain, une motion de défiance.

Droit dans ses bottes, donc, Mathieu Croissandeau a donné des gages aux actionnaires : une nouvelle réunion du conseil de surveillance qui se tient le même jour le confirme dans ses fonctions et confirme le licenciement d’Aude Lancelin, avant même qu’il ait lieu et sans aucun respect pour les procédures réglementaires.

À cette date, les motifs politiques de ce licenciement ne sont encore qu’une hypothèse, alimentée par des informations qui n’ont pas vraiment valeur de preuve. Il faudra attendre le début du mois de juin pour que le compte-rendu du conseil de surveillance ne laisse aucun doute. Mais respectons la chronologie !

Le jeudi 12 mai, la société des rédacteurs de L’Obs, comme elle l’a décidé la veille, soumet au vote des journalistes de l’hebdomadaire la question suivante : « Avez-vous confiance en la stratégie de Matthieu Croissandeau ? »Cette motion de défiance est approuvée par 80 % de la rédaction.

Matthieu Croissandeau reste droit dans ses bottes (bis). Et du haut de son trône, Jean Daniel supplie la rédaction de « donner sa chance » à Croissandeau. Dans le même mail, il ajoute : « Ce n’est pas parce que je proteste avec vous et comme vous contre l’humiliation qu’elle a subit [sic] que je peux oublier que mon amie Aude Lancelin ne s’est pas toujours souciée de la façon dont j’avais fondé ce journal. » Sa Grandeur est compatissante, mais le sous-entendu est lourd de sens : Aude Lancelin a franchi la « ligne » fixée par le fondateur. Un licenciement politique ? Vous n’y pensez pas !

Mais la rédaction s’insurgea

Pourtant, au fil des jours les soupçons d’un licenciement politique gagnent en consistance.

Le vendredi 20 mai, Aude Lancelin est reçue par Jacqueline Volle pour l’entretien préalable à son licenciement. La veille déjà, Libérations’interrogeait : « Aude Lancelin virée pour avoir fait battre le cœur de “L’Obs” trop à gauche ? » (Libération, 19 mai 2016). La réponse est dans la question et l’article la confirme : « Cette décision a été prise la veille d’un conseil de surveillance réunissant le 11 mai les actionnaires du titre. » On a vu dans quelles conditions, et l’on en apprendra plus au début du mois de juin. Patience…

Le jour de la convocation d’Aude Lancelin, Libération publie un texte rédigé par la société des rédacteurs : « Nous, journalistes de “L’Obs”… »« Forts et fiers de notre histoire, disent-il, nous résistons. » Et ils s’insurgent : « Engager une procédure de licenciement contre un journaliste de cette manière et dans de telles circonstances est contraire aux principes que L’Obs défend. Cette situation laisse peser le soupçon grave et inacceptable d’une intervention politique. […] Il ne saurait être question pour nous d’aborder une campagne électorale dans un tel climat de suspicion. »

Ce même 20 mai, l’intersyndicale de L’Obs proteste à son tour, en invoquant d’éventuelles raisons politiques à l’éviction d’Aude Lancelin : « Nous avons demandé l’arrêt de la procédure en cours. […] Si licenciement il devait y avoir, il serait particulièrement choquant au moment où ont filtré dans la presse et au conseil de surveillance de L’Obs des raisons politiques à l’éviction de cette journaliste. [3] »

Le lundi 23 mai, l’assemblée générale des salariés de L’Obs décide d’un arrêt de travail d’une heure, « pour protester contre le licenciement d’Aude Lancelin et le traitement réservé aux salariés de L’Obs, de Rue 89 et de O, amenés à changer de postes ou à quitter l’entreprise (ruptures conventionnelles en lieu et place de licenciements économiques, promesses de reclassement dans le groupe non tenues, souffrance au travail) ». Un texte publié par l’intersyndicale et les représentants du personnel, avec le soutien de la société des rédacteurs, insiste : « Les salariés considèrent inacceptables ces méthodes qui vont à l’encontre des valeurs fondamentales de ce journal. »

Mais rien n’y fait [4]. Les rédactions ne disposent pas du pouvoir statutaire qui leur permettrait de contrecarrer les décisions d’une hiérarchie incontrôlable. Mathieu Croissandeau, fort du soutien des actionnaires et de Jean Daniel, reste droit dans ses bottes (ter).

Un complot contre L’Obs ?

Après Libération, c’est au tour de Mediapart de confirmer, dans un long article publié le 23 mai 2016, l’hypothèse d’un licenciement politique : « Purge à L’Obs, reprise en main à Marianne ».

Et le 25 mai, Libération publie une tribune rédigée par un collectif (mise en ligne à 10h 26) : « À “L’Obs”, un licenciement très politique ». Le licenciement d’Aude Lancelin ? Une « opération de police intellectuelle », affirment les signataires, dont la liste est éloquente [5] : toutes les variétés – des plus « radicales » aux plus « modérées » – d’une gauche qui n’est pas directement inféodée au Parti socialiste sont représentées. Extrait :

À l’état d’urgence, à la déchéance de la nationalité, au 49.3, il manquait encore une vilenie pour achever le quinquennat, et la voici  : la presse aux ordres. À un an de la présidentielle, le premier hebdomadaire de la gauche française, L’Obs, a brutalement décidé d’engager une procédure de licenciement à l’égard de sa numéro 2, Aude Lancelin. On a du mal à croire que les raisons de cette éviction puissent revêtir un caractère « managérial », comme s’obstine à le soutenir curieusement la direction du journal.

On lit, en effet, dans la presse qu’il y aurait eu un conflit entre la prétendue ligne de M. Croissandeau, dite « de toutes les gauches », et celle d’Aude Lancelin que certains ont voulu mensongèrement réduire à la « gauche de la gauche ». Il suffit de lire les éditoriaux dudit directeur de la rédaction pour s’apercevoir que « toutes les gauches », ce sont, en fait, les seules « gauches » de Hollande, Valls et Macron…

Nous autres savons très bien, au contraire, que l’un des seuls lieux réellement ouverts à toutes les gauches dans ce journal était précisément les pages dédiées aux idées, aux interventions intellectuelles, aux débats, dont Aude Lancelin avait plus particulièrement la charge.

Le même jour, quelques heures après la parution de la tribune collective (baptisée désormais « tribune des intellectuels »), le site de Libérationmet en ligne une réponse de Mathieu Croissandeau : « L’Obs ne prend ses ordres nulle part ».

Encore et toujours droit dans ses bottes, le chef s’insurge contre « une tribune aux accents conspirationnistes, imaginant une conjuration ourdie au sommet de l’État pour mettre L’Obs aux ordres de l’Élysée, n’a donc pas manqué de nous faire réagir. Tout simplement parce qu’elle est diffamatoire et mensongère ». Et il persiste à soutenir l’insoutenable : « J’ai pris la décision, en toute indépendance, de remanier l’équipe de direction du journal pour des raisons d’efficacité qui tiennent à notre organisation interne, rien de plus. » Avant de conclure, non sans arrogance, que L’Obs « ne prend ses ordres nulle part. Pas davantage dans les colonnes des pétitions que dans les salons de l’Elysée ».

En laissant entendre que « la presse aux ordres », selon leurs propres termes, avait peut-être reçu des ordres de François Hollande et de son entourage, les signataires de la « tribune » avaient omis de préciser qu’aucun ordre, à proprement parler, n’est indispensable pour que la presse aux ordres se livre à une « opération de police intellectuelle » et se soumette aux exigences d’un certain maintien de l’ordre : un maintien de l’ordre politique, évidemment. De même que l’autocensure peut remplacer avantageusement la censure (surtout quand elle est visible ou peut le devenir), la soumission volontaire de la chefferie actionnariale et éditoriale peut rendre inutiles les commandements ou les suggestions des chefferies politiques !

« En toute indépendance », selon sa propre expression, le chef Croissandeau obtient un renfort de poids. En effet, deux jours plus tard, le 27 mai, Libération publie une « tribune » de Sa Majesté Fondatrice qui, elle aussi dénonce les « thèses complotistes » : « L’insoutenable légèreté des calomniateurs de L’Obs, par Jean Daniel, éditorialiste et cofondateur de L’Obs ».

Après un habituel (et long) exercice d’autocongratulation, Jean Daniel proclame :

Je me suis assuré que la décision prise par Matthieu Croissandeau de se priver d’une collaboratrice qu’il avait nommée à son poste, n’avait aucune motivation politique et qu’elle n’était en rien dictée par la triste défense d’un gouvernement aux abois. La conclusion que j’ai pu tirer de mon enquête, c’est que les signataires de cette pétition contre L’Obs, représentants d’une gauche en guerre et jusqu’au-boutiste, veulent instrumentaliser Aude Lancelin. Ils se sont gravement trompés d’ennemis. Gravement.

Une « enquête » (dont on ne saura rien, alors qu’il a assisté lui-même au conseil de surveillance où tout fut dit et décidé) l’a donc convaincu de répéter la version officielle. La même « enquête » l’a convaincu que les signataires sont les « représentants d’une gauche en guerre et jusqu’au-boutiste ». Nombre de signataires apprécieront ! Et Aude Lancelin, ainsi méprisée, serait la victime de comploteurs complotistes qui la manipulent. Elle aussi appréciera !

Mais – patatras ! – il aura suffi d’un simple SMS pour que la version officielle se fissure avant de s’effondrer…

Patatras : le licenciement politique est confirmé

Le 1er juin 2016, Mediapart et Le Figaro (coalisés ?) rejoignent en même temps la conspiration et publient un SMS [6] que Claude Perdriel a adressé à Aude Lancelin le samedi 14 mai à 18 h 26, qui confirme que le conseil de surveillance du 11 mai a lui-même décidé le licenciement neuf jours avant qu’il soit officiellement prononcé, et que ce sont bien les « opinions » d’Aude Lancelin qui sont en cause. Voici le SMS en question :

Chère Aude, vous avez toute ma sympathie mais la décision du dernier conseil est évidemment irrévocable. Votre talent est indiscutable vous êtes jeune vous n’aurez pas de problème pour trouver du travail nombreux sont ceux qui vous soutiennent. Moralement c’est important. Je respecte vos opinions mais je pense qu’elles ont influencé votre travail cela n’empêche pas le talent. Amicalement, Claude

Tant de condescendance paternaliste et désinvolte éblouit !

Dans l’article du Figaro, Claude Perdriel commente ainsi son SMS : « Quand on respecte son lecteur, on ne lui impose pas d’idées. Aude Lancelin donne la parole à Nuit debout ! Cela la regarde, mais ce n’est pas la ligne du journal ».

Mais ce n’était encore que le commentaire affligeant d’un malencontreux SMS. Les informations les plus compromettantes étaient à venir.

Le 6 juin, en effet, Mediapart, publie un article de Laurent Mauduit – « La presse à l’heure des purges et des publireportages » (lien payant) – faisant état d’un compte rendu du conseil de surveillance qui, dit-il, « circule au sein de la rédaction ». Bref compte rendu du compte rendu partiellement publié par Mediapart :

– À la présidente de la société des rédacteurs, Elsa Vigoureux, qui annonce la préparation d’une motion de défiance, Pierre Bergé répond : « Les actionnaires renouvellent complètement leur confiance à Matthieu Croissandeau. Et sachez-le, ça ne nous fera rien, mais rien, ces motions de défiance. Faites-en autant que vous voulez, ça glissera… ! »

– Claude Perdriel s’exprime à son tour pour flatter, s’insurger et menacer : « Aude Lancelin a beaucoup de talent, il faut bien le dire. J’ai une grande estime pour sa culture, et une admiration certaine pour son intelligence. C’est une journaliste reconnue. Elle pourrait même m’intéresser. Mais là, elle est en faute avec la charte qu’elle a signée en arrivant à L’Obs. Notre journal est d’inspiration sociale-démocrate. Or, elle publie des articles anti-démocratiques dans ses pages. Je ne resterai pas actionnaire d’un journal qui défend des idées, une éthique, une morale, qui me cassent le cœur. »

– Pierre Bergé enfonce le clou : « Il faut respecter la ligne de ce journal, qu’il arrive que je ne reconnaisse plus. »

Les actionnaires, c’est dit, sont donc les garants de « la ligne » !

Jusqu’alors manquaient les preuves irréfutables du licenciement politique. Mais désormais la cause est entendue : le parti de la presse dominante se renforce en s’épurant ! C’est du moins ce que semblent croire ses tenanciers.
Henri Maler

En guise d’Annexes

– 1. Tant vont les chartes au vent qu’à la fin elles s’envolent ! (extraits du communiqué des sociétés des rédacteurs ou des journalistes du groupe Le Monde, ainsi que la Société des rédacteurs de L’Obs)
– 2. Toutes les variétés d’une gauche qui n’est pas directement inféodée au Parti socialiste (la liste des signataires de la « tribune des intellectuels).
1. Tant vont les chartes au vent qu’à la fin elles s’envolent !

Le vendredi 3 juin, les sociétés des rédacteurs ou des journalistes du groupe Le Monde et la société des rédacteurs de L’Obs ont publié un communiqué (que l’on peut le lire dans l’article déjà cité de Mediapart) : « Inquiètes de la crise persistante à L’Obs, les sociétés des rédacteurs du groupe Le Monde (Le Monde, Courrier international, La Vie, Télérama) s’associent à la société des rédacteurs de L’Obs pour réaffirmer leur attachement à leur indépendance éditoriale. »

Puis les signataire citent la Charte d’éthique et de déontologie du groupe Le Monde (2010) qui stipule que « l’indépendance éditoriale des journaux du groupe Le Monde à l’égard de ses actionnaires, des annonceurs, des pouvoirs publics, politiques, économiques, idéologiques et religieux est la condition nécessaire d’une information libre et de qualité. » Le communiqué invoque également la Charte de L’Obs (2010) qui « précise que les actionnaires “s’interdisent d’intervenir d’une quelconque manière, sur le travail journalistique des membres de la rédaction”. »

Et pour finir : « Nous sommes particulièrement préoccupés par la brutalité du licenciement d’Aude Lancelin et sa connotation politique assumée par un actionnaire[[Sans doute s’agit-il Claude Perdriel, talentueux rédacteur de SMS], méthode inédite dans l’histoire de L’Obs comme dans celle du groupe Le Monde. »

Prises de position plus qu’honorables, mais… Mais, dans le monde merveilleux des actionnaires et des hiérarchies incontrôlables, tant vont les chartes au vent qu’à la fin elles s’envolent !
2. Toutes les variétés d’une gauche qui n’est pas directement inféodée au Parti socialiste (la liste des signataires de la « tribune des intellectuels)

Denis Podalydès, acteur – Etienne Balibar, philosophe – Claude Lanzmann, réalisateur – Emmanuel Todd, démographe et historien – Michela Marzan, philosophe – Julia Cagé, économiste – Alain Badiou , philosophe- John MacArthur, directeur du magazine Harper’s – La Rumeur, groupe- Jérôme Prieur, auteur et réalisateur – François Bégaudeau, écrivain – Christian Salmon, essayiste – Jacques Rancière, philosophe- Laurent Binet, écrivain- Raphaël Liogier, sociologue et philosophe – Bernard Stiegler, philosophe – Gérard Mordillat, écrivain et réalisateur – Stéphanie Chevrier, éditrice – André Orléan, économiste – Christian Laval, sociologue- Pierre Dardot, philosophe – Hugues Jallon, éditeur Michaël Fœssel, philosophe – Cédric Durand, économiste – Chloé Delaume, écrivaine – Geoffroy de Lagasnerie, sociologue – Guy Walter, écrivain et directeur de la Villa Gillet – Chantal Jaquet philosophe – Razmig Keucheyan, sociologue – Edouard Louis, écrivain- Frédéric Schiffter, philosophe – Jacques de Saint-Victor, historien – Caroline de Haas, militante féministe – Christine Delphy, sociologue – Benjamin Stora, historien -Mathieu Terence, écrivain – Bernard Lahire, sociologue – Roland Gori, psychanalyste – Elsa Dorlin, philosophe – Patrick Chamoiseau, écrivain – Anne Dufourmantelle, psychanalyste – Annie Ernaux, écrivaine – Guillaume Le Blanc, philosophe – Ollivier Pourriol, philosophe – Hervé Le Bras, démographe – François Gèze, éditeur – Sophie Wahnich, historienne – Lydie Salvayre, écrivaine – Quentin Meillassoux, philosophe – Romain Bertrand, historien – François Schlosser, ancien rédacteur en chef du Nouvel Observateur.- Edwy Plenel, fondateur de Mediapart et Jean-Pierre Dupuy, philosophe.

Source: http://www.les-crises.fr/aude-lancelin-viree-de-lobs-un-chef-doeuvre-de-management-tres-politique-par-henri-maler/