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Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray, ScienceEtonnante, DataGueule)

Wednesday 15 June 2016 at 00:01

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: Brexit: “Il ne se passera strictement rien” -13/06

Olivier Delamarche VS Patrice Gautry (1/2): Le référendum britannique alimente-t-il la baisse des marchés ? – 13/06

Olivier Delamarche VS Patrice Gautry (2/2): La politique monétaire de la BCE arrive-t-elle encore à soutenir l’économie en zone euro ? – 13/06

II. Philippe Béchade

Philippe Béchade VS Serge Négrier (1/2): Pourra-t-on un jour normaliser la politique monétaire de la FED ? – 08/06

Philippe Béchade VS Serge Négrier (2/2): Le rachat des dettes d’entreprises par la BCE impactera-t-il les marchés ? – 08/06

III. Jacques Sapir

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (1/2): A qui profitera l’éventuelle sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne ? – 14/06

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (2/2): Le passage en seuil négatif des taux d’emprunt allemands à 10 ans est-il aussi inquiétant ? – 14/06

IV. Michel Onfray

V. ScienceEtonnante

La mécanique quantique en 7 idées — Science étonnante #16

VI. DataGueule

Aux Frontex de l’Europe #DATAGUEULE 4


beleave

biere

duham

sarko-2

macron-3

ukraine

caviar

fillon

Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

usa

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais,
Martin Vidberg, Grémi.

 

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-onfray-scienceetonnante-datagueule/


Jacques de Larosière : “Les gouvernements ont démissionné face aux marchés financiers”

Tuesday 14 June 2016 at 00:01

Source : Les Echos, Guillaume, Maujean, 10/06/2016

Jacques de Larosière a été notamment directeur général du Fonds monétaire international et gouverneur de la Banque de France. - DR

Jacques de Larosière a été notamment directeur général du Fonds monétaire international et gouverneur de la Banque de France. – DR

Jacques de Larosière, auteur de “50 ans de crises financières” (éd. Odile Jacob), était ce vendredi 10 juin 2016 l’invité de la matinale des Echos.

Né en 1929, l’année de la plus grande crise financière, Jacques de Larosière a ensuite vécu au plus près les grandes déflagrations économiques, de la fin du système de Bretton Woods à la chute du bloc soviétique. Il a été successivement patron du Trésor et du FMI, gouverneur de la Banque de France, président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Il vient de publier un livre mémoire, “50 ans de crises financières” (éd. Odile Jacob). L’occasion de faire le point avec lui sur l’actualité de la finance et de la monnaie.

L’excès d’endettement à l’origine de toutes les crises

J. de Larosière fustige le manque de discipline des pays développés qui sont assis sur des montagnes de dettes. Et met en garde : “toutes les crises ont été créées par un excès d’endettement, car quand on est trop endetté, le marché vous tient…”.

Les marchés financiers, les maîtres du jeu

“Après la guerre, on pensait que les gouvernements étaient maîtres de leurs politiques économiques et de leurs systèmes de change… mais aujourd’hui, en réalité, ce sont les fonds financiers, les mouvements de capitaux…” Jacques de Larosière se montre d’ailleurs assez critique du programme de rachats d’actifs de la BCE (de l’ordre de 1.500 milliards d’euros) qu’il accuse de créer une bulle.

“Le choix des bonnes dépenses publiques”

“La question n’est pas de réduire la dépense publique pour le plaisir de la réduire, la question est d’avoir un budget intelligent.” Jacques de Larosière met en avant le système des pays nordiques qui chaque année remettent à plat la dépense publique : “pas un Français ne serait contre car cela permettrait de rationaliser la finance publique”.

Source : Les Echos, Guillaume, Maujean, 10/06/2016

Source: http://www.les-crises.fr/jacques-de-larosiere-les-gouvernements-ont-demissionne-face-aux-marches-financiers/


Le Brexit, un sacrifice pour sauver l’Europe, par Jean Quatremer

Monday 13 June 2016 at 00:01

Du lourd…

Source : Libération, Jean Quatremer, 31-05-2016

Les Britanniques voteront pour ou contre la sortie de l'UE le 23 juin. Photo Emmanuel Dunand. AFP

Les Britanniques voteront pour ou contre la sortie de l’UE le 23 juin. Photo Emmanuel Dunand. AFP

Edito Amis Anglais, puisque c’est vous seuls qui êtes tentés par le «Brexit», ne vous laissez pas convaincre par les arguments des partisans du remain et votez pour le leave le 23 juin ! Je vais être honnête : ce n’est vraiment pas dans votre intérêt de quitter l’Union européenne. Il est évident que les partisans du Brexit vous mentent en vous faisant croire que, seuls, vous vous en sortirez mieux dans un monde qui est déjà dominé par les Etats-Unis, l’Asie et, demain, l’Afrique, d’autant que l’Europe que vous honnissez est largement à votre main idéologique, au point qu’elle gouverne vingt-huit nations dans votre langue.

Mais qu’importe ! Ici, je défends le point de vue de l’Union, et c’est dans son intérêt qu’il faut que vous la quittiez. Si vous restez, vous allez nous pourrir la vie comme jamais auparavant : David Cameron sera le seul leader européen ayant été capable de remporter un référendum sur l’Europe et retrouvera donc un rôle central dans le jeu communautaire. Lui et ses successeurs négocieront alors concession sur concession pour enterrer totalement le rêve fédéraliste des pères de l’Europe et achever la transformation du Vieux Continent en une zone de libre-échange de plus en plus molle. Tout espoir d’un rebond européen sera alors définitivement enterré : déjà, l’Union se meurt, faute de volonté des gouvernements européens d’aller plus loin, la scène nationale étant désormais partout dominée par les souverainistes qui ont confisqué le débat et parfois le pouvoir, comme en Europe de l’Est. Les valeurs européennes ont volé en éclats, comme le montre l’abandon du droit d’asile, et les partis de gouvernement pensent qu’une élection ne peut se gagner que par l’aile eurosceptique, quand bien même l’élection présidentielle autrichienne a démontré l’exact contraire…

L’aiguillon de la peur d’un effondrement immédiat de l’Union, politiquement et économiquement coûteux, ayant disparu avec le remain, pourquoi prendre des risques électoraux en concédant de nouveaux partages de souveraineté, comme cela s’est passé pendant la crise de la zone euro ? D’autant que ces partages de souveraineté ne produiront des effets que des années plus tard. Autant continuer à vivoter sur les acquis européens, même s’ils sont chaque jour de plus en plus attaqués. Autant dire, amis Anglais, que votre maintien dans l’Union évitera une crise immédiate, mais plombera durablement le projet européen jusqu’au délitement final. L’Europe, qui voulait peser dans un monde où l’Occident deviendra inexorablement quantité négligeable, ne sera plus qu’un failed project qui fera sourire les dirigeants chinois, indiens ou même américains. Seul votre départ en fanfare pourrait lui permettre de rebondir. Je ne suis pas un adepte de la «crise salutaire», mais l’Europe est déjà en catalepsie, et seul un choc de grande ampleur pourrait la réveiller et obliger les dirigeants les plus visionnaires (s’il en reste) à réagir pour éviter un émiettement mortel.

Votre sacrifice pour le bien commun européen aurait de la grandeur, un sacrifice qui, je le reconnais, pourrait aboutir à la disparition du Royaume-Uni de Grande-Bretagne, l’Ecosse, voire l’Irlande du Nord pouvant être tentées par l’indépendance. Mais, au fond, ce ne serait que la quatrième fois que vous viendriez au secours des tribus européennes divisées, après la lutte contre l’Empire français puis les deux Reich allemands, et ce, au prix de lourds sacrifices. Alors, amis Anglais, un peu de courage ! Laissez-vous convaincre par les brillants leaders que sont Nigel Farage ou Boris Johnson, qui au fond, ne veulent que le bien des Européens. Et promis, dans vingt ans, on vous laissera revenir. A nos conditions, bien sûr, la corde au cou et en robe de bure : un faible prix à payer pour sauver le rêve européen.

Source : Libération, Jean Quatremer, 31-05-2016

Source: http://www.les-crises.fr/le-brexit-un-sacrifice-pour-sauver-leurope-par-jean-quatremer/


Aude Lancelin virée de L’Obs : un chef-d’œuvre de management très politique, par Henri Maler

Sunday 12 June 2016 at 00:30

Source Acrimed, Henri Maler, 07-06-2016

Les motifs politiques du licenciement d’Aude Lancelin sont désormais avérés. Notre solidarité (comme celles de toutes celles et de tous ceux qui, intellectuels ou non, journalistes ou pas, se sont manifestés) est entière. Son cas personnel est emblématique. Il suffit de parcourir les épisodes de ce licenciement pour voir se confirmer sur un exemple particulier un fonctionnement de la presse qui ne concerne pas seulement L’Obs.

Cela commence par l’audience en berne d’un hebdomadaire, puis un ultimatum lancé par des actionnaires inquiets à leur factotum – le directeur de la rédaction (Mathieu Croissandeau) –, ultimatum auquel répondent des mesures autoritaires, prises avec la complicité active des dits actionnaires, dans le but de leur complaire. Ce management brutal se prévaut d’une prétendue efficacité qui dissimule mal des motifs politiques. La rédaction se rebelle mais, la hiérarchie étant ce qu’elle est, ses protestations sont vaines : elle ne dispose d’aucun véritable pouvoir statutaire.

Seulement voilà : les articles de la concurrence et une tribune d’intellectuels (dont on pourrait souhaiter que la question des médias les émeuve même quand ils ne sont pas directement concernés) ont obligé le chef, ainsi que le cofondateur de L’Obs (Jean Daniel) à réagir. Ces magnifiques tentatives de déni ont été démenties par un simple SMS, avant que des extraits d’un conseil de surveillance n’attestent la brutalité de l’intervention des actionnaires et son caractère politique.

Bref : les actionnaires actionnent et Aude Lancelin est licenciée.

Reprenons…

Au commencement était la crise

La diffusion de L’Obs est en chute libre. La consultation de son site aussi. Selon l’ACPM (l’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias), la diffusion moyenne de l’hebdomadaire en kiosque a chuté de 13 % en 2015. Et certains numéros ont été vendus à moins de 30 000 exemplaires en kiosque. Selon CB News« malgré une nouvelle formule en 2014, l’hebdomadaire affiche sur les trois premiers mois de 2016 une baisse de 16,64% de sa diffusion, à 356 477 exemplaires en moyenne, selon les déclarations déposées trimestrielles (DDT) publiées le 12 mai dernier par l’ACPM-OJD. » Et, « sur le numérique, les chiffres sont catastrophiques », indique Libération qui précise : « 40,3 millions de visites au mois de mars, en baisse continue, quand la moyenne cumulée de 2015 hors attentats oscillait autour des 44,2 millions de visites mensuelles. »

Alarme et ultimatum : le jeudi 10 décembre 2015, lors d’une réunion d’un Conseil de surveillance de L’Obs, les trois actionnaires – Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre Bergé – « donnent un mois à Matthieu Croissandeau pour changer la ligne éditoriale » [1].

L’orientation éditoriale d’un titre, on s’en doute, n’a aucun rapport avec son orientation politique… Et en exigeant que la ligne éditoriale change, les actionnaires, c’est évident, n’interviennent nullement sur l’orientation politique ! D’ailleurs celle-ci est placée sous le contrôle du directeur de la rédaction qui occupe cette fonction grâce à des actionnaires qui, bien sûr, sont les garants de son indépendance !

Et le management fut brutal

Le 10 mai 2016, les deux directeurs adjoints de la rédaction, Aude Lancelin et Pascal Riché, sont écartés par Matthieu Croissandeau [2].

Le mercredi 11 mai, la conférence de rédaction est d’autant plus tumultueuse que, s’agissant d’Aude Lancelin, c’est un licenciement sec qui est prévu et que Mathieu Croissandeau, droit dans ses bottes, refuse de s’expliquer. La société des rédacteurs décide alors de soumettre au vote, le lendemain, une motion de défiance.

Droit dans ses bottes, donc, Mathieu Croissandeau a donné des gages aux actionnaires : une nouvelle réunion du conseil de surveillance qui se tient le même jour le confirme dans ses fonctions et confirme le licenciement d’Aude Lancelin, avant même qu’il ait lieu et sans aucun respect pour les procédures réglementaires.

À cette date, les motifs politiques de ce licenciement ne sont encore qu’une hypothèse, alimentée par des informations qui n’ont pas vraiment valeur de preuve. Il faudra attendre le début du mois de juin pour que le compte-rendu du conseil de surveillance ne laisse aucun doute. Mais respectons la chronologie !

Le jeudi 12 mai, la société des rédacteurs de L’Obs, comme elle l’a décidé la veille, soumet au vote des journalistes de l’hebdomadaire la question suivante : « Avez-vous confiance en la stratégie de Matthieu Croissandeau ? »Cette motion de défiance est approuvée par 80 % de la rédaction.

Matthieu Croissandeau reste droit dans ses bottes (bis). Et du haut de son trône, Jean Daniel supplie la rédaction de « donner sa chance » à Croissandeau. Dans le même mail, il ajoute : « Ce n’est pas parce que je proteste avec vous et comme vous contre l’humiliation qu’elle a subit [sic] que je peux oublier que mon amie Aude Lancelin ne s’est pas toujours souciée de la façon dont j’avais fondé ce journal. » Sa Grandeur est compatissante, mais le sous-entendu est lourd de sens : Aude Lancelin a franchi la « ligne » fixée par le fondateur. Un licenciement politique ? Vous n’y pensez pas !

Mais la rédaction s’insurgea

Pourtant, au fil des jours les soupçons d’un licenciement politique gagnent en consistance.

Le vendredi 20 mai, Aude Lancelin est reçue par Jacqueline Volle pour l’entretien préalable à son licenciement. La veille déjà, Libérations’interrogeait : « Aude Lancelin virée pour avoir fait battre le cœur de “L’Obs” trop à gauche ? » (Libération, 19 mai 2016). La réponse est dans la question et l’article la confirme : « Cette décision a été prise la veille d’un conseil de surveillance réunissant le 11 mai les actionnaires du titre. » On a vu dans quelles conditions, et l’on en apprendra plus au début du mois de juin. Patience…

Le jour de la convocation d’Aude Lancelin, Libération publie un texte rédigé par la société des rédacteurs : « Nous, journalistes de “L’Obs”… »« Forts et fiers de notre histoire, disent-il, nous résistons. » Et ils s’insurgent : « Engager une procédure de licenciement contre un journaliste de cette manière et dans de telles circonstances est contraire aux principes que L’Obs défend. Cette situation laisse peser le soupçon grave et inacceptable d’une intervention politique. […] Il ne saurait être question pour nous d’aborder une campagne électorale dans un tel climat de suspicion. »

Ce même 20 mai, l’intersyndicale de L’Obs proteste à son tour, en invoquant d’éventuelles raisons politiques à l’éviction d’Aude Lancelin : « Nous avons demandé l’arrêt de la procédure en cours. […] Si licenciement il devait y avoir, il serait particulièrement choquant au moment où ont filtré dans la presse et au conseil de surveillance de L’Obs des raisons politiques à l’éviction de cette journaliste. [3] »

Le lundi 23 mai, l’assemblée générale des salariés de L’Obs décide d’un arrêt de travail d’une heure, « pour protester contre le licenciement d’Aude Lancelin et le traitement réservé aux salariés de L’Obs, de Rue 89 et de O, amenés à changer de postes ou à quitter l’entreprise (ruptures conventionnelles en lieu et place de licenciements économiques, promesses de reclassement dans le groupe non tenues, souffrance au travail) ». Un texte publié par l’intersyndicale et les représentants du personnel, avec le soutien de la société des rédacteurs, insiste : « Les salariés considèrent inacceptables ces méthodes qui vont à l’encontre des valeurs fondamentales de ce journal. »

Mais rien n’y fait [4]. Les rédactions ne disposent pas du pouvoir statutaire qui leur permettrait de contrecarrer les décisions d’une hiérarchie incontrôlable. Mathieu Croissandeau, fort du soutien des actionnaires et de Jean Daniel, reste droit dans ses bottes (ter).

Un complot contre L’Obs ?

Après Libération, c’est au tour de Mediapart de confirmer, dans un long article publié le 23 mai 2016, l’hypothèse d’un licenciement politique : « Purge à L’Obs, reprise en main à Marianne ».

Et le 25 mai, Libération publie une tribune rédigée par un collectif (mise en ligne à 10h 26) : « À “L’Obs”, un licenciement très politique ». Le licenciement d’Aude Lancelin ? Une « opération de police intellectuelle », affirment les signataires, dont la liste est éloquente [5] : toutes les variétés – des plus « radicales » aux plus « modérées » – d’une gauche qui n’est pas directement inféodée au Parti socialiste sont représentées. Extrait :

À l’état d’urgence, à la déchéance de la nationalité, au 49.3, il manquait encore une vilenie pour achever le quinquennat, et la voici  : la presse aux ordres. À un an de la présidentielle, le premier hebdomadaire de la gauche française, L’Obs, a brutalement décidé d’engager une procédure de licenciement à l’égard de sa numéro 2, Aude Lancelin. On a du mal à croire que les raisons de cette éviction puissent revêtir un caractère « managérial », comme s’obstine à le soutenir curieusement la direction du journal.

On lit, en effet, dans la presse qu’il y aurait eu un conflit entre la prétendue ligne de M. Croissandeau, dite « de toutes les gauches », et celle d’Aude Lancelin que certains ont voulu mensongèrement réduire à la « gauche de la gauche ». Il suffit de lire les éditoriaux dudit directeur de la rédaction pour s’apercevoir que « toutes les gauches », ce sont, en fait, les seules « gauches » de Hollande, Valls et Macron…

Nous autres savons très bien, au contraire, que l’un des seuls lieux réellement ouverts à toutes les gauches dans ce journal était précisément les pages dédiées aux idées, aux interventions intellectuelles, aux débats, dont Aude Lancelin avait plus particulièrement la charge.

Le même jour, quelques heures après la parution de la tribune collective (baptisée désormais « tribune des intellectuels »), le site de Libérationmet en ligne une réponse de Mathieu Croissandeau : « L’Obs ne prend ses ordres nulle part ».

Encore et toujours droit dans ses bottes, le chef s’insurge contre « une tribune aux accents conspirationnistes, imaginant une conjuration ourdie au sommet de l’État pour mettre L’Obs aux ordres de l’Élysée, n’a donc pas manqué de nous faire réagir. Tout simplement parce qu’elle est diffamatoire et mensongère ». Et il persiste à soutenir l’insoutenable : « J’ai pris la décision, en toute indépendance, de remanier l’équipe de direction du journal pour des raisons d’efficacité qui tiennent à notre organisation interne, rien de plus. » Avant de conclure, non sans arrogance, que L’Obs « ne prend ses ordres nulle part. Pas davantage dans les colonnes des pétitions que dans les salons de l’Elysée ».

En laissant entendre que « la presse aux ordres », selon leurs propres termes, avait peut-être reçu des ordres de François Hollande et de son entourage, les signataires de la « tribune » avaient omis de préciser qu’aucun ordre, à proprement parler, n’est indispensable pour que la presse aux ordres se livre à une « opération de police intellectuelle » et se soumette aux exigences d’un certain maintien de l’ordre : un maintien de l’ordre politique, évidemment. De même que l’autocensure peut remplacer avantageusement la censure (surtout quand elle est visible ou peut le devenir), la soumission volontaire de la chefferie actionnariale et éditoriale peut rendre inutiles les commandements ou les suggestions des chefferies politiques !

« En toute indépendance », selon sa propre expression, le chef Croissandeau obtient un renfort de poids. En effet, deux jours plus tard, le 27 mai, Libération publie une « tribune » de Sa Majesté Fondatrice qui, elle aussi dénonce les « thèses complotistes » : « L’insoutenable légèreté des calomniateurs de L’Obs, par Jean Daniel, éditorialiste et cofondateur de L’Obs ».

Après un habituel (et long) exercice d’autocongratulation, Jean Daniel proclame :

Je me suis assuré que la décision prise par Matthieu Croissandeau de se priver d’une collaboratrice qu’il avait nommée à son poste, n’avait aucune motivation politique et qu’elle n’était en rien dictée par la triste défense d’un gouvernement aux abois. La conclusion que j’ai pu tirer de mon enquête, c’est que les signataires de cette pétition contre L’Obs, représentants d’une gauche en guerre et jusqu’au-boutiste, veulent instrumentaliser Aude Lancelin. Ils se sont gravement trompés d’ennemis. Gravement.

Une « enquête » (dont on ne saura rien, alors qu’il a assisté lui-même au conseil de surveillance où tout fut dit et décidé) l’a donc convaincu de répéter la version officielle. La même « enquête » l’a convaincu que les signataires sont les « représentants d’une gauche en guerre et jusqu’au-boutiste ». Nombre de signataires apprécieront ! Et Aude Lancelin, ainsi méprisée, serait la victime de comploteurs complotistes qui la manipulent. Elle aussi appréciera !

Mais – patatras ! – il aura suffi d’un simple SMS pour que la version officielle se fissure avant de s’effondrer…

Patatras : le licenciement politique est confirmé

Le 1er juin 2016, Mediapart et Le Figaro (coalisés ?) rejoignent en même temps la conspiration et publient un SMS [6] que Claude Perdriel a adressé à Aude Lancelin le samedi 14 mai à 18 h 26, qui confirme que le conseil de surveillance du 11 mai a lui-même décidé le licenciement neuf jours avant qu’il soit officiellement prononcé, et que ce sont bien les « opinions » d’Aude Lancelin qui sont en cause. Voici le SMS en question :

Chère Aude, vous avez toute ma sympathie mais la décision du dernier conseil est évidemment irrévocable. Votre talent est indiscutable vous êtes jeune vous n’aurez pas de problème pour trouver du travail nombreux sont ceux qui vous soutiennent. Moralement c’est important. Je respecte vos opinions mais je pense qu’elles ont influencé votre travail cela n’empêche pas le talent. Amicalement, Claude

Tant de condescendance paternaliste et désinvolte éblouit !

Dans l’article du Figaro, Claude Perdriel commente ainsi son SMS : « Quand on respecte son lecteur, on ne lui impose pas d’idées. Aude Lancelin donne la parole à Nuit debout ! Cela la regarde, mais ce n’est pas la ligne du journal ».

Mais ce n’était encore que le commentaire affligeant d’un malencontreux SMS. Les informations les plus compromettantes étaient à venir.

Le 6 juin, en effet, Mediapart, publie un article de Laurent Mauduit – « La presse à l’heure des purges et des publireportages » (lien payant) – faisant état d’un compte rendu du conseil de surveillance qui, dit-il, « circule au sein de la rédaction ». Bref compte rendu du compte rendu partiellement publié par Mediapart :

– À la présidente de la société des rédacteurs, Elsa Vigoureux, qui annonce la préparation d’une motion de défiance, Pierre Bergé répond : « Les actionnaires renouvellent complètement leur confiance à Matthieu Croissandeau. Et sachez-le, ça ne nous fera rien, mais rien, ces motions de défiance. Faites-en autant que vous voulez, ça glissera… ! »

– Claude Perdriel s’exprime à son tour pour flatter, s’insurger et menacer : « Aude Lancelin a beaucoup de talent, il faut bien le dire. J’ai une grande estime pour sa culture, et une admiration certaine pour son intelligence. C’est une journaliste reconnue. Elle pourrait même m’intéresser. Mais là, elle est en faute avec la charte qu’elle a signée en arrivant à L’Obs. Notre journal est d’inspiration sociale-démocrate. Or, elle publie des articles anti-démocratiques dans ses pages. Je ne resterai pas actionnaire d’un journal qui défend des idées, une éthique, une morale, qui me cassent le cœur. »

– Pierre Bergé enfonce le clou : « Il faut respecter la ligne de ce journal, qu’il arrive que je ne reconnaisse plus. »

Les actionnaires, c’est dit, sont donc les garants de « la ligne » !

Jusqu’alors manquaient les preuves irréfutables du licenciement politique. Mais désormais la cause est entendue : le parti de la presse dominante se renforce en s’épurant ! C’est du moins ce que semblent croire ses tenanciers.
Henri Maler

En guise d’Annexes

– 1. Tant vont les chartes au vent qu’à la fin elles s’envolent ! (extraits du communiqué des sociétés des rédacteurs ou des journalistes du groupe Le Monde, ainsi que la Société des rédacteurs de L’Obs)
– 2. Toutes les variétés d’une gauche qui n’est pas directement inféodée au Parti socialiste (la liste des signataires de la « tribune des intellectuels).
1. Tant vont les chartes au vent qu’à la fin elles s’envolent !

Le vendredi 3 juin, les sociétés des rédacteurs ou des journalistes du groupe Le Monde et la société des rédacteurs de L’Obs ont publié un communiqué (que l’on peut le lire dans l’article déjà cité de Mediapart) : « Inquiètes de la crise persistante à L’Obs, les sociétés des rédacteurs du groupe Le Monde (Le Monde, Courrier international, La Vie, Télérama) s’associent à la société des rédacteurs de L’Obs pour réaffirmer leur attachement à leur indépendance éditoriale. »

Puis les signataire citent la Charte d’éthique et de déontologie du groupe Le Monde (2010) qui stipule que « l’indépendance éditoriale des journaux du groupe Le Monde à l’égard de ses actionnaires, des annonceurs, des pouvoirs publics, politiques, économiques, idéologiques et religieux est la condition nécessaire d’une information libre et de qualité. » Le communiqué invoque également la Charte de L’Obs (2010) qui « précise que les actionnaires “s’interdisent d’intervenir d’une quelconque manière, sur le travail journalistique des membres de la rédaction”. »

Et pour finir : « Nous sommes particulièrement préoccupés par la brutalité du licenciement d’Aude Lancelin et sa connotation politique assumée par un actionnaire[[Sans doute s’agit-il Claude Perdriel, talentueux rédacteur de SMS], méthode inédite dans l’histoire de L’Obs comme dans celle du groupe Le Monde. »

Prises de position plus qu’honorables, mais… Mais, dans le monde merveilleux des actionnaires et des hiérarchies incontrôlables, tant vont les chartes au vent qu’à la fin elles s’envolent !
2. Toutes les variétés d’une gauche qui n’est pas directement inféodée au Parti socialiste (la liste des signataires de la « tribune des intellectuels)

Denis Podalydès, acteur – Etienne Balibar, philosophe – Claude Lanzmann, réalisateur – Emmanuel Todd, démographe et historien – Michela Marzan, philosophe – Julia Cagé, économiste – Alain Badiou , philosophe- John MacArthur, directeur du magazine Harper’s – La Rumeur, groupe- Jérôme Prieur, auteur et réalisateur – François Bégaudeau, écrivain – Christian Salmon, essayiste – Jacques Rancière, philosophe- Laurent Binet, écrivain- Raphaël Liogier, sociologue et philosophe – Bernard Stiegler, philosophe – Gérard Mordillat, écrivain et réalisateur – Stéphanie Chevrier, éditrice – André Orléan, économiste – Christian Laval, sociologue- Pierre Dardot, philosophe – Hugues Jallon, éditeur Michaël Fœssel, philosophe – Cédric Durand, économiste – Chloé Delaume, écrivaine – Geoffroy de Lagasnerie, sociologue – Guy Walter, écrivain et directeur de la Villa Gillet – Chantal Jaquet philosophe – Razmig Keucheyan, sociologue – Edouard Louis, écrivain- Frédéric Schiffter, philosophe – Jacques de Saint-Victor, historien – Caroline de Haas, militante féministe – Christine Delphy, sociologue – Benjamin Stora, historien -Mathieu Terence, écrivain – Bernard Lahire, sociologue – Roland Gori, psychanalyste – Elsa Dorlin, philosophe – Patrick Chamoiseau, écrivain – Anne Dufourmantelle, psychanalyste – Annie Ernaux, écrivaine – Guillaume Le Blanc, philosophe – Ollivier Pourriol, philosophe – Hervé Le Bras, démographe – François Gèze, éditeur – Sophie Wahnich, historienne – Lydie Salvayre, écrivaine – Quentin Meillassoux, philosophe – Romain Bertrand, historien – François Schlosser, ancien rédacteur en chef du Nouvel Observateur.- Edwy Plenel, fondateur de Mediapart et Jean-Pierre Dupuy, philosophe.

Source: http://www.les-crises.fr/aude-lancelin-viree-de-lobs-un-chef-doeuvre-de-management-tres-politique-par-henri-maler/


Revue de presse internationale du 12/06/2016

Sunday 12 June 2016 at 00:03

La revue internationale avec en particulier la vidéo d’un entretien Varoufakis/Chomski, et ses articles traduits. Merci à nos contributeurs. Nous avons aussi besoin de renforts pour les revues internationales, vous pouvez postuler via le formulaire de contact du blog.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-12062016/


Revue de presse du 11/06/2016

Saturday 11 June 2016 at 02:21

Du beau monde dans la revue avec Onfray, Sapir et Todd sous le thème “Réflexion”. Merci à nos contributeurs. La revue a besoin de renfort pour élargir la couverture des sources, rejoignez nous en postulant via le formulaire contact du blog !

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-11062016/


Michel Onfray : « Nous sommes déjà en guerre civile »

Saturday 11 June 2016 at 02:00

Source : Russia Today, Michel Onfray, 02-06-2016

Michel Onfray a reçu RT France dans son domicile de Caen, sa ville de toujours.

Michel Onfray a reçu RT France dans son domicile de Caen, sa ville de toujours.

Le philosophe a reçu RT France pour un entretien : contestation sociale en France, Etat islamique, politique intérieure et extérieure de l’Hexagone… Michel Onfray nous livre une analyse de l’actualité sombre, mais qu’il veut réaliste.

Il a mis fin à sa période de retraite médiatique. Attaqué de toutes parts pour ses prises de positions iconoclastes, Michel Onfray exècre toujours autant le politiquement correct. Cela tombe bien, il nous a ouvert ses portes pour un entretien détonnant. Une France au bord du chaos, un président qui ne pense qu’à se faire réélire, des politiques sans vision, l’avenir dépeint par le philosophe est peu enthousiasmant.

Durant cet entretien, il a longuement été question de l’islam, dont Michel Onfray a traité dans son dernier ouvrage, Penser l’islam. Une occasion d’aborder les positions explosives de celui qui pense qu’il faut «négocier avec Daesh».

Source : Russia Today, Michel Onfray, 02-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/michel-onfray-nous-sommes-deja-en-guerre-civile/


Alain Juillet : “Un service de renseignement doit être neutre”

Saturday 11 June 2016 at 01:27

Source : Paris Match, Régis Le Sommier, 05/05/2016

Les dirigeants allemand, russe, ukrainien et français – Angela Merkel, Vladimir Poutine, Petro Porochenko et François Hollande – réunis le 2 octobre 2015 à Paris pour trouver une issue au conflit ukrainien. Une crise qui, selon Alain Juillet, pourrait avoir été « montée de toutes pièces par les néoconservateurs américains ». Reuters

Les dirigeants allemand, russe, ukrainien et français – Angela Merkel, Vladimir Poutine, Petro Porochenko et François Hollande – réunis le 2 octobre 2015 à Paris pour trouver une issue au conflit ukrainien. Une crise qui, selon Alain Juillet, pourrait avoir été « montée de toutes pièces par les néoconservateurs américains ».
Reuters

Le président de l’Académie de l’intelligence économique, ancien directeur du renseignement à la DGSE, répond aux questions de notre journaliste. Espionnage industriel, écoutes téléphoniques, « Big Four », crise ukrainienne, intervention en Syrie… Tout y passe. Cette interview est parue le hors-série de Paris Match, spécial espionnage. 

Régis Le Sommier – Comment l’âge numérique et son évolution phénoménale affectent-ils le renseignement et l’intelligence économique ? 
Alain Juillet – La guerre économique peut être un formidable moyen de pression et de contrôle pour gagner des positions. Avant, les services récoltaient du renseignement pour faire des guerres militaires ou politiques. Aujourd’hui, l’intelligence économique est une guerre qui utilise les moyens et les techniques du renseignement pour avoir les bonnes informations et gagner des combats. Dans une version plus « habillée », on dira que dans la compétition moderne, les entreprises ont besoin d’être les plus performantes possible, donc, elles ont besoin d’informations. Au-delà de la capacité de l’ingénieur à inventer quelque chose ou du commercial à le vendre, il y a obligation d’avoir recours à de l’intelligence économique appliquée.

Alain Juillet © Mehdi Fedouach/AFP

Alain Juillet
© Mehdi Fedouach/AFP

Sur le fond, il ne faut pas se faire d’illusions. Nous sommes dans un combat économique majeur, au niveau mondial, parce que dans chaque activité où il existe une position de leadership, ceux qui sont en place veulent la conserver par tous les moyens et ceux qui sont en dessous essayent de trouver les solutions pour prendre la main. Vous ne pouvez pas comprendre l’affaire Alstom avec General Electric si vous oubliez qu’Alstom était devenu leader dans les turbines à gaz. L’opération a pris deux ans, deux ans de guerre contre Alstom avec anéantissement de l’adversaire à la fin. Échec et mat. Pour moi, c’est une opération de guerre remarquablement menée. Dans la guerre militaire, on tue ou on blesse. Dans la guerre économique, les morts, ce sont les chômeurs et les sites que l’on ferme. Il y a aussi l’argent qui change de mains. C’est la même chose lorsqu’on fait du pillage de brevets ou qu’on récupère des petites sociétés ou des start-up. On est dans un monde dur dans lequel les gens ne se font pas de cadeaux. Les techniques du renseignement militaire au sens large sont utilisées car ce sont les meilleures. L’avantage concurrentiel est donné à celui qui a le plus de moyens par rapport à l’autre.

Avec l’affaire de San Bernardino aux États-Unis, on a assisté à une partie de bras de fer entre le monde numérique et le gouvernement américain qui voulait forcer Apple à révéler son algorithme pour avoir accès aux données contenue dans l’iPhone d’un terroriste. Qu’en pensez-vous ?
Il existe deux versions de l’affaire. La première prétend que les « Big Four d’Internet », les quatre grandes sociétés qui dominent le secteur [Google, Apple, Amazon, Facebook], ont une telle puissance qu’elles pourront un jour se déclarer planétaires et se libérer des contraintes des États. C’est terrible. Cela peut amener des catastrophes. La seconde, qui commence à se répandre, raconte que dans les grandes sociétés américaines, les dirigeants sont américains d’abord : « Right or wrong, it’s my country » (« Juste ou injuste, il s’agit de mon pays »). Ces grandes sociétés ont beaucoup souffert de l’affaire Snowden. Ce dernier a révélé qu’elles n’étaient pas indépendantes et fournissaient toutes leurs informations à la NSA. Soudain, vous en avez un qui dit : « Je ne veux pas passer mes codes. » Il peut s’agir d’une gigantesque manipulation montée par les Américains pour faire croire au monde qu’on peut se fier à leurs entreprises et tout leur donner puisqu’elles ne fournissent pas les codes à l’État. Vous avez aussi le président Obama qui déclare qu’on ne s’occupera plus des informations concernant les dirigeants des pays européens

“Quand Trump dit que la guerre en Irak était une erreur, il brise un tabou chez les Républicains”

Après avoir mis sur écoute Angela Merkel…
Exactement. À qui vont-ils faire croire ça ? Maintenant, quelle est la vraie version ? Les deux sont parfaitement crédibles. C’est bien là le problème.

On dit toujours que la France est en retard, que nos services de renseignement mettent du temps à se réformer. Est-ce la réalité?
À la fin du siècle dernier, nous étions vraiment en retard. Aucun doute là-dessus. Nous avions des chercheurs et des start-up très performants, mais nous n’avions pas compris le niveau auquel étaient arrivés les Américains et les Anglais. Nous étions très loin derrière. Une reprise en main a eu lieu dans les services de renseignement, ce qui fait qu’aujourd’hui, sur le plan technique, nous sommes parmi les cinq meilleurs au monde. J’ai bien dit « sur le plan technique ». Parce que sur le reste, nous n’avons pas terminé notre révolution. Bernard Bajolet a opéré beaucoup de changements à la DGSE. Patrick Calvar également à la DGSI. Quand vous regardez les Américains, les Chinois, les Russes ou les Anglais, vous vous apercevez que nous n’avons pas encore tout intégré.

Le centre opérationnel de l’opération Serval à Gao, au Mali. © Le centre opérationnel de l’opération Serval à Gao, au Mali.

Le centre opérationnel de l’opération Serval à Gao, au Mali.
© Le centre opérationnel de l’opération Serval à Gao, au Mali.

N’est-ce pas dû aux politiques ?
Il reste beaucoup à faire, encore que le politique a fait de gros efforts. Il y a une prise de conscience réelle de l’intérêt des services de renseignement, ce qui ne les a pas empêchés de faire des bêtises énormes. Il est certain que sur la Syrie ou l’Ukraine, les Français se sont trompés. Soit les services ont donné de mauvaises informations, soit ce sont les politiques qui, malgré les informations, ont voulu aller dans un sens qui n’était pas celui de la réalité. Sur la question syrienne, on a ignoré la réalité… À l’époque des conflits en Irak et des quatre journalistes otages en Syrie, nous avions de bonnes relations, non officielles, avec les services syriens. Ces relations nous ont toujours servi. Brutalement, on coupe les ponts. C’est une absurdité totale. À côté de ça, on va se faire manipuler en aidant des gens, prétendument rebelles, alors qu’en réalité il s’agissait d’équipes d’Al-Qaïda poussées par des pays du Golfe. Si on l’a fait, cela veut dire qu’on n’a tenu aucun compte de l’avis des services de renseignement. C’est une faute grave.

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Pour résumer, on en arrive à avoir des décisions politiques qui vont contre les intérêts de notre pays ?
Je pense que oui. Dans l’affaire ukrainienne, c’est flagrant. Pour aller dans le sens des Américains, nous n’avons pas anticipé les conséquences de l’embargo contre la Russie. Cela crée des problèmes chez eux, mais regardez ce qu’il se passe chez nous avec l’agriculture ! Nous lui avons coupé son débouché vers la Russie. Ce n’est pas glorieux. Même aux États-Unis, on commence à dire que cette affaire a été montée de toutes pièces par les néoconservateurs américains. La montée en puissance de Donald Trump nous montre que les Américains commencent à laver leur linge sale. Quand Trump dit que la guerre en Irak était une erreur, il brise un tabou chez les Républicains, qui avaient enterré l’affaire. Et pour l’Ukraine, c’est pareil… La semaine dernière, deux articles sont sortis qui s’interrogeaient sur ce que les Américains avaient été faire dans cette histoire. La crise en Ukraine a encouragé tous les trafics, tout ça pour une histoire de radars aux frontières voulus par les néoconservateurs.

“Le cyberespace est une nouvelle dimension dans laquelle la guerre technique est une réalité”

On a aussi donné des arguments à Poutine pour jouer le rôle de l’agressé…
Pour revenir sur le renseignement, nous avons une vraie capacité aujourd’hui. Sur le terrain, les Américains reconnaissent que les meilleurs soldats, à part les leurs, sont les français. C’est un progrès. Ils ajoutent cependant que nous sommes en limite de potentiel. Le technique ne suffit pas, il faut le renseignement humain, l’analyse, un plan de renseignement, mais surtout une prise en compte par les politiques de ces mêmes services.

Donald Trump en campagne pour l’investiture républicaine. Le 13 février, revenant sur l’invasion de l’Irak en 2003, il clame : « Ils ont menti, il n’y avait pas d’armes de destruction massive. » © Jim Young/Reuters

Donald Trump en campagne pour l’investiture républicaine. Le 13 février, revenant sur l’invasion de l’Irak en 2003, il clame : « Ils ont menti, il n’y avait pas d’armes de destruction massive. »
© Jim Young/Reuters

Y a-t-il nécessité d’adapter notre cadre législatif aux nouvelles problématiques, notamment dans le rapport entre cybersécurité et libertés individuelles ?
Pour qu’un service de renseignement puisse travailler efficacement, il faut qu’il soit intégré dans la stratégie politique, économique et sociale du pays. Avec les derniers attentats, les gens ont compris l’importance des services de renseignement. Ensuite, la contrepartie, c’est qu’un service de renseignement doit être irréprochable et ne pas être soupçonné. Il doit exister une relation ouverte avec le politique, donc un contrôle. Le grand progrès de ces dernières années, c’est la fameuse commission de contrôle du renseignement, créée avec des parlementaires de tous bords. Les choses doivent se faire dans le respect des règles de la République. Le plus grand danger, c’est quand des responsables du renseignement mettent ces organes au service d’un homme ou d’un parti. Un service de renseignement doit être neutre. C’est aux politiques de décider ensuite, mais en aucun cas aux services d’influencer les politiques en ne donnant que des informations allant dans un seul sens. Ça c’est passé aux États-Unis sur l’Irak et, plus récemment, lorsque certains services ont minoré les résultats de la lutte contre Daech. En ce qui nous concerne, sur la Libye comme sur la Syrie, est-ce que les informations données n’ont pas été tendancieuses, sur le mode « Vous voulez que ce soit un diable, et bien moi je vais vous en faire un diable » ? Dans ces cas, on sort complètement des limites de la règle.

Vous venez de nous donner des exemples qui sortent du cadre de la règle…
Justement, c’est pour cela que je milite pour un contrôle. Mais il existe ! Il commence. La commission existe depuis deux ans. C’est un énorme progrès. Ça permettra d’avoir une vision froide et objective et d’éviter les tentations de dérives qui sont humaines mais peuvent aboutir à des catastrophes. Le dernier volet, c’est la cybersécurité. Le cyberespace est une nouvelle dimension dans laquelle la guerre technique est une réalité. On est obligé d’y rentrer. Regardez votre smartphone. Il y a quinze ans, il n’existait pas. Aujourd’hui, vous le consultez en moyenne deux cents fois par jour. On ne peut plus s’en passer. C’est un formidable champ d’action. Il y a un problème de sensibilisation des gens, de compréhension et de protection. C’est bien d’avoir créé l’ANSSI [Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information], mais cela reste petit par rapport à un problème colossal. L’armée américaine, elle, a créé l’arme cyber.

Source : Paris Match, Régis Le Sommier, 05/05/2016

Source: http://www.les-crises.fr/alain-juillet-un-service-de-renseignement-doit-etre-neutre/


Seine : une crue 2016 demi-millénaire…

Friday 10 June 2016 at 04:30

Nous allons aujourd’hui nous intéresser longuement à la crue de la Seine que nous venons de vivre.

Nous avons parlé hier du pic historique de chaleur de cet hiver.

Il y a une chose importante avec le changement climatique : il ne faut pas non plus lui mettre sur le dos 100 % des événements climatiques anormaux, certains arrivent en effet régulièrement.

Mais a contrario, il ne faut pas non plus le blanchir trop vite, comme cela a été fait avec la crue, qualifiée bien trop vite dans les médias de simplement “trentennale”.

crue-34-ans

Nous allons voir que ce n’est pas du tout le cas…

I. Les précipitations de mai

Commençons par le commencement : les précipitations tombées à Paris au mois de mai :

precipitations-paris

On voit donc qu’on a battu un record de 130 ans – et pas qu’un peu : + 35 % ! (179 contre 133 mm…)

Cela donne ceci en écart à la moyenne (années plus humides que la normale en bleu, plus sèches en orange) :

11-precipitations-paris-mai

Le mois de mai a donc été très arrosé – d’où les problèmes de la Seine…

Voici d’ailleurs la situation fin mai, avec une dépression centrée sur l’Allemagne, qui a déclenché de forts courants d’Est :

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et la vidéo de synthèse que je vous propose :

(En haute résolution ici)

II. Le bassin versant de la Seine

Bien entendu, les seules précipitations à Paris ne sont pas un indicateur parfait, car la Seine charrie en fait les eaux d’un immense bassin versant.

bassin-versant

bassin-versant

Animation flash :

Celui de la Seine représente donc près de 80 000 km², soit 15 % du pays :

bassin-versant-seine-3

Toute goutte d’eau tombant sur cette zone et non évaporée, non absorbée, non stockée en sous-sol va ruisseler dans la Seine jusqu’au Havre.

bassin-versant-seine

Les autres bassins versants du pays :

bassins-versants-france

bassins

III. La Seine

Nous n’allons pas développer trop longuement sur la Seine, nous vous renvoyons sur l’article Wikipédia idoine.

Signalons simplement pour mémoire qu’aux temps anciens, elle disposait d’un bras supplémentaire, rive droite, qui s’est envasé avec le temps :

ancien-lit-seine-1

ancien-lit-seine-2

ancien-lit-seine-6

On en a encore trace sur ce plan de 1550 (à gauche, le long des remparts de l’enceinte – carte orientée à l’Est) :

ancien-lit-seine-4

Il y a donc logiquement une tendance pour la Seine a retrouver son ancien lit durant les crues, à travers les buttes et collines :

Paris_topographie

IV. Les très grandes crues de la Seine

On dispose de mesures de la hauteur des crues de la Seine :

Voici donc les très grandes crues – de plus de 5 mètres (N.B. : attention le niveau se mesure à partir du niveau zéro, qui correspond aux basses-eaux de 1719, pas du fond du lit, qui se situe environ 2 mètres en dessous) :

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01-crue-seine-long-1

Zoomons à partir de 4 mètres :

02-crue-seine-long-2

Supprimons ici les années sans crue (on perd donc le repère temporel) :

03-crue-seine-long-3

Voici pour plus de lisibilité la même chose (en gardant le repère temporel) mais avec des points :

04-crue-seine-long-4

En zoomant à 4 mètres :

05-crue-seine-long-5

On observe donc :

 

 

paris-zones-inondees-2

Carte des crues de 1658, 1740 et 1802 – cliquez pour la haute-résolution
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Crue de 1802

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Un document illustrant la crue de 1802

crue-1740-1910

crue-1910

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Crue de 1910

Concernant ces crues anciennes, je vous recommande ces pages : anciennes crues, 1910 ici, ici et , crues récentes

V. La hauteur de la Seine

On peut recommencer l’exercice à partir de 1870, puisqu’on dispose alors de données fiables pour toutes les années (et non plus pour les seules années de crue).

Voici donc le niveau maximal du fleuve chaque année :

21-crue-seine-hydro

Avec des couleurs :

22-crue-seine-hydro

En zoomant à 4 mètres :

23-crue-seine-hydro

Avec des points :

24-crue-seine-hydro

Lissons par pas de 3 ans glissants la hauteur maximale annuelle :

25-crue-seine-hydro

ou par pas de 5 ans :

26-crue-seine-hydro

On voit alors apparaître un étonnant cycle des pics de hauteur de la Seine, d’une douzaine d’années.

Intéressons-nous alors pour plus de précision, non plus à la hauteur de plus haut jour de l’année, mais à la distribution de la hauteur quotidienne moyenne de la Seine sur 130 ans, soit durant près de 50 000 jours.

Par pas de 1 mètre :

51-distrib-crue-seine

Par pas de 10 cm. :

52-distrib-crue-seine

Par pas de 1 cm. :

55-distrib-crue-seine

On note au passage le poids très important de la queue de distribution supérieure.

Ou en zoomant :

56-distrib-crue-seine

On arrive donc à une hauteur moyenne de la Seine de 1,43 m., et à une médiane de 1,13 m.

VI. Les basses-eaux

Précédemment, on s’est longuement intéressé aux crues, donc au maximum annuel.

Nous allons analyser ici le phénomène contraire, avec le minimum annuel, appelé étiage (de aestas, été – car il arrive l’été, enfin, normalement…).

On rappelle que le niveau zéro est la niveau minimal de la Seine en 1719 (et non pas le fond du lit), année très sèche ; il peut donc bien y avoir des niveaux négatifs…

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29-crue-seine-hydro

1946 est exceptionnelle, avec – 1,67 m., car les autorités ont sciemment abaissé le niveau (cela s’appelle “opérer un chômage du fleuve”) à la fin de la guerre pour contrôler le lit. Cela avait déjà été le cas durant la guerre, où la Seine fut chômée en août 1942 et juillet 1943 sur ordre des autorités allemandes (persuadés que les Parisiens avaient immergé armes et munitions en vue d’une future insurrection), puis en octobre 1944, pour inspecter les piles des ponts.

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Le Pont Marie de nos jours

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Le Pont Marie le 19 août 1942

1942-peche-ecrevisses-paris

Août 1942 : des Parisiens à la pêche aux écrevisses…

Voir d’autres photos ici, ici, ici et ici.

Pour information sur les étiages, dont on parle beaucoup moins, chez Pierre de l’Estoile on lit que : “Le jeudi 3 janvier 1591, qui estoit le jour Sainte-Geneviève, la rivière de Seine, qui estoit si basse en ceste saison que l’on pouvoit quasi aller à pied sec du quai des Augustins en l’isle du Palais (ce qui n’avait été vu de mémoire d’homme), vint à croistre ce jour sans aucune cause apparente“. Les eaux les plus basses du XIXe siècle auraient été observées le 29 septembre 1865, à -1,30 m., laissant apercevoir le sol de la rivière.

Rappelons enfin que 4 lacs artificiels de retenue d’eau ont été mis en place pour diminuer l’ampleur des crues à Paris :

Un 5e lac de Seine est en projet.

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Les quatre grands lacs de Seine fonctionnent de la même manière. En hiver et au printemps (de novembre à juin), les lacs-réservoirs sont progressivement remplis, grâce aux canaux d’amenée ou au barrage, puisqu’à ces périodes les rivières sont au plus haut. Des prélèvements supplémentaires sont opérés en période de crue, ce qui limite ainsi les inondations : c’est l’« écrêtement des crues » – ils ne les suppriment pas, mais ces grands lacs permettraient pour une crue comme celle de 1910 de réduire de 60 cm l’eau à Paris. De juillet à octobre a lieu le « soutien d’étiage » : lorsque, durant l’été, les cours d’eau sont à leur niveau le plus bas, l’eau contenue dans les lacs leur est restituée.

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On observe bien le soutien d’étiage dans notre graphique : on ne connait plus les périodes de très basses eaux du XIXe siècle.

VII. Les niveaux moyens

Voici enfin la moyenne annuelle de hauteur du fleuve :

45-stats-crue-seine

Lissons sur 3 ans :

46-stats-crue-seine

ou 5 ans :

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On retrouve bien les cycles de 10/12 ans, qui ne concernent donc pas que les événements extrêmes, mais aussi les niveaux moyens… Il est probablement lié au cycle du soleil.

Nous sommes apparemment dans la fin d’une phase croissante, proches du maximum.

En synthèse :

48-hauteur-moyenne-mensuelle-seine

VIII. La distribution des crues

Revenons à notre crue de juin 2016.

Elle a été qualifiée de “trentennale”, car son niveau correspond en effet à un niveau qui revient environ tous les 30 ans.

Mais il y a une vraie faille dans l’analyse.

C’est comme pour les températures : si on dit “Aujourd’hui, il fait 30 °C”, c’est une bonne information, mais il est aussi utile de savoir si c’est le 15 août ou le 15 décembre, afin de l’analyser correctement. Dans un cas c’est un record, dans l’autre non…

Voici donc, afin de poursuivre notre étude, la distribution mensuelle des très grandes crues, que nous avons identifiées précédemment.

71-frequences-crues-seine

On voit donc que les très grandes crues se concentrent (évidemment) entre décembre et mars.

Juin 2016 voit ainsi la première grande crue durant ce mois depuis 370 ans…

Voici la répartition en fonction de la hauteur de la crue :

72-frequences-crues-seine

Et ici les seules crues exceptionnelles, de plus de 6 mètres, depuis 370 ans :

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On voit bien le côté très exceptionnel de ce que nous venons de vivre…

Comme de nombreuses actions ont été entreprises après la crue de 1910 (et même un peu avant) pour limiter les crues (aménagements, lacs de Seine…), refaisons ces trois graphiques mais à partir de seulement 1885, afin de se rapprocher de la situation présente :

73-frequences-crues-seine

74-frequences-crues-seine

76-frequences-crues-seine

Dans ces conditions, 2016 apparaît même encore plus exceptionnelle.

IX. La crue de 2016

Traçons le maximum annuel du mois de juin de chaque année depuis 1885 :

81-max-seine-mois

L’exception 2016 est alors patente…

Vous pourriez soulever le fait que, si la crue est du 4 juin, les pluies sont surtout du 31 mai.

C’est vrai, représentons alors les mois de mai et juin à la fois :

83-max-seine-mois-05-06

Cela ne change presque rien… De même, si nous rajoutons les mois d’avril à septembre :

82-max-seine-6-mois

Juin 2016 reste bien le record depuis 130 ans…

Arrive à ce stade le (très bref) moment statistique. Pour analyser une distribution, on s’intéresse d’abord à la moyenne.

Mais on peut avoir deux distributions très différentes avec la même moyenne :

ecart-type

On calcule alors l’écart-type (SD en anglais, noté sigma σ), qui est simplement la moyenne des valeurs absolues des “écarts à la moyenne”, et mesure donc “la largeur” moyenne de la distribution.

On peut alors comparer une observation à la valeur de l’écart-type. Plus elle s’en éloigne (ex. : 3 fois l’écart type = 3 σ, ou 5 σ…), plus elle est statistiquement rare.

À titre d’exemple, Motorola a introduit en 1986 un processus d’amélioration drastique de la qualité, baptisé Six sigma. Car dans la production, un niveau de qualité égal à 6 σ est proche du zéro défaut, avec un taux de rebut de 0,0000002 %, soit deux pièces au rebut pour un milliard de pièces produites… (Source)

6-sigma-1

6-sigma-2

Notez le : “le passage de 3 à 6 sigma génère une qualité 20 000 fois supérieure“. Bon, cela s’applique à une distribution suivant une loi normale, ce que cette distribution n’est clairement pas (sachant en plus qu’une loi normale sous-estime les évènements extrêmes). Mais cela donne une idée de l’impact majeur d’une augmentation des sigma sur les fréquences.

Voici ce qu’on obtient si on calcule les moyennes et écarts-type sur toutes les valeurs journalières de l’année :

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On a un maximum absolu depuis 1885 à 8,62 m en 1910, représentant 9 σ : c’est vraiment très rare (d’où le centennal, donc moins d’une fois sur 36 500…, soit 0,003 %) .

2016, avec ses 6,10 m, apparaît donc assez loin, avec 6 σ, ce qui reste cependant assez rare.

Malheureusement, en raisonnant ainsi, on dilue beaucoup la réalité : pourquoi comparer la grande crue de janvier 1910 avec des valeurs de la Seine en plein été ?

Recommençons l’analyse, mais, en comparant cette fois les valeurs d’une crue à toutes les valeurs de la Seine mais uniquement le même mois, sur 130 ans. On calcule alors des moyennes et écarts-types différents pour chaque mois, et donc on peut calculer pour chaque mois le record historique du mois, exprimé en nombre d’écarts-types du moi. On arrive à ceci (ne partez pas, c’est très visuel en fait) :

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Synthèse pour ceux qui n’aiment pas les statistiques : on s’aperçoit que de 1885 à 2015 tous les records mensuels de hauteur de grande crue se situaient entre 4 et 8 fois l’écart-type du mois, ce qui donne une illustration de la zone de rareté.

Eh bien juin 2016 vient d’écraser la précédent record de ce mois, datant de 1983, avec un niveau rarissime de… 14 fois l’écart-type !

Pour les puristes, si on refait les calculs sur mai et juin à la fois, on passe en 2016 le record sur 130 ans de 6 σ à 11 σ, ce qui reste colossal…

BREF, cela signifie que cet événement a été très violent dans son ampleur, à un moment où cela n’arrive pratiquement jamais : cette crue est donc dans son essence (bien plus que de ses effets donc, car en effet loin du niveau de 1910) particulièrement rare, bien plus que ne l’a été la crue de 1910 pour un mois de janvier.

Sortons des statistiques (voilà, c’est fini 🙂 et encore j’ai beaucoup simplifié, les puristes m’excuseront), pour une illustration très simple. On trace un graphique avec :

On arrive à ceci :

61-records-mensuels-seine

Et on voit donc que juin (2016) a désormais un record supérieur à ceux de novembre, décembre, mars, avril et mai !!! Alors qu’avant, la distribution était cohérente.

Mais c’était avant….

ET ENCORE, par rapport au passé lointain, nous bénéficions de protections supplémentaires – mais qui ont peu joué en juin (les barrages sont pleins), seulement quelques centimètres de gagnés :

lacs-2

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Voici pour information les valeurs mensuelles depuis 40 ans :

79-hauteur-mensuelle-seine

La crue de 2016 est donc un phénomène totalement exceptionnel

Et à ce stade, on peut largement supposer qu’il a très probablement un lien avec les records de chaleur planétaire de cet hiver…

X. Et demain ?

Ainsi, la crue de 2016 est bien une crue d’une hauteur trentennale, mais, à cause de sa saison, c’est sans doute une crue plutôt de nature demi-millénaire !, voire plus… !

Cela signifie donc que c’est un “bonus”, et qu’on attend toujours la crue hivernale trentennale, la dernière datant de 1982.

Or, on a vu qu’on était de nouveau dans un cycle décennal de maxima ascendants :

26-crue-seine-hydro

Mais, si le changement climatique nous a probablement fait cadeau de cette crue, on peut aussi se demander s’il aura un impact accélérateur ou ralentisseur sur la prochaine crue trentenalle – car de prime abord, on n’en sait rien…

Il faut pour cela analyser les précipitations : augmentent-elles ou ralentissent-elles ?

Voici la situation annuelle :

01-precipitations-paris-an

Lissons un peu :

02-precipitations-paris-an

On a plutôt une tendance à la baisse des précipitations moyennes annuelles.

Mais ce qui nous intéresse pour les crues majeures, ce sont les précipitations en hiver – et on sait que c’est la saison qui se réchauffe le plus. On a ceci :

21-precipitations-paris-hiver

Lissons :

22-precipitations-paris-hiver

Ainsi, on a par chance une très franche tendance à la diminution des précipitations hivernales, donc du risque de crue majeure.

Cela ne signifie évidemment pas qu’il n’y aura pas bientôt une telle crue, mais disons que cela en diminue la probabilité.

À suivre en 2017, donc – pour voir qui du cycle croissant et des précipitations décroissantes l’emportera…

P.S. nous resterons prudents pour ce dernier point, issu de ce qui n’est qu’une première analyse d’amateur – la prédiction de ces événements extrêmes est évidemment bien difficile…

XI. Vidéos et Livres

Excellentes vidéos de l’émission Le Dessous des Cartes d’Arte : “Crues de la seine : risque régulier, risque oublié”


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Bibliographie :

Pour une description des crues, dans des beaux livres :

Pour des descriptions plus détaillées :

XII. En souvenir

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Le pont Alexandre III en 1910, 1982 et 2016 :

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(À propos des informations divergentes sur la hauteur ancienne du zouave, lire ici)

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Source: http://www.les-crises.fr/seine-une-crue-demi-millenaire/


On a eu le mois d’avril le plus chaud de l’histoire! Qui avait remarqué ?

Thursday 9 June 2016 at 05:00

Source : News Monkey, 16-05-2016

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Bon ça commence à être inquiétant là, non? La NASA tire à nouveau la sonnette d’alarme: le mois d’avril 2016 est le plus chaud jamais enregistré, dépassant de plus d’un degré le record précédent! C’est le septième mois d’affilée à battre un record de températures, et le troisième mois de suite à le faire dans de telles proportions…

2016 est donc bien partie pour être l’année la plus chaude jamais enregistrée. Si on en croit la NASA, le mois d’avril est donc le troisième mois consécutif à battre de plus d’un degré la température moyenne enregistrée entre 1951 et 1980. Lorsque ce triste record a débuté, en février, les spécialistes parlaient d’une situation urgente pour le climat. On est en avril, et ce phénomène ne semble pas prendre fin.

El Niño comme facteur aggravant

Cette masse d’air chaud qui englobe la planète est stimulé par un courant marin d’eau chaude qui répond au doux nom d’El Niño. Il s’agit en fait d’une anomalie climatique qui empêche l’eau froide de remonter vers les côtes sud-américaines. Mais ce n’est pas tout: El Niño a également la force de repousser des zones de précipitations et de sécheresse ou même de dévier des cyclones.

Cela dit, il ne s’agit pas du plus gros phénomène El Niño enregistré à ce jour. Et il ne peut expliquer à lui seul un tel pic des températures. Mais son influence s’inscrit dans une période de réchauffement global. Ce qui pousse les températures vers des records jamais atteints.

“La chose intéressante est l’ampleur avec laquelle nous brisons ces records”, a déclaré Andy Pitman, un climatologue australien. Mais il n’est pas surpris non plus par le phénomène: “les experts climatiques n’ont de cesse de le répéter depuis les années 80. Et vu que la situation est encore plus claire depuis les années 2000, je me demande vraiment où est la surprise?”

Source: The Gardian

Source : News Monkey, 16-05-2016

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Avril 2016 : records de températures battus à l’échelle de la planète

Source : Météo City,  Jean-baptiste Giraud, 18-05-2016

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Le mois d’avril 2016 est donc le nouveau détenteur du record de température, à l’échelle de la planète, depuis que les statistiques météo existent, soit un peu moins de deux siècles. Il bat de 0,24 degré celsius le précédent record (2010), pour un mois d’avril. Mais il est surtout supérieur de 1,11 degré celsius à la température moyenne enregistrée, sur terre et en mer, entre 1951 et 1980…

L’année 2016, bien partie pour être celle de tous les records

Pour les météorologues, l’année 2016 risque de prendre la première place, en matière de records de température. Tous les mois, depuis le début de l’année, ont en effet déjà battu des records de douceur !

Mais pour une fois, le réchauffement climatique global ne serait pas le seul responsable de cette succession de records. C’est El Nino, très actif depuis quelques mois, qui adoucit les températures dans l’hémisphère Nord, et par conséquent, augmente la moyenne à l’échelle planétaire.

Néammoins, nombre de climatologues affirment que l’espoir de contenir à 1,5 degré celsius l’augmentation globale de la température sur la planète, au XXIe siècle, soit définitivement impossible à tenir. Désormais, la limite basse, pour eux, est de 2 degrés. À condition que l’on bouge vraiment pour contenir les émissions de gaz à effet de serre, notamment, ce qui n’est pas gagné…
En savoir plus sur http://www.meteocity.com/magazine/actualites/record-temperature-avril-2016_3598/#eHscsaw1Qzok4gGh.99

Source : Météo City,  Jean-baptiste Giraud, 18-05-2016

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Chaleur record en mars pour le 11e mois consécutif, du jamais vu depuis 137 ans

Source : Sud-Ouest, 19/04/2016

Le mois de mars est le onzième consécutif à battre un record de chaleur. © AFP DENIS CHARLET

Le mois de mars est le onzième consécutif à battre un record de chaleur. © AFP DENIS CHARLET

La température moyenne mondiale à la surface de la planète en mars 2016 a été “la plus élevée pour un mois de mars dans les annales

Le mois dernier a été le mois de mars le plus chaud jamais enregistré et le onzième mois consécutif au cours duquel un tel record a été battu, une série inédite en 137 ans de relevés.

La température moyenne mondiale à la surface de la planète en mars 2016 a été “la plus élevée pour un mois de mars dans les annales des statistiques sur la température mondiale de la NOAA“, l’Agence américaine océanique et atmosphérique. Celle-ci effectue des relevés depuis 1880.

La température moyenne sur la Terre en mars a été de 12,7 degrés Celsius, soit 1,22°C supérieure à la moyenne du XXe siècle.
“Cela a dépassé le précédent record établi en (mars) 2015 de 0,32°C”, a ajouté la NOAA, précisant que cet écart de 1,22°C en fait la plus importante anomalie par rapport à la moyenne des plus de 1 600 mois mesurés depuis 1880.

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Réchauffement planétaire

Ces derniers records de température illustrent la poursuite de l’accélération du réchauffement planétaire. Le mercure a ainsi battu, et de loin, un nouveau record pour l’année 2015, surpassant celui de 2014, un phénomène que la plupart des climatologues attribuent à l’accumulation dans l’atmosphère des gaz à effet de serre provenant de la combustion du pétrole et du charbon.

Depuis 1997, première année depuis 1880 à avoir connu une montée record du thermomètre sur la planète, 16 des 18 années qui ont suivi ont été plus chaudes, selon la NOAA.

“En tout, les neuf mois avec les anomalies de températures les plus importantes par rapport à la moyenne du XXe siècle sont tous intervenus ces neuf derniers mois“, constate encore l’agence américaine.

Source : Sud-Ouest, 19/04/2016

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Record de chaleur en Inde: 51°C

Source : La PresseAnnie Banerji,  20-05-2016

Les services météo ont lancé une alerte en raison de la persistance de cette «forte vague de chaleur» pendant le week-end sur le nord et l'ouest de l'Inde, en particulier à New Delhi où la température a atteint 47 °C cette semaine. PHOTO ROBERTO SCHMIDT, AFP

Les services météo ont lancé une alerte en raison de la persistance de cette «forte vague de chaleur» pendant le week-end sur le nord et l’ouest de l’Inde, en particulier à New Delhi où la température a atteint 47 °C cette semaine.
PHOTO ROBERTO SCHMIDT, AFP

Le nord de l’Inde affronte une sévère vague de chaleur, le thermomètre ayant atteint un record de 51 °C dans une ville de l’État désertique du Rajasthan, qui complique le quotidien d’un pays où centaines de personnes meurent chaque année de la chaleur.

Ce record a été enregistré jeudi à Phalodi, à environ 600 km à l’ouest de New Delhi. Le précédent record remontait à 1956, avec une température enregistrée de 50,6 °C dans ce même État du Rajasthan.

«Hier a été enregistrée la température la plus chaude jamais connue dans le pays, 51 °C à Phalodi», a dit B.P. Yadav, haut responsable de l’India Meteorological Department, à l’AFP.

Des centaines de personnes meurent chaque année de la chaleur en Inde. Les températures dépassent régulièrement les 40 °C dans le nord du pays en mai et juin, mois les plus chauds de l’année.

Les services météo ont lancé une alerte en raison de la persistance de cette «forte vague de chaleur» pendant le week-end sur le nord et l’ouest de l’Inde, en particulier à New Delhi où la température a atteint 47 °C cette semaine.

Les animaux du zoo de la capitale ont pris des bains froids et ont reçu des solutés contre la déshydratation.

La consommation d’électricité a atteint jeudi un nouveau record dans cette mégapole de 17 millions d’habitants, sous l’effet du fonctionnement à plein régime des appareils de climatisation.

Les policiers en poste aux carrefours ont aussi reçu des liquides anti-déshydratation et des «écharpes rafraichissantes» spéciales contenant des cristaux pour abaisser la température corporelle, selon la presse locale.

Les hôpitaux de la capitale ont enregistré un pic de visites pour des coups de chaleur et des gastroentérites tandis que plusieurs États ont anticipé le début des vacances d’été en raison de la chaleur.

Les plus pauvres sont les plus touchés par la chaleur.

«Les sans-abri souffrent le plus de la chaleur. Les hébergements d’urgence sont insuffisants et inadaptés» à Delhi, explique Sunil Kumar Aldelia, directeur du Centre For Holistic Development (CHD), spécialisé dans l’hébergement des sans-abri.

«Une centaine de ces centres sont en tôle, inadaptés aux fortes chaleurs. Et ces centres manquent d’approvisionnement en eau potable, de ventilateurs et de sanitaires», ajoute-t-il à l’AFP, réclamant la mise en oeuvre d’un plan d’urgence.

Pénurie d’eau

Une alerte «vague de chaleur» est lancée quand les températures maximales atteignent 45 °C, ou dépassent de 5 °C la moyenne des années précédentes sur la même zone.

Au Gujarat (ouest), la principale ville Ahmedabad a enregistré sa température la plus élevée depuis 100 ans jeudi à 48 °C.

Cette vague de chaleur survient au moment où l’Inde doit affronter une sévère sécheresse depuis plusieurs mois. Quelque 330 millions de personnes, soit un quart de la population est affectée par le manque d’eau après deux années de faible mousson.

Des pénuries d’eau potable touchent plusieurs États et la faiblesse des précipitations a contraint à des mesures extrêmes, comme la surveillance des retenues d’eau par des gardes armés ou l’envoi de trains pour approvisionner en eau les régions les plus affectées.

Les services météo prévoient une mousson supérieure à la moyenne cette année, offrant un rayon d’espoir au secteur agricole qui fait vivre 60 % de la population. Nombre d’agriculteurs ont été forcés de prendre le chemin des villes cette année pour travailler comme ouvrier journalier.

Mais elle ne devrait toucher le Kerala (sud) que le 7 juin, six jours plus tard que la moyenne, avant de s’étendre au reste du pays.

La sécheresse a alimenté la propagation des feux de forêt dans les monts de l’Uttarakhand (nord) et certaines parties de l’Himachal Pradesh (nord), destinations appréciées de dizaines de milliers de touristes à cette époque de l’année.

La chaleur avait tué plus de 2400 personnes l’an dernier en Inde, l’une des vagues les plus meurtrières de son histoire récente.

 Capture d’écran 2016-06-01 à 05.46.09
Source : La PresseAnnie Banerji,  20-05-2016

Source: http://www.les-crises.fr/on-a-eu-le-mois-davril-le-plus-chaud-de-lhistoire-qui-avait-remarque/