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Alain Juillet : « La guerre aujourd’hui, c’est devant un ordinateur »

Friday 3 June 2016 at 00:01

Source : Youtube, Russia Today, 21-05-2016

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Ancien directeur du renseignement à la DGSE et président de l’académie de l’intelligence économique, Alain Juillet a partagé avec RT France son expérience pour décrypter l’évolution des conflits contemporains, et notamment leur dimension économique.

“En 2002 il se voit confier la Direction du Renseignement au sein de la DGSE dont il a aussi la charge d’assurer la réorganisation. Cette mission s’achève en 2003, avant que ne lui soit confiée la mise en place de l’Intelligence Économique au sein du SGDN (Secrétariat Général de la Défense Nationale). Il occupe alors la fonction de Haut Responsable pour l’Intelligence Économique en France auprès du premier Ministre jusqu’en 2009 “
“4’18 : c’est souvent les Américains qui nous poussent et nous imposent. Sur l’Ukraine, il n’y a pas le moindre doute là-dessus : ce sont les Américains qui ont imposé – on le sait maintenant, cela a été dit et raconté -, qui ont créé la situation en Ukraine et qui savaient très bien comment cela pouvait se terminer, avec les conséquences qu’on a maintenant.” [Alain Juillet, 21 mai 2016]

Source : Youtube, Russia Today, 21-05-2016

Source: http://www.les-crises.fr/alain-juillet-la-guerre-aujourdhui-cest-devant-un-ordinateur/


Israël : les déclarations surréalistes d’Avigdor Lieberman

Thursday 2 June 2016 at 06:44

ATTENTION !!!

Ont été décrété par les médias :

  • D’EXTRÊME DROITE : le candidat autrichien, le UKIP anglais, l’AFD Allemand, le gouvernement Polonais, le gouvernement hongrois, le gens contre l’euro, Donald Trump
  • PAS D’EXTRÊME DROITE : le gouvernement ukrainien, le gouvernement turc, le gouvernement saoudien, le gouvernement israélien. D’ailleurs leurs propos ne sont au pire que “surréalistes”

PARCE QUE !

Source : Le Nouvel Obs, 30-05-2016

L’ultranationaliste Avigdor Lieberman, l’homme qui vient de prendre ce lundi 30 mai la tête du ministère israélien de la Défense, compte à son actif un nombre impressionnant de déclarations racistes et populistes. En voici un triste florilège… Ici, une déclaration faite en 2015 à l’encontre des citoyens israéliens d’origine arabe : “Ceux qui sont contre nous méritent de se faire décapiter à la hache.”

Dans son numéro du 5 février 2009, “Le Point” rapporte ces propos tenus en 2004 et visant déjà la population arabe d’Israël : “Ils n’ont pas leur place ici. Ils peuvent prendre leurs baluchons et disparaître.”

À la fin des années 2000, Avigdor Lieberman appelle à la création de deux États israélien et palestinien “ethniquement homogènes“, au moyen d’échanges de territoires et de déplacements des Israéliens arabes.

En 2009, Avigdor Lieberman fait planer la menace atomique contre la Palestine : “Nous devons continuer à combattre le Hamas comme les Etats-Unis ont combattu les Japonais. Les Américains ont vaincu le Japon sans invasion terrestre, rendant une occupation militaire absolument superflue.”

En 2014, Avigdor Lieberman qualifie le président palestinien Mahmoud Abbas de “terroriste diplomate“.

En 2012, l’ultranationaliste accuse l’Europe contemporaine de mener une politique antisémite semblable “à celles des années 1930“.

En 2010, celui qui est alors ministre des Affaires étrangères déclare que la paix n’arrivera pas “avant des décennies“.

En 2003, parlant de prisonniers palestiniens remis en liberté, il appelle à ce que ceux-ci soient “transportés en autocars jusqu’à la mer Morte et qu’ils y soient noyés”.

En 2000, le patron du parti Israël Beiteinou (“Israël notre maison”) menace de bombarder le barrage d’Assouan en cas de soutien égyptien à l’intifada palestinienne.

Source: https://www.les-crises.fr/israel-les-declarations-surrealistes-davigdor-lieberman/


[Vidéo] Olivier Berruyer : « Les gens pensent qu’il n’y a pas de propagande dans les démocraties »

Thursday 2 June 2016 at 00:51

Source : Youtube, Russia Today, 22-04-2016

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Blogueur, économiste, Olivier Berruyer confie à RT France sa vision concernant la liberté d’expression en France.

Inspiré par Noam Chomsky, il décrypte la façon dont les médias, sans tomber dans le complot, contribuent à « fabriquer du consentement ».

Source : Youtube, Russia Today, 22-04-2016

Source: http://www.les-crises.fr/video-olivier-berruyer-les-gens-pensent-quil-ny-a-pas-de-propagande-dans-les-democraties/


[2011] Robert Baer : “On va vers une guerre de cent ans”

Thursday 2 June 2016 at 00:01

Une interview de 2011 – qui n’a pas pris une ride – de Robert Baer, l’ancien responsable Moyen-Orient à la CIA…

Source : La Libre, Christophe Lamfalussy2, 24-12-2011

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INTERNATIONAL

Le “Printemps arabe” pourrait accoucher au Moyen Orient d’une sorte de califat, où les Frères musulmans joueraient dans un premier temps un rôle central, suivis par des salafistes, “plus cohérents et plus engagés”. C’est l’une des prédictions que fait l’Américain Robert Baer dans cette interview accordée à “La Libre Belgique”, par téléphone, depuis New York.

Robert Baer, vous avez été agent de la CIA pendant vingt et un ans, principalement au Moyen-Orient. Que pensez-vous de ce qui se passe en Syrie ?

J’ai vécu à Damas pendant les années quatre-vingts et y suis revenu par la suite. Je comprends la famille al Assad et les alaouites jusqu’à un certain point. Ils vivent retranchés dans une forteresse et ne peuvent pas se rendre. Il y aura inévitablement une sorte de guerre civile. Il n’y a pas de porte de sortie, plus moyen de revenir en arrière avec ce niveau de violence. Si les alaouites devaient battre en retraite avec leurs armes et leur argent, il y aurait d’énormes déplacements de population de Homs et de Damas. Ce serait vraiment une situation révolutionnaire s’ils étaient forcés de partir. C’est un conflit sectaire.

Sectaire ?

Sunnites, chrétiens et alaouites… ces divisions alimentent le conflit. Le vrai problème est que les sunnites des grandes villes voient les alaouites comme des intrus. Un peu comme les sunnites de Bagdad ont vu les chiites comme des intrus. La plupart des Syriens sunnites voient les alaouites comme des apostats qui ne respectent pas le vrai islam, et ils ne peuvent le tolérer. Ensuite, il y a cette corruption rampante en Syrie qui est devenue pire avec Bachar. Quand je vivais en Syrie, c’était un Etat totalitaire ; vous ne pouviez pas comme étranger donner un pot-de-vin. La dernière fois que j’y suis allé, les gens du ministère de l’Information sollicitaient les pots-de-vin. Ce fut un choc pour moi.

A Damas, les gens se plaignent d’être les otages d’un conflit beaucoup plus large, qui implique l’Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar. Ont-ils raison ?

Non. Ces divisions remontent à bien plus loin. Il est évident que la télévision Al Jazeera, du Qatar, a mis de l’huile sur le feu, mais les ingrédients étaient déjà là. Quant à la Turquie, elle ne comprend pas ce qui se passe en Syrie. S’il y a une influence étrangère, elle vient de Tripoli (NdlR : la grande ville du Nord Liban, le fief sunnite de Saad Hariri). La Turquie pourrait bénéficier économiquement de la chute du régime Al Assad et de l’influence décroissante de l’Iran, mais ne peut pas alimenter à elle seule l’insurrection. Et pas plus le Qatar. Le pays n’a même pas un service de renseignement. Le sheikh Karadawi se trouve au Qatar et alimente la révolte arabe. Mais les divisions syriennes existent depuis longtemps.

Pour l’Iran, la Syrie est un chaînon vital ?

Oui, c’est vital parce qu’ils croient que la révolution iranienne est le moteur du monde arabe et qu’ils ne peuvent pas perdre. Mais l’Iran ne peut pas influencer réellement la Syrie. Ils peuvent donner de l’équipement via l’Irak et de l’aide économique. Mais ce n’est pas décisif. Le Hezbollah (NdlR, pro-iranien) soutient le régime d’Assad mais ne veut pas être impliqué dans une guerre civile au Liban. La situation est imprévisible.

Etes-vous favorable à une intervention militaire occidentale en Syrie ?

Non, car chaque fois que l’Ouest s’implique dans une guerre, il multiplie les dommages. L’invasion de l’Irak en 2003 est une des catastrophes majeures du XXIe siècle. Ils ont détrôné un tyran. Et ils ont rouvert les divisions ethniques. Une intervention militaire en Syrie affecterait toute la région, y compris la Jordanie et le Liban. Il y aura une division plus profonde entre la Turquie et l’Iran. La situation deviendra hors contrôle, et l’on verra une guerre régionale. Vous ne pouvez pas voir dans cette région des guerres civiles locales se multiplier sans déboucher sur une guerre régionale.

On s’inquiète en Europe de voir que le printemps arabe a débouché sur l’arrivée au pouvoir des islamistes. Faut-il s’en inquiéter ?

C’était totalement prévisible ! On a parlé de révolution “Twitter” ou “Facebook”, mais il y a une totale incompréhension de cette partie du monde de la part des Etats-Unis.

Nous sommes en train de voir l’émergence d’une sorte de califat. La force dominante dans ces pays sont les Frères musulmans. Ils sont organisés. Ils promettent de combattre la corruption, une promesse qui n’a pas encore été testée.

Les Frères musulmans sont comme Alexandre Kerensky, lors de la révolution russe. Ils disent tout ce qu’il faut dire. L’étape suivante risque de voir émerger les salafistes, les plus cohérents et les plus engagés (NdlR, Kerensky fut l’un des avocats de la lutte contre le régime tsariste, mais fut balayé ensuite par les bolcheviques).

Pour en revenir à la Syrie, est-ce que les Russes peuvent trouver un dénouement diplomatique ?

Non. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est postposer une décision des Nations unies. Mais il n’y a rien que puisse faire l’Onu. C’est comme en Libye. On a pu précipiter la chute de Kadhafi, mais je ne vois pas d’autre solution en Libye que les Frères musulmans. Et même avec eux au pouvoir, il y aura des divisions entre Tripoli et Benghazi. Vous pouvez détruire un pouvoir centralisé, mais au bout du compte, vous vous retrouverez avec les mêmes divisions ethniques qui existaient auparavant. Ce sera la même chose en Syrie.

L’Egypte reste-t-elle un pays central dans le monde arabe ?

Oui, ce qui s’y passe est important. L’Egypte pourrait être un modèle. Les militaires vont tenter de se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible, mais finalement, ils devront céder. Par ailleurs, je ne vois pas comment la monarchie jordanienne pourra se maintenir si nous avons une vraie révolution dans une Egypte dirigée par les Frères musulmans, en Syrie et avec un Irak divisé.

Sommes-nous en train d’assister à une révolution ?

Oui. Il suffit que l’un de ces pays réussisse. Mais, pour le moment, c’est plus vers une guerre civile régionale que l’on tend, comme la guerre de cent ans. Les frontières de la région ont été fixées arbitrairement. Et au milieu de tout cela, vous avez cette chose étrange qu’est Israël. On l’ignore pour le moment. Mais si j’étais israélien, je serais terrifié.

Source : La Libre, Christophe Lamfalussy, 24-12-2011

Source: http://www.les-crises.fr/2011-robert-baer-on-va-vers-une-guerre-de-cent-ans/


L’Union européenne assume : la loi El Khomri, c’est elle, par Coralie Delaume

Wednesday 1 June 2016 at 01:52

Source : Le Figaro, Coralie Delaume, 25-05-2016

Jean-Claude Juncker, Président luxembourgeois de la Comission Européenne

Jean-Claude Juncker, Président luxembourgeois de la Comission Européenne

FIGAROVOX/DECRYPTAGE – Jean-Claude Juncker a déclaré que «la réforme du droit du travail voulue et imposée par le gouvernement Valls est le minimum de ce qu’il faut faire».Pour Coralie Delaume, l’économie de notre pays est depuis longtemps l’application des orientations de l’Union européenne.


Coralie Delaume est journaliste. Elle a notamment publié Europe. Les Etats désunis (Michalon, 2014). Découvrez ses chroniques sur son blog


La loi El Khomri est un produit d’importation made in Union européenne (voir explications détaillées ici). Les «Grandes orientations de politique économique» (GOPÉ), dont l’existence est posée par les traités, et le «Programme national de réformes» (PNR), qui s’inscrit lui-même dans le cadre de la stratégie Europe 2020 «pour une croissance économique intelligente, durable et inclusive» (tsoin-tsoin), prescrivent à de nombreux pays et depuis longtemps le malthusianisme budgétaire et la modération salariale.

[Article à lire sur Le Figaro. Je ne mets que la fin]

 

Or pour Jean-Claude Juncker, il se trouve que «la réforme du droit du travail voulue et imposée par le gouvernement Valls est le minimum de ce qu’il faut faire». Le minimum seulement. Et, avec un peu de chance, de constance et d’audace, une simple étape vers ce rêve éveillé que constitue l’idéal grec!

Autre grand bavard: Pierre Moscovici. Lui assume mieux encore que Juncker, et ses insinuations n’en sont plus. Ce sont même des aveux : oui, l’Union européenne veut la loi El Khomri. Dans un entretien publié ici le 18 mai soit, précisément, le jour de la parution des recommandations adressées par la Commission à la France dans le cadre du «semestre européen», le commissaire aux Affaires économiques faisait connaître sa volonté. S’il minaudait tout d’abord en prétendant qu’il ne lui appartenait pas de «juger» la Loi travail, il rappelait toutefois qu’il lui appartenait bien de l’exiger: « Tout ce que je peux dire, c’est que la réforme est indispensable et qu’y renoncer serait une erreur lourde (…) les Français ont souvent le même réflexe quand une réforme se présente: celui de s’y opposer. Cela ne signifie pas que la réforme n’est pas nécessaire et qu’elle ne doit pas être menée (…) En outre, je pense que la volonté du peuple doit s’exprimer dans les élections, pas dans les sondages ».

C’est vrai. En principe, sauf à vivre dans le chaos de la démocratie d’opinion, les scrutins font foi bien plus que les sondages. Mais en principe aussi, le pouvoir exécutif français se situe à l’Élysée et à Matignon (Paris, France), et non dans le bâtiment du Berlaymont (Bruxelles, Belgique). Sauf à vivre dans le chaos de la démocratie congédiée.

Évidemment, si les choses en sont là, et Moscovici le dit fort bien, c’est en raison «des traités que les gouvernements et les Parlements de l’Union européenne, à commencer par celui de la France, ont signés». C’est là l’argument dont les européistes se prévalent sans cesse, car il n’y a plus que ça en magasin. Au passage, ils se hâtent d’oublier que le dernier des traités, celui de Lisbonne, a tout de même nécessité pour être signé que l’on s’assoie en 2005 sur les résultats de deux référendums, le néerlandais et le français. Tout comme on s’est assis sur le résultat de la consultation grecque de juillet 2015. Autrement, c’était début du détricotage de la zone euro.

Au sujet du mouvement social actuellement en cours, Myriam El Khomri a eu ces mots très contestés: «il n’est pas question que l’économie de notre pays soit prise en otage». Ils sont pourtant incontestables: l’économie de notre pays est, depuis longtemps, en situation de captivité. Simplement, les rançonneurs ne sont pas forcément ceux que l’on croit.

Source : Le Figaro, Coralie Delaume, 25-05-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/lunion-europeenne-assume-la-loi-el-khomri-cest-elle-par-coralie-delaume/


Trump a raison sur le 11-Septembre, par Peter Reinart

Wednesday 1 June 2016 at 00:55

Source : The Atlantic, le 19/10/2015

George W. Bush n’a pas fait tout ce qu’il pouvait pour empêcher l’attaque – et il est temps que les Républicains affrontent ce fait.

Donald Trump dévoile une proposition de reconstruction des tours jumelles en 2005

Donald Trump dévoile une proposition de reconstruction des tours jumelles en 2005

PETER BEINART | le 19 octobre 2015

Donald Trump énonce beaucoup de mensonges choquants : les Mexicains sans papiers sont des « violeurs », les réfugiés syriens se livrent à « des agressions de toutes sortes » et sont « le cheval de Troie » de l’EI. Il dit aussi cependant des vérités choquantes : « Si vous donnez [de l’argent aux politiciens], ils feront tout ce que vous voulez qu’ils fassent. » Et « le Moyen-Orient serait un endroit plus sûr » si Saddam Hussein et Mouammar Khadafi étaient toujours au pouvoir.

La dernière vérité choquante en date, il l’a proférée lors d’une interview vendredi dernier sur Bloomberg TV, quand il a dit que George W. Bush mérite d’être tenu responsable de l’effondrement des tours du World Trade Center pendant son mandat. Les hommes politiques et les journalistes se sont étranglés d’indignation. Jeb Bush a qualifié les propos de Trump de « pitoyables » et Ben Carson les a jugés « ridicules ».

L’ancien attaché de presse de Bush, Ari Fleischer, a traité Trump de « conspirationniste » du 11-Septembre. Même Stephanie Ruhle, la présentatrice de Bloomberg qui avait posé la question, s’est écriée : « Enfin, vous ne pouvez pas reprocher ça à George Bush. »

Mais si, on peut. Il n’est pas possible de savoir avec certitude si Bush aurait pu empêcher les attentats du 11-Septembre. Mais ce n’est pas la bonne question, qui devrait être : « Est-ce que Bush a fait tout ce qu’il pouvait raisonnablement faire pour les empêcher, vu ce qu’il savait à l’époque ? » Et il ne l’a pas fait. Loin s’en faut.

Quand l’administration Bush est entrée en fonctions, en janvier 2001, George Tenet, le directeur de la CIA, et Richard Clarke, le “manitou” de la branche antiterrorisme du Conseil national de sécurité, ont tous les deux averti les nouveaux responsables de la grave menace représentée par al-Qaïda. Lors d’une réunion d’information de transition, à Blair House, plus tôt dans le mois, selon le Bush en Guerre de Bob Woodward, Tenet et son adjoint, James Pavitt, ont indiqué qu’Oussama ben Laden constituait l’un des trois dangers les plus sérieux pour la sécurité nationale. Ce même mois, Clarke a présenté à Condoleezza Rice, conseillère à la sécurité nationale, un plan auquel il travaillait depuis l’attentat d’al-Qaïda contre le destroyer USS Cole en octobre 2000. Il y demandait le gel des avoirs du réseau, la fermeture des associations caritatives qui lui étaient rattachées, l’envoi de fonds aux gouvernements d’Ouzbékistan, des Philippines et du Yémen pour qu’ils luttent contre les cellules d’al-Qaïda dans leur pays, le début de frappes aériennes et d’opérations secrètes contre les sites d’al-Qaïda en Afghanistan, et un accroissement considérable de l’aide à l’Alliance du Nord, qui luttait contre al-Qaïda et les talibans.

Mais Clarke et Tenet ont été profondément frustrés par la façon dont les hauts fonctionnaires de Bush ont répondu. Clarke raconte que quand il a informé Rice à propos d’al-Qaïda, “l’expression de son visage m’a donné l’impression qu’elle n’avait jamais entendu le terme avant.” Le 25 Janvier, Clarke a envoyé une note à Rice déclarant que, « nous avons besoin de toute urgence … d’un examen au niveau du Cabinet sur le [sic] réseau al-Qaïda. » Au lieu de cela, Clarke a obtenu une réunion d’un sous-cabinet, au niveau des Délégués, en Avril, deux mois après celui sur l’Irak.

Quand cette réunion d’avril eut enfin lieu, selon le livre de Clarke, Contre tous les ennemis, Paul Wolfowitz, le secrétaire d’État à la Défense, manifesta son opposition : « Je ne comprends pas pourquoi on commence par parler de ce seul homme, ben Laden. » Clarke répondit : « On parle d’un réseau d’organisations terroristes appelé al-Qaïda, qui se trouve avoir pour chef ben Laden, et on parle de ce réseau parce que lui et lui seul représente une menace immédiate et sérieuse pour les États-Unis. » Ce à quoi Wolfowitz rétorqua : « Mais il y en a d’autres aussi, au moins aussi dangereux, comme les terroristes irakiens, par exemple. »

Au début de l’été, Clarke était si découragé qu’il demanda une réaffectation. « Cette administration, témoigna-t-il plus tard, ne croyait pas qu’il y avait un problème urgent ou n’était pas préparée à agir comme s’il y avait un problème urgent. Et j’ai pensé, si l’administration ne croit pas son coordinateur pour le terrorisme quand il dit qu’il y a un problème urgent, et n’est pas préparée à agir comme on le fait devant un problème urgent, eh bien je dois probablement trouver un autre boulot. » En juillet, le Comité interministériel a fini par donner son accord à la programmation d’une réunion au niveau supérieur à propos du plan de Clarke. Le calendrier, toutefois, était déjà plein et, en août, beaucoup de membres du cabinet étaient en vacances, la réunion fut donc fixée au mois de septembre.

Pendant cette même période, la CIA donnait l’alerte elle aussi. Selon Kurt Eichenwald, un ancien journaliste du New York Times qui a pu lire les notes d’information quotidiennes préparées par les agences de renseignement pour le président Bush au printemps et à l’été 2001, la CIA informa la Maison-Blanche dès le premier mai qu’« un groupe actuellement aux États-Unis » projetait un attentat terroriste. La note quotidienne du 22 juin avertissait que l’attentat d’al-Qaïda pouvait avoir lieu « d’un jour à l’autre ».

Cependant les mêmes responsables du département de la Défense qui avaient fait peu de cas des avertissements de Clarke ignorèrent ceux de la CIA. Selon les sources d’Eichenwald, « les dirigeants néoconservateurs qui venaient de prendre le pouvoir au Pentagone prévenaient la Maison-Blanche que la CIA avait été trompée. Selon cette théorie, ben Laden faisait simplement semblant de planifier un attentat pour détourner l’attention de l’administration de Saddam Hussein, que les néoconservateurs considéraient comme une menace plus grave. »

La CIA riposta : « Les États-Unis ne sont pas la cible d’une campagne de désinformation menée par Oussama ben Laden, » lit-on dans la note quotidienne du 29 juin, où il est dit que le dirigeant d’al-Qaïda avait déclaré récemment à un journaliste du Moyen-Orient qu’il fallait s’attendre à un attentat. Le jour suivant, la CIA inclut dans sa note un article intitulé « Les menaces de ben Laden sont réelles. » Le 1er juillet, on prévoyait dans la note qu’un attentat « allait avoir lieu sous peu. »

Puis, le 10 juillet, Tenet et Cofer Black, le chef de la branche antiterroriste de la CIA, rencontrèrent d’urgence Condoleezza Rice pour demander qu’on agisse contre ben Laden. Mais, selon Mensonges d’État : Comment Bush a perdu la guerre [State of Denial], de Woodward, « ils avaient, tous les deux, l’impression que Rice ne les entendait pas. » Elle « avait l’air d’être polarisée sur d’autres priorités de l’administration, surtout sur le système de défense antimissile balistique auquel Bush était attaché » et « Tenet quitta la réunion, se sentant condamné à l’impuissance. »

À ce moment, les membres du personnel du quartier général de la branche antiterroriste de la CIA étaient tellement déprimés qu’ils se demandaient s’ils n’allaient pas demander leur transfert.

Les avertissements continuèrent. Le 11 juillet, la CIA prévint la Maison-Blanche qu’un tchétchène lié à al-Qaïda avait averti que quelque chose d’énorme allait se passer. Le 24 juillet, la note quotidienne disait que l’attentat d’al-Qaïda attendu avait été reporté, mais pas annulé. Enfin, le 6 août, la CIA intitula sa note « Ben Laden est décidé à frapper les E-U. » La note ne mentionnait ni une date ni une cible spécifique, mais on y faisait état de la possibilité d’un attentat à New York et de détournements d’avion par des terroristes. Dans Angler, Barton Gellman remarque que c’était la trente-sixième fois que la CIA avait évoqué al-Qaïda avec le président Bush depuis l’entrée en fonctions de ce dernier.

Le 4 septembre, le Cabinet se réunit et, malgré l’insistance du secrétaire d’État à la Défense pour qui l’Irak représentait la plus grande menace terroriste, il approuva le plan de Clarke de lutte contre al-Qaïda. Le 9 septembre, le Comité des services armés du sénat conseilla d’enlever 600 millions de dollars au budget proposé pour la défense antimissile et de les allouer à l’antiterrorisme. Selon Gellman, Rumsfeld conseilla à Bush d’opposer son veto à cette décision.

Le matin du 11 septembre 2001, le plan anti-al-Qaïda de Clarke se trouvait sur le bureau de Bush, en attente de signature. C’était la neuvième directive présidentielle à propos de la sécurité nationale au cours de sa présidence.

L’administration Bush aurait-elle pu empêcher les attentats du 11-Septembre, si elle avait pris les menaces plus au sérieux ? C’est possible. Le 3 août, un saoudien du nom de Mohamed al-Kahtani, essaya d’entrer aux États-Unis à Orlando, en Floride, pour, présume-t-on, participer au complot du 11-Septembre. Il fut renvoyé dans son pays par un agent des douanes qui craignait qu’il ne devienne un immigrant clandestin. Le 16 août, des agents du FBI et du INS (Service de l’immigration et de la naturalisation) arrêtèrent, dans le Minnesota, un autre pirate potentiel, Zacarias Moussaoui, après avoir été alertés par son instructeur de vol. Cependant, en dépit de nombreuses demandes, ils n’obtinrent pas la permission de fouiller son appartement ni d’examiner son ordinateur portable. Ces incidents « auraient pu révéler au grand jour le complot du 11-Septembre, écrit Eichenwald, si toutefois le gouvernement avait été en état d’alerte élevée. »

Clarke a la même thèse. Quand l’administration Clinton fut avertie d’une attaque éventuelle en décembre 1999, remarque-t-il, le président ordonna à son conseiller à propos de la sécurité nationale de « tenir des réunions quotidiennes avec le ministre de la Justice, la CIA et le FBI. » En conséquence, les dirigeants de ces agences donnèrent l’ordre à leurs branches locales d’enquêter à fond sur tout ce qu’elles pouvaient trouver. C’était devenu la priorité numéro un de ces agences. » Cette vigilance, suggère Clarke, contribua à l’arrestation le 14 décembre d’un algérien nommé Ahmed Ressam, qui arrivait du Canada avec l’intention de faire exploser une bombe à l’aéroport international de Los Angeles.

L’administration Bush aurait pu agir de la même façon en 2001. « Il y avait, remarque Clarke, enfouis dans les dossiers du FBI et de la CIA, des renseignements au sujet de deux de ces terroristes d’al-Qaïda qui se trouvaient être des pirates de l’air [Khalid al-Mihdar et Nawaf al-Hazmi]. Les dirigeants du FBI l’ignoraient, mais si les dirigeants avaient dû tout signaler à la Maison-Blanche, tous les jours… ils auraient remué ciel et terre et ils auraient découvert que ces gars étaient là. »

Est-ce que cela aurait, pour autant, déjoué les attaques du 11-Septembre ? « On avait une chance, soutient Clarke, mais les responsables de l’administration Bush, au plus haut niveau, ne l’ont pas saisie. »

Quand Donald Trump balance des insultes à ses adversaires, les gens respectables lèvent généralement les yeux au ciel. Mais c’est précisément le refus de Trump d’être respectable qui l’aide à susciter des débats que les élites préféreraient éviter. Et il est parfois important que ces débats aient lieu.

Comme les conseillers de George W. Bush dominent toujours l’establishment républicain dans le domaine de la politique étrangère – un establishment qui n’a pas rompu fondamentalement avec son héritage idéologique –, la façon dont il a agi doit être prise en compte dans le débat actuel sur le terrorisme. Pendant de nombreuses années, cet establishment dans le domaine de la politique étrangère a soutenu que s’interroger sur l’échec de Bush à empêcher le 11-Septembre était une calomnie scandaleuse. C’est la raison pour laquelle Fleischer traite maintenant Trump de « conspirationniste ». Il estompe sciemment la frontière entre accuser Bush d’avoir orchestré les attentats et accuser Bush de ne pas les avoir empêchés par manque de vigilance efficace. Toutefois Bush a effectivement péché par manque de vigilance. Les preuves sont accablantes.

On peut admettre que la fidélité de Jeb à son frère l’empêche d’affronter cette réalité. Mais il n’a aucun droit d’exiger que l’ensemble de la population détourne les yeux.

Source : The Atlantic, le 19/10/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/trump-a-raison-sur-le-11-septembre-par-peter-reinart/


Miscellanées du jeudi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray, ScienceEtonnante, DataGueule)

Wednesday 1 June 2016 at 00:15

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: “Avec une dette de 240% de son PIB, le Japon est mort !” – 30/05

Olivier Delamarche VS Daniel Gérino (1/2): La politique monétaire de la BCE est-elle suffisante pour soutenir la croissance économique en Europe ? – 30/05

Olivier Delamarche VS Daniel Gérino (2/2): Le resserrement monétaire américain peut-il favoriser le Japon? – 30/05

II. Philippe Béchade

La minute de Béchade : “La BCE est en train de construire un cimetière nucléaire” – 25/05

Philippe Béchade VS Julien Nebenzahl (1/2): Comment expliquer le soudain rebond des marchés ? – 25/05

Philippe Béchade VS Julien Nebenzahl (2/2): Y a-t-il un risque de guerre des changes ? – 25/05

III. Jacques Sapir

Jacques Sapir VS Bruno Fine (1/2): Outre le Brexit, quelles sont les autres tensions intérieures qui pèsent sur la BCE ? – 31/05

Jacques Sapir VS Bruno Fine (2/2): La FED a-t-elle intérêt à remonter ses taux ? – 31/05

IV. Michel Onfray

V. ScienceEtonnante

Jusqu’où ira le record du monde de saut à la perche ? — Science étonnante #14

VI. DataGueule

CO 2 – Humains 0 #DATAGUEULE 2


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Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-jeudi-delamarche-sapir-bechade-onfray-scienceetonnante-datagueule/


L’information vue par Benoit Vitkine, du Monde (2/2)

Tuesday 31 May 2016 at 02:04

Suite de ce premier billet.

I. L’article du Monde du 6 mai 2016

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Deux ans de prison pour un internaute russe qui avait écrit « la Crimée, c’est l’Ukraine »

Source : Le Monde, 6 mai 2016 |Par Benoît Vitkine

Le procureur avait requis trois ans et demi de prison, mais les juges d’un tribunal de Tver, à une centaine de kilomètres au nord de Moscou, ont fait preuve de « clémence »… Pour la simple republication d’un message sur le réseau social Vkontakte, un internaute russe a été condamné, jeudi 5 mai, à une peine de deux ans et demi de prison.

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Le sujet du message d’Andreï Boubeïev était particulièrement sensible : « La Crimée, c’est l’Ukraine », avait été posté à l’origine par un utilisateur du très populaire réseau social russe, Boris Stomakhine, un militant de gauche radicale lui-même en prison.

Le tribunal du district de Zavoljskiï a estimé que la republication de ce message constituait un appel public à l’extrémisme et une activité visant à la violation de l’intégrité territoriale de la Russie. M. Boubeïev, ingénieur de son état, a refusé de plaider coupable, se disant persécuté pour ses opinions.

La répression des opinions divergentes s’est accrue ces derniers mois en Russie, singulièrement depuis l’annexion de la Crimée, territoire ukrainien, en mars 2014. Elle touche aussi bien la sphère « réelle », avec par exemple la condamnation récente à trois ans de camp d’un homme accusé d’avoir violé les règles de manifestation, que les réseaux sociaux.

Depuis le mois de février, un internaute est ainsi poursuivi par la justice, après avoir passé un mois en hôpital psychiatrique, pour avoir nié l’existence de Dieu, une affirmation pouvant relever de « l’insulte aux sentiments des croyants ».

Benoît Vitkine – le Monde 6 mai 2016

II. Les réactions

Fichtre, c’est sûr que quand on lit ça, on comprend les réactions des lecteurs :

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Mais sont-elles réellement justifiées ? – attention, il s’agit du Monde

III. L’analyse du cas Boubeïev

Nous avons précédemment vu que Viktor Krasnov, dont l’affaire est évoquée dans le dernier paragraphe, n’est pas poursuivi, contrairement à ce qu’affirme Benoît Vitkine, simplement « pour avoir nié l’existence de Dieu » – l’athéisme est évidemment constitutionnellement protégé en Russie.

Passons à Andreï Boubeïev, que Le Monde présente ici comme une nouvelle victime de la répression de « l’infâme Poutine ».

Pour en savoir plus, nous allons jeter un œil du côté de l’ONG russe OVD Info – plébiscitée par Deutsche Welle même Mikhail Khodorkovsy – ONG que l’on ne pourra ainsi pas soupçonner de soutenir Vladimir Poutine.

Selon cette ONG, Andreï Boubeïev était déjà condamné à 10 mois en colonie pénitentiaire à sécurité réduite avoir reposté certains messages dans les réseaux sociaux et pour possession de munitions de guerre. Il est donc en état de récidive, et a été condamné cette fois à deux ans et trois mois de colonie toujours à sécurité réduite (Source).

Premier point, en comparaison, rappelons qu’en France la possession de munitions de guerre (catégorie A2) par des personnes non-autorisées est punissable d’une peine d’emprisonnement de 5 ans et de 75 000 euros d’amende. (Source : Code pénal français, articles L311-2 et L317-8).

Deuxième point, il convient de définir qu’une colonie est un centre d’enfermement beaucoup moins sévère qu’une prison. Il s’agit d’une sorte de hameau fermé avec des baraquements, sans gardiens armés, avec des déplacements libres au sein de la colonie en dehors du couvre-feu, avec des établissements mixtes (hommes et femmes), sans uniforme pour les détenus, et où la famille peut visiter à n’importe quel moment (voire même parfois s’installer avec le détenu…), avec possibilité de garder de l’argent liquide… C’est dans ce genre d’établissements que l’on envoie les automobilistes récidivistes qui roulent sans permis, ou sous le coup de l’alcool, ou ceux qui n’ont pas payé leurs PV… Il faut en revanche beaucoup travailler. (Source)

Voici un exemple :

https://www.youtube.com/watch?v=5KZu5CpD8EU

Après, ce n’est évidemment pas un club de vacances, mais ce n’est pas la prison de la Santé non plus… Et il faut le préciser, quand on a le souci d’une information honnête…

Mais, et troisième point, ce que l’article de Monsieur Vitkine ne dit pas, c’est que « la Crimée, c’est l’Ukraine » n’était pas simplement un message reposté de Boris Stomakhine, mais le titre d’un pamphlet, et un lien direct vers ce pamphlet. C’est celui-ci : http://stomahin.info/articl/krym.htm

Ce pamphlet appelle au démantèlement de la Russie. Il souhaite par exemple que la Sibérie devienne indépendante puis adhère aux États-Unis d’Amérique, que Sakhaline rejoigne le Japon, que l’Extrême-Orient rejoigne la Chine… Et il souhaite la reconnaissance de l’Émirat du Caucase.

L’Émirat du Caucase est une organisation terroriste fondée en 2007 qui aurait tué 1800 personnes et blessés 2700 policiers dans les 5 premières années de son existence. Son bilan exact est difficile à préciser, mais il va très au-delà du triste bilan des attentats du 13 novembre 2015. Le terrorisme islamique a causé en Russie la mort de 986 personnes en 2013 et de 525 personnes en 2014. Le 24 juin 2015, une partie du groupe a annoncé prêter allégeance à l’État islamique et celui-ci l’a acceptée.

Selon le texte diffusé par Andreï Boubeïev :

« outre la lutte pour la reconnaissance  de l’Emirat du Caucase, qu’il est du devoir de toute personne honnête possédant la nationalité russe de soutenir»

Toute personne parlant du cas d’Andreï Boubeïev devrait mentionner ce soutien à une organisation terroriste, tombant en France sous le coup de l’apologie publique du terrorisme, condamné par l’article L421-2-5 du Code pénal à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende…

Plus loin, le texte ultra-violent auquel Le Monde ne trouve apparement rien à redire parle des Tatars de Crimée :

«  Il était clair que la prise de Crimée par la Russie serait une catastrophe pour les Tatars de Crimée, le prologue de leur nouveau génocide. »

Rappelons que, sans être dans une situation idéale, les Tatars de Crimée ont reçu en 2 ans de Russie plus qu’ils n’avaient reçu en 23 ans d’Ukraine indépendante, période pendant laquelle leur spécificité était largement niée. La langue Tatar de Crimée est la langue d’enseignement de 15 écoles de Crimée, de 23 classes d’autres écoles, et est une matière optionnelle ailleurs. Les Tatars de Crimée ont le droit de demander une réduction de 50 % sur l’eau, le gaz et l’électricité, ainsi qu’un complément de retraite, et un séjour annuel gratuit au sanatorium. La construction d’une mosquée attendue pendant 15 ans a commencée, et d’autres travaux ont commencé à améliorer la vie des Tatars de Crimée. Toutes ces mesures font que les Tatars de Crimée sont désormais très largement favorables à la Russie, et démentent très clairement les affirmations concernant une répression contre eux.

2/ Un sondage de février 2015 demandait un an après ce que les habitants de Crimée voteraient à un nouveau référendum :

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Il y a bien moins de Tatars russophobes en un an (et en 2008, seuls 14 % voulaient quitter l’Ukraine). Un autre d’Open Democracy indiquait à la même époque :

Capture d’écran 2016-05-25 à 22.26.38

Le pamphlet continue :

«la menace faite au Medjlis par le Parquet moscovite d’une possible (et c’est sûr que cela va se produire bientôt) interdiction sur tout le territoire de la Fédération comme “organisation extrémiste” »

Cela s’est effectivement produit. Le Medjlis ou « Assemblée des Tatars de Crimée » n’a, contrairement à son titre ronflant, « aucun fondement juridique », comme l’a rappelé en septembre 2014 le chef de la République de Crimée, Sergueï Aksionov.

Ceux qui doutent du caractère criminel du Medjlis pourront notamment écouter l’interview d’un Tatar de Crimée qui a été tabassé par des hommes de Djemilev (suffisamment pour l’envoyer 2 mois à l’hôpital), qui ont ensuite brûlé sa maison. Ce témoin parle également de meurtre commis par les hommes de Djemilev :

https://www.youtube.com/watch?v=_4rlegQ9GwE&feature=youtu.be

Ce témoignage est également intéressant parce qu’il explique que lorsque la Crimée est devenue russe, les habitants de Simféropol n’avaient pas peur des « Petits hommes Verts » armés, parce que ce qui les inquiétait étaient les nationalistes ukrainiens, et particulièrement ceux du « Secteur Droit ».

Revenons au grand projet promu par ce « militant de gauche radicale » :

« Il faut – idéalement – que la Russie vive vaincue par la guerre, détruite par le moyen de la guerre et rayée à jamais de la carte du monde

Nous y voilà. Ce que Le Monde fait passer pour la simple expression d’une opinion politique est en réalité un appel à la guerre et au massacre.

Cherchons à comprendre plus précisément de quelle façon M. Stomakhine « militant de gauche radicale » selon l’article de M. Vitkine, compte dépecer la Russie, et quelle est la guerre à laquelle il appelle.

 

Il est évident que les habitants de la Sibérie ne souhaitent pas rejoindre les États-Unis d’Amérique, ceux de Sakhaline ne souhaitent pas devenir sujets de l’Empereur du Japon etc., donc la proposition de M. Stomakhine ne saurait être démocratique.

Le moyen de l’anéantissement de la Russie est indiqué dans son texte « Apologie de la guerre civile », dans lequel il explique

« Il faut tuer les Russes, et seulement les tuer […] Ne pas tuer les Moskals ne serait possible que dans le cas où eux-mêmes se mettraient à tuer massivement et sans pitié tous leurs “soudards”, ces flics, agents du FSB, procureurs, “juges”, gardiens de prison du Service fédéral d’exécution des peines, etc…etc…»

Ce texte est d’une violence inouïe.

A chacun de voir si un auteur appelant au massacre de dizaines de millions de personnes peut être qualifié de simple « militant de gauche radicale», un Besancenot à la russe.

Boris Stomakhine a publié 289 textes critiquant la Russie avec force, et appelant au meurtre.

Notons que beaucoup d’entre eux ont été écrits depuis la colonie où il est enfermé (à régime de sécurité strict pour son cas).

Il a notamment été condamné pour ses textes célébrant les attentats de Volgograd, qui ont fait 34 morts et une centaine de blessés.

« De tout cœur je salue l’explosion de la gare de chemin de fer de Volgograd le 29 décembre 2013 et je félicite les organisateurs pour ce succès»

Boris Stomakhine a écrit plusieurs textes encourageant le chef terroriste Chamil Boubaïev. Boris Stomakhine appelle même les Juifs de Russie à commettre les mêmes actes terroristes que Chamil Boubaïev.

IV. La liberté d’opinion sur le Crimée en Russie

Revenons à l’idée que la Crimée serait ukrainienne, et que le journaliste indique qu’elle serait suffisante pour aller en prison.

Passons sur le fait abondamment expliqué dans ce blog qu’une écrasante majorité de la population (y compris désormais une très nette majorité de Tatar de Crimée, qui sont 5 fois moins nombreux que les Russes ethniques) préfèrent que la Crimée fasse partie de la Russie plutôt que de l’Ukraine.

De nombreux Russes ont exprimé l’opinion que la Crimée devrait appartenir à l’Ukraine. On peut par exemple citer le chanteur populaire Segueï Lazarev. Il n’a non seulement pas été arrêté, mais à même représenté la Russie à l’Eurovision ! (Source : Livejournal)

  1. Pour mémoire, il s’agit de l’ancienne Stalingrad. La ville se situe plus de 800 km au Nord de Grozny, largement en dehors du district fédéral du Nord Caucase.

Le chanteur russe Andreï Makarevich a écrit une chanson jugeant sévèrement les actions russes en Crimée. Il n’a pas été arrêté et cette chanson est même visible sur le site du plus gros journal de Moscou (À voir sur Mk.ru)

Une longue liste de célébrités russes s’affichant contre l’annexion de l’Ukraine est donnée par le site ukrainien DSNews

Parmi les 33 personnes citées, aucune n’a été emprisonnée ni inquiétée. Contrairement à ce qu’affirme Le Monde, on a bien évidemment le droit en Russie d’exprimer librement cette opinion politique sans être inquiété. Mais il y a une différence entre l’expression d’une opinion politique et l’appel public au génocide…

Certains médias, cependant, ne semblent pas faire cette différence. Par exemple le média de Guerre Froide Radio Free Europe « informe » sur l’une des condamnations de Boris Stomakhine (7 ans de colonie, que RFERL transforme en 7 ans de prison) en ces termes :

« Ces accusations ont été portées après que des articles qu’il a écrits, critiquant la politique de Moscou dans le Nord Caucase ont été publiés par le site kavkazcenter.com, qui est associé à la rébellion islamique. »

Effectivement, c’est vrai. Ils « oublient » simplement de mentionner cette « petite » histoire de glorification des terroristes et d’appels au meurtre…

Ils disent ça aussi :

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Boris Stomakhine, le héros de Radio Free Europe

Radio Free Europe, officine américaine financée par le Congrès, indique donc qu’il aurait été condamné « pour des articles Internet critiquant ce qu’il appelait les politiques impériales de Poutine. Il a été jugé coupable d’appels au terrorisme. » Présentation fallacieuse, dans un article intitulé « Les voix de la Russie Libre », qui laisse donc croire qu’il a été condamné pour avoir simplement réalisé une critique de la politique de Poutine…

Après, il est vrai que les États-Unis d’Amérique ont une vision extrêmement large de la liberté d’expression, du fait de leur Histoire. Pour rester dans les appels au génocide, rappelons que le Département d’État américain s’était opposé au brouillage de la Radio 1000 collines au nom de la liberté d’expression. Mais cette vision n’est pas celle de beaucoup de pays sur la planète…

Quoiqu’il en soit, on pourra en conclusion s’étonner, comme hélas souvent, du traitement partial des informations par le journal Le Monde, qui ne présente pas ici des faits importants, et titre « Deux ans de prison pour un internaute russe qui avait écrit « la Crimée, c’est l’Ukraine » » au lieu de « Deux ans de colonie pour un russe récidiviste qui a soutenu des propos faisant l’apologie du terrorisme ».

Cette présentation volontairement biaisée alimente donc une russophobie toujours dangereuse, comme l’était la germanophobie médiatique d’il y a un siècle…

P.S. Merci à Nicolas, Vladimir et aux traducteurs pour leur aide fondamentale pour cet article. OB

P.P.S. : le concours est ouvert pour le prochain article de Benoit Vitkine :

Source: http://www.les-crises.fr/linformation-vue-par-benoit-vitkine-du-monde-22/


L’Otan appelle les alliés à se préparer face à la menace potentielle de la Russie, par AFP

Tuesday 31 May 2016 at 00:15

otan

Tirana – L’assemblée parlementaire de l’Otan a appelé lundi les alliés à se tenir prêts à répondre à la menace potentielle de la Russie contre l’un d’entre eux, à l’issue d’une session de trois jours à Tirana.

C’est là que tu te rends compte que l’Albanie fait partie de l’OTAN (depuis 2009…)…

Le défi en provenance de la Russie est réel et sérieux, a déclaré l’Américain Michael Turner, président de l’assemblée qui a réuni quelque 250 parlementaires des 28 pays membres de l’Alliance.

La déclaration adoptée à l’unanimité déplore l’usage de la force par la Russie contre ses voisins et les tentatives d’intimidation des alliés de l’Otan.

Ah, Irak Libye, Syrie, pays qui ont échappé à l’emploi de la force par leurs voisins – mais pas par l’Occident…

Dans ces circonstances, l’Otan n’a pas d’autre choix que de considérer l’éventualité d’une action agressive de la Russie contre un membre de l’Alliance comme une menace potentielle, et d’adopter des réponses adaptées et proportionnées, ajoute la déclaration.

La déclaration appelle les alliés à fournir des garanties aux pays membres, situés notamment à l’est de la zone Otan, qui estiment que leur sécurité est menacée.

L’Otan a interrompu tous les aspects pratiques de sa coopération avec la Russie à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie, et en raison du soutien de la Russie aux séparatistes dans l’est de l’Ukraine, mais l’Alliance a annoncé qu’elle aurait des discussions avec la Russie avant le sommet de l’Otan prévu les 8 et 9 juillet à Varsovie.

La Russie qui soutient quelques Russes bombardés par leur armée en Ukraine, c’est mal.

La France qui soutient des djihadistes en Syrie, c’est bien.

En avril, le Conseil Otan-Russie avait tenu sa première réunion depuis juin 2014 mais les discussions se sont soldées par de graves désaccords concernant l’Ukraine et d’autres sujets, bien que le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg eut assuré à l’époque que les échanges avaient été fructueux.

L’Otan a procédé à un renforcement militaire sur son flanc est pour augmenter la rapidité du déploiement de ses forces en cas de répétition d’une crise comme celle de l’Ukraine. Lors de leur sommet à Varsovie, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Alliance atlantique doivent parachever ce renforcement militaire.

Mais la Russie affirme que ce renforcement de la présence de troupes avec leurs équipements de combat en Europe de l’est représentait une menace pour sa sécurité.

Lors d’une visite lundi en Pologne, Jens Stoltenberg a déclaré que l’Otan envoyait un signal clair à tout adversaire potentiel (signifiant) qu’une attaque contre la Pologne serait considérée comme une attaque contre l’Alliance toute entière.

La Russie a dénoncé le déploiement en Roumanie et en Pologne d’éléments du bouclier antimissile américain qu’elle considère comme une menace pour sa sécurité. L’Otan assure que ce système aurait un rôle purement défensif, devant servir à intercepter des missiles balistiques pouvant venir du Proche-Orient…

Le bouclier antimissile n’est pas dirigé directement contre la Russie, il est dirigé contre des menaces venant de l’extérieur de la zone euro-atlantique, a réaffirmé le secrétaire général de l’Otan.

Rappel :

L’assemblée parlementaire de l’Otan a assuré néanmoins que l’Alliance étudierait les moyens de réduire les tensions avec la Russie tout en abordant les violations inacceptables par la Russie des normes internationales.

OB : Je vous rappelle que quand on lit “normes internationales” ou “lois internationales”, sans en citer une seule, c’est du flan 9 fois sur 10

(©AFP / 30 mai 2016 21h51)

Source : Romandie.com, 30/05/2016

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Donc évidemment, avec une telle déclaration, la Russie va devoir réagir… Bien joué…

Rappel :

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N.B. vous notez visuellement dans ce schéma que, par habitant, l’OTAN dépense donc en moyenne bien plus que la Russie… En fait, 980 $ contre 630 $/hbt, soit la bagatelle de 50 % de plus...

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C’est là où on voit qu’il y a un sérieux problème avec nos gouvernants…

Source: http://www.les-crises.fr/lotan-appelle-les-allies-a-se-preparer-face-a-la-menace-potentielle-de-la-russie/


[2013] Voting Rights Act : mort d’une loi historique pour l’égalité raciale ?

Tuesday 31 May 2016 at 00:01

Un article un peu ancien, sur lequel je suis retombé : amusant comme on ne nous en a guère parlé, non ?

Source : Le Journal International, 01-07-2013

En 1965, le Voting Rights Act était voté sous la présidence de Lyndon B. Johnson. Victoire historique pour les défenseurs des droits civiques, il a permis de garantir légalement à des millions de noirs américains un accès égal au droit de vote durant presque cinquante ans.

D.R

D.R

Mardi 25 juin la Cour Suprême l’a amputé de sa section 5, imposant jusque là un strict contrôle fédéral sur toute tentative de modification des règles locales d’accès au vote. Retour sur le passé de cette loi d’exception, et enquête sur une décision synonyme de retour en arrière pour nombre d’Américains.

Le XVe amendement de la Constitution stipule que le droit de vote des citoyens ne doit pas être « dénié ou limité pour des raisons de race, couleur, ou de condition antérieure de servitude. » Quoique ratifié par tous les États en 1870, nombre d’États du Sud ont désiré le contourner, de manière à empêcher les noirs américains de voter. La fin des années 1870 voit la fin, ou plutôt l’échec, de la Reconstruction du sud, ainsi que la naissance des Black Codes, du Ku Klux Klan, des lois de Jim Crow et autres stratagèmes visant à annihiler les pouvoirs civiques des noirs américains. Ainsi, entre 1890 et 1910, les États réécrivent leur Constitution et créent une ribambelle de dispositifs visant à barrer l’accès au vote à leurs populations noires : taxe électorale (poll tax), droit de propriété immobilière, ou même soumission des citoyens à des tests d’alphabétisation. Les petits blancs du Sud bénéficient pour leur part d’une clause de compréhension ou de clause de grand-père, ce qui leur donne le droit de voter si leur grand-père a été en mesure de le faire. En raison du Separate but Equal, certains bureaux de vote destinés aux noirs sont déplacés voire fermés à leur insu. Les élus sont en très grande majorité blancs, et les seuls noirs en fonction se trouvent sous la menace perpétuelle de représailles mortelles.

Les années 1950-1960 voient la naissance du Mouvement des Droits Civiques avec ses figures de proue tels Martin Luther King ou Malcolm X. La NAACP (association nationale pour l’avancement des gens de couleur) et la SCLC dirigée par King sont à leur apogée. Emmet Till, adolescent noir, est assassiné en 1956 et l’un de ses meurtriers, J.W Milam, clame que les noirs ne devraient pas voter, qu’ils contrôleraient le gouvernement si tel était le cas. C’est l’époque sanglante des attentats de Birmingham en Alabama et des hot summers, mais aussi celle du Freedom Summer en 1964, manifestation visant à inscrire le plus de noirs américains possible sur les listes électorales dans l’État du Mississippi. L’Amérique prend conscience de la violence de son Sud. C’est le début d’une vague historique de réformes pour l’égalité raciale et les droits civiques.

Au cœur de ces luttes se trouve la question du vote pour tous. Après la Seconde Guerre mondiale, les soldats noirs ayant acquis des droits électoraux ne veulent pas retourner vivre dans un Sud où ils verront ces droits abrogés instantanément. En 1957 est adopté un Civil Rights Act mais aucun résultat significatif n’est observé quant aux taux d’inscription des noirs sur les listes électorales. En 1960, une autre loi semblable rend possible la nomination d’un représentant fédéral à la tête d’un système d’inscription jugé discriminatoire. Elle ne sera jamais mise en application. Le Civil Rights Act de 1964 met enfin fin à la discrimination organisée, mais ne règle encore une fois pas la question de l’accès des Afro-Américains aux bureaux de vote. Ainsi, en 1965 est adopté le Voting Rights Act, loi salvatrice qui finalement permettra l’accès des noirs aux listes électorales, sans prérequis discriminatoires.

LE VOTING RIGHTS ACT DE 1965 : SYMBOLE DE LA « GREAT SOCIETY »

Le projet de la loi était de garantir le droit de vote, le droit d’être représenté politiquement et libre d’élire le représentant de son choix, en supprimant les questions de race ou de couleur. En 1965, il n’était néanmoins applicable qu’à 9 juridictions ayant un lourd passé ségrégationniste, ainsi que de lourds dispositifs visant à barrer l’accès aux votes pour leur population noire. Ces États, hormis l’Alaska, sont pour la plupart les États conservateurs du Sud. Là-bas, moins de 50% des personnes en âge de voter étaient inscrites sur les listes électorales. En 1975, la section 4 s’étendra finalement aux États dont 5% ou plus de la population appartient à une minorité linguistique.

Les sections 2 et 3 sont liées à l’application de la suppression de la race et de la couleur sur les bulletins et dans l’accès au vote. Les sections 4 à 6 sont primordiales, d’autant plus qu’elles ne sont valides que pour 5 ans parce qu’elles impliquent des autorités fédérales dans la sphère étatique. Elles doivent alors être renouvelées si besoin est. Le Voting Rights Act était avant tout une solution éphémère, en attendant que les noirs puissent intégrer la vie politique de manière durable. En 2006, il a été reconduit par George Bush pour 25 ans.

Si les sections 6,7 et 8 sont les plus importantes, permettant aisément à un fonctionnaire du ministère de la Justice de vérifier la régularité de toutes les élections, la section 5 a été au cœur de nombreux débats, suscités majoritairement par les républicains de 1966 à aujourd’hui. Elle oblige depuis 1969 les juridictions locales à avoir le consentement du ministère de la Justice (preclearance) avant de changer tout processus électoral. Elles doivent avant tout prouver que le changement soumis ne détériore pas le pouvoir politique d’une minorité ethnoraciale.

MORT DE LA SECTION 5 : UN RETOUR EN ARRIÈRE MASQUÉ DERRIÈRE DES FAUX AIRS DE PROGRÈS RÉGIONAL

Et c’est justement ce contrôle fédéral préalable, contenu dans la section 5 de la loi d’origine, qui vient d’être supprimé par la Cour Suprême des États-Unis. Menacée depuis de nombreuses années, les spécialistes n’avaient aucun doute quand à la disparition prochaine de cette épine dorsale du Voting Rights Act, jugée de plus en plus obsolète par un grand nombre de conservateurs. Pourquoi garder au goût du jour une disposition légale restreignant de cette manière la liberté de certains États, tout en sachant que celle-ci est justifiée par des évènements et litiges disparus il y a plus de 50 ans ? La majorité des juges de la Cour Suprême ont estimé qu’il n’y avait plus aucun élément pouvant aller dans le sens du maintien de cette section, et l’ont donc purement et simplement abolie du texte original.
Crédit Photo -- San Francisco Sentinel

Crédit Photo — San Francisco Sentinel

Une telle modification soulève de nombreux doutes. La suppression de cette section peut supposer un retour à l’avant-1965, où seuls les citoyens pourront contester les autorités étatiques puisqu’il en va de la souveraineté des États. Concrètement, les autorités locales ont à présent les mains libres, ou presque, pour définir leurs propres règles quant à l’accès au vote de leur population. Les États du sud du pays n’ont plus à obtenir aucune validation fédérale préalable s’ils veulent imposer de nouvelles contraintes électorales à leurs minorités, une première depuis 1965. Les changements visant le processus électoral pourraient être les suivants : altérer les critères permettant de devenir candidat ou électeur, déplacer un bureau de vote, changer la langue des bulletins de vote ou modifier les frontières des circonscriptions électorales. Certains spécialistes n’hésitent pas à tirer la sonnette d’alarme, c’est le cas du Docteur Jonathan Holloway, professeur d’African American Studies à Yale, qui n’a pas hésité à qualifier les conséquences de ce vote de « dramatiques » pour les populations touchées. Celui-ci insiste sur le caractère difficilement réversible de cette décision : « Le gouvernement fédéral est actuellement tellement faible dès lors qu’il s’agit de s’adresser à des problèmes qui nécessitent un effort bipartisan qu’il y a peu d’espoir qu’il puisse résoudre ce problème dans le court terme », avant d’ajouter qu’en revanche « dans le moyen et le long terme, lors des prochaines législatives notamment, cette question deviendra certainement un enjeu fort, et on peut peut-être s’attendre à des efforts à ce moment-là pour rouvrir les isoloirs, mais pas avant ».

L’État du Texas, lui, a d’ores et déjà annoncé la mise en place de nouvelles règles d’accès au vote pour ses habitants, sous la forme d’un « Voter ID », carte d’identité électorale d’un nouveau genre. Le principe de ce projet est simple : bannir l’accès aux urnes à de nombreuses minorités puisqu’elles ne possèdent pour la plupart pas de permis de conduire, pas d’expérience dans la gestion de telles procédures administratives, ni de temps pour aller entreprendre les démarches nécessaires. Inutile de préciser que la loi s’oppose frontalement à toutes les évolutions observées ces 50 dernières années en matière de droits civiques. Doit-on s’attendre à une généralisation du phénomène, et à la banalisation d’un « disfranchisment 2.0 » ? La réponse est très certainement oui. L’exemple du Texas montre que la région ne va pas s’en tenir à l’immobilisme. Six des neuf États du sud concernés ont d’ailleurs déjà exprimé leur volonté d’entreprendre des réformes quant aux modalités d’accès au vote de leurs minorités, et 31 États dans l’ensemble du pays semblent enclins à suivre cet exemple. Le prochain débat pourrait porter sur la question des détenus, à qui on refuse dans certains États le droit de vote comme en Floride.

D.R

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Du côté conservateur on joue la carte de l’apaisement. Le vocabulaire est optimiste et tourné vers l’avenir d’une région souvent considéré comme un haut lieu de racisme, de pauvreté, et de violence. L’éradication de la section 5 est dépeinte comme une nécessité afin de prolonger cette évolution régionale. Comme de nombreux républicains, Robert Bentley, gouverneur de l’Alabama, projette l’image d’une décision comme signe positif de progrès de la région : « Nous avons fait un très grand nombre d’efforts afin de progresser sur cette question. Je suis convaincu que notre État peut aujourd’hui parfaitement gérer ces choses-là ». Mais que se cache-t-il derrière cette rhétorique de progrès bien huilée ? Pourquoi la Cour Suprême a-t-elle accepté de voter la mort de la section 5, tout en sachant bien que cette décision serait à l’origine d’un recul très certain des droits civiques pour les minorités ? Et surtout, pourquoi les républicains accordent-ils tant d’importance à l’effacement d’une partie du Voting Rights Actaussi fondamentale et symbolique dans l’histoire des États Unis ?

 

UNE DÉCISION BIEN PLUS POLITIQUE QU’IDÉOLOGIQUE :

Si l’exemple du Texas est intéressant, c’est avant tout parce qu’il démontre que la décision de la Cour Suprême est le fruit de motivations avant tout politiques. L’enjeu ici n’est pas purement racial, comme il l’était il y a cinquante ans. Il ne s’agit pas de limiter les droits civiques des minorités parce qu’elles sont méprisées, ou considérées comme inaptes à accéder au vote par défaut d’adéquation avec les standards de leurs concitoyens. Les États-Unis ne sont pas l’Europe et il ne faut pas mélanger les débats relatifs au vote des étrangers en France, et ce qu’il peut se passer en ce moment au Texas. La décision de la Cour Constitutionnelle est instrumentale avant d’être idéologique. Si nombre de militants des droits civiques pleurent la mort de la section 5, beaucoup sont d’ailleurs réalistes quant à la signification de cette décision. John Lewis, l’un des derniers vétérans des luttes pour les droits civiques des années 50, est l’un des démocrates les plus lucides quand il s’agit de rendre compte des motivations de la Cour Suprême. Avant même le vote décisif du 25 juin, il s’était d’ailleurs exprimé à de nombreuses reprises pour dénoncer les tentatives de disfranchisment à peine masquées des républicains. Depuis quelques années déjà ceux-ci s’étaient violemment attaqués à la section 5, non pas parce qu’elle est dépassée, mais parce qu’elle permet à un électorat grandissant, et qui leur est extrêmement défavorable de continuer à voter librement pour leurs adversaires démocrates.

Pour comprendre la logique des républicains, il suffit d’observer quelques chiffres simples. L’immigration hispanique de plus en plus conséquente ne cesse de faire changer le visage démographique des États-Unis. Si la nation américaine a toujours été mise en avant pour son métissage, ce sont les blancs qui sont jusqu’à présent restés les plus nombreux, et donc les plus déterminants au niveau électoral. Or, tout cela est en train de changer progressivement, et un recensement mené en 2010 sur la population américaine a montré que la proportion de blancs deviendrait minoritaire dès 2043 par rapport à la somme des autres populations du pays. Les « Non-Whites », comme on les appelle, pèsent de plus en plus lourd dans les calculs stratégiques des deux partis politiques, puisque leur vote a plus que jamais la capacité de faire basculer le résultat de toutes les élections. Or, ceux-ci tendent en majorité à voter démocrate. Les chiffres de l’élection de novembre 2012 ne peuvent que confirmer cette tendance : 71% des Hispaniques et 93% des Afro-Américains ont donné leur vote à Barack Obama. Le Sud du pays n’est pas épargné, et c’est même là que les populations hispaniques grandissent le plus rapidement depuis 2000. La région est de plus en plus métissée, et le vote de ses minorités tend à bousculer les logiques passées. Par le passé rouge vif, la couleur électorale de cette région tend de plus en plus vers le violet. Il y a seulement 2 semaines, 4 villes du Mississippi (Tupelo, Meridian, Starkville et Ocean Springs) ont vu leur maire devenir démocrate. Pour la plupart des bourgades citées, il s’agit d’une première, et pour cause la région est un des bastions les plus conservateurs du pays. Certains analystes en viennent à se demander si le Deep South ne pourrait pas un jour redevenir démocrate.

Piégés dans des dynamiques démographiques qui leur sont défavorables au cœur même de leurs QG historiques, les républicains ont donc préféré étouffer le mal temporairement plutôt que de le soigner à sa source. Plutôt que d’adapter leur ligne idéologique aux évolutions de l’électorat américain, et de lutter afin de devenir attractifs aux yeux des « Non-Whites », ils ont préféré taire leur voix en s’attaquant à leurs droits fondamentaux. En d’autres mots ils ont instrumentalisé la Cour Suprême afin d’effacer leur faiblesse électorale grandissante. La section 5 a été sacrifiée dans cette vaine tentative, tout comme le droit de vote de nombreux Texans qui n’auront pas la possibilité de se plier à la contrainte du voter ID. En demeurant obstiné à ne compter que sur un vote blanc de plus en plus insignifiant, le Parti républicain est bel et bien en train de se tirer une balle dans le pied. Cela ne serait pas forcément une mauvaise chose s’il n’entraînait pas dans sa chute l’héritage de plus de 50 ans de luttes pour les droits civiques. Une double peine qui aura de lourdes conséquences pour un parti qui ne pèse déjà plus grand-chose.

Par William Mouelle Makolle et Laura Wojcik, en collaboration avec Pr Jonathan Holloway, professeur en African-American Studies à Yale et Dr Ellen Hampton, professeur d’histoire à Sciences Po et à l’EHESS.

Source : Le Journal International, 01-07-2013

Source: http://www.les-crises.fr/2013-voting-rights-act-mort-dune-loi-historique-pour-legalite-raciale/