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Salaire des patrons : l’appel des 40 au CAC 40

Monday 23 May 2016 at 00:30

Excellent appel, auquel je m’associe totalement.

Je rappelle la vieille série PDG de 2011 à lire ici, une des premières réalisées sur le blog.

Et pour une fois, cet appel est intelligent, les auteurs n’ont pas cherché à mettre une limite à 20 ou 12 SMIC (c’est comme ça qu’une votation en Suisse a été bêtement perdue).

Le niveau est secondaire. Le 1er combat est de passer de “pas de limite” à “une limite”, même 150 ou 200 SMIC.

Plus c’est haut, mieux c’est, car il y aura de moins en moins d’opposants.

Quand ce sera en place et qu’un aura vu que tout s’est bien passé, on pourra discuter de passer à 90 ou 80, etc.

À mon avis, 1 million d’euros est une bonne limite.

Enfin, rappelons que pour moi, cela s’applique uniquement aux dirigeants salariés des grandes entreprises, pas aux autres professions – avocats, footballeurs, stars, là c’est à l’impôt de corriger.

Source : Libération19/05/2016

Appel des 40

Appel des 40

A l’initiative de «Libération», quarante personnalités demandent au gouvernement de légiférer pour qu’un patron ne perçoive pas plus de 100 Smic.

Parce que nous vivons une période ­inédite dans l’histoire du capitalisme contemporain. Alors que, dans les ­années 60, les rémunérations des PDG ­représentaient 40 fois le salaire moyen ­pratiqué dans les plus grandes entreprises améri­caines, cet écart a explosé pour at­teindre aujourd’hui plus de 200 au sein de ces dernières et 120 dans les sociétés ­françaises.

Parce que le gouvernement a fait en 2013 le pari de l’autorégulation et que celui-ci a échoué. Rien qu’en 2015, la rémunération ­totale des patrons du CAC 40 a augmenté ­entre 5 % et 11 % selon les évaluations, pour atteindre un montant moyen de 4,2 millions d’euros par an, soit 240 Smic.

Parce que le principal argument patronal pour justifier de telles pratiques – celui d’un marché mondial des très hauts dirigeants qui nécessiterait un alignement des salaires par le haut – n’est corroboré par aucune étude économique sérieuse et aucune réalité ­concrète.

Parce que plusieurs institutions internationales, comme l’OCDE et le FMI, s’alarment depuis plusieurs années du poids croissant des inégalités et de leurs conséquences négatives sur le potentiel de croissance de nos économies occidentales.

Parce qu’en se comportant de la sorte, notre élite économique entretient un sentiment de chacun pour soi délétère. Alors que la majorité des Français a dû consentir de gros efforts depuis la crise de 2008, ces pra­tiques patronales remettent en question ­notre pacte de solidarité, nourrissent la ­défiance vis-à-vis de nos institutions et ­alimentent le vote d’extrême droite.

Pour toutes ces ­raisons, nous demandons au gouvernement de légiférer pour que ­désormais, en France, un patron ne puisse pas être rémunéré plus de 100 Smic, soit 1,75 million d’euros par an.

On nous objectera qu’une telle loi est dif­ficile en France, car elle pourrait se heurter à une censure du Conseil constitu­tionnel.

On répondra que le gouvernement peut trouver les moyens de rendre compatible cette ­exigence d’un salaire plafond avec ­notre ­Constitution.

On nous objectera que la France sera alors le seul pays au monde à inscrire dans la loi un tel plafond.

On répondra que ce sera un motif de fierté nationale.

On nous objectera qu’à cause de cette loi, les investisseurs étrangers vont être découragés d’investir en France.

On répondra que ces derniers profiteront d’un vivier de dirigeants «bon marché».

On nous objectera que 100 Smic, c’est bien trop.

On répondra que c’est un début et que si cette loi est votée, elle obligera la quasi-totalité des patrons du CAC 40 (et donc une très grande partie de leur comité exécutif) à baisser leur rémunération d’au moins 58 %.

 Retrouvez et signez la pétition sur change.org

Et vous pouvez aussi interpeller votre parlementaire sur le sujet.

Les 40 premiers signataires:

Christophe Alévêque, humoriste et patron de PME
Claude Bartolone, président PS de l’Assemblée nationale
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT
Karine Berger, députée PS
Luc Bérille, secrétaire général de l’Unsa
Philippe Besson, écrivain
Jean-Marc Borello, président de Groupe SOS
Christophe Borgel, député PS
Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS
Patrick Chamoiseau, écrivain
Daniel Cohn-Bendit, cofondateur d’EE-LV
Carole Couvert, présidente de la CFE-CGC
Didier Daeninckx, écrivain
Cécile Duflot, députée EE-LV
Irène Frachon, pneumologue
Jean-Paul Fitoussi, économiste
Marcel Gauchet, historien
Raphaël Glucksman, écrivain et réalisateur
Benoît Hamon, député PS
Anne Hidalgo, maire PS de Paris
Nicolas Hulot, militant écologiste
Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France
Pierre Larrouturou, coprésident de Nouvelle donne
Jean Lassalle, député centriste non inscrit
Claude Lévêque, artiste plasticien
Philippe Louis, président de la CFTC
Edouard Martin, eurodéputé PS
William Martinet, Unef
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT
Dominique Méda, sociologue
Arnaud Montebourg, entrepreneur et ancien ministre de l’Economie
Serge Papin, PDG de Systeme U
Thomas Piketty, économiste
Eric Rheinardt, écrivain
Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde
Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point
Jean Rouaud, écrivain
Dominique Rousseau, professeur de droit public
Pierre Rosanvallon, historien
Henri Sterdinyak, cofondateur des économistes Atterrés
Michel Wieviorka, sociologue

 Pour nous écrire à propos de cette pétition ou proposer une contribution sur le sujet, écrivez à appel [at] libe.fr

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LIBERATION

Source : Libération19/05/2016

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Salaires des grands patrons : l’État dispose de leviers d’action pour les limiter

Source : Le Nouvel Obs, Philippe Villemus, 20-05-2016

LE PLUS. Faut-il limiter la rémunération des grands patrons ? Oui, répondent 40 personnalités dans “Libération”. “Nous demandons au gouvernement de légiférer pour que, désormais, un patron ne puisse pas être rémunéré plus de 100 Smic”, écrivent-ils. Une telle limite est-elle pertinente et possible ? Éclairage de Philippe Villemus, auteur de “Le patron, le football et le smicard”.

Édité par Sébastien Billard

Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, au salon de l'auto de Pékin, le 29 avril 2016 (F. DUFOUR/AFP).

Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, au salon de l’auto de Pékin, le 29 avril 2016 (F. DUFOUR/AFP).

La question de la rémunération des grands patrons est récurrente. Et pour cause : depuis le début des années 1990, celles-ci se sont envolées. À tel point que les patrons français sont aujourd’hui sans conteste les mieux payés du monde après les Américains…

Non seulement ces rémunérations ont augmenté à un rythme sans commune mesure avec l’évolution de la rémunération moyenne des Français, mais en plus, la situation s’aggrave encore, les écarts se creusent plus que jamais, et ce en dépit des polémiques.

Une singularité française

En matière de rémunération, il faut savoir qu’il existe bel et bien une singularité française. Si les rémunérations de “nos” patrons sont si élevées, c’est d’abord parce que cette élite est dans notre pays bien plus petite que dans d’autres.

On parle ici d’une élite d’à peu près 200 personnes, dont une bonne moitié est issue des grands corps d’État. Ils ont souvent été dans les mêmes lycées, fait les mêmes prépas, les mêmes écoles, travaillé dans les mêmes cabinets ministériels.

De par la structure du capitalisme à la française, il y a des relations très incestueuses entre ces individus, et une grande porosité entre Bercy et les conseils d’administration des grands groupes français. Conséquence : nos patrons sont des cumulards. Ils cumulent les mandats dans les conseils d’administration, et un système de renvoi d’ascenseur existe.

En France, les grands patrons sont pour la plupart d’anciens hauts fonctionnaires, là où, aux États-Unis, on note plus de concurrence, de diversité, de mouvement.

Le marché mondial des patrons ? Un mythe

Au regard de cette situation, limiter les rémunérations des grands patrons me semble à la fois souhaitable et possible.

Ceux qui refusent toute modération se cachent souvent derrière le mythe d’un marché international des PDG. Si on limite les rémunérations des patrons français, ces dernières iront travailler pour de grands groupes étrangers, disent-ils.

Ceci est pourtant un mythe dénué de toute réalité. C’est une farce inventée par l’establishment français pour justifier de gros salaires. Car à la différence du marché des footballeurs, ou du marché des cadres de haut niveau, il n’existe pas de marché mondial des patrons.

Aucun Français n’est à la tête d’une groupe du Dow Jones, aucun Français n’est à la tête d’un groupe du Nasdaq, aucun Français n’est à la tête d’un groupe du DAX. Tout juste trouve-t-on un demi PDG français au Nikkei si l’on compte Carlos Ghosn chez Nissan. Depuis 1986, date de création du CAC 40, aucun PDG français n’a même été débauché par un groupe étranger à un poste de PDG

Oui, l’État dispose de leviers d’action

L’existence d’un marché mondial des patrons étant une farce, on ne voit pas bien pourquoi l’État ne pourrait pas agir sur ce sujet. Il dispose d’ailleurs de plusieurs leviers pour le faire.

1. Augmenter la fiscalité

Si ce n’est pas à l’État de fixer le niveau des salaires dans des entreprises privées, il peut en revanche agir à travers le niveau d’imposition, en mettant en place une fiscalité dissuasive sur les très hauts salaires. Pourquoi, par exemple, ne pas imaginer un taux d’imposition de 80 ou 90% pour la part des salaires supérieures à 3 ou 5 millions d’euros ?

2. Intervenir dans les conseils d’administration

Dans les entreprises dans lesquelles il possède des participations, l’État peut aussi avoir son mot à dire dans les conseils d’administration et les comités de rémunération.

S’il ne le fait pas aujourd’hui, ou insuffisamment, c’est parce que les liens entre hauts fonctionnaires (et plus particulièrement Bercy) et grands patrons sont très forts en France, comme nous l’avons dit plus haut. Les rémunérations ne sont pas tant fonction de l’utilité ou du talent mais le résultat de l’arbitraire et de la cooptation.

3. Interdire les parachutes dorés

Derrière les rémunérations importantes des patrons français se cache un important “mille-feuille” dont le salaire n’est qu’une partie, parfois même “négligeable”. Parachutes dorés, retraites chapeau, bonus, actions s’ajoutent au salaire proprement dit. Ces dispositifs peuvent être interdits. Leur légitimité est d’autant plus posée qu’ils soulèvent un problème de responsabilité.

Les parachutes dorés, par exemple, ne sont pas autre chose qu’une incitation à l’échec. C’est bien la preuve que rémunération importante va rarement de pair avec responsabilité sociale. De même, les retraites chapeaux devraient être interdites : car pourquoi rémunérer la fonction quand on ne l’occupe plus au-delà des seuils normaux de retraite.

4. Mettre en place des contre-pouvoirs

Enfin, il est urgent de réformer la composition des conseils d’administration. Des administrateurs vraiment indépendants doivent y avoir une place et surtout, une plus grande transparence doit primer. Car le pouvoir absolu dont bénéficie les grands patrons français les a rendu jusqu’à maintenant absolument fous.

Propos recueillis par Sébastien Billard

Source : Libération19/05/2016

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Une raison de plus d’être pour :

salaires

Primo, j’attends de voir si le Conseil Constitutionnel oserait censurer ça, et sur quelle base (La déclaration de 1789 ? Ca aurait bien fait rire Danton ou Marat…).

S’il le fait, le référendum sera la bonne voie.

Il faudra en profiter pour changer la composition du Conseil Constitutionnel, qui prend de plus en plus de décisions politiques, pour qu’il ne soit plus composé que de hauts spécialistes de Droit Constitutionnel.

Secundo, Macron, ce n’est pas le ministre qui voulait plafonner… les dommages et intérêts alloués par les tribunaux en cas de licenciement ABUSIF ? Et qui pense donc qu’on ne peut pas limiter les salaires par la loi mais ne voit aucune anomalie à limiter les réparations accordées par les tribunaux à un montant inférieur au préjudice réellement subi ?

Source: http://www.les-crises.fr/salaire-des-patrons-lappel-des-40-au-cac-40/


11-Septembre : le mystère saoudien, par Alain Frachon

Monday 23 May 2016 at 00:01

Suite de notre analyse de la couverture médiatique des 28 pages, suite à l’émission 60 Minutes du 10 avril 2016.

“Et le 25e jour, Le Monde s’éveilla…” (avec un bon article au demeurant, hélas bien isolé)

Source : Le Monde, Alain Frachon, 05-05-2016

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Le document est mince, 28 pages. Mais il pourrait bientôt déstabiliser l’une des relations les plus stratégiques du Moyen-Orient : l’alliance entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis. Ces pages reposent quelque part dans un sous-sol du Congrès, à Washington, au fond d’un coffre. On n’en connaît pas précisément le contenu, qui pourrait être rendu public dans quelques semaines. Et alourdir plus encore le climat déjà orageux entre Riyad et Washington.

Vieux ménage, la Maison Blanche et celle des Saoud sont en phase de désamour. Le mariage remonte à février 1945, quand Franklin Roosevelt et le roi Abdel Aziz Al-Saoud nouent une solide union « d’intérêts » : les Etats-Unis garantissent la sécurité du royaume, qui garantit leur approvisionnement pétrolier. Soixante-dix ans plus tard, rien ne va plus.

Par la grâce des schistes bitumineux, les Américains sont moins dépendants que jamais du pétrole du Golfe. Barack Obama adresse de langoureux clins d’œil à l’Iran – la puissance régionale rivale de l’Arabie saoudite. Riyad accuse : les Etats-Unis laissent la République islamique d’Iran étendre son influence sur le Moyen-Orient par l’intermédiaire de ses alliés arabes – régime de Bachar Al-Assad à Damas, Hezbollah libanais, pouvoir chiite à Bagdad, milices houthistes au Yémen.

Gros malaise malgré la venue d’Obama

La maison des Saoud se sent trahie. La dernière visite du président américain, fin avril à Riyad, n’a pas dissipé ce gros malaise. A vrai dire, il remonte à plus loin, bien avant le « traître » Obama. Il faut revenir à ce mercredi 12 septembre 2001, quand, au lendemain des attentats du « 9/11 », Washington annonce cette nouvelle : quinze des dix-neuf terroristes sont des Saoudiens. L’affaire des vingt-huit pages commence.

Peu après l’attaque la plus meurtrière jamais perpétrée sur le sol des Etats-Unis (près de 3 000 morts), le Congrès forme une commission d’enquête. Elle est chargée d’établir les responsabilités, intérieures et extérieures. Son rapport – 838 pages – est rendu public en juillet 2004. La commission confirme la « signature » d’Al-Qaida : l’organisation de Ben Laden, alors hébergée dans l’Afghanistan des talibans, est bien le maître d’œuvre des attentats. La commission absout l’Iran et l’Irak de toute responsabilité.
Mais l’Arabie saoudite ? Après tout, les quinze Saoudiens ont été biberonnés à la version saoudienne de l’islam. Dès la petite enfance, ils ont été nourris au wahhabisme : une école de haine de toutes les autres religions. Y a-t-il une responsabilité de Ryad ? La commission a conclu qu’il n’y avait « aucune preuve que le gouvernement saoudien, en tant qu’institution, ou que des responsables saoudiens de haut niveau, en tant qu’individus », aient financé ou appuyé l’attaque du 11 septembre 2001.
Soit. Et qu’en est-il d’une éventuelle responsabilité saoudienne de « bas niveau » ? On ne le saura pas. A la demande du président Bush, les 28 pages suivantes ont été censurées. Mais, aujourd’hui plus que jamais, les familles des victimes réclament la publication de ce chapitre. De son côté, le Congrès prépare une loi autorisant un citoyen américain à poursuivre en justice un gouvernement étranger. Fureur de Riyad, qui prend tout ça très mal. Prudent, Obama vient de faire savoir qu’il mettrait son veto à ce texte.
Un diplomate saoudien impliqué
Le 10 avril, l’émission phare de la chaîne CBS, « 60 minutes », a interrogé d’anciens membres de la commission d’enquête du Congrès qui, tous, bien sûr, connaissent le contenu des 28 pages. Ancien sénateur de Floride, Bob Graham était le vice-président de la commission. Il répond à Steve Kroft, l’un des journalistes de l’émission :
« Je pense qu’il est impensable de croire que dix-neuf personnes, qui pour la plupart ne parlaient pas anglais, n’avaient jamais été aux Etats-Unis avant et qui, pour beaucoup, n’avaient pas un niveau d’éducation élevé, ont pu mener une opération aussi compliquée [que les attaques du 11 septembre] sans disposer d’un minimum de soutien logistique aux Etats-Unis.
– Un soutien d’origine saoudienne ?
– Pour l’essentiel.
– Vous voulez dire des officiels, des gens riches, des fondations en Arabe saoudite ?
– Tout ça à la fois. »
A l’antenne, les autres témoignages recueillis par CBS vont dans le même sens. Tous pointent la possible implication d’un diplomate saoudien de bas niveau en poste à Los Angeles. Il aurait aidé les deux premiers terroristes arrivés aux Etats-Unis – Nawaf Al-Hazmi et Khalid Al-Mihdhar, des Saoudiens ne parlant qu’arabe, qui débarquent en Californie en janvier 2000. Il les aurait mis en contact avec d’autres Saoudiens – membres d’une cellule dormante d’Al-Qaida ? – qui leur procurèrent un logement dans la région de San Diego et les inscrivirent à des cours de pilotage (décollage seulement).
La fuite de la famille royale
L’émission « 60 minutes » corrobore une longue enquête publiée en août 2011 par le magazine Vanity Fair. Bob Graham y déclarait déjà sa conviction : « 9/11 n’a pas pu se produire sans l’existence d’une infrastructure de soutien préexistante aux Etats-Unis. » La non-publication des 28 pages aurait été décidée pour protéger la relation américano-saoudienne. Dans les jours qui ont suivi le 11-septembre, quelque 75 membres de la famille royale d’Arabie saoudite (et une vingtaine de membres de la famille Ben Laden) ont quitté les Etats-Unis.
Aujourd’hui, nombre d’élus réclament la déclassification des 28 pages. Certains officiels saoudiens ont dit qu’ils y seraient aussi favorables. Le président Obama ne serait pas contre. Il semble prêt à suivre l’avis du Congrès et celui des chefs des agences de renseignement. Ceux-là sont toujours réticents. Ils étudient la question. Ils ont promis une réponse pour juin. Le mystère des 28 pages pourrait être bientôt levé.
Alain Frachon
Journaliste au Monde

Source : Le Monde, Alain Frachon, 05-05-2016

Source: http://www.les-crises.fr/11-septembre-le-mystere-saoudien-par-alain-frachon/


« Brexit » : « Les déserteurs ne seront pas accueillis à bras ouverts », prévient M. Juncker

Sunday 22 May 2016 at 04:00

Merci Jean-Claude – je l’attendais depuis longtemps une telle sortie !

Un génie  🙂

Source : à lire sur Le Monde

mais tout est là :

juncker

« Les “déserteurs” ne seront pas accueillis à bras ouverts », prévient Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, à un mois du référendum britannique sur le maintien, ou non, du Royaume-Uni dans l’Union européenne. « Si les Britanniques devaient dire non, ce que je n’espère pas, la vie communautaire ne continuerait pas comme avant. Le Royaume-Uni devra accepter d’être considéré comme un Etat tiers, que l’on ne caressera pas dans le sens du poil », explique M. Juncker dans un entretien au Monde.

En conséquence, gros tabac en Angleterre :

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Et là, on le coeur de la pensée d’un européiste bruxellois : comme ses précédentes interventions ont clairement renforcé le Non au référendum hollandais, il en conclut logiquement qu’il n’était pas allé assez loin dans ses menaces et son mépris, et il recommence donc, mais plus fort…

Un génie.

Source: http://www.les-crises.fr/brexit-les-deserteurs-ne-seront-pas-accueillis-a-bras-ouverts-previent-m-juncker/


Censures, par Jacques Sapir

Sunday 22 May 2016 at 01:11

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 11-05-2016

Le sectarisme a encore frappé (ou pas). Deux, parmi les « chefs » des « frondeurs », Benoît Hamon et Christian Paul, ont déclaré qu’il n’était pas question pour eux de voter une motion de censure « de droite ». La tentative de déposer une motion de censure « de gauche » ayant visiblement échoué, on devine que ces grands politiques (et leurs suiveurs) s’abstiendront. On ne sait ce qu’il y a de plus détestable dans cette attitude : le sectarisme ou l’hypocrisie. Sans doute les deux.

Du sectarisme en politique

Car, une motion de censure est un acte de défiance envers le gouvernement. Si l’on considère ce gouvernement comme « de gauche », la censure est de droite. Si l’on considère ce gouvernement comme « de droite », elle est de gauche. A partir du moment ou l’on veut voter une censure, c’est cela, et cela seul, qui compte. Qualifier une censure par les députés qui l’ont présentée n’est que pur sectarisme. Car, un acte politique ne prend sens que dans sa réalisation, et non dans son origine. Définir cet acte par qui en est l’origine est absurde, même si, dans le texte de cette motion les termes peuvent être clairement connotés. Au bout du compte, seul le résultat compte !

Mais, ajoutons que pour quelqu’un se disant « de gauche », c’est même une double absurdité que de qualifier un acte par son origine. Non seulement c’est oublier qu’en politique la dynamique d’un acte est primordiale mais en plus c’est sacrifier à un « mythe de l’origine » comme n’importe quel militant identitaire. C’est donc montrer au grand jour que son sectarisme l’emporte sur les intérêts que l’on prétend défendre.

Or, les députés représentent la Nation. Ils doivent donc s’engager sur ce qu’ils pensent et non sur qui a présenté tel ou tel texte. Dans le cas présent, la loi El Khomri divise. On peut l’approuver comme on peut la rejeter. Mais, on aura toujours plus de considération pour qui aura assumé ses choix que pour qui aura laissé le sectarisme prendre le pas sur son choix.

De l’hypocrisie en politique

Mais, on peut ici craindre le pire, et ce pire s’appelle l’hypocrisie. Car, si le sectarisme est une plaie qui défigure l’action politique, l’hypocrisie, elle, en est tout simplement la négation. On peut reprocher à un acteur politique ses erreurs, mais on ne peut lui pardonner l’hypocrisie.

Or, en prétendant défendre ses « valeurs » (et en oubliant qu’en politique on n’a que des principes) le député « frondeur » sait fort bien qu’il laisse passer la loi El Khomri qu’il prétend honnir. En se réfugiant derrière le discours sur une motion de censure « de gauche », il construit un argumentaire de justification qui lui permet d’expliquer son inaction en lui donnant les apparences de la morale. Certes, car Monsieur le « frondeur » a des certitudes, il est opposé à cette loi. Certes, il la trouve rétrograde, inadaptée aux problèmes posés, et fort dangereuse dans un contexte de chômage de masse. Mais il ne peut « en conscience » (très bon cela, coco, que d‘invoquer la conscience en un tel moment) voter une motion « de droite ». Et, comme il sait fort bien que le dépôt d’une motion « de gauche » est plus qu’hasardeux, cela va donc aboutir à ce qu’il ne vote aucune motion de censure. Le tour est joué, mais dans la honte et l’ignominie. Cette même personne va, ensuite, s’étonner du discrédit dont souffrent les partis politiques traditionnels, sans même voir que son propre comportement est à l’origine du dit discrédit.2222

Tout est donc dit sur les « frondeurs », sur leur sectarisme, leur hypocrisie et leur lâcheté, sur ce qu’ils sont et ceux qu’ils ne représentent pas. Ajoutons, cependant, que le sectarisme et l’hypocrisie ne se manifestent pas seulement au Parlement. Car, ce sont ces deux maux qui sont aussi à l’œuvre au sein du mouvement social, et en particulier sur la question de l’Euro. On se souvient de ceux qui, n’est-ce pas Fréderic Lordon, défendaient une sortie « de gauche » de l’Euro. Comme si cela avait un sens…Assurément, il y aura débat sur la politique à mettre en place après la sortie de l’Euro, et cette politique pourra être « de gauche » ou « de droite ». Mais, pour que ce débat ait lieu, il faudra d’abord être sortie de l’Euro, et cela n’est ni de gauche, ni de droite. On est pour ou l’on est contre, mais ici aussi, comme sur la question du vote de la censure, vouloir faire parade de sa gauchitude comme pourrait le dire une ministre que je ne nommerai pas, c’est tout simplement faire preuve d‘hypocrisie et donc de lâcheté.

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 11-05-2016

Source: http://www.les-crises.fr/censures-par-jacques-sapir/


Les cinq méthodes de l’industrie pharmaceutique pour nous bourrer de médicaments inutiles, par Sarah Lefèvre

Sunday 22 May 2016 at 01:01

Très bonne enquête du site Reporterre, que je vous recommande

Source : Reporterre, Sarah Lefèvre, 10-02-2016

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L’industrie pharmaceutique va bien, très bien même. Grâce aux Français, leurs plus fidèles clients au monde, mais d’abord grâce à un intense et efficace travail de l’ombre auprès des autorités politiques et sanitaires et des médecins. Si la santé des laboratoires est renforcée par ces pratiques, ce n’est pas le cas de celle des patients.

Au concours des consommateurs du comprimé, les Français figurent toujours sur la première marche du podium. En moyenne : quatre comprimés avalés par jour pour l’ensemble de la population et une facture de 34 milliards d’euros en 2014. Soit 2,7 % de plus que l’année précédente, dont 20 milliards pris en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie. Parallèlement, l’industrie pharmaceutique s’affirme comme la plus rentable au monde et elle ne cesse de progresser : 639 milliards d’euros de chiffres d’affaires global pour le secteur en 2013, en croissance de 4,5 % par rapport à 2012. Il y a 10 ans, un rapport de la Chambre des Communes anglaises sur l’industrie pharmaceutique concluait : « Elle est maintenant hors de tout contrôle. Ses tentacules s’infiltrent à tous les niveaux » (texte en bas de cet article). Le constat est-il toujours d’actualité ? Comment s’y prend-elle, dans quelles strates se fond-elle pour maintenir notre dépendance et commercialiser toujours plus de nouvelles molécules ?

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Tout commence par le cabinet du médecin traitant : le principe concurrentiel de la médecine libérale et payée à l’acte implique la notion de satisfaction. Claude Malhuret, sénateur UMP, a proposé plusieurs amendements en faveur de l’indépendance du corps médical face au lobby pharmaceutique lors du vote de la loi santé. « Les médecins sont prêts à tout pour garder leurs patients. Alors ils répondent à leurs demandes. Les somnifères, les benzodiazépines[anxiolytiques]… C’est un scandale, ça tue les vieux ! C’est normal, quand on est vieux, de ne dormir que cinq heures par nuit. Tous ceux qui en prennent à long terme – pas plus de six semaines normalement – sont finalement dépendants et subissent un déficit cognitif d’autant plus fort qu’ils sont âgés. » Dans ce système régi par la rentabilité et la réponse aux besoins immédiats du patient, pas le temps de s’intéresser en profondeur aux origines des troubles du sommeil ou d’une dépression, comme l’explique Jean-Sébastien Borde, président du Formindep, collectif de médecins qui œuvre pour une formation indépendante. « Nous sommes parmi les champions du monde de la consommation des anxiolytiques. Or l’accompagnement de ces pathologies prend du temps si l’on veut comprendre ce qu’il se passe, tandis que la prise d’un médicament va soulager automatiquement. C’est la conjonction d’un manque de praticiens et d’un nombre de consultations très élevé pour chacun qui conduit à ces prescriptions très importantes. »

 1. Manipuler le baromètre thérapeutique

Cette surconsommation de médicaments est encouragée par les labos. Première technique : modifier le seuil à partir duquel le médecin doit prescrire. Prenons l’exemple de l’hypertension, à l’origine de troubles cardiovasculaires, qui représente la moitié du marché médicamenteux de la cardiologie, selon Philippe Even, ex-président de l’institut Necker [1] et fervent militant anticorruption. « L’industrie, puis les agences de santé et les médecins ont redéfini l’hypertension à 14, contre 16 auparavant. Alors que la tension moyenne de la population se situe aux alentours de 13. Ça a l’air de rien comme ça, je n’arrive pas à réveiller les gens à ce sujet, mais qu’est-ce que cela signifie ? » Le professeur émet un bref silence avant de hausser le ton. « Cela veut dire quadrupler le marché des antihypertenseurs, parce qu’il y a quatre fois plus de gens qui ont une tension entre 14 et 16 ! »

2. À nouvelles maladies, nouveaux marchés

Autre tendance, la transformation de facteurs de risque en maladies. Exemple phare : le cholestérol, « notre ennemi à tous ». Parmi les traitements « blockbusters », le Crestor, du laboratoire Astrazeneca. Il est la troisième référence pharmaceutique la plus commercialisée au monde. Cette pilule anticholestérol fait partie de la famille des statines, prescrites à outrance et souvent à vie. « Cinq millions de gens sont traités avec des statines en France, explique Claude Malhuret. Contre un million seulement qui en auraient besoin. » Seules les personnes qui ont déjà eu un accident cardiovasculaire devraient en consommer, selon lui. Quid des quatre millions de personnes qui en prennent inutilement ? Les effets secondaires recensés sont lourds : insuffisance rénale, troubles musculaires, cognitifs, hépatiques, impuissance, myopathie, cataractes. Le sénateur enchérit : « Le jour où toutes ces personnes âgées qui consomment des statines et autres somnifères vont mourir d’un accident médicamenteux, personne ne va s’en occuper ou bien même s’en soucier. Elles seront mortes de vieillesse, comme tout le monde ! » 20.000 accidents dus à de mauvaises prescriptions sont recensés chaque année en France. Un chiffre sous-estimé selon Michèle Rivasi, députée européenne EELV« du fait des carences de notre système de pharmacovigilance ».

3. Chers visiteurs médicaux

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Une vigilance qui doit s’opposer à l’omniprésence du marketing. Les médecins sont quotidiennement sollicités par les visiteurs médicaux qui assurent la promotion des nouvelles molécules. « Les lobbies sont omniprésents dans les couloirs des hôpitaux, affirme Jean-Sébastien Borde, du Formindep. Or, le médicament prescrit par le spécialiste aura tendance ensuite à être prescrit par le généraliste à la sortie de l’hôpital. » Et cette promotion fonctionne à merveille, selon une étude de 2013 publiée dans Prescrire, la seule revue médicale indépendante en France. Les médecins qui reçoivent le plus de consultants ont les ordonnances les plus généreuses. Ces mêmes praticiens reçoivent plus de patients, pour des temps de consultation plus courts et lisent davantage de presse gratuite financée par les firmes elles-mêmes. Les visiteurs tentent d’instaurer « une relation amicale » avec les médecins et offrent petits-déjeuners ou déjeuners, proposent d’organiser le pot de départ des internes… 244.572.645 € : voici le montant total des cadeaux des firmes pharmaceutiques aux médecins entre janvier 2012 et juin 2014, recensés par le collectif Regards citoyens.

4. Séduire les leaders d’opinion

Les Key Opinion Leaders, alias KOL, ou leaders d’opinion, clés de voûte de la promotion des médicaments, interviennent en première ligne, avant et après l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments. Ils sont rémunérés pour réaliser les essais cliniques, les valider puis prêcher la bonne parole durant les congrès de spécialistes, dont les déplacements, frais de bouche et hôtels sont pris en charge par les labos, pour eux comme pour leurs confrères présents sur place. En tant que chef du service de gériatrie à l’hôpital Pompidou, à Paris, Olivier Saint-Jean a le profil parfait. « Je suis un KOL négatif », affirme-t-il pourtant. Le professeur refuse de prescrire les seuls traitements « inutiles voire dangereux » qui existent aujourd’hui contre la maladie d’Alzheimer. « C’est complexe pour nous de dire : “Je n’ai rien à vous prescrire.” Mais à partir du moment où je me suis rendu compte que le traitement était dangereux pour les patients, j’ai basculé et j’ai dit à mes étudiants à l’université que cela ne marche pas. » En 2006, l’Inserm lui demande d’étudier de plus près les analyses de ces médicaments. Résultat : il démontre leur inutilité, et révèle qu’ils peuvent s’avérer toxiques pour des patients justement atteints de troubles de la mémoire. « Je me suis fait insulter par mes confrères, raconte-t-il. Certains, en lien avec les labos, disaient qu’il était criminel de dire que ces médicaments étaient inefficaces. » KOL négatif, donc non rentable, brebis égarée d’un star système qu’il décrit par ailleurs pour y avoir participé quand la recherche était encore teintée d’espoir.

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« Il y a trente ans, ces personnes âgées restaient dans les hospices et les fonds de salle des hôpitaux psychiatriques. Puis, les labos ont proposé des médicaments en parallèle de professionnels qui se bougeaient pour avoir une vraie reconnaissance de ces malades. J’ai eu des liens d’intérêts avec les labos à ce moment-là. On avait vraiment envie de faire mieux. Cela m’arrivait d’aller faire des formations à des médecins traitants et puis, c’est vrai que je repartais avec un chèque. Parfois réinjecté dans le service, parfois dans ma poche. » À l’heure où le montant des crédits alloués à la recherche ne cesse de baisser, de plus en plus de chefs de service, les « patrons », comme on les appelle, acceptent la manne des études diligentées par les labos.

Mais alors quelle différence y a t-il entre lien et conflit d’intérêts ? Claude Malhuret s’est battu au Sénat en 2015 lors du vote de la loi santé de Marisol Touraine pour imposer des amendements en faveur de plus de transparence entre les firmes et le corps médical. « Un laboratoire vous demande par exemple d’effectuer des recherches pour approfondir la compétence sur une pathologie. Vous réalisez cette étude, vous amenez donc des résultats et êtes rémunéré pour les services que vous avez rendus au laboratoire mais vous n’êtes pas en situation de conflit. Au contraire, il y a conflit d’intérêts lorsque, en échange d’une rémunération, vous apposez votre signature en bas d’une étude que vous n’avez pas pris le temps de suivre, de réaliser vous-même. » Ceux-ci sont une minorité insiste Philippe Even dans son dernier ouvrage Corruptions et crédulité en médecine : il identifie par exemple « les six cardiologues parisiens les plus liés à l’industrie ». Ce sont eux qui agissent ensuite auprès des autorités publiques, puis qui deviennent membres et présidents des agences de santé et livrent leurs recommandations au ministère pour les autorisations de mise sur le marché (AMM).

5. Contrôler les études et les consciences

Une fois l’AMM obtenue, une grosse machine en trois étapes se met en branle. La première est celle de la diffusion orale : « Il faut que des universitaires aillent de congrès en séminaires répandre la vérité sur la dernière merveille du monde qui vient d’arriver », raconte Philippe Even. Aux États-Unis, des médecins que l’on appelle les « Tour Doctors » passent des contrats d’orateurs avec les firmes.

C’est à ce moment-là que la presse s’en empare, c’est la deuxième phase. Les firmes s’arrangent alors pour faire signer les articles par les spécialistes des pays au plus fort potentiel de marché : États-Unis, Europe, Japon, Chine, Brésil. « Le plus souvent, ils lisent l’article écrit par des sous-traitants de l’industrie et le signent », poursuit l’auteur de Corruption et crédulité en médecine. Nos consultants ou leaders d’opinion ont ensuite la charge de répercuter la promotion dans leurs pays respectifs, dans les journaux locaux, sur les plateaux télé. « Et alors de nombreux journaux, même réputés, tombent dans le panneau : “Un expert mondialement reconnu”, lit-on dans Le Monde ou dans Le Figaro, par exemple… Reconnu à l’intérieur du périph, oui ! » rit Philippe Even, avant de poursuivre. « Or, ces journaux, comme les journaux spécialisés ne vivent plus que grâce à la pub et donc à l’industrie. » D’ailleurs, quel secteur se porte encore mieux que l’industrie pharmaceutique ? Justement celui de ces journaux médicaux. « Alors que les firmes pharmaceutiques réalisent en moyenne 20 % de bénéfices par an, les organes de publication en réalisent 30 % ! » affirme le président de l’institut Necker.

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Dernière phase : le médicament doit être recommandé par les prescripteurs et les sociétés dites savantes, comme les fédérations de santé, qui sont des centaines en France. La fédération de cardiologie par exemple, celle de l’hypertension, la société d’athérosclérose, etc., financées par les laboratoires : « Elles émettent des recommandations officieuses. Pour les rendre officielles, la Haute Autorité de santé reprend les articles d’experts qui les ont rédigés pour les firmes. À travers ces trois étapes, les congrès, les journaux, les sociétés et agences de santé, on peut dire que les sociétés tiennent directement la plume des prescripteurs. »

Sur les 2.000 médicaments commercialisés (10.000 au total avec les copies), seuls « 200 sont utiles », selon Philippe Even. Michel Thomas, professeur en médecine interne [2] à Bobigny, va plus loin. Il a publié une étude en 2013 recensant 100 médicaments vraiment indispensables. « On considérait qu’il y avait beaucoup trop de consommation de médicaments en France et qu’il fallait se pencher sur l’essentiel. » Après validation auprès d’une centaine de médecins internistes français, la liste se réduit aujourd’hui à 85 références, hors traitements de maladies rares et anticancéreux, pour une prise en charge de « 95 % des pathologies de départ ». Michel Thomas attend avec impatience de voir si, comme prévu dans la loi de santé, une liste des médicaments « préférentiels » inspirés de la sienne verra le jour. « Le Leem, le syndicat des firmes pharmaceutiques en France, a fait une offensive lors de la discussion de cette loi pour tenter de l’interdire, mais cette proposition a retenu l’aval de l’Assemblée et du Sénat », se félicite-t-il. Reste à savoir quand et comment sera promulguée cette loi de santé, car, comme il le dit, « les décrets d’application peuvent tout changer ».


« L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE EST MAINTENANT HORS DE TOUTCONTRÔLE »

Voici un extrait d’un rapport de 2006 de la Chambre des Communes anglaise sur l’industrie pharmaceutique, dont les conclusions ont été reprises par l’ONU en 2008. Selon les médecins contactés, ce rapport est toujours valable.

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« L’industrie pharmaceutique trahit ses responsabilités à l’égard du public et des institutions. Les grandes firmes se sont de plus en plus focalisées sur le marketing, plus que sur la recherche, et elles exercent une influence omniprésente et persistante, non seulement sur la médecine et la recherche, mais sur les patients, les médias, les administrations, les agences de régulation et les politiques. (…) Elle s’est imbriquée dans tout le système, à tous les niveaux. C’est elle qui définit les programmes et la pratique médicale. Elle définit aussi les objectifs de recherche de médicaments sur d’autres priorités que celles de la santé publique, uniquement en fonction des marchés qu’elle peut s’ouvrir. Elle détermine non seulement ce qui est à rechercher, mais comment le rechercher et surtout comment les résultats en seront interprétés et publiés. Elle est maintenant hors de tout contrôle. Ses tentacules s’infiltrent à tous les niveaux. Il faut lui imposer de grands changements. »

Source : Reporterre, Sarah Lefèvre, 10-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/les-cinq-methodes-de-lindustrie-pharmaceutique-pour-nous-bourrer-de-medicaments-inutiles-par-sarah-lefevre/


Revue de presse internationale du 22/05/2016

Sunday 22 May 2016 at 00:01

Merci à nos contributeurs pour cette revue internationale. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-22052016/


Revue de presse du 21/05/2016

Saturday 21 May 2016 at 04:00

La revue de la semaine, et de la précédente… Merci à nos contributeurs. Bonne lecture !

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-21052016/


The Big Short, le casse du siècle

Saturday 21 May 2016 at 02:05

Comme je viens de le voir en DVD, je vous recommande hautement ce film, drôle et très éclairant sur la crise des Subprimes

Source : Le journal du geek, Elodie, 22-12-2015

The Big Short, réalisé par Adam McKay, dépeint comment l’intuition d’un ex-neurochirurgien devenu financier le fera parier gros sur les subprimes, ces prêts risqués octroyés à tour de bras, et préfigurera la crise immobilière américaine qui entraîna avec elle l’économie mondiale.

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La crise, on en entend parler depuis bientôt 10 ans maintenant, on en aurait presque oublié qu’elle vient des États-Unis et trouve son origine dans la crise des subprimes, du nom de ces emprunts risqués, pourris dirons d’autres, accordés allègrement car très lucratifs pour le préteur.

L’emprunteur quant à lui est attiré par des taux très bas… au départ. Divers montages financiers complexes cachent l’arbre et la forêt avec : en cas de défaut de paiement, la revente du bien doit rembourser le prêteur. Mais cela ne fonctionne qu’au sein d’un marché immobilier en croissance constante. Dans le cas inverse, c’est tout le château de cartes qui s’effondre. Et devinez ce qu’il s’est passé en 2007 ?

Bien avant que cette bulle immobilière n’éclate, en 2005 au centre de la finance mondiale, à Wall Street, un homme de la Deutsche Bank, ex-neurochirurgien borgne atteint du syndrome d’Asperger répondant au nom de Michael Burry (interprété par Christian Bale, parfait), trouve l’anguille sous le rocher et prend le risque, contre l’avis de tous, patron et investisseurs, de parier contre ces taux d’emprunts qui paraissent trop beaux pour être vrais et donc contre les banques qui les proposent, soit les plus grosses du pays.

Justement en langage financier, « parier contre » se dit « to short ». D’où le titre, The Big Short.

[Bon, le titre du film est tiré du livre éponyme de Michael Lewis, dont les livres The Blind Side: Evolution of a game et Moneyball: The Art of Winning an Unfair Game donneront également des films très remarqués (The Blind Side avec Sandra Bullock honoré d’un oscar pour son rôle et Le Stratège, déjà avec Brad Pitt et Jonah Hill)].

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Et en effet, le pari sera gros, mais Burry ne sera pas le seul à miser, anticiper la crise immobilière et parier contre le marché.

Jared Vennett (Ryan Gosling et sa moumoute noire en mode bichon) sent l’opportunité et entraîne avec lui un fonds d’investissement dirigé par Mark Baum (excellent Steve Carell), financier atypique puisque pourvu d’une conscience, d’abord réticent, puis finalement partant pour tenter l’aventure.

De jeunes entrepreneurs plein d’avenir et de bagout, créateur d’un fonds d’investissement amateur et qui veulent se faire une place au soleil prendront le train en marche, aidés par un ancien trader repenti et retraité, Ben Rickert interprété par Brad Pitt, également producteur du film.

Tous ensembles, mais chacun de leur côté, ils vont réaliser le casse du siècle, au nez et çà la barbe des banques les plus puissantes du monde, aveuglé par les rendements espérés.

Voilà pour la mise de départ. Quant au scénario, malgré une fin plus que prévisible puisque connue de tous, il est fou, bien ficelé, inimaginable et pourtant 100 % réel.

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Ce film réunit donc un casting 5* : Christian Bale, qui n’est jamais aussi excellent que lorsqu’il semble totalement possédé par ses personnages, Ryan Gosling, qui a plus de répliques que dans Drive et Only God forgives réunis (ce qui devrait contenter les haters… ou pas) et se révèle excellent dans son rôle de financier sans état d’âme qui martyrise son assistant. Gosling retrouve d’ailleurs son partenaire de Crazy Stupid Love, Steve Carell.

Depuis Foxcatcher, Carell dévoile une autre facette de son jeu qui n’est pas pour nous déplaire : déjà excellent avec la bande de Wil Ferrell ou dans 40 ans toujours puceau de Judd Apatow, Steve Carell nous prouve que les étiquettes ne sont faites que pour ceux qui les distribuent. Enfin, Brad Pitt en trader repenti et parano (à raison ?) enfile son costume avec aisance.

Adam McKay a réussi la prouesse de parler d’un sujet assez repoussant et rébarbatif, l’économie, et d’en faire un film riche, dense, palpitant, révoltant, énergique, cynique, loufoque et franchement réussi.

Le montage happe le spectateur dans un tourbillon pour ne l’éjecter sur son siège qu’au générique de fin, hébété et révolté par cette crise dont beaucoup annonçaient qu’elle signerait la fin du capitalisme tel qu’on l’avait connu…

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The Big Short est un thriller financier captivant aussi emporté que l’éclatement de la bulle immobilière fut retentissant et dévastateur. Pour ceux qui n’y connaissent rien à l’économie, aucun risque d’être perdu, le film s’offre des petites parenthèses où les termes techniques les plus compliqués sont expliqués par des stars qui réalisent des caméos savoureux (mention spéciale à Margot Robbie).

On reconnait là la patte de ce réalisateur habitué des comédies loufoques comme Anchorman (Présentateur vedette, la légende de Ron Burgundy), Frangins malgré euxAnt-manVery Bad Cops ou encore Ricky Bobby roi du circuit : les répliques fusent, le ton est enlevé et l’humour forcément (voire férocement) noir et cynique. À noter, une bande originale des plus soignées où se croisent Gorillaz, Gnarlz Barkley et Led Zeppelin.

The Big Short, c’est l’histoire d’une catastrophe annoncée qui semble devoir inlassablement se reproduire.

Source : Le journal du geek, Elodie, 22-12-2015

 

THE BIG SHORT : Le Casse du Siècle – Bande-annonce officielle (VF) [au cinéma le 23 décembre 2015]

Source : Youtube, 09-10-2015

Source : Youtube, 09-10-2015

Source: http://www.les-crises.fr/critique-the-big-short-le-casse-du-siecle/


Propagande de Guerre et médias mensonges ?, par Michel Collon

Saturday 21 May 2016 at 02:03

Source : Youtube, Thinkerview, 19-04-2016

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Interview de Michel Collon : Écrivain Journaliste indépendant, Belge.

 

Source : Youtube, Thinkerview, 19-04-2016

Source: https://www.les-crises.fr/propagande-de-guerre-et-medias-mensonge-par-michel-collon/


François-Bernard Huyghe : « On assiste à une hollywoodisation de l’information »

Saturday 21 May 2016 at 00:01

Source : Info Syrie, Louis Denghien , 23-06-2011

Unknown1Titulaire d’un doctorat d’Etat en sciences politiques et chercheur habilité en sciences de l’information et de la communication, François-Bernard Huyghe, né en 1951, est un spécialiste reconnu des médias et techniques de communication appliqués à la géopolitique et aux conflits qu’elle connaît comme aux idéologies qui structurent les affrontements internationaux, du terrorisme islamiste aux croisades du Nouvel Ordre mondial. Déjà à l’origine, via l’ouvrage éponyme (1987), du concept de « soft-idéologie », F.-B. Huyghe a créé plus récemment le néologisme « infostratégie » qui définit assez bien le champ de ses recherches et travaux dans les champs de l’intelligence économique, de la médiologie ou la polémologie. Ses compétences lui ont permis d’enseigner au Celsa de l’université Paris IV-Sorbonne, à l’université de Limoges et à l’Ecole de Guerre Economique ainsi que dans divers organismes d’analyse comme L’Institut de Relations internationales et stratégique (IRIS) où il est expert associé. F.-B.Huyghe a en outre créé l’Observatoire géostratégique de l’Information en Ligne. Il est également l’auteur ou le co-auteur d’une quinzaine d’ouvrages qui font référence.

Il a bien voulu nous donner son analyse de la situation en Syrie, et du traitement médiatique et politique qu’elle inspire, notamment en Occident. Et, par delà le cas de la Syrie, aborder la genèse et les manifestations de la désinformation made in USA (ou en Occident).

Dernier ouvrage paru : Les terroristes disent toujours ce qu’ils vont faire, avec Alain Bauer, P.U.F. 2010.

 

La désinformation a longtemps été considérée, chez nous, comme une réalité essentiellement soviétique. Quand commence-t-on à prendre conscience d’une désinformation « à l’occidentale » ?

-F.-B. Huygue : La désinformation soviétique était une désinformation de services secrets et s’exerçait via des supports classiques comme la presse écrite, ou les documents écrits – qu’on se souvienne par exemple des faux carnets secrets d’Hitler ; la désinformation occidentale a, bien sûr, toujours existé. On a en simplement réalisé toute l’ampleur avec la première guerre du Golfe où il y avait, via CNN, un monopole américain de la représentation du conflit : en bref, si les Irakiens voulaient se voir mourir, il fallait qu’ils regardent CNN. Les autorités américaines tenaient là leur revanche de la guerre du Viet Nam, où ils avaient, en quelque sorte, été trahis par leur propre presse, qui relayait à l’envi toutes les atrocités et bavures commises par l’armée américaine, et qui se livrait, dans les faits, à une véritable campagne de démoralisation de cette armée. Rien de tel en Irak où la presse a collaboré avec l’institution militaire, qui délivrait les accréditations aux journalistes « embeded » – intégrés aux unités militaires et littéralement commandés par les « communication officers« . On s’est vite rendu compte que l’énorme couverture médiatique de cette guerre n’a absolument pas empêché la floraison – et la diffusion mondiale – des bobards de guerre, comme le plus gros canon (irakien) du monde, la marée noire provoquée par Saddam, les bébés koweiti sous couveuse débranchés par les soldats irakiens, sans parle du statut flatteur de « quatrième armée du monde » décerné à l’unanimité de la presse occidentale aux troupes de Saddam Hussein. Au même moment – 1990-91 -, le bloc de l’Est s’effondre, ce qui donne à l’Ouest, et singulièrement aux Américains, le monopole de la désinformation d’échelle universelle.

Bien sûr, toutes ces manip’s ont été assez vite décelées, dénoncées, analysées ; j’ai moi-même participé à nombre de colloques où l’on s’est penché sur cette désinformation made in USA. Ce qui n’a pas empêché l’intox de se poursuivre, notamment lors de la deuxième guerre du Golfe en 2003 avec les fameuses et imaginaires « armes de destruction massive  » de Saddam. De toute façon, la désinformation, ça ne marche qu’a une seule et unique condition : si elle répond aux attentes du récepteur ; bref, la désinformation ne peut se faire qu’avec le consentement de l’opinion, qui n’a ni le temps ni l’envie de remettre en cause ses préjugés sur telle ou telle question. Et plus le public aura été préparé psychologiquement par les médias, plus il réagira comme le souhaitent les manipulateurs : on est donc là en présence d’un cercle assez vicieux.

La désinformation est, aujourd’hui et maintenant, essentiellement liée à ce que mon maître Régis Debray désigne comme « vidéosphére » : tout passe par l’oeil de la caméra qui a de plus en plus tendance à « scénariser » l’information, avec ce qu’il faut de drames, de « gentils » évidents et de « méchants » indéfendables. On assiste depuis vingt ans, sous l’influence des moyens et de l’idéologie des Américains, à une hollywoodisation de l’actualité, où l’Amérique et ses alliés sont, bien sûr, les bons et des gens comme Saddam Hussein, Milosevic, Ahmadinejad, Kadhafi – Poutine dans une certaine mesure – et, plus récemment, Bachar al-Assad sont les méchants de ce film.

Ce phénomène est porté encore par deux grands événements : d’abord la démocratisation de l’information par internet pour faire circuler, ou même fabriquer, de l’information, ou de la désinformation. Tout le monde peut se connecter à tout le monde en un  temps record. Ca peut donner les mots d’ordre et convocations à des manifs politiques lancés par de jeunes Tunisiens et Egyptiens sur Facebook et Twitter. Evidemment, l’impact du message d’un individu va être néanmoins fonction des moteurs de recherche, ou des communautés disposées à relayer ce message.

Ensuite il y a ce phénomène contemporain que j’appellerai le scepticisme de masse : s’il se passe par exemple un événement comme le 11 septembre, il peut se trouver beaucoup de gens pour nier sa réalité, parler de complot et de trucage. Cette négation, cette méfiance sont nourris par la désidéologisation, la fin des grands récits idéologiques (communisme, libéralisme triomphant), le discrédit des discours officiels. L’atomisation des sources de l’information – on n’est plus à l’époque où le 20 heures de Poivre d’Arvor était une grand-messe fédératrice de l’information – facilite les discours et interprétations dissidents : l’internaute est seul devant son écran, séparé du monde par lui et il peut, plus facilement, se fabriquer son propre univers, sa propre info.

On aurait pu croire que cette méfiance, cette prise de distance d’avec les vérités médiatiques assénées aurait un effet positif, dans le sens d’un meilleur esprit critique du citoyen, qui n’accepterait plus les bobards d’antan. Eh bien pas du tout ! Les bobards existent plus que jamais, et si d’aventure ils sont découverts, il est trop tard, comme en Irak. Et surtout, il existe une désinformation par le scepticisme : on nie les évidences, au profit de thèses conspirationnistes ou carrément fantaisistes, impliquant jusqu’aux extra-terrestres.

Et puis il y a internet, arme à double tranchant ; d’un côté on a, notamment aux Etats-Unis, des enquêteurs du web très consciencieux et sérieux : ce sont par exemple des internautes américains qui ont démonté la supercherie de la liesse populaire au moment du renversement de la statue de Saddam à Bagdad, en montrant les camions qui avaient acheminé la poignée de manifestants encadrés par les G.I.’s. Mais d’un autre côté, ce scepticisme de masse peut être exploité par une foultitude de complotistes et de détraqués pour qui, comme dans la série des X-Files, « la réalité est (forcément) ailleurs« .

Et puis, bien sûr, des puissances politiques ont intérêt à la désinformation. En cette ère de l’image, il est devenu essentiel de décrédibiliser les images fournies par le camp opposé. L’exemple qui me vient à l’esprit est celui de cet enfant palestinien tué dans les bras de son père par des balles israéliennes au cours de la seconde intifada ; cette image terrible est devenue une icône pour la cause palestinienne ; à tel point que des spécialistes des services israéliens se sont acharnés à la décrédibiliser en faisant une sorte de révisionnisme, en affirmant que les images de la mort de l’enfant ont été truquées en arguant de l’angle de tir, de la nationalité palestinienne du cameraman ayant filmé la scène, en parlant d’ombre impossible, etc.

La vérité devient d’autant plus difficile à cerner et à imposer que, dans un monde divisé et compliqué, il peut y avoir de vrais complots, de même qu’un paranoïaque peut faire l’objet d’une vraie persécution ! Et puis, circonstance aggravante de la confusion, on peut mentir pour une cause vraie ou justifiée : il y a certainement eu des bilans exagérés de morts du côté palestinien, il n’empêche que Tsahal tue des civils palestiniens et que la cause palestinienne est éminemment défendable.

-Voilà qui nous amène à la Syrie, avec cette histoire de lesbienne damascène persécutée par le pouvoir qui se révèle être un Américain barbu de 40 ans installé en Ecosse..

-FBH : Exactement, ce type en substance a expliqué qu’il avait menti, mais pour témoigner d’une réalité vraie ! On pourrait bien sûr parler de la fausse démission de l’ambassadeur de Syrie dont on a (mal) imité la voix. Et les fameux réseaux sociaux sont souvent des amplificateurs de trucages ou de fausses nouvelles. On ne peut pas dire que la corporation des blogueurs sorte renforcée de cette histoire. En ce qui concerne les journalistes professionnels qui répercutent ces montages, il faut dire à leur décharge relative qu’ils travaillent souvent dans des conditions d’urgence, avec des moyens limités, qui ne leur permettent pas de vérifier dans les délais voulus l’authenticité d’une nouvelle.

Mais, tout de même, il y a des ressorts idéologiques ou géopolitiques à la désinformation, en Syrie comme ailleurs…

-FBH : Bien sûr ! L’idéologie, c’est quand les réponses précèdent les questions, comme disait Althusser. L’idéologie, c’est une interprétation de la réalité, qui nous structure, et la vie serait probablement invivable sans idéologie. En Occident, la majorité des gens fonctionnent avec ce que j’ai pu appeler la « soft-idéologie », minimaliste car réduite aux droits de l’homme et à une liberté abstraite, et basée sur le principe qu’il n’existe pas d’alternative au système et à ses valeurs. Du coup, en Syrie, comme en Tunisie ou en Egypte, le consommateur d’infos occidental va spontanément se ranger du côté des manifestants luttant pour la « liberté », surtout si ces manifestants par leur côté jeune et branché ou au moins « démocrate » ont un air de parenté avec les Occidentaux, et que les régimes auxquels ils s’opposent paraissent dictatoriaux, archaïques ou au moins psychorigides. L’identification est d’autant plus facile chez l’internaute français ou anglais qu’il lui suffit d’un clic pour s’associer, sans trop de risque, au mouvement. Et puis on ne sait pas – et on ne réfléchit pas – au type de régime que pourraient mettre en place ces manifestants : il se peut, en Egypte comme en Tunisie – comme en Syrie aussi – que les insurgés portent finalement au pouvoir des islamistes du type Frères musulmans, pas vraiment « cools » d’un point de vue jeuniste occidental !

Mais si on objecte ça l’opinion dominante a tôt fait de vous faire passer pour un salaud soutien des dictateurs, ou désinformateur au service du Baas (par exemple), risque que je prends moi-même en ce moment en vous disant ceci sur votre site (rires). Mais encore une fois, on est confronté à un phénomène d’hollywoodisation de l’info, les blogueurs, mais aussi les médias »sérieux », étant de plus en plus dans le storytelling, la belle histoire avec une fin édifiante qui verrait la victoire des « gentils » sur les « méchants ». Et tant pis pour le manichéisme, le refus de la complexité du monde.

-Il y a aussi certainement chez les journalistes un tropisme du changement, une forme de « bougisme » appliqué à l’actualité internationale…

-FBH : Sans aucun doute. Mon ami le chercheur en médiologie Daniel Bougnoux a résumé le problème des médias par cette formule trinitaire : « l’argent-l’urgent-les gens ». L’argent, c’est l’exigence de la rentabilité et d’un bon taux d’audience ; l’urgent, c’est la disponibilité réduite, brève, de l’attention du public, et la brièveté croissante du délai d’enquête ou de vérification dont dispose le journaliste, dans un monde de concurrence exacerbée et accélérée ; les gens, c’est les journalistes, milieu réduit et fort différent, dans son mode de vie et ses opinions, du reste de la population : il y a une déformation globale et importante de la vision du monde et de la société qu’a la caste médiatique par rapport à celle de la population « moyenne ».

Pour en revenir à la Syrie, percevez-vous dans le traitement médiatique de l’actualité de ce pays des zones d’ombre, de la désinformation d’obédience ou d’origine américaine ? La version « standard » de manifestants à mains nues affrontant un pouvoir surarmé et brutal est-elle crédible ?

-FBH : Moi, je ne doute pas que le régime baasiste soit capable d’ordonner à sa police de tirer. Cela dit, il est évident que des questions se posent, et des remarques s’imposent. D’abord, c’est une révolte contre des chiites, ce qui fait bien l’affaire de certains pays, musulmans mais pas chiites, surtout quand des tentatives de déstabilisation de l’Iran ont fait long feu. Tout ça ne prouve pas que Damas soit victime d’un complot saoudien ou américain, mais il est permis de se poser des questions. Et puis il y a ce problème récurrent, en Occident, du « deux poids, deux mesures » : on s’indigne de la répression en Syrie, et on passe sous silence celle pratiquée au Bahrein par l’armée saoudienne qui a étouffé le mouvement populaire menaçant la dynastie alliée à Ryad (et à Washington).

-Que pensez-vous des affirmations du gouvernement syrien faisant état de la mort de militaires et policiers tués par des insurgés armés ? On a vu des cadavres en uniforme, à Jisr al-Choughour, dans le nord du pays…

-FBH : Il m’est difficile d’être affirmatif, chacun fait sa propagande. Maintenant il n’est pas du tout impossible que les troupes de Damas se soient heurtés à des insurgés armés islamistes. Et si groupes armés il y a, ils sont forcément soutenus par des puissances étrangères : mon père a été résistant, il recevait ses armes des Anglais ! Mais pour les médias occidentaux, il vaudra mieux – toujours dans le cadre du storytelling édifiant et politiquement correct – tourner l’objectif vers des civils jeunes et désarmés, plutôt que sur des barbus en armes. Dans le cas des soldats apparemment tués à Jisr al-Choughour, on se retrouve dans le cas de figure suivant : la méta-propagande occidentale dit que les images syriennes sont de la propagande ! Ca me rappelle tout à fait cet épisode de la guerre de l’OTAN contre la Serbie quand Milosevic a reçu Ibrahim Rugova, figure de proue des Albanais du Kosovo, et dont les médias occidentaux avaient fait une sorte de Gandhi balkanique. Quand la télévision serbe a diffusé les images de cet entretien, pourtant bien réel, entre le « Gandhi » albanais et l’ »Hitler » serbe, l’OTAN a décrété qu’il s’agissait d’un montage, Rugova étant certainement au fond d’une geôle serbe : toujours ce besoin de décrédibiliser les images de l’adversaire.

Il est vrai qu’il est de plus en plus difficile au citoyen-téléspectateur moyen de s’y retrouver, la confusion et les contradictions, sinon l’imposture, sont partout : regardez Barak Obama, que nos médias ont « vendu » comme un mix de John Kennedy et Martin Luther King, on lui a décerné le prix Nobel de la Paix, moyennant quoi il envoie 50 000 G.I.’s en Afghanistan, avant ensuite d’annoncer un début de retrait américain dès cet été. A propos de l’Afghanistan, tout le monde sait, à commencer par les militaires, que c’est une guerre perdue. Mais les Etats occidentaux continuent officiellement d’entretenir la fiction d’une mission démocratique difficile, certes, mais qui doit être poursuivie. Ca aussi c’est de la désinformation, ou de la fuite en avant.

Depuis le temps que vous travaillez sur les médias et les manipulations qu’ils peuvent relayer, n’êtes-vous pas découragé ? La vérité, ou la dénonciation du mensonge, enseignent-elles vraiment ? Il y a eu l’Irak (deux fois), la Serbie, l’Iran, la Côte d’Ivoire et, aujourd’hui, la Libye et la Syrie, pays qui ont en commun d’être ou d’avoir été en butte à l’hostilité occidentale et d’avoir suscité un discours officiel et unanimiste dans les médias, dont beaucoup des termes se sont avérés faux. Bref, la désinformation continue, en dépit des travaux et colloques, en dépit de la contre-information parfois disponible sur internet…

-FBH : Oui, la désinformation continue, parce que c’est une arme politique et géopolitique. En ce qui concerne les médias, on doit incriminer, comme je l’ai déjà dit, les exigences d’un métier confronté de plus en plus à la concurrence et à la rapidité ; on doit aussi pointer la paresse et le conformisme idéologique de nombre de journalistes. Au fond qui fabrique l’info, en matière de politique étrangère ? Il y a les conseillers de la Maison Blanche, les « spin doctors » qui donnent souvent le la aux chancelleries – et aux médias – occidentaux. Et parfois ces spin doctors n’agissent pas, ou pas seulement, pour la grandeur et la sécurité de l’empire américain : entre autres, le conseiller aux affaires étrangères du candidat républicain John MacCain était payé par les Georgiens, des alliés stratégiques de Washington dans le Caucase. Et Dick Cheney, l’éminence grise néoconservatrice de George Bush Jr, un des grands artisans de la guerre d’Irak, avait des intérêts dans les entreprises travaillant à la reconstruction du pays, après la chute de Saddam Hussein…

Reste que, en dépit de tous les moyens employés à faire passer le message officiel dans les opinions, les promoteurs de la propagande disons « occidentale » sont soumis aux aléas de la démocratie d’opinion sur laquelle ils s’appuient : en clair, les « croisés de la Vertu », en Libye, en Afghanistan ou ailleurs, ont des obligations de résultats rapides. Car l’opinion occidentale se lasse vite, et pratique, comme les journalistes d’ailleurs, le « zapping » géopolitique. Si Kadhafi tient encore deux ou trois mois, par exemple, que pourra faire la coalition ? Pour en revenir au dossier syrien, on est bien obligé de constater une absolue concordance entre les buts géostratégiques américains et les mots d’ordre, campagne de presse et discours qu’on nous assène, de laCôte d’Ivoire à la Syrie en passant par l’Iran, le Soudan ou la bande de Gaza.

-Une dernière question : quel pourrait être le prochain pays à susciter une désinformation ?

-FBH : L’Iran me paraît demeurer un bon « client » pour ça.

-François-Bernard Huyghe, nous vous remercions.

Source : Info Syrie, Louis Denghien 23-06-2011

Source: http://www.les-crises.fr/francois-bernard-huyghe-on-assiste-a-une-hollywoodisation-de-linformation/