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“Les attaques seront spectaculaires”, par Chris Whipple

Tuesday 10 May 2016 at 00:01

Source : Politico Magazine, le 12/11/2015

Un regard exclusif sur la manière dont l’administration Bush a ignoré les alertes de la CIA plusieurs mois avant le 11-Septembre, ainsi que d’autres qui s’avèrent bien plus détaillées que ce qui avait été dit.

Par CHRIS WHIPPLE, 12 novembre 2015

Getty

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“Ben Laden est déterminé à frapper les États-Unis.” Le fameux extrait du débriefing présidentiel quotidien par la CIA, présenté à George W. Bush le 6 août 2001, a toujours été la principale preuve dans cette affaire que son administration a balayé d’un revers de la main les mises en garde de possibles attaques d’al-Qaïda. Mais des mois plus tôt, à partir du printemps 2001, la CIA a commencé de façon répétée et pressante à alerter la Maison-Blanche qu’une attaque était sur le point de se produire.

En mai 2001, selon Cofer Black, alors chef du centre de contre-terrorisme de la CIA, “il était évident que nous allions être frappés, nous allions être frappés durement et beaucoup d’Américains allaient mourir.” “De vrais complots apparaissaient,” me dit George Tenet, ancien supérieur de Cofer, dans sa première interview en huit ans. “Le monde était comme au bord de l’éruption. Durant cette période de juin-juillet, la menace continuait à croitre. Les terroristes disparaissaient [comme s’ils se cachaient, se préparant à une attaque]. Les camps étaient fermés. Les signalements de menace augmentaient.” La crise arriva à son paroxysme le 10 juillet. La réunion de crise qui eut lieu ce jour-là a été rapportée pour la première fois par Bob Woodward en 2006. Tenet a également écrit sur le sujet en termes généraux dans ses mémoires publiées en 2007, At the center of the storm (“Au milieu de la tempête”).

Mais ni lui ni Black n’ont parlé de cela publiquement en détails avant aujourd’hui ; ils n’avaient pas non plus été aussi catégoriques sur le caractère précis et urgent des alertes. Durant les huit derniers mois, en plus d’une centaine d’heures d’interviews, mes collaborateurs Jules et Gedeo Naudet et moi-même nous sommes entretenus avec Tenet et les onze autres anciens directeurs encore en vie de la CIA pour The Spymasters, un documentaire diffusé ce mois-ci sur Showtime.

Le drame de l’échec des mises en garde a commencé lorsque Tenet et Black ont monté un plan, au printemps 2001, appelé “the Blue Sky paper”, à l’intention de la nouvelle équipe en charge de la sécurité nationale de Bush. Il appelait à une campagne militaire ainsi qu’à une action secrète de la CIA pour mettre fin à la menace d’al-Qaïda – “en entrant dans le sanctuaire afghan, en lançant une opération paramilitaire et en créant un pont avec l’Ouzbekistan.” “Et la note nous est revenue,” dit Tenet, “c’était ‘nous ne sommes pas encore prêts à considérer cette option. Nous ne voulons pas enclencher le compte à rebours.'” (Traduction : ils ne voulaient pas d’une trace écrite montrant qu’ils avaient été alertés.) Black, un ancien agent charismatique qui a aidé les Français à arrêter le terroriste Carlos surnommé le chacal, dit que l’équipe de Bush n’avait simplement pas compris la nouvelle menace : “Je pense qu’ils étaient mentalement bloqués huit ans en arrière. Ils étaient habitués aux terroristes européens de gauche – ils boivent du champagne le soir, font exploser des choses durant la journée, comment cela pourrait-il être grave ? Et il était dès lors très difficile de faire passer le caractère d’urgence sur le sujet.”

Ce matin du 10 juillet, la personne en charge de l’unité al-Qaïda de l’agence, Richard Blee, a fait irruption dans le bureau de Black. “Et il a dit, ‘Chef, ça y est. Le ciel nous tombe sur la tête’,” raconte Black. “Les informations que nous avions rassemblées étaient absolument incontestables. Elles avaient de multiples sources. C’était la dernière goutte d’eau.” Black et son adjoint se sont précipités dans le bureau du directeur pour avertir Tenet. Tous étaient d’accord, une réunion urgente à la Maison-Blanche s’imposait. Tenet appela la conseillère à la Sécurité nationale de Bush, Condoleezza Rice. “J’ai dit, ‘Condi, il faut que je vienne te voir’,” se souvient Tenet. “C’était une de ces rares fois durant mes sept ans en tant que directeur où j’ai dit ‘Il faut que je vienne te voir. Nous venons tout de suite. Nous arrivons.'”

Tenet se souvient très bien de la réunion à la Maison-Blanche avec Rice et son équipe. (Georges W. Bush était en voyage à Boston.) “Rich [Blee] a commencé en disant, ‘Il y aura d’importantes attaques terroristes aux États-Unis dans les semaines ou les mois à venir. Les attaques seront spectaculaires. Elles seront peut-être multiples. L’objectif d’al-Qaïda est la destruction des États-Unis’.” [Condi a répondu :] ‘Que pensez-vous que nous devrions faire ?’ Black a répondu en tapant du poing sur la table et a dit ‘Nous devons nous préparer à une guerre !'”

“Que s’est-il passé ?” ai-je demandé à Cofer Black. “Ouais. Que s’est-il passé ?” répondit-il. “Pour moi, cela reste encore aujourd’hui incompréhensible. Je veux dire, comment est-ce possible de mettre en garde de hauts responsables tant de fois et que rien ne se passe réellement ? C’est un peu comme une zone grise.” De manière étonnante, Condi Rice écrit dans ses mémoires au sujet des mises en garde du 10 juillet : “Mon souvenir de la réunion n’est pas très clair car nous parlions de la menace chaque jour.” Ayant élevé le niveau d’alerte pour le personnel américain à l’étranger, elle ajoute : “Je pensais que nous avions fait ce qu’il fallait.” (Lorsque je lui demandai si elle avait une réponse à donner quant aux commentaires que Tenet, Black et d’autres m’ont faits, son chef de cabinet a dit qu’elle s’en tenait à ce qui était écrit dans ses mémoires.) Inexplicablement, bien que Tenet ait fait référence à cette réunion dans son témoignage à huis-clos devant la commission sur le 11-Septembre, cela n’avait jamais été mentionné dans le rapport final du comité.

Et survint une autre alerte effrayante. A la fin de juillet, Tenet et ses adjoints se sont réunis dans la salle de conférences du siège de la CIA. “Nous pensions à tout cela et essayions de comprendre comment ces attaques pourraient se produire,” se rappelle-t-il. “Et je n’oublierai jamais cela jusqu’à ma mort. Rich Blee a regardé tout le monde et a dit : ‘Ils viennent ici’. Et le silence qui suivit fut assourdissant. Vous pouviez sentir l’oxygène sortir de la pièce. ‘Ils viennent ici.'”

Tenet, qui est peut-être le directeur de l’agence le plus critiqué, peut à peine se contenir lorsqu’il parle des mises en garde données à la Maison-Blanche et restées lettres mortes. Il me dit avec résignation, en tournant un cigare non allumé et en gesticulant dans son fauteuil dans notre studio du centre de Washington : “Je peux juste vous dire ce que nous avons dit et ce que nous avons fait.” Et lorsque questionné sur sa propre responsabilité quant aux attaques du 11-Septembre, il est visiblement bouleversé. “Il n’y a jamais un moment depuis tout ce temps où vous vous êtes senti coupable ?” lui ai-je demandé. Il se tourne dans son fauteuil. “Eh bien, regardez, il y a… Je fixe encore le plafond la nuit en m’interrogeant sur beaucoup de choses. Et je les garderai en moi pour toujours. Mais nous sommes tous des êtres humains.”

***

Seuls douze hommes, qui ont pris les décisions de vie ou de mort qui vont de pair avec la direction de la CIA, sont encore en vie.

Une fois par an, l’actuel et les anciens directeurs de la CIA – de George H. W. Bush, 91 ans, au directeur actuel, John Brennan, 60 ans – se rencontrent dans une salle de conférences du siège de la CIA à Langley, en Virginie. La raison affichée : recevoir un briefing confidentiel sur l’état du monde. (Robert Gates, qui déteste mettre un pied au-delà du périphérique, est un éternel absent.) “Ils nous disent principalement des trucs que nous savons déjà, et nous prétendons que nous apprenons quelque chose,” affirme Tenet, le directeur le plus longtemps en poste (durant sept ans, sous les présidents Clinton et Bush II). Mais le véritable objectif de ce pèlerinage annuel est de renouer les liens forgés dans les tranchées de la guerre contre le terrorisme – et de débattre de l’objectif de l’agence dans le monde.”

Et je n’oublierai jamais cela jusqu’à ma mort. Rich Blee a regardé l’assemblée et a dit ‘Ils viennent ici.’

Sur les questions brûlantes de l’actualité, les directeurs sont profondément divisés : sur la mission de la CIA, ses brutales méthodes d’interrogatoire après le 11-Septembre, et le changement des “règles de conduite” dans la bataille contre al-Qaïda et l’Etat Islamique. Qu’est-ce qui est juste ou non dans le combat contre le terrorisme : la torture ? La détention pour une durée indéfinie ? La mise en place de “sites clandestins” pour les interrogatoires dans des pays étrangers ? La CIA devrait-elle tuer des gens avec des drones téléguidés ? La CIA était-elle réellement à blâmer pour le 11-Septembre ? Ou la Maison-Blanche n’a-t-elle pas ignoré ses mises en garde répétées ?

Sur ça et d’autres questions, les directeurs étaient étonnamment francs durant les interviews qu’ils ont faites avec moi – même en s’aventurant sur le terrain du secret-défense. (Ils étaient souvent en désaccord sur le fait que ce soit réellement classifié ; c’est compliqué, comme Hillary l’a appris.) Un bon exemple de controverse : les frappes de drones. “Il ne peut parler publiquement de ça,” proteste le général David Petraeus lorsque je lui dis qu’un de ses homologues s’était ouvert à moi au sujet des “signature strikes”. (Ce sont des attaques mortelles contre des cibles non identifiées – une sorte de profilage par drone – que plusieurs directeurs ont trouvées très inquiétantes.) Il se peut que le général Petraeus ait eu de bonnes raisons d’être réticent ; seulement une semaine avant il avait accepté de passer un accord avec le procureur pour éviter la prison – pour avoir partagé des informations classifiées avec sa maitresse, Paula Broadwell.

Voici quelques-uns des secrets que nous avons appris de la part de ces hommes étonnamment francs qui ont dirigé la plus puissante des agences de renseignement.

Même les chefs de la CIA ne peuvent se mettre d’accord au sujet de la “torture”

“Durant la période juste après le 11-Septembre, nous avons fait certaines choses de la mauvaise façon,” a déclaré Obama. “Nous avons torturé des gens. Nous avons fait des choses qui étaient contraires à nos valeurs.” Jose Rodriguez, qui a supervisé le prétendu programme d’interrogatoire renforcé (EIT), a eu une réponse fort brève : “C’est des conneries.” Tenet en convient. “Les gens jettent le mot ‘torture’ – comme si nous étions des tortionnaires,” se plaint-il. “Eh bien, je n’accepterai jamais l’usage du mot ‘torture’ pour ce qui s’est passé ici.” De la privation de sommeil au waterboarding, Tenet et son lieutenant Rodriguez insistent sur le fait que les techniques étaient toutes approuvées – par tout le monde.

Le procureur général nous a dit que ces techniques étaient légales en droit américain,” affirme Tenet, “et ne violent en aucune façon les traités sur la torture que nous avons signés.” Contrairement aux affirmations du rapport majoritaire de la SSCI (Senate Select Committee on Intelligence – commission permanente du Sénat chargée de la surveillance du monde du renseignement), Tenet insiste : “Nous avons pleinement briefé les membres du Congrès sur ce que nous faisions à chaque moment. Il n’y a pas eu la moindre désapprobation.” Et Tenet dit que George W. Bush était très impliqué, “il lisait les mémos, regardait les techniques, et décidait qu’il allait retirer deux techniques.” Tenet affirme qu’il ne se souvient plus quelles EIT le président avait rejetées (Rodriguez pense que l’une d’elles était le “simulacre d’exécution”).

Tenet et ses successeurs post 11-Septembre – Porter Goss, Michael Hayden et le directeur intérimaire Michael Morell (parfois appelés les “directeurs de guerre”) – disent que ces techniques étaient un mal nécessaire, justifié par le contexte de l’époque. C’était un article de foi au sein de la CIA que les États-Unis étaient sur le point d’être frappés par une “deuxième vague” d’attaques. Et que les “détenus de grande valeur”, à commencer par le leader d’al-Qaïda Abou Zubaydah, en savaient plus qu’ils ne le disaient. “Chaque jour,” affirme Rodriguez, “le président demandait à George Tenet, ‘que dit Abou Zubaydah à propos de la deuxième vague d’attaques et au sujet de tous les autres complots ?’ Eh bien, il ne disait rien. Nous devions essayer quelque chose de différent.” Tenet dit qu’il avait des renseignements probants qui indiquaient qu’Oussama ben Laden avait rencontré des scientifiques pakistanais spécialisés dans le nucléaire – et cherchait à obtenir les plans de la bombe. Il y avait une information crédible, ajoute-t-il, qu’une bombe nucléaire avait déjà été posée à New York. “Les gens disent, ‘ne pensez-vous aux conséquences morales et éthiques de votre décision ?'” dit Tenet. “Oui, nous y avons pensé. Nous pensions qu’empêcher les futures pertes humaines américaines et protéger une société juste était tout aussi important.”

Les techniques ont-elles permis d’obtenir des renseignements qui ont interrompu les complots ou sauvé des vies ? L’étude du SSCI a analysé 20 cas et dit qu’aucune information utile n’a été obtenue. Tenet insiste, “ils ont tort pour les 20 cas. Le rapport a complètement tort sur tous les points, c’est tout, point final.” Mais les espions, dirigeants et camarades de Tenet sont vivement – même passionnément – divisés sur ces procédés. “Notre Constitution interdit un traitement ‘anormal et cruel’ et, s’il est cruel, nous ne devrions pas l’utiliser,” dit William Webster, 91 ans, considéré par ses camarades espions comme la voix de la raison (et le seul directeur qui a aussi servi en tant que directeur du FBI). “Vous franchissez une ligne, à un moment donné, dans votre recherche d’information lorsque vous empruntez cette route. Il doit y avoir des limitations et une surveillance, elles doivent être respectées. Notre pays représente quelque chose, qu’il perd lorsque nous ne le faisons pas.” Stansfield Turner, maintenant 91 ans – qui, en tant que directeur sous Jimmy Carter, a autorisé la tentative au destin tragique de sauvetage des otages américains à Téhéran – est d’accord : “Je pense simplement qu’un pays comme le nôtre ne devrait pas se rendre coupable d’actes de torture. Je pense juste que c’est en dessous de notre dignité.”

Les directeurs qui se sont opposés à la torture ne sont pas de simples cœurs tendres. “Personne n’a eu sous sa responsabilité plus de détenus que je n’en ai eu,” affirme le général Petraeus, qui était à la tête des forces multinationales en Irak. “Nous nous défendons contre nos ennemis, mais nous ne devrions pas les maltraiter, même s’ils ont fait des choses inqualifiables à nos soldats et aux civils. Cela ne justifie pas que nous le fassions avec eux. Vous payerez le prix de vos actions, et il sera largement plus grand que ce qui vous a poussé à cette action.” Et le directeur Brennan ne voit pas quelles circonstances justifieraient que la CIA torture à nouveau : “Si un président me demandait demain de pratiquer la technique du waterboard sur un terroriste, je dirais, ‘M. le président, désolé – mais je ne pense pas que ce soit dans le meilleur intérêt de notre pays.'” Hayden est encore plus catégorique. “Si un futur président décide d’utiliser le waterboarding,” dit-il, “il ferait mieux d’apporter son propre seau, car il devra le faire lui-même.”

C’est bien la CIA qui déclenche les frappes de drone mortelles.

Officiellement c’est un sujet tabou. La CIA n’a jamais reconnu publiquement l’usage de drones mortels. Mais l’ancien directeur Leon Panetta fait un récit fascinant du dilemme éthique auquel il a été confronté lorsque la CIA avait un terroriste d’al-Qaïda de premier plan dans la ligne de mire d’un drone au-dessus du Pakistan. (Les censeurs de la CIA l’ont forcé à tronquer l’histoire dans ses mémoires publiés en 2014.) La cible était le cerveau d’al-Qaïda à l’origine d’une attaque à la bombe qui a tué sept officiers dans l’antenne de la CIA de Khost, en Afghanistan, en décembre 2009. “Nous savions qui était l’individu,” affirme Panetta. “C’est un méchant. Et il était clairement un leader qui avait été impliqué pas uniquement en ce qui concerne nos officiers, mais en tuant des membres de nos propres forces en Afghanistan.”

Le dilemme de Panetta : “Malheureusement, l’individu avait une famille, une femme et des enfants autour de lui, donc une des questions difficiles était, que devrions-nous faire ? S’il y avait des femmes et des enfants dans la zone de tir, nous n’aurions normalement pas dû tirer.” Panetta a appelé la Maison-Blanche et parlé avec Brennan, le conseiller en contre-terrorisme d’Obama. “Qu’est-ce que Leon dit que j’ai dit ?” me demande Brennan, en levant un sourcil, lorsque je lui dis pour la description en dehors des clous de Panetta (qui avait essentiellement renvoyé la balle à Brennan). Brennan a un fin sourire qui semble dire, ‘Le revoilà encore.’

Le pieux catholique Panetta, autrefois enfant de chœur, a dû prendre la décision. “La Maison-Blanche a dit : ‘Ecoute, tu dois prendre une décision’,” se rappelle-t-il. “Donc j’ai su à ce moment-là que c’était à moi de décider. J’étais celui qui allait devoir dire le ‘Je vous salue Marie’. Brusquement, j’ai pris conscience que j’étais en train de prendre en tant que directeur des décisions de vie et de mort. Ce sont des choix qui ne sont jamais faciles, et franchement ils ne devraient pas l’être. Mais j’ai senti qu’il était très important dans ma position de faire ce que je pouvais pour protéger ce pays. Donc j’ai transmis le message. J’ai dit : ‘Si vous pouvez isoler l’individu et tirer sans toucher les femmes et enfants, alors faites-le. Mais si vous n’avez pas d’autre choix et qu’il apparait qu’il pourrait s’échapper, alors tirez.’ Et cela a bien entrainé des dommages collatéraux, mais nous l’avons eu.” A la fin, Panetta dit : “Ce que vous faites doit être fondé sur ce que vos tripes vous disent être juste. Vous devez être honnête avec vous-même – et espérer qu’au bout du compte Dieu sera de votre avis.”

Brennan, l’actuel directeur, concède qu’il est souvent appelé à prendre des décisions avec de forts enjeux. “Je suis forcé chaque jour de prendre des décisions qui impliquent des risques importants, et qui peuvent parfois entrainer des morts,” dit-il. “Vous essayez de vous assurer que vous avez envisagé tous les aspects. Vous prenez en compte toutes les informations, renseignements ou données qui sont à votre disposition. Vous pesez le pour et le contre. Et vous prenez alors la meilleure décision que vous pouvez.” A quel niveau se place la barre quand vous devez déclencher une frappe de drone mortelle ? “Il y a besoin d’être proche de la certitude de ce qui est appelé ‘l’absence de collatéral’,” affirme Brennan. “Pas de non-combattants qui seraient touchés.”

Mais le “proche de la certitude” ne s’applique pas toujours. En janvier dernier, une attaque de drone sur un camp d’al-Qaïda a tué par inadvertance un Américain et un otage italien, qui s’avéraient y être détenus. Le général Hayden, le troisième directeur de Bush, avertit : “Proche de la certitude : Qu’est-ce que c’est exactement ? Parce que, regardez, le président [Obama] était très franc après les récentes attaques pour lesquelles il a parlé du ‘brouillard de guerre’. Il y a un brouillard même lorsque vous pensez être ‘proche de la certitude’ et proche de la certitude n’est jamais la certitude.”

Et qu’en est-il lorsque la frappe vise délibérément un citoyen américain à l’étranger ? Le directeur de la CIA – ou le président, en l’occurrence – devrait-il avoir la permission de tuer ? Cela a été une question controversée depuis qu’Anwar al-Awlaki, l’activiste américain djihadiste et voix d’al-Qaïda, a été tué par un drone américain au Yémen en 2011. Les groupes de surveillance ont critiqué cette pratique. Il s’est avéré qu’ils avaient un improbable allié – dans l’ancien directeur Gates. “Je n’ai pas de problème moral avec cela,” affirme Gates, “mais je pense que le précédent d’un Président américain capable de tuer un citoyen américain dans ces circonstances, sur sa simple signature, est dangereux.”

Webster est également critique. “C’était un citoyen américain et il a finalement été supprimé, mais ce n’est pas quelque chose qui devrait être laissé à l’appréciation d’une seule personne, peu importe qui est cette personne,” insiste Webster. “Nous nuisons vraiment à notre pays, portons préjudice au président et à ceux qui exercent l’autorité légitime en ne laissant l’usage de ces instruments de destruction dépendre que d’un caprice.” Gates argumente que les frappes sur des Américains devraient nécessiter l’approbation d’experts extérieurs – peut-être d’un panel de juges : “Je pense simplement que l’idée d’une absence de points de vue externes au-delà de ceux des personnes nommées par le Président, et qui en quelque sorte sont ses sbires, capables d’évaluer si le président devrait ou non tuer un citoyen américain sans une procédure judiciaire, devrait être mise en question.”

Quoique les frappes de drones soient arrivées bien après la période où il était directeur (1976-1977), George H. W. Bush affirme qu’il peut s’accommoder de cette pratique : “S’il y a des méchants et qu’ils nous nuisent, je n’ai pas de problème avec ça.” Mais certains de ses pairs se demandent si la Maison-Blanche est satisfaite d’avoir à prendre la décision d’utiliser des armes hors du commun. “Lorsque vous pouvez fixer une cible sans cligner pendant des heures, si ce n’est des jours,” affirme le général Hayden, “et ensuite utiliser une arme avec une ogive de 7 kilos contre cette cible, avec une précision au centimètre près, cela rend en réalité la guerre plus précise.”

“C’est pour le mieux. Maintenant le point négatif : cela rend plus facile pour un décideur de prendre la décision d’y recourir.” En effet, la relative simplicité de la guerre par drones s’est révélée irrésistible à l’actuelle Maison-Blanche. Sous Barack Obama, les frappes de drones ont spectaculairement augmenté.

“Non M. Deutch, l’assassinat n’est pas interdit.”

Dans une guerre contre al-Qaïda et l’Etat islamique, quelles méthodes sont acceptables ? L’assassinat est-il équitable ? Porter Goss, qui a démissionné par énervement contre le deuxième directeur de George W. Bush, attend toujours une réponse : “Nous savons quelles sont les règles de conduite. Avons-nous affaire à des combattants ennemis ? Avons-nous affaire à des criminels ? Est-ce que la règle est de tirer en premier ? Ne tirons-nous que lorsque nous nous sommes fait tirer dessus ? Pouvons-nous poser des questions ? Devons-nous “mirandiser” les gens [les droits Miranda se manifestent par la prononciation d’un avertissement lors de l’arrestation d’un individu, NdT] ?

« Je me souviens que j’étais assis dans la salle de gestion des crises lors du premier mandat de Clinton, » l’ancien directeur de la CIA John Deutch réfléchit, « et, en discutant d’une question particulièrement sensible, j’avais dit : ‘Mais, bien sûr, nous ne pouvons pas envisager un assassinat parce qu’un décret présidentiel l’interdit.’ Et un des avocats du ministère de la Justice a dit : ‘Non, M. Deutch, on n’interdit que l’assassinat politique. Assassiner pour d’autres motifs n’est pas interdit.’ »

Quelle est donc la réponse ? L’assassinat, nettement interdit par le décret présidentiel 12333 du Président Gerald Ford, est-il toujours interdit ? Eh bien, oui et non. En 2008, après une chasse à l’homme de presque trente ans, un dirigeant historique du Hezbollah, qui avait orchestré d’innombrables attaques contre les États-Unis et Israël, a été tué par une opération secrète audacieuse à Damas, en Syrie. Une énorme charge explosive mortelle, placée dans un 4×4 garé, a été déclenchée par télécommande et l’a fait voler en mille morceaux. L’opération, censée être une mission commune de la CIA et du Mossad, est si sensible qu’à ce jour aucun des directeurs n’en a rien dit publiquement. Sauf, en insistant, l’actuel patron John Brennan. Je lui demande : « Y a-t-il quoi que ce soit que vous puissiez nous dire sur ce qui est arrivé à Imad Mughniyah ? » Brennan, qui, même dans ses moments de plus grande décontraction, a l’air lugubre d’un entrepreneur de pompes funèbres, marque un temps. Puis répond, « Il est mort rapidement. »

Quelle est la mission de la CIA ? Est-ce une agence d’espionnage ? Ou une armée secrète ? « Parfois je pense que nous entrons dans un délire – en croyant que l’assassinat est la seule réponse à un problème, » dit Tenet. « Et la vérité c’est que c’est faux. Ce n’est pas pour cela que nous avons été créés. » Quand Petraeus est devenu directeur de la CIA, son prédécesseur, Hayden, l’a pris à part. Jamais auparavant, avertit Hayden, l’agence ne s’était à ce point consacrée à des opérations militaires secrètes au détriment de la collecte de renseignements. « Beaucoup de ce qu’on appelle à présent l’analyse, dans la communauté américaine du renseignement, est en fait du ciblage, » dit Hayden. « Franchement, cela a été au détriment d’une vision plus large, plus globale. Nous sommes plus en sécurité grâce à cela, mais il y a un prix à payer. Certaines des choses que nous faisons pour nous sauvegarder pour le combat rapproché – par exemple, des meurtres ciblés – peuvent rendre plus difficile la résolution du combat de fond, le combat idéologique. Nous fournissons aux vidéos de recrutement des djihadistes l’argument que les Américains sont des tueurs impitoyables. »

Alors, qui a gagné ? La CIA, ou l’Islam radical ? “En prenant du recul,” dit Morell, qui a assuré à deux reprises l’intérim de la direction, “c’est une grande victoire pour nous, et une grande victoire pour eux. Notre victoire, ça a été la dégradation, la décimation et la presque défaite du cœur de cet al-Qaïda qui a amené la tragédie sur nos rives le 11-Septembre. La leur, ça a été de répandre leur idéologie sur une énorme zone géographique. Là où on n’a pas bien travaillé, c’est qu’on n’a pas empêché l’émergence de nouveaux terroristes. Tant qu’on n’a pas réussi là-dessus, la guerre va continuer.”

“On ne pourra pas s’en sortir en tuant,” dit Tenet. “Ce n’est pas viable. Le message à l’Islam lui-même, c’est qu’ils doivent créer des sociétés civiles prospères, qui fonctionnent, qui ouvrent des opportunités par l’éducation. Mais ils devront le faire eux-mêmes.” Panetta convient qu’il faut s’attaquer au terrorisme par la racine : “On doit prendre en compte ce qui produit cette frustration et cette colère. C’est presque Mission Impossible parce que, Nom de Dieu, on en est encore à se demander comment les Baltimore et les Détroit du monde entier peuvent se produire [En 2013, Détroit, l’ex site de l’industrie automobile US, a été la première grande ville américaine à demander une mise en faillite, Baltimore a un fort taux de criminalité et a subi un important déclin industriel et démographique, NdT] ; et comment c’est possible que des gens dans ce pays soient séduits par les gangs.” En attendant de comprendre ces phénomènes, conclut Panetta, “nous allons peut-être avoir à utiliser ce type d’armes, mais en fin de compte, je vais vous dire une chose : si on n’y arrive pas et que, à Dieu ne plaise, ce pays subit un autre 11-Septembre, vous savez qu’on va immédiatement nous demander : “Mais pourquoi avez-vous laissé ça arriver ? Mais pourquoi avez-vous laissé ça arriver ?”

Source : Politico Magazine, le 12/11/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/les-attaques-seront-spectaculaires-par-chris-whipple/


[28 pages] 5e vidéo : Les politiques après l’émission “60 Minutes”

Monday 9 May 2016 at 00:50

Suite de notre grande série sur les 28 pages – rappel :

Évidemment, les politiques ne sont pas restés sans réaction après les révélations… Florilège :

I. La 5e Vidéo

Même vidéo – version alternative si souci :

II. Le script de la vidéo

Voici le script de la vidéo

Donald Trump, 19 avril 2016

Vous pouvez voir l’intégralité de la vidéo ici

De 5’32 à 6’22

Présentateur : [Pensez-vous] qu’il est temps pour le public de pouvoir lire ces 28 pages ?

Donald Trump : « Oui, je le crois. Je pense que nous aurions dû pouvoir les lire depuis longtemps. Et vous savez, je pense que je sais ce qu’on va y lire. Cela va donner une profonde connaissance de l’Arabie Saoudite, du rôle de l’Arabie Saoudite dans l’attaque du World Trade Center. Ce sont des choses très graves. Je l’ai dit depuis très longtemps – nous avons attaqué l’Irak et franchement, en attaquant l’Irak, ils n’ont pas attaqué ceux qui ont détruit le World Trade Center. Je dis cela depuis très longtemps. Voyons ce que disent ces documents. Je pense qu’ils auraient dû être déclassifiés il y a longtemps. Je pense qu’ils vont enfin l’être, au moins dans une certaine mesure. Vous savez, il est assez agréable de connaitre qui sont vos amis et qui sont vos ennemis. Mais vous allez voir des choses révélatrices dans ces documents, et je me réjouis de les lire. »

Bernie Sanders, 18 avril 2016

Vous pouvez voir l’intégralité de la vidéo ici.

De 7’11 à 7’30

Bernie Sanders : « Les 28 pages sont une information classifiée sur le 11 Septembre »

Présentateur : « Les avez-vous lues ? »

Bernie Sanders : « Non, je ne l’ai pas fait

Ce que j’en pense est que certaines spéculations semblent indiquer que certains membres de la famille royale saoudienne pourraient avoir financé certains terroristes.

Mais parlons de l’Arabie Saoudite. C’est une des familles les plus riches du monde, c’est une famille qui répand cette idéologie extrémiste qu’est le wahhabisme, qui est une forme extrémiste de l’islam. Ils ont financé des écoles sur toute la planète pour l’enseigner. J’ai de réelles inquiétudes à propos de ça. Donc faire sortir la vérité sur le rôle qu’aurait pu jouer l’Arabie Saoudite est une bonne chose. »

Présentateur : « Le Président peut publier ces pages ? »

Bernie Sanders : « Oui, il le peut, et il est en train d’étudier la question. Je pense qu’elles devraient être publiées. »

« Hillary Clinton, Sénatrice de New-York, 18 avril 2016 »

Vous pouvez voir l’intégralité de la vidéo ici.

De 0’17 à 0’25

Présentateur : « Demandez-vous la publication des 28 pages ? «

Hillary Clinton : « Je ne sais pas »

Seconde vidéo source ici.

De 2’58 à 3’03

Présentateur : « Les avez-vous lues ? »

Hillary Clinton : « Je ne commente pas »

monicaalba_clinton

Source originale : https://twitter.com/albamonica/status/722106959558631424

On rappellera aussi ce fait pour que l’information soit complète (sans rien affirmer – source) :

clinton_financement_saoudien

 « L’Arabie Saoudite a versé à la fondation Clinton entre 10 et 25 millions de dollars… »

Source: http://www.les-crises.fr/5e-video-les-politiques-apres-lemission-60-minutes/


Procédure d’exception sans état d’urgence, par Jean-Claude Paye

Monday 9 May 2016 at 00:01

Source : Le Grand Soir, Jean-Claude Paye, 28-03-2016

arton30136-f55a9A une large majorité et quasiment sans débat, l’Assemblée nationale vient d’adopter ce 9 mars, le nouveau projet de loi de réforme pénale « renforçant la lutte contre le terrorisme et le crime organisé [1] ». Ce texte doit encore passer au Sénat et, étant en procédure accélérée, il ne doit faire l’objet que d’une seule lecture par Chambre.

Le projet fait entrer dans le droit commun, des dispositions considérées comme relevant d’un droit d’exception. Ainsi, dans le texte transmis pour avis au Conseil d’Etat, le gouvernement confirme sa volonté de « renforcer de façon pérenne les outils et moyens mis à disposition des autorités administratives et judiciaires, en dehors du cadre juridique temporaire, mis en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence ». [2]

Un état d’urgence sans état d’urgence.

Bien que les deux textes soient en étroite relation, ce projet de loi ne doit pas être confondu avec la loi du 20 novembre 2015 qui prolonge l’état d’urgence pour une nouvelle période de trois mois, tout en renforçant les restrictions aux libertés privées et publiques, contenues dans la loi de 1955 [3], la nouvelle loi ne s’attaquant plus seulement à des actes, mais également à des intentions. Bien que les dispositions d’exception aient été, de nouveau, prolongées, le gouvernement n’a pas renoncé à réformer la procédure pénale. Il s’agit d’y inscrire des mesures liberticides autorisées par l’état d’urgence, sans que celui-ci soit déclaré. Ce dernier a pour objet de s’affranchir du principe de séparation des pouvoirs, de liquider le pouvoir judiciaire et de concentrer l’ensemble des prérogatives aux mains de l’exécutif et de la police. Le projet de réforme de la procédure pénale s’inscrit également dans cet objectif.

Le texte donne un débouché pénal aux dispositifs légaux d’espionnage des ressortissants français. Comme l’exprime l’exposé des motifs du projet de loi, « l’arsenal de prévention », mis en place par la loi relative au renseignement, [4] « doit être complété par un volet judiciaire ».  [5] Grâce à celui-ci, les renseignements obtenus par les fausses antennes Imsi-catchers, par la surveillance vidéo, la captation d’image et la sonorisation d’un domicile pourront servir de base à des poursuites pénales.

Renforcement formel du procureur .

Le projet de loi renforce les prérogatives du procureur, un magistrat dépendant du pouvoir exécutif. Il s’inscrit ainsi dans une constante de l’action des gouvernements, toutes majorités confondues, celle de réduire le rôle du juge d’instruction, une fonction jugée trop indépendante par rapport à l’exécutif. Il s’agit de le déposséder de l’exclusivité de certains de ses pouvoirs, tel le contrôle des procédures d’enquêtes intrusives, afin de le confier également au procureur de la République.

Dans le texte voté par l’Assemblée nationale, le procureur devient aussi un « directeur d’enquête ». Il conduit les « enquêtes préliminaires », dans le cadre desquelles il a la faculté de renvoyer le suspect devant un tribunal. Ensuite, il porte l’accusation dans un procès qu’il a initié. Au four et au moulin, il lui reviendra également de vérifier si les « enquêtes effectuées par la police judiciaire sont bien menées à charge et à décharge ».

Dans les enquêtes placées sous la direction du procureur, l’accès au dossier est reporté à la fin des investigations. Ainsi, la personne incriminée, au moment de sa mise en cause, n’a pas les moyens de contester la légalité ou la nécessité d’une technique d’enquête. Au contraire de la procédure liée au juge d’instruction, l’accès au dossier reste non systématique. Afin de « donner de nouveaux droits » au suspect et surtout de pérenniser l’emprise du procureur sur la procédure pénale, le projet de loi introduit une réforme permettant au justiciable d’intervenir dans le processus d’enquête. Ce qui semble aller dans le bon sens se révèle en fait être une perversion du système judiciaire et des droits de la défense.

Une perversion du système pénal.

Ainsi, le projet de loi introduit une modification majeure du système pénal, le passage d’une procédure inquisitoire, centrée autour du juge d’instruction, à un système qui se rapproche de la démarche accusatoire en vogue dans les pays Anglo-saxons. Le texte prévoit d’introduire, dès le stade de l’enquête préliminaire, d’investigations de plus d’un an, un débat contradictoire avec les suspects et leurs avocats [6]. Ces derniers auraient la possibilité de demander au procureur des actes déterminés, tels que des auditions ou des expertises. L’introduction de ces nouvelles procédures fait que, comme aux Etats-Unis, seules les personnes fortunées seront en mesure de se défendre. D’ailleurs, pour les autres, le projet de loi a déjà prévu de simplifier les modalités de passage devant le juge des libertés et de la détention, afin de pouvoir les juger encore plus rapidement dans le cadre de la comparution immédiate.

Aujourd’hui, le procureur, en l’absence de tout comportement suspect et d’infraction, a la faculté d’autoriser préventivement le contrôle d’identité et la fouille de véhicules se trouvant dans un lieu précis et pour une période déterminée. Le projet de loi étend cette procédure à la fouille des bagages, alors que actuellement, celle-ci ne peut être autorisée que dans le cadre d’une perquisition. Rappelons que ces inspections ne visent pas nécessairement des personnes suspectes, mais aussi celles qui se trouvent dans un lieu déterminé. L’extension prévue par le projet augmente surtout le pouvoir des forces de l’ordre. Les fouilles auront lieu, non pas parce que les policiers ont l’indice d’un délit, mais simplement parce qu’ils ont le droit de les faire au prétexte qu’ils sont là pour éviter ou rechercher des infractions.

Éviction du juge d’instruction.

Le procureur de la République dispose ainsi de plus en plus des prérogatives jusqu’à présent réservées au juge d’instruction. Celui-ci est de nouveau écarté par le projet de loi, alors que, en France, il est déjà cantonné dans une petite fraction des affaires.

Le juge d’instruction est inamovible : il ne peut pas être déplacé par le ministre de la Justice et ne peut se voir retirer un dossier par sa hiérarchie. En ce qui concerne sa nomination, l’avis du Conseil supérieur de la magistrature s’impose, ce qui garantit également son autonomie. Ce magistrat, dont l’indépendance est statutaire, se voit enlever la spécificité de son action : décider du renvoi du prévenu devant un tribunal et enquêter à charge et à décharge et cela au profit du procureur et de la police judiciaire qui, rappelons le, dépend non du ministère de la Justice, mais bien de l’Intérieur, indiquant bien, par là, la primauté de sa fonction de maintient de l’ordre.

La surveillance vidéo, la captation d’image et la sonorisation d’un lieu ou d’un domicile étaient aussi, jusqu’ici, réservées aux informations judiciaires confiées à un juge d’instruction. Elles pourront désormais être décidées dès l’enquête préliminaire, après une simple autorisation du juge des libertés et de la détention.

Remarquons que l’augmentation des pouvoirs du procureur se fait sans une modification du statut du parquet, lui accordant un minimum d’autonomie vis à vis de l’exécutif. Même la réforme, prévue précédemment par François Hollande, garantissant que le gouvernement nomme les procureurs, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, n’est pas réalisée [7].

Une police incontrôlable.

Dans les faits, le renforcement de la fonction du procureur n’existe que par rapport à celle du juge d’instruction. En ce qui concerne la police judiciaire, le contrôle de ce magistrat reste purement formel. En Belgique, devant la commission parlementaire relative à la mise en place, en 1999, de la police unique, dite « structurée à deux niveaux [8] », les procureurs ont déjà fait savoir que, une fois l’autorisation de l’enquête donnée, ils n’avaient plus le contrôle effectif de son déroulement. Cette réalité est encore plus criante en France. Le Parquet est particulièrement débordé, puisque, peu nombreux, les procureurs ont un pouvoir de quasi-juridiction et traitent la grande majorité des dossiers judiciaires. Les nouvelles prérogatives que lui donnent ce projet de loi ne pourront qu’accentuer leur surcroît de travail et rendre impossible toute surveillance du travail de la police. Cette dernière est en fait la grande gagnante de ces réformes, confirmant ainsi son rôle central dans l’exercice actuel du pouvoir d’Etat.

Une police toute puissante.

L’accroissement des pouvoirs de la police est confirmé par l’extension du cadre de la légitime défense pour les forces de l’ordre. Les policiers seront reconnus pénalement « irresponsables » s’ils font feu, en cas « d’absolue nécessité », sur « une personne ayant tué ou tenté de tuer et sur le point de recommencer ». Quant on sait qu’il existe déjà une jurisprudence leur reconnaissant la légitime défense pour avoir abattu dans dos une personne en fuite [9], on comprend que l’objet de cet article est moins de protéger les policiers de poursuites pénales que de signifier aux citoyens qu’ils peuvent être traités comme des ennemis. Un exemple extrême illustre bien cette perspective. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, dans une affaire où la justice avait prononcé une ordonnance de non lieu vis à vis d’un gendarme qui avait abattu de dos une personne menottée s’enfuyant d’une garde à vue. [10]

Les forces de l’ordre pourront aussi retenir une personne, même mineure, et hors la présence d’un avocat, même si celle-ci a une pièce d’identité et cela à la condition floue et hypothétique, qu’il y ait « des raisons sérieuses » de penser qu’elle a un « lien » avec une activité terroriste.

Une précédente mouture du projet allait encore plus loin, en créant un délit « d’obstruction à la perquisition ». Si cet article a été abandonné, il montre bien la volonté du gouvernement de criminaliser toute résistance à l’arbitraire de la police. Cette disposition devait faire taire les protestations, suite aux exactions lors de la vague de perquisitions autorisées par l’état d’urgence. En outre, cette ancienne version du texte indiquait que les policiers pourraient saisir tout objet ou document, sans en référer au procureur [11]. Ainsi, la police aurait été libérée du dernier élément du contrôle judiciaire, celui du procureur, d’un magistrat pourtant directement soumis au pouvoir exécutif.

Le juge des libertés et de la détention : un alibi.

Le pouvoir exécutif ne peut contrôler le travail de la police grâce au procureur. Le pouvoir judiciaire en est totalement incapable à travers l’autre figure, valorisée par le projet de loi, celle du juge des libertés et de la détention. C’est pourtant sur lui que repose la plupart des autorisations de mise en oeuvre des dispositions de la loi. Le contrôle de la légalité et de la proportionnalité des mesures ne peut qu’être formelle, car ce juge ne connaît pas le fond du dossier. Il n’a accès à celui-ci qu’au moment où il lui est remis et quand il doit prendre sa décision. Une fois l’autorisation accordée, il ne dispose d’aucun moyen lui permettant de contrôler l’action du procureur et de la police.

Statutairement, le juge de la liberté et de la détention est fragilisé. Il ne présente pas le degré d’indépendance d’un juge d’instruction, puisqu’il n’est pas nommé par décret, mais par le président de juridiction qui peut, du jour au lendemain, le décharger de ses fonction, si par exemple il refuse d’autoriser des écoutes. [12]

En matière de terrorisme et avec l’autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, les perquisitions de nuit seront autorisées dans les habitations et cela dès l’enquête préliminaire. Cette procédure se substitue à l’autorisation donnée par le juge d’instruction dans la phase de l’enquête proprement dite. (Dans le cadre de l’état d’urgence, elles peuvent être ordonnées par le Préfet). Désormais, les perquisitions pourront aussi avoir lieu de manière préventive, sur base de l’éventualité d’un danger, lorsqu’il s’agira « de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique » [13].

Les perquisitions de nuit dans les habitations sont banalisées. Le texte parle « d’un risque d’atteinte », sans le qualifier ni d’actuel, ni d’imminent. Il porte sur des situations très nombreuses, sur les atteintes à la vie, mais aussi à l’intégrité physique. De vagues suspicions pourront conduire à ces intrusions domiciliaires. Celles-ci deviendront généralisées, si la limitation aux seules infractions terroristes n’est que temporaire.

Perquisition informatique sans garantie judiciaire.

Le texte prévoit aussi l’élargissement des possibilités de surveillance dans les lieux publics et le recours aux IMSI-catchers, ces fausses antenne-relais qui espionnent les téléphones et les ordinateurs à l’insu de leur utilisateur. Elles captent aussi tous les portables situés dans leur rayon d’action. Il s’agit d’un dispositif massif et indifférencié de capture des données. Son usage ne sera pas limité aux seules enquêtes antiterroristes et sera renouvelable, de mois en mois, pour des périodes très larges, ouvrant la voie à une captation massive d’informations sur les ressortissants français. Il sera autorisé par le juge de la liberté et de la détention ou, « en urgence », par le procureur de la République, sachant que c’est généralement la police elle-même qui nomme le caractère urgent de la situation.

Jusqu’à présent, les IMSI-catchers pouvaient seulement être autorisées dans le cadre d’informations judiciaires, mais ont été peu utilisées par les juges d’instruction, vu le flou juridique du dispositif. La loi sur le Renseignement a légalisé leur utilisation par les services secrets.

L’article 3 du projet de loi relative à la procédure pénale prévoit aussi d’étendre la captation des données informatiques aux données archivées. Pourront être aspirées, l’ensemble des données contenues dans les appareils informatiques. Ce dispositif ne s’apparente plus à des écoutes ciblées, visant les conversations en cours et à venir, mais à une perquisition pouvant s’étendre à des données très anciennes. Cette dernière procédure présente normalement quelques garanties, telle que la présence de la personne suspectée ou celle de deux témoins, ainsi que la réalisation d’une copie sécurisée qui limite le risque de modification ou d’intervention extérieure sur les informations recueillies. Ce n’est évidemment pas le cas en ce qui concerne la captation de données. [14]

Le Préfet : un agent de l’état d’exception permanent.

Comme dans l’état d’urgence, le préfet voit son action renforcée. Le projet de réforme relatif à la procédure pénale est en étroite correspondance avec la loi du 20 novembre 2015 prolongeant l’état d’urgence qui criminalise des intentions, en lieu et place d’actes concrets. L’intentionnalité terroriste attribuée aux personnes, revenant de Syrie, est aussi au centre du dispositif de ’surveillance » autorisé par le préfet.

Aujourd’hui, les « retours de Syrie », sont judiciarisés. Les suspects sont mis en examen, écroués ou placés sous contrôle judiciaire. Désormais, les préfets pourront, pendant un mois, les assigner à résidence et leur demander, pendant trois mois, les codes de leurs téléphones et ordinateurs, les obliger à signaler leurs déplacements et leur interdire de parler à certaines personnes. Ces dispositions présentent bien les attributs d’une procédure judiciaire, mais il s’agit d’un pur acte administratif, un contrôle sans juge. Elle laisse toute la place à l’arbitraire et ne donne, à la personne suspectée, aucune possibilité de confronter les allégations portées contre elle. C’est l’intention attribuée à la personne qui est attaquée, sans que celle-ci puisse se défendre. Ainsi, comme dans l’état d’urgence, le ministre de l’intérieur, par l’intermédiaire du préfet, se substitue au juge d’instruction. Ce projet de loi lui donne un pouvoir de privation de liberté, en dehors de toute infraction pénale.

La criminalisation des « retours de Syrie’ s’inscrit dans une procédure de double discours du pouvoir. L’ancien ministre Laurent Fabius avait publiquement déclaré, en août 2012, que ’Bachar el-Assad ne mériterait pas d’être sur terre’. Il a remis le couvert devant les médias en décembre 2012, en affirmant, sans être poursuivi pour « apologie du terroriste [15] », que ’le Front al-Nosra fait du bon boulot’. Cette organisation djihadiste venait d’être classée comme terroriste par les États-Unis [16]. En même temps que l’affirmation de son soutient aux groupes terroristes, le gouvernement diabolise et poursuit les personnes qui auraient pu être influencées par son discours.

Le juge administratif : un contrôle en trompe l’oeil.

Le projet de loi donne au juge administratif un pouvoir de contrôle des dispositions relatives aux « retours de Syrie’. Il lui « appartient de contrôler l’exactitude des motifs donnés par l’administration, comme étant ceux de sa décision et de prononcer l’annulation de celle-ci, lorsque le motif invoqué repose sur des faits matériellement inexacts ». Ainsi, en opposition avec le principe de séparation des pouvoirs, l’administration se contrôle elle même. De plus, la surveillance est purement formelle. Le juge administratif, au contraire du juge d’instruction et du juge de la liberté et de la détention, intervient après coup et son contrôle est aléatoire. Il n’intervient que si la personne arrêtée le saisit. Surtout, il ne dispose pas d’éléments concrets pour fonder sa décision. Il ne peut se baser que sur des documents imprécis et non sourcés : les notes blanches produites par les services de renseignement, des documents non signés, non datés et sans en-tête de service.

Sur autorisation du préfet et dans un cadre purement administratif de « prévention du terrorisme », la police pourra aussi procéder à l’inspection visuelle, à la fouille des bagages et à la visite des véhicules. Elle est ainsi libérée de l’autorisation préalable du procureur, s’il s’agit d’installations ou d’établissements déclarés « sensibles » par le préfet, dans les faits nommées comme tel par la police.

Ainsi, le texte de loi consacre « l’entrée du préfet dans le code de procédure pénale ». Mais, il s’agit d’un retour, puisque, avant que la réforme de 1993 [17] ne les lui enlève, le préfet disposait déjà de pouvoirs de police judiciaire. L’ancien article 10 du code de procédure pénale lui permettait, en cas d’atteinte à la sécurité intérieure ou d’espionnage, de jouer le rôle d’officier de police judiciaire, c’est-à-dire de faire procéder à des arrestations et à des contrôles. Cette concentration récurrente de prérogatives judiciaires aux mains du préfet indique que, au pays de Montesquieu, la séparation des pouvoirs, revendiquée comme un patrimoine national, a toujours été, pour le moins, erratique.

Jean-Claude Paye

sociologue, auteur de L’emprise de l’image. De Guantanamo à Tarnac, Editions Yves Michel 2012.

Source : Le Grand Soir, Jean-Claude Paye, 28-03-2016

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Sécurité : l’inquiétante dérive vers la surveillance de masse

Source : La Tribune, Sylvain Rolland,  

L'exécutif prépare de nouvelles lois sécuritaires qui visent à étendre les prérogatives des policiers et diminuer le contrôle judiciaire. (Crédits : © Philippe Wojazer / Reuters)

L’exécutif prépare de nouvelles lois sécuritaires qui visent à étendre les prérogatives des policiers et diminuer le contrôle judiciaire. (Crédits : © Philippe Wojazer / Reuters)

En plus de la révision constitutionnelle, le gouvernement prévoit un nouveau texte de loi pour étendre grandement les prérogatives du parquet et de la police en temps ordinaire. Un pas de plus vers la surveillance généralisée sous couvert de lutte contre le terrorisme ?

Il fallait s’y attendre. Comme Manuel Valls l’avait affirmé au moment de l’adoption de l’état d’urgence par l’Assemblée nationale, l’exécutif compte “tout faire” pour renforcer la sécurité des Français. Cela devrait passer, comme prévu, par une révision constitutionnelle. Mais aussi par deux nouveaux projets de lois hyper-sécuritaires, portés du bout des lèvres par la ministre de la Justice, Christiane Taubira. En voulant assurer la protection des Français, ces deux lois pourraient porter un sacré coup de canif aux libertés individuelles dans la patrie des Droits de l’homme.

Selon le journal Le Monde, le premier texte se chargera d’organiser les modalités de “sortie en escalier” de l’état d’urgence. Traduction : prolonger certaines mesures relevant de l’état d’urgence, notamment en ce qui concerne les pouvoirs de la police et du parquet, pour revenir à la normale “en douceur”.

Le second texte visera quant à lui à élargir considérablement les pouvoirs de la police et du parquet en temps ordinaire. Dans certains cas, cela revient à doter les enquêteurs de prérogatives très proches de celles dont ils disposent pendant l’état d’urgence.

S’il est probable que certaines propositions avancées dans ce deuxième texte ne figureront pas dans le texte final, prévu au premier trimestre 2016, ou qu’elles pourraient être remodelées lors de la navette parlementaire, d’autres aussi pourraient s’ajouter en cours de route. Quoi qu’il en soit, la volonté du gouvernement est claire : faciliter grandement le travail de la police en s’embarrassant le moins possible des contraintes judiciaires… et du respect des libertés individuelles.

Des perquisitions facilitées

Quatre mesures sur les douze envisagées par le gouvernement concernent l’assouplissement des perquisitions administratives. Alors qu’elles doivent normalement débuter entre 6h et 19h, les perquisitions pourront aussi être effectuées la nuit. Un délit d’obstruction à la perquisition administrative sera créé, sans qu’on connaisse pour l’heure la sévérité des sanctions. En outre, les policiers pourront saisir tout objet ou document dans le cadre de la perquisition, sans contrôle du procureur.

Des mesures jugées “extrêmement invasives” par Agnès de Cornulier, la coordinatrice de l’analyse juridique et politique de La Quadrature du Net, une association de défense des libertés.

“Cette nouvelle loi poursuit la destruction du pouvoir judiciaire à l’œuvre depuis la loi antiterroriste de novembre 2014, la loi renseignement de juillet 2015 et les premières lois post-attentats du 13 novembre. L’institution est déshabillée au profit de la police, c’est un coup très grave porté à la séparation des pouvoirs. Donner tant de prérogatives aux forces de l’ordre, sans contrôle judiciaire, dans un contexte hors état d’urgence, ouvre grand la porte vers un Etat policier”, estime-t-elle.

Pour faciliter les enquêtes, le projet de loi prévoit également la possibilité de poser des micros dans les domiciles dans le cadre d’une enquête préliminaire. Et l’alignement des pouvoirs accordés lors d’une enquête de flagrance (lorsque le flagrant délit est établi) sur ceux en vigueur lors des enquêtes préliminaires. Concrètement, cela signifie que les enquêteurs pourront perquisitionner sans l’accord de la personne visée dès le stade de l’enquête préliminaire, alors que c’était impossible auparavant.

Recourir à tout l’éventail des techniques du renseignement

Dans son discours exceptionnel devant le Congrès réuni à Versailles, le 17 novembre, François Hollande avait annoncé la couleur. “Il faudra renforcer substantiellement les moyens de la justice et des forces de sécurité », en permettant aux services d’enquête de recourir à « tout l’éventail des techniques et renseignement qu’offrent les nouvelles technologies et dont l’utilisation est autorisée par la loi renseignement”, avait-il affirmé.

Si ces propositions ne reprennent pas l’intégralité de cet éventail, il faut noter que le projet de loi vise à permettre, dans le cadre des enquêtes des policiers, l’interconnexion globale de tous les fichiers, notamment ceux, très fournis, de la Sécurité Sociale. Autrement dit, les policiers pourront recouper très facilement toutes les informations qui existent sur vous. Les défenseurs de la vie privée y voient le premier pas vers un grand fichier de police unique, très pratique pour installer une surveillance de masse.

Big Brother hors état d’urgence ?

Le texte prévoit aussi l’élargissement des possibilités de surveillance dans les lieux publics, et le recours aux IMSI-catchers -ces fausses antenne-relais qui espionnent les téléphones- sans contrôle judiciaire.

Jusqu’à présent, les IMSI-catchers étaient utilisés, d’abord de manière illégale, puis de manière légale depuis que la loi Renseignement a été votée, dans le cadre de la surveillance des services secrets. Très invasifs, ils permettent de recueillir énormément de données car ils captent tous les téléphones portables situés dans leur rayon d’action. Si cette mesure était votée, elle irait plus loin que la loi renseignement, qui prévoit que le recours aux IMSI-catchers doit être validé par un avis favorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Pas de précision supplémentaire sur l’élargissement de la surveillance dans les lieux publics. Toutefois, les experts estiment qu’ “élargir les possibilités de surveillance” pourrait signifier recourir à de nouvelles techniques, comme la géolocalisation à grande échelle ou la reconnaissance faciale, et multiplier le nombre de caméras de vidéosurveillance.

De leur côté, les policiers bénéficieront d’un assouplissement du régime de la légitime défense. Juste avant les attentats, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait proposé, lors du congrès du syndicat de police Alliance, que les policiers puissent faire usage de leur arme face aux “forcenés qui tuent en série”.

Nicolas Sarkozy voulait aller encore plus loin. Le 3 novembre, le patron des Républicains a annoncé vouloir créer une “présomption de légitime défense”, c’est-à-dire autoriser un policier à tirer “si le délinquant a une arme et qu’il refuse de la poser”. La proposition avait déjà été lancée par Marine Le Pen, en 2012. A l’époque, Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, l’avait écartée au motif qu’ “on ne peut pas donner aux policiers un permis de tuer“.

Quid de la CNIL et du droit européen ?

Le gouvernement a-t-il organisé la fuite de ces informations auprès du journal Le Monde pour tâter le terrain, quitte à reculer par la suite sur certaines mesures ? C’est possible, tant certaines idées semblent aller à contre-courant de la législation européenne et de la loi Informatique et Libertés garantissant le respect de la vie privée.

L’installation systématique de GPS sur les voitures de location, par exemple, risque de se transformer en casse-tête juridique. On comprend bien l’intention du gouvernement : puisque des voitures de locations ont été utilisées dans la logistique des carnages du 13 novembre, Manuel Valls et François Hollande veulent rassurer les Français en forçant les loueurs à géolocaliser leurs véhicules.

Mais selon l’avocat Fabrice Naftalski, spécialiste du droit sur la protection des données chez EY Société d’Avocats, “sa faisabilité juridique” pose question :

“Les dispositifs de géolocalisation sont encadrés par la loi Informatique et Libertés. Leur utilisation implique le consentement préalable de la personne concernée. En juillet 2014, la CNIL a même sanctionné un loueur de véhicules qui utilisait la géolocalisation permanente pour lutter contre la non-restitution ou le vol des véhicules, car elle estimait que c’était excessif”.

On peut également se poser la question de la pertinence d’un tel dispositif. Surveiller les véhicules de location n’empêchera pas les terroristes de voler des voitures -comme lors des attentats de janvier dernier- ou d’utiliser leurs propres véhicules.

Une autre mesure très problématique sur le plan du droit est l’injonction faite aux opérateurs téléphoniques de conserver les fadettes pendant deux ans. Cette idée irait à contresens de l’arrêt Digital Rights de la Cour de justice européenne (CJUE), en 2014. Il imposait justement la réduction de la durée de conservation des données personnelles détenues par les opérateurs télécoms. Les Etats membres sont donc tenus de se mettre en conformité avec cette décision, qui a été renforcée par l’arrêt Schrems d’octobre 2015, à l’origine de l’annulation du traité transatlantique Safe Harbor sur le transfert des données.

Source : La Tribune, Sylvain Rolland,  

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Source: http://www.les-crises.fr/procedure-dexception-sans-etat-durgence-par-jean-claude-paye/


Revue de presse du 08/05/2016

Sunday 8 May 2016 at 06:10

Cette semaine entre autres articles, de très bonnes analyses sur les limites des médias sociaux d’une part et sur les crises financières d’autre part ; pendant ce temps chez les politiciens français c’est fumeux voire très creux, du coup un peu de mécanique du cerveau pour l’expliquer à ceux qui ont voulu en parler… Merci aux participants de nos revues.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-08052016/


Les Ukrainiens bientôt exemptés de visa malgré le référendum néerlandais

Sunday 8 May 2016 at 02:30

Source : Euractiv, Georgi Gotev, 22-04-2016

Traduit par: Marion Candau

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La Commission européenne a proposé d’exempter de visa les citoyens ukrainiens, malgré le rejet de l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine par les Néerlandais.

Le référendum néerlandais sur l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine ne semble pas perturber les plan de Bruxelles.

Dimitris Avramopoulos, commissaire à la migration a déclaré le 20 avril que l’exécutif tiendrait sa promesse d’exemption de visa pour les séjours de courte durée dans l’UE pour les Ukrainiens détenteurs d’un passeport biométrique.

Une décision ayant pour objectif de faciliter le contact entre les peuples et de renforcer les liens économiques, sociaux et culturels entre l’UE et l’Ukraine.

Pourtant, les électeurs néerlandais avaient rejeté massivement le 6 avril l’accord d’association entre l’Ukraine et l’UE, lors d’un référendum consultatif.

« C’est le résultat des réformes difficiles et profondes entreprises par le gouvernement ukrainien dans le domaine de la justice et des affaires intérieures […]. Je suis très satisfait des progrès réalisés, c’est une avancée importante pour les citoyens ukrainiens, et j’espère que le Parlement européen et le Conseil adopteront notre proposition très bientôt », a déclaré Dimitris Avramopoulos.

Une fois que la proposition sera adoptée par le Parlement européen et le Conseil, les Ukrainiens détenteurs d’un passeport biométrique n’auront plus besoin de visa pour voyager durant de courtes périodes dans l’espace Schengen.

L’exemption de visa s’appliquera dans tous les États membres, sauf l’Irlande et le Royaume-Uni, et les quatre pays associés à l’espace Schengen (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse). L’exemption de visa n’est valable que pour une période de 90 jours, renouvelable après un période de trois mois de carence. L’exemption ne donne pas le droit de travailler dans l’UE.

Les autres conditions d’entrée à l’espace Schengen continueront de s’appliquer, notamment la preuve de moyens financiers suffisants et le motif du voyage.

Exemption pour les Turcs

Dimitris Avramopoulos a profité de l’occasion pour annoncer que si les choses évoluaient dans le bon sens, la Commission proposerait une exemption de visa pour les citoyens turcs le 4 mai.

La crise des réfugiés met l’UE sous pression pour accélérer la libéralisation du régime des visas avec la Turquie. L’Ukraine a indirectement bénéficié de cette situation, puisque nombreux sont les eurodéputés et les États membres qui considèrent qu’il serait politiquement incorrect d’ouvrir les frontières aux Turcs et non aux Ukrainiens.

Au Conseil, où siègent les États membres, la proposition de la Commission sera dans les deux cas votée à la majorité qualifiée. Les dirigeants européens se sont engagés à délivrer une exemption de visa aux Turcs d’ici à juin.

Source : Euractiv, Georgi Gotev, 22-04-2016

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La lutte anti-corruption en Ukraine !!!!!

Source: http://www.les-crises.fr/les-ukrainiens-bientot-exemptes-de-visa-malgre-le-referendum-neerlandais/


La Commission européenne accepte sous conditions d’exempter les Turcs de visa

Sunday 8 May 2016 at 02:15

Source : France 24, 04-05-2016

La Commission européenne a donné son feu vert mercredi pour exempter de visa, sous conditions, les Turcs voyageant dans l’espace Schengen. Cette disposition s’inscrit dans le cadre de l’accord entre l’UE et la Turquie sur la crise migratoire.

La Commission européenne a donné mercredi 4 mai son feu vert à une exemption de visa, sous conditions, pour les Turcs voyageant dans l’espace Schengen pour une courte durée. Cette disposition était l’une des conditionssine qua non qu’Ankara avait demandée pour que le pays continue d’appliquer l’accord migratoire signé le 18 mars avec l’Union européenne (UE). En contrepartie, Ankara s’est engagé à lutter contre l’afflux de réfugiés en Europe

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Ces derniers temps, la Turquie se montrait impatiente face à cette “promesse” européenne – et menacait de remettre en cause le pacte migratoire. “[Nous sommes] un pays qui tient sa parole, il faut bien entendu que l’Union européenne tienne aussi la sienne”, a averti mercredi le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu à Ankara.

Le vert définitif de l’UE à l’exemption de visa dépend également de 72 critères que la Turquie doit remplir – qui vont de garanties sur la sécurité des documents d’identité au respect des droits fondamentaux. Ankara a presque rempli la totalité de ces conditions : il ne lui en reste plus que cinq. Lundi soir, le gouvernement turc a approuvé la suppression des visas pour les ressortissants de l’ensemble des 28 États membres de l’UE, une mesure de réciprocité qui constituait l’une des principales exigences de l’Europe (les ressortissants de quelques pays d’Europe de l’Est devaient jusqu’à présent demander un visa pour se rendre en Turquie).

L’adoption du passeport biométrique est l’une des dernières conditions à satisfaire. Mevlüt Cavusoglu a indiqué mercredi sur la chaîne télévisée NTV que la modification de la législation en la matière serait prochainement effectuée.

En 2015, l’Europe a été ébranlée par un nombre sans précédent de 1,25 million de demandes d’asile, déposées principalement par des Syriens, Irakiens et Afghans fuyant la guerre et l’insécurité. Combiné à la fermeture de la route migratoire des Balkans, l’accord avec Ankara a fait baisser la pression sur l’UE, même si la situation reste inquiétante en Grèce, où sont bloqués des dizaines de milliers de réfugiés.

De nombreuses ONG et associations craignent que Bruxelles ne ferme les yeux sur les restrictions de libertés en Turquie. “Ce n’est pas en tournant le dos à la Turquie, que nous verrons des progrès en ce qui concerne le respect des droits de l’Homme, de la liberté de la presse et de l’État de droit”, s’est défendu le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, dans une interview au quotidien italien La Repubblica.

Source : France 24, 04-05-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/la-commission-europeenne-accepte-sous-conditions-dexempter-les-turcs-de-visa/


La Commission européenne propose d’exempter de visas les citoyens du Kosovo

Sunday 8 May 2016 at 02:00

Source : RFI, 05-05-2016

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C’est une proposition de la Commission européenne : les ressortissants du Kosovo devraient bientôt pouvoir voyager dans l’espace Schengen sans visa. Cette proposition sera soumise au vote du Parlement européen.

Avec notre correspondant à Rahovec,  Laurent Geslin

C’est dans une ambiance de fête que la population du Kosovo a appris que la Commission européenne avait recommandé la levée des visas pour l’espace Schengen, au terme de négociations entamées depuis des années.

A Pristina, le Premier ministre Isa Mustafa parle d’un « grand jour ». De son côté, Samuel Žbogar, le représentant spécial de l’Union européenne au Kosovo, a salué cette mesure en déclarant que ceci démontrait que l’UE était à l’écoute des citoyens du Kosovo et de leurs problèmes.

Pour la grande majorité des citoyens du petit pays, y compris ceux de la minorité serbe, la levée des visas signifie la fin de l’isolement. Youssouf, Barbier, dans la petite ville de Rahovec, à l’est du pays, reste cependant prudent : « C’est ce qu’on dit à la télé peut-être, mais je n’y croirais pas tant que je n’aurais pas passé moi-même la frontière et vu ce qu’ils demandent ».

La commissaire européenne Federica Mogherini est à Pristina ce jeudi pour participer dans l’après-midi à la séance solennelle du Parlement kosovar qui doit approuver l’accord de délimitation de la frontière avec le Monténégro, ultime condition posée par l’Union européenne.

Source : RFI, 05-05-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/la-commission-europeenne-propose-dexempter-de-visas-les-citoyens-du-kosovo/


L’UE envisage de suspendre la réciprocité des visas avec les États-Unis et le Canada

Sunday 8 May 2016 at 01:30

Donc on retire les visas pour  les citoyens :

  • d’une des 3 ou 4 pays les plus corrompus au monde
  • d’un autre État soutenant le terrorisme
  • d’un autre État mafieux

mais on risque de les remettre pour les Américains – parce qu’ils ne comprennent pas que la France et la Roumanie, c’est le même pays !

Mais bon, ce n’est pas comme si la France était le pays le plus touristique au monde…

Ces gens sont fous…

Source : Europe 1, 13-04-2016

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L’Union européenne reproche depuis 2014 à ces deux pays de ne pas respecter la réciprocité des visas.

L’Union européenne s’est donné mardi jusqu’à la mi-juillet pour évaluer l’éventualité d’une suspension de la réciprocité des visas avec les Etats-Unis, le Canada et le sultanat de Brunei, faute d’une exemption appliquée par ces trois pays aux ressortissants de tous les Etats membres de l’UE.

Le Parlement doit trancher. “La Commission a évalué les conséquences juridiques, politiques et économiques d’une éventuelle suspension temporaire de l’exemption de visa accordée aux Etats-Unis, au Canada et à Brunei et elle a demandé au Parlement et au Conseil européens de prendre position sur la voie à suivre”, a indiqué le commissaire européen aux Migrations, Dimitris Avramopoulos, dans un communiqué. Ces deux instances devront rendre leur avis au plus tard le 12 juillet prochain.

Solidarité entre les pays de l’UE. Au nom du principe de solidarité qui lie les 28 Etats membres, l’UE cherche à obtenir que les pays tiers figurant sur sa liste d’exemption de visas (dans l’optique d’un séjour de moins de 90 jours) accordent la même exemption à tous les ressortissants de l’Union. Or, dès avril 2014, la Commission européenne avait notifié cette absence de réciprocité par plusieurs pays, un contentieux résolu en 2015 avec l’Australie et le Japon mais qui continue de se poser avec le Canada et les Etats-Unis.

Moins de touristes canadiens ? Le Canada a imposé des visas pour les Bulgares et les Roumains, tandis que Washington en exige pour les ressortissants bulgares, croates, chypriotes, polonais et roumains voyageant sur son territoire. Le petit Etat de Brunei, en Asie du Sud-Est, demande un visa pour les Croates, mais le problème devrait être levé “dans les semaines à venir”, selon la Commission. Le ministère canadien de l’Immigration s’est dit “heureux que la Commission ait choisi pour l’heure de ne pas adopter une loi qui aurait imposé une obligation de visa aux Canadiens qui se rendent en Europe”. Toutefois, ajoute le ministère dans un communiqué, “nous demandons instamment que le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen mesurent soigneusement les conséquences négatives que l’imposition d’une obligation de visa au Canada aurait sur nos intérêts communs”.

Source : Europe 1, 13-04-2016

Source: http://www.les-crises.fr/lue-envisage-de-suspendre-la-reciprocite-des-visas-avec-les-etats-unis-et-le-canada/


Allemagne : Wolfgang Schäuble propose la retraite à 70 ans, par Romaric Godin

Saturday 7 May 2016 at 02:38

Source : La Tribune, Romaric Godin, 22/04/2016

L'Allemagne vieillit et s'interroge : comment payer les retraites en 2030 ? (Crédits : REUTERS/Charles Platiau)

L’Allemagne vieillit et s’interroge : comment payer les retraites en 2030 ? (Crédits : REUTERS/Charles Platiau)

En relançant le débat sur l’âge de départ à la retraite, le ministre fédéral allemand des Finances sape la stratégie de la chancelière et pose un problème grave pour l’avenir du pays.

Depuis quelques semaines, le débat sur les retraites a commencé à s’imposer en Allemagne comme un sujet central qui risque d’être, avec la crise des réfugiés, un des thèmes clé de la prochaine élection fédérale en septembre 2017. Non sans raison. Alors que la politique monétaire de la BCE inquiète les retraités et futurs retraités qui dépendent de fonds de pension gérés par les assureurs, un sondage rendu public par la chaîne publique ARD estime que 57 % des Allemands estiment que les retraites ne sont pas suffisamment sûres. Une inquiétude surtout forte chez les plus jeunes : elle touche 62 % des 18-25 ans. Le fondement de cette inquiétude est évidemment démographique. Selon l’office fédéral des statistiques Destatis, en 2030, un tiers des Allemands aura plus de 65 ans, contre un cinquième aujourd’hui.

Problème démographique et pauvreté des retraités

Ce problème démographique, a souligné récemment Destatis, ne sera pas résolu par l’arrivée du million de migrants en 2015, quand bien même ces derniers demeureraient en Allemagne. Le « déficit naturel », solde entre les naissances et les décès, devrait, en effet, dans les prochaines années, se creuser sous le double coup d’une faible fertilité (environ 1,43 enfant par femme) et d’une mortalité renforcée par le vieillissement de la population. Cette situation pose évidemment un problème pour le système de retraite allemand, compte tenu de la baisse du nombre de cotisants au regard du nombre de retraités.

Le problème qui risque de se poser est celui de la pauvreté des futurs retraités. Selon les prévisions de l’assurance retraite allemande, plus de 25 millions d’Allemands sont menacés de toucher une retraite inférieure au seuil de pauvreté en 2030. Pour passer au-delà de ce seuil, prévoit l’institution, il faudra avoir travaillé 40 ans de façon ininterrompue et toucher au moins 2.097 euros bruts par mois. Or, la flexibilisation du marché du travail outre-Rhin et l’explosion du travail partiel qui touche près de 15 millions de salariés allemands, soit 38,3 % du total, selon les chiffres de l’institut IAB, rendent de plus en plus difficile de telles conditions.

Réformes et contre-réformes

Bref, les retraites sont clairement une menace pour l’Allemagne et la réforme de 2005, engagée par Gerhard Schröder et mise en place par Angela Merkel, qui prévoit le passage de l’âge légal de départ à la retraite à 65 à 67 ans entre 2005 et 2030 risque de ne plus suffire. Face à ce défi, la « grande coalition » entre la CDU/CSU de la chancelière et la SPD sociale-démocrate a longtemps choisi de ne rien faire, contrairement à la légende tenace en France selon laquelle ce type de coalition « permet de réformer ». En réalité, en 2014, la CDU a accepté de permettre des départs à la retraite à 63 ans pour ceux qui ont cotisé le plus longtemps afin d’obtenir l’appui de la SPD sur la politique budgétaire restrictive du gouvernement et sur sa politique européenne. Non pas dans le cadre d’un projet réel, mais uniquement pour gérer l’équilibre interne de la grande coalition.

Travailler plus longtemps ?

Pour le patronat allemand, la solution est toute trouvée : il faut travailler encore plus longtemps, supprimer l’exception des 63 ans et remonter l’âge légal de départ à la retraite en 2030 à 70 ans ou, du moins, le « flexibiliser » à l’évolution démographique. L’idée est aussi défendue par la Commission européenne et l’OCDE, mais la SPD ne veut pas en entendre parler. Pour une raison fort simple : à l’agonie dans les sondages – certains lui attribuent moins de 20 % des suffrages – la formation de centre-gauche tente de se présenter comme défenseur des salariés et des retraités. Il s’agit de corriger l’image issue de la réforme de 2005 qui a été conçue et portée par les Sociaux-démocrates. Angela Merkel, sentant le piège de ce sujet, a tenté, la semaine dernière de lancer une réflexion sur le sujet pour désamorcer le débat. Le but est d’abord de parvenir à un consensus sur une réforme pour que le débat soit clos avant l’élection de 2017. Apparemment, la chancelière n’est pas à l’aise avec ce sujet. Et pour cause : elle ne veut ni s’aliéner les milieux économiques, ni ses alliés de la SPD dont elle a le plus impérieux besoin, alors qu’une partie de la droite doute de plus en plus d’elle.

Wolfgang Schäuble relance le débat

Cette stratégie dilatoire, assez typique de la méthode de gouvernement de la chancelière, a cependant déjà échoué face à l’action concertée de deux de ses « alliés. » D’abord, le ministre-président bavarois, chef de la CSU, sœur de la CDU dans le Land du sud du pays, Hors Seehofer, qui, en début de semaine, a réclamé le passage de la retraite à 70 ans. Et surtout Wolfgang Schäuble, le ministre fédéral des Finances, très populaire qui, mercredi, s’est également rangé parmi les partisans de la « flexibilisation » de l’âge du départ à la retraite. Immédiatement, le débat s’est rallumé en Allemagne. Sigmar Gabriel, vice-chancelier et ministre de l’Economie a rejeté cette demande comme « cynique » et un appel à « une baisse cachée des retraites. » Et de conclure : « avec la SPD, cela n’aura pas lieu. »

Revoici la polémique relancée au sein de la « GroKo », la « grande coalition ». Les bras droits de la chancelière au sein de la CDU ont tenté de clore le débat, rappelé qu’un rapport a été demandé et sera rendu en octobre et qu’il faut attendre jusque-là… Mais en vain. Le patronat allemand, trop heureux de l’aubaine, a répété sa demande de report de l’âge de la retraite jusqu’à 70 ans. Dans le Rheinische Post de ce vendredi, Ingo Kramer, le président de la DBA, la fédération des employeurs allemands, a estimé que si rien n’était fait, les cotisants, patrons et employés, devront payer 60 milliards d’euros de plus qu’aujourd’hui. Le président de la fédération des assureurs allemands, la GDV, Alexander Erdland, a, lui, estimé que des « âges de départ à la retraite fixes ne correspondent plus à une espérance de vie plus dynamique. »

Des problèmes structurels

L’affaire est cependant plus complexe. L’espérance de vie est un concept commode pour les partisans d’un départ plus tardif à la retraite, mais il ne représente qu’une partie du problème. L’autre partie est évidemment la diminution de la population active qui reflète un des échecs les plus cuisants de la politique allemande de ces dernières années. Malgré 200 milliards d’euros de politique familiale dépensés chaque année, le taux de fertilité est resté très bas. Il est récemment remonté légèrement, mais pas suffisamment. L’apport des réfugiés est, de ce point de vue, une bonne nouvelle, mais ne règle pas tout, car il reste insuffisant à long terme. L’activité à temps plein des femmes devrait aussi être encouragée, ce qui n’est pas encore suffisamment le cas. Bref, le problème des retraites cachent une série de ratés de la politique allemande.

Du reste, les politiques tant vantées à l’étranger de flexibilisation de l’emploi ont conduit à un fort partage du temps de travail qui a réduit le nombre d’heures travaillés par le développement du temps partiel. Résultat : les salaires versés sont donc souvent réduits, malgré le plein emploi et les cotisations à terme insuffisantes. C’est le revers du plein emploi et c’est un modèle qui pose problème pour le financement des retraites. Les employeurs allemands ont beaucoup profité de cette situation, comme ils ont beaucoup encouragé la baisse de la couverture des accords salariaux collectifs, ce qui a conduit à réduire les hausses de salaires, mais aussi celles des cotisations.

L’espérance de vie, un bon critère ?

Enfin, l’espérance de vie est un argument qui semble peu porteur. En Allemagne, celle à un an, selon Eurostat, est de 78 ans pour les hommes et 82 pour les femmes, soit une moyenne de 80,4 ans. C’est moins que la moyenne de la zone euro (81,3 ans) et bien moins que l’espérance de vie en Espagne et en Italie (82,5 ans), mais aussi en France (82,1 ans). Cette espérance de vie n’est donc pas exceptionnelle. Surtout, elle n’est pas liée à une bonne santé. Selon les données récentes de Eurohex, l’espérance de vie en bonne santé en Allemagne pour un habitant de 65 ans n’est que de 7 ans. C’était 7,6 ans en 2006. Autrement dit, cet élément se dégrade et surtout il reste très inférieur à la moyenne européenne (8 ans). En France, cet espérance de vie à 65 ans est de 9,8 ans, contre 9,6 ans en 2006. On le voit donc : la situation se dégrade dangereusement outre-Rhin. Et l’espérance de vie à la naissance pourrait donc être le mauvais indicateur. Relever l’âge de départ sans régler ces problèmes structurels est donc une solution de facilité qui ne règlera en réalité rien.

A quoi joue Wolfgang Schäuble ?

Pourquoi alors Wolfgang Schäuble part-il à l’offensive ? Pour des raisons politiques, évidemment. Angela Merkel semble durablement affaiblie par la question des réfugiés. Tous les sondages montrent un affaiblissement préoccupant de la « grande coalition ». C’est vrai pour la SPD, mais aussi pour la CDU qui, selon la dernière enquête FGW n’est qu’à 33 % des intentions de vote, du jamais vu depuis 2011. Or le ministre fédéral des Finances semble décider à savonner la planche de la chancelière pour prendre la tête d’une opposition conservatrice interne. Pour cela, il distille savamment des petites phrases qui provoquent la colère de la SPD et la gêne de la chancelière. Il l’a fait sur la question grecque et sur celle des réfugiés, il le fait à présent sur la question des retraites.

L’objectif est simple : ruiner la stratégie temporisatrice d’Angela Merkel, la montrer incapable de contrôler la situation et l’identifier dans l’esprit des électeurs conservateurs aux Sociaux-démocrates. In fine, il s’agit de faire revenir dans le giron d’une CDU « redroitisée » les électeurs d’Alternative für Deutschland (AfD), le parti d’extrême-droite, et, surtout, de conserver la CSU bavaroise dans l’orbite de la CDU, alors que cette dernière diverge de plus en plus du parti d’Angela Merkel et penserait même à se présenter au niveau national… Le durcissement du ton face à la Grèce via le FMI va dans le même sens. Angela Merkel a des raisons de s’inquiéter : ses rivaux sont proches d’elle…

Source : La Tribune, Romaric Godin, 22/04/2016

Source: http://www.les-crises.fr/allemagne-wolfgang-schauble-propose-la-retraite-a-70-ans-par-romaric-godin/


Les 17 meilleures blagues de l’ultime “sketch” de Barack Obama à la Maison-Blanche, par Timothée Vilars

Saturday 7 May 2016 at 02:00

J’ai eu du mal à analyser ceci.

Première lecture : c’est très très drôle

2e lecture : mais comment le Président des USA peut-il s’abaisser à ça ?

3e lecture : n’est-ce pas un signe de recul sur la fonction, assez salvateur ? Ca évite ça :

Bref, un peu comme le fou du roi au Moyen-Âge – sauf que ce n’était jamais le roi à l’époque…
4e lecture : … ?

Source : Le Nouvel Obs, Timothée Vilars, 01-05-2016

Un exercice délicat mais qu’il adorait : pour son 8e et dernier dîner des correspondants, Barack Obama a régalé samedi soir le tout-Washington de plaisanteries acerbes sur les médias, le monde politique et… Donald Trump.

Il fallait une apothéose. Dans six mois, Barack Obama ne sera plus qu’un “lame duck”, tel qu’on qualifie le président américain pendant la période de transition entre l’élection de novembre et l’investiture de son successeur, en janvier. C’est donc pour la dernière fois ce samedi 30 avril que le 44e président américain a pris le micro au dîner de gala annuel des correspondants de presse de la Maison-Blanche, pour 32 minutes de mitraille hilarante en direction de ses alliés, ses adversaires, et surtout de lui-même.

Pour ce rendez-vous devenu incontournable au fil des décennies, l’équipe du président américain a travaillé pendant des semaines sur le texte.

“C’est l’un des discours les plus difficiles de l’année”, explique à l’AFP Cody Keenan, 35 ans, qui dirige l’équipe des auteurs des discours de la Maison-Blanche.

Il est de tradition dans cet exercice que le président n’épargne personne, quitte à adopter un ton très grinçant. Barack Obama en avait fait une de ses marques de fabrique, et s’est même fendu d’un “mic drop” à la fin de son discours samedi soir, lâchant son micro par terre à la façon des popstars qui veulent signifier que leur prestation a été tellement parfaite qu’il n’y a plus rien à ajouter.

Voici un florilège des meilleurs extraits de son discours, dont vous pouvez retrouver l’intégralité sur YouTube.

Donald Trump

0’10” : “Bonsoir tout le monde. C’est un honneur d’être à mon dernier… et peut-être LE dernier dîner des correspondants de la Maison-Blanche. Vous avez tous l’air en pleine forme ; la chute de la République n’a jamais eu meilleure allure”.

12’27” : “Le président du parti républicain Reince Priebus est également avec nous ce soir. Je dois le dire, vous avez bien mérité une petite sortie. Félicitations, j’ai entendu parler de vos derniers succès… Le parti, le processus de nomination, tout va à merveille ! Continuez comme ça.”

17’48” : “On sent comme une confusion au parti républicain. Sur les invitations du dîner de ce soir, où on vous demandait de choisir entre viande et poisson, un bon nombre d’entre vous ont écrit ‘Paul Ryan’ [président de la Chambre des représentants, que l’establishment républicain espère substituer à Ted Cruz et Donald Trump lors de la Convention en juillet]. Ça ne faisait pas partie des options : viande, ou poisson. Vous n’aimez peut-être ni la viande ni le poisson… Mais c’est votre choix.”

19’52” : “[…] vous remercier pour tout ce que vous faites, vous savez, une presse libre est un élément central de notre démocratie et… Nan, je plaisante ! Vous savez bien que je vais parler de Trump !”

20’24” : “Je suis un peu peiné de son absence ce soir… Nous nous étions tellement bien amusés la dernière fois et c’est surprenant, il y a là une salle pleine de soutiens, de célébrités, de caméras et il a dit non. Est-ce que ce dîner serait trop tape-à-l’œil pour Donald ? Qu’est-ce qu’il peut bien faire en ce moment ? Manger un steak Trump ? Tweeter des insultes à Angela Merkel ?”

21’17” : “L’establishment républicain pense que Donald manque trop d’expérience en politique étrangère pour être président. Mais il faut rappeler qu’il a passé des années à rencontrer des dirigeants du monde entier : Miss Suède, Miss Argentine, Miss Azerbaïdjan…” [Donald Trumpa présidé les concours Miss Univers pendant 20 ans]

22’21” : “Je ne voudrais pas en faire trop. Car on est d’accord que depuis le début, il [Trump] a reçu juste ce qu’il faut de couverture médiatique, une couverture adaptée au sérieux de cette candidature… [silence] Vous pouvez être fiers de vous. Le mec voulait juste donner un coup de pouce à son business immobilier, et maintenant tout le monde prie pour qu’il ne passe pas le mois de juillet !”

La presse

11’13” : “Je voudrais ici rendre hommage à plusieurs journalistes récompensés présents ici ce soir : Rachel McAdams, Mark Ruffalo, Liev Schreiber… [les acteurs du film oscarisé “Spotlight”] Merci pour tout ce que vous avez fait.”

11’32” : “Je plaisante. Comme vous le savez, ‘Spotlight’ est un film. Un film sur des journalistes d’investigation dont le talent et l’indépendance leur ont permis de traquer la vérité et de faire tomber des têtes… Meilleur film de science-fiction depuis “Star Wars“.”

!!!!

Bernie Sanders

16’01” : “Je suis peiné, Bernie, que tu aies pris tes distances avec moi. Ce n’est pas quelque chose qu’on fait à un camarade.” [Bernie Sanders est régulièrement taxé de communiste]

Hillary Clinton

1’17” : “Nous y voilà : ma huitième et dernière apparition à cette cérémonie unique. Et je m’en réjouis : si mon discours marche bien, je pourrai m’en servir chez Goldman Sachs l’année prochaine. Je vais me faire plein de thunes !” [Le couple Clinton s’est enrichi à millions par des conférences rémunérées, notamment auprès de grandes banques]

OB : c’est énorme ça !!

2’28” : “Dans un an jour pour jour, un autre président se tiendra à cette place. Et personne ne sait encore qui elle sera.” [Hillary Clinton est la seule femme des quatre favoris à la Maison-Blanche]

17’04” : “Il faut quand même l’admettre… Hillary qui essaie de séduire l’électorat jeune, c’est un peu comme votre vieille tante qui vient de s’inscrire sur Facebook. ‘Cher peuple américain, as-tu bien reçu mon poke ? Il s’affiche sur ton mur ? Je ne sais pas si je l’utilise comme il faut ?'”.

Son âge et sa future retraite

3’40” : Une fois Hillary [Clinton, alors secrétaire d’Etat]m’a demandé si je pouvais prendre un appel téléphonique à 3 heures du matin. Aujourd’hui à cette heure-là, je suis debout de toute façon parce que je dois aller aux toilettes.”

4’01” : “C’est à ce point que quelqu’un m’a dit récemment : ‘Monsieur le président, vous êtes le passé. Justin Trudeau [le nouveau Premier ministre canadien, 44 ans] vous a complètement remplacé. Il est tellement beau, tellement séduisant, c’est lui l’avenir maintenant.’ Et j’ai répondu ‘Ça va Justin, on a compris'”.

6’39” : “Même des grands dirigeants étrangers commencent à me regarder de haut, sachant que je suis sur le départ. La semaine dernière le prince George [2 ans et demi] s’est présenté en peignoir à notre rendez-vous. C’était une sacrée gifle. Une grave violation du protocole.”

8’52” : “Et pourtant, malgré toutes ces défections, mon taux de popularité continue à grimper. La dernière fois que j’ai plané aussi haut, j’étais en train de choisir mon master à la fac.” [il est de notoriété publique qu’Obama fumait de l’herbe à l’université]

Sur un registre plus sérieux, le président américain a conclu en rendant hommage à l’ancien correspondant à Téhéran du “Washington Post”, Jason Rezaian, libéré en janvier après avoir passé 18 mois en prison en Iran. Auparavant, un court-métrage (23’45”) imaginait son avenir après la fin de son séjour à la Maison-Blanche… On y voit ainsi Barack Obama se heurter au racisme ordinaire d’une fonctionnaire au moment de s’inscrire pour le permis de conduire, ou aux affres de l’application Snapchat.

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Timothée Vilars

Source : Le Nouvel Obs, Timothée Vilars, 01-05-2016

Je vous remets le sketch filmé sur son départ en retraite (le type qui apparait est John Boehner, qui a été Président républicain de la Chambre des députés de 2011 à 2015, et qui a démissionné il y a peu :

 

Remarks by the President at the White House Correspondents’ Dinner

Source : White House, 30-04-2016

(Entrance music:  “When I’m Gone” by Anna Kendrick.)

THE PRESIDENT:  You can’t say it, but you know it’s true.  (Laughter.)

Good evening, everybody.  It is an honor to be here at my last — and perhaps the last — White House Correspondents’ Dinner.  (Laughter and applause.)

You all look great.  The end of the Republic has never looked better.  (Laughter and applause.)

I do apologize — I know I was a little late tonight.  I was running on C.P.T. — (laughter) — which stands for “jokes that white people should not make.”  (Laughter and applause.)  It’s a tip for you, Jeff.  (Laughter.)

Anyway, here we are.  My eighth and final appearance at this unique event.  (Laughter.)  And I am excited.  If this material works well, I’m going to use it at Goldman Sachs next year.  (Laughter and applause.)  Earn me some serious Tubmans.  That’s right.  (Laughter and applause.)

My brilliant and beautiful wife, Michelle, is here tonight.  (Applause.)  She looks so happy to be here.  (Laughter.)  That’s called practice — it’s like learning to do three-minute planks.  (Laughter.)  She makes it look easy now.  (Laughter.)

Next year at this time, someone else will be standing here in this very spot, and it’s anyone’s guess who she will be.  (Laughter and applause.)  But standing here, I can’t help but be reflective, a little sentimental.  Eight years ago, I said it was time to change the tone of our politics.  In hindsight, I clearly should have been more specific.  (Laughter.)

Eight years ago, I was a young man, full of idealism and vigor, and look at me now.  (Laughter.)  I am gray and grizzled, just counting down the days ’til my death panel.  (Laughter and applause.)  Hillary once questioned whether I’d be ready for a 3 a.m. phone call — now I’m awake anyway because I’ve got to go to the bathroom.  (Laughter and applause.)  I’m up.

In fact, somebody recently said to me, Mr. President, you are so yesterday; Justin Trudeau has completely replaced you — he’s so handsome, he’s so charming, he’s the future.  And I said, Justin, just give it a rest.  (Laughter and applause.)  I resented that.  (Laughter.)

Meanwhile, Michelle has not aged a day.  (Applause.)  The only way you can date her in photos is by looking at me.  (Laughter.)  Take a look.

Here we are in 2008.  (Slide is shown.)

Here we are a few years later.  (Slide is shown.)

And this one is from two weeks ago.  (Slide is shown.)  (Laughter and applause.)

So time passes.  (Laughter.)  In just six short months, I will be officially a lame duck, which means Congress now will flat-out reject my authority.  (Laughter.)  And Republican leaders won’t take my phone calls.  And this is going to take some getting used to, it’s really going to — it’s a curve ball.  I don’t know what to do with it.  (Laughter.)

Of course, in fact, for months now congressional Republicans have been saying there are things I cannot do in my final year.  Unfortunately, this dinner was not one of them.  (Laughter.)  But on everything else, it’s another story.  And you know who you are, Republicans.  In fact, I think we’ve got Republican Senators Tim Scott and Cory Gardner, they’re in the house, which reminds me, security, bar the doors!  (Laughter.)  Judge Merrick Garland, come on out, we’re going to do this right here, right now.  (Applause.)  It’s like “The Red Wedding.”  (Laughter.)

But it’s not just Congress.  Even some foreign leaders, they’ve been looking ahead, anticipating my departure.  Last week, Prince George showed up to our meeting in his bathrobe.  (Laughter and applause.)  That was a slap in the face.  (Laughter.)  A clear breach in protocol.  (Laughter.)  Although while in England I did have lunch with Her Majesty, the Queen, took in a performance of Shakespeare, hit the links with David Cameron — just in case anybody is still debating whether I’m black enough, I think that settles the debate.  (Laughter and applause.)

I won’t lie — look, this is a tough transition.  It’s hard.  Key staff are now starting to leave the White House.  Even reporters have left me.  Savannah Guthrie, she’s left the White House Press Corps to host the Today show.  Norah O’Donnell left the briefing room to host CBS This Morning.  Jake Tapper left journalism to join CNN.  (Laughter and applause.)

But the prospect of leaving the White House is a mixed bag.  You might have heard that someone jumped the White House fence last week, but I have to give Secret Service credit — they found Michelle, brought her back, she’s safe back at home now.  (Laughter and applause.)  It’s only nine more months, baby.  Settle down.  (Laughter.)

And yet, somehow, despite all this, despite the churn, in my final year, my approval ratings keep going up.  (Laughter.)  The last time I was this high, I was trying to decide on my major.  (Laughter and applause.)

And here’s the thing:  I haven’t really done anything differently.  So it’s odd.  Even my aides can’t explain the rising poll numbers — what has changed, nobody can figure it out.  (Slide is shown.)  (Laughter and applause.)  Puzzling.

Anyway, in this last year I do have more appreciation for those who have been with me on this amazing ride, like one of our finest public servants, Joe Biden.  God bless him.  Love that guy.  (Applause.)  I love Joe Biden, I really do.  And I want to thank him for his friendship, for his counsel, for always giving it to me straight, for not shooting anybody in the face.  (Laughter.)  Thank you, Joe.  (Laughter.)

Also, I would be remiss — let’s give it up for our host, Larry Wilmore.  (Applause.)  Also known as one of the two black guys who is not Jon Stewart.  (Laughter.)  You’re the South African guy, right?  (Laughter.)  I love Larry.  And his parents are here, who are from Evanston, which is a great town.  (Applause.)

I also would like to acknowledge some of the award-winning reporters that we have with us here tonight.  Rachel McAdams.  Mark Ruffalo.  Liev Schreiber.  (Laughter.)  Thank you all for everything that you’ve done.  (Laughter.)  I’m just joking.  As you know, “Spotlight” is a film, a movie about investigative journalists with the resources and the autonomy to chase down the truth and hold the powerful accountable.  Best fantasy film since Star Wars.  (Laughter.)  Look — that was maybe a cheap shot.  (laughter.)

I understand the news business is tough these days, it keeps changing all the time.  Every year at this dinner, somebody makes a joke about BuzzFeed, for example, changing the media landscape.  And every year, the Washington Post laughs a little bit less hard.  (Laughter.)  Kind of a silence there.  (Laughter.)  Especially at the Washington Post table.  (Laughter.)

GOP Chairman Reince Priebus is here as well.  (Applause.)  Glad to see you that you feel that you’ve earned a night off.  (Laughter.)  Congratulations on all your success.  The Republican Party, the nomination process -– it’s all going great.  Keep it up.  (Laughter and applause.)

Kendall Jenner is also here.  And we had a chance to meet her backstage — she seems like a very nice young woman.  I’m not exactly sure what she does, but I am told that my Twitter mentions are about to go through the roof.  (Laughter.)

Helen Mirren is here tonight.  (Applause.)  I don’t even have a joke here.  I just think Helen Mirren is awesome.  (Laughter and applause.)  She’s awesome.  (Laughter.)

Sitting at the same table, I see Mike Bloomberg.  (Applause.)  Mike, a combative, controversial New York billionaire is leading the GOP primary and it is not you.  (Laughter.)  That’s has to sting a little bit.  (Laughter.)  Although it’s not an entirely fair comparison between you and the Donald.  After all, Mike was a big-city mayor.  He knows policy in depth.  And he’s actually worth the amount of money that he says he is.  (Laughter and applause.)

What an election season.  For example, we’ve got the bright new face of the Democratic Party here tonight –- Mr. Bernie Sanders!  (Applause.)  There he is — Bernie!  (Applause.)  Bernie, you look like a million bucks.  (Laughter.)  Or to put it in terms you’ll understand, you look like 37,000 donations of 27 dollars each.  (Laughter and applause.)

A lot of folks have been surprised by the Bernie phenomenon, especially his appeal to young people.  But not me, I get it.  Just recently, a young person came up to me and said she was sick of politicians standing in the way of her dreams.  As if we were actually going to let Malia go to Burning Man this year.  (Laughter.)  That was not going to happen.  (Laughter.)  Bernie might have let her go.  (Laughter.)  Not us.  (Laughter.)

I am hurt, though, Bernie, that you’ve distancing yourself a little from me.  (Laughter.)  I mean, that’s just not something that you do to your comrade.  (Laughter and applause.)

Bernie’s slogan has helped his campaign catch fire among young people.  “Feel the Bern.”  (Laughter.)  Feel the Bern — it’s a good slogan.  Hillary’s slogan has not had the same effect.  Let’s see this.  (Slide is shown.)  (Laughter.)

Look, I’ve said how much I admire Hillary’s toughness, her smarts, her policy chops, her experience.  You’ve got to admit it, though, Hillary trying to appeal to young voters is a little bit like your relative just signed up for Facebook.  (Laughter.)  “Dear America, did you get my poke?”  (Laughter.)  “Is it appearing on your wall?”  (Laughter.)  “I’m not sure I am using this right.  Love, Aunt Hillary.”  (Laughter and applause.)  It’s not entirely persuasive.

Meanwhile, on the Republican side, things are a little more — how should we say this — a little “more loose.”  Just look at the confusion over the invitations to tonight’s dinner.  Guests were asked to check whether they wanted steak or fish, but instead, a whole bunch of you wrote in Paul Ryan.  (Laughter.)  That’s not an option, people.  Steak or fish.  (Laughter.)  You may not like steak or fish — (laughter) — but that’s your choice.  (Laughter.)

Meanwhile, some candidates aren’t polling high enough to qualify for their own joke tonight.  (Slide is shown.)  (Laughter.)  The rules were well-established ahead of time.  (Laughter.)

And then there’s Ted Cruz.  Ted had a tough week.  He went to Indiana –- Hoosier country –- stood on a basketball court, and called the hoop a “basketball ring.”  (Laughter and applause.)  What else is in his lexicon?  Baseball sticks?  Football hats?  (Laughter.)  But sure, I’m the foreign one.  (Laughter and applause.)

Well, let me conclude tonight on a more serious note.  I want to thank the Washington press corps, I want to thank Carol for all that you do.  The free press is central to our democracy, and — nah, I’m just kidding!  You know I’ve got to talk about Trump!  Come on!  (Laughter and applause.)  We weren’t just going to stop there.  Come on.  (Laughter and applause.)

Although I am a little hurt that he’s not here tonight.  We had so much fun the last time.  (Laughter.)  And it is surprising.  You’ve got a room full of reporters, celebrities, cameras, and he says no?  (Laughter.)  Is this dinner too tacky for The Donald?  (Laughter.)  What could he possibly be doing instead?  Is he at home, eating a Trump Steak — (laughter) — tweeting out insults to Angela Merkel?  (Laughter.)  What’s he doing?  (Laughter.)

The Republican establishment is incredulous that he is their most likely nominee — incredulous, shocking.  They say Donald lacks the foreign policy experience to be President.  But, in fairness, he has spent years meeting with leaders from around the world:  Miss Sweden, Miss Argentina, Miss Azerbaijan.  (Laughter and applause.)

And there’s one area where Donald’s experience could be invaluable -– and that’s closing Guantanamo.  Because Trump knows a thing or two about running waterfront properties into the ground.  (Laughter and applause.)

All right, that’s probably enough.  I mean, I’ve got more material — (applause) — no, no, I don’t want to spend too much time on The Donald.  Following your lead, I want to show some restraint.  (Laughter.)  Because I think we can all agree that from the start, he’s gotten the appropriate amount of coverage, befitting the seriousness of his candidacy.  (Laughter and applause.)

I hope you all are proud of yourselves.  (Laughter.)  The guy wanted to give his hotel business a boost, and now we’re praying that Cleveland makes it through July.  (Laughter.)

Mm-mm-mm.  (Laughter and applause.)  Hmm.  (Laughter.)

As for me and Michelle, we’ve decided to stay in D.C. for a couple more years.  (Applause.)  Thank you.  This way, our youngest daughter can finish up high school, Michelle can stay closer to her plot of carrots.  (Laughter.)  She’s already making plans to see them every day.  Take a look.  (Slide is shown.)  (Laughter.)

But our decision has actually presented a bit of a dilemma because, traditionally, Presidents don’t stick around after they’re done.  And it’s something that I’ve been brooding about a little bit.  Take a look.

(Video is shown.)

(Applause.)

I am still waiting for all of you to respond to my invitation to connect on LinkedIn.  (Laughter.)  But I know you have jobs to do, which is what really brings us here tonight.

I know that there are times that we’ve had differences, and that’s inherent in our institutional roles — it’s true of every President and his press corps.  But we’ve always shared the same goal –- to root our public discourse in the truth; to open the doors of this democracy; to do whatever we can to make our country and our world more free and more just.  And I’ve always appreciated the role that you have all played as equal partners in reaching these goals.

And our free press is why we once again recognize the real journalists who uncovered a horrifying scandal and brought about some measure of justice for thousands of victims throughout the world.  They are here with us tonight –- Sacha Pfeiffer, Mike Rezendes, Walter Robinson, Matt Carroll, and Ben Bradlee, Jr.  Please give them a big round of applause.  (Applause.)

Our free press is why, once again, we honor Jason Rezaian.  (Applause.)  As Carol noted, last time this year, we spoke of Jason’s courage as he endured the isolation of an Iranian prison.  This year, we see that courage in the flesh and it’s a living testament to the very idea of a free press, and a reminder of the rising level of danger, and political intimidation, and physical threats faced by reporters overseas.  And I can make this commitment that as long as I hold this office, my administration will continue to fight for the release of American journalists held against their will — and we will not stop until they see the same freedom as Jason had.  (Applause.)

At home and abroad, journalists like all of you engage in the dogged pursuit of informing citizens, and holding leaders accountable, and making our government of the people possible.  And it’s an enormous responsibility.  And I realize it’s an enormous challenge at a time when the economics of the business sometimes incentivize speed over depth; and when controversy and conflict are what most immediately attract readers and viewers.

The good news is there are so many of you that are pushing against those trends.  And as a citizen of this great democracy, I am grateful for that.  For this is also a time around the world when some of the fundamental ideals of liberal democracies are under attack, and when notions of objectivity, and of a free press, and of facts, and of evidence are trying to be undermined.  Or, in some cases, ignored entirely.

And in such a climate, it’s not enough just to give people a megaphone.  And that’s why your power and your responsibility to dig and to question and to counter distortions and untruths is more important than ever.  Taking a stand on behalf of what is true does not require you shedding your objectivity.  In fact, it is the essence of good journalism.  It affirms the idea that the only way we can build consensus, the only way that we can move forward as a country, the only way we can help the world mend itself is by agreeing on a baseline of facts when it comes to the challenges that confront us all.

So this night is a testament to all of you who have devoted your lives to that idea, who push to shine a light on the truth every single day.  So I want to close my final White House Correspondents’ Dinner by just saying thank you.  (Applause.)  I’m very proud of what you’ve done.  It has been an honor and a privilege to work side by side with you to strengthen our democracy.  (Applause.)

And with that, I just have two more words to say -– Obama out.  (Drops microphone.)  (Laughter and applause.)  Thank you.  (Applause.)

END                                                     10:37 P.M. EDT

Source : White House, 30-04-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/les-17-meilleures-blagues-de-lultime-sketch-de-barack-obama-a-la-maison-blanche-par-timothee-vilars/