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[Comparatif] La présentation du scandale des 28 pages par nos médias

Tuesday 3 May 2016 at 02:01

Analyse (un peu longue) aujourd’hui de la façon dont les médias ont rapporté le scandale entourent l’histoire des 28 pages classifiées sur le financement 11 Septembre.

Bien entendu, comme il n’y a aucun “complot médiatique”, l’information n’est jamais totalement cachée. Vous trouverez ainsi le terme “vingt-huit pages” au moins une fois sur chaque site des médias maintream – ce qui leur permet d’ailleurs de dire – où est le problème, si, si, on en a parlé !!!

Mais, encore plus simple, il y a un moyen des très simple de juger de la qualité de couverture médiatique d’un sujet important. Non pas de savoir si un journal “en a parlé” en 3 lignes page 12. C’est de savoir si, si vous demandez à vos proches, à vos collègues de travail  demain : “Au fait, tu penses quoi de ce scandale des 28 pages ?”, il vous répond “C’est incroyable, il faut en savoir plus, et si c’est vrai, sanctionner durement l’Arabie saoudite ?” ou “Heiiiinnnnnn, de mais de quoi tu parles ?”.

Sur ce genre de sujet, le degré minimal d’exigence en Démocratie est bien d’avoir une obligation de résultat, pas une obligation de moyen…

Vous noterez aussi à quel point les résultats du classement est… étonnant.

Direct matin : 16/20

Je suis gentil, car le suivi médiatique n’a pas été bien long, mais cet article est assez satisfaisant. Dommage que ce travail n’ai pas été poursuivi.

28-directmatin

11 septembre : un rapport pointe le rôle de l’Arabie Saoudite

Source : Direct Matin, 12-04-2016

Bob Graham, ancien président du Comité du renseignement du Sénat au moment de l’enquête gouvernementale sur les attentats du 11 septembre 2001 se bat pour faire déclassifier un rapport qui prouverait le rôle financier des Saoudiens.

A quelques jours du voyage de Barack Obama en Arabie Saoudite, la volonté de Bob Graham de voir déclassifier ce rapport de 28 pages semble enfin rallier des suffrages importants. Et pour cause. Bob Graham et les rares personnes ayant eu l’autorisation de le lire assurent que ce texte, supprimé du rapport complet sur le 11 septembre publié en 2002 par l’administration Bush, établit le rôle financier de l’Arabie Saoudite dans ces attaques.

Depuis cette époque, Bob Graham se bat pour que ce texte soit déclassifié afin que le public américain ait connaissance des réelles implications Saoudiennes dans ces attaques. Aujourd’hui, il n’est plus seul. En effet parmi les quelques privilégiés ayant eu le rapport entre les mains, de nombreuses voix s’élèvent pour demander la déclassification.

Ainsi Porter Goss, ancien député à la Chambre des représentants des Etats-Unis et directeur de la CIA entre 2004 et 2006 a notamment estimé pour CBS News qu’il était important qu’une version non censurée du rapport soit disponible.

Un rôle de financement

Pourtant, et malgré les promesses de l’administration Obama de rendre un jour public ce rapport, il apparaît aujourd’hui peu probable que ces informations soient divulguées. En effet, selon Tim Roemer ancien membre du Congrès et ancien ambassadeur américain en Inde ayant eu à de nombreuses reprises accès au texte, les réponses qu’il contient ont de quoi surprendre l’opinion publique américaine, et dresse le bilan de «l’implication saoudienne». Une implication financière au moins, selon lui.

Les familles des victimes en première ligne

Bob Kerrey, ancien sénateur et membre de la commission du 11 septembre s’exprime en ce sens :  «Vous ne pouvez pas fournir l’argent pour les terroristes, puis dire: “Je n’ai rien à voir avec ce qu’ils font”». En ce sens, il a déposé une déclaration écrite sous serment visant à appuyer la plainte des familles de victimes des attentats.

Ces mêmes familles qui se battent depuis des années pour pouvoir accès à toutes les informations collectées par les différentes commissions d’enquêtes. Une preuve du rôle joué par l’Arabie Saoudite leur permettrait ainsi de recevoir des compensations de Riyad.

Une décision politique

L’Arabie Saoudite, de son coté, nie toute implication et plaide pour que le document soit déclassifié afin de laver sa réputation. Pourtant, aux yeux de Bob Graham, il ne s’agit que d’une posture officielle, pendant qu’en sous-main le royaume ferait pression sur Washington pour que le rapport ne refasse jamais surface.

Un cas de figure qui apparaît aujourd’hui comme le plus probable tant la situation au Moyen-Orient est déjà instable. Il n’y a aujourd’hui que très peu de chance pour que l’administration Obama fasse le choix de fragiliser encore plus ses relations avec son allié Saoudien.

Source : Direct Matin, 12-04-2016

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I24 : 15/20

Idem Direct Matin.

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Riyad vendra ses actifs US en cas de vote d’un projet de loi sur le 11/09

Source : I 24 News, 16-04-2016

Le texte pourrait permettre de reconnaître une responsabilité des Saoudiens dans les attaques

L’Arabie saoudite a averti l’administration Obama qu’elle serait contrainte de vendre des centaines de milliards de dollars d’actifs si le Congrès américain adoptait un projet de loi donnant la possibilité aux tribunaux américains de reconnaître une responsabilité quelconque du gouvernement saoudien dans les attentats du 11 septembre 2001, rapporte samedi le New York Times.

Si l’administration Obama a tenté de bloquer le passage du projet de loi devant le Congrès, le Times révèle que des responsables du Département d’Etat et du Pentagone ont récemment évoqué les possibles retombées diplomatiques et économiques de cette loi sur les relations avec Riyad.

Le projet de loi en question pourrait permettre aux tribunaux américains de geler les actifs américains détenus par les Saoudiens, ce qui impliquerait une éventuelle liquidation avant que le texte ne soit adopté.

L’administration Obama a exercé d’intenses pressions contre le projet de loi, suscitant la colère des législateurs et des associations de victimes qui accusent les administrations Obama et Bush de couvrir l’implication de l’Arabie Saoudite dans les attentats du 11 septembre pour protéger les relations américano-saoudiennes.

Andrew Burton (Pool/AFP)

Andrew Burton (Pool/AFP)
“Eileen Esquilin pleure la perte de son frère pendant les cérémonies commémoratives organisées sur le site du World Trade Center à New York le 11 septembre 2014”

Les législateurs républicains ont exigé que l’administration Obama rende public un rapport secret de 28 pages qui prouverait que l’Arabie Saoudite a aidé à financer les attaques qui ont frappé les Etats-Unis en 2001. Les pages concernées du rapport ont été classées sous la présidence de George W. Bush, suscitant des spéculations sur une éventuelle implication de Riyad.

“Il est étonnant de penser que notre gouvernement pourrait soutenir les Saoudiens au dépend de ses propres citoyens”, a déclaré au New York Times Mindy Kleinberg, dont le mari a été tué dans les attentats du 11 septembre contre le World Trade Center, et qui fait partie d’une association de victimes faisant pression pour que le projet de loi soit adopté.

Lors d’un voyage à Washington le mois dernier, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a affirmé que le royaume serait contraint de vendre jusqu’à 750 milliards de dollars (665 milliards d’euros) de bons du Trésor et autres actifs américains si la loi était votée.

Mais selon des économistes cités par le Times, la menace saoudienne semble compliquée à mettre en œuvre, dans la mesure où la vente des actifs américains par Riyad paralyserait l’économie du royaume.

Une telle initiative pourrait perturber les marchés internationaux, les Saoudiens seraient pointés du doigt par tous, et le dollar, sur lequel la devise du royaume est indexée, serait déstabilisé, a expliqué Edwin M. Truman, chercheur à l’Institut d’économie internationale Peterson.

“Pour eux, la seule façon de nous punir est de se punir eux-mêmes”, a ajouté Truman.

Le président américain Barack Obama rencontrera le roi Salmane à Riyad mercredi afin de consolider les liens entre les deux pays alliés. Il s’agira de la quatrième visite du président américain à Riyad, depuis le début de son mandat.

Les relations entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite ont été mises à mal ces dernières années avec le soutien d’Obama à l’accord sur le nucléaire iranien, et le soutien du dirigeant américain à certaines révoltes du printemps arabe.

Obama quittera Riyad jeudi soir, pour se rendre en Grande-Bretagne et en l’Allemagne.

Source : I 24 News, 16-04-2016

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Les Échos : 12/20

Vous notez que le titre ne parle que de “Polémique” (sic.) et que le sous-titre n’indique pas que la loi porte sur le 11 Septembre, l’incroyable chantage n’est pas abordé dans les titres

28-lesechos

11 Septembre : 4 questions pour comprendre la polémique entre États-Unis et Arabie saoudite

Source : Les Echos,AFP, 19-04-2016

L’Arabie saoudite a menacé les Etats-Unis de représailles économiques si une loi était votée par le Congrès américain.

Depuis quelques jours, les relations diplomatiques se sont tendues entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite. A la veille du déplacement de Barack Obama dans le royaume, partenaire privilégié des Américains au Moyen-Orient, une loi permettant aux citoyens américains d’attaquer en justice des Etats étrangers en cas d’attaque terroriste sur le sol américain a semé le trouble.

En quoi consiste cette loi ?

Comme le précise le New York Times, d’où est parti la polémique, le texte vise à permettre aux familles de victimes de terrorisme sur le sol américain de poursuivre en justice des Etats étrangers, pour des dédommagements. Depuis 1976, la législation américaine donne une immunité juridique aux Etats étrangers à l’intérieur du système judiciaire américain. Comme le 11 Septembre est le seul attentat terroriste à avoir été commis sur le sol américain, cette loi ne concernerait que cette attaque, de manière rétro-active.

Cette loi n’a pas encore été soumise à un vote au Congrès. Elle est soutenue par deux sénateurs : John Cornyn, un élu républicain du Texas, et Chuck Schumer, élu démocrate de l’état de New York. Cette alliance bipartisane, qui arrive rarement dans la politique américaine, est soutenue plus largement par une coalition d’autres sénateurs des deux camps. Le texte a passé le comité judiciaire du Sénat en janvier sans amendement.

Comment ont réagi Barack Obama et l’Arabie saoudite ?

Barack Obama s’est dit lundi 18 avril opposé à ce projet de loi. Si cette loi était votée au Congrès, Barack Obama a d’ores et déjà annoncé qu’il y apposera son veto.

« Notre inquiétude par rapport à cette loi n’est pas liée à son impact sur nos relations avec un pays en particulier, elle est liée à un principe important du droit international: l’immunité des Etats », a souligné Josh Earnest, porte-parole de l’exécutif américain. Remettre en cause ce principe pourrait, « si d’autres pays adoptaient une loi similaire, représenter un risque significatif pour les Etats-Unis, nos contribuables, nos militaires et nos diplomates » a-t-il souligné. Ce principe « permet aux pays de résoudre leurs différends grâce à la diplomatie et non pas à travers les tribunaux », a-t-il encore insisté.

Mais c’est du côté saoudien qu’est venu la réponse la plus directe. Selon le New York Times, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a averti des élus, lors d’une visite à Washington le mois dernier, qu’il pourrait vendre quelque 750 milliards de dollars en bons du Trésor américain et autres biens détenus aux Etats-Unis. De quoi causer des dégâts importants.

Pourquoi l’Arabie saoudite se sent-elle concernée ?

La loi vise implicitement l’Arabie saoudite. De fait, si aucune implication officielle n’a jamais été démontrée, 15 des 19 pirates de l’air étaient Saoudiens.

De plus, Zacarias Moussaoui, le Français condamné en liaison avec les attentats du 11 Septembre et surnommé le « 20e pirate de l’air », avait assuré à des avocats américains en février que des membres de la famille royale saoudienne avaient versé des millions de dollars à Al-Qaïda dans les années 1990.

Une affirmation immédiatement rejetée par l’ambassade d’Arabie saoudite mais qui avait rouvert le débat à Washington sur la nécessité de publier une partie encore classée du rapport de la commission d’enquête américaine sur le 11-Septembre. Vingt-huit pages qui évoqueraient, selon certains, le rôle possible de gouvernements étrangers.

La menace saoudienne est-elle à prendre au sérieux ?

Alors que le régime saoudien est aujourd’hui  en difficulté économique avec les cours très bas du pétrole, menacer de liquider des milliards de dollars paraît peu probable. Selon Edwin M. Truman,  cité par le New York Times , les Saoudiens ne font qu’exercer une « menace en l’air ». Selon ce chercheur à l’Institut Peterson pour l’économie internationale, vendre des centaines de milliards de dollars serait très délicat à faire techniquement et pourrait aussi entraîner des troubles économiques où les Saoudiens seront pointés du doigt.

Dans les couloirs du Capitole, le sénateur John Cornyn, un des auteurs du projet de loi, a exprimé ses « doutes » sur le fait que les Saoudiens « puissent mettre (leurs menaces) à exécution ». « Je ne comprends pas pourquoi ils sont sur la défensive. Ce n’est pas (un projet de loi) qui cible le gouvernement saoudien », a-t-il expliqué. « A moins qu’il y ait quelque chose dans ces 28 pages classifiées qu’ils redoutent et dont nous n’avons pas connaissance ».

Source AFP

Source : Les Echos,AFP, 19-04-2016

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France 24 : 11/20

On a de l’information, mais c’est mal mis en valeur…

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11-Septembre : ces 28 pages secrètes qui menacent les relations entre Washington et Riyad

Source : France 24, 21-04-2016

Alors que le président Obama entame une visite très attendue en Arabie saoudite ce mercredi, un débat fait rage aux États-Unis autour d’un rapport secret qui mettrait en évidence un rôle du royaume dans les attentats du 11-Septembre.

Vingt-huit pages qui sentent le soufre. Une partie encore classée du rapport de la commission d’enquête américaine sur le 11-Septembre, publié en 2003 et uniquement consultable par les membres du Congrès américain, continue d’entretenir les suspicions et les rumeurs les plus folles sur les attentats qui ont changé la face du monde, et surtout celle du Moyen-Orient.

Vingt-huit pages qui évoqueraient, selon certains responsables américains, le rôle joué par des parties étrangères dans les attaques, notamment par l’Arabie saoudite, pays d’origine de 15 des 19 pirates de l’air impliqués en 2001.

Quand l’ombre des pétrodollars saoudiens plane sur le 11-Septembre

Un reportage traitant de ces fameuses pages, récemment diffusé par la chaîne américaine CBS dans le cadre de l’émission “60 minutes”, a provoqué une onde de choc aux États-Unis. L’ancien sénateur Bob Graham, qui a contribué à la rédaction du rapport en question, y fait des déclarations extrêmement embarrassantes pour Riyad. Selon lui, une partie de ces 28 pages pourrait mettre en lumière un possible soutien saoudien aux pirates du 11-Septembre.

Lorsque le journaliste Steve Kroft lui demande de préciser ce qu’il veut dire par “un soutien saoudien”, “vous voulez dire le gouvernement… des personnes riches dans le pays … des associations de charité ?”, sa réponse est sans appel : “Une combinaison de tout cela”, réplique Bob Graham.

Si officiellement, côté américain, aucune implication directe des autorités saoudiennes n’a jamais été démontrée dans les attentats revendiqués par Al-Qaïda, Riyad est fréquemment accusé, en Occident, de financer des mouvements extrémistes et d’avoir favorisé la propagation du salafisme dans le monde arabe.

Les déclarations de l’ancien sénateur ont renforcé les suspicions des familles des victimes du 11-Septembre. Elles sont de plus en plus persuadées que l’administration américaine leur cache des informations cruciales au nom de la realpolitik. Les parties secrètes du rapport auraient été publiées depuis longtemps si elles n’étaient pas compromettantes, plaident-elles dans les médias américains.

Sous pression depuis la diffusion de cette émission et par les demandes répétées des familles et de certains élus, dont Nancy Pelosi, la chef de la minorité démocrate au Congrès, de déclassifier ces pages secrètes, Barack Obama est sorti de son silence, lundi 18 avril. Interrogé sur l’antenne de CBS, le président américain, qui a entamé,  mercredi 20 avril, une visite en Arabie saoudite, a révélé que de haut-responsables américains étaient en train d’étudier les documents classés sur le 11-Septembre.

Il a cependant précisé que James Clapper, le coordonnateur du renseignement américain, était en train de s’assurer que les documents qui seront susceptibles d’être déclassifiés ne porteront pas atteinte aux intérêts de sécurité nationale des États-Unis.

Un projet de loi qui fait enrager Riyad

Et pour cause, l’affaire des pages secrètes est revenue sur le devant de la scène à la faveur d’un projet de loi proposé par John Cornyn, sénateur républicain du Texas, et Chuck Schumer, élu démocrate de l’État de New York, qui irrite au plus haut point le royaume wahhabite, et met dans l’embarras l’administration Obama.

Le texte, qui a reçu le soutien d’élus démocrates et républicains, permettrait à des citoyens américains victimes du terrorisme de poursuivre des gouvernements étrangers afin d’obtenir des dédommagements. Jusqu’à présent, la loi américaine garantit une immunité juridique aux États étrangers à l’intérieur du système judiciaire des États-Unis. Concrètement, si le texte est adopté – il a passé le comité judiciaire du Sénat en janvier sans amendement – , des dirigeants saoudiens pourraient être traduits devant des tribunaux américains. D’où l’importance capitale, aux yeux des familles, du contenu secret du rapport de 2003.

Sans surprise, le projet de loi, (“The Justice Against Sponsors of Terrorism Act” en anglais), qui s’est invité dans le débat de la campagne présidentielle et qui a reçu l’appui de la démocrate Hillary Clinton, suscite déjà des frictions entre Washington et Riyad. Et les Saoudiens, qui se sentent implicitement visés par le texte, sont déterminés à faire échouer l’adoption d’une telle loi, à laquelle même Barack Obama est opposé.

Selon le New York Times, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, aurait menacé, lors d’une visite à Washington effectuée le mois dernier, de vendre quelque 750 milliards de dollars en bons du Trésor américain et autres actifs et biens détenus aux États-Unis.

Realpolitk contre vérité

OB : ça alors, je n’avais encore jamais vu opposer RealPolitik et Vérité… !!!

Selon des médias américains, le secrétaire d’État, John Kerry, avait prévenu des élus que la loi, par ricochet, “pourrait exposer les États-Unis à des poursuites en justice” et “créer un terrible précédent”.

“Notre inquiétude par rapport à cette loi n’est pas liée à son impact sur nos relations avec un pays en particulier, elle est liée à un principe important du droit international : l’immunité des États”, a précisé de son côté, Josh Earnest, porte-parole de la Maison Blanche. Il a précisé que Barack Obama ne promulguera pas une telle loi.

Mais visiblement, il n’est pas uniquement question de principes de droit international pour la Maison Blanche. Josh Earnest a en effet rappelé l’attachement des États-Unis “à la préservation de la stabilité du système financier mondial”, alors qu’il était interrogé au sujet des menaces de rétorsion saoudiennes.

L’un des auteurs du texte de loi controversé, le sénateur John Cornyn, a exprimé ses “doutes” sur le fait que les Saoudiens “puissent mettre ces menaces à exécution”, tout en affirmant qu’il ne fallait pas “laisser des pays étrangers dicter la politique interne des États-Unis”. Il a dit ne pas comprendre pourquoi Riyad est sur la défensive. “À moins qu’il y ait quelque chose dans ces 28 pages classifiées qu’ils redoutent et dont nous n’avons pas connaissance”.

Realpolitik contre soif de vérité, le débat va devoir être tranché par Washington, même si nul n’imagine, vu les intérêts financiers et géostratégiques en jeu, une remise en question brutale d’une alliance historique entre Washington et Riyad. Et ce, même si leurs relations ne sont plus aussi harmonieuses que par le passé, et que les États-Unis ont donné leur feu vert à un retour sur le devant de la scène internationale du rival iranien, honni par la monarchie wahhabite.

Source : France 24, 21-04-2016

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RFI : 10/20

On a de l’information, mais ça reste télégraphique…

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Arabie saoudite: l’ombre du 11 septembre 2001 plane sur la visite d’Obama

Source : RFI, Grégoire Pourtier, 19-04-2016

Le président américain Barack Obama est en visite officielle en Arabie saoudite ce mercredi 20 avril. A Riyad, il doit s’entretenir avec le roi Salman, alors que ces derniers jours, à Washington, un débat fait rage autour d’un projet de loi relatif aux attentats contre les tours du World Trade Center et le Pentagone le 11 septembre 2001. Le texte pourrait en effet établir une responsabilité de l’Arabie saoudite dans cet événement, et ainsi permettre aux familles de victimes de poursuivre le royaume pour réclamer des dédommagements considérables. Ce dernier a déjà prévenu que si cette loi était votée, il prendrait des mesures de représailles économiques.

Avec notre correspondant à New York,  Grégoire Pourtier

Depuis 15 ans, le rôle de l’Arabie saoudite dans les attentats du 11 septembre 2001 n’a jamais été démontré. Mais on sait qu’Oussama Ben Laden, le chef d’al-Qaïda, était d’origine saoudienne, tout comme 15 des 19 pirates de l’air. Quant au Français Zacarias Moussaoui, qui aurait lui aussi dû faire partie des kamikazes, il avait assuré que la famille royale saoudienne avait largement financé al-Qaïda dans les années 1990.

Si la Maison Blanche a manœuvré ces dernières semaines pour que la loi mettant en cause l’Arabie saoudite ne passe pas devant le Congrès, la polémique n’est cependant pas prête de s’éteindre.

Dans le rapport de la Commission d’enquête américaine, 28 pages sont restée confidentielles. Contiennent-elles des éléments à charge ? La Maison Blanche dit vouloir privilégier la diplomatie plutôt que de passer devant des tribunaux. Car remettre en cause le principe de l’immunité des Etats créerait un précédent dangereux, et les Etats-Unis pourraient à leur tour être attaqués en justice sur d’autres dossiers.

Barack Obama a ainsi dit qu’il apposerait son veto si la loi devait être votée. Cela pourrait calmer les dirigeants saoudiens, qui menacent déjà de représailles économiques, par exemple en vendant les bons du trésor américain et les avoirs qu’il possède aux Etats-Unis à hauteur de 750 milliards de dollars.

Source : RFI, Grégoire Pourtier, 19-04-2016

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Libération : 9/20

Euh un allié qui finance le 11 Septembre, c’est donc juste un “sujet épineux ???”

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Arabie saoudite: un projet de loi lié au 11-Septembre, autre sujet épineux pour Obama

Source : Libération, AFP, 18-04-2016

Déjà annoncée comme délicate, la visite de Barack Obama cette semaine à Ryad sera rendue encore plus épineuse par un projet de loi qui permettrait de mener les dirigeants saoudiens devant des tribunaux américains pour les attentats du 11-Septembre.

Ce texte, soutenu par des démocrates et des républicains, n’a pas encore été soumis à un vote au Congrès mais suscite déjà des tensions.

Selon le New York Times, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a averti des élus, lors d’une visite à Washington le mois dernier, de possibles conséquences coûteuses s’il était adopté. Le quotidien affirme qu’il a notamment menacé de vendre quelque 750 milliards de dollars en bons du Trésor américain et autres biens détenus aux Etats-Unis.

Si elle était adoptée, cette loi permettrait aux familles des victimes du 11 septembre 2001 de poursuivre, notamment, le gouvernement saoudien pour obtenir des dédommagements. Aucune implication de l’Arabie saoudite n’a jamais été démontrée mais 15 des 19 pirates de l’air étaient Saoudiens.

La Maison Blanche est opposée à cette loi («Justice Against Sponsors of Terrorism Act») et a averti que M. Obama opposerait son veto à ce texte s’il était voté par le Congrès.

«Note inquiétude par rapport à cette loi n’est pas liée à son impact sur nos relations avec un pays en particulier, elle est liée à un principe important du droit international: l’immunité des Etats», a souligné lundi Josh Earnest, porte-parole de l’exécutif américain.

Remettre en cause ce principe pourrait, «si d’autres pays adoptaient une loi similaire, représenter un risque significatif pour les Etats-Unis, nos contribuables, nos militaires et nos diplomates» a-t-il souligné.

Ce principe «permet aux pays de résoudre leurs différends grâce à la diplomatie et non pas à travers les tribunaux», a-t-il insisté.

Barack Obama rencontrera mercredi le roi Salmane à Ryad avant de participer jeudi à un sommet avec les pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Qatar, Oman).

En réintégrant l’Iran, grand rival chiite de l’Arabie saoudite, dans le jeu diplomatique et en renonçant à intervenir en Syrie contre le régime de Bachar al-Assad, le président des Etats-Unis a ulcéré les monarchies sunnites, partenaires de longue date des Etats-Unis.

Zacarias Moussaoui, le Français condamné en liaison avec les attentats du 11-Septembre et surnommé le «20e pirate de l’air», avait assuré à des avocats américains en février que des membres de la famille royale saoudienne avaient versé des millions de dollars à Al-Qaïda dans les années 1990.

Une affirmation immédiatement rejetée par l’ambassade d’Arabie saoudite mais qui avait rouvert le débat à Washington sur la nécessité de publier une partie encore classée du rapport de la commission d’enquête américaine sur le 11-Septembre. Vingt-huit pages qui évoqueraient, selon certains, le rôle possible de gouvernements étrangers.

AFP

Source : Libération, AFP, 18-04-2016

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La Croix : 9/20

Comme on est toujours dans la copier-coller AFP (sic.), la note reste la même.

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Arabie saoudite: un projet de loi lié au 11-Septembre, autre sujet épineux pour Obama

Source : La Croix, AFP, 18-04-2016

Déjà annoncée comme délicate, la visite de Barack Obama cette semaine à Ryad sera rendue encore plus épineuse par un projet de loi qui permettrait de mener les dirigeants saoudiens devant des tribunaux américains pour les attentats du 11-Septembre.

Ce texte, soutenu par des démocrates et des républicains, n’a pas encore été soumis à un vote au Congrès mais suscite déjà des tensions.

Selon le New York Times, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a averti des élus, lors d’une visite à Washington le mois dernier, de possibles conséquences coûteuses s’il était adopté. Le quotidien affirme qu’il a notamment menacé de vendre quelque 750 milliards de dollars en bons du Trésor américain et autres biens détenus aux Etats-Unis.

Si elle était adoptée, cette loi permettrait aux familles des victimes du 11 septembre 2001 de poursuivre, notamment, le gouvernement saoudien pour obtenir des dédommagements. Aucune implication de l’Arabie saoudite n’a jamais été démontrée mais 15 des 19 pirates de l’air étaient Saoudiens.

La Maison Blanche est opposée à cette loi (“Justice Against Sponsors of Terrorism Act”) et a averti que M. Obama opposerait son veto à ce texte s’il était voté par le Congrès.

“Note inquiétude par rapport à cette loi n’est pas liée à son impact sur nos relations avec un pays en particulier, elle est liée à un principe important du droit international: l’immunité des Etats”, a souligné lundi Josh Earnest, porte-parole de l’exécutif américain.

Remettre en cause ce principe pourrait, “si d’autres pays adoptaient une loi similaire, représenter un risque significatif pour les Etats-Unis, nos contribuables, nos militaires et nos diplomates” a-t-il souligné.

Ce principe “permet aux pays de résoudre leurs différends grâce à la diplomatie et non pas à travers les tribunaux”, a-t-il insisté.

Barack Obama rencontrera mercredi le roi Salmane à Ryad avant de participer jeudi à un sommet avec les pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Qatar, Oman).

En réintégrant l’Iran, grand rival chiite de l’Arabie saoudite, dans le jeu diplomatique et en renonçant à intervenir en Syrie contre le régime de Bachar al-Assad, le président des Etats-Unis a ulcéré les monarchies sunnites, partenaires de longue date des Etats-Unis.

Zacarias Moussaoui, le Français condamné en liaison avec les attentats du 11-Septembre et surnommé le “20e pirate de l’air”, avait assuré à des avocats américains en février que des membres de la famille royale saoudienne avaient versé des millions de dollars à Al-Qaïda dans les années 1990.

Une affirmation immédiatement rejetée par l’ambassade d’Arabie saoudite mais qui avait rouvert le débat à Washington sur la nécessité de publier une partie encore classée du rapport de la commission d’enquête américaine sur le 11-Septembre. Vingt-huit pages qui évoqueraient, selon certains, le rôle possible de gouvernements étrangers.

AFP

Source : La Croix, AFP, 18-04-2016

 

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FranceTV : 9/20

Titres pas trop mal, fond limité

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Obama en Arabie Saoudite : le projet de loi sur le 11-Septembre fâche Ryad

Source : Géopolis, Eléonore Abou Ez, 20/04/2016

Un nouveau texte de loi américain, à l’étude au Congrès, permettrait aux familles de victimes de terrorisme de poursuivre en justice des Etats étrangers. L’Arabie Saoudite est en ligne de mire et l’affaire empoisonne les relations entre les deux pays.

L’heure du vote n’a pas sonné mais Barack Obama a déjà annoncé son veto.
Interrogé le 18 avril 2016 par la chaîne américaine CBS News, le président américain a clairement exprimé son opposition au nouveau projet de loi. Une manière sans doute de calmer la tension à la veille de sa visite en Arabie Saoudite.

Les menaces de Riyad
Riyad n’apprécie pas du tout le projet de loi américain et le fait savoir. Selon le New York Times,le ministre des Affaires étrangères saoudien, Adel Al-Jubeir, avait mis en garde des élus américains contre les conséquences de l’adoption d’un tel texte. Il a notamment menacé de vendre quelques 750 milliards de dollars d’actifs américains.

Pourquoi l’Arabie Saoudite est concernée ?
Si le texte est voté, la nouvelle loi permettra aux familles des victimes de terrorisme sur le sol américain de poursuivre en justice des Etats étrangers, pour des dédommagements. Or, les attentats du 11-Septembre sont les seuls à avoir été commis aux Etats-Unis et la plupart des auteurs étaient des Saoudiens.

Aucune implication de Ryad n’a jamais été démontrée et l’attentat a été revendiqué par al-Qaïda. Mais de nombreuses questions sur le rôle de l’Arabie dans le financement de cette organisation terroriste restent sans réponse.

Le financement d’al-Qaïda en question
Le Français Zacarias Moussaoui, condamné pour ces liens avec les attentats du 11-Septembre, avait récemment assuré à des avocats américains que des membres de la famille royale saoudienne avaient versé des millions de dollars à al-Qaïda dans les années 90. Cette affirmation, démentie par Ryad, avait rouvert le débat à Washington sur la nécessité de déclassifier une partie du rapport de la commission d’enquête américaine sur le 11- Septembre.

28 pages qui portent peut-être sur le rôle de l’Arabie Saoudite et qui n’ont jamais été rendues publiques.

Par Eléonore Abou Ez avec agences

Source : Géopolis, Eléonore Abou Ez, 20/04/2016

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Le Monde : 9/20

Toujours de l’AFP mal digéré..

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Le projet de loi sur le 11-Septembre qui empoisonne Barack Obama avant sa visite en Arabie saoudite

Source : Le Monde, AFP, 19-04-2016

Interrogé par la chaîne CBS, lundi 18 avril, Barack Obama s’est dit opposé à un projet de loi qui permettrait de traduire les dirigeants saoudiens devant des tribunaux américains pour les attentats du 11 septembre 2001. Des déclarations qui interviennent à l’avant-veille de sa visite dans le royaume wahhabite.

Le texte, soutenu par des démocrates et des républicains, n’a pas encore été soumis à un vote au Congrès, mais il suscite déjà de vives tensions. M. Obama a d’ores et déjà annoncé qu’il y mettrait son veto. Ce sujet épineux risque de compliquer encore un peu plus la venue du président à Riyad.

Selon le New York Times, le ministre des affaires étrangères saoudien, Adel Al-Joubeir, a averti des élus, lors d’une visite à Washington le mois dernier, de possibles conséquences coûteuses si ce projet de loi était adopté. Le quotidien affirme qu’il a notamment menacé de vendre quelque 750 milliards de dollars en bons du Trésor américain et autres biens détenus aux Etats-Unis.

Principe de « l’immunité des États »

Le texte permettrait aux familles des victimes du 11-Septembre de poursuivre, notamment, Riyad pour obtenir des dédommagements. Aucune implication de l’Arabie saoudite n’a jamais été démontrée, mais 15 des 19 pirates de l’air étaient des ressortissants du pays.

« Notre inquiétude par rapport à cette loi n’est pas liée à son impact sur nos relations avec un pays en particulier, elle est liée à un principe important du droit international : l’immunité des Etats », a souligné un peu plus tôt dans la journée Josh Earnest, porte-parole de l’exécutif américain.

Remettre en cause celui-ci pourrait, en cas d’adoption de textes similaires par d’autres Etats, « représente un risque significatif pour les Etats-Unis, nos contribuables, nos militaires et nos diplomates ». Ce principe de l’immunité « permet aux pays de résoudre leurs différends grâce à la diplomatie et non pas à travers les tribunaux ».

Rôle possible de gouvernements étrangers

Barack Obama rencontrera mercredi le roi, Salman Al-Saoud, à Riyad avant de participer le lendemain à un sommet avec les pays du Conseil de coopération du Golfe − dont sont aussi membres Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Qatar et Oman.

Zacarias Moussaoui, le Français condamné en lien avec les attentats du 11-Septembre et surnommé le « 20e pirate de l’air », avait assuré à des avocats américains en février que des membres de la famille royale saoudienne avaient versé des millions de dollars à Al-Qaida dans les années 1990.

Une affirmation immédiatement rejetée par l’ambassade d’Arabie saoudite, mais qui avait rouvert le débat à Washington sur la nécessité de publier une partie encore classée du rapport de la commission d’enquête américaine sur le 11-Septembre. Vingt-huit pages qui évoqueraient, selon certains, le rôle possible de gouvernements étrangers.

Source : Le Monde, AFP, 19-04-2016

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Donc comme on l’a vu, l’information n’a pas été totalement absente.

À vous de juger si elle a été traité dans les normes de ce qu’on doit attendre de journaux en Démocratie.

En tous cas, il n’y a eu généralement aucune suite à ces articles

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On comparera à la fin avec la couverture des journaux américains :

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Pourtant quand Le Monde veut bien, comme ici avec les Panama Papers… :

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Source: http://www.les-crises.fr/la-presentation-du-scandale-des-28-pages-par-nos-medias/


[2004] La piste pakistanaise, par Michael Meacher

Tuesday 3 May 2016 at 01:01

Article de 2004 d’un ancien ministre dans le très respectable Guardian…

Un parmi tant d’autres sur l’implication de l’ISI – sponsor des talibans…

Source : The Guardian, le 22/07/2004

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Il existe des preuves d’un soutien par un service de renseignement étranger des pirates du 11 septembre. Pourquoi le gouvernement des États-Unis s’applique-t-il à le cacher ?

Le jeudi 22 Juillet 2004

Au Pakistan, Omar Cheikh, un militant islamiste né en Grande-Bretagne, attend son exécution par pendaison pour un meurtre qu’il n’a sans doute pas commis : celui du journaliste du Wall Street Journal Daniel Pearl en 2002. Le gouvernement des États-Unis ainsi que la femme de Pearl ont depuis reconnu que Cheikh n’était pas responsable. Pourtant, le gouvernement pakistanais se refuse à entendre d’autres personnes récemment suspectées d’être impliquées dans le kidnapping et le meurtre de Pearl, de crainte que les preuves produites au tribunal ne mènent à un acquittement de Cheikh et n’en révèlent trop.

Cheikh est aussi l’homme qui, avant les attentats du 11 septembre, a viré 100 000 $ au coordinateur des détournements Mohamed Atta, sur un ordre du général Mahmoud Ahmed, alors directeur du Service du Renseignement pakistanais (Inter-Services Intelligence – ISI). Il est quand même surprenant que ni Ahmed, ni Cheikh n’ont été ni poursuivis ni jugés pour ces faits. Pourquoi ?

Ahmed, le trésorier des pirates, était en fait à Washington le 11 septembre. Il a participé avant le 11 septembre à une série de réunions au sommet à la Maison-Blanche, au Pentagone, au Conseil national de sécurité, avec Georges Tenet, alors chef de la CIA, et avec Marc Grossman, le sous-secrétaire d’État aux affaires politiques. Quand le Wall Street Journal a révélé qu’Ahmed avait envoyé de l’argent aux pirates de l’air, le président Pervez Mucharraf l’a obligé à « prendre sa retraite. » Pourquoi est-ce que les États-Unis n’ont pas alors demandé à ce qu’il soit interrogé et poursuivi en justice ?

Une autre personne qui en connaît sûrement beaucoup sur ce qui a conduit au 11 septembre, c’est Khaled Cheikh Mohamed (KCM). On prétend qu’il a été arrêté à Rawalpindi le 1er mars 2003. Une enquête conjointe du Sénat et du House Permanent Select Committee on Intelligence en juillet 2003 indiquait : « KCM semble être un des lieutenants en lesquels Ben Laden a le plus confiance, et il a été actif dans le recrutement de personnes susceptibles de voyager hors d’Afghanistan, et notamment aux États-Unis, en tant que représentant de Ben Laden. » Selon ce rapport, cela impliquait clairement qu’ils avaient pris part à la planification d’actions en lien avec des terroristes.

La CIA a envoyé le rapport au FBI, mais apparemment aucune agence n’a trouvé important qu’un lieutenant de Ben Laden envoie des terroristes aux É-U en leur demandant d’établir des contacts avec des collègues déjà sur place. Depuis, le New York Times a pourtant écrit : « Les autorités américaines ont dit que KCM, une fois commandant opérationnel en chef d’al-Qaïda, avait personnellement exécuté Daniel Pearl… mais qu’il était peu probable qu’il soit accusé du crime dans un tribunal américain, à cause du risque de divulguer des informations classifiées. » En effet, il ne sera peut-être jamais poursuivi en justice.

Un quatrième témoin est Sibel Edmonds. À 33 ans, cette Turco-Américaine est une ancienne traductrice des renseignements du FBI, parlant couramment le farsi, la langue majoritaire en Iran et en Afghanistan, et habilitée au plus haut niveau. Elle a tenté de dénoncer la dissimulation de renseignements nommant une partie des responsables de l’orchestration des attentats du 11 septembre ; ces renseignements sont maintenant protégés par deux ordonnances de non-publication, ce qui lui interdit de témoigner au tribunal et de mentionner le nom de ces personnes ou les pays impliqués. Elle a dit : « Mes traductions des écoutes relatives au 11 septembre traitaient de blanchiment d’argent [des terroristes], des informations détaillées avec des dates précises… s’il y avait une véritable enquête, nous aurions de nombreux procès criminels dans ce pays [les É-U]… et croyez-moi, ils feront tout pour cacher cela. »

De plus, le procès aux É-U de Zacharias Moussaoui (le 20e pirate présumé) risque de s’effondrer, apparemment à cause de « la réticence de la CIA à autoriser des proches lieutenants d’Oussama ben Laden à témoigner au procès. » Deux des conspirateurs présumés ont déjà été relâchés pour cette même raison en Allemagne.

En toute illégalité, le FBI continue de refuser la publication de Fatal Betrayals of the Intelligence Mission [fatale trahison des missions de renseignement], un manuscrit de 500 pages écrit par leur agent Robert Wright. Le FBI a même refusé de remettre le manuscrit au sénateur Shelby, vice-président de la commission d’enquête sur le renseignement chargée des investigations sur les failles du renseignement américain relatives au 11 septembre. Par ailleurs, le gouvernement des États-Unis refuse toujours de déclassifier 28 pages secrètes d’un rapport récent sur le 11 septembre.

La rumeur a couru disant que Pearl s’intéressait particulièrement à tout rôle joué par les É-U dans l’entraînement ou le soutien de l’ISI. Daniel Ellsberg, l’ancien lanceur d’alerte du ministère de la Défense des États-Unis qui a accompagné Edmonds au tribunal, a déclaré : « Il me paraît tout à fait plausible que le Pakistan ait été très impliqué dans ceci… Parler du Pakistan, pour moi, est comme parler de la CIA car… il est difficile de dire si l’ISI savait quelque chose dont la CIA n’avait pas connaissance. » Les relations étroites entre Ahmed et la CIA sembleraient le confirmer. Pendant des années, la CIA a utilisé l’ISI comme canal pour injecter des milliards de dollars destinés aux groupes militants islamistes en Afghanistan, que ce soit avant ou après l’invasion soviétique de 1979.

Depuis le début des années 80, avec le soutien de la CIA, l’ISI s’est développé en structure parallèle, un État dans l’État, avec des employés et des informateurs que certains estiment à 150 000. Il détient un énorme pouvoir sur tous les aspects du gouvernement. Le cas Ahmed confirme que des membres de l’ISI ont directement soutenu et financé Al-Qaïda, et il est établi depuis longtemps que l’ISI a agi comme intermédiaire au nom de la CIA dans des opérations de renseignement.

Le sénateur Bob Graham, président de la commission permanente du Sénat sur le renseignement, a dit : « Je pense qu’il existe de nombreuses preuves probantes qu’au moins quelques terroristes étaient assistés et non uniquement financés… par un gouvernement étranger souverain. » Dans ce contexte, Horst Ehmke, ancien coordinateur des services secrets d’Allemagne de l’Ouest, a observé : « Les terroristes n’ont pas pu mener à bien une telle opération avec quatre avions détournés sans le soutien d’un service secret. »

Cela pourrait donner un sens à la réaction au sujet du 11 septembre de Richard Clarke, le chef du contre-terrorisme à la Maison-Blanche, quand il a vu la liste des passagers le jour même : « J’étais sidéré… qu’il y ait sur ce vol des agents d’al-Qaïda enregistrés avec des noms connus par le FBI pour être des membres d’al-Qaïda. » Comme lui a dit le directeur du contre-terrorisme au FBI, Dale Watson, c’était simplement que « la CIA avait oublié de nous en parler. »

Michael Meacher est Membre du Parlement, parti Travailliste, circonscription de Oldham West and Royton. Il a été ministre de l’Environnement de 1997 à 2003.

Source : The Guardian, le 22/07/2004

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/2004-la-piste-pakistanaise-par-michael-meacher/


Interview exclusive de l’ancien président du Brésil Lula da Silva, par Glenn Greenwald

Tuesday 3 May 2016 at 00:01

Source : The Intercept_, le 11/04/2016

Photo: Erick Dau for The Intercept

Photo: Erick Dau for The Intercept

Glenn Greenwald

Le 11 avril 2016

La vie de l’ancien président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva (“Lula”) a suivi une trajectoire peu commune. Né dans une extrême pauvreté, Lula a quitté la présidence en 2010 après deux mandats, avec une cote de popularité jamais atteinte de 86%. Il était semble-t-il destiné à profiter du respect de tous dans le monde et à rester l’un des plus grands hommes d’État de l’histoire contemporaine. Tout comme Tony Blair et Bill et Hillary Clinton après l’exercice de leur fonction, Lula a engrangé une fortune personnelle depuis la fin de son mandat en donnant des conférences et en fournissant des services de conseil à des centres de pouvoir global. Le parti de la gauche modérée qu’il a cofondé, le Parti des Travailleurs (PT) assure la présidence depuis maintenant quatorze ans sans interruption.

Des manifestants montrent une énorme poupée gonflable à l'effigie de l'ancien président du Brésil Luiz Inacio Lula da Silva en tenue de prisonnier et l'actuelle présidente Dilma Rousseff habillée en voleuse, avec une écharpe où on peut lire

Des manifestants montrent une énorme poupée gonflable à l’effigie de l’ancien président du Brésil Luiz Inacio Lula da Silva en tenue de prisonnier et l’actuelle présidente Dilma Rousseff habillée en voleuse, avec une écharpe où on peut lire “Impeachment” [“destitution”] à Sao Paulo, Brésil, dimanche 13 mars 2016. Photo Andre Penner/AP

Mais tout cela, la totalité de l’héritage de Lula, est désormais sérieusement menacé. Un grave scandale de corruption très étendu et qui concerne la compagnie pétrolière nationale Petrobras engloutit l’élite économique et politique, avec le PT en son centre. Sa protégée et successeur choisie, ancienne militante marxiste anti-dictature et actuelle présidente, Dilma Rousseff, fait face à une menace crédible d'”Impeachment” (soutenue à présent par une majorité de brésiliens) et à une très large impopularité en raison d’une sévère et insurmontable récession. D’importants membres du PT ont été arrêtés et mis en prison. D’importantes manifestations de rue aussi bien en faveur que contre “l’impeachment” ont récemment mal tourné, avec des confrontations physiques de plus en plus fréquentes.

Lula lui-même a récemment été impliqué dans l’enquête criminelle (connue sous le nom d'”Opération lavage auto”), brièvement détenu par la police fédérale pour interrogatoire, accusé par l’ancien dirigeant de son parti au Sénat (devenu informateur) d’avoir dirigé un énorme dispositif de pots de vin et de rétro commissions. Il a été mis sur écoute par la justice – des enquêteurs ont rendu publics des enregistrements de ses appels téléphoniques –, il est formellement inculpé d’avoir reçu et caché des cadeaux suspects (y compris une maison et une ferme). En conséquence, sa cote de popularité au Brésil s’est effondrée.

Néanmoins, grâce au support ancré dans une large partie de la population pauvre du Brésil, sa cote de popularité est toujours plus élevée que la plupart des autres politiciens nationaux majeurs (qui doivent eux-mêmes combattre des accusations de corruption), et il est largement admis que Lula se représentera à la présidentielle au terme du mandat de Dilma – que ce soit en 2018 comme prévu ou plutôt si elle est destituée ou si elle démissionne. Personne qui a regardé la carrière de Lula – incluant ceux qui veulent le voir emprisonné – ne peut négliger l’hypothèse qu’il sera à nouveau président du Brésil (un nouveau sondage publié aujourd’hui montre Lula remportant la course présidentielle avec l’évangéliste/environnementaliste Marina Silva).

Lula a violement démentit les accusations portées contre lui et se présente lui-même comme une “victime” de la toujours-puissante classe ploutocratique du Brésil et de ses organes de presse qui forgent l’opinion publique. Il ajoute que le ciblage du PT est dû à l’incapacité de ces élites de battre le parti lors de quatre élections directes, et la crainte que Lula, une fois de plus, se lance et gagne. Il y a deux semaines, The Intercept publia un long article sur le scandale et sur les dangers qu’il pose pour la démocratie brésilienne, que j’ai écrit avec Andrew Fishman et David Miranda ; la semaine dernière, nous avons publié une version condensée dans les pages “lettre ouverte” du plus grand journal du Brésil, Folha de Sao Paulo. La prise de conscience que la destitution est dirigée à leur profit par des politiciens et des partis qui font face à des accusations de corruption beaucoup plus sérieuses que celles qui se répandent et visent Dilma a bloqué l’élan de la campagne pro-destitution qui, il y a seulement quelques semaines, semblait inévitable.

Vendredi, à l’institut Lula de Sao Paulo, j’ai mené la première interview face à face que Lula a donné depuis l’émergence de ces récentes controverses. Nous avons discuté des différents aspects du scandale de la corruption, la campagne de destitution, les accusations contre lui, son avenir politique ainsi que celui du PT, et le rôle du plus important média brésilien de droite dans l’incitation au changement de gouvernement. Nous avons aussi discuté de sa vision sur d’autres sujets brûlant d’actualité, comme les nouvelles lois antiterrorisme et d’espionnage, la guerre contre la drogue, les atroces conditions dans les prisons du pays, les droits LGBT, l’avortement, et le rôle des dons des entreprises dans les élections brésiliennes.

 

GLENN GREENWALD : Bonjour M. le président. Merci pour l’interview.

LUIZ INACIO LULA DA SILVA : Bonjour.

GREENWALD : Commençons par l’enquête dans l’opération “Lava Jato” (Lavage Auto). En 2008, la fraude et la corruption de Wall Street créa une terrible crise financière. Cela conduisit à un terrible calvaire économique pour beaucoup de pays, dont le Brésil, qui se poursuit aujourd’hui.

Plus incroyable, pas un seul homme d’affaires n’est allé en prison ou n’a été inquiété pour ces crimes. Cela donna à penser que les riches et puissants sont au-dessus des lois. Seuls les pauvres et les démunis sont punis pour leurs crimes.

Cependant ici au Brésil, avec l’opération Lava Jato, on voit le contraire : les riches et puissants du pays vont en prison. Milliardaires, magnats, des membres de presque tous les partis politiques.

Je sais que vous avez de nombreuses objections à propos de cette méthode. J’ai moi aussi signalé que le comportement du juge Sergio Moro (chef de l’opération Lava Jato) est devenu politique.

Cependant, êtes-vous d’accord qu’il y a un aspect positif pour le moment ? Cela lance un puissant message, disant que tous – qu’importe leur pouvoir, connections ou richesse – sont concernés par cette loi ?

DA SILVA : D’abord, notre parti, le PT (Parti des Travailleurs), le gouvernement et moi-même n’avons aucune raison d’être inquiétés par les enquêtes en ce que le gouvernement est à l’origine de ce qu’il est en train de se passer. Ce fut durant le gouvernement du PT que nous avons créé les conditions pour que nos institutions fonctionnent correctement.

Notre gouvernement a renforcé l’autonomie du bureau du procureur en nommant toujours un procureur choisi par ses pairs. Nous sommes ceux qui ont fait de la Police fédérale une institution qui fonctionne. Nous avons investi dans l’embauche de nouveaux professionnels, l’échange d’informations et l’autonomie de la Police fédérale.

Nous sommes ceux qui ont créé les sites internet sur la transparence du gouvernement. Nous avons mis en place une loi qui autorise tout journaliste à obtenir toute information du gouvernement à n’importe quel moment.

Nous sommes ceux qui ont renforcé les pouvoirs du Contrôleur des biens publics, qui est en charge de surveiller n’importe quel ministre et d’envoyer ses découvertes à la Cour des comptes. Nous sommes ceux qui ont développé – avec la Cour des comptes – une méthode qui lui a donné plus de latitude dans cette surveillance.

Donc, avant toute chose, le gouvernement a des responsabilités dans tout ce qui est en train de se passer.

Deuxièmement, je crois qu’il est important que pour la première fois les riches soient arrêtés. Au Brésil, nous arrêtions les pauvres pour avoir volé du pain, mais pas les riches pour avoir volé un milliard. Nous arrêtions des pauvres pour avoir volé des médicaments, mais pas un seul riche pour évasion fiscale.

Photo: Laura Colucci/Fireworx Media

Photo: Laura Colucci/Fireworx Media

GREENWALD : Est-ce le côté positif des choses ?

DA SILVA : Oui, c’est le côté positif – qui, je crois, est très important en ce qu’il nous permet de rêver que le Brésil sera un pays sérieux un jour.

Qu’est-ce que je vois comme négatif ? C’est une question que je me pose chaque jour de cette enquête. Pour que cette enquête avance, est-il vraiment nécessaire de transformer cela en “téléréalité”, de faire exploser un feu d’artifices chaque jour ? Et ne jamais tenir compte du fait que, avec un gros titre ou un passage à la télévision, vous pourriez condamné quelqu’un qui va plus tard se révéler innocent ?

Est-il possible de conduire la même enquête, d’arrêter les mêmes gens sans la pyrotechnie ? Je le crois.

Est-il possible d’analyser combien coûte cette opération, combien d’argent retournera à nos comptes publics et combien cela coûte au pays ? Combien cette opération coûte à notre PIB, notre taux de chômage, quels sont les investissements qui quittent le pays.

GREENWALD : Mais pensez-vous que cette procédure a pour objet de détruire le PT ? Parce que 60% des politiciens accusés appartiennent au PP, un parti de l’aile droite, pas au PT.

DA SILVA : Je m’attarderai sur cette question du PT parce que j’espère qu’il y aura une question spécifique à venir. Avant toute chose, lorsque vous créez une loi, établissez les conditions pour que les institutions fonctionnent bien, il n’y a pas de protection – la seule protection est celle qui suit la loi. C’est faire les choses bien, ne pas faire d’erreurs. Et si le PT fait des erreurs, le PT doit payer pour cela comme tous les autres partis politiques ou toute autre personne qui n’appartient pas à un parti, parce qu’après tout la loi s’applique à tous. C’est la façon de consolider la démocratie au Brésil et partout ailleurs sur terre.

Deuxièmement, ce que je trouve bizarre avec la transaction pénale, et je le dénonce depuis décembre 2014, ce n’est pas quelque chose de nouveau, ce que je trouve bizarre c’est comment l’information fuite de manière sélective. Et c’est généralement conte le PT. Lorsqu’il y a une accusation contre un autre parti politique, la presse en parle en petits caractères. C’est à la télévision pendant 5 secondes. Lorsqu’il s’agit du PT, vous avez 20 minutes à la télévision, la première page des journaux, ce qui rend clair comme de l’eau de roche que ces deux dernières années il y a une tentative de criminaliser le PT.

GREENWALD : Oui, nous parlerons de cela dans quelques minutes. Mais avant cela, je veux vous demander : à plusieurs occasions vous avez utilisé le terme “coup d’État” pour décrire la procédure de destitution contre la présidente Dilma. La Constitution brésilienne établit explicitement la possibilité de la destitution. Et cette procédure est menée sous l’autorité de la Cour suprême, avec onze membres : huit choisis par le PT, trois par vous-même et cinq autres par la présidente Dilma. Et cette cour a rendu plusieurs décisions en votre faveur. Comment cette procédure peut-elle être appelée coup d’état ?

Une manifestante tenant un drapeau avec écrit en portugais sur un autocollant « A bas le coup d'État, non à la destitution » lors d'une manifestation de soutien à la présidente du Brésil Dilma Rousseff et de l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva à Sao Paulo, au Brésil, 31 mars 2016. Photo: Andre Penner/AP

Une manifestante tenant un drapeau avec écrit en portugais sur un autocollant « A bas le coup d’État, non à la destitution » lors d’une manifestation de soutien à la présidente du Brésil Dilma Rousseff et de l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva à Sao Paulo, au Brésil, 31 mars 2016. Photo: Andre Penner/AP

DA SILVA : Elle a aussi rendu des décisions contre nous à plusieurs reprises. Laissez-moi vous dire…

GREENWALD : Tous les tribunaux font cela. Mais comment peut-il y avoir un coup d’État lorsque cela se produit sous l’autorité d’une cour de justice ?

DA SILVA : Je vais vous dire pourquoi c’est un coup d’État. C’est un coup d’État parce que quoique la Constitution brésilienne permette la destitution, il est nécessaire pour la personne d’avoir commis ce qui est appelé un crime ou un délit. Et la présidente Dilma n’a commis ni crime ni délit. Par conséquent, ce qui se passe actuellement est une tentative par certains de prendre le pouvoir  au mépris du vote populaire.

Chacun a le droit de vouloir devenir président, tout le monde. Ils n’ont qu’à se présenter. J’ai perdu trois élections, trois ! Je n’ai pris aucun raccourci. J’ai attendu 12 ans pour devenir président. Toute personne qui veut devenir président, au lieu d’essayer de faire tomber le président, peut se présenter à une élection. J’en ai fait trois et je ne me suis pas mis en colère.

Voilà pourquoi je pense que la destitution est illégale. Il n’y a eu ni crime ni délit. En effet, je pense que ces gens veulent renverser Dilma de ses fonctions au mépris de la loi. La réalisation, la façon dont je le vois, un coup d’État. Voilà ce qu’il est : un coup d’État.

GREENWALD : Ils ne peuvent gagner les élections. Je veux vous demander : le PT a demandé la destitution de trois présidents avant vous. Croyez-vous que ces trois présidents aient été impliqués dans des crimes ou délits qui justifiaient leur destitution ?

DA SILVA : Non. Le PT a demandé la destitution de Collor et cela parce qu’il avait commis des crimes et délits. Avec Fernando Henrique Cardoso, la Chambre des députés n’a pas accepté la requête. Donc elle est morte d’elle-même. Peut-être parce qu’il n’y avait pas de crimes ou de délits. Maintenant, cette demande de destitution ne pouvait pas non plus être niée.

Pourquoi a-t-elle été demandée? Pourquoi ont-ils ouvert une procédure et l’ont-ils envoyée à la commission? Parce que le président de la chambre était en colère parce que le PT n’a pas voté avec lui au comité éthique et il a alors décidé de s’en prendre en retour au PT en essayant de fabriquer cette destitution de la présidente Dilma, ce qui est selon moi un gigantesque abus dans ce scénario politique.

Réunion pour les élections présidentielles à Sao Bernardo Do Campo en 1989. Photo: Gamma-Rapho/Getty Images

Réunion pour les élections présidentielles à Sao Bernardo Do Campo en 1989. Photo: Gamma-Rapho/Getty Images

GREENWALD : Je voudrai parler d’Edouardo Cunha, le président de la Chambre des députés. La preuve qu’il est impliqué dans des faits de corruption est incontestable. Ils ont découvert ses comptes en Suisse remplis de millions de dollars qu’il ne peut expliquer. Il a clairement menti au Congrès lorsqu’il a nié avoir des comptes bancaires à l’étranger. Comment peut-on expliquer aux étrangers – et aux Brésiliens – comment un homme si corrompu peut, pas seulement rester chef du Congrès national, mais également mener une procédure de destitution contre la présidente ?

DA SILVA : Ce qui est encore plus grave c’est la façon dont la presse le traite de manière tout à fait normale, contrairement à Dilma. En vérité, Dilma est jugée par des gens qui ont été accusés de crimes. Et elle n’a pas une seule accusation contre elle. L’accusation contre elle est celle d’irrégularités budgétaires. Et cette accusation n’est pas un crime et son budget n’a même pas été revu par le Congrès national.

GREENWALD : Expliquez-moi cela, parce que je pense qu’il y a beaucoup d’étrangers qui ne peuvent le comprendre.

DA SILVA : Il n’y a pas d’explication, à part que certaines personnes dans ce pays perdent la raison. Le Congrès national pourrait montrer un peu de dignité en tenant compte du fait qu’ils ne sont pas dans les conditions politiques pour mener un procès contre Dilma comme ils le font. Edouardo Cunha n’a pas la respectabilité nécessaire, au Congrès, ou dans la société, pour le mener. Mais cela continue, parfois même sous la protection de certains secteurs des médias, ce qui je pense est très grave.

Ce qui m’inquiète le plus dans tout cela c’est que le Brésil ne connaît la démocratie que depuis 31 ans. Cela a été notre plus longue période de démocratie ininterrompue. Et ce que nous sommes en train de faire actuellement, c’est tenter de jouer avec la démocratie. Et nous ne devrions pas jouer avec la démocratie, parce que chaque fois que nous le faisons, chaque fois que nous nions la politique, ce qui vient après est pire.

GREENWALD : Il existe de solides preuves de corruption au sein des partis d’opposition au gouvernement du PT – c’est clair – mais êtes-vous d’accord qu’il existe également un sérieux problème de corruption au sein du PT ?

DA SILVA : Laissez-moi vous dire quelque chose : jusqu’à présent, il y a une négociation de peine dans une affaire contre le trésorier du PT. Il était impliqué pendant une négociation de peine et le cas est toujours en attente de procès. Il dit qu’il ne l’a pas fait. Dans cette procédure vous avez une négociation. Un homme d’affaires peut sans sortir en essayant de rejeter la faute sur quelqu’un d’autre. N’importe quand, quelqu’un peut vous accuser d’avoir reçu de l’argent d’une société.

Ce que je trouve fantastique et ironique c’est que c’est comme si les sociétés avaient deux types de comptes : un avec de l’argent propre et un avec de l’argent de sale. Celui contenant l’argent propre est pour le PWDB, le PMDB et les autres partis. Alors que celui avec l’argent sale est pour le PT. Croire cela c’est de la démence, c’est le moins que l’on puisse dire. C’est, au mieux, un échec quant à la compréhension de ce moment historique… et je ne dis pas que le PT est exempt de tout reproche, et si le PT est coupable il devra payer comme n’importe quel autre parti. Le PT n’est pas à l’abri – ce que je dis c’est qu’en cette période…

GREENWALD : Mais il y a un sérieux problème.

DA SILVA : En cette période historique, ce qui est réel, c’est une tentative de criminaliser le PT, de renverser Dilma et d’empêcher toute possibilité à Lula de revenir un jour comme candidat aux présidentielles dans ce pays.

GREENWALD : Je comprends votre raisonnement et tout ce que vous venez de dire, mais je veux être très clair concernant ma question. Croyez-vous… qu’il y ait de sérieux problèmes, je pense à des cas de corruption encore pire dans d’autres partis, y compris au sein de ceux qui mènent actuellement la procédure de destitution contre Dilma. Mais vous, en tant que l’un des membres fondateurs du PT, la personne la plus importante du PT avec la présidente Dilma, admettez-vous qu’il y a un sérieux problème de corruption dans votre parti ?

DA SILVA : Je pense qu’il y a un problème dans mon parti. Je ne crois pas… laissez-moi vous dire une chose, lorsque le scandale “mensalão” a commencé, certains secteurs des médias ont dit que c’était la plus grande affaire de corruption dans l’histoire de la planète. Puis la procédure a débuté et c’est devenu de plus en plus difficile d’apporter des preuves.

Puis, pour consolider leur affaire, ils ont sorti la notion de “prévalence des faits”, la théorie de la “prévalence des faits”. Ce qui signifie qu’ils n’avaient pas à apporter une quelconque preuve. Vous dirigez l’organisation? Alors vous êtes responsable. C’est ainsi que ça s’est passé durant le scandale “mensalão”. Maintenant ils construisent une nouvelle théorie. Nous menons notre campagne en octobre 2014 et un magazine publie en couverture : “Lula et Dilma étaient au courant de tout.” Vous vous souvenez de cela ?

GREENWALD : Oui, bien sûr.

DA SILVA : Laissez-moi vous dire une chose. Ça fait deux ans. Chaque jour il y a un article, chaque jour il y a un tweet, chaque jour je reçois l’information : “Regardez, ils ont arrêté untel et untel qui sont sur le point de tout révéler sur l’implication de Lula.”

GREENWALD : Juste pour clarifier un point : l’ancien dirigeant du PT au Sénat a dit que vous saviez à propos du système de pots de vin et que vous les commandiez.

DA SILVA : Laissez-moi vous dire, Delcidio voulait sortir de prison. Delcidio avait de forts liens avec Petrobras, même avant le PT. Il était fortement lié à Petrobras pendant la présidence de Fernando Henrique Cardoso. Il avait une forte connexion avec Petrobras parce qu’il était sur le terrain depuis longtemps. Pour résumer : Delcidio a menti sans vergogne.

GREENWALD : Pourquoi?

DA SILVA : Pour sortir de prison. Selon toute évidence, pour sortir de prison.

Photo: Laura Colucci/Fireworx Media

Photo: Laura Colucci/Fireworx Media

GREENWALD : De nombreuses recherches ont révélé un fort sentiment généralisé d’indignation vis-à-vis du gouvernement et du PT, y compris venant de personnes qui les soutenaient depuis longtemps. Croyez-vous que toute cette colère envers le PT est illégitime ou acceptez-vous que dans certains cas elle soit justifiée ?

DA SILVA : Je ne crois pas que la haine qui a été encouragée contre le PT l’emportera. Aujourd’hui nous vivons une période où la haine contre le PT est alimentée 24 heures sur 24 C’est le parti qui a le plus fait progresser les politiques sociales dans le pays. Le parti qui, en seulement douze ans, a changé l’histoire de ce pays. Nous avons donné aux travailleurs un visage ; nous avons donné un visage et une citoyenneté aux démunis. Tout ce qu’ils n’ont jamais eu. C’est pourquoi la haine est encouragée par des gens qui ne savent pas comment partager l’espace public avec des gens qui viennent d’en bas.

Je me sens en paix et c’est pourquoi je peux débattre de cela en toute tranquillité. Parce que je peux dire : je doute qu’il y ait un homme d’affaires, ami ou adversaire, qui puisse dire qu’il a un jour négocié un quelconque deal malhonnête avec moi. Je vois les choses arriver, j’assiste aux mensonges, je vois les inventions contre Lula. Ils ont fabriqué un appartement qui était censé m’appartenir. Quelqu’un va devoir me donner cet appartement.

GREENWALD : Mais êtes-vous conscient qu’il y a beaucoup de gens, y compris des partisans du PT, qui souffrent dans cette économie ? Bien sûr, vous en avez conscience.

DA SILVA : Oui.

GREENWALD : Et le gouvernement du PT – et je sais qu’il y a beaucoup de causes qui n’ont rien à voir avec le gouvernement et concernent l’économie globale et la Chine– mais y a-t-il une certaine responsabilité qui peut être attribuée à la présidente Dilma quant à cette souffrance ?

DA SILVA : Commençons par la partie économique, d’accord ? Parlons d’économie. Le Brésil souffre des conséquences les plus perverses d’une crise économique mondiale causée par le système mondial lui-même. La première qui a commencé aux États-Unis, qui est devenue encore pire après la banqueroute de Lehman Brothers et qui n’a toujours pas été résolue malgré les 13 trillions de dollars dépensés.

Durant le premier sommet du G20 en 2009, je proposais que si nous souhaitions résoudre la crise, au lieu de couper dans les dépenses, nous avions besoin d’investir davantage dans les pays les plus pauvres afin de les aider à obtenir de l’argent bon marché, pour qu’ils puissent se développer. Nous sommes tous d’accord sur le fait que le protectionnisme devait être évité et que le commerce international était nécessaire, spécialement en Amérique latine et en Afrique.

Ils étaient tous d’accord sur ce point et cela apparaît dans la première déclaration des dirigeants du G20 du sommet de Londres. En attendant, chaque pays est allé de l’avant avec ses propres mesures protectionnistes. En 2009, je critiquais cela, disant que le problème des crises économiques était le manque de leadership politique. Les politiques mondiales ont été sous-traitées et d’importantes décisions sont maintenant prises par des bureaucrates pendant que les dirigeants se cachent.

GREENWALD : Mais le gouvernement brésilien est-il totalement exempt de tout reproche sur cette question ?

DA SILVA : Je vais maintenant parler du Brésil ; je voulais juste replacer la crise dans son contexte en premier lieu. Il est impossible d’imaginer que la crise est toujours en cours en Europe ou que les États-Unis ne l’ont pas encore réduite. Mais tout cela est dû au fait qu’ils ont choisi de réduire les dépenses alors que c’est précisément la force qui est capable d’augmenter la production et l’industrie dans un pays.

De 2011 à 2014, le gouvernement brésilien a poursuivi une politique d’allègements et d’abattements fiscaux et a donné jusqu’à 500 milliards de réaux dans le but de booster la croissance. Cela a conduit à un très faible taux de chômage en décembre 2014 de seulement 4,3%. Vous pouvez comparer le Brésil à la Finlande ou même à la Suède avec un tel taux de chômage.

Toutefois, le gouvernement n’a pas vu à quel point ces allègements fiscaux ont diminué ses revenus issus des impôts et ont vidé les caisses de l’État. Dilma, selon toute évidence, ne voulait pas changer cela durant les élections. Après qu’elle a été réélue et officiellement engagée auprès du peuple, elle a offert un réajustement et a commencé à changer quelques petites choses concernant les droits des travailleurs. Et cela a retourné contre nous une grande partie de notre électorat, ce que nous n’avons toujours pas réussi à arranger pour l’instant.

C’est exactement ce dont j’ai discuté avec la présidente Dilma, lui disant que la seule façon de faire face à cela est de promouvoir de nouvelles politiques qui amènent de nouveaux espoirs et opportunités dans la société brésilienne. Ceux qui ont aujourd’hui grimpé un échelon social supplémentaire ne peuvent retomber. Ils doivent se maintenir à leur niveau. Voilà pourquoi nous avons besoin d’une politique économique qui encourage les financements, les prêts, les dépenses, la micro-industrie, les petites et moyennes entreprises, quelque chose qui va nous remettre en piste.

GREENWALD : Est-il possible de justifier les programmes d’austérité proposés par le gouvernement ? Pensez-vous que cela serait pire avec un autre parti politique ?

DA SILVA : Laissez-moi vous dire une chose, il n’y a pas d’austérité.

GREENWALD : Rien de ce genre au Brésil ?

DA SILVA : Ce que nous avons c’est un manque de revenus provenant des impôts et, sans revenus, vous ne pouvez dépenser – la même chose se produit pour ma maison et la vôtre et pour le gouvernement et une société. En d’autres termes, le gouvernement a baissé les impôts croyant que l’économie mondiale se remettrait rapidement, mais elle ne le fit pas, ni le Brésil.

Donc qu’est-ce qui doit être fait aujourd’hui ? Le gouvernement ne peut continuer une année de plus avec des coupes budgétaires, ce dont nous devons discuter c’est de la croissance. Parlons de l’investissement. Si aucun budget public n’est disponible, nous devons créer du financement.

Nous devons rechercher des partenaires. Nous devons développer des projets stratégiques avec d’autres pays. Au milieu d’une crise, nous devons faire ce que nous n’étions pas capables de faire en période normale. Nous devons être plus courageux et plus innovants.

GREENWALD : Il y a une croyance commune en Occident que le PT a beaucoup en commun avec les partis de gauche en Bolivie, au Venezuela, à Cuba ou en Équateur et que vous et Dilma aimeriez mettre le Brésil sur la même voie. J’ai aussi entendu ça souvent parmi des brésiliens. Est-ce vrai ? Quelles sont les principales différences entre le PT et ces partis politiques ?

DA SILVA : Ne soyez pas injuste avec le PT, pour l’amour de dieu, parce que le PT a davantage en commun avec le SPD allemand et le Parti travailliste britannique. Aussi avec le Parti socialiste français et le Parti socialiste espagnol. Le PT a beaucoup en commun avec eux.

Laissez-moi vous dire une chose, le PT est le plus grand parti de gauche d’Amérique latine, il n’a même pas défini quel genre de socialisme il suit puisque le PT dit qu’il sera défini et construit par le peuple lui-même et non par le PT avec sa douzaine d’intellectuels lui disant quel genre de socialisme nous voulons. Le PT est plus ouvert que les autres partis de gauche d’Amérique latine. Nous sommes meilleurs, plus diversifiés. Aucun autre parti politique au monde n’est plus démocratique ou ouvert que le PT. A l’intérieur du PT il y a tout ce que vous pouvez imaginer – c’est comme l’Arche de Noé, ce qui signifie que n’importe qui ou n’importe quelle croyance politique est bienvenu au PT. Toutefois, il faut comprendre que lorsqu’une chose est décidée par le PT, cela devient une obligation pour tous ses membres.

Les supporters du Parti des travailleurs (PT) manifestent en soutien à la présidente Dilma Roussef et à l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva à Rio de Janeiro, Brésil, le 18 mars 2016. Photo: Yasuyoshi Chiba/AFP/Getty Images

Les supporters du Parti des travailleurs (PT) manifestent en soutien à la présidente Dilma Roussef et à l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva à Rio de Janeiro, Brésil, le 18 mars 2016. Photo: Yasuyoshi Chiba/AFP/Getty Images

GREENWALD : Vous avez tenu une conférence de presse avec des correspondants étrangers il y a deux semaines et avez dit quelque chose de très intéressant au sujet du juge Sérgio Moro. Vous avez dit qu’il est un individu intelligent et compétent, mais, pour reprendre vos mots, “c’est humain”, les gens avec un grand pouvoir et objets de beaucoup d’adoration sont susceptibles d’être tentés d’abuser de ce pouvoir. Cela s’applique-t-il à vous aussi ?

DA SILVA : Le truc, c’est que je n’ai aucun pouvoir.

GREENWALD : Aucun pouvoir ?

DA SILVA : Je n’ai pas de pouvoir. Lorsque j’ai eu du pouvoir, lorsque j’étais président, la chose dont j’étais le plus fier c’était que la société était plus impliquée dans la prise de décision sous mon gouvernement qu’à aucun autre moment.

GREENWALD : Lorsque vous avez eu du pouvoir et si vous en avez à nouveau un jour, est-ce que cela s’appliquera également à vous ? L’idée que les gens qui ont beaucoup de pouvoir peuvent être tentés d’en abuser ?

Un travailleur colle une affiche de campagne pour le candidat brésilien à la présidence Luiz Inacio Lula da Silva, du Parti des Travailleurs(PT), le 24 octobre 2002, à Sao Paulo, au Brésil. Photo: Marucio Lima/AFP/Getty Images

Un travailleur colle une affiche de campagne pour le candidat brésilien à la présidence Luiz Inacio Lula da Silva, du Parti des Travailleurs(PT), le 24 octobre 2002, à Sao Paulo, au Brésil. Photo: Marucio Lima/AFP/Getty Images

DA SILVA : Je pense que toute personne qui a trop de pouvoir est vulnérable. Toutefois, tout être humain n’est pas forcément capable de gérer sa popularité. Les médias, les photographes, peuvent causer beaucoup de dommages. J’ai vu beaucoup de gens, des joueurs de baseball, de football, de billard aux juges, aux sénateurs, aux représentants de l’État et même aux présidents y succomber.

GREENWALD : Devez-vous aussi combattre ce danger ?

DA SILVA : Bien sûr ! Depuis que j’ai été un dirigeant de syndicat, j’ai été conscient que je devais être très prudent pour ne pas me laisser influencer par l’adoration des médias. Je sais combien cela peut être agréable d’être en couverture d’un journal, d’être à la télévision tous les jours. Mais si vous n’êtes pas attentif et responsable, vous pouvez emprunter un mauvais chemin. De plus, celui qui pense qu’il est indispensable, qui commence à penser qu’il est irremplaçable, commence à devenir un dictateur, ce qui est très mauvais.

GREENWALD : Je voudrais parler des médias brésiliens et de leur rôle dans l’incitation aux manifestations contre la présidente Dilma et les pressions pour son départ. En tant que journaliste qui n’est pas brésilien mais qui a vécu ici longtemps, je suis choqué par les médias locaux. Globo, Veja, Estadao sont impliqués dans un mouvement contre le gouvernement et pour l’opposition. Ils prétendent être impartiaux lorsqu’ils servent en réalité de principal outil de propagande. La plupart d’entre eux sont détenus par de très riches et puissantes familles, est-ce un danger pour la démocratie ?

DA SILVA : Oui, ça l’est.

GREENWALD : Pourquoi cela ?

Après la nomination de l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva comme chef de cabinet de ministre, des centaines de gens sont descendus avenue Paulista, dans le centre de Sao Paulo, au Brésil, pour protester contre lui et le gouvernement de la présidente Dilma Roussef, le 17 mars 2016. Photo: Gustavo Basso/NurPhoto/Sipa USA/AP

Après la nomination de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva comme chef de cabinet de ministre, des centaines de gens sont descendus avenue Paulista, dans le centre de Sao Paulo, au Brésil, pour protester contre lui et le gouvernement de la présidente Dilma Roussef, le 17 mars 2016. Photo: Gustavo Basso/NurPhoto/Sipa USA/AP

DA SILVA : Laissez-moi vous dire ce qui, je pense, serait la meilleure situation pour le monde : ce serait des médias extrêmement démocratiques qui ont une opinion politique et l’expriment dans leurs éditoriaux, mais restent très fidèles aux faits. Pas de versions ou de points de vue – des faits. De nos jours au Brésil, nous n’avons pas de partis d’opposition, en réalité, l’opposition ce sont les médias eux-mêmes.

GREENWALD : Globo, Veja…

DA SILVA : Nous avons trois journaux, magazines et chaînes de télévisions qui s’opposent ouvertement au gouvernement. Ils appellent à des marches et manifestations. Ils incitent à la haine. Vous voyez, j’ai perdu trois élections. J’ai perdu une fois, deux fois et une troisième fois, et chaque fois, je rentrais à la maison, râler et chercher le soutien de ma femme et de mes compagnons du PT. Puis un jour j’ai gagné, et contrairement à moi, ils ne savent pas perdre et ils ont perdu encore contre Dilma. Ils en sont encore au même point aujourd’hui. Depuis que le parti est fragile, les médias ont assuré le rôle du parti. C’est sérieux. C’est un risque pour la démocratie.

Lorsque j’ai fini mon mandat en 2010, nous avons tenu une conférence de communication nationale. Nous avons construit un modèle réglementaire qui pourrait être le modèle américain, britannique ou français – pas le modèle chinois ou cubain. Malheureusement, il n’a jamais atteint le Congrès étant donné que notre réglementation remontait à 1962, lorsque nous n’avions pas de satellites, d’internet, de télévision digitale ou même de fax. Nous n’avions rien de tout cela. Nos réglementations dataient de 1962 ! Et ils ne veulent pas les changer ! Je pense que nous reparlerons de ça bientôt.

GREENWALD : Mais les médias ont au moins accepté ou même soutenu votre candidature en 2002 et 2006, n’est-ce pas ?

DA SILVA : Non, ils ne l’ont pas fait. En 2002, il était certain que j’allais gagner. En 2002, je n’étais pas inquiet parce que quelque chose me disait qu’avec cette élection ce serait mon tour de devenir président.

Donc les médias n’étaient bien sûr pas hostiles. Toutefois en 2006, j’étais déjà président mais ils ont soutenu le candidat en quatrième position plus qu’ils ne m’ont soutenu moi, le candidat en première position et président. Ils ont fait tout ce qu’ils ont pu pour que je perde. Lorsqu’Alckmin est passé au second tour, ils ont célébré ma défaite imminente. Qu’est-ce qui s’est passé ensuite? Alckmin a eu moins de votes au second tour qu’au premier, alors que j’ai eu 62 pour cent des votes.

Puis ils ont tous pensé que je n’aurais aucun successeur, ils ont tous pensé que Serre deviendrait président en 2010 et nous avons présenté une femme de gauche, avec peu d’expérience politique, qui a passé trois ans et demi en prison, qui a été torturée et sans expérience politique.

OB : tiens, nos médias ont oublié de le dire… Source : Wikipedia

Pendant la dictature militaire, Dilma Rousseff intègre le commando de libération nationale, mouvement de résistance, devenu plus tard leVAR Palmares. Arrêtée en 1970 (à 23 ans), elle est torturée pendant vingt-deux jours, puis condamnée par un tribunal militaire et détenue trois ans jusqu’en 19733.

À l’époque de sa détention, elle est surnommée la « Jeanne d’Arc de la guérilla », en raison de son implication dans le mouvement3.

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Sinon, au moment du vote de destitution : “Le vote se fait dans un climat de haine politique, l’un des députés saluant la mémoire du colonel Ustra, qui avait torturé en personne Dilma Roussef sous la junte militaire”. (pas entendu non plus…)

Donc cette femme a été élue président et, n’oublions pas, elle a eu un bon premier mandat. Les gens se plaignaient qu’elle n’aimait pas discuter des problèmes ; qu’elle n’aimait pas faire de la politique. Détails. Le fait est que, lorsque les nouvelles élections sont arrivées, ils ont tous parié sur sa défaite, “Dilma va perdre ! Dilma va perdre !” Mais elle n’a pas perdu. Ils sont tous devenus fous.

GREENWALD : Ils n’acceptent toujours pas les résultats aujourd’hui ?

DA SILVA : Non, toujours pas.

GREENWALD : J’aimerais maintenant changer un peu de sujet. Lorsque le rapport montrant que la NSA effectuait une surveillance électronique du Brésil a émergé, vous, ainsi que la présidente Dilma, l’avez fortement dénoncée, la qualifiant d’atteinte grave à la vie privée. Vous avez dit la même chose lorsque vos propres conversations privées avec Dilma ont été révélées par le juge Moro.

Récemment, le gouvernement a adopté une nouvelle loi antiterroriste, fermement soutenue par Dilma elle-même, qui donne à son gouvernement des pouvoirs d’espionnage très étendus. N’est-ce pas contradictoire ? Que pensez-vous de cette nouvelle loi ?

DA SILVA : J’étais contre cette loi parce que je ne pense pas que ce modèle puisse s’appliquer au Brésil autant qu’aux autres pays qui sont directement affectés par le terrorisme. Le Brésil, Dieu merci, n’a pas ce genre de problèmes, même si certaines personnes pensent que nous devrions nous en inquiéter.

GREENWALD : Le gouvernement a-t-il exploité les peurs ?

DA SILVA : Non, je ne le pense pas. Ils étaient juste inquiets à propos des jeux Olympiques et ont sur-réagi. Ce n’est pas un pays où les gens commettent traditionnellement des actes terroristes.

GREENWALD : Mais ces pouvoirs d’espionnage que le gouvernement brésilien a désormais sont très dangereux.

DA SILVA : Je ne les aime pas non plus. Laissez-moi vous dire quelque chose. Je suis très inquiet de la transformation de l’appareil d’État, et par-dessus tout de l’appareil policier, qui est très puissant. Parce que cela va à l’encontre de la démocratie, à l’encontre des institutions démocratiques. Je pense que nous avons besoin de trouver un équilibre. Nous n’avons pas besoin de créer un monstre pour nous défendre nous-mêmes contre un monstre.

GREENWALD : Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme se plaignent que le Brésil viole les droits de ses prisonniers étant donné les conditions inacceptables qui existent dans les prisons. Beaucoup de gens sont retenus prisonniers sans même un procès.

Une grande partie de ce problème vient de la lutte contre la drogue, que le PT a toujours soutenue, mais qui conduit trop de brésiliens – la plupart pauvres, noirs et jeunes – a être mis en prison. Par le passé, vous avez soutenu cette lutte. Maintenant, l’ancien président Henrique Cardoso, aux côtés de beaucoup d’autres dirigeants, dit que cette lutte a échoué et est inhumaine.

Etes-vous d’accord avec eux, ou voulez-vous continuer cette lutte ?

DA SILVA : Cette lutte a échoué car le système judiciaire est trop lent. Il y a des gens qui ont été en prison durant deux ou trois ans sans procès. C’est la même chose avec l’enquête de l’opération “Lava Jato”. Le problème vient du système judiciaire.

GREENWALD : Personne ne se soucie d’une personne jeune, pauvre et noire qui reste deux ou trois ans en prison sans procès.

DA SILVA : Mais c’est un choix délibéré ici, vous savez. Et nous l’avons dénoncé. J’ai eu beaucoup de réunions avec des groupes de jeunes venant de communautés pauvres, il y a un choix délibéré, en fait, à arrêter les gens noirs et pauvres, à tuer les gens noirs et pauvres. Cela signifie qu’il y a un problème que nous essayons de résoudre – pas seulement en tant que parti, mais aussi au niveau judiciaire, des organisations de juges – sur la façon dont nous allons accélérer, vous savez, la libération et le procès de ces gens.

GREENWALD : Mais avec les conditions de détention dans les prisons brésiliennes, est-il juste de mettre quelqu’un en prison pour une année, deux années, trois années, six mois, ou une quelconque durée pour possession de drogue avec ce niveau de pauvreté ?

DA SILVA : Je suis pour la dépénalisation (des drogues) ; par conséquent je ne pense pas qu’un citoyen qui commet un ancien délit devrait être en prison. Je ne pense pas qu’un citoyen qui est pris, un consommateur de drogue, devrait être arrêté. Dans beaucoup de cas cette personne a besoin de consultations psychologiques plus que d’aller en prison. C’est une chose d’arrêter un trafiquant de drogue et c’en est une autre d’arrêter un consommateur. Je suis contre cela. Vous savez, nous nous sommes battus contre cela. Maintenant, nous avons un problème au Brésil : nous avons toujours un système judiciaire très conservateur.

GREENWALD : Ma dernière question : durant longtemps, le Brésil était un des leaders en Amérique latine, sur la thématique de l’égalité des gays. En fait, le Brésil a été plus progressiste que les États-Unis et beaucoup de pays d’Europe sur cette question. Mais maintenant il y a ce mouvement évangélique très fort au Brésil qui veut retourner en arrière, et je sais que vous avez soutenu la défense des droits LGBT dans le passé, mais je veux vous demander : soutenez-vous une égalité absolue pour les LGBT en droit ?

DA SILVA : J’approuve !

GREENWALD : Y compris le droit de se marier ?

DA SILVA : Laissez-moi vous dire quelque chose, mon ami, au Brésil beaucoup de choses importantes se sont produites. J’ai été le seul président qui a pris part à une conférence nationale avec la communauté LGBT. Lorsque beaucoup de gens pensaient que c’était dangereux pour moi d’aller à la conférence, j’y suis allé, avec deux mille personnes. Ce fut une extraordinaire leçon pour le gouvernement. Deuxièmement, nous nous sommes débrouillés pour faire approuver les unions civiles par la Cour suprême, ce qui fut un progrès extraordinaire, vous savez ?

GREENWALD : Mais ce n’est pas l’égalité.

DA SILVA : Avec le Plan pour l’éducation nationale nous…

GREENWALD : Mais ils n’ont pas les mêmes droits que pour les mariages hétérosexuels. C’est moins…

DA SILVA : Mais quoi qu’il en soit, faire en sorte que la Cour suprême prenne une telle décision fut un progrès extraordinaire. Je soutiens le droit des gens à décider de ce qui est le mieux pour eux.

Le président Luiz Inacio Lula da Silva tient un drapeau du mouvement gay lors de la cérémonie d'ouverture de la première conférence nationale pour les gays, les lesbiennes et les transsexuels, le 5 juin 2008, au Brésil. Photo: Joedson Alves/AFP/Getty Images

Le président Luiz Inacio Lula da Silva tient un drapeau du mouvement gay lors de la cérémonie d’ouverture de la première conférence nationale pour les gays, les lesbiennes et les transsexuels, le 5 juin 2008, au Brésil. Photo: Joedson Alves/AFP/Getty Images

GREENWALD : Y compris le droit de se marier ?

DA SILVA : Y compris le droit de se marier. Lorsque je parle des unions civiles je veux aussi dire le mariage, ok ? Je crois sincèrement que les gens devraient vivre comme ils le choisissent. Dès lors que chacun d’entre nous respecte les droits des autres, vous voyez ?

Ici au Brésil, lorsqu’il était question de l’avortement, et il a été dit que c’était un crime de le faire, j’avais l’habitude de dire “Regardez, moi, en tant que citoyen, père de cinq enfants, je suis contre l’avortement. Mais moi, en tant que président du Brésil, j’ai affaire avec la question de l’avortement en tant que problème de santé publique.”

GREENWALD : Parce qu’une femme a le droit de choisir et vous non ?

DA SILVA : Bien sûr ! Bien sûr ! Vous savez, je pense que le Brésil a beaucoup progressé, mais dans certains domaines nous sommes toujours très en retard.

[Diaphonie]

DA SILVA : Je voulais juste vous dire quelques choses de plus concernant l’opération “Lava Jato”, vous qui êtes étranger. Laissez-moi vous dire ce qui m’inquiète avec cette histoire de “Lava Jato”, à savoir qu’il y a une autre thèse en jeu, une thèse de contrôle sur les faits. Il y a l’idée que premièrement vous détectez un criminel, vous l’étiquetez en tant que criminel, et ensuite vous cherchez un crime à lui coller. Je dis cela car chaque jour quelqu’un le dit, “Ils veulent attraper Lula ! Ils veulent attraper Lula ! C’est Lula qu’ils veulent attraper !” Et on me dit cela tous les jours.

GREENWALD : Parce qu’ils pensent que vous vous présentez à nouveau comme président. Est-ce vrai ?

DA SILVA : Je ne sais pas. Si c’est la raison, c’est stupide. Écoutez, je doute qu’il y ait un seul homme d’affaires dans ce pays qui pourrait dire qu’ils ont négocié un quelconque deal malhonnête avec moi.

GREENWALD : Dans le temps, ils vous ont donné un important montant d’argent pour soutenir votre campagne ; vous avez reçu beaucoup de soutien d’hommes d’affaires, de grandes entreprises…

DA SILVA : Au Brésil, seuls les gens riches ont de l’argent à donner pour les campagnes. Soyons honnêtes ! Il n’existe pas de pays dans lequel un candidat vend sa maison pour financer sa candidature.

GREENWALD : Ils doivent avoir le soutien des gens riches.

DA SILVA : Bien sûr ! Aux États-Unis c’est même charmant, il y a des récompenses pour celui qui a collecté le plus.

GREENWALD : Obama et Clinton, ils ont tous deux eu le soutien de Wall Street et d’hommes d’affaires.

DA SILVA : C’était la règle du jeu : vous demandiez de l’argent, l’homme d’affaires vous donnait de l’argent, vous comptabilisez l’argent et les représentants de la Justice approuvaient vos comptes et c’était tout.

GREENWALD : Et c’est ainsi que les riches obtiennent des faveurs.

DA SILVA : Maintenant il y a cette idée qui y est associée, et le PT avait l’habitude de défendre cette idée de “Arrêtons les donations privées et rendons le financement entièrement public, ce qui est le moyen le plus digne de faire campagne.”

GREENWALD : Le PT ne va plus recevoir d’argent de sociétés pour ses campagnes ?

DA SILVA : Le PT a décidé de ne plus accepter les contributions des sociétés pour les campagnes électorales, et je pense que c’est une chose extraordinaire, une chose courageuse et qui pourrait faire renaître le PT encore plus fort.

GREENWALD : Et si vous vous présentez comme président une nouvelle fois, maintiendrez-vous cette promesse ?

DA SILVA : Bien sûr ! Je suis déjà bien connu.

GREENWALD : Il y a beaucoup de critiques de la gauche brésilienne affirmant que le PT perpétue le modèle néo-libéral, qu’il protège l’intérêt des riches et non des pauvres. Est-ce exact ?

DA SILVA : Non, nous allons utiliser les travailleurs et les plus humbles du pays pour faire repartir l’économie du Brésil. Pour cela, nous avons besoin de fonds, de crédits et de partenariats. Et ça, avec l’aide de Dieu, je veux aider Dilma à l’accomplir.

GREENWALD : Eh bien, merci beaucoup pour cette interview, Monsieur le Président.

DA SILVA : Merci.

Source : The Intercept_, le 11/04/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/watch-interview-exclusive-de-lancien-president-du-bresil-lula-da-silva-par-glenn-greenwald/


[28 pages] 3e vidéo : Les réactions politiques aux révélations de 60 Minutes

Monday 2 May 2016 at 02:37

Suite de notre grande série sur les 28 pages – rappel :

Évidemment, la tempête créée par l’émission 60 Minutes n’allait pas cesser avec l’émission…

Surtout avec le chantage saoudien à 750 milliards

Observez quelques réactions dans cette vidéo, principalement de Bob Graham, leader de ce combat pour la Vérité… Rappelons que c’est l’ancien gouverneur de Floride (l’équivalent du Président de la France dans l’UE donc), puis Sénateur ayant présidé la Commission sénatoriale du Renseignement, et ayant Présidé la Commission d’enquête parlementaire sur le 11 Septembre…

I. La 3e Vidéo

II. Le script de la vidéo

Voici le script de la vidéo

« Bob Graham, 11 avril 2016 » (source : YouTube)

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De 2’30 à 5’22

Bob Graham : « Il a été dit publiquement que ces 28 pages traitent des personnes qui ont financé le 11 Septembre, et pointent du doigt l’Arabie saoudite. »

Journaliste : « Quand vous lisez cette phrase du rapport de la Commission d’enquête sur le 11 Septembre : “Nous n’avons trouvé aucune preuve que le gouvernement saoudien en tant qu’institution, ou de hauts responsables saoudiens aient financé individuellement l’organisation », ne vous dites-vous pas qu’il y a de gros trous, comme des responsables saoudiens moins hauts placés, ou le gouvernement n’agissant pas en tant qu’institution ? »

Bob Graham : « Une autre chose qui rend ceci encore plus confus est que le concept d’immunité souveraine ne concerne pas que le roi, qu’on ne pourrait pas attaquer s’il faisait quelque chose de mal. L’Arabie saoudite l’a aussi utilisé concernant les organisations de charité, les fondations privées, les organisations religieuses, qui ont toutes été mises sous le parapluie de l’immunité souveraine. Ainsi, le fait de savoir où cesse le gouvernement et où commence la société saoudienne est très vaseux. »

Journaliste : « Ceci explique leurs motivations pour essayer d’obscurcir les faits, mais quelles sont les nôtres ? Pourquoi les Etats-Unis ne déclassifient-ils pas ces informations pour nous permettre de connaitre la vérité, que nos alliés étaient en fait derrière ces attaques ? »

Bob Graham : « Megan, c’est pour moi inexplicable. Il y a des raisons qui permettent de comprendre pourquoi sous l’administration Bush, on aurait voulu empêcher la publication, comme le fait qu’on avait besoin de beaucoup de renseignements et d’assistance de la part de l’Arabie saoudite après le 11 Septembre, ou que la famille Bush avait de proches relations avec la maison des Saoud depuis trois générations. Mais pourquoi l’administration Obama a-t-elle continué cette politique alors qu’il y a désormais de nombreuses preuves, et pas seulement ces 28 pages mais aussi d’autres éléments, qui impliquent les Saoudiens dans le 11 Septembre ?

Pour moi, ceci n’est pas seulement irrespectueux envers le peuple américain, qui n’est pas autorisé à disposer de la transparence sur ce qu’a fait son gouvernement en son nom, alors qu’il n’y a aucun risque de sécurité nationale. C’est aussi que j’estime que cela augmente notre vulnérabilité, parce que cela permet aux Saoudiens, qui constatent l’absence de sanctions envers eux, de continuer à financer des activités terroristes, et d’entraîner la prochaine génération de terroristes dans des mosquées et des écoles madrasas qui sont toutes financées par l’Arabie saoudite. »


« Bob Graham, 13 avril 2016 » (source : NewsMax)

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De 0:55 à 1’42

Bob Graham : « En fin de compte, je pense que les Saoudiens, compte tenu de ce qu’ils savent qu’ils ont fait le 11 Septembre, ont interprété le message de l’absence de réaction des États-Unis comme une forme d’impunité : « Nous pouvons faire tout ce que nous voulons, les Américains ne nous sanctionneront jamais ». Cela les a encouragés à continuer de soutenir ces organisations extrémistes : les madrasas, qui enseignent l’intolérance et la haine, les imams et les mosquées, qui prêchent afin d’inciter les adultes à s’engager dans le djihad, et des organisations comme ISIS (Daech) et al-Qaïda.

Journaliste : « [PAS DE RÉACTION AUX PROPOS SUR DAECH !] Une autre raison pour l’intérêt autour de tout ceci est… »

De 2’33 à 2’56

Bob Graham : « Je crois que les Saoudiens ont été au cœur du réseau qui a soutenu les 19 pirates du 11 Septembre. Pour moi, il est hautement impossible de croire que 19 personnes dont la plupart ne parlaient pas anglais, dont la plupart ne s’étaient jamais rendues aux États-Unis avant, aient pu réaliser un complot aussi compliqué sans assistance externe. »

De 3’30 à 4’22

Bob Graham : « Le FBI a réalisé une enquête avec les forces de polices locales sur cette famille (de Sarasota) après le 11 Septembre, et ils ont écrit un rapport. Le FBI a ainsi publiquement déclaré au peuple américain que ce rapport constituait une enquête complète et définitive, qui traitait de tout. Sa conclusion était qu’il n’y avait aucun lien entre cette famille et les pirates de l’air.

Mais tous les éléments qui ont été mis à la disposition des Commissions d’enquête sur le 11 Septembre ont montré qu’aucune de ces trois déclarations n’était vraie. Et pourtant, les preuves de tout ceci se trouvaient dans les documents que le FBI détenait et refusait de rendre publics pour le peuple américain. »


« Le 16 avril, le New York Times publie une révélation fracassante : – les Saoudiens menacent désormais les États-Unis » (source : NY Times)

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« L’Arabie saoudite a indiqué à l’administration Obama et aux membres du Congrès qu’elle vendra des centaines de milliards de dollars d’actifs américains détenus par le royaume si le Congrès adopte un projet de loi qui permettrait au gouvernement saoudien d’être poursuivi devant les tribunaux américains pour tout rôle joué dans les attaques du 11 Septembre 2001. […]

Adel al-Jubeir, le ministre saoudien des Affaires étrangères, a personnellement transmis le message du royaume le mois dernier lors d’un voyage à Washington, en indiquant aux parlementaires que l’Arabie saoudite serait contrainte de vendre jusqu’à 750 milliards de dollars en titres du Trésor et d’autres actifs aux États-Unis avant qu’ils ne soient mis en danger d’être gelés par les tribunaux américains. »


« Le New York Daily News est un des plus importants journaux quotidiens américains, avec un tirage supérieur à 700 000 exemplaires. Le Daily suit généralement une ligne éditoriale modérée. »

Le 17 avril 2016, il réagit à la menace saoudienne avec un titre peu tendre : « ORDURE ROYALE ! »

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« Les familles du 11/09 scandalisées par le chantage à 750 milliards de l’Arabie saoudite »

Pour aller plus loin : Vu des Etats-Unis : Riyad menace de provoquer l’effondrement de l’économie américaine (Courrier International).


« Le même jour sur CNN » (source : CNN)

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De 0’05 à la fin

Journaliste : « Mais jusqu’à la publication de ces pages, et à une transparence totale sur ce qui est arrivé, les paroles ne sont qu’une promesse vide faite aux victimes du 11 Septembre et à leurs familles.

Je suis maintenant rejoint par un acteur clé de cette controverse, Bob Graham, l’ancien gouverneur de Floride ; il a présidé la commission sénatoriale du renseignement, et coprésidé la commission d’enquête parlementaire sur le 11/09. Pourriez-vous réagir à la nouvelle de cette menace saoudienne ? »

Bob Graham : « Michael, je suis furieux, mais pas surpris. Les Saoudiens savent ce qu’ils ont fait le 11 Septembre, et ils savaient que nous savions ce qu’ils avaient fait au moins aux plus hauts niveaux du gouvernement américain. Et ils agissent ainsi parce que nous n’avons eu aucune réaction à leur complicité dans le meurtre de 3 000 Américains. Avec un sentiment d’impunité, leur laissant penser qu’ils pouvaient faire tout ce qu’ils voulaient sans sanctions. Et maintenant cette impunité s’est étendue à leurs tentatives de lobbying aux plus hauts niveaux de la Maison-Blanche et du Congrès pour empêcher leur passage devant les tribunaux dans le but de savoir s’ils étaient des co-conspirateurs – c’est scandaleux ! »

Journaliste : « Complicité, est un mot terriblement fort dans votre bouche. Mais pourquoi diable l’administration Obama est-elle en train de réaliser un lobbying pour soutenir les Saoudiens dans cette controverse ? »

Bob Graham : « Je ne peux pas répondre à cette question. J’estime qu’elle doit être posée. J’espère que cette révélation, ainsi que celle que nous avons eue plus tôt cette semaine, comme quoi le gouvernement était en train de terminer l’analyse de la possibilité de déclassifier les 28 pages, finira par motiver l’administration à changer de politique, et qu’elle dise que son premier devoir est de protéger les citoyens des États-Unis, et dans ce cas précis, les citoyens qui ont subi les pertes bouleversantes du 11/09, et pour lesquelles ils n’ont reçu aucune justice. »


« Le 11 avril 2016, réaction de Josh Earnest, Porte-parole de la Maison-Blanche » (source : YouTube)

De 46’25 à 46’54

Journaliste : « Est-ce que le Président soutient la publication de ces pages ? »

Josh Earnest : « Je ne sais pas si le Président a lu ces 28 pages. Je peux vous dire que le Président soutient fermement le fait d’être le plus transparent possible, mais il pense aussi que les responsables de la Sécurité nationale ont aussi un important rôle à jouer pour s’assurer que les secrets soient protégés si c’est nécessaire. Je ne sais donc pas si le Président a émis une opinion sur ce cas particulier, mais nous pouvons vérifier ceci.»


« Le 12 avril 2016… » (source : YouTube)

De 27’04 à 27’11

Journaliste : « À quel point le Président s’intéresse-t-il à la déclassification de ces 28 pages du rapport conjoint sur le 11 Septembre ? »

De 28’09 à 28’12

Josh Earnest : « Je ne peux pas vous dire si le Président a ou n’a pas lu ces 28 pages… »

De 28’30 à 28’53

Journaliste : « Vous avez dit que vous ne pouviez pas me dire s’il les avait lues. Lui a-t-on demandé ? Lui avez-vous demandé en personne ? Y a-t-il jeté un coup d’oeil ? Cela fait la Une actuellement… Il est pourtant inlassablement curieux. J’imagine qu’il y a accès, donc il les a probablement vues, non ? »

Josh Earnest : « Je… – Je ne sais pas s’il l’a fait ou non…

Vous n’avez pas eu l’occasion de lui demander ?

Je ne lui ai rien demandé à propos de ceci. »

Journaliste : « J’apprécierais si vous aviez l’occasion, j’aimerais vraiment savoir… »

Josh Earnest : « J’ai une longue liste de questions pour lui aujourd’hui… (Rires) »


« Le 14 avril 2016… » (source : YouTube)

De 45’16 à 45’40

Journaliste : « Sur votre liste, vous aviez les 28 pages du rapport sur le 11 Septembre – vous avez dit dans les deux derniers jours que vous n’aviez jamais demandé au Président s’il avait lu ou demandé à lire ces pages. Vous êtes-vous depuis lors renseigné sur ceci ? »

Josh Earnest : « Je n’en ai pas parlé avec lui. »

Journaliste : « Allez-vous le faire, ou y a-t-il des raisons pour que vous ne le fassiez pas ? »

Josh Earnest : « Je vais voir si je peux obtenir plus d’informations là-dessus. Cela n’a simplement pas fait partie des choses dont j’ai parlé avec lui. »


« Le 18 avril 2016… » (source : YouTube)

De 20’25 à 20’40

Journaliste : « Reparlons des 28 pages du rapport sur le 11 Septembre. Vous avez dit la semaine passée que vous vous renseigneriez afin de savoir si le Président avait lu ces pages. Je me demande si vous avez pu obtenir une réponse, et s’il soutient la publication de ces pages ? »

Josh Earnest : « Je ne sais pas s’il a lu ces pages ou non. »

De 21’10 à 23’30

Journaliste : « Quelle est votre réponse aux familles du 11 Septembre qui estiment que, en s’opposant au projet de loi Schumer-Cornyn [pour poursuivre des États terroristes], l’administration se range aux côtés de l’Arabie saoudite et non pas des victimes ? »

Josh Earnest : « Eh bien, nos préoccupations au sujet de cette loi ne sont pas liées à son impact sur notre relation avec un pays en particulier. En fait, notre préoccupation concerne un principe important du droit international. La notion d’immunité souveraine est en jeu et ceci fait partie des choses qui ont des conséquences plus importantes pour les États-Unis que pour tout autre pays.

La préoccupation que nous avons est simplement ceci : cela pourrait soumettre les États-Unis et nos contribuables et les membres de nos services et nos diplomates à des risques importants si d’autres pays devaient adopter une loi similaire. Permettez-moi de vous donner un exemple. De toute évidence, les États-Unis sont impliqués chaque jour dans une grande variété d’opérations de secours humanitaires dans plusieurs pays à travers le monde.

Si certaines personnes étaient mécontentes de la façon dont les opérations de secours humanitaires ont été menées, vous pouvez imaginer que quelqu’un dans un pays lointain pourrait déposer une plainte contre les États-Unis pour nos opérations de secours humanitaires.

Cela, encore une fois, pourrait mettre les États-Unis et nos contribuables en risque. Cela pourrait aussi mettre en risque les membres individuels des services américains qui sont aussi souvent impliqués dans ces opérations humanitaires à risque. Voilà pourquoi ce principe de l’immunité souveraine est d’une importance cruciale. Il permet aux pays de résoudre leurs différends par la voie diplomatique et non par les tribunaux dans un ou l’autre pays.

Nous continuons à croire que les préoccupations que nous avons avec l’Arabie saoudite peuvent être traitées par la voie diplomatique. Bien sûr, ils sont un important partenaire de lutte contre le terrorisme aux États-Unis.

Il y a plusieurs domaines dans lesquels nous travaillons en étroite collaboration – d’essayer de résoudre la situation en Syrie jusqu’à affaiblir et finalement détruire Daech, de la lutte contre al-Qaïda au Yémen à la lutte contre les actions malveillantes de l’Iran dans la région. Ce sont tous les domaines où les États-Unis et l’Arabie saoudite travaillent efficacement ensemble d’une manière qui fait avancer nos intérêts communs. »

Petit aparté : « Opérations humanitaires américaines “à risque” ? »

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Vietnam : Petite fille brulée au napalm

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Bombe en Afghanistan

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Hôpital de Kunduz, Afghanistan

Images de torture en Irak

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De 28’41 à 30’06

Josh Earnest : « Et depuis le 11 Septembre, nous avons vu une sincère préoccupation de la part des Saoudiens à lutter contre ceux qui cherchent à propager des idéologies extrémistes. Nous reconnaissons, et désormais, les Saoudiens le reconnaissent aussi, à quel point elles sont dangereuses. Et les États-Unis et l’Arabie saoudite travaillent maintenant ensemble pour contrer ceux qui cherchent à faire progresser ces idéologies. Et nous le faisons d’une manière qui démontre la capacité de nos deux nations à coopérer, en particulier sur les questions qui sont importantes pour la sécurité nationale des citoyens de nos deux pays. »

Journaliste : « Les Saoudiens ont menacé de vendre des centaines de milliards d’actifs américains si la loi était adoptée. Est-ce que le Président va répondre à ceci ? »

Josh Earnest : « Je ne sais pas si que cette question va venir dans leurs réunions, en partie parce que je suis convaincu que les Saoudiens reconnaissent, tout autant que nous le faisons, notre intérêt commun à préserver la stabilité du système financier international. »

Journaliste : « Mais l’administration – je veux dire, quelle est la réponse à cette menace ? »

Josh Earnest : « Eh bien, encore une fois, je me sens confiant en vous disant que les Saoudiens reconnaissent l’intérêt commun que les États-Unis et l’Arabie saoudite ont à protéger la stabilité du système financier international. »

Journaliste : « L’administration ne prend pas en compte cette menace ? »

Josh Earnest : « Je pense que j’ai été assez clair en répondant à votre question. »

De 27’22 à 27’47

Journaliste : « Je souhaiterais revenir à l’Arabie saoudite. Est-ce que le Président posera son veto à la loi permettant aux proches des victimes du 11 Septembre qui poursuivraient le gouvernement saoudien ou d’autres entités étrangères qui seraient directement impliquées dans les attaques du 11 Septembre ? »

Josh Earnest : « Eh bien, Suzanne, étant donné la longue liste des préoccupations que j’ai exprimées à propos du recul de ce principe fondamental du droit international, il est difficile d’imaginer un scénario dans lequel le Président signerait le projet de loi tel qu’il est actuellement rédigé. »

Sources officielles : Maison Blanche, 11/04, Maison Blanche, 12/04, Maison Blanche, 14/04, Maison Blanche, 18/04.


« Le 18 avril 2016, Obama réagit à la polémique sur les 28 pages » (source : CBS News)

De 01’40 à 3’40

Journaliste : « Venons-en à un sujet qui est actuellement dans les nouvelles, les 28 pages du rapport sur le 11 Septembre. Les avez-vous lues ? »

Barack Obama : « Vous savez, j’ai une idée de ce qu’il y a dedans. Mais la déclassification est un processus que nous menons en général avec la communauté du renseignement et Jim Clapper, notre Directeur du renseignement national, est en train de s’en occuper pour s’assurer qu’un élément publié ne va pas compromettre un important intérêt de sécurité nationale des États-Unis.

Il y a des tonnes d’informations qui apparaissent constamment. Certaines d’entre elles sont brutes et non vérifiées. Certains d’entre elles sont… »

Journaliste : « Et certaines peuvent être dans les 28 pages…. »

Barack Obama : « Et une partie d’elles peuvent être dans les 28 pages. Je n’en sais rien. Mais le point est qu’il est important qu’il y ait un processus ordonné où nous évaluons cela, parce que ce qui peut finir par arriver est que vous déversiez sur le public tout un tas de choses dont personne ne sait à quel point elles sont crédibles, si elles ont été vérifiées ou non, et que cela finisse par créer des problèmes. »

Journaliste : « Mais le souci, c’est que cela dure depuis longtemps ! »

Barack Obama : « Eh oui. »

Journaliste : « Depuis très longtemps ! »

Barack Obama : « Ce que je reconnais, et nous espérons que ce processus va désormais aboutir assez rapidement. »

Journaliste : « Et que pensez-vous de ce projet de loi au Congrès qui va permettre aux familles de poursuivre le gouvernement saoudien [pour terrorisme] et d’autres gouvernements dans d’autres circonstances ? »

Barack Obama : « Exactement. J’y suis opposé à cause de cette deuxième partie de votre phrase, et que ce n’est pas seulement une question bilatérale États-Unis – Arabie saoudite. Cela concerne la façon générale dont les États-Unis gèrent leurs interactions avec d’autres pays. Si nous accordons la possibilité que les particuliers et les États-Unis puissent commencer à systématiquement poursuivre d’autres gouvernements, nous ouvrons alors la voie à ce que les États-Unis puissent être continuellement poursuivis par des particuliers dans d’autres pays. »


Le meilleur pour la fin :

« Après les attentats de janvier 2015, le sénateur Bob Graham avait souhaité prévenir les Français dans le Figaro, le 2 février 2015 » (source : Le Figaro)

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Bob Graham : « Ce rapport montre la participation directe du gouvernement saoudien dans le financement du 11 Septembre. Nous savons au moins que plusieurs des 19 kamikazes ont reçu le soutien financier de plusieurs entités saoudiennes, y compris du gouvernement. Le fait de savoir si les autres ont été soutenus aussi par l’Arabie saoudite n’est pas clair, car cette information a été cachée au peuple américain. On nous dit que cela ne peut être fait pour des raisons de sécurité nationale, mais c’est exactement le contraire.

Publier est important précisément pour notre sécurité nationale. Les Saoudiens savent ce qu’ils ont fait, ils savent que nous savons. La vraie question est la manière dont ils interprètent notre réponse. Pour moi, nous avons montré que quoi qu’ils fassent, il y aurait impunité. Ils ont donc continué à soutenir al-Qaida, puis plus récemment dans l’appui économique et idéologique à l’État islamique.

C’est notre refus de regarder en face la vérité qui a créé la nouvelle vague d’extrémisme qui a frappé Paris. »

« Georges W. Bush annonce la fin des opérations spéciales en Irak » (source : YouTube)

De 11’45 à 12’48

Georges W. Bush : « La libération de l’Irak est une avancée cruciale dans la campagne contre le terrorisme. Nous avons supprimé un allié d’al-Qaïda et coupé une source de financement du terrorisme. Et une chose est certaine : aucun réseau terroriste n’obtiendra d’armes de destruction massive du régime irakien, parce que le régime a disparu. »

De 13’37 à 14’58

Georges W. Bush : « Notre guerre contre le terrorisme se poursuit selon les principes que j’ai clairement énoncés à tous. Toute personne impliquée dans la perpétration ou la planification d’attaques terroristes contre le peuple américain devient un ennemi de ce pays et une cible de la justice américaine. Toute personne, organisation ou gouvernement qui soutient, protège ou abrite des terroristes est complice de l’assassinat d’innocents et tout aussi coupables des crimes terroristes. Tout régime criminel qui a des liens avec des groupes terroristes et cherche ou possède des armes de destruction massive est un grave danger pour le monde civilisé et aura affaire à nous. »


« Georges W. Bush : Mission accomplished » (source : YouTube)

De 0’36 à 0’39


« John Guandolo, ancien agent du FBI ayant travaillé sur le 11-Septembre et sur des dossiers liés à al-Qaïda »

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« L’ambassadeur saoudien Bandar finança deux des pirates de l’air du 11 Septembre à travers un tiers. Il devrait être traité comme un suspect terroriste, tout comme le devraient être d’autres membres de l’élite saoudienne, dont le gouvernement américain sait qu’ils financent actuellement le jihad mondial. »


« Le 13 septembre 2001, le Prince Bandar est reçu sur le balcon Truman de la Maison-Blanche par George W. Bush, Dick Cheney et Condoleezza Rice – probablement pour aider des Saoudiens à fuir les États-Unis… »

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« Farenheit 911 » (source : Vimeo)

De 20’05 à 20’38
De 21’05 à 21’29
De 22’53 à 23’00


« Le danger, ce n’est pas ce qu’on ignore, c’est ce que l’on tient pour certain et qui ne l’est pas. » [Mark Twain]

« Tout chef sera un détestable tyran si on le laisse faire. » [Émile-Auguste Chartier dit Alain].

« On avait parfaitement compris, longtemps avant George Orwell, qu’il fallait réprimer la mémoire. Et pas seulement la mémoire, mais aussi la conscience de ce qui se passe sous nos yeux, car, si la population comprend ce qu’on est en train de faire en son nom, il est probable qu’elle ne le permettra pas. C’est la raison principale de la propagande. » [Noam Chomsky]

Source: http://www.les-crises.fr/3e-video-les-reactions-aux-revelations-de-60-minutes/


[À tous les naïfs du vote blanc] Karine Daniel, une star est née ! (ou pas, car avec 7 % des citoyens…)

Monday 2 May 2016 at 00:01

J’ai écrit ce billet en réaction aux débats du week-end sur le blog sur Nuit Debout, dont une partie a tourné autour du vote blanc, façon : “Quand les résultats crouleront sous la montagne de votes blancs, nos élus devront bien ouvrir un débat sur la démocratie et leur légitimité

Je ne partage pas du tout cette vision.

Analysons ainsi l’élection législative partielle de la 3e circonscription de Loire-Atlantique, de la semaine dernière.

Ayrault ayant été nommé ministre, et son suppléant étant décédé, il y a eu une législative partielle.

Le PS a investi une économiste locale, militante depuis 15 ans, Karine Daniel, qui a été élue.

I. Les résultats

Facile, ils sont sur le site du ministère de l’intérieur :

On a besoin de l’Insee pour avoir le nombre d’habitants majeurs (pour calculer le nombre de non-inscrits) :

Soit 93 931 adultes de plus de 18 ans.

Et on obtient donc ça :

Ou, plus visuellement :

On a donc eu une candidate PS élue par 12 % des habitants, dont seulement 7 % avaient voté pour elle au 1er tour.

Ca calme…

II. Le rendu des médias

Voici le rendu des médias (qui ont à peu près tous souligné la très faible participation, mais rarement en titre ou en début d’article…)

Seule FranceTvInfo l’a fait en sous-titre (grisé…) :

III. Conclusion

Si bien sûr, rien n’est caché, on voit que l’indignation médiatique est quasi nulle, personne ne remettant en question la légitimité de l’élue.

Donc imaginer que ça changerait “naturellement” avec une abstention qui continuerait à croitre me parait être très très naïf (pour être poli et sympa).

On en a d’ailleurs un excellent exemple avec l’abstention aux Européennes 2014 dans les pays de l’Est :

De 70 à 87 % d’abstention !

Quelqu’un remet-il en question la légitimité de ces eurodéputés ?

CQFD. !

P.S. ATTENTION : je n’ai d’ailleurs jamais dit qu’il fallait aller voter, hein !!!! :)

Vous faites bien comme vous voulez, de toutes façon ça ne sert à rien vu qu’on n’est pas en Démocratie (“le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple”) mais en Ploutocratie libérale dans un système de type Monarchie élective.

Car je rappelle que le contraire de la Démocratie n’a jamais été la Dictature, mais c’est… la Non-Démocratie. La Dictature en est une forme, mais le système non-démocratique libéral que nous connaissons en est une autre, bien plus agréable au demeurant.

En tous cas, il semble clair, à mon sens, qu’on ne peut pas se targuer du nom de “Démocratie” si on n’a pas, à tout le moins :

D’ailleurs, ce n’est pas moi qui le dit, hein…

« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi : donc ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. Toute influence, tout pouvoir, leur appartiennent sur la personne de leurs mandataires ; mais c’est tout. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. […] Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » (Discours du 7 septembre 1789, intitulé précisément : « Dire de l’abbé Sieyes, sur la question du veto royal : à la séance du 7 septembre 1789 » Lire ici pages 15, 19…)

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IV. Bonus : l’hypocrisie des médias

J’ai fait d’une pierre deux coups avec ce billet.

En fait, je me suis concentré sur le sujet “Démocratie”, mais je ne vous ai pas montré les photos des articles des médias sur ce sujet, ce qui m’a interpellé à la longue :

À ce stade, je me suis dit : “Mais pourquoi ils ne montrent jamais Karine Daniel ?”

Puis : “Peut-être car Jean-Marc Ayrault est plus vendeur médiatiquement en terme d’image” ?

Puis “Oulà, Olivier, il faut que tu te reposes un peu ce mois-ci, ce n’est pas normal d’avoir de telles pensées !”

Alors, j’ai continué :

Là, à ce stade, je me suis dit “Mais ils vont bientôt nous mettre en photo les poubelles des isoloirs, afin de ne pas nous montrer Karine Daniel ou quoi ?”

L’Obs l’a finalement fait :

Hmmm, “mais pourquoi mettre la photo super retouchée figurant sur les tracts de Karine Daniel, avec son nom imprimé, ce n’est pas commun !”

Le Parisien est le seul à avoir mis une photo “naturelle” :

Une petite recherche m’a rapidement donné les photos de la “vraie” Karine Daniel :

Je me demande ainsi, en passant, si, des fois, certains médias ne seraient pas un peu hypocrites…

À son arrivée à l’Assemblée, on a eu confirmation qu’elle n’a guère changé :

Je précise bien que mon propos est seulement de dénoncer le traitement des médias avec les, hmmm, disons “femmes ne correspondants pas aux canons du moment” – qui aboutissent à forger des stéréotypes foutant des milliers de gamines en l’air tous les ans à cause de fausses représentations mentales…

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Je trouve donc très bien qu’en l’espèce le PS n’ait pas joué sur ce registre, et l’ait désignée au mérite…

Enfin, je dis “mérite” – on parle quand même d’une “économiste” qui a pu écrire ça sur son site de campagne :

“La reprise est incontestable”, hmmm oui.

La relève est assurée au PS…

V. Le mot de la fin

“Ce soir, la candidate socialiste Karine Daniel a remporté l’élection législative partielle de la troisième circonscription de Loire-Atlantique, succédant ainsi à Jean-Marc Ayrault.

Le Parti socialiste adresse ses vives félicitations à Karine Daniel qui a su, dans un contexte difficile, rassembler le peuple de gauche et écologiste autour de sa candidature. Dans cette élection, la gauche retrouve son résultat des élections régionales.

La victoire de cette jeune candidate socialiste vient rappeler que les sondages nationaux et les spéculations médiatiques ne font pas les résultats des élections. Les électeurs de cette circonscription ont, ce soir, réaffirmé leur attachement aux valeurs de fraternité, de solidarité et de progrès social défendues par la gauche.” [Jean-Christophe Cambadélis, Premier secrétaire du Parti socialiste]

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P.S. Demande d’entraide qui n’a rien à voir : qui aurait du temps cette semaine pour transcrire par écrit une interview en mp3 ? C’est assez urgent. Me contacter, merci.

Source: http://www.les-crises.fr/a-tous-les-naifs-du-vote-blanc-karine-daniel-une-star-est-nee-ou-pas-car-avec-7-des-citoyens/


[Vidéo] Les temps modernes, par Frédéric Lordon

Sunday 1 May 2016 at 00:39

Les temps modernes (1/2)

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 07-04-2016

Première partie de l’entretien réalisé pour Nada-info.fr avec Gilles Balbastre, le 17 mars 2016, à propos de la loi El Khomri, du travail et du salariat.

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 07-04-2016

 

Les temps modernes (2/2)

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 17-04-2016

Deuxième partie de l’entretien réalisé pour Nada-info.fr avec Gilles Balbastre, le 17 mars 2016, à propos de la loi El Khomri, du travail et du salariat.

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 17-04-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/video-les-temps-modernes-par-frederic-lordon/


Naevius Sutorius Macro

Sunday 1 May 2016 at 00:01

En ce premier mai, un hommage indirect bien mérité via un peu d’Histoire…  :)

Source : La toge et le glaive, 27-07-2012

Vendredi 27 juillet 2012

Macron.

Il ne vous aura pas échappé que mes sujets de prédilection dans l’Histoire romaine concernent la période des Julio-Claudiens, et plus particulièrement le règne de Tibère : ce n’est pas pour rien que c’est par sa biographie que j’ai inauguré ce blog. Je compte bien m’attaquer prochainement à la République, aux Rois, au Bas-Empire, etc… Mais, pour aujourd’hui, j’ai eu envie de rédiger une courte notice biographique sur Macron, le préfet du prétoire de Caligula, celui-là même qui aurait assassiné mon cher Tibère. Et je me sens suffisamment en forme pour maintenir à son égard une neutralité toute professionnelle, et réussir à achever ce billet sans écrire une seule fois les mots “raclure” et “salaud”. (Ah, zut : c’est perdu…)

L'empereur Tibère, mon chouchou... (Musée du Louvre)

L’empereur Tibère, mon chouchou… (Musée du Louvre)

Je parle d’une courte notice biographique, parce qu’on ne sait finalement pas grand chose de Macron. De son nom Latin Quintus Naevius Cordus Sutorius Macro, il serait né aux alentours de 21 av. J.-C., à Alba Fucens, une ville romaine située au pied du Monte Velino. Des fouilles archéologiques ont mis au jour des inscriptions attestant qu’avant de devenir préfet du prétoire, Macron avait officié en tant que préfet des vigiles (équivalents des pompiers). On peut donc en déduire qu’il était vraisemblablement d’origine modeste, mais on n’en sait pas davantage…

Alba Fucens : vue des ruines romaines et du château.

Alba Fucens : vue des ruines romaines et du château.

Il apparaît dans les écrits à l’occasion de son intervention devant le Sénat, en 31, lorsque l’Empereur Tibère l’emploie pour se débarrasser de son préfet du prétoire, le redoutable Séjan. Celui-ci, exerçant une forte influence sur Tibère, avait profité de sa réclusion volontaire à Capri pour devenir le vrai maître de Rome et, éliminant un à un tous les éventuels successeurs, nourrissait l’ambition de monter sur le trône. Or, Tibère avait enfin ouvert les yeux sur la vrai nature de son protégé, et il avait percé à jour le double jeu de Séjan. C’est dans circonstances qu’apparaît Macron, en qui Tibère voit l’un des rares hommes de confiance qu’il lui reste : il le charge de lire devant le Sénat une lettre, dans laquelle il s’en prend violemment à Séjan, provoquant sa disgrâce et ordonnant son arrestation. Pendant tout ce temps, Macron est à la manœuvre : ayant écarté les gardes prétoriens, c’est lui qui dirige les cohortes des vigiles qui procèdent à l’arrestation, puis à l’exécution du scélérat. De même, il ordonne l’épuration qui suit, faisant assassiner toute la famille de Séjan, plusieurs sénateurs et des chevaliers proches du condamné. Nommé par Tibère, il prend la place laissée vacante, et devient à son tour préfet du prétoire.

Tibère vieillissant, Macron se rapproche du dernier petit-fils adoptif vivant de l’Empereur, le futur Caligula. Suétone, Dion Cassius et Tacite rapportent notamment qu’il aurait poussé sa propre femme, Ennia Nevia, dans le lit du jeune homme : il faut dire que celui-ci lui avait promis de l’épouser, s’il devenait un jour Empereur. Le mari, bafoué mais complaisant, avait donc tout à y gagner… Tibère, pas dupe, avait d’ailleurs bien perçu le manège de Macron puisqu’il lui lança : “Tu as raison d’abandonner le soleil couchant pour t’empresser au soleil levant.” (Dion Cassius, Histoire Romaine, LVIII – 28.) Sa méfiance était plus que fondée, comme nous allons le voir…

En mars 37, Tibère est victime d’un malaise, dans sa villa du Cap Misène. Tout le monde le croit mort, et Caligula se fait acclamer Empereur par la garde. Un peu trop précipitamment puisque Tibère reprend conscience, et qu’il n’en finit pas de mourir… C’est la débandade : Macron imagine déjà la réaction du vieil homme, si jamais il en réchappait, et sa colère envers Caligula et ses partisans, devant la rapidité avec laquelle ils l’ont enterré ! Selon Tacite, Macron aurait alors donné l’ordre que Tibère soit étouffé sous des linges – mais les historiens modernes contestent cette version, et accréditent plutôt la thèse d’une mort naturelle.

“Le dix-septième jour avant les calendes d’Avril, sa respiration s’arrêta et on crut qu’il avait accompli sa destinée mortelle ; et déjà, dans un grand concert de félicitations, Caligula sortait pour prendre possession de l’Empire, quand soudain on annonce que Tibère recouvre la parole et la vue et demande qu’on lui apporte de la nourriture pour réparer sa défaillance. C’est la consternation générale : on se disperse à la hâte, chacun prend un air d’affliction ou d’ignorance ; Caius (Caligula), muet et figé, tombait de la plus haute espérance et attendait les dernières rigueurs. Macron, sans se troubler, donne l’ordre d’étouffer le vieillard, sous un amas de couvertures et de quitter les lieux. Telle fut la fin de Tibère, dans la soixante-dix-huitième année de son âge.” (Tacite, Annales, VI, 50)

Suétone, toujours aussi modéré, incriminait quant à lui Caligula en personne, qui aurait joyeusement étouffé son grand-père avec un oreiller. Mais on connaît la partialité de cet auteur…

La Mort de Tibère. (Tableau de Jean-Pierre Laurens.)

La Mort de Tibère. (Tableau de Jean-Pierre Laurens.)

Une fois Tibère définitivement refroidi, restait encore à ouvrir son testament : ce fut Macron qui se chargea de lire le document devant le Sénat. Le vieux Tibère avait institué comme héritiers à parts égales Caligula et Tiberius Gemellus, son petit-fils par le sang (fils de Drusus II). Mais le premier se débarrassa rapidement du deuxième, accusé de complot et exécuté en 37.

Pièce de monnaie à l'effigie de Caligula et Gemellus.

Pièce de monnaie à l’effigie de Caligula et Gemellus.

Jusqu’ici, Macron avait servi les intérêts de Caligula, même dans les moments difficiles. Il était donc confiant, persuadé que son protégé lui serait reconnaissant du soutien qu’il lui avait apporté, et escomptant sans doute une promotion rapide pour les services qu’il lui avait rendus. C’était mal connaître Caligula. Les historiographes anciens sont unanimes pour mettre la disgrâce de Macron sur le compte de l’ingratitude de l’Empereur. Philon assure qu’il ne supportait pas les remontrances que le préfet lui adressait en permanence, tant sur sa conduite que sur son gouvernement.

Lorsque Caligula le voyait venir, il disait à ceux qui l’entouraient : “Pas de sourire, faisons la tête ! Voilà le sermonneur, la franchise personnifiée, celui qui se mêle d’être le pédagogue d’un adulte et d’un empereur, tout juste maintenant que le temps en a écarté et congédié ceux qu’il avait depuis sa première jeunesse.” (Philon, Contre Flaccus, 15)

Il est possible que Caligula ait été exaspéré par les réprimandes de Macron. Mais en réalité, la raison de sa disgrâce me paraît bien plus prosaïque… Il semblerait que Macron, plutôt traditionaliste, ait montré une certaine désapprobation vis-à-vis du virage monarchique à l’Orientale amorcé par Caligula, qui s’éloignait en cela des règnes d’Auguste et de Tibère. Caligula craignait-il que Macron, qui avait contribué à le porter sur le trône, soit suffisamment puissant pour tenter de le renverser ? Le “cas Séjan“, malgré son dénouement, avait montré l’importance prise par le préfet du prétoire, et Caligula ne pouvait pas risquer que son allié se retourne contre lui… L’attitude d’Ennia Naevia, toujours amante de Caligula et, si l’on en croit les auteurs antiques, aussi avide de pouvoir que son mari, n’arrangeait pas les choses. Petit à petit, l’Empereur prit ses distances, attaquant même publiquement Macron. Jusqu’au moment où il décida de se défaire du couple terrible, décidément trop encombrant.

Caligula. (Photo Flickr Indy-catholic.)

Caligula. (Photo Flickr Indy-catholic.)

Source : La toge et le glaive, 27-07-2012

macron-brutus

Source: http://www.les-crises.fr/naevius-sutorius-macro/


Revue de presse du 30/04/2016

Saturday 30 April 2016 at 01:39

Avec notamment cette semaine un spécial nucléaire en France sous le thème “Vue d’ailleurs”, et dans la rubrique Réflexion les interviews d’Emmanuel Todd et Olivier Berruyer..! Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-30042016/


Nuit debout, convergences, horizontalité, par Frédéric Lordon

Saturday 30 April 2016 at 00:55

Petit point sur les débats en cours…

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 25-04-2016

Entretien avec Xavi Espinet, pour le journal barcelonais El Critic, réalisé le 16 avril, publié le 23 avril.

par Frédéric Lordon, 25 avril 2016

Avec les migrants sous le métro La Chapelle à Paris Felipe Vincenot / Mouvement de libération graphique et artistique #NuitDebout

Avec les migrants sous le métro La Chapelle à Paris
Felipe Vincenot / Mouvement de libération graphique et artistique #NuitDebout

D’après-vous, qu’est-ce qui a bien pu décider le gouvernement à proposer un tel projet de réforme, et de quoi la loi El Khomri serait-elle le symbole ?

Il n’y a aucune autre explication que l’aveuglement idéologique le plus absolu. Ce gouvernement dit de gauche fait en réalité, et dans tous les domaines, la politique la plus à droite qu’aucun autre gouvernement sous la Ve République. Quand on considère les choses avec un peu de recul, il y a là un réel événement politique à l’échelle historique du régime. Les conséquences ne vont pas tarder à s’en manifester — au plus tard lors des élections de 2017 — et elles seront de très grande ampleur. Nous sommes en train d’assister à la liquidation historique de la social-démocratie française — ce qui en réalité est un soulagement. Mais il aura fallu qu’elle aille plus à droite que n’importe quel autre gouvernement pour que celle liquidation soit acquise. Bref, c’est le fanatisme néolibéral du Parti socialiste qui aura conduit ce gouvernement à proposer cette loi que même un gouvernement Sarkozy n’aurait pas osé présenter. C’est dire l’état de décomposition intellectuelle et de perdition idéologique dans lequel se trouve ce parti qui n’a plus avec la gauche que des rapports d’inertie nominale. Mais en plus de l’enfermement idéologique, il faut avoir complètement perdu contact avec l’état réel de la société, et tout ignorer de la souffrance et de la précarité générales où se trouve pris le travail salarié, pour avoir l’idée folle de les approfondir encore.

Après la défaite des mobilisations contre la réforme sarkozyste des retraites, la rue gronde enfin à nouveau. Quels rapports devrait entretenir, selon vous, Nuit debout avec la mobilisation syndicale contre la réforme du droit du travail ?

Des rapports bien plus étroits que ceux qui existent actuellement. Il n’y aura pas de transformation politique d’ampleur sans un mouvement populaire de masse. Or un tel mouvement prend nécessairement, pour partie, la forme de la grève générale. Et il n’y a pas de grève générale sans le concours des organisations de salariés. C’est aussi simple que ça. Mais même sans aucune certitude (c’est une litote) quant au déclenchement effectif de la grève générale — et quoiqu’il nous faille faire tout ce que nous pouvons pour en relever la probabilité —, il est d’une importance stratégique d’opérer la jonction entre différentes fractions de la gauche que d’invisibles barrières sociologiques tiennent ordinairement séparées, et notamment la gauche militante des centre-villes et celle des classes ouvrières syndiquées. En dépit de tous les obstacles, il existe une base objective à cette convergence : la condition salariale. Le rapprochement est d’autant plus facilité que le néolibéralisme maltraite désormais aveuglément et uniformément, y compris donc sa propre base sociale a priori, à savoir les étudiants, futurs cadres du capitalisme, mais condamnés par lui à la précarité et à des formes de plus en plus dégradées de l’insertion dans le monde du travail — et ceci alors même que ces étudiants nourrissaient des ambitions en rapport avec leurs trajectoires scolaires… et découvrent qu’elles seront amèrement déçues. Il y a là tous les ingrédients pour des retrouvailles entre classes sociales que leur hétérogénéité tenait éloignées l’une de l’autre. Mais je ne peux pas terminer cette réponse sans mentionner l’existence d’une commission « grève générale » à la Nuit debout, à qui l’on doit les premières actions très concrètes, et notamment le fait d’avoir organisé une délégation d’étudiants à la gare Saint-Lazare pour aller à la rencontre des cheminots mardi 12 avril. Ces actions sont absolument exemplaires, et c’est en les multipliant que nous serons à la hauteur de notre propre mot d’ordre de convergence des luttes.

Beaucoup voient en Nuit debout un phénomène générationnel. Pourquoi cette jeunesse, qu’on prétendait par ailleurs dépolitisée, déploie son être politique en dehors des canaux institutionnels ?

Pour ma part je suis assez réticent à l’idée d’enfermer Nuit debout dans la catégorie de « phénomène générationnel ». Assez souvent, le recodage « générationnel » d’un phénomène social est le propre du commentaire médiatique — et, reconnaissons les choses avec lucidité, l’une des raisons pour lesquelles l’accueil médiatique de la Nuit debout n’a pas été jusqu’ici trop mauvais, les journalistes répondant, la plupart du temps sans s’en apercevoir, à des rapports d’affinité sociologiques — qui sont totalement absents lorsqu’il s’agit de mouvements syndicaux classiques : et, de manière tout aussi inconsciente, les médias s’abandonnent alors à un racisme social ouvert. En tout cas le point important est celui-ci : le recodage générationnel risque toujours de fonctionner comme un opérateur de dépolitisation ; c’est juste une « histoire de jeunes », donc une histoire sans importance qui passera dès qu’ils seront devenus vieux — le plus vite possible, espère-t-on, et entre temps on est prêt à faire preuve de mansuétude pourvu que ça n’aille pas trop loin. Voilà typiquement où mène l’analyse « générationnelle »… Ceci étant dit, j’observe, même si c’est depuis mon point de vue qui est partiel comme tous les points de vue, une effervescence intellectuelle et politique inédite de la jeunesse étudiante et même — c’est un fait extrêmement marquant — lycéenne. Je reçois de plus en plus de contacts, de sollicitations, de messages de lycéens, et des messages qui témoignent, je peux vous le dire, d’une conscience politique critique déjà très affûtée. C’est un phénomène tout à fait nouveau. Les gouvernements qui seront aux affaires dans dix, quinze ans, ont du souci à se faire : quelques sérieux problèmes les attendent, qui sont en train de mûrir dès à présent.

Lors de votre allocution du 31 mars, vous en appeliez au « désir politique qui pose et qui affirme ». En pleine crise de l’Etat-nation et du politique, qui serait le sujet de ce désir et de quels « objets politiques » pourrait-il/devrait-il se saisir ? Et que répondriez-vous à tous ceux qui qualifient cette « affirmation », renouvelée tous les soirs place de la République, de purement « volontariste » ?

Le sujet de ce désir est insaisissable ex ante. Le « nous » se construit dans le processus même de ses réalisations. « Convergence des luttes » est une sténographie qui dit son désir d’être le plus large possible — et si l’on veut en nommer plus explicitement les composantes : la jeunesse urbaine précarisée, les classes ouvrières syndiquées (et en réalité plus largement le monde du travail), les quartiers abandonnés des banlieues. Quant à ses objets, il les élira lui-même. Il est certain en tout cas que ce mouvement ne doit pas s’abandonner au ravissement intransitif de soi, et que si son énergie ne se convertit pas en désirs déterminés — en objectifs politiques explicites —, il restera improductif. Conserver ce sens de l’objet suppose d’en rappeler en permanence la nécessité dans les débats pour lutter contre l’éparpillement. Pour ma part, je pense à quelque chose comme un mouvement « télescopique », j’entends par là qui se donnerait une gradation d’objectifs, allant du (proche) retrait de la loi El Khomri à la (lointaine) écriture de la constitution d’une république sociale, en passant par toute une série d’idées « intermédiaires » à imposer dans le débat politique, à l’image par exemple de l’imposition faite aux banques de se désengager de toutes les activités spéculatives, mais on pourrait mentionner bien d’autres choses de ce registre. Y a-t-il dans tout ça un « volontarisme de l’affirmation » ? Mais quelle politique ne procède pas ainsi ? Même si évidemment elle ne peut pas s’en contenter, l’intervention politique joue essentiellement du performatif. Dire « il y a » est un moyen de contribuer à faire exister la chose dont on dit qu’elle existe avant qu’elle existe vraiment. Et c’est vrai : c’est un type d’intervention qui a tout du pari ! Pour autant, même si le pari est perdu, il sème quelque chose qui fera son chemin : une idée, le sens d’un problème, une exigence, etc.

Sieyès, lors de la Révolution française, énonçait le principe de la démocratie représentative : la volonté populaire ne peut s’exprimer que par les représentants du peuple. De par sa configuration même, Nuit debout remet en question ce principe et la démocratie représentative y est durement critiquée à chaque AG. Quels nouveaux modes de décision/légitimation/création politiques vous semblent laisser entrevoir Nuit debout ?

Ce que je vais dire a sans doute tout pour prendre à rebrousse-poil les inclinations spontanées de la Nuit debout mais tant pis. Je pense qu’à l’échelle macroscopique il n’y a pas de politique sans une forme ou une autre d’institutionnalisation, et même de représentation. Au demeurant l’AG de la Nuit debout n’est même pas conforme au modèle d’horizontalité pure qu’elle revendique d’accomplir. Par exemple, il n’y a pas d’AG sans règles — règle du tour de parole, règle du temps de parole, respect de la personne modératrice, règles gestuelles de manifestation des opinions, etc. — et ces règles ont par définition un caractère institutionnel et verticalisé puisqu’elles s’imposent à tous, qu’elles font autorité, que tous les reconnaissent — conceptuellement, la verticalité c’est cela. Nous avons donc d’emblée affaire, et dès cette échelle, à de l’institutionnel-verticalisé, ce qui prouve bien l’inanité d’un mot d’ordre maximaliste d’horizontalité pure, en fait intenable. La vraie question n’est pas dans d’absurdes antinomies « institutions vs. pas d’institution » ou « horizontal vs. vertical » mais dans la manière dont nous agençons nos institutions et dont nous parvenons à contenir la verticalité que nécessairement nous produisons du simple fait de nous organiser a minima collectivement. Quoiqu’elle se verticalise de son propre mouvement, la Nuit debout peut cependant se maintenir fermement dans une configuration aussi proche que possible de ses idéaux d’horizontalité et de démocratie directe. Mais elle ne le peut sans doute qu’en raison de sa taille et de l’échelle réduite à laquelle elle opère. Il faut donc tenir ensemble deux idées qui en réalité n’ont rien de contradictoire : d’une part la configuration institutionnelle d’une collectivité à l’échelle macroscopique, disons nationale, ne saurait être le simple décalque du modèle expérimenté à l’échelle de la place de la République ; mais inversement la Nuit debout illustre en elle-même des principes génériques qui doivent guider l’élaboration d’une configuration institutionnelle globale : subsidiarité maximale, c’est-à-dire la plus grande délégation d’autonomie possible aux niveaux locaux, méfiance à l’égard du potentiel de capture que représente toute institutionnalisation, contrôle serré des représentants et des porte-parole — contrôle qui signifie révocabilité permanente (quoique réglée) —, organisation de l’écoute constante des niveaux d’organisation inférieurs par les niveaux supérieurs, en particulier pour ne pas laisser aux niveaux supérieurs le monopole de l’initiative qui transformerait les niveaux inférieurs en simples chambres d’approbation : les idées doivent circuler dans les deux sens, et les niveaux supérieurs continuer de s’inspirer des niveaux inférieurs.

Savoir étendre Nuit debout aux classes populaires des banlieues vous semble être une condition nécessaire à son succès et a sa légitimité. Et quid des classes populaires de la « France périphérique », passablement lepenisées ? Comment s’adresser aux uns sans susciter la réprobation des autres ? Et, faute de trouver un langage commun, y aurait-il le danger d’une sorte de réaction populaire pro statu quo « gaulliste » comme en 68 ?

C’est une question tellement décisive qu’elle en est presque douloureuse… Quand on voit déjà les difficultés à simplement faire agir de concert des fractions politisées mais sociologiquement hétérogènes comme les classes ouvrières syndiquées et les milieux du militantisme urbain, on mesure plus lucidement les barrières à franchir pour nouer le contact avec d’une part les populations des quartiers, et d’autre part celles de ce que vous appelez la « France périphérique » — je n’ai même pas besoin d’insister sur tout ce qui d’ailleurs oppose ces deux populations… Il ne faut pas se raconter des histoires : un surgissement événementiel comme la Nuit debout n’a en lui-même aucun pouvoir de retravailler aussi profondément le terreau social pour y produire une modification massive comme la délepénisation. Ce sont là des affaires de militantisme local, opiniâtre, le plus souvent invisible, qui part à la reconquête des gens un par un ou presque. Ce à quoi peut toutefois contribuer un mouvement comme la Nuit debout, c’est de remettre en place dans le paysage politique d’ensemble une vraie proposition de gauche qui, si elle fait son chemin, pourra à terme apparaître comme une alternative envisageable par tous ceux pour qui le FN est devenu la seule figure de l’alternative. Inutile de le dire, c’est là une œuvre de longue haleine…

 Nuit debout sonnerait le glas du réductionnisme revendicatif des luttes et dépasserait les ambitions de la mobilisation syndicale contre la loi El Khomri. Vous déclarez le décès de l’actuel ordre politique français et appelez de vos vœux une république sociale. Le roi est enfin nu ? Nuit debout, Assemblée constituante ? Et quelles dispositions adopter au sein du mouvement pour qu’il puisse effectivement en devenir une ? 

La formule « nous ne revendiquons rien » demande à être adéquatement comprise — je me suis rendu compte post festum qu’elle avait créé toute une série de malentendus notamment du côté syndical où elle semblait attaquer de front la grammaire même de l’action qui est fondamentalement revendicative. Il est tout à fait évident qu’il ne s’agit nullement de déclarer caduques les luttes revendicatives là où elles ont lieu — ce serait dénué de pertinence et même passablement bouffon. Mais il s’agit d’attirer l’attention sur le fait que les revendications, par construction, viennent s’exprimer dans un cadre qui lui-même demeure inquestionné… et ceci alors même que ce cadre dessine les conditions de possibilité (ou d’impossibilité) de certaines revendication. Le succès d’une revendication de hausse du Smic, par exemple, devient hautement improbable si l’on oublie de mettre en question aussitôt les structures de la mondialisation néolibérale — le pouvoir actionnarial, le libre-échange sans frein, les délocalisations — qui opposent objectivement toutes sortes de contraintes à l’augmentation salariale. Demander « un autre partage des richesses » est vain si on ne s’intéresse pas aux structures qui déterminent le partage des richesses. Le célèbre TINA (There Is No Alternative) demeurera vrai tant qu’on n’aura pas déplacé notre attention sur l’ensemble des structures néolibérales qui le rendent vrai ! Et hors duquel il cesse instantanément d’être vrai. Pour remplacer TINA par TIAA (There Is An Alternative !) il faut en recréer les conditions de possibilité structurelles — c’est-à-dire refaire le cadre. Refaire le cadre c’est autre chose que revendiquer. C’est entamer un processus hautement politique de reconstruction institutionnelle, au sens large du mot « institutions ».

Ce processus prend une portée plus grande encore quand il s’élève à un niveau constituant, pour le coup le méta-cadre. On voit bien qu’il n’y a personne auprès de qui apporter la « revendication » d’une Constituante ! C’est le peuple lui-même qui se saisit de ce désir, qui l’affirme et qui le pose. Maintenant il faut préciser le statut d’un appel à une Constituante qui relève de deux interprétations différentes. La première a à voir, une fois de plus, avec le registre performatif de l’intervention politique. En appeler à une Constituante est une manière de poser des problèmes, deux en particulier :

 nous estimons que le système institutionnel actuel, celui de la Ve République, est à bout de souffle, qu’aucune transformation significative du cadre ne peut s’y produire, et qu’il doit être entièrement refait, pour le redémocratiser, et pour rendre à nouveau possibles des différences politiques significatives — car en définitive c’est cela la démocratie : la possibilité toujours ouverte de faire autrement ;

 une Constituante s’impose également non comme un jeu juridique formel hors-sol mais comme le moyen de donner la plus haute forme juridique aux principes fondamentaux d’un modèle de société : de même que les constitutions successives des républiques françaises, par-là bien toutes les mêmes !, avaient pour finalité réelle de sanctuariser le droit de propriété qui donne sa base au capitalisme, il apparaît que le projet d’en finir avec l’empire du capital sur la société ne peut que passer par une destitution du droit de propriété et une institution de la propriété d’usage (quand je parle ici de propriété, il n’est évidemment question que des moyens de production et pas des possessions personnelles). Seul un texte de la portée juridique ultime que revêt la constitution peut opérer ce changement à proprement parler révolutionnaire.

Et voilà, du coup, la deuxième lecture de l’appel à une Constituante, une lecture historique et stratégique : il faut bien voir en effet tout ce qui nous éloigne en réalité d’un processus constituant, à plus forte raison qui déboucherait sur une république sociale telle que je la pense, à savoir débarrassée du droit de propriété (au sens que j’ai indiqué à l’instant) ! Dans cette deuxième lecture, positive, la Constituante est la consécration d’un processus révolutionnaire à venir, qui en est en réalité la condition de possibilité. Mais alors pourquoi se projeter ainsi dans un horizon quasi-irréel ? Parce que c’est une manière de mettre des problèmes à l’agenda du débat public. C’est une manière de poser fermement dans l’espace public qu’il y a un problème avec les institutions de la dépossession, et qu’il y a un problème avec l’empire du capital sur la société — comme la loi El Khomri a la vertu de nous le faire voir plus clairement que jamais. C’est sans doute une longue marche qui nous sépare de la solution à ces deux problèmes. Raison de plus pour nous mettre en route tout de suite !

[Question inévitable de journal ibérique] Les élections 2017 approchent. Outre le fait que le paysage politique à gauche du PS ne semble pas se prêter à la création d’un nouveau parti, vous affirmez qu’envisager un Podemos à la française serait se méprendre. Pourquoi ?

La Constituante est aussi une réponse à cette question. Je crois qu’il nous faut sortir de ce que j’appellerai l’antinomie Occupy Wall Street (OWS) / 15M-Podemos. D’un côté OWS, mouvement qui a malheureusement fait la démonstration de son improductivité politique directe (ceci dit sans méconnaître tous les effets de Occupy qui ont cheminé souterrainement, et à qui l’on doit sans doute, par exemple, la possibilité aujourd’hui d’un Bernie Sanders). De l’autre 15M qui n’est devenu productif qu’en se prolongeant sous la forme de Podemos… c’est-à-dire sous une forme qui en trahissait radicalement l’esprit des origines : un parti classique, avec un leader classique, classiquement obsédé par la compétition électorale, et décidé à en jouer le jeu le plus classiquement du monde : dans les institutions telles qu’elles sont et sans afficher la moindre velléité de les transformer. L’appel à une Constituante est une manière de sortir de cette contradiction de l’improductivité ou du retour à l’écurie électorale. Il faut que le mouvement produise « quelque chose » mais ce « quelque chose » ne peut pas être rendu au fonctionnement des institutions en place. Conclusion : le « quelque chose » peut consister précisément en la transformation des institutions.

Frédéric Lordon

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 25-04-2016

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L’inquiétant projet de Nuit debout

Source : Challenges, Bruno Roger-Petit, 25-04-2016

Contrairement à ce que ses organisateurs tentent de faire croire, le mouvement Nuit debout dispose d’un vrai projet politique, dévoilé la semaine passée par l’économiste souverainiste Frédéric Lordon. Qui se comporte en maître-à-penser.

L'économiste Frédéric Lordon, tel un

L’économiste Frédéric Lordon, tel un “guide” de Nuit Debout intervenait longuement à la Bourse du Travail le 20 avril. DR/Capture d’écran

Avec l’économiste Frédéric Lordon, Nuit debout a renouvelé le genre ancien du culte de la personnalité. On n’avait pas vu cela depuis les années Mao et révolution culturelle. La dernière apparition du maitre à penser du mouvement en atteste. Nous sommes mercredi soir, à la Bourse du travail, et pour la troisième fois le guide Lordon apparait à ses disciples. Signe qu’il n’est pas un Nuit debout comme les autres, il exige de disposer d’une chaise afin de pouvoir livrer sa parole aux fidèles assemblés à la Bourse du travail. Les disciples s’empressent d’obéir. Vite une chaise pour Lordon ! La règle commune, on parle debout à Nuit debout, souffre d’une exception pour l’universitaire charismatique. Privilège assumé d’autorité : “Je suis le représentant du courant l’université assise”. Comme il se doit la scène est mise en ligne …par la Télé de gauche Paris.

A Nuit debout, tout le monde est à égalité mais Lordon est plus égal que les autres. En chaise à défaut d’être en chaire.

Sont rassemblés là, face au guide, les têtes pensantes de Nuit debout, les éléments les plus actifs et militants, les permanents de la place de la République. C’est une minute de vérité. Il faut voir et revoir cette intervention de 11 minutes, parce qu’elle livre la vérité sur Nuit debout. Qui le pense. Qui l’organise. Qui le manipule.

Et Lordon de dénoncer la secte malfaisante, celle de la “chefferie éditocratique”

Dans un premier temps, Lordon désigne l’ennemi. Les médias et la presse. Non pas les “journalistes de terrains, jeunes et précarisés” qui se reconnaissent en Nuit debout (pas fou Lordon) mais “la chefferie éditocratique” qui “confisque la parole autorisée”. Lordon met ses troupes en garde. La “chefferie éditocratique” veut pousser Nuit debout à débattre dans un cadre démocratique, afin d’imposer encore et encore “le citoyennisme intransitif, qui débat pour débattre, mais ne tranche rien, ne clive rien, et est conçu pour que rien n’en sorte”. Lordon tranche, il faut refuser cette démocratie “All inclusive”.

A Nuit debout, on ne débat pas, on combat. Pour Lordon, le débat démocratique, c’est l’impasse qu’entendent imposer “la secte malfaisante, la secte de l’oligarchie néolibérale intégrée”, celle des “médias organiques de l’ordre social”.

Et Lordon de justifier l’intimidation physique infligée à Alain Finkielkraut, l’ennemi suprême : “Nous voilà sommés d’être inclusifs, violence du capital et violence identitaire raciste, violence dont Finkielkraut est peut-être le propagateur le plus notoire”. Et de réitérer le refus de la confrontation avec l’ennemi désigné : “Ces médias nous demandent d’accueillir Finkielkraut et bien non ! Pas d’animation citoyenne all inclusive comme le voudraient Laurent Joffrin et Najat Vallaud Belkacem !” Et de conclure avec des mots lourds de sens : “nous ne sommes pas ici pour être amis avec tout le monde, et nous n’apportons pas la paix, nous n’avons aucun projet d’unanimité démocratique”.

Convenons que Lordon est cohérent. Et transparent. Le voici qui précise ensuite comment Nuit debout doit désormais mener le combat, hors du champ démocratique.

D’abord en dépassant le cadre revendicatif traditionnel des luttes sociales, qui n’est pas révolutionnaire : “Revendiquer est une nécessité, parfois même vitale”, mais de portée limitée, “ceci n’aura pas de sens tant que nous ne mettrons pas en question les structures du néolibéralisme”. En vérité, Lordon veut casser le cadre dans lequel évolue les rapports de forces entre partenaires sociaux : “S’il n’y a plus d’alternative dans le cadre, il y a toujours possibilité de refaire le cadre. C’est de la politique, pas du revendicatif. On chasse les gardiens du cadre”.

Une fois le but assigné, Lordon passe à la méthode, celle “des grains de sable” : “Il faut mettre des grains de sable partout” lance-t-il, illustrant cette stratégie à l’aide d’exemples concrets : “C’est débouler dans une réunion d’Anne Hidalgo, c’est débouler dans la conférence d’une association d’étudiants à l’ESCP qui invite Florian Philippot”. Et de scander : “C’est faire dérailler le cours normal des choses, les harceler, leur ôter toute tranquillité !”

Et Lordon de compléter le cours de méthode : grâce à la stratégie des “grains de sable”, s’opérera “la jonction”,  soit la coagulation du “militantisme de centre-ville, des classes ouvrières et de la jeunesse ségrégée des quartiers”, et “cette force sera irrésistible”. Constituée, elle se lancera à l’assaut du “cadre à refaire”, notamment “les traités assassins, les traités européens et le TAFTA”. Lordon fait dans le prophétique, qui ne cache pas à ses ouailles que “La nuit debout, la grève générale, la république sociale, c’est loin”.

Et voilà.

Nuit debout a bien une feuille de route, tracée par un chef

Mercredi dernier, le rideau Nuit debout s’est déchiré. En réalité, l’évènement initié par François Ruffin et ses camarades dispose d’un cerveau qui montre le chemin, établit la feuille de route et fournit le prêt-à-penser des objectifs et de la méthode.

Nuit debout est bel et bien pensé, monté et organisé par des professionnels de la politique. Révisons notre Lénine. Là où il y a organisation, il y a direction. Là où il y a direction, il y a guide. Et ce guide, c’est Frédéric Lordon, dont les interventions savamment mises en scène le hissent au-dessus du bruit médiatique. A Nuit debout, tout le monde parle, mais on entend que Lordon. Rassurons Emmanuel Todd, qui s’inquiétait de l’avenir du mouvement “Pas de révolution sans organisation”, l’organisation de Nuit debout, pour qui veut bien la voir, est bien là. Présente. Active. Et menaçante.

Relisons bien Lordon, et méditons. Le sous-texte de son intervention, applaudie à tout rompre, est empreint de sentiments qui ont peu à voir avec la gauche de Jaurès ou Blum. Refus du débat démocratique organisé. Haine de l’Europe du libre-échange. Promotion du populisme souverainiste. Négation de la liberté de la presse. Rejet de l’autre à raison de sa différence de pensée. Appel à des perturbations de réunions publiques…  Est-ce vraiment un programme politique destiné à libérer les opprimés ? A apaiser le pays ? A libérer les consciences ? Osons la question : s’il se trouve des esprits pour passer à l’acte selon les préceptes de Lordon, quelle sera l’étendue des dégâts à constater ?

Le Nuit debout de Lordon est bien loin de la vision idyllique que certains politologues tentent d’imposer, à l’image de Gaël Brustier déclarant (sans rire) au Figaro : “Il y a plutôt une forme de joie de vivre Place de la République… qui tranche justement avec la hantise du déclin commune à nos sociétés”. Cet éclairage fait honneur à la politologie contemporaine. Ainsi, quand Lordon déclare : “Nous n’apportons pas la paix” et “nous n’avons aucun projet d’unanimité démocratique”, il est le Charles Trenet de Nuit debout chantant “Y a de la joie”. C’est tellement évident. Nuit debout, c’est fun. La politologie est (aussi) devenue un sport de combat.

Source : Challenges, Bruno Roger-Petit, 25-04-2016

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Lordon debout dans la nuit…

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 26-04-2016

 La question de l’avenir du mouvement « Nuit Debout » se pose avec acuité. Nul n’en conteste l’importance, même si les différences que l’on peut trouver entre ce qui se passe à Paris et dans les villes de province est une évidence. Le mouvement parisien a donné de lui une image sectaire et semble vouloir retomber dans les errements de la « démocratie d’AG » post-68. Mais, juger ce mouvement à la seule aune de son apparence parisienne serait une profonde erreur. L’émergence de réunions se tenant sous la bannière de « Nuit Debout » dans des dizaines et des dizaines de villes de province, dont certaines ne sont nullement des centres universitaires, est une réalité tout aussi, et en un sens même plus importante, que les péripéties de la place de la République.

Fréderic Lordon vient de publier le texte d’une interview qu’il a donné à un journal espagnol[1]. Cette analyse est intéressante mais elle est aussi révélatrice des illusions de ce mouvement dont certaines sont reprises par Lordon. Il est par ailleurs férocement attaqué. On le sait, une presse aux ordres, car le magazine Challenges[2] est une succursale du Nouvel Obs’, lui-même succursale du P « S », lui attribue un rôle qu’il n’a pas[3]. Les délires complotistes de Bruno Roger-Petit seraient plutôt à porter au crédit de Lordon, et il peut considérer le fait d’être devenu la cible des sentines du vice et de la mauvaise littérature comme un honneur. Mais le dire ne signifie pas qu’il n’ait aucun rôle. D’où l’importance de son avis.

Lordon et l’extension sociale du mouvement

Quand il dit, répondant à la question sur l’extension de ce mouvement aux classes populaires et défavorisées : « C’est une question tellement décisive qu’elle en est presque douloureuse… Quand on voit déjà les difficultés à simplement faire agir de concert des fractions politisées mais sociologiquement hétérogènes comme les classes ouvrières syndiquées et les milieux du militantisme urbain, on mesure plus lucidement les barrières à franchir pour nouer le contact avec d’une part les populations des quartiers, et d’autre part celles de ce que vous appelez la « France périphérique » — je n’ai même pas besoin d’insister sur tout ce qui d’ailleurs oppose ces deux populations… », il traduit une évidence, mais il fait aussi un aveu. L’évidence, c’est le manque de liens concrets entre une partie du mouvement « Nuit Debout » et ces classes populaires et défavorisées[4]. C’est en particulier le cas à Paris, mais aussi dans les grandes villes, comme Marseille ou Lyon. Les difficultés rencontrées par le mouvement « Nuit Debout » marseillais quand il a tenté de « faire la jonction » avec les quartiers nord de la ville sont emblématiques de ces difficultés. La situation est un peu différente dans les villes moyennes où s’est développé le mouvement, et c’est d’ailleurs l’un de ses principaux intérêts.

Mais, Lordon montre aussi, dans cette même interview, qu’il n’a que peu idée du ressenti de ces classes sociales que ce soit celle de la « France périphérique »[5], ou que ce soit celle qui sont aujourd’hui en proie à l’insécurité culturelle[6]. S’il en avait la moindre idée il ne dirait pas les consternantes banalités qu’il aligne dans les lignes qui suivent. Ces classes demandent des réponses de fond, des réponses politiques. Et il ne faut pas s’étonner qu’elles se tournent vers le Front National si personne ne peut ou ne veut les donner.

La question de la grève générale

L’une des questions qui est donc posée dans ce texte est celle de la grève générale. Je l’ai moi aussi abordée dans un commentaire sur « Nuit Debout »[7]. Il écrit : « Il n’y aura pas de transformation politique d’ampleur sans un mouvement populaire de masse. Or un tel mouvement prend nécessairement, pour partie, la forme de la grève générale. Et il n’y a pas de grève générale sans le concours des organisations de salariés. C’est aussi simple que ça ». C’est entièrement vrai, sauf qu’il ne produit pas ce que l’on attend alors, c’est à dire une analyse politique de l’état de ces organisations syndicales, et il reste alors dans l’une des postures qu’il affectionne : l’imprécation. Non que cette posture soit inutile. Il m’arrive d’ailleurs de l’adopter. Encore faut-il qu’elle ne devienne systématique. Donc, poser la question de la grève générale n’a de sens que si on peut fournir au moins des éléments de réponse. Et, ces éléments exigent que l’on fasse de la politique, c’est à dire que l’on accepte, voir que l’on recherche le débat politique.

Or, c’est tout le contraire que fait Frédéric Lordon. Je sais qu’il peut y avoir un plaisir morbide à regarder un désastre en disant « je l’avais bien prévu » et en ajoutant « ah, si l’on m’avait écouté ». Mais cela, c’est de l’onanisme politique. Il faut donc, au risque de se tromper, et nul d’entre nous n’est omniscient, proposer des formules politiques qui soient susceptibles de nous conduire vers là où nous voulons aller.

La question qui est donc posée est celle des formes organisées qui pourraient permettre de faire pression sur les centrales syndicales, qui associeraient le cas échéant des militants syndicaux de ces dites centrales, et qui se nourriraient d’objectifs intermédiaires. J’ai fait des propositions en ce sens et n’y reviens pas[8].

La question de l’organisation

Ce qui conduit, bien naturellement, à la question de l’organisation du mouvement. Il fut un temps, dans les mois qui suivirent mai 1968, où l’on pouvait lancer le mot d’ordre « aux armes, à l’organisation ». Car, et c’est indubitable, l’organisation EST une arme. Mais, la mode est au discours sur la transversalité du mouvement. Fort bien ; encore faudrait-il tirer le bilan de ces mobilisations plus ou moins spontanée, lancée depuis les « réseaux sociaux », que ce soit celles du « printemps arabe » (et on pense à l’Egypte) ou que ce soit celles d’Ukraine. La très faible organisation, justement cette « transversalité » dont certains aiment bien se rincer la bouche, a aboutit à des mobilisations facilement récupérables. L’instrumentalisation y fut quasiment immédiate. Non que la « verticalité » soit le parangon de toutes les vertus, soit la réponse à toutes les situations. Mais, ce discours sur la « transversalité » ne peut être tenu que sur la base d’un bilan critique des mobilisations précédentes et de leur devenir.

Ceci soulève un autre problème. Si la « verticalité » totale d’une forme d’organisation est à proscrire, le degré de transversalité, ou pour user d’un autre mot d’auto-organisation spontanée, d’une mobilisation est directement proportionnel à l’homogénéité des représentations des personnes que l’on veut mobiliser. Lordon le reconnaît implicitement : « Au demeurant l’AG de la Nuit debout n’est même pas conforme au modèle d’horizontalité pure qu’elle revendique d’accomplir. Par exemple, il n’y a pas d’AG sans règles — règle du tour de parole, règle du temps de parole, respect de la personne modératrice, règles gestuelles de manifestation des opinions, etc. — et ces règles ont par définition un caractère institutionnel et verticalisé puisqu’elles s’imposent à tous, qu’elles font autorité, que tous les reconnaissent — conceptuellement, la verticalité c’est cela. Nous avons donc d’emblée affaire, et dès cette échelle, à de l’institutionnel-verticalisé, ce qui prouve bien l’inanité d’un mot d’ordre maximaliste d’horizontalité pure, en fait intenable »[9].

Mais il n’en tire pas toutes les conséquences. Il faut soit construire les institutions assurant une forte homogénéisation des représentations, soit trouver des mots d’ordre simples, unificateurs, qui assurent pour un temps une forme d’homogénéisation des représentations. Ce dont il est question, c’est un mot d’ordre général comme « la paix, le pain, la terre »[10]. Le discours sur l’écriture d’une nouvelle Constitution ou sur la création d’une alternative globale et cohérente n’est pas adapté à cela (même s’il contient des éléments qui sont « justes »). Ce mot d’ordre doit aussi permettre à la mobilisation de dépasser son objectif immédiat, et lui permettre de se projeter dans un futur, certes relativement proche, mais au-delà de la « Loi El Khomri ». Il peut concerner les élections présidentielles à venir, ou associer la question de la souveraineté et la question sociale.

Fondamentalement, un mouvement comme « Nuit Debout » est politique, et il exige que l’on fasse de la politique. Mais faire de la politique veut dire aussi quitter la posture où l’on prétend se garder les mains blanches. Cette posture, elle est celle du dirigeant politique qui se réfugie derrière les règles et les normes pour ne pas assumer les responsabilités de sa politique[11], comme elle peut être celle de l’intellectuel qui reste dans un discours volontairement complexe, qui se refuse à affronter les problèmes politiques d’alliance et de dynamique politique. Si Fréderic Lordon veut jouer un rôle dans ce mouvement, il est urgent qu’il assume ses responsabilités. Ou alors, il disparaîtra.

 

[1] http://blog.mondediplo.net/2016-04-25-Nuit-Debout-convergences-horizontalite

[2] http://www.challenges.fr/politique/20160425.CHA8346/quand-frederic-lordon-devoile-l-inquietant-projet-de-nuit-debout.html

[3] Ajoutons qu’il faut aussi attaqué par l’Opinion, cette gazette des maisons de retraites pour Juppéistes au bord de la crise de nerfs et de la maladie d’Alzheimer : http://www.lopinion.fr/edition/economie/nuit-debout-frederic-lordon-penseur-a-dormir-debout-100934

[4] Ce que j’écris dans ma note « Nuits debout », postée le 12 avril 2016, sur RussEuropehttps://russeurope.hypotheses.org/4857

[5] Guilluy C., La France périphérique. Comment on sacrifie les classes populaires, Paris, Flammarion, 2014.

[6] Bouvet L., L’insécurité culturelle. Sortir du malaise identitaire français, Paris, Fayard, 2015.

[7] https://russeurope.hypotheses.org/4857 , op.cit..

[8] Idem.

[9] http://blog.mondediplo.net/2016-04-25-Nuit-Debout-convergences-horizontalite

[10] Mot d’ordre sur lequel les bolchéviques vont construire leur succès au printemps et à l’été 1917….

[11] Bellamy R., « Dirty Hands and Clean Gloves: Liberal Ideals and Real Politics », European Journal of Political Thought, Vol. 9, No. 4, pp. 412–430, 2010

Source: http://www.les-crises.fr/nuit-debout-convergences-horizontalite-par-frederic-lordon/


Emmanuel Todd : « Nuit debout contre le grand vide »

Saturday 30 April 2016 at 00:28

Source : Fakir, François Ruffin, 20/04/2016

arton994

Entretien avec Emmanuel Todd sur le mouvement Nuit Debout

Fakir : C’est un petit truc, Nuit debout…

Emmanuel Todd : Il ne faut pas dire ça. D’abord, c’est peut-être une petite chose mais au milieu de rien. Et ça, le fait que les médias s’intéressent à cette petite chose, c’est aussi un signe du grand vide. Les journalistes, qui certes appartiennent à des grands groupes, liés à l’argent, qui certes ne remettront jamais en cause ni l’euro ni l’Europe ni le libre-échange, mais qui sont des gens diplômés, pas toujours bêtes, ils sentent ce grand vide. Ils savent qu’ils donnent la parole à des hommes politiques méprisables, inexistants, tellement creux. Eh bien, ce qui se dit, ce qui se passe place de la République, et sur les places de province, parce qu’il faut regarder l’ouest de la France, Rennes, Nantes, Toulouse, la jeunesse des villes universitaires, ce qui se dit sur ces places, pour aussi farfelus que ce soit, ça vaut toujours mieux que ce grand vide. Et il ne s’agit pas seulement de remplir des pages, de vendre du papier…

Fakir : Ça remplit l’âme ? C’est l’indice d’une crise métaphysique ?

E.T. : Presque ! Et puis, pour aussi petit que ce soit, c’est peut-être un signe avant-coureur. Regardez Occupy Wall Street. Quelques mois après, je regardais les sondages qui paraissaient aux Etats-Unis, les jeunes devenaient favorables à l’Etat, à du protectionnisme. Et aujourd’hui, certes Bernie Sanders a perdu contre Hillary Clinton, mais il s’est revendiqué du « socialisme » aux Etats-Unis, et ses thèmes font maintenant partie de la campagne.

« Il y a là une ouverture pour se débarrasser du parti socialiste ! »

Fakir : Donc ça pourrait mener à un basculement ?

E.T. : C’est sans doute une étape dans la maturation des esprits. Déjà, si ça pouvait conduire à un engagement simple, chez les jeunes : « Plus jamais nous ne voterons PS ! » Je me porte beaucoup mieux, c’est une libération spirituelle, depuis que j’ai fait ce serment pour moi-même. Je rêverais de la mise à mort du PS. C’est peut-être ce que va nous apporter Hollande, il y a là une ouverture pour se débarrasser du parti socialiste. Et il existe désormais un boulevard à gauche.

Fakir : Mais ce sont des bobos qui se réunissent ?

E.T. : C’est facile de dire ça. Les jeunes diplômés du supérieur, c’est désormais 40 % d’une tranche d’âge. Ce n’est plus une minorité privilégiée, c’est la masse. Il y a donc un énorme potentiel d’extension du bobo. Et surtout, il faut comprendre, faire comprendre, que les stages à répétition, les boulots pourris dans les bureaux, les sous-paies pour des surqualifications, c’est la même chose que la fermeture des usines, que la succession d’intérim pour les jeunes de milieu populaires. La baisse du niveau de vie, c’est pour toute une génération.

« Un territoire libéré, à la fois des vieux et des banques, ça ne me déplait pas ! »

Fakir : Donc la réunion des deux jeunesses est en vue ?

E.T. : Avec un marxisme simpliste, on dirait que oui, ça doit bien se passer, les intérêts objectifs sont les mêmes. Mais le système scolaire, notamment, opère une stratification, il sépare tellement les destins, trie, évalue, que la jonction ne va pas de soi. Et on voit que la jeunesse populaire se tourne massivement vers le Front national…

Fakir : A cause, donc, d’habitudes culturelles différentes ? La techno contre Manu Chao ?

E.T. : Je ne sais pas ça, moi. Il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas jeune !
C’est d’ailleurs une chose très positive : voilà quelque chose qui appartient aux jeunes. Enfin ! La société française est sous la coupe des vieux et des banques. Non seulement pour les richesses, mais pour le pouvoir surtout : le suffrage universel devient un mode d’oppression des jeunes par les vieux, qui décident d’un avenir qu’ils n’auront pas à habiter. Je milite pour la mise à mort de ma génération. Donc, l’idée d’un territoire libéré, à la fois des vieux et des banques, ça ne me déplait pas. C’est pour cette raison que l’éviction de Finkielkraut m’est apparu comme une bonne nouvelle. Jusqu’ici, je trouvais les jeunes trop gentils, au vu de la domination qu’ils subissaient.

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Fakir : Mais dans ce mouvement, il y a comme un refus de l’organisation…

E.T. : C’est le drame de cette jeunesse : c’est nous, en pire. Les soixante-huitards ont découvert les joies de l’individualisme, mais ils avaient derrière eux, dans leur famille, une solide formation dans des collectifs : le Parti communiste, l’Eglise, les syndicats. Là, ces générations sont nées individualistes, ce sont des soixante-huitards au carré, quasiment ontologiques. Il n’y a même pas le souvenir de ces collectifs forts. Et la volonté de ne pas s’organiser est presque élevée au rang de religion.
Mais c’est terrible parce que s’ils savaient, s’ils savaient à quel point les mecs en face d’eux, les patrons, l’Etat, le Parti socialiste, les banques sont organisés. Ce sont des machines. Et moi qui suis plutôt modéré, keynésien, pour un capitalisme apprivoisé, je me souviens de la leçon de Lénine : « Pas de révolution sans organisation » !

Source : Fakir, François Ruffin, 20/04/2016

P.S. Les commentaires critiques qui porteront sur autre chose que les propos de l’article seront supprimés – c’est pénible à la longue…

Source: http://www.les-crises.fr/emmanuel-todd-nuit-debout-contre-le-grand-vide/