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“Le Baron noir” ou comment enfin comprendre la politique…

Monday 18 April 2016 at 03:40

Si vous voulez comprendre la politique (surtout si vous êtes un jeune lecteur, donc une proie de choix car non encore édifié par quelques élections où on vous aura pigeonné dans les grandes largeurs), je vous recommande VRAIMENT de vous procurer la série de Canal Plus (par exemple 26 € ici pour 7 heures de plaisir, c’est presque donné).

C’est je pense ce que j’ai vu de mieux pour décrire le système politique, que je connais assez bien désormais.

Vous y verrez à quel point la réalité de la politique à niveau un peu élevé est à l’opposé total des valeurs professées (intérêt général, droiture, honnêteté…), mais, surtout, bien plus intéressant, vous comprendrez comment on en arrive là, de petites crasses répondant à des petites crasses, de sales coups répondant à des sales coups, à un tel point qu’au bout d’un moment on n’arrive même plus à savoir qui est responsable de quoi, et qui est le méchant, ni même si finalement il y a vraiment un méchant dans l’histoire, car il leur reste toujours un fond de valeurs…

Ainsi, vous comprendrez par exemple comment François Hollande en arrive à recevoir SIX FOIS en moins d’un an un type comme Jean-Luc Bennahmias (qui est quand même l’homme politique qui se rapproche le plus d’un trou noir) au lieu de s’occuper de choses sérieuses.

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Bref, une grande production française, qui parlera à beaucoup, j’en suis sûr…

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Cinq faits réels pour comprendre “Baron noir”, la nouvelle série de Canal+

Source, Le Huffington Post, Alexandre Boudet, 08-02-2016

Kad Merad et Niels Arestrup, les deux personnages principaux de la série Baron noir. | Canalplus

Kad Merad et Niels Arestrup, les deux personnages principaux de la série Baron noir. | Canalplus

POLITIQUE – Par séquence, on se croirait presque dans un documentaire. La série “Baron noir” diffusée à partir de lundi 8 février sur Canal+ plonge avec réussite dans les arcanes du pouvoir politique. À Dunkerque où le député-maire Philippe Rickwaert (interprété par Kad Merad) règne sur son microcosme comme les partis politiques aiment à les fabriquer, mais aussi à l’Elysée où Francis Laugier (Niels Arestrup) est un Mitterrand réincarné au temps de Twitter.

Certains verront dans cette fiction le “House of Cards” à la Française. Le scénariste Eric Benzekri dit s’être davantage inspiré des “Soprano” et de “À la maison blanche”. “L’élément déclencheur de ‘Baron noir’ est venu du constat de la troublante similitude entre ce que j’ai vécu en politique et ce qui est raconté dans ces deux séries”, explique celui qui a longuement milité en politique avant d’écrire des scénarios.

Familier des syndicats étudiants, il a longtemps gravité dans les sphères socialistes “auprès de députés, de ministres et même de candidats à la présidentielle”. Mais tous les téléspectateurs n’ont pas son expérience, voici cinq clés politiques pour ne rien manquer des subtilités du scénario.

La puissance de la fédération PS du Nord

Ce n’est pas un hasard si Philippe Rickwaert est un élu du Nord. Dans l’histoire récente du Parti socialiste, ce département ouvrier est un bastion incontournable dont le rôle est central dans les Congrès. Mais un bastion qui subit une lente descente aux enfers; amorcée avec la désindustrialisation (bien mise en lumière dans la série), elle s’est accentuée avec le retour au pouvoir de la gauche en 2012.

Cette dégringolade est parfaitement illustrée par l’année 2015. Au début des années 2000, la “Fédé du Nord” comptait 10.000 membres; elle n’en avait plus que 5200 quand en juin dernier les militants ont été appelés à choisir leur président. Minée par les défaites électorales (revers aux départementales puis aux régionales), la fédération connaît une saignée au niveau des élus, qui débouche sur de graves difficultés financières. Au point que la patronne du PS local a dû lancer un appel aux dons au début du mois de février.

Les nombreux fantasmes des offices HLM

Pour financer la campagne présidentielle de son mentor Francis Laugier, Philippe Rickwaert a puisé dans les caisses de l’office HLM de la ville de Dunkerque (dont il est un dirigeant de par sa fonction de maire). Idem pour les présidents de conseils généraux à l’échelle du département. Ces offices sont, depuis longtemps, au cœur des fantasmes mais aussi parfois d’affaires politico-judiciaires de financement occulte des partis politiques.

La plus médiatique concerne les HLM de la ville de Paris à l’époque Chirac. Il n’était pas question de loyers impayés comme dans la série mais de versement d’argent en échange de l’obtention de marchés publics. Les mis en cause ont assumé avoir versé de l’argent au RPR pour financer des campagnes électorales mais la justice n’a jamais pu prouver que le parti en a profité.

L’union de la gauche à l’épreuve des législatives

Dans la foulée de l’élection présidentielle remportée par le candidat socialiste, les élections législatives doivent lui permettre d’obtenir la majorité la plus large possible pour avoir les coudées franches pendant son quinquennat. Seulement, comme ce fut le cas avec François Hollande, Francis Laugier doit composer avec les alliés du PS, notamment les écologistes.

En 2011, un deal entre Martine Aubry et Cécile Duflot avait réservé une soixantaine de circonscriptions aux écolos dont une grosse vingtaine de gagnables. Dans la série, le fief de Philippe Rickwaert aurait pu en faire partie.

Pour ces législatives, l’autre point important dont il faut se souvenir, c’est la règle tacite qui veut qu’à gauche tous les candidats se désistent au second tour en faveur du candidat le mieux placé. D’où la volonté du “Baron noir” de tout faire pour parvenir à devancer son rival au soir du premier tour.

Les vieilles passerelles entre le PS et la CFDT

Les liens entre la CFDT et le PS que l’on voit dans l’usine Clamex sont moins forts que ceux qui unissent la CGT et le Parti communiste. Il n’en demeure pas moins qu’entre le syndicat réformateur et la rue de Solferino, le courant passe très bien. Et cela ne date pas du quinquennat Hollande durant lequel l’ancien délégué de Florange Edouard Martin est devenu eurodéputé PS et lors duquel Laurent Berger est devenu le principal partenaire des ministres du Travail ou de l’Economie.

Il faut se souvenir par exemple que l’ancien numéro 2 du syndicat Jacques Chérèque (père de François Chérèque) a été ministre du gouvernement Rocard en 1988. Si l’on remonte plus loin, lors du premier mandat de François Mitterrand, on estime que 21% des membres de cabinet du gouvernement Mauroy ont eu leur carte de la CFDT. Autre proximité PS-CFDT, celle qui a rapproché le socialiste Jacques Delors et le cédétiste Edmond Maire.

Un président, deux types de conseillers

Autour de Francis Laugier (Niels Arestrup), deux conseillers au profil antagoniste se font face. Philippe Rickwaert (Kad Merad) est un élu fils d’ouvriers bien implanté dans le nord de la France. À l’inverse, Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis) est une énarque issue de la haute-bourgeoisie passée par la Commission européenne qui ne s’est jamais confrontée au suffrage universel.

Une répartition qui rappelle (de manière un brin caricatural) l’entourage de François Hollande pendant la dernière présidentielle; respectivement directeur de campagne et directeur de la communication, Pierre Moscovici et Manuel Valls étaient deux proches voués à devenir ministres (ce à quoi aspire Rickwaert) quand Aquilino Morelle (rédacteur du discours du Bourget) est devenu conseiller politique de François Hollande (à l’image de Dorendeu).

Source, Le Huffington Post, Alexandre Boudet, 08-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/le-baron-noir-ou-comment-enfin-comprendre-la-politique/


Le-Ayrault sont fatigués, par Philippe Grasset

Monday 18 April 2016 at 02:20

Il faut la garder celle-là en effet…

Rappelons que l’armée syrienne a perdu environ 95 000 hommes, tués par des armes financées essentiellement par l’Arabie, le Qatar, la Turquie et l’Occident…

Source : De defensa, Philippe Grasset, 02-04-2016

3 avril 2016 – Celle-là aussi, je l’ai ratée ! Honte à moi, mais comme je vous l’expliquai en une autre occasion j’en rate souvent ; d’autre part et pour compléter mon explication, je précise que j’ai un peu, et même drôlement fait l’impasse sur la littérature quotidienne-Système française, remisée dans mon trou noir de l’inconnaissance. Les élites-Système françaises m’épuisent, et les débats qu’elles déclenchent, et même les ripostes de nombre de ceux qu’on pourrait qualifier d’antiSystème, ne me réconcilient pas avec l’ardeur et l’allant dont j’ai besoin. Donc, je passe outre, et parfois je rate…

Heureusement pour le cas qui nous occupe, les valeureux guerriers de Russia Insider (RI) veillaient au grain et, trois jours plus tard, nous ont sorti la pépite et ainsi me rattrapant au collet, in extremis. Ils ont diffusé un texte absolument tonitruant, mi scandalisé mi-fou-de-rire, sur notre-ministre, successeur par ascendance indirecte et il faut bien le dire un peu accidentelle, disons de la main gauche, de Vergennes et de Talleyrand.

Je me suis précipité sur les bonnes sources pour vérifier, in French dans le texte. Aucun doute, le-Ayrault, visitant Alger-la-blanche que j’eus l’heur de bien connaître comme l’on habille ses souvenirs d’une si intense nostalgie, a bien dit ce qu’on dit qu’il a dit, disons à Bouteflika pour faire bref, qui se résume à ceci : “Certes, cher ami, l’immonde Assad a libéré Palmyre et l’on ne peut pas dire que c’est entièrement mauvais et catastrophique, mais hein, il n’avait qu’à mieux défendre, avec un peu plus d’allant et de courage, ce bijou de notre-civilisation aux valeurs libérales qu’est Palmyre, et on n’aurait (notre-coalition essentiellement) pas eu à le libérer, vraiment l’armée de ce Assad est au-dessous de tout, et Assad lui-même, comme disait un philosophe de mes proches, ne mérite pas d’exister…” Je cite Le Point, source absolument pure comme de l’eau de source :

« La reprise de Palmyre est une victoire de Bachar el-Assad, mais également pour la coalition. “On ne va pas se plaindre que Palmyre ne soit plus aux mains de Daech. Palmyre, aux yeux de beaucoup, c’est un symbole”, a déclaré Jean-Marc Ayrault, en visite à Alger. “Mais en même temps, quand Palmyre a été conquise par Daech (en mai 2015, NDLR), on ne peut pas dire que le régime de Damas ait été très défensif. On peut le regretter. Peut-être que, s’il y avait eu à l’époque une réaction aussi forte, on n’en serait pas là, on aurait pu éviter la prise de Palmyre”, a-t-il estimé.

» La victoire des forces du régime “ne doit pas exonérer le régime de Damas” de ses responsabilités dans le conflit, a souligné le ministre des Affaires étrangères lors d’une rencontre avec la presse, après avoir rencontré les autorités algériennes, dont le président Abdelaziz Bouteflika. Alger soutient le président syrien Bachar el-Assad quand Paris répète qu’il ne peut être l’avenir de la Syrie.

» “C’est un point sur lequel nous divergeons. Eux n’en font pas un sujet prioritaire”, a indiqué Jean-Marc Ayrault, qui a par ailleurs précisé n’avoir pas rencontré le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem. Hasard du calendrier, Walid Mouallem effectue une visite en Algérie et se trouvait dans la capitale en même temps que son homologue français. “Je n’étais pas informé de cette visite. Les Algériens font ce qu’ils ont à faire. Je n’ai pas eu le souhait ni l’opportunité de (le) rencontrer”, a déclaré Jean-Marc Ayrault. »

RI se moque longuement, totalement stupéfié par ces déclarations du ministre français, l’étrange le-Ayrault. RI a le courage de faire l’effort de rappeler comment tout s’est passé, puis de préciser que, constamment, depuis 2011, la France réduisant par tous les moyens les capacités de l’armée d’Assad et renforçant idem les rebelles devenus islamistes extrémistes et Daesh massacrant à Paris, et également prenant Palmyre ; et soudain, le voilà qui remarque, le-Ayrault, presque avec accablement devant tant de laisser-aller et de manque de conscience, que vraiment Assad et son armée ont laissé tomber Palmyre dans les mains des barbares, et qu’il était temps qu’ils les reprennent … Encore que, précisons,  « La reprise de Palmyre est une victoire de Bachar el-Assad, mais également pour la coalition… » ; or donc, de quelle coalition parle-t-il, le-Ayrault ? La sienne, celle qui est pleine de ses Rafale actifs et zélés ?

(Tiens, quelle secrète inspiration comme une réponse à l’intervention déjà faite mais ignorée de le-Ayrault nous avait fait écrire cette remarque, qui n’avait aucune nécessité directe, dans ce texte du 31 mars : « …Question du flâneur, tout à fait en passant : que sont devenus nos superbes Rafale de l’Armée de l’Air française dans toutes ces pérégrinations, eux qui étaient prêts à sauter à la gorge d’Assad à la fin août 2013 pour le punir de l’attaque chimique montée à grand frais par Prince Sultan déguisé en Assad, qui furent à grand’peine retenu par un Obama-Hamlet revenu au dernier moment sur sa décision d’attaquer ? Le silence pudique est de rigueur, la gloire de la France étant aujourd’hui dépendantes des bons points de l’UE et de sa loyale imitation de la sagesse américaniste. Il n’y avait donc pas de Rafale au-dessus de Palmyre. »)

Ainsi, l’on peut raconter ces choses, avec, en six-sept mots comme l’a fait le-Ayrault , quatre ou cinq contradictions, contre-vérités, bouffonneries assez mornes quoiqu’énormes, énormités grossières de logique violentée sans violence trop bruyante et effronteries de l’esprit totalement perverti sans trop se compromettre? Je l’entends d’ici, avec ce ton-chicon (*) comme l’on dirait dans le digne Royaume de Belgique. Il a une façon de dire qui fait que la plus formidable imposture passe comme un suppositoire bien tourné, sans trop occasionner de dégâts, sans qu’on ne remarque ni même ne ressente l’opération sur le moment.

Et ainsi me questionnai-je, dans cette journée des premières et timides douceurs d’un printemps si tardif : qu’est-ce qui fait que ces gens disent des choses aussi grosses et aussi sottes, aussi méprisantes pour la vérité-de-situation, aussi absurdes et insensées, avec ce complet désintérêt pour la cohérence du discours, pour l’ordre de la pensée ? Car c’est bien le cas dans le fait d’accuser un monstre illégitime dont vous proclamez depuis quatre ans son impuissance totale et sa très-prochaine (deux-trois semaines) chute, et qu’il faut tout faire pour réduire ses forces à néant, et dans le même souffle de l’esprit (l’esprit de Fabius souffre dans l’esprit de le-Ayrault), l’accuser, ce barbare absolu, de n’avoir pas été assez fort, assez résistant, assez courageux, assez légitime au nom de l’humanité, pour empêcher que Palmyre tombât aux mains des barbares ? Tout cela dit avec le clin d’œil-chicon, l’air de dire assez mornement “à moi, on ne la fait pas” ?

La première hypothèse est qu’ils parlent, ces gens-là, comme on mâche du chewing-gummade in USA, sans prêter non seulement la moindre attention, mais le moindre intérêt pour la signification des mots qu’ils disent. On leur a fait un petit carton : “là, si on vous pose cette question, vous répondez : bla, bla, bla…” (Pourquoi ne répondent-ils pas justement et simplement, et vraiment : “Bla bla bla…”, cela serait de l’humour-chicon, et l’on rirait joyeusement.) La deuxième hypothèse est qu’ils ne savent même pas qu’ils parlent, ils sont parlés par quelque inspiration mystérieuse qui dépasse même le petit carton de leur conseiller en com’, comme un automate bien remonté. La troisième hypothèse est qu’il ne s’est rien passé du tout après tout, que si vous les interrogez lors du debriefing, ils ne se rappellent de rien parce que quelque chose d’autre a parlé pour eux, même pas au travers d’eux, non, à leur place. On a cru que c’était le-Ayrault mais on se trompe : le Diable ricanant s’est substitué à lui sans qu’il y prenne garde. Le Diable est un garnement et il sait y faire ; et quand je dis “le Diable”, hein, je plaisante à peine, car l’on sait bien mes tendances à conjecturer sur ces forces qui transpercent ces psychologies si faiblardes, surtout celles qui sont aussi translucides que du chicon.

(Une autre joyeuse en passant, à une question sur la présence en même temps que lui, – ces Algériens ont de ces culots, – du ministre des affaires étrangères du barbare Assad à Alger. Réponse de le-Ayrault, superbement au courant de la marche du monde : “Moi pas être au courant, et d’ailleurs si je l’avais été j’aurais fui en courant…” [« Je n’étais pas informé de cette visite. Les Algériens font ce qu’ils ont à faire. Je n’ai pas eu le souhait ni l’opportunité de (le)rencontrer »]. Ca être une leçon de diplomatie, mon fieux, du vrai bwana.)

Quoi qu’il en soit, tout s’est bien passé et, sans aucun doute, François sera content et “l’honneur de la France” diablement sauf. (Le Diable, vous dis-je.) Vraiment, la France est en train de nous interpréter une pièce d’un brio extraordinaire ; il en faut, je vous assure, pour parvenir à être, comme dit la pub’ de la lessive, plus bas que bas, plus sot que sot, plus inverti qu’inverti, plus zombie que zombie, plus chicon que chicon enfin. (Le-Ayrault, ou le zombie-chicon : à retenir, cela…)

… Et dire que ce héros a son cul-chicon et maigrelet dignement carré dans le fauteuil de Vergennes ! Il est vrai qu’entretemps il y a eu une révolution (la Grande, la Seule-Vraie) et que, depuis, je vous l’assure, tout va diablement mieux, comme si le Diable s’était enfin mis sérieusement à l’œuvre… (Dans sa tombe, chèrement gagnée par une réconciliation de dernière minute avec notre Très-Sainte-Mère l’Église, j’entends le diable boiteux qui se tord de rire, libéré des contraintes de l’étiquette qu’il savait si bien utiliser. “Le-Ayrault, le Talleyrand-chicon !” hurle-t-il dans son fou-rire de spectre fantomatique qui hante le Quai d’Orsay. S’il ne l’était déjà, le diable boiteux en mourrait de rire.)

Note

(*) Le mot “chicon”, absolument admis et répertorié, et d’usage universel en Belgique, est simplement un homonyme d’endive. (Il est bon qu’un Français rapatrié puis émigré sacrifie de temps à autre aux coutumes locales. Cela amadoue les autorités du cru et le rend moins suspect.) C’est, le chicon-endive, un légume plein de vertus mais qui manque, dans son aspect-simulacre autant que dans la réputation qui lui est faite, de cette pétulance, de cette vigueur qui font les belles réputations et comblent les rêves des jolies dames. Le-Ayrault est un héros-endive, dirais-je, c’est-à-dire l’équivalent type d’Artagnan-postmoderne, d’un zombie-chicon. En attendant, que ce digne “légume plein de vertus” me pardonne : je l’ai pris comme symbole et notre héros, en vérité, ne vaut pas, sur le plan de l’utilité pour la nature des choses et la bonne marche de l’horlogerie du monde, le tiers du quart d’une endive. Ainsi soit-il mais plutôt gratiné, je préfère.

Source : De defensa, Philippe Grasset, 02-04-2016

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Comme j’y suis, on a eu ça aussi cette semaine :

«Ils disent beaucoup de choses ces jours-ci et je ne vais pas le leur interdire » a répondu Hillary Clinton. « La création de l’Etat islamique est principalement et avant tout le résultat d’une situation désastreuse en Syrie causée par Bachar el-Assad qui est appuyé et encouragé par l’Iran et la Russie» s’est justifiée l’ancienne secrétaire d’état.

Pas mal pour un bidule créé par des Irakiens… #1984

« On avait parfaitement compris, longtemps avant George Orwell, qu’il fallait réprimer la mémoire. Et pas seulement la mémoire, mais aussi la conscience de ce qui se passe sous nos yeux, car, si la population comprend ce qu’on est en train de faire en son nom, il est probable qu’elle ne le permettra pas. C’est la raison principale de la propagande. » [Noam Chomsky]

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[2015] Pourquoi Palmyre n’a pas résisté à l’assaut de Daech

Source ; l’Express,  Catherine Gousset, 22-05-2015

Palmyre, le 19 mai 2015, à la veille de la chute de la ville aux mains du groupe Etat islamique.

Palmyre, le 19 mai 2015, à la veille de la chute de la ville aux mains du groupe Etat islamique. “L’armée syrienne a très clairement un problème d’effectifs.” Reuters/Omar Sanadik

Après quelques jours d’assaut, le groupe Etat islamique s’est emparée de la ville de Palmyre. Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie, revient sur les raisons et les implications stratégiques de cette victoire du groupe djihadiste.

Pourquoi l’armée syrienne n’a-t-elle pas été capable de résister à l’offensive de l’EI à Palmyre

J’ai moi-même été surpris de la rapidité de sa défaite. Il y a quelque jours, le gouverneur de Homs avait été envoyé dans la ville pour proclamer que tout allait bien. J’ai donc du mal à croire que le régime ait délibérément abandonné la ville dans le seul but d’en retirer des dividendes médiatiques, c’est-à-dire pour profiter de l’émotion que suscite en Occident les atteintes au patrimoine archéologique et se poser en rempart contre la barbarie de Daech. Si le régime avait laissé entrer les djihadistes dans la ville antique avant de les repousser, il aurait pu jouer les “défenseurs du patrimoine de l’humanité”, mais en perdant complètement Palmyre en quelques heures, il subit une grave humiliation et une défaite stratégique. Même aux yeux de ceux qui, en Occident, prônent une alliance avec Assad contre Daech, le régime syrien risque désormais d’apparaître comme une branche pourrie. Quelle est la valeur d’un partenaire incapable de tenir ses positions, ou ne serait-ce que de réagir de manière un tant soit peu vigoureuse?

Quelles sont les implications de la perte de Palmyre en termes militaires? 

La perte de Palmyre est considérable. La cité est un noeud routier important qui relie l’est (Deir Ezzor) à l’ouest de la Syrie: Homs, Hama et Damas. C’est la seule voie terrestre pour accéder à la dernière garnison du régime dans la région de Deir Ezzor. Le régime doit désormais se contenter de l’aviation pour ravitailler cette base. Cela va poser également des problèmes énergétiques à Damas puisque la région abrite à la fois des champs gaziers et des gazoducs et oléoducs en provenance de l’est. En perdant Palmyre, le régime perd aussi un aéroport militaire.

Enfin Il s’agit d’une région tribale. Le régime essayait d’y recruter des supplétifs. Mais les tribus recherchent avant tout des alliances qui garantissent leur protection; elles ne se préoccupent guère d’idéologie. A partir du moment où l’armée est en déroute, les dirigeants tribaux n’ont plus de raison de se rallier à elle.

Que dit alors cette défaite de l’état des forces en présence? 

L’armée a très clairement un problème d’effectifs. Les autorités de Damas savaient depuis un moment que Palmyre était menacée. Elles n’ont pas eu la capacité d’envoyer des renforts. Il se passe la même chose qu’à Idleb, tombée en mars aux mains des rebelles. L’offensive était préparée depuis des mois. On a pu un temps croire que le régime avait renoncé à défendre cette ville pour se concentrer sur la protection de Jisr al-Chogour, plus importante à ses yeux. mais Jisr al-Chogour est à son tour tombée en avril. L’armée n’a tout simplement pas assez d’hommes pour combattre (voir à ce sujet l’interview du démographe Youssef Courbage). Depuis l’année passée, on sait qu’elle a recours au recrutement forcé, parmi les sunnites. Ces nouvelles recrues sont très jeunes, peu aguerries et guère motivées, contrairement aux insurgés. Les pertes humaines dans les combats sont très lourdes, pour peu de résultats. Enfin l’aviation syrienne qui se consacre essentiellement à bombarder les zones civiles est peu performante en termes tactiques.

Palmyre est situé en pleine zone désertiqueGoogle map

Palmyre est situé en pleine zone désertique Google map

L’EI sort donc renforcé de cette bataille? 

Oui, mais il faut relativiser cette puissance. On a dit que l’EI contrôlait désormais 50% du territoire syrien. Sauf qu’il s’agit de zones en grande partie désertiques. L’EI est très à l’aise dans la guerre du désert. L’organisation est très mobile. Dans l’ouest du pays, qui concentre l’essentiel des zones habitées, c’est une autre affaire. Les zones de combats sont très statiques. A l’exception du Qalamoun, qui est le prolongement du désert syrien. Dans les zones densément peuplées, chaque village représente un obstacle puisqu’il est occupé soit par les forces du régime, soit par les rebelles. Ajoutons que l’EI a connu très récemment des revers contres les Kurdes à l’ouest de Hassaké.

Source ; l’Express,  Catherine Gousset, 22-05-2015

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[2015] L’armée syrienne impuissante et démotivée face au groupe État islamique

Source : France Inter, 23-05-2015

Palmyre est tombée entre les mains du groupe terroriste État islamique cette semaine. © Reuters - 2015 / Khaled Al Hariri

Palmyre est tombée entre les mains du groupe terroriste État islamique cette semaine. © Reuters – 2015 / Khaled Al Hariri

L’organisation terroriste contrôle désormais la moitié de la Syrie. Impuissante, désorganisée, l’armée syrienne va de défaite en défaite. La chute de Palmyre, cette semaine, constitue un sérieux revers. 

Après quatre ans de guerre civile, l’armée syrienne est épuisée. Les fronts sont trop nombreux, et depuis plusieurs semaines, les défaites militaires s’enchaînent. Les soldats de Bachar al-Assad ont perdu les villes d’Idlib et de Jisr al-Choghour dans le nord, ainsi que la cité antique de Palmyre, à l’est.

Sans oublier tous les postes-frontières tombés dans le giron des djihadistes : le dernier en date, celui de Tanaf, point de passage stratégique avec l’Irak. Le régime de Damas ne contrôle donc plus que sa frontière avec le Liban.

L’armée syrienne a perdu la moitié de ses hommes en quatre ans

L’étau se resserre sur la capitale Damas, que de nombreux cadres du régime commencent à quitter pour rejoindre Tartous ou Lattaquié, sur le littoral, une province acquise au pouvoir.

L’armée paye cher ses divisions confessionnelles et ses désertions. Avant la guerre civile, elle comptait près de 300.000 hommes, elle n’en compte plus que 150.000 aujourd’hui. Démotivés, les soldats syriens n’ont pas d’autre choix que de tuer ou d’être tués.  

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Source : France Inter, 23-05-2015

Source: http://www.les-crises.fr/le-ayrault-sont-fatigues-par-philippe-grasset/


Le Pentagone a gaspillé 500 millions de dollars pour l’entraînement de rebelles syriens. Et il est sur le point de recommencer. Par Paul Mc Leary

Monday 18 April 2016 at 01:50

Source : Foreign Policy, le 18/03/2016

18 mars 2016

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Le président Barack Obama a autorisé un nouveau plan d’entraînement des rebelles syriens pour combattre l’État islamique, une décision qui vient quelques mois après la fermeture par le Pentagone d’un programme d’entraînement et d’équipement encore plus ambitieux qui fit partir en fumée quelques centaines de millions de dollars, sans effets probants.

Cet effort fait partie d’une offensive du Pentagone afin de tirer profit du récent élan dans la longue campagne contre l’État islamique, qui a été malmené par la coalition et les frappes aériennes russes, par les attaques terrestres de l’armée syrienne réorganisée par Moscou, et par des assauts incessants des combattants kurdes, yazidis et sunnites armés par les États-Unis. Les partisans ont perdu à peu près 22% des terres qu’ils contrôlaient en Irak et Syrie ces derniers mois, et Washington souhaite manœuvrer le plus tôt possible en direction de Raqqa, la capitale du groupe. Et en l’absence d’envoi de troupes terrestres significatives par les États-Unis ou les alliés, les dirigeants du Pentagone pensent qu’entraîner les forces locales afin de prendre le relai est la meilleure option.

Le nouveau plan promet d’être plus ciblé que le précédent, qui avait embarrassé la Maison-Blanche en ne produisant pratiquement aucun combattant. Le programme d’entraînement initial à 500 millions de dollars débuta durant l’été 2015 par un projet de déploiement d’environ 5000 rebelles vers la fin de l’année, mais à la suite de désertions et à des attaques d’autres groupes rebelles, il n’a produit qu’environ cinq combattants entraînés avant d’être interrompu en octobre.

Informé de ce nombre pendant l’audition de la Commission des services armés du Sénat américain en septembre dernier, le républicain d’Arizona, John McCain, tempêta, disant que le programme du Pentagone était “déconnecté de la réalité” de l’urgence de la situation terrestre.

Cependant, les forces d’opérations spéciales étatsuniennes ont continué depuis à travailler individuellement avec des commandants arabes syriens, les emmenant en Turquie pour les entraîner avant de les infiltrer en Syrie avec de l’équipement américain. Il y a aussi environ 50 commandos américains sur le sol syrien, aidant à diriger le combat contre l’État islamique.

Le nouveau programme d’entraînement approuvé par Obama élargira ces contacts en emmenant des groupes restreints de combattants en dehors du pays pour les former aux tactiques de l’infanterie, bien que les dirigeants ne détailleront pas le plan d’entraînement, ni où il se déroulera, ni combien de combattants confirmés ils espèrent obtenir et renvoyer sur le champ de bataille.

“C’est une partie de nos ajustements au programme d’entraînement et d’équipement basé prioritairement sur les leçons apprises,” déclara le colonel Steve Warren, porte-parole de la coalition militaire des États-Unis à Bagdad. Le Pentagone souhaite “accélérer” le programme […], dit-il, mais “la disposition de notre soutien aux forces locales sera mesuré par rapport à leur performance” à combattre ISIS.

Les forces américaines et leurs intermédiaires sur le terrain ont rencontré des difficultés à recruter pour le programme en Syrie, étant donné que les Américains requièrent que toutes les troupes entraînées le soient seulement pour combattre l’État islamique et non le régime d’Assad.

Il n’y a aucun communiqué quant au lancement du nouveau programme ou quant à son coût, mais il a le soutien complet du nouveau commandant du Commandement central américain, le général Joseph Votel, qui a essayé de tromper les espérances et les intérêts du Congrès sur la taille et la portée du programme la semaine dernière. Attestant devant la Commission des services armés du Sénat, Votel le décrit comme une “accentuation de l’effort” conçu pour augmenter les compétences d’un nombre restreint de combattants qui pourront à leur tour enseigner ces leçons à d’autres rebelles.

“Je pense qu’il est utile d’avoir des personnes formées par nous, qui ont les techniques, les capacités de communication et les ressources afin d’établir un lien avec notre puissance de frappe,” annonça Votel, éludant la possibilité des rebelles de recourir à des frappes aériennes américaines.” Nous essayons d’éviter le problème que nous avons eu la dernière fois, c’est à dire lorsque nous ne savions pas à quel groupe ils appartenaient.”

Les dirigeants militaires resteront sûrement prudents par rapport au programme, après l’humiliante tentative de former une force syrienne l’année dernière. Cela a pris plusieurs mois en procédures pour que les dirigeants américains décident qui impliquer dans le programme, provoquant sur la colline du Capitole Hill [siège du Congrès américain, NdT] des hurlements devant la lenteur du recrutement de la force, alors que l’ÉI gagnait du terrain dans le nord de la Syrie. Et les choses n’ont fait qu’empirer. En juillet, le premier groupe d’environ 50 combattants entraînés revenant en Syrie s’est vu pris en embuscade par une filière d’al-Qaïda, le Front al-Nosra. Les combattants se sont pour la plupart dispersés et les militaires américains ont été incapables de savoir ce qu’ils sont devenus, de même que leur équipement.

Alors en septembre, environ 70 autres participants au stage ont été encore une fois forcés de donner la plupart de leurs matériels et munitions américains à al-Nosra, en échange d’un retour sain et sauf à travers le territoire ennemi dans le nord de la Syrie. En décembre, les responsables américains annoncèrent que moins de 100 des rebelles qui avaient été entraînés sont toujours actifs en Syrie.

Le dernier programme d’entraînement s’occupera probablement exclusivement des arabes syriens, déclara Warren, depuis que les combattants kurdes ont prouvé leur efficacité au nord de la Syrie. Les Kurdes ont aussi causé quelques soucis à Washington, cependant, en affirmant leur volonté de travailler avec les forces russes afin d’attaquer les autres groupes rebelles, dont ceux entraînés par la CIA.

Source : Foreign Policy, le 18/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-pentagone-a-gaspille-500-millions-de-dollars-pour-lentrainement-de-rebelles-syriens-et-il-est-sur-le-point-de-recommencer-par-paul-mc-leary/


[Vidéo] Conférence à Sciences Po : “La Finance à la Dérive”

Sunday 17 April 2016 at 03:55

Une conférence de 2015 mais qui n’a rien perdu de sa pertinence je trouve…

Les graphes sont ici.

Source : Youtube, Olivier Berruyer, 05-05-2015

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Depuis la crise de 2008, la Finance est l’objet de controverses multiples et de promesses politiques non tenues. Mais un dysfonctionnement de cette ampleur est-il inhérent au capitalisme ? Ou le système financier actuel est-il au contraire spoliateur de l’économie réelle et de l’entrepreneuriat capitaliste ? Est-il le fruit d’un retrait des pouvoirs publics et d’un manque de régulation de leur part ? Ou d’un Etat surplombant qui entretient la connivence entre les élites financières et les cabinets ministériels ?

Source : Youtube, Olivier Berruyer, 05-05-2015

Source: http://www.les-crises.fr/video-conference-a-sciences-po-la-finance-a-la-derive/


Pourquoi l’Ukraine s’éloigne un peu plus de l’Union européenne

Sunday 17 April 2016 at 00:54

Source : Le Figaro, Eléonore de Vulpillières

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FIGAROVOX/ENTRETIEN – Le Premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, a annoncé dimanche sa démission. Hadrien Desuin analyse l’évolution de la situation géopolitique et économique de l’Ukraine, deux ans après les manifestations de la place Maïdan.

Ancien élève de l’École spéciale militaire de St-Cyr puis de l’École des officiers de la Gendarmerie nationale, Hadrien Desuin est titulaire d’un master II en relations internationales et stratégie sur la question des Chrétiens d’Orient, de leurs diasporas et la géopolitique de l’Égypte, réalisé au Centre d’Études et de Documentation Économique Juridique et social (CNRS/MAE) au Caire en 2005. Il a dirigé le site Les Conversations françaises de 2010 à 2012. Aujourd’hui il collabore à Causeur et Conflits où il suit l’actualité de la diplomatie française dans le monde.

LE FIGARO. – En poste depuis deux ans et longtemps porté au pinacle par les Occidentaux, le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a annoncé sa démission dimanche. Il était depuis plusieurs mois de plus en plus impopulaire (8% de taux d’approbation dans des sondages). Comment analysez-vous l’évolution de la situation de l’exécutif en Ukraine depuis les manifestations place Maïdan?

Hadrien DESUIN. – Le couple exécutif Petro Porochenko-Arseni Iatseniouk divorce après de longs mois de séparation. La première démission de Iatseniouk date de l’automne 2014 mais ce n’est qu’en février 2016 que Porochenko a fini par lâcher Iatseniouk. Avec cette démission effective c’est toute la geste révolutionnaire de Maïdan qui se réveille avec la gueule de bois. Le tandem n’a jamais été très stable car les deux personnalités qui formaient la coalition au pouvoir étaient davantage concurrents que partenaires. L’oligarque Porochenko est touché par le scandale des «Panama Papers» et son premier ministre dont le parti au pouvoir était au plus bas dans les sondages a été contraint de donner sa démission après la chute de sa coalition parlementaire. Plus impopulaire que jamais et lui aussi inquiété pour corruption, le gouvernement Iatseniouk a plongé toute l’Ukraine dans une fuite en avant anti-russe aux résultats peu éloquents. Le parti pris pro-occidental a durablement coupé l’Ukraine de son environnement oriental tout en n’étant pas encore intégré à son voisinage occidental. Au milieu du gué, le parti de Maïdan a fini isolé. Avant de couler.

L’ex-premier ministre était critiqué pour l’insuffisance des réformes promises et pour la défense des intérêts des oligarques. Les mêmes reproches que ceux exprimés à l’endroit de l’ancien président Viktor Ianoukovytch il y a deux ans? Quel est le bilan des deux ans du tandem Iatseniouk-Porochenko?

Deux ans après le départ de Victor Ianoukovitch, c’est une véritable Berezina. Tout ça pour ça! On a l’étrange sentiment que l’Histoire bégaie ; la Révolution orange avait fini un peu de la même façon. Le couple Ioutchenko-Timochenko a terminé également complètement discrédité et miné par les affaires. Le divorce public entre les deux anciens grands vainqueurs des législatives ouvre une période d’instabilité parlementaire à la Rada, l’assemblée ukrainienne.

Aujourd’hui, l’économie de l’Ukraine est à genoux. Le PIB est en recul de 18 % depuis 2014. Pris en tenaille par

ses engagements internationaux et un budget gangrené par une corruption chronique, l’État ukrainien s’enfonce lentement mais sûrement. Les prêts garantis par le FMI et l’UE sont détournés. La faillite ukrainienne est quasi inéluctable. A la crise économique et militaire s’ajoute une crise politique. Le romantisme révolutionnaire de Maïdan n’est plus qu’un lointain souvenir.

Comment expliquez-vous le rôle joué par les pays occidentaux dans la mise en place du gouvernement pro-UE en 2014? Leur soutien s’est-il tari depuis?

Dans le sillage des faucons américains, beaucoup de pays européens se sont enthousiasmés pour la nouvelle révolution ukrainienne. Mais la division du pays en deux camps, un vainqueur et un vaincu ne présageait rien de bon. Sous perfusion financière occidentale, l’économie ukrainienne a ensuite été placée en sursis pendant deux ans. La confiance entre les partenaires européens et même américains et les dirigeants ukrainiens s’est progressivement rompue. En passe d’être privé de parrain financier, la chute de Iatseniouk, symbole de l’appui occidental, n’était plus qu’une question de temps. France et Allemagne étaient pressés de clôturer la crise diplomatique avec la Russie dans un contexte syrien favorable à Moscou. Les Allemands ont commencé à s’inquiéter des remboursements. La pression exercée sur les réformes en Ukraine par les occidentaux a fini d’asphyxier la paire Porochenko-Iatseniouk.

Les cessez-le-feu signés à Minsk sont plus ou moins respectés mais ils n’ont débouché sur aucun processus politique. L’autonomie du Donbass n’a jamais été votée et la frontière entre le Donbass et la Russie n’a donc jamais pu être rétrocédée aux autorités de Kiev. En faisant capoter les accords de Minsk, le gouvernement ukrainien a placé ses alliés européen dans une situation délicate. Situation qui a fini par dégrader leurs rapports. Arnaud Dubien qui préside l’observatoire franco-russe a émis l’hypothèse que Kiev ne souhaitait pas vraiment recouvrer le Donbass et la Crimée qui apparaissent comme des chevaux de Troie pro-russes. Inversement Moscou a peut-être intérêt à ce que la confédéralisation de l’Ukraine lui permette de garder un levier sur Kiev. La Russie a utilisé les codes démocratiques occidentaux pour promouvoir ses intérêts: aide humanitaire, autonomie, respect des accords…

Au final toutes les parties semblent perdantes à commencer par l’Ukraine. L’Europe n’ a pas réussi à éteindre l’incendie qu’elle a ingénument allumé fin 2013. La Russie a perdu un partenaire économique précieux et les États-Unis ont réveillé les peurs russes d’encerclement stratégique.

Sur Twitter, M. Iatseniouk a fait part de ses «objectifs» pour l’Ukraine: «Une nouvelle loi électorale, une réforme de la Constitution, une réforme de la justice, l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN.» L’inclusion de l’Ukraine dans le bloc occidental (UE-OTAN) est-elle plébiscitée dans le pays?

Il ne faut pas trop prêter attention aux promesses de l’ancien premier ministre qui devrait rejoindre l’opposition et entamer une traversée du désert politique. Certes, la population ouest-ukrainienne rêve d’Europe et de prospérité. Et pour une partie d’entre elle, la haine de la Russie est trop profonde pour disparaître avec la chute de Iatseniouk.

Ce dernier est grec-catholique, originaire de Bucovine, une région occidentale de l’Ukraine, très proche de la frontière roumaine. Cette région autrefois sous la férule de l’Empire austro-hongrois aspire à revenir dans le giron européen et à sortir de la sphère russe. Seulement les positions de Iatseniouk contre la langue russe, contre la flotte de Crimée, contre l’espace économique eurasiatique mais pour une candidature à l’OTAN et à l’UE l’ont coupé d’une grande partie sud-orientale du pays. Des territoires anciennement russes qui n’avaient d’autre choix que de résister par la force à Kiev.

L’Ukraine est historiquement séparée en différentes sphères d’influence culturelles; comme un dégradé de l’influence occidentale et orientale au fur et à mesure qu’on se déplace de Lviv à Donetsk. Si le pouvoir à Kiev ne respecte pas ces nuances, il ne peut rester durablement en place. Si Porochenko semble plus central dans la composition politique de l’Ukraine, Iatseniouk représentait la partie la plus occidentale, la plus méfiante du pays vis-à-vis de la Russie.

Plusieurs scenarii sont possibles. Le premier est un retour de balancier pro-russe comme l’Ukraine en a déjà connu par le passé. Lassée par le désordre et la crise, la population pourrait souhaiter un apaisement, y compris un accord avec Moscou. Le second c’est une radicalisation nationaliste ukrainienne qui prendrait le pouvoir à Kiev. Autre possibilité plus probable, la continuité d’une démocratie parlementaire à la dérive, pour le plus grand profit des oligarques.

Aux Pays-Bas, les électeurs ont rejeté par référendum à 64% l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine, mercredi 6 avril. L’ouverture de l’UE aux anciens pays du bloc soviétique est-elle durablement compromise?

A force de s’élargir, l’Union européenne est devenue obèse et n’arrive plus à avancer, même vers l’Est. A 28, l’Europe est paralysée, il n’est plus question d’aller plus loin. Même l’OTAN l’a compris. L’ironie de l’Histoire veut que plus de deux ans après Maïdan, l’accord d’association qui a déclenché la révolte est rejeté par un référendum d’initiative populaire aux Pays-Bas. Jean-Claude Juncker et Donald Tusk font discrètement pression sur Mark Rutte afin qu’il ne suive pas cet avis consultatif. Au risque d’aggraver l’euroscepticisme de la population néerlandaise mais aussi la défiance face à la coalition libérale au pouvoir. On voudrait que Geert Wilders arrive aux manettes qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Onze ans après le refus franco-néerlandais à la Constitution Giscard, et sa ratification à Lisbonne en 2009, on a le sentiment que les institutions européennes veulent s’imposer contre la volonté des peuples. C’est le meilleur moyen de convaincre les derniers rêveurs que l’Europe est devenu un projet plus technocratique que démocratique.

Source : Le Figaro, Eléonore de Vulpillières

Source: http://www.les-crises.fr/pourquoi-lukraine-seloigne-un-peu-plus-de-lunion-europeenne/


Revue de presse internationale du 17/04/2016

Sunday 17 April 2016 at 00:01

Merci à nos contributeurs pour ces articles et bonne lecture !

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-17042016/


Revue de presse du 16/04/2016

Saturday 16 April 2016 at 03:00

Où la crise bancaire serait de retour ; la nuit debout se retrouve sous le thème “Société” ; et la très intéressante lutte contre les “idées zombies” menée par les économistes atterrés sous le thème “Réflexion”. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-16042016/


Allemagne : la BCE comme bouc émissaire, par Romaric Godin

Saturday 16 April 2016 at 02:00

Information importante…

Source : La Tribune, Romaric Godin, 11/04/2016

Mario Draghi doit faire face à de vives critiques venant d'Allemagne. (Crédits : Reuters)

Mario Draghi doit faire face à de vives critiques venant d’Allemagne. (Crédits : Reuters)

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a lancé une charge inédite contre la BCE et plusieurs personnalités politiques lui ont emboîté le pas. Une attaque qui laisse entrevoir un début de panique chez les politiques allemands.

Lorsque, voici quelques années, le gouvernement français réclamait une baisse des taux de la BCE, les journaux et le gouvernement allemand s’agaçaient bruyamment de cette entorse à « l’indépendance de la banque centrale » et constatait encore avec désolation combien la « culture de stabilité » n’avait pas imprégné les mentalités latines. Mais, depuis 2014, la politique de la BCE qui, pour lutter contre le risque déflationniste se fonde sur la « répression financière » est bien moins favorable aux épargnants allemands. Et voici soudain que l’indépendance de la BCE n’est plus aussi sacrée. Depuis, ce week-end, la guerre semble même ouvertement déclarée entre les politiques allemands et Mario Draghi. Preuve que les positions théoriques tiennent souvent davantage à des questions d’intérêts qu’à des convictions bien ancrées. Lorsque l’Europe est moins favorable, l’Allemagne sait aussi se faire critique de l’Europe…

Wolfgang Schäuble à l’offensive

La critique de la politique de la BCE est permanente de la part de la Bundesbank. Cette critique ne pose évidemment pas de problème dans la mesure où la Bundesbank joue son rôle d’opposition au sein du conseil des gouverneurs de la BCE. Mais, cette fois, c’est bien de la part du gouvernement que vient les critiques. Et particulièrement de la part de Wolfgang Schäuble, le ministre fédéral des Finances. Samedi 10 avril, à Kronberg, dans la banlieue huppée de Francfort, le ministre a reçu un prix pour son engagement pour « le redressement des finances publiques et ses efforts pour le développement du principe de responsabilité dans la zone euro. » Il y a livré un discours très rude contre la BCE et Mario Draghi.

Prenant ses habituelles précautions oratoires en refusant de remettre en cause l’indépendance de la BCE, « ce qui causerait plus de maux que de biens », Wolfgang Schäuble s’est immédiatement contredit en réclamant sans ambages la fin de la politique d’assouplissement quantitatif et de taux bas de la BCE. Il a annoncé qu’il ferait campagne, en fin de semaine, à la réunion des ministres des Finances du G20, pour un relèvement des taux. Il a indiqué avoir déjà réclamé cela auprès du secrétaire étasunien aux Trésor, Jack Lew, dans un entretien téléphonique. « Vous devez encourager la Réserve fédérale et nous devons, de notre part, encourager la BCE (…) à sortir de cette politique », lui a-t-il dit. Voici qui dénote une conception nouvelle, de la part du gouvernement allemand, de l’indépendance de la banque centrale.

Toute la droite allemande crie haro sur la BCE

Les déclarations de Wolfgang Schäuble ne sont pas isolées. Le ministre des Finances bavarois, Markus Söder, a estimé qu’il fallait que le « gouvernement fédéral exige un changement de direction de la BCE. » Un gouvernement qui doit « exiger » d’une banque centrale un changement de politique ? N’est-ce pas là un accroc à la « culture de stabilité » que l’Allemagne tente précisément de répandre dans le reste de la zone euro ? Dans le Welt am Sonntag du dimanche 11 avril, le ministre fédéral des Transport, Alexander Dobrindt, lui aussi membre de la CSU bavaroise, déplore la « politique à haut risque de la BCE  qui produit un trou béant dans les systèmes de retraites ». Et le vice-président du groupe parlementaire de la CDU, Michael Fuchs, de prévenir que son parti va aller plus loin dans la protestation en affirmant que « nous ne crions pas encore assez fort. » Dans les colonnes du Spiegel, Ralph Brinkhaus, lui aussi vice-président du groupe parlementaire de la CDU, affirmait que l’Allemagne « devait placer la BCE sous pression pour l’amener à se justifier, sinon rien ne changera ». Bref, l’heure est à la rébellion ouverte contre la banque centrale. Selon le Spiegel, le gouvernement envisagerait même de porter plainte contre la BCE si elle se lançait dans « la monnaie hélicoptère », information cependant ensuite démentie.

Opinion publique chauffée à blanc

Si les politiques de la droite allemandes sortent aujourd’hui du bois, c’est qu’ils sont sous une forte pression politique. Depuis plusieurs semaines, l’opinion publique allemande est chauffée à blanc par la presse conservatrice contre la BCE. Le lendemain de la réunion du 10 mars, la dernière en date, de la BCE, le Handelsblatt, journal des milieux d’affaires allemands, présentait en couverture un Mario Draghi cigare à la bouche brûlant un bouquet de billets de 100 euros. Dimanche, le Welt am Sonntag publiait une étude de la DZ Bank, la banque « centrale » des banques mutualistes allemandes, les plus remontées contre la politique de la BCE, estimant que depuis 2010, l’épargnant allemand a perdu 200 milliards d’euros en raison de la baisse des taux, soit, comme le précise avec délice le quotidien conservateur « 2.450 euros de moins dans les poches des Allemands ». Le chiffre a conduit les conservateurs à réagir. Il est pourtant peu significatif, puisque que les taux sont naturellement soumis aux évolutions de la conjoncture et que c’est aussi la politique imposée par le gouvernement fédéral allemand à partir de 2010 qui a conduit à cette baisse des taux. Ce chiffre part d’un présupposé faux : le taux de 2010 serait un « taux naturel » qui n’existe pas. Mais il en faut plus aux politiques de la CDU et de la CSU pour se contrôler.

La BCE responsable de la montée d’AfD ?

Certes, on pourra encore une fois expliquer cette levée de boucliers outre-Rhin par le « traumatisme de l’hyperinflation des années 1920 », mais il existe également des raisons plus immédiates et concrètes. La première est évidemment politique. Wolfgang Schäuble en a apporté une preuve éclatante dans son discours de Kronberg en estimant que la politique monétaire de la BCE a contribué au succès du parti d’extrême-droite Alternative für Deutschland (AfD). « Mario Draghi peut être fier : la moitié du résultat électoral de l’AfD peut être le fruit de sa politique monétaire. » Une déclaration fort exagérée puisque chacun sait que la poussée d’AfD peut s’expliquer par la politique migratoire du gouvernement fédéral. Un exemple le prouvera. En juillet 2015, alors que les taux était déjà négatifs et l’assouplissement quantitatif lancé, AfD était à 3 % des intentions de vote. Deux mois plus tard, après l’annonce de l’ouverture des frontières, il était à 6 % et en novembre, lorsque la situation migratoire a échappé à tout contrôle, il est monté à 10 %. Il est aujourd’hui, selon les sondages, entre 12 % et 14 % et l’on a peu entendu parler de la BCE lors des campagnes électorales récentes qui ont conduit au succès de l’AfD en mars.

La BCE, bouc émissaire

En réalité, la BCE agit comme un bouc émissaire commode d’une classe politique allemande en désarroi devant la montée d’AfD. Accuser la BCE d’avoir contribué « pour moitié » à la montée de l’AfD, c’est, pour Wolfgang Schäuble se dédouaner à bon compte de ses responsabilités, non seulement dans le domaine migratoire, mais aussi dans la dégradation visible des infrastructures publiques et des services publics qu’ont généré sa politique budgétaire, mais aussi des conséquences sociales des « réformes structurelles ». Le débat sur la politique monétaire est donc une aubaine pour les Conservateurs allemands pour dissimuler leurs propres échecs et le risque politique qu’ils ont fait naître.

La question des retraités et la responsabilité de Wolfgang Schäuble

Mais si la CDU et la CSU sont vent debout, c’est aussi parce que l’électorat allemand vieillit très vite et que la politique de la BCE touche effectivement ceux qui épargnent pour préparer leur retraite. En critiquant la BCE, la droite allemande se présente en défenseur des retraités et elle tente ainsi d’empêcher l’AfD de progresser dans cet électorat. La réalité, ce n’est donc pas que la politique de la BCE est responsable de la poussée de l’AfD jusqu’ici, c’est qu’elle pourrait le devenir dans l’avenir, notamment parce que la presse conservatrice allemande n’hésite pas à jouer sur des « pertes » possibles pour les épargnants.

Mais là encore, les politiques allemands manquent le vrai sujet : si les taux sont bas ou négatifs, c’est parce qu’il existe de faibles perspectives d’inflation. Pourquoi rémunérer comme en 2010 les épargnants alors que les anticipations d’inflation sur 5 ans ont reculé d’un point ? Il faut donc redresser ces perspectives et si la BCE a recours à des méthodes très contestables comme l’approfondissement de sa politique de rachats d’actifs et de taux négatifs, c’est surtout parce qu’il n’y a pas d’usage du levier budgétaire. Or, c’est précisément Wolfgang Schäuble qui a refusé, lors du dernier sommet du G20, de recourir au levier budgétaire. Il a donc accepté ainsi d’isoler les banques centrales et a donc accepté de fait la politique actuelle de la BCE. Il a aussi renoncé à tout redressement des anticipations d’inflation, donc à des taux bas. Bref, on le voit là encore : la BCE est un excellent bouc émissaire pour dissimuler les erreurs de politique économique de l’Allemagne.

La fragilité du système financier allemand

Reste un dernier point, moins souvent évoqué : la fragilité du système financier allemand que la crise de la Deutsche Bank a encore récemment mis en lumière. La politique de la BCE met la pression sur ce système financier parce qu’il est obsédé par des rendements élevés qui sont naturellement trop élevés, et dans certains cas -assureurs- garantis. La faute n’en revient pas à la BCE, mais bien aux banques et assureurs allemands qui, compte tenu de la situation économique et financière aurait dû « déshabituer » les épargnants allemands à ces rendements. Le gouvernement fédéral, si prompt par ailleurs à faire la leçon au monde entier n’a pas jugé bon de réagir. C’est pourtant un problème majeur qui est à la source de l’excédent courant allemand, lui-même source d’un déséquilibre immense dans la zone euro. Si la politique de la BCE alimente des bulles, c’est que des banques entretiennent ces bulles par des promesses démesurées.

La BCE n’est donc pas seule en cause dans cette affaire et ceux qui poussent aujourd’hui des cris d’orfraies sont bien les responsables de leurs malheurs. Les banques allemandes devraient donc profiter de la situation actuelle pour encourager l’investissement en Allemagne et accepter des rendements plus faibles, mais plus utiles à l’économie. La critique de la BCE ne cache donc que le refus allemand de réformer un système économique intenable. Jadis, l’Allemagne accusait la France de critiquer la BCE pour ne pas vouloir se réformer. La même remarque, inversée, pourrait lui être retournée aujourd’hui.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 11/04/2016

Source: http://www.les-crises.fr/allemagne-la-bce-comme-bouc-emissaire-par-romaric-godin/


Les médias des États-Unis ont caché le rôle d’al-Qaïda en Syrie, par Gareth Porter

Saturday 16 April 2016 at 01:00

Source : Consortiumnews.com, le 23/03/2016

23 mars 2016

Lorsque les frappes aériennes russes ont débuté en Syrie, les médias des États-Unis ont affirmé mensongèrement que le président Poutine avait promis de frapper uniquement l’EIIL et avait attaqué à la place des rebelles « modérés ». Mais le secret gênant est que ces rebelles travaillaient avec al-Qaïda, écrit Gareth Porter.

Par Gareth Porter

Il y a eu un problème crucial dans la couverture médiatique de la guerre civile syrienne, c’est la façon de caractériser la relation entre l’opposition prétendument « modérée » armée par la CIA, d’une part, et la franchise d’al-Qaïda le Front al-Nosra (et son allié proche Ahrar al-Sham), d’autre part.

Mais c’est un sujet politiquement sensible pour les dirigeants des États-Unis, qui cherchent à renverser le gouvernement de Syrie sans avoir l’air de faire cause commune avec le mouvement responsable du 11 septembre, et le système de production de l’information a effectivement fonctionné pour empêcher les médias d’information d’en rendre compte de façon exacte et complète.

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Le président Barack Obama rencontre son équipe de sécurité nationale pour discuter de la situation en Syrie, dans la salle de crise de la Maison-Blanche, le 30 août 2013. De gauche à droite à la table : la conseillère en sécurité nationale Susan E. Rice, le procureur général Eric Holder, le secrétaire d’État John Kerry et le vice-président Joe Biden. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)

L’administration Obama a depuis longtemps dépeint les groupes d’opposition à qui elle a fourni des armes antichars comme étant indépendants du Front al-Nosra. En réalité, l’administration s’est appuyée sur la coopération proche de ces groupes « modérés » avec le Front al-Nosra pour exercer une pression sur le gouvernement syrien.

Les États-Unis et leurs alliés, en particulier l’Arabie saoudite et la Turquie, veulent que la guerre civile s’achève sur la dissolution du gouvernement du président syrien Bachar el-Assad, soutenu par les rivaux des États-Unis comme la Russie et l’Iran.

Étant donné que le Front al-Nosra a été créé par al-Qaïda et lui a confirmé sa loyauté, l’administration a désigné al-Nosra comme une organisation terroriste en 2013. Mais les États-Unis ont effectué très peu de frappes aériennes depuis, ce qui contraste avec l’autre rejeton d’al-Qaïda, l’État islamique ou EIIL (Daech), qui a été l’objet d’intenses attaques aériennes de la part des États-Unis et de ses alliés européens.

Les États-Unis sont restés silencieux à propos du rôle de leader du Front al-Nosra dans les efforts militaires contre Assad, dissimulant le fait que le succès d’al-Nosra au nord-ouest de la Syrie a été un élément clé de la stratégie diplomatique pour la Syrie du secrétaire d’État John Kerry.

Quand l’intervention russe en soutien au gouvernement syrien a commencé en septembre dernier, visant non seulement l’EIIL mais aussi le Front Nosra et les groupes alliés à lui soutenus par les États-Unis contre le régime d’Assad, l’administration Obama a immédiatement estimé que les frappes russes visaient des groupes « modérés » plutôt que l’EIIL, et a exigé que ces frappes cessent.

La volonté des médias d’information d’aller plus loin que la ligne officielle et de rendre compte de la vérité sur le terrain en Syrie a ainsi été mise à l’épreuve. Il a été bien documenté que ces groupes « modérés » avaient été intégrés en profondeur dans les campagnes militaires dirigées par le Front al-Nosra et Ahrar al-Sham sur le front principal de la guerre dans les provinces d’Idleb et d’Alep au nord-ouest de la Syrie.

Par exemple, une dépêche d’Alep de mai dernier dans Al Araby Al-Jadeed (Le Nouvel Arabe), un journal quotidien financé par la famille royale qatarienne, a révélé que chacune des dix factions « modérées » de la province, voire plus, soutenues par la CIA, avait rejoint Fatah Halab (Conquête d’Alep), le commandement tenu par al-Nosra. Officiellement, le commandement était dirigé par Ahrar al-Sham et le Front al-Nosra en était exclu.

Mais comme le journaliste d’Al Araby l’a expliqué, cette exclusion « signifie que l’opération a une plus grande chance de recevoir le soutien régional et international. » C’est une manière détournée de dire que l’exclusion supposée d’al-Nosra était un dispositif qui visait à faciliter l’approbation de l’administration Obama d’envoi de plus de missiles TOW aux « modérés » dans la province, parce que la Maison-Blanche ne pouvait pas soutenir de groupes travaillant directement avec une organisation terroriste.

Le Front al-Nosra était d’autant plus engagé qu’il permettait à des groupes « modérés » d’obtenir ces armes des États-Unis et de ses alliés saoudiens et turcs, parce que ces groupes étaient perçus comme trop faibles pour opérer indépendamment des forces djihadistes salafistes, et parce que certaines de ces armes seraient partagées avec le Front al-Nosra et Ahrar.

Après que le Front al-Nosra a été formellement identifié comme organisation terroriste dans le but d’obtenir un cessez-le-feu syrien et des négociations, il est pratiquement devenu clandestin dans les zones proches de la frontière turque.

Un journaliste qui habite au nord de la province d’Alep a dit à Al-Monitor que le front al-Nosra avait arrêté de battre son propre pavillon et dissimulait ses troupes sous celles d’Ahrar al Sham, qui avaient été acceptées aux discussions par les États-Unis. Cette manœuvre visait à soutenir l’argument que c’étaient les groupes « modérés » et pas al-Qaïda qui étaient visés par les frappes aériennes russes.

Mais un examen de la couverture des frappes aériennes russes et du rôle des groupes armés soutenus dans cette guerre par les États-Unis lors des toutes premières semaines dans les trois journaux les plus influents des États-Unis avec le plus de ressources pour rendre compte précisément du sujet, le New York Times, le Washington Post et le Wall Street Journal, révèle un schéma-type dans les articles, qui penchait fortement dans la direction désirée par l’administration Obama, soit en ignorant entièrement la subordination des groupes « modérés » au Front al-Nosra, soit en n’en faisant qu’une légère mention.

Dans un article du 1er octobre 2015, la correspondante du Washington Post à Beyrouth, Liz Sly, a écrit que les frappes aériennes russes étaient « conduites contre l’une des régions du pays où les rebelles modérés ont toujours un point d’ancrage et d’où l’État islamique a été éjecté il y a plus d’un an et demi. »

À sa décharge, Sly a précisé « Certaines des villes touchées sont des bastions de la coalition récemment formée Jaish al Fateh », dont elle a dit qu’elle comprenait le Front al-Nosra et « un assortiment d’islamistes et de factions modérées. » Ce qui manquait, cependant, c’était le fait que Jaish al Fateh n’était pas simplement une « coalition » mais une structure de commandement militaire, ce qui veut dire qu’il existait une relation bien plus étroite entre les « modérés » soutenus par les États-Unis et la franchise al-Qaïda.

Sly faisait spécifiquement référence à une attaque qui a touché un camp d’entraînement à la périphérie d’une ville de la province d’Idleb aux mains de Suqour al-Jabal, qui avait été armé par la CIA.

Mais les lecteurs ne pouvaient pas évaluer cette description sans le fait essentiel, rapporté dans la presse régionale, que Suqour al-Jabal était l’une des nombreuses organisations soutenues par la CIA qui avaient rejoint le Fatah Halab (« Conquête d’Alep »), le centre de commandement militaire d’Alep apparemment dirigé par Ahrar al Sham, l’allié le plus proche du Front al-Nosra, mais en fait sous le contrôle strict d’al-Nosra. L’article a ainsi communiqué la fausse impression que le groupe rebelle soutenu par la CIA était toujours indépendant du Front al-Nosra.

Un article de la correspondante du New York Times à Beyrouth Anne Barnard (cosigné par le pigiste du Times en Syrie Karam Shoumali, 13 octobre 2015) semblait s’écarter du sujet en traitant les groupes d’opposition soutenus par les États-Unis comme une partie dans la nouvelle guerre par procuration États-Unis/Russie, détournant ainsi l’attention de la question : le soutien de l’administration Obama aux groupes « modérés » contribuait-il ou non au pouvoir politico-militaire d’al-Qaïda en Syrie ?

Sous le titre « Les armes des États-Unis changent le conflit en Syrie en une guerre par procuration avec la Russie », on a appris que les groupes armés d’opposition venaient de recevoir de grosses livraisons de missiles antichars TOW, qui avaient forcément été approuvées par les États-Unis. En citant les déclarations confiantes des commandants rebelles à propos de l’efficacité des missiles et le bon moral des troupes rebelles, l’article suggérait qu’armer les modérés était un moyen pour les États-Unis de faire d’eux la force principale d’un camp d’une guerre opposant les États-Unis à la Russie en Syrie.

Vers la fin de l’article, cependant, Barnard a effectivement ébranlé ce thème de « guerre par procuration » en citant l’aveu des commandants des brigades soutenues par les États-Unis de leur « gênant mariage d’intérêt » avec la franchise al-Qaïda, « parce qu’ils ne peuvent pas opérer sans le consentement du plus grand et plus puissant Front al-Nosra. »

Faisant référence à la prise d’Idleb au printemps précédent par la coalition d’opposition, Barnard s’est souvenue que les missiles TOW avaient « joué un rôle majeur dans les avancées des insurgés qui ont finalement mis en danger la domination de M. Assad. » Mais elle a ajouté :

« Même si cela semblerait un développement bienvenu pour les décideurs politiques des États-Unis, en pratique cela présente un autre dilemme, étant donné que le Front al-Nosra était parmi les groupes bénéficiant d’une amélioration de leur force de frappe. »

Malheureusement, la remarque de Barnard, que les groupes soutenus par les États-Unis étaient profondément intégrés dans une structure militaire contrôlée par al-Qaïda, était enterrée à la fin d’un long texte, et pouvait donc facilement échapper à la lecture. Le gros titre et l’introduction en Une garantissaient que, pour la grande majorité des lecteurs, cette remarque serait noyée dans l’idée générale plus large de l’article.

Adam Entous du Wall Street Journal s’est approché du problème sous un angle différent mais avec le même résultat. Il a écrit un article le 5 octobre qui reflétait ce qu’il a qualifié de colère de la part des responsables des États-Unis parce que les Russes visaient délibérément les groupes d’opposition que la CIA avait soutenus.

Entous a rapporté que les dirigeants des États-Unis ont cru que le gouvernement syrien voulait que ces groupes soient visés à cause de leur détention de missiles TOW, qui avaient été le facteur clé dans la capture par l’opposition d’Idleb plus tôt cette année. Mais l’article ne reconnaissait nulle part le rôle des groupes soutenus par la CIA à l’intérieur de structures de commandement militaires dominées par le Front al-Nosra.

Un autre angle du problème était adopté dans un article du 12 octobre par le correspondant à Beyrouth du Journal, Raja Abdulrahim, qui a décrit l’offensive aérienne russe comme ayant stimulé les rebelles soutenus par les États-Unis et le Front al-Nosra à former un « front plus uni contre le régime d’Assad et ses alliés russes et iraniens. » Adbulrahim a ainsi admis la collaboration militaire étroite avec le Front al-Nosra, mais en a rejeté toute la faute sur l’offensive russe.

Et l’article a ignoré le fait que ces mêmes groupes d’opposition avaient déjà rejoint des accords de commandement militaire conjoint à Idleb et Alep plus tôt en 2015, en anticipation des victoires au nord-est de la Syrie.

L’image dans les médias de l’opposition armée soutenue par les États-Unis victime des attaques russes et opérant indépendamment du Front al-Nosra a persisté jusqu’au début 2016. Mais en février, les premières fissures de cette image sont apparues dans le Washington Post et le New York Times.

Rapportant les négociations entre le secrétaire d’État John Kerry et le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov sur un cessez-le-feu partiel qui a commencé le 12 février, la rédactrice en chef adjointe et correspondante principale de la sécurité nationale Karen DeYoung a écrit le 19 février qu’il y avait un problème non résolu : comment décider quelles organisations devaient être considérées comme des « groupes terroristes » dans l’accord de cessez-le-feu.

Dans ce contexte, a écrit DeYoung, « Jabhat al-Nosra, dont les forces sont entremêlées à des groupes rebelles modérés au Nord-Ouest près de la frontière turque, est particulièrement problématique. »

C’était la première fois qu’un organe de presse majeur rapportait que l’opposition armée soutenue par les États-Unis et les troupes du Front al-Nosra étaient « entremêlées » sur le terrain. Et dans la phrase juste après, DeYoung a lâché ce qui aurait dû être une bombe politique : elle a rapporté que Kerry avait proposé dans les négociations de Munich de « laisser Jabhat al-Nosra en dehors des limites des bombardements, dans le cadre du cessez-le-feu, au moins temporairement, le temps que les groupes puissent être triés. »

Au même moment, Kerry exigeait publiquement dans un discours à la conférence de Munich que la Russie interrompe ses attaques contre les « groupes d’opposition légitimes », comme condition pour un cessez-le-feu. La position de Kerry à la négociation reflétait le fait que les groupes de la CIA étaient certains d’être touchés par les frappes dans les régions contrôlées par le Front al-Nosra, tout autant que la réalité que le Front al-Nosra et Ahrar al-Sham liés à al-Qaïda étaient cruciaux pour le succès des efforts militaires appuyés par les États-Unis contre Assad.

À la fin, cependant, Lavrov a rejeté la proposition de protéger les cibles du Front al-Nosra des frappes aériennes russes, et Kerry a laissé tomber cette demande, permettant l’annonce conjointe des États-Unis et de la Russie d’un cessez-le-feu partiel le 22 février.

Jusqu’alors, des cartes de la guerre syrienne dans le Post et le Times identifiaient des zones de contrôle uniquement pour les « rebelles » sans montrer où les forces du Front al-Nosra avaient le contrôle. Mais le même jour que l’annonce, le New York Times a publié une carte « mise à jour » accompagnée d’un texte affirmant que le Front al-Nosra « est intégré dans la région d’Alep et au nord-ouest vers la frontière turque. »

Au briefing du département d’État le lendemain, les journalistes ont cuisiné le porte-parole Mark Toner sur l’éventualité du fait que les forces rebelles soutenues par les États-Unis soient « mélangées » avec des forces du Front al-Nosra à Alep et au nord. Après un très long échange sur le sujet, Toner a dit « Oui, je suis convaincu qu’il y a un mélange de ces groupes. »

Et il a continué, parlant au nom de l’International Syria Support Group, qui comprend tous les pays impliqués dans les négociations de paix en Syrie, dont les États-Unis et la Russie :

« Nous, le ISSG, avons été très clairs en disant que al-Nosra et Daech [EIIL] ne font partie d’aucune sorte de cessez-le-feu ou d’aucune sorte de cessation négociée des hostilités. Donc si vous traînez avec les mauvaises personnes, alors vous prenez cette décision. […] Vous choisissez avec qui vous sortez, et cela envoie un signal. »

Bien que j’ai montré l’importance de la déclaration (Truthout, 24 février 2016), aucun média principal n’a jugé opportun de rapporter cet aveu remarquable du porte-parole du département d’État. Toutefois, le département d’État a clairement alerté le Washington Post et le New York Times du fait que les relations entre les groupes soutenus par la CIA et le Front al-Nosra étaient bien plus étroites que ce qu’il avait admis par le passé.

Kerry a évidemment calculé que le fait que les groupes armés « modérés » soient prétendument indépendants du Front al-Nosra ouvrirait la porte à une attaque politique des Républicains et des médias s’ils étaient touchés par les frappes russes. Ce prétexte n’a donc plus été utile politiquement pour essayer d’obscurcir la réalité aux médias.

En fait, le département d’État a depuis semblé vouloir inciter autant que possible ces groupes à se détacher plus clairement du Front al-Nosra.

La confusion dans la couverture des trois principaux journaux sur les relations entre les groupes d’opposition soutenus par les États-Unis et la franchise al-Qaïda en Syrie montre ainsi comment les sources principales ont méprisé ou évité le fait que les groupes armés clients des États-Unis étaient étroitement interdépendants avec une branche d’al-Qaïda, jusqu’à ce qu’ils soient incités par les signaux des représentants des États-Unis à réviser leur ligne et fournir un portrait plus honnête de l’opposition armée en Syrie.

Gareth Porter, journaliste d’investigation indépendant et historien sur la politique de sécurité nationale des États-Unis, est le lauréat du prix de journalisme Gellhorn 2012. Son dernier livre est Manufactured Crisis: The Untold Story of the Iran Nuclear Scare, publié en 2014. [Cet article est paru à l’origine chez Fairness and Accuracy in Reporting.]

Source : Consortiumnews.com, le 23/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Source : Fairness & Accuracy In Reporting, le 21/03/2016

Par Gareth Porter

Un problème essentiel dans la couverture médiatique de la guerre civile syrienne a été de savoir comment qualifier les relations entre l’opposition soi-disant “modérée” armée par la CIA d’une part, et la filiale d’al-Qaïda le Front al-Nosra (et son proche allié Ahrar al Sham), d’autre part. Il s’agit d’un point important pour la politique étatsunienne qui cherche à renverser le gouvernement syrien sans se lier avec le mouvement responsable du 11 septembre, et le système médiatique a travaillé efficacement pour empêcher les médias d’aborder ce point et d’en parler de manière précise.

L’administration Obama a pendant longtemps déclaré que les groupes qui étaient armés avec du matériel antitank étaient indépendants du Front al-Nosra. En réalité le gouvernement comptait sur la coopération étroite de ces “modérés” avec le Front al-Nosra pour exercer une pression sur le gouvernement syrien. Les États-Unis et leurs alliés – en particulier l’Arabie saoudite et la Turquie – souhaitent que la guerre civile se termine par la destitution du président syrien Bachar el-Assad, qui est soutenu par des rivaux des Américains comme la Russie et l’Iran.

Le gouvernement a désigné le Front al-Nosra comme organisation terroriste en 2013, sachant qu’il a été créé par al-Qaïda et qu’il lui a confirmé son allégeance. Mais les États-Unis ont mené peu de raids aériens contre lui depuis, en comparaison de l’autre filiale d’al-Qaïda, l’État islamique ou ISIS (Daech) qui a fait l’objet de nombreux raids américains et européens. Les États-Unis sont restés silencieux sur le rôle prédominant qu’a eu le Front al-Nosra dans la guerre contre Assad, cachant même que le succès d’al-Nosra dans le Nord-Ouest a été un élément clef dans la stratégie diplomatique pour la Syrie du secrétaire d’État John Kerry.

Quand l’intervention russe pour soutenir le gouvernement syrien a commencé en septembre dernier, visant non seulement ISIS mais aussi le Front al-Nosra et leurs alliés soutenus par les Américains, le gouvernement Obama a immédiatement déclaré que les frappes russes visaient plus des groupes modérés qu’ISIS et a insisté sur le fait que ces attaques devaient cesser.

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New Arab (8 mai 2015). Notez que les Syriens “venus ensemble combattre Assad” le font sous commandement d’une filiale d’al-Qaïda.

La volonté des médias d’information d’aller au-delà de la version officielle et de raconter la vérité du terrain fut mise à l’épreuve. Beaucoup d’informations démontrent que ces groupes “modérés” ont été complètement intégrés au sein des campagnes militaires menées par le Front al-Nosra et Ahrar al Sham sur le principal front à Idleb et Alep au nord-ouest de la Syrie. Par exemple, une dépêche d’Alep en mai dernier dans Al Araby Al-Jadeed (The New Arab), un quotidien financé par la famille royale qatari, a révélé que chacune d’au moins dix factions “modérées” dans la province, soutenues par la CIA, avait rejoint la nébuleuse Nosra sous commandement Fatah Halab (Conquête d’Alep). Auparavant le commandement était dirigé par Ahrar al Sham et le Front al-Nosra en était exclu.

Mais comme le reporter d’Al Araby l’expliqua, cette exclusion “signifiait que l’opération avait de meilleures chances de recevoir de l’aide régionale ou internationale.” C’était un moyen détourné de dire que la prétendue exclusion d’al-Nosra était un stratagème destiné à faciliter l’approbation par l’administration Obama d’envois supplémentaires de missiles TOW aux “modérés” de la province, parce que la Maison-Blanche ne pouvait pas soutenir des groupes impliqués directement avec une organisation terroriste. Ou dit autrement, le Front al-Nosra permettait à ces groupes “modérés” d’obtenir ces armes des États-Unis et de ses alliés l’Arabie saoudite et la Turquie, parce qu’ils étaient perçus comme trop faibles pour agir de manière indépendante des forces salafistes djihadistes – et parce que certaines de ces armes seraient partagées avec le Front al-Nosra et Ahrar.

Apres que le Front al-Nosra a été formellement identifié comme organisation terroriste en préalable à la réunion de cessez-le-feu syrien, il se retira dans les environs de la frontière turque et s’y est fait discret. Un journaliste vivant dans une province au nord d’Alep écrivit dans l’Al Monitor que le front al-Nosra avait cessé de faire flotter son drapeau et cachait ses troupes parmi celles d’Ahrar al Sham, qui avait été accepté par les États-Unis comme participant aux négociations. Cette tactique avait pour but de propager l’idée que c’était les groupes “modérés” et non al-Qaïda qui étaient visés par les frappes aériennes russes.

Mais une analyse de la couverture médiatique des trois journaux américains les plus influents et disposant de suffisamment de moyens pour enquêter avec précision – le New York Times, le Washington Post et le Wall Street Journal – sur les cibles des raids aériens russes ainsi que du rôle des groupes armés soutenus par les Américains dans la guerre au cours des premières semaines met en évidence des articles qui allaient dans le sens souhaité par l’administration Obama, soit en ignorant le ralliement des “modérés” au Front al-Nosra soit en ne le mentionnant qu’à peine.

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Washington Post (1er octobre 2015)

Dans un article du premier octobre, la correspondante du Washington Post à Beyrouth, Liz Sly, a écrit que les frappes aériennes russes ont “été menées contre les quelques régions du pays où les rebelles modérés sont toujours implantés et desquelles l’État islamique a été expulsé il y a plus d’un an et demi.” A son crédit, Sly mentionne “Certaines des villes touchées sont des bastions de la coalition récemment formée Jaish al Fateh” qui, d’après elle, inclut le Front al-Nosra et “un mélange d’islamistes et de factions modérées.” Ce qui manque cependant, c’est le fait que Jaish al Fateh n’était pas seulement une “coalition” mais plutôt une structure de commandement militaire, impliquant une relation étroite entre les “modérés” soutenus par les Américains et la franchise d’al-Qaïda.

Sly fait directement référence à une attaque contre un camp d’entraînement aux abords de la ville d’Idleb, une province sous contrôle de Suquor al-Jabal, qui a été armé par la CIA. Mais aucun lecteur ne pouvait mettre cette déclaration dans son contexte sans la connaissance d’un fait essentiel, rapporté dans la presse régionale, que Suquor al-Jabal était l’une des nombreuses organisations soutenues par la CIA ayant rejoint Fatah Halab (“Conquête d’Alep”), le centre de commandement militaire d’Alep dirigé par Ahrar al Sham, un proche allié du Front al-Nosra, mais en fait sous contrôle strict de Nosra. L’article répandait l’idée fausse que les groupes de rebelles soutenus par la CIA étaient toujours indépendants du Front al-Nosra.

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New York Times (13 octobre 2015)

Un article de la correspondante du New York Times à Beyrouth Anne Barnard (coécrit par le correspondant local du Times en Syrie Karam Shoumali – 13 octobre 2015) semble déraper en considérant les groupes d’opposition soutenus par les États-Unis comme faisant partie de la guerre États-Unis/Russie par procuration, tout en éloignant l’attention sur le fait que le soutien de l’administration Obama aux groupes “modérés” contribuait au pouvoir politico-militaire d’al-Qaïda en Syrie. Sous le titre “L’armement américain est en train de transformer la Syrie en guerre par procuration avec la Russie,” il raconte comment des groupes d’opposition armée viennent de recevoir de grandes quantités de missiles antitanks TOW qui ont dû être approuvés par les États-Unis. Citant les déclarations pleines de confiance de commandants rebelles quant à l’efficacité des missiles et au moral des troupes rebelles, l’article suggère que l’armement des “modérés” était un moyen pour les États-Unis d’en faire la principale force d’une des facettes de la guerre qui oppose les États-Unis contre la Russie en Syrie.

A la fin de l’article, cependant, Barnard amoindrit en fait l’idée de guerre “par procuration” en citant [ce qu’admettent] les commandants des brigades soutenues par les États-Unis au sujet d’un “mariage de raison peu commode” avec la division al-Qaïda, “car ils ne peuvent rien faire sans le consentement du Front al-Nosra qui est bien plus fort et important.” En citant la capture d’Idleb au printemps précédent par la coalition d’opposition, Barnard rappelle que les missiles TOW ont “joué un rôle majeur dans l’avancée des insurgés qui a fini par menacer le pouvoir de M. Assad.” Mais elle ajoute :

Bien que ça semble une avancée heureuse de la politique américaine, dans les faits cela pose un autre dilemme, étant donné que le Front al-Nosra était parmi ceux qui ont bénéficié de cette formidable puissance de feu.

Malheureusement, l’idée de Barnard démontrant que les groupes soutenus par les Américains étaient profondément impliqués dans la structure militaire contrôlée par al-Qaïda se trouvant tout à la fin d’un long article, il était facile de passer à côté. Le titre et le chapeau faisaient en sorte, pour la majorité des lecteurs, de diluer cette idée dans l’article.

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Wall Street Journal (5 octobre 2015)

Adam Entous du Wall Street Journal prit le problème sous un angle différent mais obtint le même résultat. Il a écrit un article le 5 octobre que l’on peut résumer à la colère des responsables américains que les Russes ciblent délibérément les groupes d’opposition soutenus par la CIA. Entous continue en écrivant que les responsables américains étaient convaincus que le gouvernement syrien voulait que ces groupes soient expressément ciblés à cause de leur possession de missiles TOW, ce qui était un facteur déterminant dans la capture d’opposants à Idleb au début de cette année. Mais rien dans l’article ne traitait du rôle des groupes soutenus par le CIA au sein de la structure militaire dirigée par al-Nosra.

Un autre aspect du problème fut abordé dans un article du 12 octobre par le correspondant du journal à Beyrouth, Raja Abdulrahim, qui raconte que ce sont les raids aériens russes qui ont encouragé les rebelles soutenus par les États-Unis et le Front al-Nosra à former un “front plus uni face au régime d’Assad et ses alliés russes et iraniens.” Abdulrahim reconnaît ainsi la proche collaboration militaire avec le Front al-Nosra, mais en reporte la faute sur l’offensive russe. Et l’article ne traite pas du fait que ces mêmes groupes d’opposition avaient déjà uni leur commandement militaire à Idleb et Alep quelques mois plus tôt en 2015, en prévision de victoires dans le nord-est de la Syrie.

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L’image présentée dans les médias de l’armée d’opposition soutenue par les États-Unis opérant distinctivement du Front al-Nosra, et victime des attaques russes, a persisté au début de l’année 2016. Mais en février, les premières failles dans cette image sont apparues dans le Washington Post et le New York Times.

En rendant compte des négociations entre le secrétaire d’État John Kerry et le ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov concernant un cessez-le-feu débutant le 12 février, le rédacteur en chef adjoint au Washington Post et correspondant principal de la sécurité nationale Karen DeYoung a écrit le 19 février que le problème non résolu dans cet accord était de savoir comment décider quelles organisations devaient être considérées comme “groupes terroristes”. Ainsi, DeYoung écrit “Jabhat al-Nosra, dont les forces sont mélangées avec des groupes rebelles modérés dans le nord à proximité de la frontière turque, pose particulièrement problème.”

C’était la première fois qu’un média important racontait que l’opposition armée soutenue par les États-Unis et le Front al-Nosra étaient “mélangés” sur le terrain. Et dans la phrase suivante DeYoung lâche ce qui aurait dû être une bombe politique : Elle raconte que Kerry avait proposé aux négociations de Munich d'”exclure al-Nosra des bombardements, durant le cessez-le-feu, au moins temporairement, jusqu’à ce qu’on puisse faire le tri dans ces groupes.” Dans le même temps, Kerry demandait publiquement dans un discours à la conférence de Munich que la Russie cesse ses attaques sur “les groupes d’opposition légitimes” comme condition pour le cessez-le-feu. La position de Kerry reflétait le fait que les groupes [soutenus par] la CIA étaient sûrs d’être la cible de tirs lors des attaques dans les territoires contrôlés par le Front al-Nosra, ainsi que le fait que le front al-Nosra lié à al-Qaïda et Ahrar al Sham étaient essentiels au succès de l’action militaire soutenue par les États-Unis contre Assad.

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New York Times (22 février 2016). En légende, le Times décrit al-Nosra comme “un groupe rebelle lié à al-Qaïda”.

Finalement, Lavrov rejeta la proposition d’exclure les cibles Front al-Nosra des attaques aériennes russes et Kerry abandonna cette idée, permettant une annonce commune États-Unis/Russie d’un cessez-le-feu partiel le 22 février. Jusqu’à cet instant, les cartes de la guerre en Syrie dans le Post et le Times identifiaient les zones comme contrôlées uniquement par des “rebelles” sans montrer ce que les forces du Front al-Nosra contrôlaient. Mais le jour de cette annonce, le New York Times présenta une carte “mise à jour” accompagnée d’un texte expliquant que le Front al-Nosra “était présent dans les environs d’Alep et au nord vers la frontière turque.”

A la réunion du département d’État du lendemain, les journalistes ont harcelé le porte-parole Mark Toner pour savoir si les forces rebelles soutenues par les États-Unis étaient “mélangées” avec le Front al-Nosra à Alep et au nord. Après un long échange sur ce sujet, Toner a déclaré : “Oui, je crois que ces groupes sont imbriqués.” Et il a enchaîné en parlant au nom du International Syria Support Group qui inclut tous les pays impliqués dans le processus de paix en Syrie, en particulier les États-Unis et la Russie :

Nous, l’ISSG, avons été très clairs en disant qu’al-Nosra et Daesh [ISIS] ne sont pas inclus, en aucune façon, dans le cessez-le-feu et les négociations pour l’arrêt des hostilités. Alors si vous faites affaire avec ces mauvaises personnes, vous agissez en connaissance de cause… Vous choisissez avec qui vous vous impliquez, et ça envoie un signal.

Bien que j’aie déjà démontré l’importance de cette déclaration (Truthout, 24 février 2016), aucun média dominant n’a vu l’intérêt de révéler cette formidable confirmation de la part du porte-parole du département d’État. Quoi qu’il en soit, la CIA avait alerté de manière claire le Washington Post et le New York Times du fait que les relations entre les groupes soutenus par la CIA et le Front al-Nosra étaient bien plus proches qu’ils ne l’avaient admis dans le passé.

Kerry avait à l’évidence anticipé que si des groupes armés “modérés” indépendants du Front al-Nosra venaient à être touchés par les frappes aériennes russes cela servirait de prétexte pour une attaque politique de la part des Républicains et des médias. En fait, le département d’État semblait à présent intéressé par faire pression sur le plus grand nombre de groupes armés possibles afin qu’ils se démarquent de manière claire du Front al-Nosra.

Les contorsions et retournements dans la couverture par trois médias dominants de la question des relations entre les groupes de l’opposition soutenus par les États-Unis et la franchise d’al-Qaïda en Syrie reflètent la manière dont les grandes sources d’information ont méprisé ou évité clairement de parler du fait que les groupes armés par les États-Unis ont été étroitement liés à une branche d’al-Qaïda – jusqu’à ce que des signaux provenant des responsables américains les invitent à revoir leur ligne et à fournir une image plus honnête de l’opposition armée de la Syrie.

Gareth Porter, un journaliste d’investigation indépendant et historien de la politique américaine de sécurité nationale, a remporté le prix Gellhorn 2012 pour les journalistes. Son dernier livre est Manufactured Crisis: The Untold Story of the Iran Nuclear Scare, publié en 2014.

Source : Fairness & Accuracy In Reporting, le 21/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/les-medias-des-etats-unis-ont-cache-le-role-dal-qaida-en-syrie-par-gareth-porter/


[Entraide] Spécialiste UX, Libyens, Fil Associated Press, Wikipédia, La Haye

Friday 15 April 2016 at 19:00

Bonjour – d’importants appels à l’entraide aujourd’hui

Spécialiste UX

Après 3 ans, et le blog ayant pas mal évolué, il va être temps de refondre l’interface graphique du site.

Nous aurons le temps d’en discuter ici, mais nous aimerions commencer à travailler sur les grandes lignes, et nous nous demandions s’il y aurait parmi vous des spécialistes de l’eXpérience Utilisateur de sites Internet qui pourraient nous donner un coup de main…

Libyens

Nous cherchons à discuter avec des Libyens sur l’époque Kadhafi…

Abonnement Fil Associated Press

Nous cherchons un journaliste ayant accès au fil de l’Agence de presse AP (et à ses archives en fait)

Recherche à Paris

Nous aurions besoin d’une petite recherche assez simple sur un document d’archive à Paris – si quelqu’un pouvait aller le photographier (BNF je pense ou un ministère, à voir).

Wikipédia

Nous aurions besoin d’une personne habituée à rédiger des articles Wikipedia pour reprendre des articles traduits et participer à des discussions dessus…

La Haye

Nous cherchons une personne habitant La Haye (on en sait jamais…) pour une recherche.

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Contactez-nous ici en indiquant en objet le sujet sur lequel vous vous proposez…

Merci d’avance ! :)

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-cartographe-libyens-fil-associated-press-the-times-wikipedia-la-haye/