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[Conférence des Éconoclastes] L’Europe sociale n’aura pas lieu

Monday 11 April 2016 at 01:30

Voici la vidéo de la conférence des Éconoclastes du 15 mars à Paris

Ma présentation sur l’Union européenne est téléchargeable ici. Elle est basée sur cette série de billets du blog.

Source : Les Econoclastes, 31-03-2016

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Les Econoclastes donnaient mardi 15 mars leur deuxième conférence à Paris. Comme à leur habitude, les membres de cette communauté de spécialistes hétérodoxes avaient décidé de sortir le bazooka.

Mardi soir, ambiance explosive dans les locaux de l’école de commerce ISEG à Paris. Le collectif des Econoclastes donnait sa deuxième conférence dans la capitale. Il réunit des acteurs du monde économique venant d’horizons très divers. Une chose les rassemble : le désir de faire partager une vision différente. En ces temps de turbulences sur la planète finance, ils ont, durant deux heures, abordé des thèmes allant du maquillage des chiffres économiques à la politique européenne en passant par l’énergie et la crise syrienne. Le tout devant une salle comble.

«Les chiffres économiques sont manipulés»

«Je dis souvent que pour tondre un mouton, il faut éviter qu’il bouge.» Olivier Delamarche a attaqué fort. Le chroniqueur de BFM Business, connu pour son franc-parler, était accompagné de Pierre Sabatier, un autre intervenant de la chaîne. Tous deux ont ouvert le bal. Dans leur viseur ? Les chiffres officiels en matière d’économie.

Olivier Delamarche s’est notamment attaqué à un de ses sujets de prédilection : les chiffres de l’emploi américains. Autant dire qu’il n’est pas convaincu par le taux annoncé de 4,9% de chômage au mois de février. «Il y a 94 millions d’Américains en âge de travailler qui n’ont pas d’emploi. Je veux bien qu’ils ne rentrent pas dans les statistiques et qu’on ne les appelle pas des chômeurs mais le fait est qu’ils ne travaillent pas», a -t-il expliqué. Pour Pierre Sabatier, les Etats-Unis se trouvent «en fin de cycle».

Selon Olivier Delamarche, les créations d’emplois aux Etats-Unis concerneraient en majorité les plus de 50 ans pour des jobs précaires et mal rémunérés. «Vous n’allez pas me faire croire que si on ne paie pas les gens, ils consomment ?», a-t-il interrogé avec ironie.

Il aussi été question des programmes d’assouplissements quantitatifs (injections massives de liquidité par les banques centrales) et de leur influence sur l’économie. «Quand le type au fond de sa cave décide de faire fonctionner la planche à billets dans des proportions gigantesques cela a un impact conséquent sur l’économie et les prix», a souligné Pierre Sabatier.

La Syrie, une histoire de tuyaux… entre autres (Meilhan / Louvet)

Les deux comparses ont ensuite laissé la place à deux experts du pétrole. Nicolas Meilhan, conseiller en énergie et transport et Benjamin Louvet, responsable matières premières, ont notamment abordé les cas du pétrole de schiste aux Etats-Unis et de la crise en Syrie.

Sur le premier point, les deux spécialistes sont loin de croire à l’indépendance énergétique de l’Oncle Sam. Nicolas Meilhan a rappelé qu’ils restent «les premiers importateurs de pétrole au monde»; Benjamin Louvet a quant à lui souligné les problèmes financiers du secteur du pétrole de schiste de l’autre côté de l’Atlantique : «60% des entreprises ont une dette sept fois supérieure à leurs bénéfices.» Il a par ailleurs fait mention de plusieurs études selon lesquelles l’ensemble des réserves de schiste contenue sous le sol étasunien représente à peine deux ans de leur consommation.

Les experts de l’énergie ont également abordé le problème syrien sous un angle peu souvent évoqué dans les médias : celui de la guerre du gaz. Nicolas Meilhan a rappelé à l’assemblée la position géographique stratégique de la Syrie. Selon lui, le Qatar rêverait de faire passer un pipe-line sur son sol afin d’obtenir un débouché vers la Méditerranée. Les résistances de Bachar el-Assad et sa préférence pour un deal avec l’Iran aurait motivé Doha à soutenir la rébellion syrienne à coups de milliards de dollars.

Ce qui a fait dire à Benjamin Louvet que le conflit syrien «s’explique en partie par des histoires de gros tuyaux et de gaz», tout en soulignant la crainte saoudienne de voir un axe chiite se former au Moyen-Orient.

L’Europe sociale n’aura pas lieu (Béchade / Berruyer)

Philippe Béchade, président des Econoclastes et Olivier Berruyer, auteur du blog Les Crises, ont clos la soirée par un point sur l’Union européenne et sa politique sociale. Cette dernière partie a été lancée avec une vidéo retraçant les déclarations d’hommes politiques, de François Mitterrand à Manuel Valls, sur la nécessité d’une Europe sociale. De grands discours loin d’avoir été suivis d’effet pour les deux Econoclastes.

Philippe Béchade en a profité pour critiquer la chancelière allemande Angela Merkel, mise récemment en difficulté au niveau électoral. C’est surtout sa politique d’accueil des migrants qui exaspère le président du think-tank. Il a analysé cette décision comme une «volonté de faire venir de la main d’oeuvre à bas coût tout en profitant de la « marque » Allemagne et d’une monnaie sur mesure».

Olivier Berruyer s’est pour sa part intéressé aux recommandations de l’UE pour la France. Notamment en ce qui concerne les salaires qu’elle verrait bien plus flexibles en fonction de la santé économique de l’entreprise. Il a qualifié la loi El Khomri de transcription des directives de Bruxelles.

S’en est ensuite suivi un débat avec la communuté des Econoclastes où Olivier Berruyer s’est fendu de deux saillies qui ont bien fait rire l’audience. La première concernait l’ancien ministre de l’économie grec Yannis Varoufakis, à qui il reproche de ne pas remettre en cause les institutions européennes.

La seconde portait sur la monnaie unique. Le résultat d’une démarche aussi «bête» que de se mettre «en groupe pour acheter des chaussures parce que c’est moins cher» car, a-t-il expliqué, «tout le monde se retrouve avec du 39, le problème c’est que certains ont des gros pieds et les Grecs ont de très grands pieds».

Compte-rendu très largement inspiré de l’article publié par RT France suite à la conférence.

Source : Les Econoclastes, 31-03-2016

Source: http://www.les-crises.fr/conference-des-econoclastes-leurope-sociale-naura-pas-lieu/


Philippe Ignace Semmelweis, la vérité prématurée…

Monday 11 April 2016 at 00:10

Un hommage à tous ceux qui cherchent la vérité…

Source : La Recherche, Thierry Kubler, avril 2003

Vienne, 1846. Entre 20 % et 30 % des femmes meurent de fièvre puerpérale à l’hôpital, après leur accouchement. Un médecin hongrois refuse cette « fatalité » et ses recherches l’amènent à édicter les principes de l’asepsie. Une découverte qui le met au ban de la Faculté : Semmelweis a le tort d’avoir raison avant que Pasteur mette en lumière le rôle des microbes. Son raisonnement est scientifiquement imparable, pourtant personne ne peut entendre. Ne veut entendre ?

C’est l’histoire de la lettre volée, que conte Edgar Alan Poe, où Dupin le détective, armé de logique, ridiculise la police scientifique, encombrée d’appareils à sonder les murs et de microscopes. Déguisé en habitude, camouflé de bana-lité – objet de toutes les convoitises –, le pli est là, dans le bureau du suspect. Tout est toujours là, à portée de regard. Il suffit de bien voir. C’est l’histoire de ces évidences, tellement évidentes après coup. Si causes et effets voisinent, encore faut-il un regard pour les relier. Le vôtre, Philippe Ignace Semmelweis, était un regard à se faire arracher les yeux. Non content de chambouler les représentations en place, il foudroyait de mépris les mandarins qui refusaient ses lumières. Bien sûr, après votre mort, vous êtes devenu un exemple, mais pour rendre un juste hommage au drame de votre vie, il convient de le lire comme une pièce éternellement actuelle.

Le 27 février 1846, fraîchement diplômé d’obstétrique, vous êtes nommé assistant du professeur Klin, à Vienne. Par rotation de vingt-quatre heures, deux pavillons accueillent les femmes au terme de leur grossesse. Le professeur Bartch dirige le second, mais mauvaise pioche ? c’est de celui du professeur Klin que se dégage une horrible réputation, comme vous le notez dès votre entrée en fonctions : « Une femme est prise brusquement vers cinq heures de l’après-midi de douleurs dans la rue… Elle n’a pas de domicile, se hâte vers l’hôpital et comprend qu’elle arrive trop tard…, la voici suppliante, implorant qu’on la laisse entrer chez Bartch au nom de sa vie qu’elle demande pour ses autres enfants… On lui refuse cette faveur [1]. » Pas une Viennoise ne l’ignore : plutôt accoucher dans la rue que chez Klin ! Installée en long séjour à l’hôpital, la fièvre puerpérale entraîne immanquablement la mort.

Une vieille lune que cette « fièvre des accouchées », et qui fait la nique à toutes les commissions d’étude. En 1774, Louis XVI réunissait déjà à Paris le collège des médecins pour enrayer l’épidémie qui frappe l’Hôtel- Dieu. On supposa le lait empoisonné, et toutes les nourrices furent éloignées de Paris. Si la mesure n’enraya pas l’épidémie, elle ne l’aggrava point. Londres, Paris, Milan : régulièrement, des conclaves d’experts tentent de comprendre la fièvre puerpérale, et nous aurions mauvais esprit de railler avec condescendance leurs vains efforts. Au moins s’inscrivent-ils en faux contre l’ordre admis – implacable et supérieur – qui affecte principalement les femmes sans logis, les « filles mères » enfantant à l’hôpital. Dans la bonne société, on accouche à domicile… À Vienne, en cette année 1846, la mortalité post-natale frappe 31 % des femmes chez Klin et 16 % chez Bartch. « On meurt plus chez Klin que chez Bartch » : les faits sont indéniables, mais vous osez les dire à voix haute, Semmelweis ; vous proclamez vouloir les comprendre et, pis, les modifier. Plus que la fatalité, le coupable serait donc l’ignorance des hommes. Klin ne va pas être content, vous allez l’humilier… Et cela tombe mal, c’est votre supérieur hiérarchique, et c’est un fat.

On incriminait les phases de la Lune ou la vétusté des locaux, mais la Lune est la même pour Bartch ou Klin, et les bâtisses ont le même âge. Et puis la diète, la chaleur, le froid… Quand même, chez Bartch, ce sont des sages-femmes qui procèdent aux touchers des futures mères, alors que, chez Klin, cette tâche est dévolue aux étudiants en médecine. Une supposition attribuait les causes de la fièvre à une inflammation ; une rumeur incrimine les étudiants : moins doux que les sages-femmes, leurs examens provoqueraient des irritations à leurs patientes. Hypothèse, expérimentation : faisons donc passer les étudiants chez Bartch et accueillons les sages-femmes chez Klin. Observation : les taux élevés de mortalité suivent les étudiants. Conclusion de Semmelweis : les étudiants sont responsables de la fièvre puerpérale. Interprétation de Klin : ce sont les étudiants étrangers. Chassons-les ! Jeune Hongrois écrasé par la prétention autrichienne, vous vous fâchez tout rouge, Semmelweis ; vos jours chez Klin sont maintenant comptés ; à la prochaine incartade, ce sera la révocation. Et la fièvre puerpérale reprend sa ronde macabre, la clochette de l’aumônier distribuant l’extrême-onction retentit de plus belle. Aigrelette et pourtant sinistre. Déclenche-t-elle le fléau en angoissant les autres parturientes ? On l’affirme, on prie le prêtre d’officier sans clochette.

Obsédé par la fièvre, vous passez désormais jour et nuit à l’hôpital, multipliez les observations et tentez de tisser la vérité entre tant de faits. Les femmes qui accouchent dans la rue avant d’être transportées à l’hôpital semblent épargnées par l’« épidémie ». Étrange… Votre formation première est la chirurgie et, lors de vos études, vous notiez déjà : « Tout ce qui se fait ici me paraît bien inutile, les décès se succèdent avec simplicité. On continue à opérer, cependant, sans chercher à savoir vraiment pourquoi tel malade succombe plutôt qu’un autre dans des cas identiques. » Neuf interventions chirurgicales sur dix se soldent alors par la mort sur la table d’opération ou, moins enviable et tout aussi fatal, par le long calvaire des infections. « Pus bien lié », « pus de bonne nature », elles ravagent les blessés, et les chirurgiens en discutent doctement pour masquer leur ignorance. Nous sommes sous le règne de la génération spontanée et l’on ne connaît rien aux infections. Rageur, obstiné, vous vous attachez aux pas des étudiants, et vous remontent des souvenirs de cours d’anatomie pathologique. Dissections, autopsies, coupes de tissus cadavériques, vous vous souvenez des coupures mortelles que s’infligèrent certains de vos camarades avec des instruments maculés. Là encore, la mort, et pas d’explications. Bizarre… Alors, l’intuition pure ; venue d’on ne sait où, l’idée qui s’impose : demander aux étudiants qui examinent les femmes de se laver les mains. Que ressent-on à ce moment, Semmelweis ? Une fébrilité sans pareille, un trépignement intérieur où bouillonne l’envie d’éprouver sa prémonition ? Ce ne sera pas pour cette fois : Klin refuse tout net cette mesure que, dans la science de l’époque, rien ne motive. Indignation, altercation, révocation le lendemain, 20 octobre 1846. Écorché, vous filez deux mois à Venise apaiser vos nerfs aux jardins de pierre.

C’est de retour à Vienne que vous apprenez que Kolletchka, l’un de vos amis professeur d’anatomie, est mort des suites d’une coupure survenue lors d’une dissection : « Quand je connus tous les détails de la maladie qui l’avait tué, la notion d’identité de ce mal avec l’infection puerpérale […] s’imposa si brusquement à mon esprit, avec une clarté si éblouissante, que je cessai de chercher ailleurs depuis lors […]. Phlébite… Lymphangite… Péritonite… Pleurésie… Péricardite… Méningite… tout y était ! Voilà ce que je cherchais depuis toujours dans l’ombre, et rien que cela. » Ce sont des exsudats cadavériques qui ont causé la mort de Kolletchka, et « ce sont les doigts des étudiants, souillés au cours de récentes dissections, qui vont porter les fatales particules dans les organes génitaux des femmes enceintes, et surtout au niveau du col utérin ». L’histologie n’offre pas encore les moyens de repérer les « fatales particules » au microscope ; seule l’odeur permet de les distinguer : « Désodoriser les mains, tout le problème est là. » Les étudiants devront se laver les mains avec une solution de chlorure de chaux avant tout examen auprès d’une femme enceinte. Skoda, un médecin très influent auprès de la cour impériale, intercède pour que l’expérience soit tentée dans le pavillon de Bartch. La mortalité par fièvre puerpérale chute à 0,23 %…

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L’histoire pourrait s’arrêter là et intervenir le happy end, mais l’Histoire bafouille parfois, et, question bégaiement, vous avez été servi, Semmelweis ! Les étudiants et le personnel de l’hôpital, auxquels ont été imposées les ablutions à la chaux, protestent contre ces « lavages malsains ». Le professeur Klin intrigue furieusement pour discréditer son rival. Autant à Amsterdam qu’à Edimbourg et Londres, les éminents professeurs informés de cette nouvelle méthode la rejettent, avec dédain ou politesse. Pis, les rares qui l’expérimentent, comme Scanzoni à Prague, contestent ses résultats. À Vienne, seuls cinq médecins renommés, dont Skoda, soutiennent cette procédure révolutionnaire. Le scandale enfle, gagne toute la ville. Tous les jours dans votre hôpital, Semmelweis, malades et infirmiers vous insultent. Une bagarre éclate à l’Académie des sciences, où l’on débat. De votre méthode ou de votre cas ? Quoi qu’il en soit, c’en est trop : seconde révocation le 20 mars 1849 et interdiction de résider à Vienne. Aujourd’hui, les esprits vertueux s’indignent de cet acharnement qui vous frappa. Comme si, de nos jours, les passions idéologiques ne biaisaient plus les recherches. Comme avant – ni pire ni meilleur –, bêtise et méchanceté nouent leur sale alliance. Et, comme toujours, la vérité doit s’affubler chez les communicants pour se présenter dans le monde. C’est toujours la même histoire, Semmelweis. Terminons la vôtre, le sort s’acharne…

Vous vous réfugiez dans votre Budapest natale, juste après la révolution de décembre 1848 confirmant ainsi un talent certain à vous fourrer dans toutes les situations explosives !. Un temps chassés, les Autrichiens reviennent bien vite et corsètent encore plus le pays, poussant les années à venir dans les griffes de la misère. « Enfin, j’ai retrouvé notre meilleur ami vivant […]. Une grande mélancolie est marquée sur ses traits et, je le crains, pour toujours […]. Il ne m’a rien dit de sa gêne matérielle, trop évidente, hélas ! […] De ses travaux de Vienne, il continue à se taire », écrit l’un de vos anciens collègues à Skoda, votre protecteur viennois. Ce dernier use alors de son entregent pour vous recommander à un poste de premier assistant à la maternité de Pest. Vous n’allez même pas rendre au professeur de ce service la visite de courtoisie qui s’imposerait. Un autre Viennois, dont la mère fut épargnée par la fièvre puerpérale, aurait probablement qualifié votre état de dépressif ; plus aucun désir ne vous anime…

C’est alors qu’un jeune étudiant venu de Kiel vous raconte cette lugubre histoire : « J’étais l’élève du professeur Michaelis, le célèbre accoucheur de Kiel […]. Il s’est suicidé récemment dans des circonstances très particulières. Ayant récemment assisté une de ses cousines lors de son accouchement, celle-ci succombait peu de jours plus tard par infection puerpérale […]. Il ne devait pas tarder à se convaincre qu’il en était entièrement responsable, car dans les jours précédents il avait précisément soigné un certain nombre de femmes atteintes de fièvre puerpérale sans prendre ensuite aucune des précautions que vous aviez indiquées et qu’il connaissait depuis longtemps. » Ce messager de la mort vous procure un électrochoc salutaire et vous sollicitez un poste à l’hôpital de Budapest. Accordé, mais sous condition : pas question de reproduire les scandales de Vienne. Birley, le patron du service, brave homme un tantinet pleutre, a d’ailleurs son idée sur tout ce qui s’est passé : Klin ne purgeait pas méthodiquement ses patientes… Semmelweis, vous allez faire bonne mine et, pendant plus de quatre ans, rédiger en secret un livre essentiel : L’Étiologie de la fièvre puerpérale. Durant tout ce temps, vous désinfectez-vous les mains en catimini avant d’examiner vos patientes ? Vous essayez encore de correspondre avec de grands accoucheurs de l’étranger, qui ne prennent pas la peine de vous répondre. Quand Birley meurt, vous lui succédez.

« Lettre ouverte à tous les professeurs d’obstétrique », cette prise de fonctions s’effectue avec quelque éclat. Extraits : « Je voudrais bien que ma découverte se trouvât à être d’ordre physique, car on peut expliquer la lumière comme on veut, cela ne l’empêche pas d’éclairer, elle ne dépend en rien des physiciens. Ma découverte, hélas ! dépend des accoucheurs ! C’est tout dire… Assassins ! Je les appelle tous ceux qui s’élèvent contre les règles que j’ai prescrites pour éviter la fièvre puerpérale […]. Ce n’est pas les maisons d’accouchement qu’il faut fermer […], mais ce sont les accoucheurs qu’il convient d’en faire sortir, car ce sont eux qui se comportent comme de véritables épidémies. » Vous n’y allez pas avec le dos de la plume ! L’histoire va recommencer. Encore et encore plus violemment. La polémique explose à nouveau. Les cabales se nouent. L’un de vos étudiants file en France défendre votre cause auprès de l’Académie des sciences. La patrie de la Révolution saura bien reconnaître la vérité. Verdict de Dubois, le spécialiste parisien de l’obstétrique, sur la « théorie de Semmelweis » : « Peut-être contenait-elle quelques bons principes, mais son application minutieuse présentait de telles difficultés qu’il eût fallu, à Paris par exemple, mettre en quarantaine le personnel des hôpitaux pendant une grande partie de l’année, et cela d’ailleurs pour un résultat tout à fait problématique. » Maintenant, il ne vous reste plus que sept années à vivre, Philippe Ignace Semmelweis. Professeur « en disponibilité », vous ressassez l’imbécillité du monde, vous vous enfoncez en vous-même. En juillet 1865, vous déclamez le serment des sages-femmes à l’université de Budapest, votre équilibre nerveux vacille. Vous mourez le 16 août de cette année dans un asile d’aliénés.

Une dizaine d’années plus tard, les découvertes de Pasteur transforment votre vie en destin. Vous allez, post mortem, endosser la tunique du martyr suicidé par les systèmes établis. Louis- Ferdinand Destouches dit Céline, un autre teigneux, brillant et révolté, ne s’y trompera pas et vous consacrera sa thèse de médecine avant de bifurquer vers la littérature et, enfin, vibrionner dans le délire. L’université de Budapest porte votre nom ; des « Cours européens Semmelweis » enseignent la « stratégie glo-bale en hygiène hospitalière » et la stérilisation hospitalière. Bien sûr, tout cela… Semmelweis, aujourd’hui encore, combien d’évidences ne seront évidentes qu’après-demain ? Vous avez voulu améliorer la vie par les pratiques auxquelles vous amenait la logique, avant que la théorie ne vienne conforter vos expériences. Actuellement, ce sont les théories qui tendent à gouverner, et il faudrait que la pratique, la vie, se plie à leurs prédictions. Et, même si le niveau de nos techniques s’est diantrement élevé, je ne sais pas si nous avons vraiment changé. Mais bon, il se trouvera toujours un obstiné pour regarder autrement et refuser de rentrer dans le rang. C’est pour cela que j’aime bien votre histoire, Semmelweis, c’est tout de même celle de l’espoir. T. K.

Par Thierry Kubler
Source : La Recherche, Thierry Kubler, avril 2003
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Pour en savoir plus : La fiche de Philippe Semmerlweis sir Wikipédia, où vous apprendrez qu’en juillet 1865, Semmelweis fut victime de ce qui semblait être une dépression nerveuse, bien que quelques historiens modernes croient que les symptômes qu’il présentait montrent qu’il était atteint d’un début de maladie d’Alzheimer ou de démence sénile. Il fut alors interné dans un asile psychiatrique, où il mourut, deux semaines plus tard seulement. En effet, il devint violent au point de se faire battre par le personnel de l’asile ; si bien qu’il mourut de ses blessures quinze jours plus tard des suites de mauvais traitements… – ces sévices causèrent une septicémie avec de nombreux foyers infectieux, superficiels et profonds (gangrène au niveau du majeur de la main droite, pneumothorax et foyer infectieux du rein gauche).

26 - Semmelweis

Philippe Ignace Semmelweis

Philippe Ignace Semmelweis

Le premier qui dit, se trouve toujours sacrifié
D’abord on le tue, puis on s’habitue
On lui coupe la langue, on le dit fou à lier
Après sans problème, parle le deuxième
R
Le premier qui dit la vérité
Il doit être exécuté
Le premier qui dit la vérité
Il doit être exécuté

(Paroles)

Source: http://www.les-crises.fr/philippe-ignace-semmelweis-la-verite-prematuree/


#PanamaPapers : le « journalisme d’investigation » du Ctrl+F, par Viktor Dedaj

Sunday 10 April 2016 at 04:34

C’est vrai qu’on peut se demander si ce micmac est encore du “journalisme” – n’est-ce pas d’abord le rôle de la justice ?

Source : Le Grand Soir, Viktor Dedaj, 04-04-2016

arton30186-f6174Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez réussi à lacer vos chaussures sans assistance ? Peut-être pas, mais vous avez sûrement sautillé sur place avec fierté, abordé tout adulte présent dans le périmètre pour lui faire constater de visu l’exploit. Plus débrouillard, vous auriez sans doute appelé un huissier pour immortaliser ce grand moment. Et même si les versions divergent, les Anciens qui ont connu cet épisode sont unanimes au moins sur un point : vous étiez drôlement mignon.

Connaissiez-vous le Consortium International des Journalistes d’Investigation ? Avouez que vous n’en aviez jamais entendu parler avant. Et pourtant, il existe depuis 1997. Basé aux Etats-Unis (à Washington – quelle meilleure base arrière pour faire des enquêtes et lancer des alertes ?), le Consortium affiche une liste de médias plus prestititigieux les uns que les autres, véritable « dream team » de la presse libre : El Pais, El Mundo, le Monde, Le New York Times, Le Washington Post, BBC, The Guardian, El Nacion… et j’en passe, d’un peu partout dans le monde.

Ah la la… On se souviendra avec émotion du travail inoubliable accompli par ce Consortium du Monde Libre (*). Leur travail sur les attentats du 11 Septembre 2001 – un modèle du genre. Leur ténacité sur les armes de destruction massive en Irak – un bijou. Leur longues enquêtes sur la plus féroce et longue « tentative de crime humanitaire du 20ème siècle », et qui perdure, à savoir la tentative de blocus des Etats-Unis contre Cuba… Leur détermination à révéler les origines et relations de l’Etat Islamique – j’en pleure encore. Ah, sans oublier leur couverture des nazis en Ukraine, des charniers en Colombie, des cartels de la drogue au Mexique (où, entre 1997 et février 2016, on compte un peu plus de 200 journalistes assassinés), des tentatives de coups d’état au Venezuela… bref, la liste est tellement longue.

Depuis hier, le Consortium est en surchauffe et en mode auto-congratulation maximum car voici qu’on nous annonce la plus grande révélation de tous les temps (graphiques à l’appui). Certes, certains médias français ont encore du mal à cracher le nom de leur patron présent dans la liste (Rappel : il s’appelle Drahi), mais bon, ne faisons pas la fine-bouche.

Pour le reste, j’ai noté la présence de personnalités plus ou moins déjà « grillées » (une sorte de confirmation, dirons-nous) et – sans surprise, avouons-le – quelques chefs d’état qui n’étaient déjà pas en odeur de sainteté sous nos latitudes (je trouve qu’il manque un peu de Front National pour boucler la boucle).

Permettez-moi de rendre un hommage appuyé à ces guerriers de l’information car il en faut du professionnalisme et de l’abnégation pour :

1 – soulever son cul de sa chaise
2 – ouvrir une enveloppe trouvée dans son casier
3 – sortir la clé USB
4 – la connecter à son ordinateur
5 – décompresser (probablement) les fichiers et
6 – lancer une recherche (Ctrl+F) sur des Giga Octets de données histoire de voir qui c’est qu’on y trouve.

Yep. Du grand travail d’ « investigation ». Du même niveau que celui que nous déployions pour trouver des œufs de Pâques cachés dans le jardin – et encore.

Remarquons que tous les commentateurs prennent soin de préciser que « toutes ces transactions/comptes » ne sont pas forcément « illégaux », et même loin de là (sauf évidemment, dans le cas des premiers noms lâchés dans la nature, cela va de soi). Et prévenir qu’il n’y a pas obligatoirement de l’illégalité dans l’air ni de blanchiment en cause permet de laisser la porte ouverte à toute découverte un peu malencontreuse et inopinée (la présence d’un copain, quoi… Drahi, tu nous entends ?).

Ils tentent de nous la jouer « super wikileaks » mais pendant ce temps, d’autres lanceurs d’alerte croupissent dans les prisons US (Chelsea Manning ?), ou ont été obligés de fuir (Edward Snowden) ou se réfugier dans une ambassade compréhensive (Julian Assange ? (**) ) et tous ont été lâchés, trahis et enterrés par ces mêmes médias une fois leur os rongé. Et je ne cite que les 3 noms les plus connus.

Non. Le Consortium préfère chasser des œufs de Pâques déposés par d’autres et nous les montrer en poussant de petits piaillements de joie. On verra – un signe qui ne trompe pas – combien de ces journalistes connaîtront des « problèmes ». Car, au cas où ils ne l’auraient pas remarqué, le système se défend lorsqu’il se sent menacé. Alors autant les prévenir : l’ambassade de l’Equateur à Londres affiche complet depuis 4 ans.

Viktor Dedaj
« encore un effort pour vous racheter les gars »

(*) A quoi vous attendiez-vous ? La fuite est gérée par un organisme qui porte le nom grandiose, mais qui prête à rire quand on connait l’oiseau, de « Consortium international des journalistes d’investigation ». Il est entièrement financé et géré par le Centre des États-Unis pour l’intégrité publique. Leurs bailleurs de fonds comprennent :

– La fondation Ford
– La fondation Carnegie
– La fondation de la famille Rockefeller
– La Fondation W K Kellogg
– La Fondation pour une société ouverte (Soros)

Le Consortium International des journalistes d’investigation (ICIJ) fait partie du Projet de rapport sur le crime organisé et la corruption (OCCRP) qui est financé par le gouvernement américain à travers l’USAID. cf : http://www.legrandsoir.info/les-panamapapers-sont-un-moyen-de-chantage…

(**) Le cas de Julian Assange étant à lui seul révélateur de la médiocrité de ces pseudo-investigateurs. Faut-il leur rappeler – combien de fois encore ? – que ce dernier n’a violé aucune loi (laquelle, au fait ?), et qu’il n’est pas poursuivi pour viol ou violences sexuelles par la Suède – mais a été « convoqué » par une procureure suédoise qui veut absolumentl’interroger sur le sol suédois (pas sur place, à Londres, ni via une vidéo-conférence, comme proposé). Sur le sol suédois où il existe un accord d’extradition de « témoins » avec les Etats-Unis. Les Etats-Unis, où un Grand-Jury a déjà été constitué pour régler le compte à quelqu’un qui n’a violé (on tourne en rond) aucune loi couverte par une juridiction US…

Source : Le Grand Soir, Viktor Dedaj, 04-04-2016

Source: http://www.les-crises.fr/panamapapers-le-journalisme-dinvestigation-du-ctrlf-par-viktor-dedaj/


[Actu’Ukraine] Une Française dans le Donbass

Sunday 10 April 2016 at 00:34

Article de Catalina.B, lectrice du blog, qui est partie dans le Donbass…

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Nous sommes nombreux à nous intéresser au Donbass. Il nous est bien sûr difficile de nous imaginer la vie sur place c’est pourquoi j’ai fait le voyage. Bien que je n’ai pas pu, parce que je ne parle pas russe, mettre en oeuvre mes projets humanitaires, je vous restitue des éléments de la vie quotidienne, celle dont on ne parle pas dans les médias. J’ai mis en lien  des articles de L.Brayard-journaliste français, écrivain et historien,  résident du Donbass que j’ai rencontré à Donetsk-ainsi que ses photographies qu’il a généreusement partagé avec moi, n’ayant pas les deux accréditations(presse et militaire)  nécessaires pour faire moi-même des photos et des entretiens.

Voici donc mon expérience, Donetsk vu par une Française, ne parlant pas le russe, je ne peux restituer ici que mon propre ressenti, amputé de relations sociales plus approfondies avec les gens du Donbass. J’espère qu’il vous apportera quelquechose, c’est tout ce que je souhaite à cet article.

Séjour d’un mois  à Donetsk, Février 2016

Les images les plus marquantes dès la frontière Russie-Donbass passée sont les énormes plots de ciment, que je suppose anti chars tellement ils sont imposants. On ne peut qu’imaginer à quoi ils sont promis et la réalité de la guerre explose aux alentours. Les impacts des tirs sur les arbres et les nombreuses tombes, toutes fleuries, parlent de deuils, de destructions, de souffrances.

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Photo L.Brayard

En regardant mieux, depuis le minibus-taxi qui nous emmène brinquebalant sur les routes défoncées, je discerne des maisons détruites au milieu d’autres. Pourquoi cette maison-ci et pas une autre ?

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Photo L.Brayard

En effet, pas de cible stratégique dans ces villages perdus dans la steppe où les gens restent parfois malgré les tirs quotidiens parce qu’ils n’ont nulle part où aller.

Ces gens qui semblent oubliés de tous. Qui se terrent dans les caves la nuit venue, et qui vivent, le jour, sous la menace proche des canons de l’armée ukrainienne.

En complément : Les enfants dans les caves du Donbass

Tous les jours les tirs résonnent dans la ville de Donetsk. Ces tirs qui pilonnent des villages dans la périphérie, déjà en partie détruits. Des tirs qui n’épargnent personne, ni aucun bâtiment, serait-ce une école.

Vidéo de L. Brayard, sans sous-titre mais suffisamment éloquente

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“on a connu le nazisme il y a 70 ans et ça recommence ?” (Photo L. Brayard)

A Donetsk, J’ai fait cet enregistrement depuis mon hôtel. Comme vous l’entendez, l’armée pilonne les villages dans la périphérie.
<<<Vidéo MVI_1763.AVI>>>

Situation de mon hôtel à Donetsk : Google Maps.

Les gens souvent démunis reconstruisent avec ce qu’ils ont. Là, on se sert de tapis pour recouvrir les toits.

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Explosions des fenêtres à cause des bombardements. Beaucoup de gens sont blessés s’ils sont à proximité.
Photos L. Brayard

A Donetsk, la vie suit son cours sous le bruit journalier des canons. Il y a des soldats dans les rues, des contrôles sur les grands axes, les banques sont fermées ainsi que les mac do et autres grand magasins.
Les universités sont ouvertes et c’est avec plaisir que je croise de nombreux étudiants.
Dans les rues, les gens vaquent à leurs occupations. La ville est très bien entretenue, très propre, il y a des poubelles partout et des agents d’entretien s’occupent des nombreux jardins disséminés dans la ville.
A Donetsk, on peut contempler des chefs d’oeuvres de la ferronnerie d’art.

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Photo Catalina

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Une belle ville (Photo L. Brayard)

Les bus qui n’ont jamais cessé de fonctionner sont bondés au petit matin. La ville vit comme toutes les grandes villes même si beaucoup d’entreprises ont fermé.
Insolite, le comportement des gens est très confiant, ainsi, dans le bus, si vous ne pouvez pas composter, vous donnez votre ticket à quelqu’un qui le donnera à une autre personne jusqu’à le compostage et il vous revient, idem avec l’argent, on se le passe jusqu’au chauffeur. Autre chose de bien différent de chez nous est que les hommes même jeunes laissent toujours la place assise aux femmes.

Les hôpitaux fonctionnent malgré les manques de moyens. La Russie essayant au mieux de pallier au manque de fournitures médicales. J’ai eu l’occasion de visiter un hôpital et j’ai eu l’impression de me retrouver 20 ans en arrière : peintures décrépies, murs défoncés, bois de portes vermoulus. Les problèmes de corruption de l’Ukraine sont pires aujourd’hui mais étaient déjà énormes avant le Maidan. Sur 17,5 milliards créés par le Donbass en richesse, seulement 6 milliards lui revenait. Ce qui explique l’état de délabrement de certaines structures hospitalières. Dans cet hôpital et dans d’autres, il nous faut honorer le personnel qui a parfois travaillé sans salaire plusieurs mois d’affilée avec un courage inégalable.

En me promenant je croise parfois des gens très pauvres qui font la manche. La vie ici est difficile, L’Ukraine ayant décidé de ne plus verser les pensions.

En complément : Ukraine : centre infernal d’un monde en décomposition par Kevin Queral (son site)

La Russie a pris le relais mais ne peut donner la totalité des salaires ou autres prestations. Elle aide comme elle peut le Donbass en accueillant des enfants pour des soins et en affrétant de nombreux convois humanitaires. Sur la ligne de front, la vie est plus que dramatique. En attendant l’instruction de leur demande de pension, beaucoup de familles n’ont pratiquement rien et bénéficient juste d’une aide financière ponctuelle et de produits distribués par des associations.

En complément : Plus de 60 000 tonnes d’aide humanitaire délivrée au Donbass par la Russie depuis Aout 2014

En complément : Sébastien Hairon lance un appel pour un hôpital de Donetsk

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Photos Catalina

Laurent Brayard journaliste et humanitaire prévoit toujours d’avoir de l’argent à donner aux plus nécessiteux.

En complément : “Veuves de guerre du Donbass, aux portes du malheur.”

En complément : Spartak, une mission humanitaire pour les civils sous les obus ukrainiens

En me promenant dans Donetsk, je croise des mamans avec leurs bambins, au loin, le bruit des tirs résonne et je ne peux m’empêcher de penser à ces petiots et à leur ressenti. Moi qui ne vis pas ici, j’en rêve la nuit et eux, quels sont leurs rêves?
A aucun moment dans mes conversations avec des gens d’ici, ils ne parlent de vengeance, ou simplement de haine. Bien que des jeunes-femmes m’aient montré leurs photos en tenue de soldats, elles n’ajoutent pas de commentaire, seulement qu’elles aimeraient que la paix revienne.
Le Donbass se reconstruit malgré les incessantes attaques de l’armée de Kiev. Il s’évertue à contrer la guerre en organisant de nombreuses manifestations culturelles.

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Photos L. Brayard

En complément : Un concert pour les enfants ayant perdu leurs maisons bombardées par les Ukrainiens.

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Donetsk à Noël (Photo L. Brayard)

Accords de Minsk et OSCE

Le Donbass respecte le cessez-le-feu. Il y a malgré tout des combats initiés par l’armée ukrainienne qui tente de percer la ligne de front et qui continue malgré les accords de Minsk à avancer et utiliser des armes interdites.

OSCE/Donbass : Plus de 600 observateurs déployés. Octobre 2015.

Rapport de situation de Lougansk : L’Ukraine empêche l’OSCE de travailler et tente de fermer les points de passage avec la RPL – 14 mars 2016.

Violation du cessez-le-feu par l’Armée ukrainienne le 16 Oct 2015.

Depuis le début des accords, l’armée ukrainienne n’a jamais respecté le cessez-le-feu. Elle bombarde, pille les villages et les fôrêts et continue à tuer. Les problèmes à l’intérieur même de l’armée ukrainienne vont en s’amplifiant, les conditions de vie déplorables étant en partie une des raisons de ces problèmes. D’autres sont liés à l’abus d’alcool et des mésententes entre bataillons ultranationalistes et soldats de l’armée régulière.

Le pillage des réserves forestières du Donbass par l’Ukraine.

Pillages systématiques (pogroms) du Donbass par l’armée de Kiev – Reportage d’une TV ukrainienne (Kiev).

Ukraine : délabrement et alcoolisme dans les forces armées [VOSTFR]

La situation militaire

Rapports de situation de Lougansk et de Donetsk : ici et .

“C’est inimaginable ce qu’ils font, les Ukrainiens. Ils tirent sur les enfants allant à l’école, les adultes partant travailler…. C’est pareil le jour comme la nuit.”
Novorossia

Les milices du Donbass surveillent les points stratégiques sur la ligne de contact, elles repoussent les essais de percées ukrainiens.
Bien souvent terrées dans les tranchées, elles sécurisent la région du mieux quelles le peuvent et parfois, à l’intérieur même des villages ciblés par l’armée ukrainienne.

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Photo L. Bravard

Situation politique.

Les réunions au format Normandie n’ont aucun impact sur le cessez-le-feu.

DniPress : Rapport de situation de Donetsk : Les FAU se préparent pour des combats en milieu urbain – 20 mars 2016.

Le président ukrainien semble ne pas avoir suffisamment d’autorité pour contraindre son armée à l’arrêt des hostilités.
La présence de l’OCSE n’a pas l’air d’avoir quelque incidence sur la situation.
Avec leur humour particulier, les opticiens du Donbass ont offert 80% de réduction aux gens de l’OSCE.
Deux délégations étrangères à caractère d’investigation sont allées dans le Donbass, il s’agit de la délégation tchèque et d’une délégation française.

BlogSpot Gaideclin : Jacques Clostermann : ” Demain, les combattants français dans le Donbass seront connus “.

DniPress : La délégation tchèque est arrivée en RPD pour apprécier les besoins humanitaires.

Article Facebook : A Genève, s’est ouverte la conférence des Nations Unies sur la tragédie d’Odessa de mai 2014 : dans la maison des syndicats des nationalistes ukrainiens (nazis)ont tué des dizaines de personnes, brûlant vives de nombreuses personnes.

Sur la ligne de front, la situation perdure avec des attaques quotidiennes, des exactions auprès des villageois, des pillages.
Le Donbass lui se reconstruit.

DniNews : Environ 40 entreprises de la République Populaire de Lugansk rétablies depuis le début de 2016.

L’avenir

Les enfants rêvent de paix, de reconstructions.

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Photos L. Bravard

Espoir de la nouvelle république

” L’autodétermination des peuples à décider pour eux-mêmes ”

DniPress : La distribution des passeports de la RPD a commencé à Donetsk le 16 mars 2016.

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Photo L. Bravard

La guerre

La guerre c’est aussi cette jeune maman qui s’est jeté sur son fils dans le bus ciblé par les tirs pour le protéger et qui a perdu un bras.

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Cette autre jolie jeune femme qui en plus a perdu son mari et son petit garçon.

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ou encore cette autre jolie femme qui a perdu une jambe…

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Photos L. Bravard

En conclusion

Des milliers de personnes dans la tourmente, des milliers de personnes en exode, des centaines de personnes mutilées pour toujours, des dizaines de vies d’enfants, perdues à jamais, des milliers de vies menacées par le choix d’absence de diplomatie du gouvernement de l’Ukraine qui refuse toute discussion avec le Donbass et lui impose ses troupes armées.

Le silence de l’ue sur cette tragédie et sa participation puisqu’elle ne met pas la pression sur le président pour qu’il respecte les accords de Minsk et qu’elle continue malgré tout à négocier avec l’Ukraine son éventuelle entrée dans l’union. Sans compter l’argent qu’elle lui prête alors que l’Ukraine ne fait pas partie de l’ue. En comparaison avec ce qu’impose l’UE à la Grèce, on est en droit de se poser des questions.

En complément : Rapport de presse Europa.

Le silence sans étonnement des chiens de garde qui doivent être occupés à ronger d’autres os tous aussi sanglants. Et le pire, cacher ces nazis qu’on ne saurait voir.

J’espère que ces petiots seront encore là dans 5 ans….

Catalina.B pour www.les-crises.fr, avril 2016

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Source: https://www.les-crises.fr/actuukraine-une-francaise-dans-le-donbass/


Justine Brabant : « Le conflit au Congo n’est pas oublié, il est mal regardé »

Sunday 10 April 2016 at 00:01

Je vous recommande ce livre de Justine Brabant sur un conflit qui fait hélas rarement la une des médias…

Source : RFI, Florence Morice, 12-03-2016Capture d’écran 2016-03-14 à 23.10.40

Qui sont les hommes et les femmes qui se battent parfois depuis des décennies dans l’est de la République du Congo… Pourquoi se battent-ils ? Comment sont-ils organisés, de quoi ont-ils peur, à quoi rêvent-ils lorsqu’ils ne sont pas en train de se battre ? Les réponses à ces questions, Justine Brabant est allée les chercher, pendant trois ans, sur les sentiers du Kivu, province de l’est du Congo. Le résultat, c’est un livre qui vient de sortir, intitulé Qu’on nous laisse combattre et la guerre finira. Justine Brabant en parle au micro de Florence Morice.

RFI: A propos de la situation dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), vous écrivez dans votre livre « Ce n‘est pas un conflit oublié, mais c’est un conflit mal regardé ». Qu’entendez-vous par là ?

Justine Brabant: J’ai longtemps cru que le Congo, on l’avait un peu oublié. En creusant, je me suis rendue compte qu’il n’était pas, à mon sens, oublié parce que dans la presse française, on en parle souvent. J’ajoute également que cette question des sept millions de morts qu’on utilise souvent pour dire « voilà, c’est un conflit oublié, la preuve il y a sept millions de morts et on n’en parle pas assez », c’est en fait un chiffre un petit peu exagéré.

Et finalement vous le remettez en cause dans votre ouvrage ?

Voilà. C’est quelque chose d’un peu contestable et aujourd’hui, les humanitaires s’accordent à dire, sur le bilan chiffré des morts au Congo, qu’il y en aurait plusieurs millions. Donc, conflit pas oublié mais, à mon sens, mal regardé parce que parfois on a tendance à le regarder avec des automatismes qui marchent sur toute l’Afrique, comme par exemple, le prisme du conflit ethnique. Cependant, si l’on raisonne uniquement avec des questions de conflits ethniques, on peut comprendre que certains groupes s’affrontent, mais on ne comprend pas pourquoi, dans un premier temps, ils ont commencé à s’affronter.

Justement vous, pour comprendre cela, vous allez à la rencontre de combattants ou de chefs de guerre congolais pour leur poser la question. Qu’est-ce qu’on vous répond ?

Il y en a beaucoup qui commencent à se décrire en des traits qui sont très surprenants, comme par exemple « résistants » aux invasions menées par des mouvements rebelles venus du Rwanda à l’époque, comme le RCD [Rassemblement congolais pour la démocratie]. D’autres qui se décrivent en « patriotes » ou encore en « protecteurs de leur village », ou « protecteurs d’un Congo » qu’ils jugent menacé par des agressions extérieures.

Vous vous inscrivez donc en faux contre cette image répandue de rebelles sanguinaires qui passent leur temps à piller et à violer. Malgré tout, des exactions sont commises par des groupes armés à l’est de la RDC. Ne craigniez-vous pas qu’on vous accuse d’angélisme ?

Il me semble que j’explique clairement, dans ce livre, le dilemme qu’on a quand on se rend au Congo parce qu’en fait, on sait et on a lu les rapports. Seulement, quand on arrive sur place, on ne se trouve pas face à des gens qui ont l’air de venir de tuer ou de violer des centaines de personnes. J’ai donc considéré que mon travail de journaliste et de chercheuse consistait à raconter ce que j’ai vu et à décrire, avec autant d’honnêteté que possible, ce dilemme parfois très compliqué à gérer entre ce que l’on sait que les gens ont fait et les personnes qui se présentent à nous qui, souvent, s’expriment en des termes très simples et peuvent même paraître parfois sympathiques.

Parce que finalement à vous lire, on comprend que combattre, pour beaucoup d’entre eux, ce n’est pas forcément un choix mais un engrenage. Quel est l’exemple qui vous a le plus surpris ?

C’était quelqu’un qui était hébergé dans la plaine de la Ruzizi, peu après le génocide au Rwanda, et qui a vu arriver des réfugiés au Congo, et notamment des réfugiés [qui deviendront par la suite les FDLR, les Forces démocratiques de libération du Rwanda]. Dans la suite de ces réfugiés, il y a eu des gens qu’il a vus comme des agresseurs et qui étaient des gens de l’AFDL [Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo] qui ont renversé Mobutu et qui ont installé Kabila au pouvoir.

Quand il a vu arriver ces gens, la première chose qu’on lui a fait, c’est qu’on lui a pris ses vaches. Et lui, en tant que berger, sa vache c’était l’essentiel de sa vie, l’essentiel de son revenu. Alors au début, il a tout simplement pris des flèches ou ce qui lui tombait sous la main et il a rassemblé quelques hommes autour de lui. Il ne pensait pas qu’il s’engageait dans une guerre qui allait durer 20 ans et qui allait faire des millions de morts. La plupart, bien entendu, n’imaginaient pas une seconde que, à l’image de ce berger, ils allaient devenir colonel ou finir par tuer ou encore voir leurs camarades tués. Parfois, ils ont tout simplement commencé par jeter des pierres.

Du coup, vous vous demandez aussi comment appeler ces personnes. Est-ce qu’il faut les appeler des rebelles ? Est-ce qu’il faut les appeler des miliciens ? Est-ce qu’ils ne sont que des supplétifs de l’armée régulière ? Avez-vous trouvé une réponse à cette question, aujourd’hui ?

Disons, à l’inverse, qu’il y a certains termes que j’essaie d’éviter d’utiliser maintenant. J’ai remarqué, au début, que j’avais tendance à parler très facilement de rebelles, en faisant référence à certains des Maï-Maï que j’ai rencontrés. Or, ces groupes locaux d’auto-défense, à leur début, ont été fournis en armes et en logistique par Kinshasa. Par conséquent, est-ce que des groupes, qui font un peu office de supplétifs de l’armée régulière, peuvent être appelés des rebelles ?

Même parler des civils, c’est compliqué parce qu’au Congo, vous avez des gens qui sont étudiants le jour et qui, la nuit, font des patrouilles avec d’autres jeunes du village pour se protéger. Est-ce qu’ils sont déjà un petit peu combattants ou est-ce qu’on peut vraiment parler de civils ? Ce livre, donc, c’est aussi une réflexion sur la manière dont on parle de la guerre. J’ai le sentiment que parfois on donne une image trop blanche ou trop noire de ce conflit alors qu’il est plein de zones grises.

Et plein de frontières poreuses. On le voit bien entre armée régulière et groupes armés puisque beaucoup passent de l’un à l’autre. Poreuses également entre groupes armés et humanitaire ?

Oui. On découvre, en enquêtant, que bon nombre de jeunes combattants, à leurs heures perdues, sont eux-mêmes investis généralement dans des associations, très locales, de développement en rapport avec la paysannerie. Il y en a même certains qui viennent d’ONGs internationales. Il y a ainsi des passerelles qui sont liées au fait que, quand on est jeunes au Kivu et si on est un peu diplômés, les deux débouchés sont généralement la guerre ou l’humanitaire.

Est-ce qu’en voyant tout ça, vous avez eu le sentiment que vos interlocuteurs voulaient réellement mettre fin au conflit ?

Je pense que beaucoup d’entre eux ne sauraient pas quoi faire d’autre que la guerre. Enfin, pour beaucoup, le premier réflexe n’est pas de se dire comment en sortir mais, comment faire avec.

C’est le sens de votre titre ?

C’est une partie du sens du titre. Le sens, je le laisse à ce vieil homme que j’avais rencontré dans un village où j’étais partie interroger un commandant Maï-Maï. Il a voulu conclure un entretien en disant, « de toute façon, qu’on nous laisse combattre et la guerre finira ».

Je ne sais pas exactement ce qu’il voulait dire par là mais, moi, je le comprends et je l’ai choisi comme titre parce que c’est la clé du paradoxe de cette guerre. De plus en plus de gens, en effet, s’engagent en pensant que c’est grâce à leur engagement que cela se terminera, que finalement il y a eu tellement de violences passées, qu’il faut soi-même, à son tour, prendre les armes pour y mettre fin définitivement, et si besoin en étant encore plus violents que les précédents. C’est un paradoxe terrible mais je pense qu’il explique, en partie, cette guerre qui dure tant.

Qu’on nous laisse combattre et la guerre finira, de Justine Brabant, paru aux Editions La découverte.

Qu’on nous laisse combattre et la guerre finira, de Justine Brabant, paru aux Editions La découverte.

Source : RFI, Florence Morice, 12-03-2016

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“Qu’on nous laisse combattre, et la guerre finira”
Avec les combattants du Kivu 

Lorsque le Congo se fraie un chemin jusque dans les colonnes de nos journaux, c’est souvent pour raconter les mêmes histoires tragiques : les trafics de minerais qui alimentent les groupes armés, les milliers de femmes violées, les colonnes de réfugiés fuyant une guerre qui semble ne jamais s’arrêter.

Et pourtant, nous ne savons rien ou presque de ceux qui font cette guerre. Pourquoi se battent-ils ? Pourquoi se sont-ils engagés dans une série de conflits qui a fait des millions de morts depuis vingt ans ? D’où viennent ces combattants dont on nous dit qu’ils violent et pillent sans scrupules ? Comment sont-ils organisés, de quoi ont-ils peur, à quoi rêvent-ils lorsqu’ils ne sont pas en train de se battre ? Les réponses à ces questions, Justine Brabant est allée les chercher, pendant trois ans, sur les sentiers du Kivu, province de l’est du Congo.
Elle livre ici la chronique de ses rencontres. Bergers devenus colonels, chefs insurgés de père en fils ou civils qui transportent leur vie dans un sac à dos : elle s’est plongée dans le quotidien de ces hommes – et de ces femmes – dont certains n’ont jamais connu la paix et qui ont la guerre pour seul horizon.
Rompant avec les récits habituels sur la « violence aveugle » et les « conflits ethniques », l’auteure décrit un monde où les frontières se brouillent entre civils et combattants, entre rebelles et forces de l’ordre, entre militaires et humanitaires. Son enquête offre par là même une réflexion originale sur ces guerres qui durent depuis si longtemps qu’on a fini, nous aussi, par ne plus les voir.

Source : Editions La découverte

Source: https://www.les-crises.fr/justine-brabant-le-conflit-au-congo-nest-pas-oublie-il-est-mal-regarde/


Revue de presse internationale du 10/04/2016

Sunday 10 April 2016 at 00:01

Avec plusieurs articles en traduction. Merci à tous nos contributeurs.

Source: https://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-10042016/


Revue de presse du 09/04/2016

Saturday 9 April 2016 at 04:55

Avec cette semaine notamment pas mal d’OTAN et pas trop de Panama qui est partout, du nucléaire dangereux et cher (surprise !), mais pas autant que le réchauffement. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-09042016/


Nous ne revendiquons rien, par Frédéric Lordon

Saturday 9 April 2016 at 03:00

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 29-03-2016

Source : Convergence des luttes

Source : Convergence des luttes

Au point où nous en sommes, il faut être épais pour ne pas voir qu’il en va dans les mouvements sociaux actuels de bien plus qu’une loi et ses barèmes d’indemnités. Mais l’épaisseur, en tout cas en ce sens, c’est bien ce qui manque le moins à ceux qui nous gouvernent et à leurs commentateurs embarqués. Aussi tout ce petit monde continue-t-il de s’agiter comme un théâtre d’ombres, et à jouer une comédie chaque jour plus absurde, les uns affairés à peser au trébuchet leurs concessions cosmétiques, les autres leurs gains dérisoires, les troisièmes à faire l’éloge du raisonnable ou à préparer gravement « la primaire ». Et tous se demandent quelle est la meilleure couleur pour repeindre la clôture du jardinet qu’ils continuent d’entretenir sur les flancs du volcan déjà secoué de grondements.

Par un paradoxe caractéristique des époques finissantes, ce sont les seigneurs du moment qui accélèrent eux-mêmes le processus de la décomposition, dont on reconnaît les étapes aux seuils de corruption du langage enfoncés l’un après l’autre. On a pour habitude en cette matière de faire d’Orwell une référence. Mais Orwell était un petit joueur qui manquait d’imagination. Soyons juste : il n’était pas complètement sans talent, il a d’ailleurs fallu attendre un moment pour que son clou lui soit rivé. Enfin c’est fait. Et c’est Bruno Le Roux, président du groupe « socialiste » à l’Assemblée, qui s’est chargé de lui enseigner à quels sommets on peut emmener le prodige du renversement des mots : « il faut que le CDI ne soit pas une prison pour le chef d’entreprise (1». Il faut admettre qu’on peine à faire le tour d’un trait de génie pareil et qu’il faut être bien accroché pour ne pas céder complètement au vertige. Ceux qui s’en souviennent penseront également à cet extrait des Nouveaux chiens de garde (2) où Bénédicte Tassart (RTL), croyant vitupérer les séquestrations de patrons, s’exclamait qu’il « est inadmissible de retenir des personnes contre leur volonté dans des bureaux », manifestement sans se rendre compte qu’elle livrait par-là même un point de vue éditorial aiguisé sur le rapport salarial (sans doute limité au secteur tertiaire mais aisément généralisable). La malheureuse cependant était tout à fait innocente. Les évocations carcérales de Bruno Le Roux sont bien mieux pesées. Tellement bien d’ailleurs qu’elles donnent considérablement à penser — quoique peut-être hors de ses intentions de départ.

Il se pourrait en effet que tout ce qui se passe en ce moment se joue précisément autour de la connexion, puissamment mise en évidence par Bruno Le Roux, du contrat salarial et de la prison. Qui se trouve enfermé vraiment, c’est bien sûr là le point de controverse résiduel, auquel par bonheur ne s’arrêtent pas trop longtemps tous ceux qui, bombes de peinture à la main, réélaborent pour leur propre compte, et de manière assez vigoureuse, la grande intuition rouquinienne.

Loi travail : des étudiants s’expriment sur la « jeunesse » du mouvement Source : lundi.am

Loi travail : des étudiants s’expriment sur la « jeunesse » du mouvement
Source : lundi.am

À franchement parler, le travail ne nous intéresse pas Source : lundi.am

À franchement parler, le travail ne nous intéresse pas
Source : lundi.am

Et pas seulement celle-là. Car c’est décidément un gouvernement qui ne manque pas de philosophes et s’y entend dans l’art de donner à penser. On se souvient d’Emmanuel Macron méditant sur les fins dernières et qui suggérait qu’« il faut des jeunes qui aient envie de devenir milliardaires ». Passer à l’article indéfini pour lui faire dire qu’il faudrait que « les jeunes aient envie de devenir milliardaires » serait-il faire violence à une pensée que, visiblement, seule la crainte de réactions arriérées retient de la conséquence ? De l’un à l’autre en tout cas — de Le Roux à Macron — et quoique par des voies différentes, c’est bien une idée générale de l’existence qui nous est proposée.

Il y a là une invitation et il faut y être sensible. Prenons donc les choses au niveau même de généralité où elles nous sont soumises — le seul moyen de leur apporter une réponse adéquate. Disons avec honnêteté que celle-ci a pris du temps à murir. Il est vrai que tant la brutalité de l’assaut néolibéral que l’effondrement de l’« alternative communiste » n’étaient pas propices à reprendre rapidement ses esprits. Cependant trois décennies d’expérimentation soutenue en vraie grandeur ne pouvaient pas ne pas produire quelques aperceptions. Le travail du réel fait son chemin, et il le fait d’autant mieux que se développent les lieux de mise en commun (au tout premier chef le site #OnVautMieuxQueCa), où les gens découvrent que ce qu’ils vivaient chacun par devers soi est en fait très largement partagé.

Et puis, mais il faut en savoir gré à ce gouvernement dont les stimulations à penser n’ont jamais cessé, ladite « loi travail » vient là, comme une sorte d’apothéose, qui aide considérablement à ce que s’opèrent les dernières clarifications. L’idée de la vie que ces personnes nous offrent nous apparaît maintenant avec une grande netteté. C’est pourquoi, désormais en toute connaissance de cause, et y ayant bien réfléchi, nous pouvons leur répondre que non. Soulignons-le à l’usage des mal-entendants, qui se sont toujours comptés en grand nombre du côté du manche : c’est de cela qu’il est question aujourd’hui. Pas de CDD télescopiques, de comptes rechargeables, ou de barèmes à mollette : de cela, une idée de l’existence.

On peut convaincre avec des principes, on le peut encore mieux avec des images. Pour qui n’aurait pas encore les idées bien fixées quant au type de monde que la philosophie gouvernementale désire pour nous — en tous les sens de l’expression : à notre place et pour nous l’imposer —, il suffirait de regarder une ou deux choses dont le pouvoir d’éloquence posera un rude défi à la pédagogie ministérielle. Il y a bien sûr, mais tout le monde les a vues, ces images d’une controverse entre trois policiers et un lycéen parisien surarmé, celles également d’un retour des CRS sur les bancs de la faculté de Tolbiac, qui font entendre une résonance particulière des propos de François Hollande en 2012 — « Je veux redonner espoir aux nouvelles générations » — ou bien plus récemment de Najat Vallaud-Belkacem (24 mars 2016) — « Education : ce que nous faisons pour la jeunesse ». A moins qu’il ne s’agisse en fait de leur note tout à fait juste.

Petit collage aimablement proposé par le compte Twitter @vivelefeu de Sébastien Fontenelle.

Petit collage aimablement proposé par le compte Twitter @vivelefeu de Sébastien Fontenelle.

La réalité de l’ordre social se trouve pourtant autrement mieux figurée dans deux vidéos dont la première, de pur témoignage, a été faite par Fakir et laisse Henri (son nom n’est pas donné) raconter comment, employé d’un sous-traitant, il s’est trouvé dénoncé par Renault où il intervenait pour avoir, depuis sa messagerie personnelle, fait la promotion du film Merci patron ! auprès des syndicats du Technocentre… Dénoncé et puis, il va sans dire, interdit d’accès au site… et maintenant en procédure de licenciement auprès de son propre employeur. Plus confondante encore, cette scène filmée au bureau de Poste d’Asnières, lors d’une réunion syndicale à laquelle des étudiants sont venus participer pour informer de leur mobilisation… tous se retrouvant face à des policiers armés de flashball, semble-t-il appelés par la direction, et que seule la cohésion du groupe, emmené par une grande gueule de Sud PTT, armée de ce qu’il reste de droits syndicaux, permet de refouler.

Et c’est peut-être celle-là la scène canonique, celle qui dit tout : la hantise du pouvoir — la réunion des étudiants et des salariés ; la surveillance en dernière instance policière du salariat rétif, c’est-à-dire la fusion de l’Etat et du capital, paradoxalement — ou à plus forte raison — quand il s’agit du capital public ; l’alternative radicale de la soumission ou de la lutte collective. Il est bien certain qu’avec de pareils spectacles la clarté de l’entendement reçoit un puissant renfort de l’imagination. Une fameuse poussée des affects aussi. Et voici ce que cette belle propulsion nous permet de leur dire : comprenez bien que nous ne revendiquons rien. Entendez qu’après quelques décennies à faire, vous et vos semblables, la démonstration de vos talents et de votre hauteur de vue, l’idée de négocier quoi que ce soit avec vous nous apparaît absolument sans objet. C’est que « revendiquer » n’a de sens que dans un certain cadre qu’on reconnaît par-là implicitement comme légitime, et tautologiquement comme hors du champ de la revendication elle-même — puisqu’il en est le cadre… Or, vient fatalement un moment où, à force de combats dérisoires pour des miettes, et même en l’occurrence pour simplement résister à la diminution des miettes, l’impensé du cadre revient à la pensée. Non plus comme objet de « revendication » mais comme objet de renversement.

Certes, nous le savons, pour continuer d’entretenir l’illusion, vous pouvez compter sur le syndicalisme du bouton d’or, celui qui voit des « ambitions de progrès (3» au fond des plus notoires régressions, et dont la science héraldique a maintenant établi aussi bien les armoiries — « de serpillière sur balais de pont croisés » — que l’éternelle devise : « Affalé toujours déjà ». Contre un certain syndicalisme couché, ce qui naît en ce moment serait plutôt de l’ordre du mouvement debout. Comme on sait, le mouvement, entendu en ce sens, commence par le rassemblement. Des gens ont opiné que simplement manifester une fois de plus sur des trajets convenus, c’est-à-dire « revendiquer », ne serait plus suffisant. En conséquence de quoi, ils ne rentreront pas chez eux et se retrouveront quelque part pour commencer quelque chose de tout autre. Nuit Debout (4), est le nom de cette initiative, et son exposé des motifs, décalqué à même le message du film Merci patron ! dit assez son nouveau rapport au « cadre » : « leur faire peur »… Nous rassembler, ne pas rentrer, ne pas revendiquer : concentré d’inquiétante étrangeté en effet pour les administrateurs de cadre.

Et c’est vrai que, même si nous ne connaissons pas encore bien notre force, ce qui ne fait peut-être que commencer ici a tout du cauchemar pour l’Etat, qui voit ses grand-peurs s’aligner dans une conjoncture astrale du pire : la hantise de la convergence, l’abandon « en face » de la revendication, son remplacement par des affirmations.

Il se pourrait en effet que nous soyons sur le point de vivre un de ces moments bénis de l’histoire ou des groupes ordinairement séparés redécouvrent ce qu’ils ont de profondément en commun, ce commun massif institué par le capitalisme même : la condition salariale. Salariés maltraités d’aujourd’hui, lycéens et étudiants, maltraités de demain, précarisés de toutes sortes, mais aussi toutes les autres victimes indirectes de la logique générale du capital : objecteurs aux projets d’aménagement absurdes, mal-logés, sans-papiers corvéables à merci, etc.

Mais que peut faire un ministre, ou son directeur de cabinet, de tous ces gens qui en ont soupé de revendiquer ? Rien, absolument rien, ils le savent d’ailleurs, et c’est bien ce qui leur fait peur. C’est que, quand ils abandonnent le registre infantile de la revendication, les gens retrouvent aussitôt le goût du déploiement affirmatif — effroi de l’Etat qui s’est réservé le monopole de l’affirmation. Pour son malheur, la loi El Khomri aura peut-être été l’abus de trop, celui qui fait passer un point de scandale et produit dans l’esprit des gens un remaniement complet de la vision des choses, des places et des rôles. Nous n’avons aucune intention de nous battre pour des codicilles : nous voulons affirmer de nouvelles formes de l’activité et de la politique (5).

Il faut entendre le poignant appel de Michel Wieviorka à « sauver la gauche de gouvernement (6» pour mesurer le degré d’inclusion des desservants intellectuels du « cadre », et par suite leur incompréhension radicale, fussent-ils sociologues, de ce qui se passe dans la société. Dans une tentative de redéfinition performative des catégories politiques qui dit tout de la glissade à droite de ce personnel d’accompagnement (à la suite de leurs maîtres auxquels il s’agit de toujours bien coller), Wieviorka fait désormais représenter « la gauche de la gauche » par… Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ! Manière d’indiquer où se situent à ses yeux les bords du monde fini — car par définition, à gauche de la gauche de la gauche… il n’y a plus rien. Ou plutôt si : il y a les fous. « La gauche folle », c’est l’expression préférée de tous les éberlués de gauche passés à droite qui n’en reviennent pas qu’on puisse ne pas se rendre à la simple raison qui donne à choisir entre « la gauche libérale-martiale de Manuel Valls » (sic), « la gauche sociale-libérale d’Emmanuel Macron », et donc « la gauche de la gauche, de Benoît Hamon à Arnaud Montebourg ». Et qui s’efforcent sans cesse, repliés dans leur peau de chagrin, de ramener toujours plus près d’eux le commencement du domaine de la folie. Alors il faut le dire à Wieviorka et à tous ses semblables, Olivennes (7), Joffrin, etc. : c’est vrai, nous sommes complètement fous. Et nous arrivons.

Frédéric Lordon

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 29-03-2016

Source: http://www.les-crises.fr/nous-ne-revendiquons-rien-par-frederic-lordon/


TTIP : Selon un document rendu public, les multinationales et les États-Unis vont avoir une grande influence dans les traités commerciaux de l’UE par Paul Gallagher

Saturday 9 April 2016 at 01:44

Source : Independent, le 17/03/2016

Exclusif : Le document obtenu par un groupe militant montre que la législation va se trouver sous influence avant même d’arriver au Parlement européen

Paul Gallagher | jeudi 17 mars 2016

TTIP-AFP-Getty

Les militants manifestent devant le Parlement européen contre le TTIP (Partenariat transatlantique de commerce et d’industrie) entre l’Union européenne et les États-Unis | AFP/Getty

La Commission européenne sera obligée de consulter l’administration des É-U avant d’adopter de nouvelles propositions de lois, Selon un point d’une série controversée de négociations commerciales poursuivies, pour la plupart, dans le secret.

Le groupe militant l’Observatoire de l’Europe industrielle (CEO) et le quotidien britannique, The Independent, ont obtenu et rendu public un document qui fait partie des négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d’industrie (TTIP). Il y est révélé que la Commission européenne, instance non élue, va avoir l’autorité pour décider dans quels secteurs il faudra coopérer avec les États-Unis, mettant ainsi sur la touche les États membres de l’UE et le Parlement européen.

Le principal objectif du TTIP est d’harmoniser les règles transatlantiques dans un ensemble de domaines, y compris la sécurité des produits de consommation, les produits alimentaires, les services financiers et bancaires.

Qu’est-ce que le TTIP ?

Le document rendu public concerne le volet des pourparlers sur la coopération réglementaire. Cette partie du traité aura, selon l’Union européenne, pour conséquence de réduire la bureaucratie, tout en respectant tout de même certaines règles. Il y a là, suivant l’analyse du CEO, tout un labyrinthe de procédures capables de museler toutes les propositions de l’UE qui pourraient porter préjudice aux intérêts des États-Unis.

Pour l’Observatoire, ce document révèle aussi à quel point les grandes sociétés et les groupes industriels seront capables d’influencer le développement de la coopération réglementaire en faisant ce qu’on y appelle une « importante proposition » qui sera mise à l’ordre du jour de la Commission et des instances américaines.

Les plans dévoilés par ce document donneront aux autorités réglementaires étatsuniennes « un rôle contestable » dans la législation de Bruxelles et affaibliront le Parlement européen, fait valoir l’Observatoire.

Selon Kenneth Haar, chercheur au CEO, «L’Union européenne et les États-Unis ont résolu de placer les grandes entreprises au cœur de la prise de décision, ce qui constitue une menace directe pour les principes démocratiques. Ce document montre à quel point la coopération réglementaire va favoriser l’influence des grandes entreprises – et celle des États-Unis – sur la législation avant même qu’une loi n’ait été proposée aux parlements. »

Nick Dearden, directeur du groupe militant Global Justice Now (la Justice Mondiale, c’est Maintenant), affirme : « Cette fuite confirme nos craintes à propos du TTIP. Il s’agit là de donner aux grandes entreprises davantage de pouvoir sur un large ensemble de lois et de règlements. En fait, les lobbies industriels, c’est de notoriété publique, veulent écrire les lois avec les gouvernements et, avec ce traité, ils approchent de leur but. Ce n’est pas là un élément accessoire ou une petite partie du TTIP, c’en est un élément absolument central. »

Pour M. Dearden, il est tout à fait “terrifiant” que les États-Unis aient le pouvoir de remettre en question et d’amender les réglementations européennes avant que des politiques européens – élus – n’aient eu une chance d’en débattre.

Se référant au référendum sur l’UE, qui va avoir lieu très bientôt, il affirme : « Nous parlons, en ce moment, dans notre pays de souveraineté, et il est difficile d’imaginer une plus sérieuse menace à notre souveraineté que ce traité commercial. »

Selon le CEO, une intensification de la coopération réglementaire entre l’Union européenne et les États-Unis a déjà mené à des problèmes de santé publique : ainsi l’Union européenne s’est-elle abstenue de réguler l’emploi des perturbateurs hormonaux et a-t-elle permis la controverse récente sur le renouvellement du pesticide de Monsanto, le glyphosate.

Toujours selon l’Observatoire, dans ces deux dossiers, la Commission a prêté une oreille très attentive aux instances étatsuniennes et aux grandes entreprises en dépit des risques pour la santé publique que constituent ces substances chimiques.

Un porte-parole de la Commission européenne a déclaré : « Ces accusations ne reposent sur rien et ne se retrouvent pas dans la proposition de l’Union européenne pour la simplification des règles pour les exportateurs de l’Union européenne. Le texte sur la coopération règlementaire ne tardera pas à être publié pour que chacun se rende compte que cette prétendue analyse est complètement fausse, qu’elle présente une vue tendancieuse du travail de la Commission européenne et ignore la réalité des textes de l’Union européenne. Ce sont les autorités en charge de la réglementation, non les négociateurs commerciaux, qui vont continuer à prendre les initiatives en matière de coopération réglementaire, à la fois dans l’Union européenne et aux États-Unis.

Explicatif : Le TTIP

Le Partenariat transatlantique de commerce et d’industrie est un projet d’accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis, qui vise à promouvoir le commerce et une croissance économique multilatérale.

Selon l’Union européenne, le but du TTIP est d’aider les peuples et les entreprises en ouvrant les États-Unis aux entreprises, en aidant à réduire la bureaucratie que doivent affronter les firmes quand elles exportent et en établissant de nouvelles règles pour rendre les exportations, les importations et les investissements à l’étranger plus faciles et plus équitables.

Pour les militants anti-TTIP, le traité va augmenter le pouvoir des multinationales aux dépens de la démocratie et de l’intérêt  général.

Que ces pourparlers aient, pour la plupart, eu lieu dans le secret et que les fuites dans les médias aient été le seul moyen d’informer le public de ce qui se passe constitue l’un des grands problèmes de ces négociations.

La Commission européenne affirme que le Partenariat transatlantique de commerce et d’industrie pourrait relancer l’économie européenne, avec 120 milliards d’euros à la clé, l’économie étatsunienne avec 90 milliards et le reste du monde avec 100 milliards. À ce traité s’opposent les syndicats, les associations caritatives, les ONG et les écologistes, surtout en Europe. Les critiques ont déjà dit au quotidien The Independent que le TTIP aurait des impacts négatifs comprenant “la réduction des barrières réglementaires au commerce pour les grandes entreprises, des mesures pour la sécurité alimentaire et environnementale, des réglementations dans le domaine bancaire et les pouvoirs souverains des États,” ou même serait tout simplement “une attaque contre les sociétés européennes et étatsuniennes par le biais de multinationales.”

Selon la Commission européenne, une fois qu’un texte aura été définitivement approuvé, ce sera aux États membres et aux députés européens de décider de son entrée en vigueur.

Le document fuité met en lumière le sérieux danger que court la démocratie

Par Kenneth Haar, chercheur au CEO

La prétendue « coopération réglementaire » dans les actuels pourparlers sur le TTIP Union européenne/États-Unis cherche à harmoniser la législation des deux côtés de l’Atlantique. Ce volet des négociations vise à raser les barrières réglementaires déjà en place et à empêcher l’apparition de nouvelles.

Des procédures longues, dont la validation par les entreprises des répercussions économiques possibles, sont ainsi envisagées dans les nouvelles réglementations. De telles mesures ont déjà été utilisées de manière informelle pour affaiblir l’ambition de l’Union européenne dans la supervision du secteur financier dans les années précédant l’effondrement de 2008, pour offrir un laissez-passer aux entreprises des États-Unis sur la protection des données personnelles, et pour retarder ou édulcorer les propositions de l’Union européenne sur l’expérimentation animale et les émissions dans l’aviation.

Plus récemment, dans le cas des perturbateurs endocriniens toxiques, nous avons vu la Commission européenne s’aligner de près aux autorités des États-Unis et aux grandes entreprises en refusant de prendre des mesures pour restreindre l’usage de ces substances, malgré les menaces sur la santé bien documentées qui se posent aux citoyens de l’UE.

Consacrer de telles procédures dans la législation sous le TTIP mènera à l’intensification des attaques contre les lois qui protègent la santé, les droits des travailleurs et les normes environnementales.

Ce document fuité des négociations confirme les craintes que la Commission soit obligée de consulter les autorités des États-Unis avant d’adopter de nouvelles propositions législatives, alors que les États membres sont mis sur la touche. La fuite nous offre aussi un aperçu de la proposition de labyrinthe bureaucratique d’évaluations d’impact, dialogues, consultations et audits qui pourraient lier toute proposition qui irait contre les intérêts des entreprises américaines.

Au final, les grandes entreprises pourront influer sur les réglementations par ces propositions à un degré tel qu’il est une sérieuse menace à la démocratie telle qu’on la connaît.

Source : Independent, le 17/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Un rapport américain sur le TTIP est “sans appel”: “Les Européens n’ont pas grand-chose à gagner”

Source : RTL, 22-12-2015

L’eurodéputé PS Marc Tarabella

L’eurodéputé PS Marc Tarabella a pu consulter le rapport d’évaluation des gains des projets de TTIP sur la table, émis par le ministère de l’agriculture américain. Selon lui, ses “conclusions sont sans appel : d’une part, le secteur agricole Européen serait le grand perdant de cet échange, d’autre part les européens pourraient même subir des effets négatifs en cas d’accord. De l’aveu même des américains, les Européens n’ont pas grand-chose à y gagner. Au vu de ces résultats, je demande l’arrêt pur et simple des négociations avec les États-Unis. Je ne veux pas voir mener à l’abattoir l’agriculture européenne et dans son sillage la subsistance alimentaire européenne”, tempête le député européen, en charge de l’agriculture et de la Protection des consommateurs au Parlement européen, dans un communiqué émis ce mardi.

Il ajoute que “le volet agricole ne peut être la variable d’ajustement des autres chapitres de la négociation TTIP. Ce serait se moquer des agriculteurs et des consommateurs européens.”

Les gains financiers pour les USA seraient incroyablement plus grands que pour les Européens

Dans ce communiqué, on apprend que plusieurs scénarii sont envisagés par les Américains. Deux leur sont extrêmement favorables. Il s’agit premièrement de l’abolition des droits de douane, qui rapporterait 5,5 milliards de dollars aux Etats-Unis là où l’Union européenne ne gagnerait que 800 millions. Le second serait cette même abolition à laquelle on ajouterait la suppression des mesures non tarifaires. Là, les USA gagneraient 10 milliards de dollars tandis que l’Union européenne seulement 2 milliards.

Cette disproportion entre les gains potentiels au niveau agriculture de la signature d’un tel accord transatlantique –qualifiée de “déséquilibre astronomique” par Marc Tarabella- aurait de lourdes conséquences pour notre agriculture. En effet, cette nouvelle concurrence ferait plonger les prix pour les producteurs européens, selon le député.

Les Américains qui ont réalisé l’enquête l’avouent eux-mêmes: “les Européens n’ont pas grand-chose à gagner” en signant un tel accord.

Si les citoyens européens préfèrent la qualité, les USA n’auraient rien à y gagner

Ils ont également évalué leurs gains dans d’autres scénarii. Celui qui leur serait le moins profitable ? “Dans le texte, on peut également lire que le scénario qui leur serait néfaste serait celui de citoyens faisant de la qualité et des questions sanitaires une priorité”, détaille encore M. Tarabella. Les autorités US expliquent qu’alors les consommateurs se tourneraient vers la production locale. Dans un tel cas, les Américains conviennent que le TTIP n’aurait aucun intérêt. “On imagine volontiers toute la détermination outre Atlantique d’éviter un tel scénario catastrophe pour les entreprises US”, estime l’eurodéputé.

“Ce rapport vient conforter une position déjà défendue au Parlement européen : il faut cesser les négociations TTIP avec les États-Unis afin que ne soient sacrifiés ni l’agriculture européenne ni le citoyen européen !”, conclut M. Tarabella.

Source : RTL, 22-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/ttip-selon-un-document-rendu-public-les-multinationales-et-les-etats-unis-vont-avoir-une-grande-influence-dans-les-traites-commerciaux-de-lue-par-paul-gallagher/


[4 min. de la haine] Quand France 2 et Etienne Leenhardt cherchent à paniquer la population

Friday 8 April 2016 at 05:00

La propagande de guerre, c’est çale 6 avril 2016, l’ouverture du JT se fait sur cette annonce pressante :

En effet, comme c’était une petite journée calme au niveau du terrorisme, ils ont dû trouver autre chose :

Pujadas, ouverture : “Bonsoir à tous. Dans l’actualité ce soir, le réarmement de l’Europe face au réveil de la menace russe. Les dépenses militaires font un bond en Pologne, en Slovaquie ou dans les pays baltes. Ont-ils raison d’avoir peur ? – Etienne Leenhardt nous répondra“.

J’ai du mal à voir en quoi une augmentation des dépenses militaires au fin fond de l’Europe mérite la Une (que n’a pas eu ce soir-là le référendum sur l’UE aux Pays-Bas, en revanche…), mais passons.

Par chance, les “journalistes” n’ont pas non plus évoqué le fait que l’industrie d’armement est aussi une des plus corruptrices au monde – ce qui ne peut évidemment avoir le moindre lien avec ce fait…

Pujadas : “Bienvenue à tous. C’est un virage pour l’Europe, après des années de baisse continue de l’effort militaire, le réarmement est en cours. C’est le cas de la France ou du Royaume-Uni, dont les budgets repartent à la hausse. Mais c’est la cas, bien davantage encore, pour l’Europe Centrale. En cause, le réveil de la menace russe.”

Reportage : “En Pologne… : total : 40 milliards d’euros (!). En Estonie, on accueille à bras ouverts les navires de l’OTAN venus en renfort dans la région (sic.).

pologne

Ca, c’est de l’information utile qui nous aurait manqué…

pologne-2

Belle fin de reportage

(Dommage, ils n’ont pas pu mettre ça vu que c’est un terroriste modéré syrien qui goûte le foie d’un soldat de l’armée syrienne (chuuuuut, on ne vous le montrera pas au JT), et pas un russe…)

Retour plateau :

Pujadas : “Bonsoir Etienne Leenhardt : ces pays d’Europe centrale ont-ils raison d’avoir peur ?

Etienne Leenhardt, directeur adjoint de l’information de France 2 : “Oui. cette inquiétude elle se comprend. Si vous êtes letton, estonien, polonais, et que vous entendez Vladmir Poutine dire “qu’il faut restaurer la puissance de la Russie dans sa zone historique d’influence”.

Je n’ai pas trouvé la source de cette déclaration – si quelqu’un peut chercher et l’indiquer en commentaire, merci.

J’ai trouvé cette interview de la BBC de décembre 2015 : Russia is not trying to bring back the USSR, but “nobody wants to believe it” […] I would like to think that there is not a person on the planet crazy enough to decide to use nuclear weapons,” he said, adding that this would lead to a “planetary catastrophe

Effrayant en effet…

Que pour la seule année 2015 vous constatez que les dépenses militaires russes ont représenté plus de 20 % du budget de l’État, que vous voyez Vladimir Poutine subtiliser la Crimée à l’Ukraine il y a 2 ans sans aucune réaction de la communauté internationale.

1/ c’est amusant, il me semblait qu’on avait lancé des sanctions contre la Russie, j’ai rêvé ?

2/ mais sinon, c’est quoi alors une “réaction” : la guerre ? Qu’il n’hésite pas, ils embauchent dans l’armée ukrainienne (90 € par mois)

3/ elle avait réagi comment la “communauté internationale” (sic.) quand, en 1954, l’Ukraine avait subtilisé la Crimée à la Russie via le dictateur communiste Khrouchtchev ?

4/ il est au courant que le parlement de Crimée a voté pour, puis la population aussi ? Et que des sondages occidentaux disent que le résultat des votes est conforme à la volonté de la population ?

Eh bien OUI, il y a de quoi être inquiet !

C’est beau la subtilité quand même…

Pujadas : “on peut effectivement parler de menace russe ?”

Leenhardt : “2 opérations militaires l’Ukraine et la Syrie, à la fois limitées mais efficaces.

Sérieusement ?

Il a vu l’armée russe opérer en Ukraine ? C’est dommage qu’en 2014, on n’arrive pas à avoir d’mages quand même… Et ils ne sont pas allés jusqu’à Kiev du coup ?

Quand au rapport avec la Syrie… Après, c’est sûr que ce n’est pas comme si on avait attaqué l’Irak ou la Libye sous de faux prétexte, ou soutenu en sous-main en Syrie les terroristes ayant abattu un avion russe…

“La Russie de Poutine a atteint un de ses objectifs : elle fait à nouveau peur.”

Tiens, celle-là je la mets direct dans mon Best-of des saloperies de “journalistes”, elle est vraiment belle.

Il aurait fait merveille dans les médias il y a un siècle, pour parler du boche. Ou en Allemagne un peu plus tard…

Et même si très peu d’observateurs pensent qu’elle ira au delà,

1. Ah, ben oui, peu se défoncent au crack, c’est sûr, et encore moins sont “journalistes” par chance…

2. ben alors, c’est quoi le micmac dont on parle depuis 3 minutes en terrorisant la population ?

notamment parce que les guerres, ça coûte cher, et que l’économie russe est au plus mal.

ah pardon, j’ai cru que c’était parce que les guerres ça tuait du monde, et que la prochaine risquera même d’anéantir l’espèce humaine – je suis bête…

Et ce n’est pas comme si la Russie avait perdu 20 millions d’habitants la dernière fois, hein… La guerre, ça les fait bien rire j’imagine…

 morts de la seconde guerre mondiale décès pertes deuxième

Donc prions pour que “Poutine” n’obtiennent pas un petit crédit Sofinco, sinon, boum, la guerre…

L’OTAN a annoncé que 4 000 seraient déployés à l’année en Europe de l’Est, pour parer à toute éventualité.

De quoi stopper net l’armée russe, c’est clair… Comme les 8 missiles Patriot polonais.

En tous cas, la Russie n’a en rien menacé la Pologne ou les pays Baltes, mais elle se retrouve avec plus de soldats juste à sa frontière – c’est subtil pour améliorer notre sécurité collective…

Une grande première depuis 30 ans. [Fin]

Ce genre de discours, il avaient en effet les mêmes en URSS durant la guerre froide…

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Eh bien voilà donc une jolie trace pour l’Histoire du niveau intellectuel du directeur adjoint de l’information d’une grande chaîne française en 2016 – je pense que ça aidera probablement les historiens à mieux comprendre ce qui s’est passé ensuite – s’il en reste évidemment…

C’est le moment où je vous renvoie au formidable discours de fin de mandat du Président Eisenhower :

“Nous devons veiller à empêcher le complexe militaro-industriel d’acquérir une influence injustifiée dans les structures gouvernementales, qu’il l’ait ou non consciemment cherchée. Nous nous trouvons devant un risque réel, qui se maintiendra à l’avenir : qu’une concentration désastreuse de pouvoir en des mains dangereuses aille en s’affermissant. Nous devons veiller à ne jamais laisser le poids de cette association de pouvoirs mettre en danger nos libertés ou nos procédures démocratiques. Nous ne devons jamais rien considérer comme acquis. Seul un peuple informé et vigilant réussira à obtenir que l’immense machine industrielle et militaire qu’est notre secteur de la défense nationale s’ajuste sans grincement à nos méthodes et à nos objectifs pacifiques, pour que la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble.” [Dwight Eisenhower, Discours de fin de mandat resté connu sous le nom du Discours du Complexe Militaro-Industriel, 17/01/1961]

Je vous ai enfin préparé une série de graphiques, que ces pantins télévisuels auraient dû faire s’ils avaient encore un peu de professionnalisme, pour informer les téléspectateurs avec quelques faits tangibles :

ue-russie-1

ue-russie-2

otan-russie-1

N.B. vous notez visuellement dans ce schéma que, par habitant, l’OTAN dépense donc en moyenne bien plus que la Russie… En fait, 980 $ contre 630 $/hbt, soit la bagatelle de 50 % de plus...

otan-russie-2

Eh oui, tu penses que les Russes rêvent d’un conflit avec une structure 7 fois plus peuplée et disposant d’un budget militaire 10 fois supérieur – qui ne ferait pas pareil ?

depenses-ue

On note qu’il n’y a que la Pologne parmi les pays cités qui augmente véritablement sur longue période ses dépenses – ce qui n’est ne rien rassurant…

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En conséquence, si tout ceci vous choque, je vous recommande vraiment de ne pas rester inactif et d’écrire (poliment !! Soyez courtois, exigeants mais modérés, sinon cela vous nuira à votre demande légitime…) :

“L’ennemi est bête : il croit que c’est nous l’ennemi, alors que c’est lui !” [Pierre Desproges]

“Un instant plus tard, un horrible crissement, comme celui de quelque monstrueuse machine tournant sans huile, éclata dans le grand télécran du bout de la salle. C’était un bruit à vous faire grincer des dents et à vous hérisser les cheveux. La Haine avait commencé.

 

Comme d’habitude, le visage d’Emmanuel Goldstein, l’Ennemi du Peuple, avait jailli sur l’écran. Il y eut des coups de sifflet çà et là dans l’assistance. La petite femme rousse jeta un cri de frayeur et de dégoût. Goldstein était le renégat et le traître. Il y avait longtemps (combien de temps, personne ne le savait exactement) il avait été l’un des meneurs du Parti presque au même titre que Big Brother lui-même. Il s’était engagé dans une activité contre-révolutionnaire, avait été condamné à mort, s’était mystérieusement échappé et avait disparu. Le programme des Deux Minutes de la Haine variait d’un jour à l’autre, mais il n’y en avait pas dans lequel Goldstein ne fût la principale figure. Il était le traître fondamental, le premier profanateur de la pureté du Parti. Tous les crimes subséquents contre le Parti, trahisons, actes de sabotage, hérésies, déviations, jaillissaient directement de son enseignement. Quelque part, on ne savait où, il vivait encore et ourdissait des conspirations. Peut-être au-delà des mers, sous la protection des maîtres étrangers qui le payaient.” [George Orwell, 1984 – lire le remarquable extrait entier ici]

 

Goering : “Bien sûr que les gens ne veulent pas la guerre. Pourquoi est-ce qu’un pauvre plouc dans une ferme voudrait risquer sa vie dans une guerre alors que le mieux qu’il puisse en espérer est de retourner dans sa ferme en un seul morceau ? Bien sûr que les gens normaux ne veulent pas la guerre : ni en Russie, ni en Angleterre, ni en Amérique, ni pour la même raison en Allemagne. C’est évident. Mais, après tout, ce sont les dirigeants d’un pays qui en déterminent la politique et il s’agit toujours d’une formalité que de canaliser les gens, que ce soit dans une démocratie, une dictature fasciste, un système parlementaire ou une dictature communiste“.

Gilbert : “Il y a [tout de même] une différence. Dans une démocratie, les gens ont voix au chapitre en la matière au travers de leurs représentants élus et, aux États-Unis, seul le Congrès peut déclarer une guerre“.

Goering : “Ah, tout cela est bel et bon mais, voix ou pas voix, les gens peuvent toujours être amenés à s’offrir à leurs dirigeants. C’est facile. Tout ce que vous avez à faire est de leur expliquer qu’ils sont attaqués ; de dénoncer les pacifistes pour leur manque de patriotisme ; puis d’exposer le pays à un danger. Ca marche de la même manière dans tous les pays“. [Nuremberg, 1946.]

Source: http://www.les-crises.fr/quand-france-2-et-etienne-leenhardt-cherchent-a-paniquer-la-population/