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Quand les Américains enterrent l’euro

Friday 19 February 2016 at 15:45

Source : Libération, Anne-Laure Delatte, 01-02-2016

Thomas Jefferson, président des Etats-Unis de 1801 à 1809, l’un des artisans du dollar comme monnaie unique. Photo Getty Images. AFP

Plutôt que de condamner la monnaie unique, les Etats-Unis devraient se rappeler la création du dollar et les crises qui ont traversé leur pays.

«L’euro est une expérience qui a échoué.» Il n’est pas rare d’entendre cette phrase sur le sol américain. Le premier à l’affirmer a été Martin Feldstein, professeur d’économie à l’université Harvard et ancien conseiller économique du président Ronald Reagan. Autres expressions habituelles : l’euro est «un cauchemar», «un piège», «un catalyseur d’extrémisme», «antidémocratique», etc. Les Américains reprochent aux fondateurs de l’euro d’avoir fait fi des contingences économiques dans les années 90 : on n’instaure pas une union monétaire comme ça !

Il y a une théorie pour cela, qui dresse la liste des bénéfices et des coûts à partager sa monnaie avec d’autres pays ; certes, tout le monde a droit à l’erreur, mais, depuis 2010, les Européens ont vraiment fait n’importe quoi : jamais d’accord entre eux, incohérents, ils ont dit tout et son contraire, ont mis des années à se réformer alors que les marchés grondaient. Ils n’ont que ce qu’ils méritent ! La sortie de la Grèce n’est maintenant plus qu’une question de mois («Grexit»), puis, les Anglais voteront leur sortie de l’Union européenne («Brexit»), et alors les pays du Nord quitteront le navire. Tel est le pronostic américain (1).

Sauf que les conditions économiques n’étaient pas franchement réunies pour partager la même monnaie en 1792, quand le dollar fut adopté ; chaque Etat s’était débrouillé jusque-là en émettant sa propre monnaie. Mais George Washington, Thomas Jefferson, Alexander Hamilton et les autres pères fondateurs pensaient qu’une même monnaie était une expression de souveraineté et scellerait l’unité nationale. Ce que les Américains (et nous avec) oublient, c’est que l’union monétaire américaine a été un parcours sinueux et accidenté.

Au printemps 1790, deux ans avant que le dollar ne soit adopté, les débats sur la manière de procéder ont été si terribles que l’union américaine a failli exploser. Ce que les Américains ont aussi oublié, c’est que le dollar tire son origine d’une crise de la dette publique : la guerre d’Indépendance contre les Anglais avait ruiné la plupart des Etats, qui étaient incapables de rembourser leurs dettes. Ainsi, à la fin de la guerre, en 1783, l’Etat du Rhode Island effaçait une majorité de sa dette de façon unilatérale, ce qui entraîna un soulèvement de fermiers et créa un traumatisme chez les révolutionnaires.

En 1790, Alexander Hamilton, secrétaire d’un Trésor ruiné sous le premier gouvernement des Etats-Unis de George Washington, défend alors l’idée de transférer les dettes de tous les Etats au gouvernement fédéral. Autrement dit, il propose d’assumer toutes les dettes sous le parapluie du nouvel Etat américain. Thomas Jefferson, proche des fermiers du Middle West et fervent défenseur du droit des Etats, y est farouchement opposé car la solution donne trop de pouvoir au gouvernement fédéral. Les Etats non endettés s’y opposent également car ils ne voient pas pourquoi ils paieraient pour les autres. Alexander Hamilton trouve alors un moyen astucieux d’égaliser les coûts de la guerre d’Indépendance entre les Etats et de redistribuer des intérêts aux Etats créanciers. Le dollar est né !

C’est aussi à cette occasion que la capitale des Etats-Unis est transférée à Washington DC comme compromis d’Alexander Hamilton à Thomas Jefferson pour éloigner les Etats du Nord du pouvoir fédéral. Cette bataille va façonner les divergences idéologiques entre démocrates et républicains pour les deux siècles à venir. Et les disputes ont encore été féroces pendant longtemps : l’union monétaire a explosé pendant la guerre de Sécession en trois zones et trois monnaies. En 1890, alors que le dollar avait été rétabli, les Etats du Sud et du Nord se sont écharpés sur les règles de conversion et l’étalon à adopter ; les Etats du Sud, majoritairement agricoles, avaient besoin d’une dévaluation pour relancer les exportations et les Etats du Nord y étaient opposés.

Finalement, c’est la réponse à la Grande Dépression des années 30 et le Social Security Act de Franklin D. Roosevelt en 1935 qui complètent le dollar en instaurant des transferts fiscaux entre Etats de l’union. Aujourd’hui, le dollar est incontesté et irrévocable. L’union monétaire américaine n’a donc pas été un long fleuve tranquille. Elle est passée par des épisodes étonnamment proches de nos propres crises. Certes, les Européens n’ont pas cent cinquante ans pour compléter l’euro. Mais, contrairement aux Américains, ils savent contempler le passé et s’en inspirer pour leur avenir. Heureuse vertu.

(1) Regard sur la question européenne, de Nouriel Roubini, Project Syndicate.

Anne-Laure Delatte Chargée de recherches au CNRS, Laboratoire EconomiX et à l’OFCE

Source : Libération, Anne-Laure Delatte, 01-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/quand-les-americains-enterrent-leuro/


[Entraide] Contact JC Michéa, Edouard Balladur, François Léotard, Dominique de Villepin, Philippe de Villiers

Friday 19 February 2016 at 04:37

Bonjour

J’aurais bien interviewé Jean-Claude Michéa, Edouard Balladur, François Léotard, Philippe de Villiers et Dominique de Villepin, et je me demandais si, par hasard vu la forte audience, quelqu’un en connaîtrait un des cinq, ou aurait un contact.

Contactez-moi ici  – merci d’avance ! :)

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-contact-edouard-balladur-francois-leotard-dominique-de-villepin/


[Droit du travail] Les ultra-libéraux en ont rêvé, la droite socialiste le fait…

Thursday 18 February 2016 at 15:45

Vivement le retour de la droite non socialiste… (?)

Je rappelle que la France est un des pays où la productivité horaire est la plus élevée au monde, il est donc normal que l’heure soit plus chère, et surtout le temps de travail plus bas, sinon, bonjour l’explosion du chômage…

Productivité en Europe selon Eurostat, en euros par heure travaillée :

Mais bon, pourquoi faire appel à l’intelligence des gens pour qu’ils débattent, quand on peut les manipuler… ?

Projet de loi El Khomri : le temps de travail passé à la moulinette

EXCLUSIF. Durée maximale de travail, forfaits jour, accords compétitivité-emploi : le projet de loi El Khomri sur la négociation collective, le travail et l’emploi donne la main aux entreprises.

Le projet de loi El Khomri va permettre demain aux entreprises de négocier à la carte le temps de travail. Car, s’il ne touche pas à la durée légale, il donnera la main aux employeurs qui pourront avoir recours facilement aux multiples exceptions qui entourent la règle des 35 heures en établissant des accords.

Durée maximale de travail : jusqu’à 60 heures par semaine en cas d’accord

Le projet de loi stipule que la durée quotidienne de travail pourra être portée à 12 heures par accord d’entreprise. Cette possibilité existe déjà dans le Code du travail. Mais, pour la mettre en place, il faut aujourd’hui des « dérogations accordées dans des conditions fixées par décret », autrement dit dans des cas très rares.

Autre changement, la durée moyenne de 44 heures maximum de travail par semaine peut être portée à 46 heures désormais par accord d’entreprise. Avant il fallait un accord de branche, mais aussi un décret, ce qui là encore était très rare. Nouvelle subtilité : cette durée de 44 heures maximum ne court plus sur une période de douze semaines consécutives, mais seize semaines.

Enfin, la durée hebdomadaire peut être portée, en cas de circonstances exceptionnelles, à 60 heures, toujours par accord. Là encore, cette durée est déjà prévue. Mais aujourd’hui, il faut une autorisation de la Direction du travail, ce qui n’arrive quasiment jamais. D’autre part, le texte actuel stipule que les 60 heures concernent « certaines entreprises ». Une notion qui disparaît.

Apprentis : l’inspection du travail hors jeu

Selon le projet de loi, les apprentis de moins de 18 ans pourront travailler jusqu’à 10 heures par jour (au lieu de 8 heures) et 40 heures (contre 35) par semaine, si des « raisons objectives le justifient ». Aujourd’hui, c’est déjà possible, mais l’entreprise doit demander l’autorisation à l’inspection du travail « après avis conforme du médecin du travail ». Alors qu’avec ce texte l’employeur devra simplement en informer les deux.

Les astreintes  sur les temps de repos

Le projet de loi prévoit que les temps d’astreinte s’imputent sur les temps de repos lorsqu’ils ne sont pas travaillés effectivement. Le Comité européen des droits sociaux (qui s’appuie sur la Charte sociale européenne) a pourtant condamné le fait qu’ils s’imputent sur le temps de repos. Selon cette charte, toutes les heures de présence (travail ou « inactivité ») sont du travail effectif à prendre en compte pour les durées maximales et les repos, seule une différence de rémunération étant admise.

Coup de canif sur le forfait jour

A l’heure actuelle, un cadre sur deux travaille sans compter ses heures, malgré les 35 heures, mais dans la limite de 235 jours par an. C’est le système du forfait jour appliqué, aux salariés autonomes. Il prévoit 11 heures de repos consécutives. C’est fini. Ces 11 heures de repos pourront être fractionnées. Autre brèche ouverte : dans les entreprises de moins de 50 salariés, plus besoin d’accord collectif. Il suffira que l’employeur se mette d’accord avec son salarié pour le passer au forfait jour.

Source : Le Parisien, 17/02/2016

Salaire “modulable”, astreintes non payées: les idées chocs d’El Khomri

Déjà, imaginer que cette pauvre fille (ou ce pauvre gars, rien de sexiste) a des idées, et que ce sont les siennes (je rappelle qu’elle était Secrétaire nationale du Parti socialiste chargée des questions de sécurité), c’est déjà faire preuve d’une naïveté proverbiale sur notre système politique.

Les 35 heures restent – sur le papier – mais la ministre du Travail fait des propositions que n’auraient pas reniées les politiques les plus libéraux. Revue de détail.

Selon Le Parisien, La future loi Travail de Myriam El Khomri empile les propositions chocs. L’avant-projet de loi livre les principaux points d’un texte explosif sur le plan du droit social. Reste qu’il est encore loin d’être voté: la loi doit encore passer en comité interministériel, avant d’être présentée en Conseil des ministres le 9 mars et devant le Conseil d’État.

Revue de détail d’un texte qui n’a pas fini de faire parler de lui.

Vers la semaine de 60 heures?

La durée légale du travail resterait à 35 heures (autrement dit, les heures supplémentaires débuteraient toujours à la 36e heure), mais la durée maximale d’une semaine de travail serait portée à… 60 heures! Un cas possible aujourd’hui “pour des circonstances exceptionnelles, sous réserve d’accord de l’inspection du travail”. Sauf qu’El Khomri veut faire sauter cette demande d’autorisation – quasiment jamais accordée.

Un salaire… “modulable”

Lors d’un passage à vide économique, ou dans le cas de la conquête de nouveaux marchés, l’entreprise pourrait moduler (à la baisse) librement le temps de travail et le salaire des employés pour cinq ans maximum. Si l’accord préalable des salariés est prévu, ceux qui refuseront pourront être licenciés pour “cause réelle et sérieuse”. Jusqu’ici, en cas de modification unilatérale du contrat, le salarié qui refusait la nouvelle version pouvait être licencié économique, ce qui lui était plus favorable.

Des astreintes non travaillées… et non payées

Aujourd’hui, un salarié en astreinte est considéré comme à disposition de l’entreprise, ne serait-ce que parce qu’il ne peut s’éloigner ou s’absenter. Il doit donc à ce titre être indemnisé. Le texte d’El Khomri prévoit tout simplement qu’il soit considéré comme… “en repos”, à partir du moment où l’entreprise n’aurait pas fait appel à lui. Pourtant, selon la Charte sociale européenne, une astreinte peut être moins payée – ce n’est pas un travail effectif – mais elle doit tout de même être indemnisée.

Prud’hommes: les indemnités plafonnées

Au-delà des indemnités légales de base, les prud’hommes peuvent librement fixer le montant des indemnités allouées à un salarié licencié abusivement. Mais El Khomri prévoit un plafonnement, réclamé et attendu par les patrons. Le juge doit s’en tenir à un barème, qui tient uniquement compte de l’ancienneté du salarié. Avec une limitation à 15 mois de salaire pour les employés qui ont plus de 20 ans d’ancienneté.

Des référendums plutôt que des syndicats

Le principe d’un accord d’entreprise voté par les syndicats demeure, mais ceux-ci devront représenter au moins 50% des suffrages lors des élections professionnelles (contre 30%) pour être jugés représentatifs. Si les syndicats majoritaires ne valident pas l’accord, des syndicats pourront demander la tenue d’un référendum, sans pouvoir s’opposer à sa validation si les voix sont majoritaires.

Coup de canif dans le forfait jour

En France, 50% des cadres sont au “forfait jour”: ils peuvent donc déroger aux 35 heures hebdomadaires, mais doivent s’en tenir à d’autres contraintes: 235 jours de travail par an au maximum, et 11 heures de repos consécutives obligatoires par 24 heures. La mise en place du forfait jour passait par la signature d’un accord collectif dans les PME de moins de 50 salariés. Selon le texte de la ministre, un accord individuel de chaque salarié suffira désormais. Et ce n’est pas tout: les 11 heures de repos pourront être fractionnées, plutôt que consécutives.

Les apprentis travailleront plus

La durée légale de travail d’un apprenti serait portée à 40 heures hebdomadaire (contre 35), avec 10 heures par jour au maximum (contre 8), ce qui était déjà possible, mais uniquement avec l’accord de l’inspection du travail et d’un médecin du travail. Désormais, le patron devra seulement “informer” l’inspection et le médecin du travail.

Source : Le Dauphiné, 17/02/2016

 

L’intégralité du projet de loi El Khomri

Le projet de loi El Khomri publié par redacweb6352

Bon, ben désolé, mais là, c’est la minute nécessaire de Monsieur Filoche (à prendre aussi avec un peu de recul) :

Gérard Filoche : « La plus importante contre-révolution depuis un siècle »

Entretien. Pour l’ex-inspecteur du travail et membre de la direction du PS, Gérard Filoche, l’avant-projet de loi El Khomri est une « attaque thermonucléaire » contre toutes les protections des salariés.

À la lecture de l’avant-projet de loi El Khomri, reste-t-on selon vous dans le champ d’une simple « simplification » dont parlait la mission Badinter ?

Gérard Filoche Non, c’est un véritable bouleversement. Valls avait annoncé qu’il ne voulait pas d’une réformette mais d’une révolution. Nous sommes face à la plus importante contre-révolution depuis un siècle. C’est une attaque à la bombe thermonucléaire contre l’ancien Code du travail. Depuis un siècle, le droit du travail s’est construit pour permettre de protéger les salariés contre les exigences des entreprises et de l’économie. Et voilà qu’ils font l’inverse, ils nous ramènent au statut de loueurs de bras, de tâcherons, de soumis sans droit. C’est la casse de la grande tradition de reconnaissance du salariat comme moteur de la production des richesses.

Le gouvernement avait promis de ne pas s’attaquer aux 35 heures, quelle est votre appréciation ?

Gérard Filoche Il a menti, noir sur blanc. Les 35 heures ne sont plus, dans ce projet, qu’une éphémère plaisanterie. En une dizaine de chapitres, tous les contrôles sur la durée du travail sautent. Les gens vont avoir du mal à le croire, mais il est bien écrit que la durée maximale du travail pourra, par forfait ou négociation, excéder les 12 heures par jour, tout comme elle pourra dépasser les 48 heures par semaine, pour atteindre les 60 heures.

C’est au nom de l’inversion de la courbe du chômage que le gouvernement justifie ses réformes ; quels dangers pour l’emploi recouvre cet avant-projet ?

Gérard Filoche De telles transformations augmenteraient massivement le chômage. Il s’agit de faire travailler plus ceux qui ont un travail au détriment de ceux qui n’en ont pas. L’ampleur du mensonge est fracassante. On atteint des sommets de propagande et de contresens. Comment peut-on prendre des millions de salariés pour des gogos, prétendre qu’il s’agit de leur permettre d’avoir un travail alors que, pour beaucoup, cela le leur enlèvera, et que, pour les autres, cela les exploitera, brisera leur santé ? D’où tout cela vient-il ? Personne ne le demande, à part Pierre Gattaz, et même lui doit sûrement en ce moment s’étonner de la hardiesse ultralibérale de ce projet.

Le gouvernement prétend promouvoir le « dialogue social » via le référendum et les accords d’entreprise. Quels sont les risques ?

Gérard Filoche Il enterre au contraire le dialogue social. Il ne peut y avoir de référendum dans une entreprise puisque les parties ne sont pas à égalité. Le salarié est subordonné, avec un canon sur la tempe quand il doit se prononcer comme chez Smart. En outre, les dispositions prévues rendent possibles tellement de dérogations à la loi que pratiquement plus rien de l’ordre public social ne restera en place. Il y aura 10 000 Codes du travail dans 10 000 entreprises.

Les syndicats et une majorité de gauche peuvent-ils entériner ces mesures ?

Gérard Filoche Tout syndicat devrait immédiatement appeler à descendre dans la rue. On est à l’os, il est vital de se défendre. Quant à la majorité, celle que je connais a appelé à reconstruire et à renforcer le Code du travail. C’est un reniement en profondeur du gouvernement, une attaque contre l’histoire même du PS. Les députés qui ont par le passé voté tout le contraire de ce texte seront soumis à leur propre conscience. Même la droite sarkozyste n’envisageait pas d’aller si loin.

Source : l’Humanité, 18/02/2016

Source: http://www.les-crises.fr/les-ultra-liberaux-en-ont-reve-la-droite-socialiste-le-fait/


Empêcher une agression russe ! Les Etats-Unis et l’OTAN en mode «Guerre froide», par Neil Clark

Thursday 18 February 2016 at 03:25

Source : Russia Today France, Neil Clark, 02-02-2016

Des unités militaires de pays membres de l’OTAN participent à l’exercice Jump Noble à Swietoszow, Pologne, le 18 juin à 2015

Le Commandement américain en Europe a publié une mise à jour de sa stratégie militaire, évoquant une «menace russe». Le journaliste Neil Clark se demande si les doubles standards qui prévalaient durant la Guerre froide sont de retour.

Le Commandement américain en Europe (USEUCOM) a publié une mise à jour de sa stratégie militaire. Et devinez ce qui a été répertorié comme la première des six principales «priorités» : «Empêcher une agression russe !»

On nous dit qu’une «agression russe menace les alliés et les partenaires de l’OTAN en Europe».

La Russie est accusée d’afficher un «mépris concernant la souveraineté de ses voisins en Europe» et de violer «de nombreux accords qui exigent que la Russie agisse dans le cadre du droit international».

«Les zones à l’est et au nord, la Russie provoque l’inquiétude la plus grande en raison de son comportement de plus en plus agressif… Comme cela a été démontré en Crimée et à l’Est de l’Ukraine, la Russie emploie une forme de guerre qui comprend des moyens conventionnels, irréguliers et asymétriques – dont la manipulation permanente des conflits politiques et idéologiques – afin de promouvoir l’instabilité et elle rejette une approche collaborative en matière de sécurité vis-à-vis de la communauté internationale».

Et il n’y a pas qu’en Europe que la Russie représente une menace. «L’ours» est à la chasse partout dans le monde ! «La Russie est à l’origine de défis constants pour nos alliés dans de nombreuses régions ; par conséquent, c’est un défi à l’échelle mondiale qui nécessite une réponse globale».

Le document rédigé sur 12 pages par le général Philippe M. Breedlove, le commandant de l’USAF, rappelle l’esprit des années 1950. Ce n’est pas étonnant, car la guerre de propagande menée en ce moment contre la Russie est aussi forte – et acharnée – qu’à l’époque du sénateur McCarthy. Une «Russie revancharde» est maintenant considérée comme le facteur le plus important «des changement négatifs les plus profonds concernant la sécurité européenne depuis la fin de la Guerre froide».

En tant qu’œuvre de fiction, cette mise à jour de la stratégie militaire devrait candidate à tous les plus grands prix littéraires de 2016. Car en réalité, le «changement négatif le plus profond dans le domaine de la sécurité européenne depuis la fin de la Guerre froide» a été la Marche vers l’Est, inspirée par les néo-conservateurs. C’est Washington et sa politique agressive – et non pas Moscou – qui a fait de l’Europe, et du monde en général, un lieu moins sûr.

En fait, remplacer le mot «Russie» par le mot «Etats-Unis» dans ce document aurait plus de sens.

Ce qui s’est passé dans l’Est de l’Ukraine et en Crimée après le changement de régime à Kiev n’était pas une «agression» russe, mais une réponse à l’agression des Etats-Unis et de l’UE contre la Russie

Revenons en 1990. A cette époque, comme la Guerre froide était terminée, les progressistes étaient, à juste titre, enthousiastes au sujet des dénommés «dividendes de la paix». L’argent investi dans les armes pourrait allait à des projets bien plus valorisant, comme les hôpitaux, les écoles et les bibliothèques publiques. Mais l’OTAN – à la différence du Pacte de Varsovie – n’a procédé à aucun désarmement ; au contraire, elle s’est étendue jusqu’aux frontière de la Russie.

Les pays qui n’ont pas souhaité rejoindre le club de l’OTAN ont été frappés par des sanctions (Biélorussie), ou par des sanctions et des bombardements (Yougoslavie). En 1999, l’OTAN, qui a été fondée comme une alliance militaire défensive en 1949, n’a pas seulement violé le droit international en s’attaquant à la République Fédérale de Yougoslavie, mais a également contrevenu à l’Article 1 de sa propre charte qui indique : «Les parties s’engagent, comme il est écrit dans la Charte des Nations unies, à régler par des moyens pacifiques tout différend international dans lequel elles pourraient être impliquées, de telle manière que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas mises en danger, de même qu’à s’abstenir dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l’emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts des Nations unies».

Qu’est-ce que c’était que cette ligne dans le rapport de l’USEUCOM sur une violation de nombreux accords et du droit international ?

Tout allait bien avec la Russie quand elle était d’accord avec tout cela, mais dès qu’elle s’est mise à défendre son point de vue et ses propres intérêts légitimes, la Guerre froide a recommencé. Comme l’a écrit mon collègue, l’auteur John Wight dans son article récent sur la diabolisation de Vladimir Poutine, «Toutes ces balivernes à propos de Poutine qui aurait des objectifs expansionnistes est une tentative de mettre un écran de fumée sur le programme expansionniste de l’Occident en Europe de l’Est qui a pour but d’instituer un cordon sanitaire autour de la Russie dans le prolongement de la stratégie de la Guerre froide».

Lorsque le gouvernement résolument pro-américain de Géorgie a attaqué l’Ossétie du Sud en août 2008 et que la Russie a répondu afin de protéger les citoyens russes ethniques, c’est la Russie qui a été présentée comme l’agresseur dans les médias néo-conservateurs.

De la même façon, en Ukraine en 2014/15 lorsqu’une opération de «changement de régime» orchestrée par le département d’Etat américain et l’UE visant à renverser un gouvernement neutre et à le remplacer par un gouvernement résolument pro-américain, pro-européen et anti-russe.

Ce qui s’est passé dans l’Est de l’Ukraine et en Crimée après le changement de régime à Kiev n’était pas une «agression» russe, mais une réponse à l’agression des Etats-Unis et de l’UE contre la Russie.

Les doubles standards concernant les «intérêts nationaux» que fait ressortir mise à jour stratégique sont assez remarquables

Comme je l’ai noté ici –imaginez simplement la réaction des Etats-Unis, si la Russie avait financé et organisé un «changement de régime» contre un gouvernement démocratiquement élu au Canada – et si un ministre russe des Affaires étrangères et l’ambassadeur de Russie au Canada avaient été enregistrés en train de discuter des personnes qui devraient composer le nouveau gouvernement canadien pro-russe, comme l’ont fait Victoria Nuland et Geoffrey Pyatt dans le cas de l’Ukraine.

Les doubles standards concernant les «intérêts nationaux» que fait ressortir mise à jour stratégique sont assez remarquables.

«Historiquement, l’Europe est un territoire clef pour l’armée américaine et elle le restera», écrit le général Breedlove.

On nous dit que «les bases, l’accès et la liberté de circulation que les alliés et les partenaires européens fournissent aux Etats-Unis sont essentiels pour la mission du département de la Défense américain, qui consiste à utiliser des forces à l’échelle mondiale afin de répondre aux éventuels besoins, de mener des opérations et de défendre les intérêts nationaux vitaux des Etats-Unis».

Cependant, alors que les Etats-Unis peuvent prétendre qu’un continent qui est à des milliers de kilomètres de leurs frontières est un «territoire clef» et essentiel pour la défense de leurs intérêts nationaux», la Russie n’a aucun droit de répondre à un changement de régime organisé par les Américains tout près de chez elle. Une fois de plus, imaginez la fureur provoquée par la révélation d’un document militaire russe qualifiant l’Amérique centrale de «territoire clef pour l’armée russe…».

Comme le montre le document de Breedlove, les ambitions de USEUCOM vont au-delà des frontières de l’Europe.

«Le Levant et la Méditerranée sont aussi des régions dans lesquelles USEUCOM sera pleinement engagée. L’une des missions essentielles de USEUCOM, c’est d’aider Israël à jouir de son droit intrinsèque à la légitime défense».

En évoquant la «menace que représente l’Iran et le Hezbollah», on nous dit que USEUCOM va poursuivre son étroite collaboration avec Tsahal afin de lui garantir «l’engagement américain à contribuer à sa défense et à préserver son avantage militaire qualitatif sur ses adversaires au milieu d’une transformation régionale rapide et incertaine».

Mais bien évidemment, cette «défense» va nécessiter beaucoup de personnel – et d’investissements. Breedlove s’inquiète que moins de 65 000 militaires «restent stationnés en permanence en Europe pour sécuriser et faire avancer les intérêts nationaux américains, du Groenland à la mer Caspienne et de l’océan Arctique au Levant».

Il prévient encore que «la présence réduite à l’avenir et la dégradation de l’état de préparation au sein des services réduisent la capacité des Etats-Unis de modeler l’environnement de façon positive».

Alors, allez-y, monsieur Obama, sortez le chéquier de la nation et payez pour les dépenses militaires afin de contrer la «menace» russe et d’aider les Etats-Unis à promouvoir ses intérêts nationaux «du Groenland à la mer Caspienne et de l’océan Arctique au Levant» !

C’est seulement avec des troupes supplémentaires que les Etats-Unis et ses alliés espèrent contrer la «menace russe».

 Il n’y a aucun doute que la «menace soviétique» en Europe occidentale a été médiatisée pour justifier une présence militaire continue sur le continent

Reuters a révélé que l’OTAN cherchait également à lutter contre ce qu’on appelle «la militarisation de l’information» par le Kremlin.

«L’OTAN et l’Union européenne sont tous les deux inquiets de la capacité de la Russie à utiliser la télévision et Internet pour faire passer ce qu’elles disent pour de la désinformation délibérée», rapporte Reuters.

Apparemment, ce document de 23 pages a été produit par le comité militaire de l’OTAN pour faire face à ce problème. On cite un diplomate occidental qui aurait dit à propos des Russes : «Ils peuvent créer une réalité virtuelle qui est destinée à embrouiller et à atteindre certains objectifs». Je n’ai pas encore vu de meilleure description des néoconservateurs occidentaux.

Il n’est pas difficile de comprendre de quoi sont capables l’OTAN et l’USEUCOM.

Il fut un temps où l’engagement militaire américain en Europe était très bien accueilli – lorsque les États-Unis ont aidé à libérer le continent de l’occupation nazie en 1944/45. Contrairement à ce qui s’est passé après la Première Guerre mondiale, les Etats-Unis sont restés en Europe – ce qui était peut-être compréhensible à la lumière de ce qui s’était passé sur le continent au cours des années 1930. Dans le même temps, il n’y a aucun doute que la «menace soviétique» en Europe occidentale a été médiatisée pour justifier une présence militaire continue sur le continent.

Aujourd’hui, quelque chose de très similaire est en train de se produire, à cette distinction près que «menace soviétique» d’alors a été remplacée par une «menace russe». Mais il y a un problème : les gens ont besoin d’être persuadés qu’il y a effectivement une menace, surtout à une époque d’austérité, quand des réductions budgétaires sont effectuées dans des domaines importants. L’époque d’Internet, qui a donné aux gens l’accès à plus de sources d’information et la popularité croissante de chaînes telles que RT – qui poussent les gens à «oser questionner» – ont rendu plus délicate la question de duper le public et celle de promouvoir des discours frauduleux.

Et puis, il y a l’héritage de l’Irak. Les mensonges flagrants racontés à propos de l’Irak et de ses soi-disant armes de destruction massive avant l’invasion illégale de 2003 n’ont pas été et ne seront pas oubliés.

L’OTAN et le haut commandement militaire américain ne devraient pas accuser ce qu’ils appellent «la militarisation de l’information par le Kremlin» du fait que les gens en Europe n’avalent pas la dernière vague de propagande anti-russe. C’est George W. Bush et Tony Blair qu’ils devraient en rendre responsables.

 Source : Russia Today France, Neil Clark, 02-02-2016

Source: https://www.les-crises.fr/empecher-une-agression-russe-les-etats-unis-et-lotan-en-mode-guerre-froide-par-neil-clark/


Il faut faire tomber Alep, par Valérie Toranian

Thursday 18 February 2016 at 02:00

Analyse intéressante, venant d’une revue telle que la Revue des deux mondes…

Source : Revue des deux mondes, Valérie Toranian, 08-02-2016

« Alep ‘risque’ de tomber aux mains du régime syrien ». C’est un tweet de Libération qui a donné le ton la semaine dernière quand l’offensive des forces de l’armée régulière de Bachar al-Assad annonçait une reprise probable de la ville par les loyalistes. Appuyée par d’intenses bombardements de l’armée russe, soutenue par des troupes de choc du Hezbollah libanais (chiite) et des pasdarans iraniens, l’offensive se traduit aujourd’hui par un quasi encerclement de la ville. Les rebelles, parmi lesquels on compte l’Armée syrienne de libération et des groupes islamiques, notamment Al Nosra filiale locale d’Al Qaeda, sont en mauvaise posture.

Pour de nombreux commentateurs, c’est une triste nouvelle. Comme si les gentils rebelles syriens épris de démocratie se battaient contre les forces barbares d’un état autoritaire et sanglant, celui de Bachar al-Assad, épaulé par l’ignoble Poutine et qu’hélas ces deux larrons étaient en train de gagner. Qu’on ne se méprenne pas. Bachar al-Assad fait partie des salauds infréquentables de la planète. Les forces répressives de son régime ont un macabre bilan humain à leur actif. Poutine n’est pas non plus le juste pourfendeur du terrorisme qu’il prétend être, sans arrière pensée politique dans la région. Mais dans le chaos compliqué du Moyen-Orient, entre un régime syrien haïssable et un État islamique qui vient de se constituer en Califat, se livre à des actes barbares sur les populations non sunnites, continue de génocider les yézidis et, enfin, entraine des combattants pour qu’ils assassinent de jeunes Français en plein Paris, de quel côté est notre vrai risque ?

Suite de l’article à lire sur Revue des deux mondes, Valérie Toranian, 08-02-2016

Source: https://www.les-crises.fr/il-faut-faire-tomber-alep-par-valerie-toranian/


Pourquoi Alep est un enjeu fondamental pour Assad

Thursday 18 February 2016 at 01:24

Source : Le Vif, François Janne d’Othée, 14-02-2016

 Cinq ans après le début de la guerre en Syrie, le régime est sur le point de reprendre la deuxième ville du pays. Un tournant majeur dans ce conflit au lourd bilan et qui a déplacé des millions d’habitants ? Le point avec Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie au Washington Institute.

L’offensive de l’armée syrienne et de l’aviation russe sur Alep a provoqué un nouvel exode de population vers la Turquie. © BEHA EL-HALEBI/ANADOLU AGENCY/REPORTERS

Le Vif/L’Express : La bataille d’Alep sera-t-elle décisive pour la suite de la guerre en Syrie ? 

Fabrice Balanche : Absolument, c’est un enjeu fondamental pour Bachar al-Assad. La progression militaire du régime va lui permettre de reprendre la ville, hors la partie orientale qui va rester encore aux mains des rebelles. Les autres, à l’ouest, sont complètement encerclés. Toutefois, même si l’armée syrienne a coupé la route de la Turquie, la reconquête d’Alep ne se fera pas en quelques mois. Car les batailles en milieu urbain sont difficiles. Le pouvoir agira comme à Homs : des négociations pour amener les rebelles à quitter la ville.

Qu’en est-il des civils pris au piège ? 

Contrairement au chiffre d’un million de civils avancé çà et là, les résidents des quartiers orientaux ne sont plus que quelques dizaines de milliers, à commencer par les rebelles et leurs proches. En 2012, ces quartiers comptaient 1,5 million d’habitants. Avec les bombardements de barils de dynamite par l’aviation syrienne, ils ont fui en masse. Sachant que la route vers le nord allait être coupée, un nouvel afflux a suivi ces derniers jours. Notons qu’au sud d’Alep, le régime marque également des points.

Merci les Russes ? 

De fait, cela n’aurait pu se faire sans l’apport russe mais aussi des dizaines de milliers de combattants chiites venus d’Irak avec le soutien financier de l’Iran. Un état-major commun permet la coordination. Aux Russes, les attaques aériennes ; aux Iraniens, la défense d’Alep et les mouvements de troupes sur le terrain, tandis que l’armée régulière syrienne, largement sous contrôle iranien, est en charge de la défense des quartiers loyalistes.

Quels sont les objectifs militaires de Poutine ? 

Après avoir chassé les rebelles des grandes villes et protégé la côte alaouite (NDLR : où se trouvent les bases russes), le troisième objectif de Poutine sera de bloquer leurs lignes d’approvisionnement depuis la Turquie et la Jordanie. Simultanément, les Russes sont persuadés que le fait national kurde va faire bouger les frontières au Moyen-Orient. Comme ils s’inscrivent dans une politique à long terme, ils font miroiter aux Kurdes un territoire unifié en Syrie, d’Afrin à Kobane. Les Etats-Unis refusent ce scénario qui va à l’encontre des intérêts de la Turquie, partenaire dans l’Otan. Or, un des buts de la Russie est précisément d’affaiblir la Turquie. Celle-ci est la grande perdante de la guerre syrienne : les Kurdes sont en train de former leur Etat, les réfugiés déferlent et Assad est toujours là.

Et Daech ? Qui sera en première ligne pour s’attaquer à son fief de Raqqa ? 

Les rebelles syriens sont incapables de prendre Raqqa. Le veulent-ils seulement ? On ne les a guère entendus prendre position contre Daech. Ceux du Front al-Nosra et d’Ahrar Al-Sham partagent d’ailleurs son idéologie. “Quand Assad sera tombé, ils vont se battre contre Daech”, entend-on souvent. Difficile à croire ! Les Américains avaient tenté d’armer des rebelles “modérés” pour se battre contre Daech, ce fut un fiasco total. On parle également d’une force armée intégrant des tribus arabes sous leadership kurde, mais cela ne marchera pas. Quant à la coalition internationale, elle ne veut pas envoyer de troupes au sol et craint de bombarder des civils. Or, l’état-major de Daech se trouve en pleine ville.

La solution ? 

Je ne vois que l’armée syrienne et les Russes. Ce sont eux qui régleront l’affaire. Toutefois, leur priorité est de se débarrasser des autres groupes rebelles avant de se diriger vers Raqqa, sans doute vers la fin de l’année ou en 2017. Ce n’est pas un objectif immédiat.

Cela revient-il à condamner la ligne “Ni Bachar ni Daech” prônée par les diplomaties française et belge ? 

Assad est aujourd’hui considéré comme le moindre mal, même si la France va rester accrochée à sa posture morale assimilant Assad à un “boucher”. Cette évolution de la guerre syrienne est une défaite pour les Occidentaux, qui ont commis une erreur d’analyse globale. Ils n’ont pas voulu voir l’aspect communautaire dans la guerre civile. Ils n’ont pas voulu voir que les rebelles n’étaient pas des gentils démocrates mais des islamistes et que des mouvements comme Daech allaient émerger.

Contestez-vous qu’il s’agissait, au début, d’une révolte pour la démocratie ? 

Chez les quelques intellectuels qui manifestaient à Damas, c’était le cas. A Deraa, où la contestation a surgi, ce sont des problèmes socio-économiques qui ont suscité la colère : cinq années de sécheresse, une population rurale sans emploi du fait de la croissance démographique, l’arbitraire des services de renseignements, la corruption… La coupe a débordé, les gens se sont révoltés. A Homs et Hama c’était pire, car s’y est ajoutée une dimension anti-alaouite et antichrétienne. A Deraa, où la population est à 99 % sunnite, des Frères musulmans venus de Jordanie ont mis de l’huile sur le feu, eux qui sont en embuscade depuis qu’ils ont été massacrés à Hama en 1982. Si les salafistes “quiétistes” devenus entre-temps djihadistes les ont remplacés, les Frères musulmans sont restés à la manoeuvre depuis l’extérieur grâce à leurs relais en Occident et avec l’argent du Qatar.

Quelle est la stratégie russo-syrienne dans les négociations de Genève, actuellement suspendues ? 

Les Russes croient d’abord à la solution militaire. Ils ne souhaitent aller aux négociations de Genève qu’en position de force. Les Etats-Unis voulaient qu’elles débutent dès janvier, alors que l’offensive sur Alep était prévue depuis des mois. En fait, les Russes veulent légitimer “leur” opposition, à savoir les Kurdes, qui n’ont pas été invités à Genève, mais aussi des opposants laïques, comme Haytham Manna ou Qadri Jamil, qui a été ministre de l’Economie avant d’être révoqué et de s’installer à Moscou en septembre 2013. Ceux-ci feraient contrepoids à la coalition nationale syrienne cornaquée par les Saoudiens, avec l’objectif de sauver le processus de Genève tout en maintenant Assad au pouvoir ainsi que son entourage de généraux qui décident de tout. Ce n’est qu’après la guerre que ses parrains étrangers pourraient éventuellement le conduire à quitter la présidence.

Le régime est-il en mesure de reprendre le contrôle sur tout le territoire syrien ? 

Ce sera difficile. Damas devra accorder l’autonomie aux Kurdes : c’est dans l’accord conclu avec Moscou. Le pouvoir s’est fragmenté, aussi. Toutes ces milices de défense nationale ont aujourd’hui une grande marge de manoeuvre. Même dans la banlieue de Damas, à Jaramana, qui est pro-Assad, le pouvoir central n’a pas beaucoup de prise sur la milice druzo-chrétienne qui y fait la loi. Dans la vallée de l’Euphrate, à Raqqa, à Deir ez-Zor, il va falloir lâcher du lest en faveur des tribus locales. Il y aura une zone d’administration plus ou moins directe dans l’ouest, et indirecte dans l’est et le nord. Un scénario à l’irakienne, en somme.

Entretien : François Janne d’Othée

Source : Le Vif, François Janne d’Othée, 14-02-2016

Source: https://www.les-crises.fr/pourquoi-alep-est-un-enjeu-fondamental-pour-assad/


Lettre ouverte à Pablo Iglesias par Jacques Sapir

Thursday 18 February 2016 at 00:30

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 13-02-2016

Christophe Barret et moi-même avons écrit une lettre ouverte au dirigeant de PODEMOS, Pablo Iglesias. Nous l’avons fait parce qu’il nous semble que ce que représente PODEMOS est un enjeu, au-delà de la seule gauche espagnol, qui concerne toutes les gauches européennes, mais aussi tous les européens, et même s’ils ne sont pas de gauche, qui étouffent sous la dictature européenne. Jean-Luc Mélenchon ne dit pas autre chose dans son texte où il annonce, de fait, sa candidature à l’élection présidentielle de 2017. PODEMOS, d’ailleurs, refuse la dichotomie traditionnelle entre gauche et droite et revendique clairement une démarche populiste, comme celles qui ont porté des gouvernements d’espérance en Amérique Latine.

Mais, certaines ambiguïtés demeurent dans le discours de PODEMOS. Or, venant après la capitulation de SYRIZA en juillet 2015, capitulation qui s’est suivie d’une reprise, certes contrainte et forcée, de la politique des « mémorandums » européens, de nouvelles ambiguïtés sont désormais insupportables. Elles portent en elles le risque de voir un mouvement social être conduit à l’échec alors que des solutions existent bel et bien. La position adoptée par Tsipras n’a rien changée sur le fond. La perspective du « GREXIT » est toujours d’actualité et la politique du nouveau mémorandum s’est révélée tout aussi mortifère, et toute aussi incapable de sortir la Grèce de sa crise que celle des précédant mémorandums. Les manifestations qui se multiplient ces derniers jours tant à Athènes que dans d’autres villes de Grèce en témoignent. Les menaces d’une insolvabilité de la Grèce, en mars ou en juin prochain, le confirment.

Dans l’intérêt des peuples d’Espagne, mais aussi dans celui des peuples européens, soumis à un pouvoir anti-démocratique dont la tête est tantôt soit à Francfort, soit à Bruxelles ou soit à Berlin, et que relaie, hélas, les élites politiques nationales, il faut une politique de claire rupture. Et c’est justement pour aboutir à cette clarification que la présente lettre a été écrite. Elle sera donnée en mains propres par Christophe Barret aux dirigeants de PODEMOS dans les jours qui viennent. En attendant, et pour lancer ici un débat dont l’importance et l’enjeu dépasse PODEMOS, je la publie, tant en français qu’en espagnol.

Texte français

 

Cher Pablo Iglesias,

Face à la crise multiforme qui touche l’Union Européenne, les succès électoraux de PODEMOS appellent de nombreuses initiatives. Militant des marges du monde politique, vous proposez un nouveau discours politique dont il convient aujourd’hui de méditer les points forts. Dans la bataille pour la conquête du sens commun accepté par la grande majorité de nos concitoyens, il vous est paru préférable de privilégier à la traditionnelle dichotomie gauche/droite l’opposition des peuples à leurs élites. La crise que traverse la social-démocratie semble confirmer la nécessité d’un tel aggiornamento.

Néocolonialisme, compradorisation et populisme

Candidat du groupe de la Gauche Unitaire Européenne à la présidence du Parlement Européen le 30 juin 2014, vous justifiiez vos choix politiques et stratégiques en ces termes : « la démocratie, en Europe, a été victime d’une dérive autoritaire (…) nos pays sont devenus des quasi-protectorats, de nouvelles colonies où des pouvoirs que personne n’a élus sont en train de détruire les droits sociaux et de menacer la cohésion sociale et politique de nos sociétés ».

Nous partageons ce diagnostic. Les élites politiques des pays de l’Union Européenne sont bel et bien soumises à une puissance extérieure. Ce colonialisme sans métropole représente un défi pour les démocrates. Un concept, né à une autre époque et sur un autre continent, peut nous aider à comprendre le phénomène : celui de la « compradorisation des élites ». Selon une définition aujourd’hui communément admise, une élite compradore « ou « bourgeoisie compradore ») tire sa position sociale et son statut de sa relation avec une puissance économique étrangère qui domine son territoire d’origine. Ce concept fut, naguère, du plus grand intérêt pour comprendre l’évolution de d’une Amérique latine que vous connaissez bien ! Aujourd’hui, en Europe, une nouvelle compradorisation est en œuvre, rendue possible par les institutions européennes et la puissance économique allemande.

De-même sommes-nous nombreux à faire nôtre le projet de Podemos de revivifier la démocratie. Nos prenons acte du fait que votre démarche populiste de contestation, authentiquement de gauche, se double de la volonté d’assumer les responsabilités de l’État – quand bien même ce souverainisme sans drapeau vous amène aussi à explorer les voie d’autres types de médiations selon un « processus constituant » dont il vous appartiendra, à terme, d’expliciter davantage.

De la dynamique européenne et des mouvements de contestation

La confiance dont vous témoignent aujourd’hui vos électeurs vient du fait que vous avez été, avec vos compagnons, les premiers à porter au Parlement une expression politique du mouvement des Indignés de 2011. La révolte des classes moyennes inexorablement entraînées dans un processus de paupérisation qui menace aujourd’hui de nombreuses régions du continent européen intéresse de très nombreux citoyens, bien au-delà des cercles des militants de la gauche de toujours. Un sursaut incroyable a eut lieu, il y a un an, en Grèce. Hélas, ce « Vaisseau venu de Grèce » que chantait en 1974 Lluís Llach s’est brisé sur les récifs des politiques d’austérité dressés par les institutions européennes. L’alliance de la social-démocratie avec celles du Parti Populaire européen (PPE), pour que rien ne change, peut être vue comme une réminiscence de « la Sainte Alliance des possédants » de 1848. Pour nos maîtres, le nouveau printemps de peuples n’aura pas lieu !

Dans un très long article publié – déjà presque en forme de bilan –, l’été dernier, dans la New Left Review, vous sembliez pourtant toujours considérer comme possible « un processus de recouvrement de la souveraineté » des peuples. En dépit de ce que nous appelons le processus de compradorisation des élites, il vous semble encore possible d’impulser des transformations du système productif et d’envisager une « reconfiguration  des institutions européennes en un sens plus démocratique », notamment avec l’établissement d’un Parlement de la zone euro[1]. Ce faisant, vous cherchez à créer un rapport de force au sein du conseil européen. C’est une stratégie courageuse, mais c’est aussi une stratégie discutable, qui peut avoir des implications graves non seulement sur PODEMOS mais de manière plus générale sur les autres mouvements de contestation européen. Chercher à créer un rapport de force dans le conseil européen implique de considérer que ce dernier aurait une quelconque légitimité. Or, le conseil n’a pas d’autre légitimité que celle de chaque pays. C’est un organisme de coordination et non de subordination. Il est vrai qu’il tend à se comporter comme un organisme de subordination ; mais faut-il l’accepter ? Faut-il se plier à la vision anti-démocratique des institutions européennes ? En faisant cela, on perd une bataille avant même de l’avoir menée.

Concrètement, construire un rapport de force implique que des mouvements anti-austérité arrivent simultanément au pouvoir dans différents pays. Force est de constater que cette perspective n’est pas crédible. Les temps électoraux et politiques restent propres à chacun des pays, parce qu’ils traduisent l’histoire et la culture politique nationale. Vous en savez quelque-chose, aujourd’hui, en Espagne. Ainsi, en s’engageant dans la direction de la construction d’un rapport de force au sein du conseil européen, PODEMOS fait un double cadeau aux partisans de l’austérité. D’une part, il fait un cadeau aux ennemis des peuples en leur reconnaissant une légitimité qu’ils n’ont pas et d’autre part il entraîne les différents mouvements dans une voie illusoire, celle qui consisterait à attendre que les élections permettent l’arrivée au pouvoir simultanée de majorité anti-austérité dans les pays de l’Union européenne.

Il nous semble donc que c’est dans une voie dangereuse, et même suicidaire, que PODEMOS s’engage.

Construire le champ de l’affrontement

La question majeure qui se pose alors est celle de la construction du champ politique de l’affrontement. Ce champ doit se construire tant en Espagne (comme dans tout autre pays) que dans l’Union européenne. Mais, dans cette construction, deux éléments vont peser lourd pour le futur.

  1. L’Europe

La question du rapport avec les institutions européennes, devenues aujourd’hui le camp retranché des partisans de l’austérité et conçue comme telle en réalité dès le départ, se pose. Nous souhaitons tous une large coordination entre les pays européens, et ceci inclut bien entendu des pays qui ne sont pas membres de l’Union européenne, comme la Suisse, la Norvège, la Russie et même ceux du Maghreb. Mais, nous devons constater que l’implacable logique du politique s’impose en ce qui concerne la nature de nos relations avec les institutions européennes. Il est ici dangereux de nourrir et d’entretenir des illusions, et nous pensons que certains points dans le programme de PODEMOS sont justement de cette nature. Il ne sert à rien de mettre en avant la sincère volonté de construire une « autre » Europe si les dirigeants européens sont d’emblée résolus au conflit.

Du moment que pour les partisans de l’austérité la venue au pouvoir d’un mouvement ou d’un parti dans l’un des pays de l’UE menace de remettre en cause pouvoir et privilèges, ils mettront en œuvre, et on l’a vu dans le cas de la Grèce au printemps 2015, tous les moyens à leur disposition, y compris des moyens illégaux et des pratiques de corruption, pour amener ce mouvement ou ce parti à résipiscence. La nature des relations entre les partisans de l’austérité et leurs adversaires constitue le couple amis / ennemis. Ce sera une lutte sans pitié ni merci. Nous serons d’emblée projetés dans la logique de l’antagonisme. Il faut donc ici poser la question du programme et de l’action de PODEMOS. Êtes-vous prêt à cet affrontement et à toutes ses conséquences ?

Cette perspective implique de définir le cercle des relations « agoniques », c’est à dire entre adversaires susceptibles de s’unir pour résister à des ennemis communs. De fait, la nature de l’affrontement avec les institutions européennes ne dépend pas de PODEMOS, comme il n’a pas dépendu de SYRIZA. Cette nature sera déterminée par l’action des dirigeants européens ; si, pour arriver à un accord, il faut deux volontés, une seule suffit pour provoquer le conflit. Mais, en imposant un cadre d’affrontements antagoniques aux partis anti-austéritaires dès qu’ils arrivent au pouvoir, les dirigeants européens peuvent permettre de faire émerger un autre cadre, celui des relations agoniques. Ce cadre, c’est celui des relations entre forces certes opposées, mais où l’affrontement avec les institutions européennes requalifie l’opposition d’un conflit entre adversaires et non plus entre ennemis. La question se pose donc à vous, comme elle se pose à toutes les forces luttant contre l’austérité en Europe : quelles sont les forces avec lesquelles vous pourriez passer des accords ou une trêve le temps de régler cet affrontement décisif ?

  1. L’Euro

La question de l’affrontement avec les institutions européennes nous conduit à celle de l’Euro. Ce que l’on appelle la « monnaie unique » est en réalité un mécanisme qui a bloqué les nécessaires ajustements de taux de change entre des économies dont les structures sont très différentes tout en permettant de créer un espace unifié pour la spéculation financière. C’est pourquoi l’Euro est aujourd’hui défendu essentiellement par les banquiers et la « finance ». Mais, c’est aussi pourquoi les pays de l’Europe du Sud n’ont pas eu d’autre choix que celui de s’engager dans des stratégies de dévaluations internes, une course mortifère au « moins coûtant, moins disant », dont les conséquences sont immensément plus graves que celle de réajustements des taux de change. C’est l’origine réelle des politiques d’austérité dont la logique est de conduire à une « hyper-austérité ». La concurrence se joue désormais dans le degré d’engagement dans l’hyper-austérité.

La question de l’Euro ne relève donc pas, comme vous semblez le croire, uniquement du domaine symbolique de l’hégémonie culturelle. C’est une question concrète, qui se traduit dans des centaines de milliers de licenciements, dans des millions de jeunes et de moins jeunes travailleurs privés de leur emploi, dans la baisse de tous les minima sociaux. Vous ne pourrez pas mettre en place une politique contradictoire à l’austérité sans vous attaquer à l’Euro. Ici encore, l’exemple de SYRIZA et de la Grèce, est parlant ; ayant renoncé à quitter l’Euro, même si désormais une majorité de la population serait d’accord avec une telle perspective, le gouvernement de SYRIZA a été contraint d’appliquer le même austérité que celui de Nouvelle Démocratie, et il perd aujourd’hui toute la légitimité qui découlait de son discours contre l’austérité. La stratégie qui consiste à chercher à « gagner du temps » est ici, très clairement, une stratégie perdante. À terme, vous serez, n’en doutez pas, confrontés aux mêmes choix. Quelle sera alors votre réponse ?

À l’occasion de votre passage à Paris, en septembre 2015, vous avez déclaré qu’une sortie de la zone euro n’est envisageable, d’un point de vue espagnol, qu’à la seule condition qu’un pays membre de l’Union Européenne pesant économiquement plus que l’Espagne ne l’envisage d’abord officiellement. Votre prise de position se veut respectueuses des débats qui traversent nombre des forces politiques, y compris PODEMOS – comme on a pu le constater à l’occasion de sa dernière université d’été. Dans le numéro de La New Left Review dont il a été question, vous nous rappelez que PODEMOS est aujourd’hui pensé comme un « instrument fondamental du changement politique »[2]. L’aggiornamento permanent auquel ses militants le soumettent ne saurait être possible si vous n’acceptez pas de débattre des questions et des impasses auxquelles nous devons faire face.

 

Nous vous prions de croire, cher Pablo Iglesias, en notre volonté résolue d’impulser un véritable changement tant en France, qu’en Europe.

 

Jacques Sapir, économiste, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, auteur de Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016.

Christophe Barret, historien et essayiste, auteur de Podemos. Pour une autre Europe , Paris, éditions du Cerf 2015.

 

[1] New Left Review n°93, juil. – août 2015, p. 15 – édition espagnole

[2] . New Left Review n°93, juil. – août 2015, p. 27 – édition espagnole

Texte espagnol

 

Querido Pablo Iglesias,

 

Frente a la crisis multiforme que afecta a la Unión Europea, los éxitos electorales de PODEMOS señalan numerosas iniciativas. Militante de los márgenes del mundo político, propones un nuevo discurso sobre el que interesa pensar hoy en día en sus puntos fuertes. En la batalla por la conquista del sentido común aceptado por la gran mayoría de nuestros conciudadanos, te ha parecido preferible privilegiar la oposición de los pueblos a sus élites frente a la tradicional dicotomía izquierda/derecha. La crisis que atraviesa la socialdemocracia parece confirmar la necesidad de un tal aggiornamento.

Neocolonialismo, compradorización y populismo

Como candidato a la presidencia del Parlamento Europeo por el Grupo Confederal de la Izquierda Unitaria Europea, el 30 de junio de 2014 justificaste tus opciones políticas y estratégicas en estos términos: “la democracia, en Europa, ha sido víctima de una deriva autoritaria (…) nuestros países se han convertido en cuasi-protectorados, nuevas colonias donde poderes que nadie ha elegido están destruyendo los derechos sociales y amenazando la cohesión social y política de nuestras sociedades.”

Compartimos este diagnóstico. Las élites políticas de los países de la Unión Europea están realmente sometidas a una potencia exterior. Este colonialismo sin metrópoli representa un desafío para los demócratas. Un concepto, nacido en otra época y en otro continente, puede ayudarnos a comprender el fenómeno: es el concepto de “compradorización de las élites”. Según una definición generalmente admitida hoy, una élite compradora “o burguesía compradora” obtiene su posición social y su estatus de su relación con una potencia económica extranjera que domina su territorio de origen. Este concepto fue, anteriormente, del mayor interés para comprender la evolución de una América Latina que tú conoces bien. Hoy, en Europa, una nueva compradorización está en marcha, posibilitada por las instituciones europeas y la potencia económica alemana.

Por ello, somos muchos los que hacemos nuestro el proyecto de Podemos de revivificar la democracia. Somos conscientes de que tu proceso populista de contestación, auténticamente de izquierdas, tiene además la voluntad de asumir responsabilidades de Estado – pero además de este soberanismo sin bandera os incita también a explorar los caminos de otros tipos de mediaciones según un “proceso constituyente” sobre el que, a su debido tiempo, tendrás que ser más explícitos –.

De la dinámica europea y sus movimientos de contestación.

La confianza que os manifiestan hoy en día vuestros electores viene del hecho que habéis sido, tú y tus compañeros, los primeros en llevar al Parlamento Europeo la expresión política de los indignados de 2011. La revuelta de las clases medias, inexorablemente arrastradas a un proceso de empobrecimiento que amenaza hoy en día a numerosas regiones del continente europeo, concierne a un grupo muy numeroso de ciudadanos, que se extiende mucho más allá del de los círculos de militantes de la izquierda tradicional. Un increíble arrebato tuvo lugar en Grecia hace un año. Desgraciadamente, este “navío venido de Grecia”, que cantaba Lluís Llach, se ha estrellado contra los arrecifes de las políticas de austeridad levantados por las instituciones europeas. La alianza de la social-democracia europea con el Partido Popular Europeo (PPE), para que nada cambie, puede ser vista como una reminiscencia de “la Santa Alianza de los poseedores” de 1848. Para nuestros amos, ¡la nueva primavera de los pueblos no tendrá lugar!

En un largo artículo publicado el verano pasado en la New Left Review – ya casi en forma de balance – parecías, sin embargo, seguir considerando como posible “un proceso de recuperación de la soberanía” de los pueblos. A pesar de lo que nosotros llamamos el proceso de compradorización de las élites, te parece posible todavía impulsar transformaciones del sistema productivo y prever una “reconfiguración de las instituciones europeas en un sentido más democrático”, fundamentalmente a través del establecimiento de un Parlamento de la zona euro[1].

Haciendo esto, te propones crear una correlación de fuerzas en el seno del Consejo Europeo. Es una estrategia valiente, pero también discutible, que puede tener graves implicaciones no solo sobre PODEMOS sino, de manera más general, sobre otros movimientos de contestación europea. Buscar crear una correlación de fuerzas en el Consejo Europeo implica considerar que este último tiene algún tipo de legitimidad. Ahora bien, el Consejo no tiene otra legitimidad que la de cada país. Es un organismo de coordinación y no de subordinación. Es cierto que tiende a comportarse como un organismo de subordinación; pero, ¿es necesario aceptarlo? ¿Es necesario plegarse a la visión antidemocrática de las instituciones europeas? Haciéndolo, se pierde una batalla antes incluso de haberla librado.

Concretando más, construir una correlación de fuerzas implica que los movimientos antiausteridad lleguen de forma simultánea al poder en diferentes países. Pero, debemos constatar que esta perspectiva no resulta creíble. Los tiempos electorales y políticos son propios de cada país, porque traducen la historia y la cultura política nacionales. Y tú sabes algo de esto, hoy en día, en España.

 

Así, comprometiéndose en la vía de la construcción de una correlación de fuerzas en el seno del Consejo Europeo, PODEMOS hace un doble regalo a los partidarios de la austeridad. Por un lado, hace un regalo a los enemigos de los pueblos reconociéndoles una legitimidad que no tienen y, por otro, arrastra a los diferentes movimientos hacia un camino ilusorio, el que consistiría en esperar que las elecciones permitan la llegada al poder simultáneamente de una mayoría antiausteridad en los países de la Unión Europea.

Por lo tanto, nos parece que es un camino peligroso, incluso suicida, en el que PODEMOS se embarca.

Construir el campo del enfrentamiento

Entonces, la cuestión más importante que se plantea es la de la construcción del campo político del enfrentamiento. Este campo debe construirse en España – como en todos los demás países – y en la Unión Europea. Pero, en esta construcción, dos elementos van a tener un peso importante para el futuro.

  1. Europa

Se plantea la cuestión de la relación con las instituciones europeas, convertidas hoy en día en la trinchera de los partidarios de la austeridad y concebidas como tal en realidad desde el primer momento. Todos deseamos una amplia coordinación entre los países europeos, incluyendo, claro está, a los países que no son miembros de la Unión Europea, como Suiza, Noruega, Rusia e incluso los del Magreb. Pero, hemos de constatar que la implacable lógica de la política se impone sobre lo que concierne a la naturaleza de nuestras relaciones con las instituciones europeas. Es peligroso aquí alimentar y mantener espejismos y pensamos que ciertos puntos del programa de PODEMOS son precisamente de esta naturaleza. No sirve de nada poner por delante la sincera voluntad de construir “otra” Europa si los dirigentes europeos están decididos a favor del conflicto.

Desde el mismo momento en que la llegada al poder de un movimiento o un partido en uno de los países de la UE amenace con poner en cuestión poder y privilegios, los partidarios de la austeridad pondrán en marcha, y lo hemos visto en el caso de Grecia de la primavera del 2015, todos los medios a su disposición, incluso medios ilegales y prácticas de corrupción, para conducir a ese movimiento o a ese partido al arrepentimiento. La naturaleza de las relaciones entre los partidarios de la austeridad y sus adversarios es del tipo de pareja amigos/enemigos. Será una lucha sin piedad. Seremos inmediatamente proyectados a la lógica del antagonismo. Hace falta entonces plantearse aquí la cuestión del programa y de la acción de PODEMOS. ¿Estáis preparados para este enfrentamiento y todas sus consecuencias?

Esta perspectiva implica definir el círculo de las relaciones “agónicas”, es decir, entre adversarios susceptibles de unirse para resistir a enemigos comunes. De hecho, la naturaleza del enfrentamiento con las instituciones europeas no depende de PODEMOS, como no ha dependido de SYRIZA. Esta naturaleza estará determinada por la acción de los dirigentes europeos; si para llegar a un acuerdo hacen falta dos voluntades, sólo una es necesaria para provocar el conflicto. Pero, al imponer un marco de enfrentamientos antagónicos a los partidos anti-austeridad desde el mismo momento en que llegan al poder, los dirigentes europeos pueden permitir hacer emerger otro marco, el de las relaciones agónicas. Este cuadro es el de relaciones entre fuerzas verdaderamente opuestas, pero en el que el enfrentamiento con las instituciones europeas recalifica su oposición como un conflicto entre adversarios y ya no entre enemigos. La cuestión que se os plantea entonces, como se plantea a todas las fuerzas que luchan contra la austeridad en Europa, es : ¿cuáles son las fuerzas con las cuales podríais llegar a acuerdos, o a una tregua, durante el tiempo de puesta a punto de este enfrentamiento decisivo?

  1. El euro

El tema del enfrentamiento con las instituciones europeas nos conduce al del euro. Lo que se llama la “moneda única” es en realidad un mecanismo que ha bloqueado los ajustes necesarios de las tasas de cambio entre economías con estructuras muy diferentes, al mismo tiempo que ha permitido crear un espacio unificado para la especulación financiera. Es por esto por lo que el euro es hoy en día defendido fundamentalmente por los banqueros y las “finanzas”. Pero es también por lo que los países de la Europa del sur no han tenido otra opción que la de comprometerse en estrategias de devaluaciones internas, una carrera mortífera hacia “ la baja” cuyas consecuencias son inmensamente más graves que las del reajuste de las tasas de cambio. Este es el origen real de las políticas de austeridad cuya lógica es el conducir a una “híper-austeridad”. La competencia se juega a partir de ahora en el grado de compromiso con la híper-austeridad.

La cuestión del euro no responde entonces, como pareces creer, sólo al dominio simbólico de la hegemonía cultural. Es una cuestión concreta, que se traduce en centenares de miles de despidos, en millones de jóvenes – y menos jóvenes – trabajadores privados de su empleo, en la bajada de todos los niveles mínimos sociales. No podréis llevar a cabo una política contraria a la de la austeridad sin atacar al euro. Aquí también, el ejemplo de SYRIZA y de Grecia está poniéndolo de manifiesto : habiendo renunciado a abandonar el euro, incluso cuando una mayoría de la población estaría ya de acuerdo con tal perspectiva, el gobierno de SYRIZA ha sido obligado a aplicar la misma austeridad que la de Nueva Democracia y pierde hoy en día toda la legitimidad que se derivaba de su discurso contra la austeridad. La estrategia que consiste en buscar “ganar tiempo” es aquí, muy claramente, una estrategia perdedora. Al final, vosotros estaréis, no lo dudéis, enfrentados a las mismas opciones. ¿Cuál será, entonces, vuestra respuesta?

Durante tu estancia en París, en septiembre de 2015, declaraste que una salida de la zona euro no era factible, desde el punto de vista español, más que a condición de que otro país miembro de la UE, con más peso económico que España, no la contemplara antes oficialmente. Tu toma de posición quiere ser respetuosa con los debates que atraviesan a numerosas fuerzas políticas, incluida PODEMOS – como hemos podido constatar en su última universidad de verano –. En el número de la New Left Review que ya hemos mencionado, recordabas que PODEMOS es hoy en día percibido como un “instrumento fundamental del cambio político” [2]. El aggiornamento permanente al que sus militantes le someten no será posible si no aceptas debatir sobre cuestiones y temas a los que debemos hacer frente.

 

Te rogamos que creas, querido Pablo Iglesias, en nuestra resuelta voluntad de impulsar un verdadero cambio tanto en Francia como en Europa.

 

Jacques Sapir es economista y director de estudios en la Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Es autor de Souveranité, Démocratie, Laïcité, París, Michalon, 2016.

Christophe Barret es historiador y ensayista. Autor de Podemos. Pour une autre Europe, Paris, editions du Cerf, 2015.

 

[1] New Left Review nº 93, julio-agosto de 2015, página 15 –edición española.

[2] New Left Review nº 93, julio-agosto de 2015, página 27 –edición española.

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 13-02-2016


Source: http://www.les-crises.fr/lettre-ouverte-a-pablo-iglesias-par-jacques-sapir/


Erdogan : “il n’est pas question pour nous d’arrêter les tirs” => à quand les sanctions ?

Wednesday 17 February 2016 at 16:20

C’est proprement stupéfiant…

La Turquie n’acceptera jamais de bastion kurde à sa frontière avec la Syrie (Erdogan)

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé ce mercredi que son pays n’accepterait jamais la création d’un bastion kurde à sa frontière avec la Syrie et qu’il continuerait à bombarder les positions des milices kurdes syriennes.

“Nous n’accepterons jamais de nouveau Kandil (la base arrière du Parti des travailleurs du Kurdistan en Irak, NDLR) à notre frontière sud”, a déclaré Recep Tayyip Erdogan lors d’un discours prononcé devant des préfets.”

Désolé, il n’est pas question pour nous d’arrêter” les tirs sur les forces kurdes en Syrie, a-t-il ajouté.

Source : Le Figaro, 17/02/2016

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=> euh, et pourquoi la Turquie n’est-elle pas frappée par des sanctions du coup ?

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Ah tiens, lundi Ayrault a téléphoné aux Turcs qui bombardent juste les kurdes en Syrie :

2 – Syrie – Entretien téléphonique de M. Jean-Marc Ayrault avec son homologue turc (15 février 2016)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, s’est entretenu le 15 février au soir de la situation en Syrie avec M. Mevlüt Çavuşoğlu, ministre turc des affaires étrangères.

Il a rappelé que notre priorité va à la mise en oeuvre de la résolution 2254 du conseil de sécurité et du communiqué du groupe international de soutien à la Syrie, adopté le 11 février à Munich, afin de parvenir à une cessation des hostilités et à une reprise des négociations inter-syriennes.

M. Jean-Marc Ayrault a fait part de la très grande préoccupation de la France face à la dégradation de la situation à Alep, où la poursuite des bombardements du régime et de ses alliés aggrave les souffrances de la population. Il a indiqué que l’objectif commun de la France et la Turquie devait être de faire taire les armes.

Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de renforcer notre coopération avec la Turquie dans la lutte contre Daech.

Source : Ministère

J’ai beau avoir de l’humour,  j’arrive au bout là…

Heureusement Hollande veille :

Ah non…

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EDIT :

Vous aurez l’élément de langage récurent : “islamo-conservateur”, pour ne pas dire “islamiste”.

Source: http://www.les-crises.fr/erdogan-il-nest-pas-question-pour-nous-darreter-les-tirs-a-quand-les-sanctions/


Pentagone : “La dissuasion contre une agression russe est notre première tâche en Europe”

Wednesday 17 February 2016 at 04:27

Source : Russia Today France, 27-01-2016

Le Commandement militaire américain pour l’Europe (EUCOM) a publié stratégie pour l’année 2016. Premier objectif, «dissuader la Russie de commettre une agression», avant de «favoriser l’OTAN» et de «conserver les partenariats stratégiques».

D’après le document publié par EUCOM, les menaces qui pèsent sur la sécurité européenne sont observables au nord, à l’est et au sud du Vieux Continent. Pour les deux premières, c’est en raison du comportement agressif de la Russie et qui militarise l’arctique alors que dans le sud, les terroristes de Daesh posent problème.

Ce document précise en outre que l’Europe fait face au «potentiel de l’adversaire dans la production des missiles balistiques, à la prolifération des armes de destruction massive, aux maladies contagieuses, aux attaques numériques, aux organisations terroristes internationales et intérieures, ainsi qu’au trafic de drogue».

Ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis placent la Russie aux côtés de Daesh dans la liste des menaces à la sécurité les plus importantes. En juillet 2015, le Pentagone avait publié une mise à jour de la Stratégie militaire américaine, la première depuis 2011. Ce document indiquait que les Etats-Unis pouvaient recourir à la force non seulement pour protéger leurs propres intérêts, mais aussi pour contrer ceux qui lancent un défi au droit international. Selon le Pentagone, il s’agit d’«Etats révisionnistes» tels que la Russie, l’Iran, la Chine, la Corée du Nord et les organisations extrémistes, telles que l’Etat islamique.

Source : Russia Today France, 27-01-2016

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Le document du Pentagone :

Source: http://www.les-crises.fr/pentagone-la-dissuasion-contre-une-agression-russe-est-notre-premiere-tache-en-europe-v2/


La course vers Raqqa a commencé – Pour garder son unité la Syrie doit la gagner

Wednesday 17 February 2016 at 03:27

Source : Le Grand Soir, Moon of Alabama, 14-02-2016

La course vers Raqqa a commencé. La Syrie et ses alliés sont en concurrence avec le États-Unis et ses alliés pour arracher l’est de la Syrie à l’État islamique.

Raqqa, dans l’est de la Syrie, est détenue par l’État islamique comme le sont les autres villes le long de l’Euphrate vers l’Irak. Vaincre l’État islamique à Raqqa, à Deir Ezzor, et dans d’autres villes syriennes de l’Est, et les libérer, est le but de tous les ennemis supposés de l’État islamique. Mais cette question doit être considérée dans un contexte plus large.

Si les États-Unis et leurs alliés prenaient Raqqa ou Deir Ezzor et, avec ces villes, des parties de l’est de la Syrie, ils pourraient les utiliser comme monnaie d’échange pour acquérir un certain pouvoir de négociation avec la Syrie et ses alliés concernant l’avenir de la Syrie. Ils pourraient créer un état sunnite dans l’est de la Syrie et l’ouest et l’Irak. Mossoul ferait partie de cet état sunnite qui serait probablement mis sous tutelle de la Turquie. Il y a, depuis quelque temps, des projets étasuniensd’un « Sunnistan » de ce type, avec une révision des frontières Sykes-Picot.

Pour la Syrie et ses alliés le maintien de l’unité de la Syrie est un objectif majeur. Perdre Raqqa et les champs de pétrole de l’est aux profits des États-Unis serait dévastateur. La Syrie et ses alliés doivent donc battre les États-Unis et leurs alliés dans la course pour Raqqa et l’est de la Syrie.

Selon Southfront, la Syrie vient de faire une première avancée majeure. Une brigade de l’armée arabe syrienne a attaqué les positions de l’État islamique sur la route d’Ithriyah à Raqqa. La ville de Tal Abu Zayhn a été prise sur la route du premier l’objectif, l’aéroport militaire de Tabaqah. Des forces supplémentaires appartenant à divers groupes alliés se rassemblent dans Ithriyah pour soutenir ensuite l’attaque.

Le mouvement des États-Unis vers l’est de la Syrie est encore en préparation. Le plan initial des Etats-Unis était d’utiliser les combattants du YPG syro-kurde du nord-est de la Syrie. Ils ont été étiquetés Forces démocratiques syriennes après que quelques combattants des tribus arabes les ont rejoint. Ces forces auraient attaqué Raqqa à partir du nord. Mais les Kurdes n’ont pas voulu envahir des terres arabes qu’ils ne seraient pas en mesure de garder. Leur but est de se relier à l’enclave kurde du nord-ouest de la Syrie, le long de la frontière turque.

Les États-Unis ont donc conçu un nouveau plan. On n’en a que de vagues aperçus à ce jour et on ne peut donc que spéculer sur ce qui va arriver.

Les États-Unis ont prolongé la piste de l’aérodrome agricole de Rumeilan / Abu Hajar dans la zone tenue par les Kurdes au nord-est de la Syrie, pour pouvoir assurer l’intendance d’opérations plus importantes dans une plus grande zone :

Cet emplacement a été choisi car il est à seulement 160 kilomètres des premières positions d’ISIS et de certains de ses lucratifs champs pétroliers mais à l’intérieur du territoire tenu par les combattants kurdes connus sous le nom de YPG. La piste est en train d’être presque doublée sur la longueur pour passer d’environ 700 à 1 320 mètres – assez longue, par exemple, pour recevoir des avions de transport C130. Une petite aire de stationnement est également créée.

Des forces d’opérations spéciales étasuniennes opéreraient déjà à partir de là. Ce sont les prémisses d’une mission de reconnaissance.

Il a été révélé publiquement que la 101e division aéroportée étasunienne se rendrait en Irak pour former, conseiller et assister les forces irakiennes dans le but d’attaquer Mossoul.

Quelques 1 800 soldats de la 101e division aéroportée et de son équipe de combat de la 2e Brigade se déploieront bientôt en rotations régulières à Bagdad et Erbil pour former et conseiller l’armée irakienne et les forces peshmergas kurdes qui doivent, dans les prochains mois, avancer vers Mossoul, le siège de facto du groupe Etat islamique en Irak.

Mais le colonel Pat Lang a été informé que deux brigades de la 101e se déploieraient :

“ On m’a dit aujourd’hui que deux brigades de la 101e division aéroportée iront en Irak, pas seulement une. Cela est probablement lié au Juggernaut* saoudien. ”

Le « rouleau compresseur » saoudien vient d’annoncer qu’il serait prêt à envoyer des troupes en Syrie. Au début, personne n’a pris cela au sérieux mais on commence maintenant à comprendre ce que cela veut dire. Les Saoudiens ont confirmé aujourd’hui leur intention :

la décision de l’Arabie saoudite d’envoyer des troupes en Syrie pour tenter de renforcer et de durcir les efforts contre les militants est « définitive » et « irréversible », a annoncé, jeudi, le porte-parole de l’armée saoudienne.

Le Brigadier Général Ahmed Al-Assiri a déclaré que Riyad était « prête » à se battre avec ses alliés de la coalition sous commandement américain pour vaincre les militants d’ISIS en Syrie, cependant, il a déclaré que Washington était plus à même de répondre aux questions concernant les détails de toutes les futures opérations au sol.

La déclaration arrive sur les entrefaites de la visite du prince héritier adjoint d’Arabie Saoudite et du ministre de la Défense, Mohammed bin Salman, au siège de l’OTAN, à Bruxelles, pour discuter de la guerre civile syrienne.

Les Saoudiens se battraient sous le contrôle d’une des brigades de la 101ème aéroportée qui ne doit pas partir pour Mossoul. Les Saoudiens se déploieraient vers la Syrie depuis l’Arabie Saoudite, probablement via une piste contrôlée par les États-Unis dans l’ouest de l’Irak, pendant que la brigade de la 101e se déploierait depuis la région kurde du nord de l’Irak vers Raqqa, à travers les régions kurdes du nord-est de la Syrie. Raqqa serait ainsi attaquée par le nord-est et le sud-est. L’aéroport de Rumeilan / Abu Hajar serait l’une des principales bases d’approvisionnement.

Un tel mouvement de forces s’étendrait sur de relativement longues distances. Mais la plus grande partie de la zone est désertique et du matériel militaire moderne motorisé pourrait facilement couvrir ces distances en un jour ou deux. Cela amènerait les troupes saoudiennes en Syrie. Si elles prenaient Raqqa ou Deir Ezzor et les gisements de pétrole de Syrie orientale, elles ne les lâcheraient plus JAMAIS, à moins que la Syrie ne se plie à la demande saoudienne de mettre en place un gouvernement islamiste.

Ce plan est réalisable, mais il provoquerait également une grande mobilisation des forces chiites et pourrait conduire à un plus grand conflit. Le Premier ministre russe Medvedev a prévenu aujourd’hui que l’entrée de nouvelles forces arabes dans la guerre syrienne pourrait déclencher une guerre beaucoup plus grande.

L’opération saoudienne doit, apprend-on aujourd’hui, commencer dans les deux mois qui viennent. Les forces gouvernementales syriennes et leurs alliés devront maintenant se ruer à l’est pour protéger l’unité du pays. Les États-Unis pour leur part pourraient vouloir annuler l’avantage syrienne de toutes les manières possibles, y compris – peut-être – en larguant des bombes « par erreur ».

La course pour Raqqa, et pour l’avenir de la Syrie, a commencé.

Traduction : Dominique Muselet

Note :
*Le juggernaut (mot anglais dérivant du nom sanskrit Jagannâtha, en devanagari जगन्नाथ) désigne en anglais, souvent métaphoriquement, une force dont rien ne peut stopper l’avancée et qui écrase ou détruit les obstacles en travers de son chemin.

Source : Le Grand Soir, Moon of Alabama, 14-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/la-course-vers-raqqa-a-commence-pour-garder-son-unite-la-syrie-doit-la-gagner/