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[Vidéo] Un oeil sur la planète – Syrie : le grand aveuglement

Wednesday 24 February 2016 at 03:45

Comme pour l’Ukraine avec le reportage de Paul Moreira, on retrouve l’accueil classique de tout reportage donnant un regard différent de celui du Pouvoir…

Source : Youtube, 18-02-2016

Source : Youtube, 18-02-2016

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Syrie: quand “Un Oeil sur la planète” se fait le porte-voix de Damas

Source : L’Express, 21-02-2016

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Le reportage Syrie, le grand aveuglement, diffusé par France 2, le 18 février, se calquait presque mot pour mot sur le récit du conflit soutenu par le pouvoir de Damas. Sa diffusion sur le service public interroge notre tendance à faire des conflits internationaux les seuls miroirs de nos propres peurs et obsessions.

Bien sûr…

Et donc, il faudrait l’interdire..

L’émission Un oeil sur la planète diffusée ce jeudi 18 février sur France 2, vivement critiquée pour son parti-pris pro-régime syrien, est en réalité à l’image d’un certain débat public actuel, qui lit de nombreux conflits à l’étranger à travers un prisme tronqué, foncièrement islamophobe et occidentalo-centré.

La Syrie, depuis le début du soulèvement populaire en mars 2011, se trouve aux prises avec une double narration : D’une part, celle qui veut garder au centre les civils syriens et leurs aspirations à la paix, à la justice et à la liberté ; d’autre part, celle qui entend gommer ces derniers au profit d’une lecture “géopolitique” et régionale. Les uns veulent mettre en avant l’état des droits humains en Syrie et la volonté d’une grande partie des Syriens à s’affranchir du joug des Assad ; les autres tiennent surtout à rappeler qu’aucun conflit n’existe par lui-même, sans faire le jeu par ailleurs d’autres intérêts et d’autres enjeux géostratégiques. Pour tout commentateur avisé de la question syrienne, il y a donc à tenir ensemble cette double préoccupation : d’une part celle de la réalité des civils syriens, d’autre part celle des intérêts régionaux et internationaux qui interfèrent avec la révolte citoyenne syrienne et avec la répression à laquelle elle fait face.

Ce qui se passe en Syrie serait le fruit d’une “conspiration”

Le régime syrien a, depuis le début du conflit en 2011, su particulièrement bien surfer sur ce schisme narratif, et a tenu particulièrement à exploiter le second volet, dont il a très vite senti qu’il pouvait l’exonérer d’une large part de sa responsabilité dans les violences en cours. Ainsi, c’est en réalité notre propension à lire les conflits au Moyen-Orient comme étant le seul résultat des politiques occidentales d’une part et des mouvements islamistes d’autre part, que Bachar El Assad a particulièrement exploité. Un récit centré sur ces 2 éléments narratifs a donc pris place rapidement au sein de la propagande de Damas, et a pu trouver ici un large écho : ce qui se passe en Syrie serait le fruit d’une ” conspiration ” (dans une version plus “soft” d’une “opération de déstabilisation”) fomentée par l’Europe et les Etats-Unis en alliance ou en soutien aux filières de l’Islam radical dans la région.

Ce que ce récit gomme, efface, annihile est double. A la fois, il raye de la carte les citoyens syriens en tant que sujets politiques, soutenant la thèse qu’ils seraient réduits à n’être que les objets des “grandes puissances”, faisant peu de cas de leurs luttes et de leurs aspirations. Et dans le même temps, faisant mine de mettre le projecteur sur les “ingérences” et les “interventions étrangères” il dissimule le fait que les ingérences de loin les plus meurtrières sont celles qui sont venues soutenir le régime syrien dans son opération de répression. Ainsi, les interventions russe, iranienne, tout comme celle du Hezbollah sont à peine évoquées ou présentées comme “amies” et “inoffensives”, alors que ce sont elles qui ont fait le plus de victimes civiles. Tout se passe comme si les seules dérives des groupes opposés au régime en place, parmi lesquels se trouvent certains groupes islamistes ou djihadistes, suffisaient à soutenir la matrice de l’ensemble des événements syriens.

La répression en cours, l’une des plus violentes de notre époque, un détail

Ce jeudi soir, ce qui a été diffusé dans l’émission Un oeil sur la planète se calquait presque mot pour mot sur ce récit soutenu par le pouvoir de Damas. La répression du régime, les dizaines de milliers de Syriens morts sous la torture, les bombardements incessants des forces du pouvoir en place et de ses alliés russes, étaient absents du narratif du reportage. Tout comme la réalité des citoyens syriens aspirant à la liberté, leur combat, leurs espoirs, leur parole, tous ces éléments passant, pour France 2, pour des éléments de décor ou de second plan. Non seulement les faits présentés étaient partiels, mais pire encore, tout était présenté comme si la révolte syrienne était inexistante, comme si la répression en cours – l’une des plus violentes de notre époque – était un détail.

Si une telle émission, digne des chaines publiques syriennes ou russes, peut aujourd’hui être diffusée sans faire (trop) de scandale, nous avons à nous interroger sur ce qui dans le débat public permet un rapport aux faits aussi tronqué. Sur notre tendance presque obsessionnelle à faire des conflits internationaux les seuls miroirs de nos propres peurs et obsessions. Sur notre incapacité à entendre, comprendre et soutenir les mouvements sociaux extra-occidentaux, dès que nous n’en sommes pas nous-mêmes les initiateurs. Sur notre islamophobie galopante qui lit tout sous le prisme de notre peur de l’Islam des Musulmans. Sur notre occidentalo-centrisme borgne, incapable de lire des mouvements politiques qui nous sont étrangers, méconnaissant les réalités qui se trouvent en dehors de notre champ de vision – que souvent nos politiques ont pourtant contribué à aggraver. Sur notre propension à “croire” un régime et ses soutiens, tout en déniant aux citoyens syriens le plus simple droit d’expression et de contestation. Nous avons à nous interroger sur la manière dont une dictature répressive a pu faire de nous de tels “crédules”, tant sur le plan citoyen que politique, pendant qu’elle se rendait coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Tout conflit demande des nuances, de l’expertise, une vérification constante des faits, et également un curseur éthique, embrassant la question de la dignité et des droits humains. Ce que Un oeil sur la planète a diffusé ce jeudi était problématique à tous ces égards. Le devoir d’information du service public semble avoir été mis en péril par une entreprise de propagande et de déni. Sans préjuger de ce qui a conduit à une telle méprise, espérons que le tir soit prochainement corrigé. Et que la prise de conscience de l’ensemble des réalités syriennes ne soit pas trop tardive, tandis que ce drame politique et humanitaire n’en finit pas de se creuser…

Par Marie Peltier, historienne de formation, est chercheuse et chargée de projets interculturels à Bruxelles. Elle est l’auteur de plusieurs articles et études sur le rapport à la mémoire et l’importation des conflits internationaux dans le débat public, s’agissant notamment de la question du pacifisme et du conflit syrien.

Source : L’Express, 21-02-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/video-un-oeil-sur-la-planete-syrie-le-grand-aveuglement/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray)

Wednesday 24 February 2016 at 02:50

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: “Avec Yellen, c’est comme être dans un A380 sans pilote” – 22/02

Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (1/2): Faut-il s’attendre à une récession aux États-Unis ? – 22/02

Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (2/2): Les banques centrales ont-elles encore la main sur l’économie mondiale ? – 22/02

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade: “Le plein emploi aux USA est une fiction totale” – 17/02

Philippe Béchade VS Serge Négrier (1/2): La mutation de l’économie mondiale est-elle à l’origine de la volatilité des marchés ? – 17/02

Philippe Béchade VS Serge Négrier (2/2): Quelles stratégies les investisseurs doivent-ils adopter face à la volatilité des marchés ? – 17/02

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir : “Sans la Grande-Bretagne, la France se retrouve à nu” – 23/02

Jacques Sapir VS Laurent Berrebi (1/2): La dépréciation du yuan est-elle favorable aux marchés financiers ? – 23/02

Jacques Sapir VS Laurent Berrebi (2/2): Quels facteurs pourraient impacter négativement sur la reprise en zone euro ? – 23/02

IV. Michel Onfray

V. Valls à France Inter

Un moment d’anthologie, idéal en cas de coup de blues…

(Merci à Marie :) )

Bonus :

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Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

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Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-onfray/


Un Maïdan à Varsovie ? Par Konrad Stachnio

Tuesday 23 February 2016 at 03:15

Source : New Eastern Outlook, le 26/01/2016

Migrants wait to cross the Macedonian-Greek border near the town of Gevgelija on August 21, 2015. At least five migrants were slightly hurt August 21 when Macedonian police threw noise grenades to drive back refugees from the country's border with Greece, an AFP photographer at the scene said. More than 3,000 mostly Syrian refugees are stuck in no-man's land near the Greek village of Eidomeni after Macedonia August 20 declared a state of emergency and sent troops to help stem the flow of migrants attempting to cross the Balkan country to reach northern Europe. AFP PHOTO / ROBERT ATANASOVSKI

AFP PHOTO / ROBERT ATANASOVSKI

N’importe quel observateur des événements se déroulant actuellement en Pologne pourrait avoir l’impression que nous avons affaire à une violation sans précédent des droits de l’homme et à l’instauration d’un régime totalitaire par le gouvernement récemment désigné et mené par le parti Loi et Justice (PiS) ; celui-ci a décidé, malgré un populisme de résistance, d’instaurer quelque chose de l’ordre des politiques de Victor Orbán. L’idée que la Pologne s’enfonce dans le totalitarisme peut être vue dans la propagande distillée au public par les chaînes de télévision telles que CNN. Parallèlement à cela, une partie de la prétendue opposition, chassée du pouvoir lors de récentes élections démocratiques, appelle au lancement de protestations dans le style de Maïdan à Varsovie et essaie de contester le gouvernement élu démocratiquement. Il va sans dire que tout cela pourrait prêter à sourire ironiquement – à première vue, on dirait bien que les membres de l’establishment, évincés de la politique, des affaires et des médias, sortent de leurs voitures de luxe et descendent dans la rue pour appeler à un remake de Maïdan. Agir ainsi, bien évidemment sous la bannière de “la restauration de la démocratie”, peut être interprété comme une tentative de reprise de pouvoir de leur part. Ces appels à la création d’un Maïdan en Pologne et à l’intervention de l’Union européenne afin de “restaurer la démocratie” sont diffusés sur des ondes très porteuses en ce qui concerne l’Union européenne et l’Allemagne. Pour nous faire une meilleure idée de tous les sujets qui précèdent, je me suis entretenu avec Witold Gadowski, journaliste d’investigation primé et ancien directeur de TVP. [TVP Info est une chaîne de télévision d’information en continu polonaise, NdT]

Dans un de vos textes vous écrivez que ce gouvernement devrait se terminer en mai, qu’ils recherchaient le clone de Donald Tusk et avaient trouvé Ryszard Petru du parti Nowoczesna (Moderne) – un produit soigneusement sélectionné par quelques hommes de l’ombre. Que voulez-vous dire exactement ?

Si quelques mois avant les élections parlementaires, une force, ayant accès à des sommes énormes d’argent et à un énorme soutien médiatique, apparaît, alors deux explications s’offrent à nous : ou nous avons affaire à une sorte de génie qui aurait trouvé un moyen de générer instantanément une carrière politique en Pologne ou bien il y a soutien de la part de personnes en coulisses. Aujourd’hui en Pologne, nous devons faire face à une alliance entre les services spéciaux et les oligarques qui disposent de grandes ressources monétaires. Nous voyons l’arrivée soudaine d’un leader qui n’émerge pas de la communauté bancaire par pur hasard. Si nous acceptons les systèmes introduits lors des discussions historiques de la Table ronde, PiS est bien la force anti-système qui veut défendre les décisions prises autour de cette table ronde. Et maintenant, voilà une nouvelle force qui gagne en dynamisme, voilà un nouveau personnage qui jusque-là n’était pas impliqué au premier plan des batailles politiques. C’est pourquoi ce M. Ryszard du parti Moderne est, me semble-t-il, un personnage soigneusement sélectionné.

Néanmoins, ce prétendu mouvement pour la “protection de la démocratie” a d’une certaine façon unifié une partie du public. Comment cela peut-il arriver ?

Quand on analyse ce genre de phénomènes, il est important de se demander qui est le groupe qui impulse ces évènements. Par ailleurs, le nombre de personnes frustrées est toujours élevé, et elles sont prêtes à descendre dans la rue et disposées à défiler sous n’importe quelle bannière. Ces gens sont simplement mécontents. Une telle rébellion peut toutefois partir dans la bonne direction si le groupe capable d’insuffler l’élan nécessaire à cette dynamique est trouvé. La question ne dépend pas de tel ou tel leader mais d’un groupe qui devienne le dépositaire d’une influence de cette nature pour les 25 années à venir. Cet élément moteur opère sous grand stress, il suffirait d’effectuer des vérifications de ce qui est advenu ces huit dernières années et on mettrait en lumière de nombreuses pathologies et ces pathologies correspondent à de vraies personnes. Des gens qui ont beaucoup à craindre, d’où leur volonté à dépenser plein d’argent pour organiser des manifestations qui essaient de renverser le nouveau gouvernement. Aujourd’hui, on peut voir que ces tentatives pour changer l’humeur publique et faire descendre les gens dans la rue sont allées jusqu’à essayer de fomenter une espèce de chantage international contre les autorités polonaises. Ceci est exécuté, sans honte aucune, par les mêmes qui ont récemment perdu le pouvoir. Tout tourne autour du conflit entre les bénéficiaires du système actuel et ceux qui étaient déjà des citoyens de deuxième zone car sans connexions politiques importantes.

Ces gens-là ont une compréhension de la démocratie caricaturale – d’après eux, la démocratie c’est quand ils gouvernent et s’ils perdent des élections démocratiques, ils appellent l’aide étrangère pour qu’on vienne sauver leur carrière. Contre qui veulent-ils prendre des mesures ? Les Polonais qui ont choisi un gouvernement différent ? Dans ce cas, qui sont ces gens ? Si le gouvernement actuel a des ennemis parmi des gens tels que George Soros, je préfère être du côté de ceux qui se font attaquer. Ce gouvernement n’a été au pouvoir que pendant trente jours et n’a pas pu faire grand-chose. Il n’y a donc aucune raison d’élever une telle clameur en Europe et dans le monde. Ceux qui aujourd’hui s’écrient “démocratie sous menace” de quoi donc ont-ils vraiment peur ? Ils ont peur des conséquences des changements apportés par ce nouveau gouvernement.

Le gouvernement polonais a commencé à être dénigré dans les médias de façon dont seules, jusqu’à maintenant, la Russie et la Hongrie l’avaient été. L’ancien Premier ministre et chef des libéraux au Parlement européen, Guy Maurice Marie Louise Verhofstad, a dit que le gouvernement PiS est constitué de “nazis” et que Jaroslaw Kaczynski, au même titre que Poutine et Orbán, est en train de “détruire l’unité européenne et l’État de droit”. Il a aussi déclaré que “vu la détermination de Vladimir Poutine dans ses efforts à détruire l’unité européenne et l’État de droit, l’actuel gouvernement de Pologne fait le boulot à sa place”. George Soros, quant à lui, croit que le danger en Europe de l’Est prend la forme d’une vague de xénophobie. Dans un entretien avec le journal WirtschaftsWoche, il a mentionné que Jaroslaw Kaczynski, dont le parti a récemment gagné les élections en Pologne, avait qualifié les réfugiés de “mal incarné”. Est-ce que ces pressions internes et externes peuvent mener à une répétition de Maïdan et mener à un scénario de Kiev à Varsovie ?

Il est pénible d’écouter les leçons venant d’un représentant d’un pays qui a légalisé l’euthanasie pour les enfants, le représentant d’un pays incapable de se sortir seul des antagonismes qui vont grandissant entre Flamands et Wallons. Bizarrement, personne n’appelle à une intervention en Belgique où le Front flamand fait entendre plus fort que jamais des déclarations quasi fascistes. Je ne serais pas étonné non plus que Marc Dutroux nous donne bientôt des leçons sur la qualité de la démocratie en Pologne. Permettez-moi de vous rappeler que Marc Dutroux est la figure centrale d’un des plus grands scandales pédophiles au monde qui s’étend encore aujourd’hui à la classe politique belge dans son ensemble. Comme nous l’avons vu dans le cas du Maïdan ukrainien, l’implication de gros capitaux a sa part dans le déclenchement de certaines crises sociales. Si des montants énormes d’argent commencent à affluer de l’étranger sur la Pologne, cela peut effectivement conduire à des troubles sociaux.
C’est une question de maturité et de responsabilité de sa part si la société polonaise le permet ou pas.

A l’échelle européenne nous sommes un grand pays et nous pouvons utiliser les attributs que cette échelle nous confère dans nos façons de fonctionner. Nous devons toutefois le faire habilement. En premier lieu, nous ne pouvons entrer en conflit direct avec l’Union européenne parce que nous sommes encore trop faibles pour trouver une alternative à la façon de construire notre politique. Cependant il y a suffisamment de laisser-aller au sein de l’Union européenne pour régler quelques histoires. Tout d’abord, le gouvernement polonais devrait héberger des réfugiés pour la simple et bonne raison qu’on ne peut pas servir de bouc émissaire à l’Union européenne tout entière. Néanmoins cette proposition devrait être suivie de demandes spécifiques : les autorités polonaises décideraient de qui est accepté et qui ne l’est pas et la solution évidente est de ne prendre que des chrétiens. Nous acceptons des gens proches de nous de par la culture afin de ne pas créer de problèmes sociaux pouvant survenir de l’adoption d’un large groupe de réfugiés musulmans. Nous accepterons des réfugiés, mais selon nos conditions. Nous sommes chrétiens dans un pays catholique et nous entendons aider notre prochain parce ce que c’est ce qui nous est demandé, mais nous entendons venir en aide à ceux qui ne nous amènent pas de problèmes, et cela inclut ceux qui refusent de s’assimiler à notre société.

Je pense que ceux qui veulent voir des manifestations dans le style de Maïdan en Pologne sont confrontés au même dilemme que ceux ailleurs dans le monde qui passèrent d’une existence sous des régimes totalitaires à des conditions de vie démocratiques. Par exemple, en Espagne, les gens du général Franco ont dû apprendre à vivre dans un pays démocratique et, d’une façon ou d’une autre, ces processus d’adaptation s’y sont déroulés sans aucune violence. Puisse la métamorphose de l’Espagne être un exemple pour nous. Ces gens en question sont habitués à utiliser le totalitarisme à leur avantage et, de fait, ces vingt-cinq dernières années, la Pologne se trouvait sous un genre de totalitarisme doux parce que le politiquement correct était de règle et ceux qui s’y refusaient devenaient des citoyens de seconde zone, exilés aux confins de la société. Ainsi ces gens habitués aux tendances totalitaires ne peuvent que débiter des platitudes sur la démocratie et sur le besoin pressant pour Varsovie d’avoir son propre Maïdan.

Konrad Stachnio est un journaliste indépendant basé en Pologne ; il a été l’animateur de nombreux programmes de radio et télévision pour la version polonaise de “Prison Planet” [site web alternatif d’Alex Jones – http://tv.infowars.com, NdT] une exclusivité du magazine en ligne “New Eastern Outlook“.

Source : New Eastern Outlook, le 26/01/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/un-maidan-a-varsovie-par-konrad-stachnio/


Privatisation : la tactique Atlantiste pour attaquer la Russie

Tuesday 23 February 2016 at 02:15

Source : CounterPunch, le 08/02/2016

Par PAUL CRAIG ROBERTS – MICHAEL HUDSON
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Il y a deux ans, des officiels russes discutaient de plans d’action pour privatiser un groupe d’entreprises nationales dirigées par le producteur de pétrole Rosneft, la banque VTB, Aeroflot, et Russian Railways. L’objectif de départ était de moderniser la gestion de ces sociétés, et aussi d’inciter les oligarques à commencer à ramener leurs capitaux expatriés depuis deux décennies pour les investir dans l’économie russe. La participation étrangère était sollicitée dans les cas où le transfert de technologie et les techniques de gestion pouvaient aider l’économie.

Toutefois, les perspectives économiques russes se sont détériorées, à mesure que les États-Unis poussaient les gouvernements de l’Ouest à imposer des sanctions économiques contre la Russie et que les prix du pétrole baissaient. Cela a rendu l’économie russe moins attractive pour les investisseurs étrangers. Dès lors la vente de ces sociétés aujourd’hui rapporterait des montants bien inférieurs à ce qu’ils auraient pu représenter en 2014.

Entre-temps, la combinaison d’une hausse du déficit budgétaire intérieur et du déficit de la balance des paiements a donné aux défenseurs de la privatisation un argument pour pousser davantage aux ventes. Le défaut dans leur logique est leur hypothèse néolibérale selon laquelle la Russie ne peut pas seulement monétiser son déficit, mais a besoin pour survivre de liquider plus d’éléments majeurs de son patrimoine. Nous mettons en garde la Russie d’être assez crédule pour accepter ce dangereux argument néolibéral. La privatisation n’aidera pas à la ré-industrialisation de l’économie russe, mais aggravera sa transformation en une économie rentière dont les profits seront extraits au bénéfice de propriétaires étrangers.

Pour s’en assurer, le président Poutine a mis en place le 1er février un ensemble de modalités dont le but est d’empêcher les nouvelles privatisations d’être aussi désastreuses que les ventes réalisées sous l’ère Eltsine. Cette fois les biens ne seront pas vendus en dessous du prix du marché, mais devront refléter la réelle valeur potentielle. Les firmes vendues resteront sous la juridiction russe, et ne seront pas gérées par des propriétaires étrangers. Les étrangers ont été invités à participer, mais les sociétés devront rester soumises aux lois et réglementations russes, y compris les restrictions concernant le maintien de leurs capitaux en Russie.

De plus, les firmes destinées à être privatisées ne peuvent être achetées grâce à un emprunt auprès d’une banque publique nationale. L’objectif est d’obtenir de “l’argent comptant” des rachats – idéalement de devises étrangères détenues par des oligarques de Londres et d’ailleurs.
Poutine a judicieusement écarté de la vente la plus grande banque de Russie, Sperbank, qui détient la plupart des comptes épargne de la nation. Les activités bancaires doivent évidemment rester largement un service public, et cela parce que la capacité de création monétaire par le crédit est un monopole naturel et de caractère intrinsèquement public.
Malgré ces protections ajoutées par le président Poutine, il y a de sérieuses raisons de ne pas poursuivre avec ces privatisations récemment annoncées. Ces raisons vont au-delà du fait qu’elles seraient vendues en période de récession économique résultant des sanctions économiques de l’Ouest et de la chute du prix du pétrole.

Le prétexte cité par les officiels russes pour vendre ces sociétés à l’heure actuelle est le financement du déficit du budget intérieur. Ce prétexte montre que la Russie ne s’est toujours pas remise du désastreux mythe de l’Ouest atlantiste selon lequel la Russie doit dépendre des banques étrangères et des porteurs d’obligations pour créer de l’argent, comme si la banque centrale russe n’était pas capable de monétiser elle-même son déficit budgétaire.

La monétisation des déficits budgétaires est précisément ce que le gouvernement des États-Unis a fait, et ce que les banques centrales de l’Ouest ont fait dans l’ère post-Seconde Guerre mondiale. La monétisation de la dette est une pratique courante à l’Ouest. Les gouvernements peuvent aider à relancer l’économie en imprimant de la monnaie au lieu d’endetter leur pays auprès de créanciers privés qui drainent les fonds du secteur public via le paiement des intérêts aux créanciers privés.
Il n’y a pas de raison valable de recueillir des fonds de banques privées pour fournir au gouvernement de l’argent lorsqu’une banque centrale peut créer le même argent sans avoir à payer les intérêts de prêts.

Néanmoins, il a été inculqué aux économistes russes la croyance occidentale selon laquelle seules les banques commerciales devraient créer de l’argent et que les gouvernements devraient vendre des obligations portant intérêt dans le but de recueillir des fonds. La fausse croyance selon laquelle seules les banques privées devraient créer de l’argent via des prêts mène le gouvernement russe sur le même chemin qui a conduit l’Euro-zone dans une impasse économique.

En privatisant la création monétaire par le crédit, l’Europe a fait passer la planification économique des mains des gouvernements démocratiquement élus vers celles du secteur bancaire.
La Russie n’a pas besoin d’accepter cette philosophie économique pro-rentière qui saigne un pays de ses revenus publics. Les néolibéraux l’ont promu non pas pour aider la Russie, mais pour mettre la Russie à genoux.

Essentiellement, ces russes alliés de l’Ouest – “intégrationnistes atlantistes” – qui veulent que la Russie sacrifie sa souveraineté pour l’intégration dans l’empire occidental utilisent les sciences économiques néolibérales pour prendre au piège Poutine et ouvrir une brèche dans le contrôle qu’a la Russie sur sa propre économie, rétabli par Poutine après les années Eltsine où la Russie était pillée par les intérêts étrangers.

Malgré quelques succès dans la réduction du pouvoir des oligarques résultant des privatisations d’Eltsine, le gouvernement russe a besoin de conserver les entreprises nationales comme pouvoir économique compensateur. La raison pour laquelle les gouvernements gèrent les réseaux de chemins de fer et les autres infrastructures fondamentales est de baisser le coût de la vie et celui de faire des affaires. Le but poursuivi par les propriétaires privés, au contraire, est d’augmenter les prix aussi haut qu’ils le peuvent. Cela est appelé “appropriation de la rente”. Les propriétaires privés dressent des postes de péage pour élever les coûts des services d’infrastructure qui ont été privatisés. Ceci est l’opposé de ce que les économistes classiques entendent par “libre marché”.

Il est question d’un marché qui a été conclu avec les oligarques. Les oligarques deviendront actionnaires dans des sociétés publiques avec l’argent des précédentes privatisations qu’ils ont caché à l’étranger, et obtiendront une autre “affaire du siècle” lorsque l’économie russe aura suffisamment récupéré pour permettre que d’autres gains excessifs soient faits.
Le problème est que plus le pouvoir économique passe du gouvernement au contrôle du secteur privé, moins le gouvernement a de pouvoir compensateur face aux intérêts privés. Sous cet angle, aucune privatisation ne devrait être permise à l’heure actuelle.

Des étrangers devraient encore moins être autorisés à acquérir des biens nationaux russes. Afin de recevoir un unique paiement en monnaie étrangère, le gouvernement russe remettra aux étrangers des sources de revenus futurs qui peuvent, et qui vont, être extraites de Russie et envoyées à l’étranger. Ce “rapatriement” des dividendes se produira même si la gestion et le contrôle restent géographiquement en Russie.

Vendre des biens publics en échange d’un paiement unique est ce que le gouvernement de la ville de Chicago a fait lorsqu’il a vendu contre un paiement unique les 75 ans de source de revenus de ses parcmètres. Le gouvernement de Chicago a obtenu de l’argent pour l’équivalent d’une année en abandonnant 75 ans de revenus. En sacrifiant les revenus publics, le gouvernement de Chicago empêchait les biens immobiliers et le patrimoine privé d’être taxés et permettait par la même occasion aux banques d’investissement de Wall Street de se faire une fortune.

Cela suscitât également un tollé public contre ce cadeau. Les nouveaux acheteurs augmentèrent brusquement les tarifs des stationnements de rue et poursuivirent le gouvernement de Chicago en dommages et intérêts lorsque la ville ferma les rues lors de parades publiques et pendant les vacances, en ce que cela “interférait” avec la rente d’exploitation des parcmètres. Au lieu d’aider Chicago, cela aida à pousser la ville vers la banqueroute. Il ne faut pas s’étonner que les atlantistes aimeraient voir la Russie subir le même sort.

Utiliser la privatisation pour couvrir à court terme un problème de budget crée un plus grand problème à long terme. Les profits des sociétés russes s’écouleraient en dehors du pays, réduisant le taux de change du rouble. Si les profits sont payés en rouble, les roubles pourraient être dopés par le marché de change étranger et échangés contre des dollars. Cela déprécierait le taux de change du rouble et augmenterait la valeur d’échange du dollar. En effet, autoriser les étrangers à acquérir les biens nationaux russes aide les étrangers à spéculer contre le rouble russe.

Bien sûr, les nouveaux propriétaires russes des biens privatisés pourraient aussi envoyer leurs profits à l’étranger. Mais au moins le gouvernement russe réalise que les propriétaires soumis à la juridiction russe sont plus facilement réglementés que ne le sont les propriétaires qui sont capables de contrôler les sociétés depuis l’étranger et de garder leurs fonds de roulement à Londres ou dans d’autres centres bancaires étrangers (tous soumis au levier diplomatique américain et aux sanctions de la nouvelle guerre froide).

A la racine de la discussion sur la privatisation devrait se trouver la question de ce qu’est l’argent et de la raison pour laquelle il devrait être créé par des banques privées plutôt que par des banques centrales. Le gouvernement russe devrait financer le déficit de son budget grâce à la banque centrale qui créerait l’argent nécessaire, tout comme les USA et le Royaume-Uni le font. Il n’est pas nécessaire au gouvernement russe d’abandonner pour toujours des sources de revenus futures simplement pour couvrir le déficit d’une année. Ceci est le chemin qui conduit à l’appauvrissement et à la perte d’indépendance économique et politique.

La globalisation a été inventée comme un outil de l’empire américain. La Russie devrait se protéger contre la globalisation, et non s’y ouvrir. La privatisation est le moyen pour diminuer la souveraineté économique et maximiser les profits en augmentant les prix.
Tout comme les ONG financées par l’Occident qui officient en Russie sont la cinquième colonne qui opère contre les intérêts nationaux russes, les économistes néolibéraux de Russie font de même, qu’ils le réalisent ou non. La Russie n’échappera pas aux manipulations de l’Occident tant que son économie ne sera pas hermétique aux tentatives occidentales de reformatage de l’économie russe dans l’intérêt de Washington et non dans celui de la Russie.

Source : CounterPunch, le 08/02/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/privatisation-la-tactique-atlantiste-pour-attaquer-la-russie/


« Terrorisme, une focalisation excessive » par Pascal Boniface

Tuesday 23 February 2016 at 01:20

Source : La Croix, Pascal Boniface, 15-02-2016

Pour Pascal Boniface, directeur de l’Iris (1), la menace terroriste ne saurait constituer le seul horizon de la réflexion stratégique et de l’action politique. Car il existe bien d’autres causes de mortalité qui doivent aussi nous préoccuper.

La menace terroriste est devenue le centre de l’horizon médiatique, politique et stratégique français. Pourrait-il en être autrement ? Les attentats des 7 et 9 janvier 2015 et ses 15 morts, le plus grand nombre de victimes du terrorisme depuis cinquante ans sur le territoire français, avaient frappé la nation au plus profond. Elle avait fait face avec près de quatre millions de citoyens manifestant leur refus de céder à la peur. Mais le 13 novembre, c’est 130 personnes qui perdirent la vie du fait d’attentats. Une escalade dans l’horreur, et dans les réactions qui ont suivi.

C’est devenu le sujet numéro un pour les médias qui ont vu leur nombre de téléspectateurs, auditeurs et lecteurs fortement augmenter et pour les responsables politiques qui doivent répondre à une demande de protection et de sécurité du public.

Dans l’ensemble, les Français ont réagi avec une très grande dignité à ces drames. Mais ils sont anxieux et ont besoin d’être rassurés.

Ne pas tomber dans le piège qui nous est tendu

On peut cependant se demander si, malgré l’intérêt marqué du public, on ne parle pas trop du terrorisme ? Et si, ce faisant, on ne tombe pas dans le piège qui nous est tendu ? Dès 1962, Raymond Aron écrivait que « les effets psychologiques du terrorisme étaient hors de proportion avec les résultats purement physiques ». C’est encore plus vrai à l’heure des chaînes d’informations permanentes parce que c’est exactement ce que recherchent ceux qui ont frappé et veulent encore le faire : marquer les esprits et prendre le leadership sur l’agenda. Ne risque-t-on pas alors de susciter un effet de galvanisation chez les terroristes, qui vont crier victoire au vu de l’ampleur des réactions qu’ils suscitent ? Cela leur permet de consolider leurs recrutements. Ne crée-t-on pas un effet d’imitation ou d’entraînement pour des esprits faibles qui pourraient, par mimétisme, essayer à leur tour de tenter de commettre un attentat ? Ne risque-t-on pas de nourrir un climat anxiogène qui pèse sur le moral de la nation et l’activité économique, à vivre dans l’angoisse de nouvelles frappes qui peuvent survenir à tout moment ? Et du coup de donner une victoire symbolique aux terroristes qui seront parvenus à marquer les esprits ?

La vigilance, pas la panique

Il ne s’agit pas de ne pas prendre en compte la menace. C’est indispensable. Mais faut-il en faire à ce point un élément du débat public ? Ne pourrait-on pas agir avant et en parler moins ? Par ailleurs, à trop se focaliser sur le terrorisme, n’oublie-t-on pas de réfléchir aux grandes évolutions mondiales, à la place de la France dans le monde, à ses marges de manœuvres qui ne peuvent se résumer à la lutte contre le terrorisme ?

Il y a d’autres facteurs de mortalité qui ne suscitent pas la même mobilisation. Il y a 130 personnes par jour qui meurent à cause de l’alcool. L’an dernier, 412 personnes sont mortes de froid dans la rue et 3 500 autres ont été victimes de la route, certes par accident, mais en grande partie par la délinquance routière. Chaque année, 150 personnes meurent de violences conjugales. Deux enfants meurent chaque jour sous les coups de leurs parents. Ces morts ne suscitent pas la même mobilisation.

Sans doute parce que ces morts ne sont pas le fait d’une action politique volontaire qui veut s’attaquer aux bases de notre société. Il y a une acceptation sociale beaucoup plus grande pour ces types de violence qui pourtant font chaque année, et depuis des décennies, beaucoup plus de victimes.

Les terroristes peuvent frapper en tous lieux et à tout moment. Il faut non pas s’y résigner mais s’y préparer, vivre avec ce risque comme nous vivons avec d’autres (maladies, accidents, etc.) en étant vigilants mais pas paniqués.

J’habite et travaille dans le 11e arrondissement de Paris, où ont eu lieu les attentats de novembre. J’ai plus peur pour mes enfants s’ils doivent faire de longs trajets de voiture que s’ils partent boire un verre dans le quartier.

Pour horribles qu’ils soient, ces attentats ne menacent notre société que si nous cédons à la peur. Il est contre-productif de se focaliser de façon excessive sur ce défi stratégique, au risque d’occulter tous les autres. Cela reviendrait à céder au spectaculaire et à l’irrationnel et ne pas voir le structurel et le rationnel.

 (1) Institut de relations internationales et stratégiques.

 Pascal Boniface

Source : La Croix, Pascal Boniface, 15-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/terrorisme-une-focalisation-excessive-par-pascal-boniface/


Revue de presse internationale du 21/02/2016

Monday 22 February 2016 at 10:55

Cette semaine notamment, plusieurs articles en traduction, des problèmes d’eau, des banques peut-être prises les mains dans la poudre, le Traité Transatlantique lu d’Allemagne, et même un peu de cinéma sous le thème Médiathèque ! Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-21022016/


Le FMI suggère de ne pas trop payer les réfugiés en Europe

Monday 22 February 2016 at 03:01

Source : EurActiv, Cécile Barbière, 2O-01-2016

Le Fonds monétaire international suggère de ne pas accorder le salaire minimum aux réfugiés. L’organisation souligne également l’effet positif des dépenses pour les réfugiés sur le PIB européen.

Le FMI se penche dans un rapport publié le 20 janvier sur le défi économique posé par l’afflux de réfugiés en Europe. Un pensum au sein duquel il recommande un traitement différencié des réfugiés et des ressortissants des pays de l’UE.

Cette vaste migration, alimentée à la fois par la crise syrienne, mais aussi par les conflits en Afghanistan en Iraq et en Érythrée, inquiète en Europe, où la question de l’intégration économique, mais surtout sociale et culturelle a pris un tournant inquiétant depuis les événements de Cologne.

Entre janvier et octobre 2015, 995 000 réfugiés qui ont déposé une demande d’asile en Europe. Pour faire face à ce défi, le ministre allemand des Finance, Wolfgang Schauble, a récemment mentionné l’idée de la mise en œuvre d’une taxe sur l’essence en Europe, destinée à financer ce vaste chantier social.

Emploi fondamental

Mais selon le FMI, l’intégration économique des réfugiés dans leurs pays d’accueil passe avant tout pour l’emploi. Pour accélérer leur intégration, le FMI recommande la mise en œuvre « des dérogations temporaires et limitées au salaire minimum pour les réfugiés ». La proposition du FMI tend à corriger le déséquilibre initial qui existe entre les immigrants et les ressortissants du pays d’accueil sur le marché du travail.

Les immigrants ont généralement des taux d’emploi et des salaires inférieurs à la population du pays d’accueil. Une vérité qui est variable en fonction du niveau d’éducation et du niveau de langue, mais qui se vérifie globalement.

En Allemagne, où le FMI a mené une étude sur l’intégration des étrangers sur le marché du travail, les migrants gagnent en général 20 % de moins qu’un allemand à travail et compétence égale. Cette différence grimpe à 30 % sans maitrise de la langue allemande. Et en 2013, le taux de chômage des immigrants était deux fois plus élevé que celui des Allemands.

Flexibilité

La flexibilité sur le salaire minimum existe déjà dans certains pays, comme en Allemagne. En effet, les réfugiés peuvent y être assimilés aux chômeurs de longue durée, qui peuvent être temporairement exclus du salaire minimum pour les six premiers mois d’emploi.

Autre avantage d’une telle mesure, « diminuer le ressentiment possible » des citoyens du pays qui risquerait de percevoir les réfugiés comme des concurrents directs sur le marché du travail plutôt tendu en Europe.

Une crainte plutôt illégitime selon l’organisation, qui souligne qu’une très large majorité d’études a régulièrement pointé du doigt l’impact très faible des vagues migratoires sur les marchés de l’emploi.

Impact positif évident des dépenses pour les réfugiés

Les projections du FMI, si elles restent incertaines, pointent de manière plus générale un impact économique positif même à court terme. L’augmentation de dépenses publiques en faveur des réfugiés devrait « augmenter la demande intérieur et le PIB » souligne le rapport.

En effet, l’argent donné aux réfugiés est immédiatement dépensé, ce qui a un impact positif sur la demande. Selon le FMI, les dépenses en faveur des réfugiés dans les pays européens devraient augmenter de 0,05 point de PIB en 2015, et de 0,1 point en 2016 par rapport aux dépenses enregistrées en 2014.

Mais les disparités sont nombreuses entre les différents pays. La France, où le nombre de demandeurs d’asile en 2015 a augmenté de 22% selon l’Office française de protection des réfugiés et apatrides, le coût de prise en charge des réfugiés resterait plutôt stable. Il ne progresse que de 0,01 point de PIB entre 2014 et 2016.

À l’inverse, certains pays voient ces coûts exploser. Sans surprise, la part du PIB allemand consacré à la prise en charge des réfugiés pourrait passer de 0,08 à 0,35% entre 2014 et 2016. En Suède, le coût bondirait de 0,3% du PIB en 2014 à 1% en 2016.

Pour étayer ses projections, le FMI a tablé sur une arrivée de réfugiés égale à 800 000 personnes par an entre 2015 et 2017. Cette population devrait pouvoir travailler dans le pays d’accueil au bout de deux ans en moyenne.

Pourtant, l’effet à court terme de l’arrivée des réfugiés sur le PIB européen devrait être positif, souligne le FMI. La croissance du PIB pourrait ainsi gagner 0,05% en 2015, et 0,13% en 2017.

Là encore, les effets les plus visibles sont à relever dans les pays où la concentration du nombre de réfugiés est la plus importante. L’Autriche pourrait gagner 0,5% de PIB, la Suède 0,4% et l’Allemagne 0,3%.

À moyen terme, les effets de la vague de réfugiés sur la croissance européenne sont plus marqués. Le FMI estime 0,25% de PIB en plus au niveau de l’Union européenne, tandis qu’Allemagne, Autriche et Suède bénéficieraient d’un impact allant variant de 0,5% et 1,1%.

Ce article est également disponible en en_GB.

CONTEXTE

Des dizaine de milliers de réfugiés en provenance du Moyen-orient et d’Afrique empruntent la routes des Balkans pour rejoindre l’Europe, tandis que d’autre traversent la Méditerranée pour rejoindre les côtes italiennes.

Face à la plus importante crise migratoire depuis la seconde guerre mondiale, l’Union européenne peine à présenter un front uni.

En mai 2015, une proposition de la Commission européenne, qui souhaitait appliquer le principe de solidarité, pour que les demandeurs d’asile des pays les plus touchés par l’arrivée de migrants soient redirigés vers d’autres États membres, a été rejetée par les États membres.

Source : EurActiv, Cécile Barbière, 2O-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/le-fmi-suggere-de-ne-pas-trop-payer-les-refugies-en-europe/


Revue de presse du 21/02/2016

Sunday 21 February 2016 at 04:10

Avec cette semaine grâce à nos contributeurs, un peu de sciences, pas mal de bonne Réflexion, beaucoup côté médias et Conseil d’Etat – autrement dit des soucis quant à nos libertés et nos “démocraties”, peut-être un moustique bouc-émissaire, et quelques nouvelles de ce microcosme bien de chez nous… Bonne lecture.

Source: https://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-21022016/


1916: la bataille de Verdun, symbole de la guerre

Sunday 21 February 2016 at 01:50

Source : Christophe Barbier, pour L’Express, le 13 janvier 2016.

Bataille de Verdun: Français et Allemands se disputent quelques kilomètres, entre février et novembre 1916, au prix de 750000 tués ou blessés environ.

Bataille de Verdun: Français et Allemands se disputent quelques kilomètres, entre février et novembre 1916, au prix de 750000 tués ou blessés environ.

Si la bataille de la Somme fut aussi importante et plus meurtrière, c’est le combat livré pour défendre Verdun qui entre dans l’Histoire, jusqu’à devenir la métaphore même de la guerre. Ces trois cents jours d’enfer dominent le mitan d’un premier conflit mondial dont L’Express poursuit le récit.

La bataille de Verdun aurait pu s’appeler la bataille de Belfort. Et les noms de Douaumont, de Vaux ou du bois des Caures être remplacés, dans la mémoire nationale, par ceux de Cravanche, Châtenois-les-Forges et du mont Salbert. En effet, le commandement allemand hésite longuement, à la fin de 1915, entre ces deux cibles qui possèdent la même caractéristique: pour des raisons symboliques (la rive droite de la Meuse à Verdun, la résistance de Denfert-Rochereau à Belfort) autant que tactiques, la France ne peut se permettre de les perdre. Dans son fameux mémorandum de Noël, remis au Kaiser, Erich von Falkenhayn, le généralissime allemand, ne cite ni l’un ni l’autre, mais évoque ces “objectifs pour la conservation desquels le commandement français est obligé d’employer jusqu’à son dernier homme”. Formulée ex post par un militaire cherchant à minorer son échec, et fort contestée depuis, la thèse demeure intéressante: à Verdun, il s’agit de “saigner la France”, d’ouvrir sur son flanc une plaie béante par laquelle tant de vies s’écouleront que la reddition tricolore sera inévitable. Au grand quartier général de Chantilly, Joseph Joffre ne croit pas à cette stratégie, persuadé que Verdun est une diversion avant une attaque majeure ailleurs, et déterminé à ne pas se distraire de son ambition principale pour 1916: l’offensive franco-britannique majeure prévue dans la Somme au début de l’été.

En dix mois, 70 des 95 divisions françaises sont envoyées sur le front de Verdunvia la route, partant de Bar-le-Duc, qui sera baptisée "Voie sacrée" par Maurice Barrès.

En dix mois, 70 des 95 divisions françaises sont envoyées sur le front de Verdunvia la route, partant de Bar-le-Duc, qui sera baptisée “Voie sacrée” par Maurice Barrès.

Il lui faut pourtant vite reconnaître, dès que les canons écrabouillent sous les obus les alentours de Verdun, le 21 février, qu’il va se jouer là un épisode majeur du conflit. Verdun, c’est “la guerre dans la guerre”, comme le dit Paul Valéry. Verdun, c’est aussi la “métaphore de la guerre”, selon l’expression de Jean-Yves Le Naour, auteur d’une indispensable somme consacrée à 14-18 (1). Verdun, c’est encore le modèle de l'”hyperbataille”, concept forgé par un autre historien, François Cochet, et qui mêle l’ampleur matérielle d’une attaque à ses ravages humains. Verdun, c’est enfin la mémoire collective, française d’abord, puis universelle après l’apparition, main dans la main sur le site, en septembre 1984, de François Mitterrand et de Helmut Kohl. Verdun, vu depuis 2016, résume 14-18; vu depuis 1916, Verdun résume l’enfer.

Dix mois de combats à Verdun, moins de vingt-quatre heures à Austerlitz

François Cochet le note dans La Grande Guerre (Perrin): 11824 référencements sont consacrés à Verdun dans le fonds bibliographique Gallica… Suprématie frappée du sceau du symbole, et néanmoins injuste, car la bataille de la Somme, la même année, est tout aussi importante et plus meurtrière. Verdun, c’est un front d’à peine 20 kilomètres, mais sur ces arpents, six obus tombent pour chaque mètre carré de terre entre février et décembre – sanglant labourage. A ce roulement meurtrier s’oppose la rotation des effectifs, qui en dix mois fait passer par ces lignes 70 divisions sur les 95 de l’armée française, afin d’y engager des troupes toujours fraîches, grâce à la fameuse “noria” de camions qui emprunte la “Voie sacrée” célébrée ensuite par Maurice Barrès. La première caractéristique d’une hyperbataille est sa durée: dix mois pour Verdun, la moitié pour la Somme, quand Austerlitz ou Waterloo se conclurent en moins de vingt-quatre heures. La seule hyperbataille courte en 1916 est celle du Jutland, parce qu’elle est navale: 103 bâtiments allemands commandés par l’amiral Scheer affrontent, le 31 mai, les 151 unités de la flotte britannique de l’amiral Jellicoe. Mais la brièveté n’empêche pas la violence (2551 tués côté Reich, 6094 côté Royaume-Uni) et crée l’incertitude, car on ne sait pas vraiment qui sort vainqueur de ce choc. L’hyperbataille, c’est d’abord une affaire de matériel: le jour du déclenchement de Verdun, les Allemands ont amassé 3 millions d’obus face à leur cible – contre 15000 en stock dans les lignes françaises. La France disposait en 1915 de 1100 canons sur les 25 kilomètres de front pour l’offensive de Champagne, l’Allemagne en aligne 1500 sur 10 kilomètres à Verdun. Et dans la Somme, les Alliés mettent en batterie, du 24 au 28 juin, un canon tous les 18 mètres, pour jeter en quatre jours 2 millions d’obus sur les troupes du Kaiser.

Verdun en ruines (photo non datée). Le 21 février, aux premières heures de la bataille, 1300 obusiers allemands pilonnent le front en vue de prendre la ville.

Verdun en ruines (photo non datée). Le 21 février, aux premières heures de la bataille, 1300 obusiers allemands pilonnent le front en vue de prendre la ville.

Mais, autant les Français n’ont guère anticipé l’attaque allemande à Verdun, autant les Allemands se préparent dans la Somme, en bâtissant les Stollen, abris de béton enfouis jusqu’à 10 mètres sous la surface, d’où ils sortent avec leurs mitrailleuses, sourds mais aptes au combat, pour faucher des tommies qui s’avancent au pas, benêts, pensant que toute vie a été effacée devant eux. L’hyperbataille, c’est la quantité de matériels, qu’illustre une fameuse “liste de courses” de Ferdinand Foch, avant la Somme, où l’on trouve 2,5 millions de grenades ou encore 3200 téléphones avec leurs 13200 kilomètres de câbles; mais c’est aussi la “qualité”, c’est-à-dire l’innovation. En 1916, les airs deviennent un champ de bataille décisif: le 29 janvier, les zeppelins, volant très haut, gagnent sans encombre Paris pour y jeter des bombes; aux premiers jours de Verdun, les chasseurs allemands se relaient pour que les avions ennemis ne puissent venir repérer les batteries qui tonnent et guider la riposte d’artillerie. La France se met vite à la hauteur, avec des avions plus légers, qui volent à 162 kilomètres/heure et dont les mitrailleuses tirent entre les pales des hélices – dans la Somme, le ciel est totalement franco-britannique. Le progrès est aussi au sol, avec l’apparition côté allemand du terrifiant Flammenwerfer, un lance-flammes qui grille à 15 mètres des soldats attendant, baïonnette au canon, l’assaut de leur tranchée, et, côté britannique, le surgissement stupéfiant, le 15 septembre à l’aube, des premiers chars d’assaut. Armés de canons quand ils sont dits “mâles” et de mitrailleuses dans leur version “femelle”, 36 chars de 30 tonnes chacun ont été acheminés de nuit pour créer la surprise. Elle est complète, qui amène les commentateurs à évoquer des “châteaux roulants” ou le retour des éléphants d’Hannibal. Mais les chars sont trop peu nombreux pour emporter seuls la victoire, leurs chenilles se bloquent parfois et le “marmitage” ennemi, alors, les détruit.

“Verdun, une bataille politique”

L’hyperbataille demeure donc une affaire d’hommes, tels les chasseurs du lieutenant-colonel Driant, massacrés le 21 février en défendant le bois des Caures: ils reçoivent trois obus par seconde de 7 heures à 16 heures, qui tuent 75% d’entre eux, mais les 350 survivants stoppent 10000 fantassins allemands pendant deux jours. Il y a aussi les soldats qui montent sur leur dos de quoi installer un téléphérique sur l’Isonzo, théâtre de nombreux combats entre Italiens et Austro-hongrois. Il y a enfin tous ceux qui servent de chair à canon, broyés par les obus en “défensive” ou hachés par les mitrailleuses lors des offensives.

Côté "boche", 337 000 soldats sont tués ou blessés à Verdun.

Côté “boche”, 337 000 soldats sont tués ou blessés à Verdun.

Au cours du bloodiest day, le 1er juillet, les Britanniques perdent, selon les sources, entre 40000 et 60000 hommes, tués ou blessés, dont 30000 tombés en six minutes! Pour François Cochet, même si les calculs s’entrechoquent dans les grimoires comme les soldats sur le terrain, on peut estimer à 1312856 les hommes mis hors de combat dans la Somme. Quant à Verdun, les chiffres s’élèvent à près de 750000… Ces soldats ne tombent pas sans raison: des chefs les envoient se battre dans la boue. Jean-Yves Le Naour a ainsi raison d’intituler l’un de ses chapitres “Verdun, une bataille politique”. Tout au long de l’année 1916, le conflit dégénère entre la Chambre et le GQG, c’est-à-dire entre les parlementaires (mais aussi l’exécutif) et le généralissime Joffre. On le voit dès le 1er janvier, quand le président de la République, Raymond Poincaré, veut aller visiter la place de Verdun, qu’on lui dit “stratégique”: Joffre l’en dissuade. Une fois la bataille enclenchée, Poincaré se rend à six reprises, dans l’année, sur les arrières du champ de bataille. Perdre Verdun serait, dit-on à Paris, une “catastrophe parlementaire”, c’est-à-dire que le gouvernement, dirigé par Aristide Briand, n’y survivrait pas – et que peut-être le régime lui-même serait mis à bas pour que les militaires commandent vraiment… Verdun, c’est donc le nouveau Valmy dans les discours, mais dans les couloirs du pouvoir, le prétexte à toutes les manigances. On joue Castelnau contre Joffre, Nivelle contre Pétain…

Tous les jours, Georges Clemenceau lâche ses coups dans son journal, L’Homme enchaîné. Le 16 juin commence le “comité secret”, des séances parlementaires à huis clos, mais Briand retourne la situation et le quotidien Excelsior, à sa Une du 10 juillet, le représente foulant une peau de tigre… Néanmoins, il a compris qu’il ne pourrait durer vraiment qu’en sacrifiant Joffre. Dès le 14 février, le rapport du sénateur Charles Humbert accable l’homme de Chantilly: “Ce pays va à sa perte si on ne change pas les hommes.” Le général Gallieni, sauveur de Paris nommé ministre de la Guerre, s’use en affrontements avec Chantilly, et finit par remettre en Conseil des ministres, le 7 mars, une note accablante que nul ou presque ne veut prendre en main et dont Briand niera longtemps l’existence. Malade de la vessie – en fait, atteint d’un cancer de la prostate qui l’emporte le 27 mai -, Gallieni démissionne le 10 mars. “Moi, du moins, j’ai essayé d’être ministre de la Guerre”, plaide-t-il. Et Briand réplique, cynique: “Veni, vidi, vessie…” Pendant ce temps, les poilus tombent par milliers… Ce que Gallieni ni Clemenceau n’ont décroché, le sang va l’obtenir: la tête de Joffre. Même si le fort de Douaumont est repris le 24octobre, même si la bataille de Verdun est jugée officiellement gagnée le 19 décembre, trop de vies ont été perdues pour trop peu de gains: le retour aux lignes du début de 1916 dans la Meuse, une dizaine de kilomètres de progression dans la Somme.

Dans les rangs français, Verdun a fait 362 000 victimes.

Dans les rangs français, Verdun a fait 362 000 victimes.

Le 3 décembre, Briand propose à Joffre d’être nommé maréchal de France et installé à Paris en un commandement suprême chargé de coordonner les visées du gouvernement et celles des armées. Le généralissime accepte, mais constate vite qu’on lui refuse l’état-major promis, qu’il n’a pas même de bureau au ministère et doit s’installer dans une pièce vide de l’Ecole militaire… dont il paie le chauffage! Raymond Poincaré lui remet son bâton de maréchal à la sauvette, sans cérémonie, et indique ainsi sa véritable affectation à celui qui semblait indéboulonnable un an plus tôt: la retraite…

Pourtant, 1916 aurait pu être l’année de la paix

La politique est tout aussi retorse loin de France. Même si le courageux Broussilov attaque les troupes de Vienne le 4 juin, pour fixer l’ennemi sur place avant l’offensive de la Somme, la Russie n’envoie que 50000 soldats à l’Ouest, sur les 400000 réclamés. De même, quand la Roumanie attaque la Hongrie, le 28 août, les Alliés ne tiennent aucun de leurs engagements: l’armée d’Orient n’avance pas, pas plus que les Russes, pour aider Bucarest. Quand la Bulgarie pénètre en Roumanie, la situation se retourne et les Austro-Hongrois prennent Bucarest le 6 décembre… Pourtant, 1916 aurait pu être l’année de la paix. Pas tant celle rêvée par les militants pacifistes de la conférence de Kienthal, en Suisse, où apparaissent “à titre personnel” trois députés français, que celle proposée subitement, le 12 décembre, par le chancelier allemand Bethmann-Hollweg. Las! En cette offre imprécise Français et Britanniques voient un piège: l’Allemagne veut juste reprendre son souffle après une année terrible. Même les Etats-Unis, qui ont tenté depuis plusieurs mois de faire cesser les hostilités, se résignent, conscients que la guerre sous-marine, bientôt relancée par Berlin, les contraindra à entrer en guerre dès qu’un navire américain sera frappé. Le conflit durait depuis dix-sept mois quand 1916 s’est ouverte, il va en durer encore vingt-deux quand 1916 se clôt. L’Allemagne n’a pas saigné la France à Verdun, pas plus que le “On les aura!” lancé le 10 avril, dans une note à ses troupes, par le général Pétain, n’a été vraiment couronné de succès. Le 21 novembre 1916, Aristide Briand demande le recensement de la classe 18, en vue de son appel anticipé sous les drapeaux. Le massacre continue…

(1) 1916. L’enfer, par Jean-Yves Le Naour. Perrin, 376p., 23€.



LA BATAILLE DE VERDUN : NOUVELLE VIDEO !


Ce que fut, il y a 40 ans, la bataille de Verdun. A l’occasion du 40ème anniversaire de la bataille de Verdun, rétrospective en images des assauts militaires à Verdun et à Douaumont en 1916. Commentaires sur des images d’illustration des différents sites, de la visite des lieux par les survivants du conflit et des cimetières de soldats. Extrait du discours du Président COTY lors de la cérémonie commémorative.

Première Guerre Mondiale : 1916, L’enfer de Verdun – Documentaire complet

Source: http://www.les-crises.fr/1916-la-bataille-de-verdun-symbole-de-la-guerre/


Chirac, Bush et l’Apocalypse, par Eric Mandonnet

Sunday 21 February 2016 at 01:00

Source : L’Express, Eric Mandonnet, 26-02-2009

 En 2003, le président français comprit, par un coup de fil de son homologue américain, ce qui poussait ce dernier à vouloir faire la guerre à l’Irak.

Directeur de la rédaction du Journal du dimanche entre 1999 et 2005, Jean-Claude Maurice rencontre à une dizaine de reprises, en tête à tête, Jacques Chirac, alors chef de l’Etat. Et notamment en 2003, avant la guerre que les Etats-Unis s’apprêtent à déclencher en Irak et à laquelle le président français s’opposera. Dans Si vous le répétez, je démentirai, à paraître le 5 mars, il raconte. Extraits.

[…] Jacques Chirac l’a appris, le mois précédent, de la bouche même de Bush Jr. Une révélation reçue d’abord avec étonnement, puis, renseignement pris, avec effroi. Lors de cette conversation téléphonique visant à convaincre son homologue français de se joindre à la coalition, George Bush Jr. a utilisé un argument singulier, affirmant que… “Gog et Magog sont à l’oeuvre au Proche-Orient” et que “les prophéties bibliques sont sur le point de s’accomplir”. Sur le moment, Jacques Chirac, stupéfait, ne réagit pas. Il sait Bush religieux, mais il a du mal à comprendre que le président de la première puissance du monde soit à ce point fondu des Ecritures qu’il batte le rappel des duettistes Gog et Magog pour justifier son combat! Chirac s’en ouvre à ses conseillers, d’abord portés à sourire. Il les charge de l’éclairer plus précisément sur Gog et Magog.

Un jour plus tard, George Bush récidive, prononçant ces deux noms mystérieux lors d’une conférence de presse sur “l’axe du mal”. L’Elysée consulte d’urgence un spécialiste. Pas en France, mais en Suisse, pour éviter d’éventuelles fuites. C’est Thomas Römer, professeur de théologie à l’université de Lausanne, qui est mis à contribution. Son rapport a de quoi glacer le sang. Gog, prince de Magog, c’est l’apocalypse. Ce personnage apparaît dans la Genèse, et surtout dans deux des plus obscurs chapitres du Livre d’Ezéchiel, prophétie d’une armée mondiale livrant la bataille finale à Israël. Un conflit voulu par Dieu qui doit, terrassant Gog et Magog, anéantir à jamais les ennemis du peuple élu avant que naisse un monde nouveau.

Pour un esprit français, l’évocation de Gog et Magog pouvait prêter à rire. Chirac, lui, ne rit pas. Cette parabole d’une apocalypse annoncée pour réaliser une prophétie l’inquiète et le tourmente. Il s’interroge aussi sur l’inculture religieuse à l’heure où les soubassements religieux sont beaucoup plus déterminants qu’on ne veut le croire dans les décisions politiques et militaires. […]

Jacques Chirac dès lors ne s’y trompe pas. Le président américain a sommairement décrypté les Ecritures: une armée mondiale islamiste fondamentaliste menace le monde occidental qui soutient Israël. Les attentats du 11 septembre contre les tours de Manhattan en sont la preuve. […] “Ils vont mettre la région à feu et à sang. Ils ne comprennent rien à rien et sont d’une inculture crasse en ce qui concerne un Orient déjà compliqué. Demandez-leur de vous citer le nom d’un poète arabe. C’est tout juste si pour eux l’affrontement entre chiites et sunnites ne renvoie pas à la finale d’un Super Bowl du Moyen-Orient!” Et d’énumérer tout ce qui va se passer. “Vous verrez: ils vont mener une guerre de Pandore, la gagner rapidement, mais le plus dur alors commencera. Sunnites et chiites vont se déchirer. Après l’invasion, une guerre civile fera plus de victimes civiles que les combats de la guerre éclair. Al-Qaeda trouvera en Irak un terrain de manoeuvre qui lui est jusqu’ici interdit. Dans un an, il faudra envoyer des renforts. Et dans trois ans, quand 3000 GI seront morts, ils n’auront le choix qu’entre le retrait et l’envoi de nouvelles troupes.”

Source : L’Express, Eric Mandonnet, 26-02-2009

Source: http://www.les-crises.fr/chirac-bush-et-lapocalypse-par-eric-mandonnet/