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Empêcher une agression russe ! Les Etats-Unis et l’OTAN en mode «Guerre froide», par Neil Clark

Thursday 18 February 2016 at 03:25

Source : Russia Today France, Neil Clark, 02-02-2016

Des unités militaires de pays membres de l’OTAN participent à l’exercice Jump Noble à Swietoszow, Pologne, le 18 juin à 2015

Le Commandement américain en Europe a publié une mise à jour de sa stratégie militaire, évoquant une «menace russe». Le journaliste Neil Clark se demande si les doubles standards qui prévalaient durant la Guerre froide sont de retour.

Le Commandement américain en Europe (USEUCOM) a publié une mise à jour de sa stratégie militaire. Et devinez ce qui a été répertorié comme la première des six principales «priorités» : «Empêcher une agression russe !»

On nous dit qu’une «agression russe menace les alliés et les partenaires de l’OTAN en Europe».

La Russie est accusée d’afficher un «mépris concernant la souveraineté de ses voisins en Europe» et de violer «de nombreux accords qui exigent que la Russie agisse dans le cadre du droit international».

«Les zones à l’est et au nord, la Russie provoque l’inquiétude la plus grande en raison de son comportement de plus en plus agressif… Comme cela a été démontré en Crimée et à l’Est de l’Ukraine, la Russie emploie une forme de guerre qui comprend des moyens conventionnels, irréguliers et asymétriques – dont la manipulation permanente des conflits politiques et idéologiques – afin de promouvoir l’instabilité et elle rejette une approche collaborative en matière de sécurité vis-à-vis de la communauté internationale».

Et il n’y a pas qu’en Europe que la Russie représente une menace. «L’ours» est à la chasse partout dans le monde ! «La Russie est à l’origine de défis constants pour nos alliés dans de nombreuses régions ; par conséquent, c’est un défi à l’échelle mondiale qui nécessite une réponse globale».

Le document rédigé sur 12 pages par le général Philippe M. Breedlove, le commandant de l’USAF, rappelle l’esprit des années 1950. Ce n’est pas étonnant, car la guerre de propagande menée en ce moment contre la Russie est aussi forte – et acharnée – qu’à l’époque du sénateur McCarthy. Une «Russie revancharde» est maintenant considérée comme le facteur le plus important «des changement négatifs les plus profonds concernant la sécurité européenne depuis la fin de la Guerre froide».

En tant qu’œuvre de fiction, cette mise à jour de la stratégie militaire devrait candidate à tous les plus grands prix littéraires de 2016. Car en réalité, le «changement négatif le plus profond dans le domaine de la sécurité européenne depuis la fin de la Guerre froide» a été la Marche vers l’Est, inspirée par les néo-conservateurs. C’est Washington et sa politique agressive – et non pas Moscou – qui a fait de l’Europe, et du monde en général, un lieu moins sûr.

En fait, remplacer le mot «Russie» par le mot «Etats-Unis» dans ce document aurait plus de sens.

Ce qui s’est passé dans l’Est de l’Ukraine et en Crimée après le changement de régime à Kiev n’était pas une «agression» russe, mais une réponse à l’agression des Etats-Unis et de l’UE contre la Russie

Revenons en 1990. A cette époque, comme la Guerre froide était terminée, les progressistes étaient, à juste titre, enthousiastes au sujet des dénommés «dividendes de la paix». L’argent investi dans les armes pourrait allait à des projets bien plus valorisant, comme les hôpitaux, les écoles et les bibliothèques publiques. Mais l’OTAN – à la différence du Pacte de Varsovie – n’a procédé à aucun désarmement ; au contraire, elle s’est étendue jusqu’aux frontière de la Russie.

Les pays qui n’ont pas souhaité rejoindre le club de l’OTAN ont été frappés par des sanctions (Biélorussie), ou par des sanctions et des bombardements (Yougoslavie). En 1999, l’OTAN, qui a été fondée comme une alliance militaire défensive en 1949, n’a pas seulement violé le droit international en s’attaquant à la République Fédérale de Yougoslavie, mais a également contrevenu à l’Article 1 de sa propre charte qui indique : «Les parties s’engagent, comme il est écrit dans la Charte des Nations unies, à régler par des moyens pacifiques tout différend international dans lequel elles pourraient être impliquées, de telle manière que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas mises en danger, de même qu’à s’abstenir dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l’emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts des Nations unies».

Qu’est-ce que c’était que cette ligne dans le rapport de l’USEUCOM sur une violation de nombreux accords et du droit international ?

Tout allait bien avec la Russie quand elle était d’accord avec tout cela, mais dès qu’elle s’est mise à défendre son point de vue et ses propres intérêts légitimes, la Guerre froide a recommencé. Comme l’a écrit mon collègue, l’auteur John Wight dans son article récent sur la diabolisation de Vladimir Poutine, «Toutes ces balivernes à propos de Poutine qui aurait des objectifs expansionnistes est une tentative de mettre un écran de fumée sur le programme expansionniste de l’Occident en Europe de l’Est qui a pour but d’instituer un cordon sanitaire autour de la Russie dans le prolongement de la stratégie de la Guerre froide».

Lorsque le gouvernement résolument pro-américain de Géorgie a attaqué l’Ossétie du Sud en août 2008 et que la Russie a répondu afin de protéger les citoyens russes ethniques, c’est la Russie qui a été présentée comme l’agresseur dans les médias néo-conservateurs.

De la même façon, en Ukraine en 2014/15 lorsqu’une opération de «changement de régime» orchestrée par le département d’Etat américain et l’UE visant à renverser un gouvernement neutre et à le remplacer par un gouvernement résolument pro-américain, pro-européen et anti-russe.

Ce qui s’est passé dans l’Est de l’Ukraine et en Crimée après le changement de régime à Kiev n’était pas une «agression» russe, mais une réponse à l’agression des Etats-Unis et de l’UE contre la Russie.

Les doubles standards concernant les «intérêts nationaux» que fait ressortir mise à jour stratégique sont assez remarquables

Comme je l’ai noté ici –imaginez simplement la réaction des Etats-Unis, si la Russie avait financé et organisé un «changement de régime» contre un gouvernement démocratiquement élu au Canada – et si un ministre russe des Affaires étrangères et l’ambassadeur de Russie au Canada avaient été enregistrés en train de discuter des personnes qui devraient composer le nouveau gouvernement canadien pro-russe, comme l’ont fait Victoria Nuland et Geoffrey Pyatt dans le cas de l’Ukraine.

Les doubles standards concernant les «intérêts nationaux» que fait ressortir mise à jour stratégique sont assez remarquables.

«Historiquement, l’Europe est un territoire clef pour l’armée américaine et elle le restera», écrit le général Breedlove.

On nous dit que «les bases, l’accès et la liberté de circulation que les alliés et les partenaires européens fournissent aux Etats-Unis sont essentiels pour la mission du département de la Défense américain, qui consiste à utiliser des forces à l’échelle mondiale afin de répondre aux éventuels besoins, de mener des opérations et de défendre les intérêts nationaux vitaux des Etats-Unis».

Cependant, alors que les Etats-Unis peuvent prétendre qu’un continent qui est à des milliers de kilomètres de leurs frontières est un «territoire clef» et essentiel pour la défense de leurs intérêts nationaux», la Russie n’a aucun droit de répondre à un changement de régime organisé par les Américains tout près de chez elle. Une fois de plus, imaginez la fureur provoquée par la révélation d’un document militaire russe qualifiant l’Amérique centrale de «territoire clef pour l’armée russe…».

Comme le montre le document de Breedlove, les ambitions de USEUCOM vont au-delà des frontières de l’Europe.

«Le Levant et la Méditerranée sont aussi des régions dans lesquelles USEUCOM sera pleinement engagée. L’une des missions essentielles de USEUCOM, c’est d’aider Israël à jouir de son droit intrinsèque à la légitime défense».

En évoquant la «menace que représente l’Iran et le Hezbollah», on nous dit que USEUCOM va poursuivre son étroite collaboration avec Tsahal afin de lui garantir «l’engagement américain à contribuer à sa défense et à préserver son avantage militaire qualitatif sur ses adversaires au milieu d’une transformation régionale rapide et incertaine».

Mais bien évidemment, cette «défense» va nécessiter beaucoup de personnel – et d’investissements. Breedlove s’inquiète que moins de 65 000 militaires «restent stationnés en permanence en Europe pour sécuriser et faire avancer les intérêts nationaux américains, du Groenland à la mer Caspienne et de l’océan Arctique au Levant».

Il prévient encore que «la présence réduite à l’avenir et la dégradation de l’état de préparation au sein des services réduisent la capacité des Etats-Unis de modeler l’environnement de façon positive».

Alors, allez-y, monsieur Obama, sortez le chéquier de la nation et payez pour les dépenses militaires afin de contrer la «menace» russe et d’aider les Etats-Unis à promouvoir ses intérêts nationaux «du Groenland à la mer Caspienne et de l’océan Arctique au Levant» !

C’est seulement avec des troupes supplémentaires que les Etats-Unis et ses alliés espèrent contrer la «menace russe».

 Il n’y a aucun doute que la «menace soviétique» en Europe occidentale a été médiatisée pour justifier une présence militaire continue sur le continent

Reuters a révélé que l’OTAN cherchait également à lutter contre ce qu’on appelle «la militarisation de l’information» par le Kremlin.

«L’OTAN et l’Union européenne sont tous les deux inquiets de la capacité de la Russie à utiliser la télévision et Internet pour faire passer ce qu’elles disent pour de la désinformation délibérée», rapporte Reuters.

Apparemment, ce document de 23 pages a été produit par le comité militaire de l’OTAN pour faire face à ce problème. On cite un diplomate occidental qui aurait dit à propos des Russes : «Ils peuvent créer une réalité virtuelle qui est destinée à embrouiller et à atteindre certains objectifs». Je n’ai pas encore vu de meilleure description des néoconservateurs occidentaux.

Il n’est pas difficile de comprendre de quoi sont capables l’OTAN et l’USEUCOM.

Il fut un temps où l’engagement militaire américain en Europe était très bien accueilli – lorsque les États-Unis ont aidé à libérer le continent de l’occupation nazie en 1944/45. Contrairement à ce qui s’est passé après la Première Guerre mondiale, les Etats-Unis sont restés en Europe – ce qui était peut-être compréhensible à la lumière de ce qui s’était passé sur le continent au cours des années 1930. Dans le même temps, il n’y a aucun doute que la «menace soviétique» en Europe occidentale a été médiatisée pour justifier une présence militaire continue sur le continent.

Aujourd’hui, quelque chose de très similaire est en train de se produire, à cette distinction près que «menace soviétique» d’alors a été remplacée par une «menace russe». Mais il y a un problème : les gens ont besoin d’être persuadés qu’il y a effectivement une menace, surtout à une époque d’austérité, quand des réductions budgétaires sont effectuées dans des domaines importants. L’époque d’Internet, qui a donné aux gens l’accès à plus de sources d’information et la popularité croissante de chaînes telles que RT – qui poussent les gens à «oser questionner» – ont rendu plus délicate la question de duper le public et celle de promouvoir des discours frauduleux.

Et puis, il y a l’héritage de l’Irak. Les mensonges flagrants racontés à propos de l’Irak et de ses soi-disant armes de destruction massive avant l’invasion illégale de 2003 n’ont pas été et ne seront pas oubliés.

L’OTAN et le haut commandement militaire américain ne devraient pas accuser ce qu’ils appellent «la militarisation de l’information par le Kremlin» du fait que les gens en Europe n’avalent pas la dernière vague de propagande anti-russe. C’est George W. Bush et Tony Blair qu’ils devraient en rendre responsables.

 Source : Russia Today France, Neil Clark, 02-02-2016

Source: https://www.les-crises.fr/empecher-une-agression-russe-les-etats-unis-et-lotan-en-mode-guerre-froide-par-neil-clark/


Il faut faire tomber Alep, par Valérie Toranian

Thursday 18 February 2016 at 02:00

Analyse intéressante, venant d’une revue telle que la Revue des deux mondes…

Source : Revue des deux mondes, Valérie Toranian, 08-02-2016

« Alep ‘risque’ de tomber aux mains du régime syrien ». C’est un tweet de Libération qui a donné le ton la semaine dernière quand l’offensive des forces de l’armée régulière de Bachar al-Assad annonçait une reprise probable de la ville par les loyalistes. Appuyée par d’intenses bombardements de l’armée russe, soutenue par des troupes de choc du Hezbollah libanais (chiite) et des pasdarans iraniens, l’offensive se traduit aujourd’hui par un quasi encerclement de la ville. Les rebelles, parmi lesquels on compte l’Armée syrienne de libération et des groupes islamiques, notamment Al Nosra filiale locale d’Al Qaeda, sont en mauvaise posture.

Pour de nombreux commentateurs, c’est une triste nouvelle. Comme si les gentils rebelles syriens épris de démocratie se battaient contre les forces barbares d’un état autoritaire et sanglant, celui de Bachar al-Assad, épaulé par l’ignoble Poutine et qu’hélas ces deux larrons étaient en train de gagner. Qu’on ne se méprenne pas. Bachar al-Assad fait partie des salauds infréquentables de la planète. Les forces répressives de son régime ont un macabre bilan humain à leur actif. Poutine n’est pas non plus le juste pourfendeur du terrorisme qu’il prétend être, sans arrière pensée politique dans la région. Mais dans le chaos compliqué du Moyen-Orient, entre un régime syrien haïssable et un État islamique qui vient de se constituer en Califat, se livre à des actes barbares sur les populations non sunnites, continue de génocider les yézidis et, enfin, entraine des combattants pour qu’ils assassinent de jeunes Français en plein Paris, de quel côté est notre vrai risque ?

Suite de l’article à lire sur Revue des deux mondes, Valérie Toranian, 08-02-2016

Source: https://www.les-crises.fr/il-faut-faire-tomber-alep-par-valerie-toranian/


Pourquoi Alep est un enjeu fondamental pour Assad

Thursday 18 February 2016 at 01:24

Source : Le Vif, François Janne d’Othée, 14-02-2016

 Cinq ans après le début de la guerre en Syrie, le régime est sur le point de reprendre la deuxième ville du pays. Un tournant majeur dans ce conflit au lourd bilan et qui a déplacé des millions d’habitants ? Le point avec Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie au Washington Institute.

L’offensive de l’armée syrienne et de l’aviation russe sur Alep a provoqué un nouvel exode de population vers la Turquie. © BEHA EL-HALEBI/ANADOLU AGENCY/REPORTERS

Le Vif/L’Express : La bataille d’Alep sera-t-elle décisive pour la suite de la guerre en Syrie ? 

Fabrice Balanche : Absolument, c’est un enjeu fondamental pour Bachar al-Assad. La progression militaire du régime va lui permettre de reprendre la ville, hors la partie orientale qui va rester encore aux mains des rebelles. Les autres, à l’ouest, sont complètement encerclés. Toutefois, même si l’armée syrienne a coupé la route de la Turquie, la reconquête d’Alep ne se fera pas en quelques mois. Car les batailles en milieu urbain sont difficiles. Le pouvoir agira comme à Homs : des négociations pour amener les rebelles à quitter la ville.

Qu’en est-il des civils pris au piège ? 

Contrairement au chiffre d’un million de civils avancé çà et là, les résidents des quartiers orientaux ne sont plus que quelques dizaines de milliers, à commencer par les rebelles et leurs proches. En 2012, ces quartiers comptaient 1,5 million d’habitants. Avec les bombardements de barils de dynamite par l’aviation syrienne, ils ont fui en masse. Sachant que la route vers le nord allait être coupée, un nouvel afflux a suivi ces derniers jours. Notons qu’au sud d’Alep, le régime marque également des points.

Merci les Russes ? 

De fait, cela n’aurait pu se faire sans l’apport russe mais aussi des dizaines de milliers de combattants chiites venus d’Irak avec le soutien financier de l’Iran. Un état-major commun permet la coordination. Aux Russes, les attaques aériennes ; aux Iraniens, la défense d’Alep et les mouvements de troupes sur le terrain, tandis que l’armée régulière syrienne, largement sous contrôle iranien, est en charge de la défense des quartiers loyalistes.

Quels sont les objectifs militaires de Poutine ? 

Après avoir chassé les rebelles des grandes villes et protégé la côte alaouite (NDLR : où se trouvent les bases russes), le troisième objectif de Poutine sera de bloquer leurs lignes d’approvisionnement depuis la Turquie et la Jordanie. Simultanément, les Russes sont persuadés que le fait national kurde va faire bouger les frontières au Moyen-Orient. Comme ils s’inscrivent dans une politique à long terme, ils font miroiter aux Kurdes un territoire unifié en Syrie, d’Afrin à Kobane. Les Etats-Unis refusent ce scénario qui va à l’encontre des intérêts de la Turquie, partenaire dans l’Otan. Or, un des buts de la Russie est précisément d’affaiblir la Turquie. Celle-ci est la grande perdante de la guerre syrienne : les Kurdes sont en train de former leur Etat, les réfugiés déferlent et Assad est toujours là.

Et Daech ? Qui sera en première ligne pour s’attaquer à son fief de Raqqa ? 

Les rebelles syriens sont incapables de prendre Raqqa. Le veulent-ils seulement ? On ne les a guère entendus prendre position contre Daech. Ceux du Front al-Nosra et d’Ahrar Al-Sham partagent d’ailleurs son idéologie. “Quand Assad sera tombé, ils vont se battre contre Daech”, entend-on souvent. Difficile à croire ! Les Américains avaient tenté d’armer des rebelles “modérés” pour se battre contre Daech, ce fut un fiasco total. On parle également d’une force armée intégrant des tribus arabes sous leadership kurde, mais cela ne marchera pas. Quant à la coalition internationale, elle ne veut pas envoyer de troupes au sol et craint de bombarder des civils. Or, l’état-major de Daech se trouve en pleine ville.

La solution ? 

Je ne vois que l’armée syrienne et les Russes. Ce sont eux qui régleront l’affaire. Toutefois, leur priorité est de se débarrasser des autres groupes rebelles avant de se diriger vers Raqqa, sans doute vers la fin de l’année ou en 2017. Ce n’est pas un objectif immédiat.

Cela revient-il à condamner la ligne “Ni Bachar ni Daech” prônée par les diplomaties française et belge ? 

Assad est aujourd’hui considéré comme le moindre mal, même si la France va rester accrochée à sa posture morale assimilant Assad à un “boucher”. Cette évolution de la guerre syrienne est une défaite pour les Occidentaux, qui ont commis une erreur d’analyse globale. Ils n’ont pas voulu voir l’aspect communautaire dans la guerre civile. Ils n’ont pas voulu voir que les rebelles n’étaient pas des gentils démocrates mais des islamistes et que des mouvements comme Daech allaient émerger.

Contestez-vous qu’il s’agissait, au début, d’une révolte pour la démocratie ? 

Chez les quelques intellectuels qui manifestaient à Damas, c’était le cas. A Deraa, où la contestation a surgi, ce sont des problèmes socio-économiques qui ont suscité la colère : cinq années de sécheresse, une population rurale sans emploi du fait de la croissance démographique, l’arbitraire des services de renseignements, la corruption… La coupe a débordé, les gens se sont révoltés. A Homs et Hama c’était pire, car s’y est ajoutée une dimension anti-alaouite et antichrétienne. A Deraa, où la population est à 99 % sunnite, des Frères musulmans venus de Jordanie ont mis de l’huile sur le feu, eux qui sont en embuscade depuis qu’ils ont été massacrés à Hama en 1982. Si les salafistes “quiétistes” devenus entre-temps djihadistes les ont remplacés, les Frères musulmans sont restés à la manoeuvre depuis l’extérieur grâce à leurs relais en Occident et avec l’argent du Qatar.

Quelle est la stratégie russo-syrienne dans les négociations de Genève, actuellement suspendues ? 

Les Russes croient d’abord à la solution militaire. Ils ne souhaitent aller aux négociations de Genève qu’en position de force. Les Etats-Unis voulaient qu’elles débutent dès janvier, alors que l’offensive sur Alep était prévue depuis des mois. En fait, les Russes veulent légitimer “leur” opposition, à savoir les Kurdes, qui n’ont pas été invités à Genève, mais aussi des opposants laïques, comme Haytham Manna ou Qadri Jamil, qui a été ministre de l’Economie avant d’être révoqué et de s’installer à Moscou en septembre 2013. Ceux-ci feraient contrepoids à la coalition nationale syrienne cornaquée par les Saoudiens, avec l’objectif de sauver le processus de Genève tout en maintenant Assad au pouvoir ainsi que son entourage de généraux qui décident de tout. Ce n’est qu’après la guerre que ses parrains étrangers pourraient éventuellement le conduire à quitter la présidence.

Le régime est-il en mesure de reprendre le contrôle sur tout le territoire syrien ? 

Ce sera difficile. Damas devra accorder l’autonomie aux Kurdes : c’est dans l’accord conclu avec Moscou. Le pouvoir s’est fragmenté, aussi. Toutes ces milices de défense nationale ont aujourd’hui une grande marge de manoeuvre. Même dans la banlieue de Damas, à Jaramana, qui est pro-Assad, le pouvoir central n’a pas beaucoup de prise sur la milice druzo-chrétienne qui y fait la loi. Dans la vallée de l’Euphrate, à Raqqa, à Deir ez-Zor, il va falloir lâcher du lest en faveur des tribus locales. Il y aura une zone d’administration plus ou moins directe dans l’ouest, et indirecte dans l’est et le nord. Un scénario à l’irakienne, en somme.

Entretien : François Janne d’Othée

Source : Le Vif, François Janne d’Othée, 14-02-2016

Source: https://www.les-crises.fr/pourquoi-alep-est-un-enjeu-fondamental-pour-assad/


Lettre ouverte à Pablo Iglesias par Jacques Sapir

Thursday 18 February 2016 at 00:30

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 13-02-2016

Christophe Barret et moi-même avons écrit une lettre ouverte au dirigeant de PODEMOS, Pablo Iglesias. Nous l’avons fait parce qu’il nous semble que ce que représente PODEMOS est un enjeu, au-delà de la seule gauche espagnol, qui concerne toutes les gauches européennes, mais aussi tous les européens, et même s’ils ne sont pas de gauche, qui étouffent sous la dictature européenne. Jean-Luc Mélenchon ne dit pas autre chose dans son texte où il annonce, de fait, sa candidature à l’élection présidentielle de 2017. PODEMOS, d’ailleurs, refuse la dichotomie traditionnelle entre gauche et droite et revendique clairement une démarche populiste, comme celles qui ont porté des gouvernements d’espérance en Amérique Latine.

Mais, certaines ambiguïtés demeurent dans le discours de PODEMOS. Or, venant après la capitulation de SYRIZA en juillet 2015, capitulation qui s’est suivie d’une reprise, certes contrainte et forcée, de la politique des « mémorandums » européens, de nouvelles ambiguïtés sont désormais insupportables. Elles portent en elles le risque de voir un mouvement social être conduit à l’échec alors que des solutions existent bel et bien. La position adoptée par Tsipras n’a rien changée sur le fond. La perspective du « GREXIT » est toujours d’actualité et la politique du nouveau mémorandum s’est révélée tout aussi mortifère, et toute aussi incapable de sortir la Grèce de sa crise que celle des précédant mémorandums. Les manifestations qui se multiplient ces derniers jours tant à Athènes que dans d’autres villes de Grèce en témoignent. Les menaces d’une insolvabilité de la Grèce, en mars ou en juin prochain, le confirment.

Dans l’intérêt des peuples d’Espagne, mais aussi dans celui des peuples européens, soumis à un pouvoir anti-démocratique dont la tête est tantôt soit à Francfort, soit à Bruxelles ou soit à Berlin, et que relaie, hélas, les élites politiques nationales, il faut une politique de claire rupture. Et c’est justement pour aboutir à cette clarification que la présente lettre a été écrite. Elle sera donnée en mains propres par Christophe Barret aux dirigeants de PODEMOS dans les jours qui viennent. En attendant, et pour lancer ici un débat dont l’importance et l’enjeu dépasse PODEMOS, je la publie, tant en français qu’en espagnol.

Texte français

 

Cher Pablo Iglesias,

Face à la crise multiforme qui touche l’Union Européenne, les succès électoraux de PODEMOS appellent de nombreuses initiatives. Militant des marges du monde politique, vous proposez un nouveau discours politique dont il convient aujourd’hui de méditer les points forts. Dans la bataille pour la conquête du sens commun accepté par la grande majorité de nos concitoyens, il vous est paru préférable de privilégier à la traditionnelle dichotomie gauche/droite l’opposition des peuples à leurs élites. La crise que traverse la social-démocratie semble confirmer la nécessité d’un tel aggiornamento.

Néocolonialisme, compradorisation et populisme

Candidat du groupe de la Gauche Unitaire Européenne à la présidence du Parlement Européen le 30 juin 2014, vous justifiiez vos choix politiques et stratégiques en ces termes : « la démocratie, en Europe, a été victime d’une dérive autoritaire (…) nos pays sont devenus des quasi-protectorats, de nouvelles colonies où des pouvoirs que personne n’a élus sont en train de détruire les droits sociaux et de menacer la cohésion sociale et politique de nos sociétés ».

Nous partageons ce diagnostic. Les élites politiques des pays de l’Union Européenne sont bel et bien soumises à une puissance extérieure. Ce colonialisme sans métropole représente un défi pour les démocrates. Un concept, né à une autre époque et sur un autre continent, peut nous aider à comprendre le phénomène : celui de la « compradorisation des élites ». Selon une définition aujourd’hui communément admise, une élite compradore « ou « bourgeoisie compradore ») tire sa position sociale et son statut de sa relation avec une puissance économique étrangère qui domine son territoire d’origine. Ce concept fut, naguère, du plus grand intérêt pour comprendre l’évolution de d’une Amérique latine que vous connaissez bien ! Aujourd’hui, en Europe, une nouvelle compradorisation est en œuvre, rendue possible par les institutions européennes et la puissance économique allemande.

De-même sommes-nous nombreux à faire nôtre le projet de Podemos de revivifier la démocratie. Nos prenons acte du fait que votre démarche populiste de contestation, authentiquement de gauche, se double de la volonté d’assumer les responsabilités de l’État – quand bien même ce souverainisme sans drapeau vous amène aussi à explorer les voie d’autres types de médiations selon un « processus constituant » dont il vous appartiendra, à terme, d’expliciter davantage.

De la dynamique européenne et des mouvements de contestation

La confiance dont vous témoignent aujourd’hui vos électeurs vient du fait que vous avez été, avec vos compagnons, les premiers à porter au Parlement une expression politique du mouvement des Indignés de 2011. La révolte des classes moyennes inexorablement entraînées dans un processus de paupérisation qui menace aujourd’hui de nombreuses régions du continent européen intéresse de très nombreux citoyens, bien au-delà des cercles des militants de la gauche de toujours. Un sursaut incroyable a eut lieu, il y a un an, en Grèce. Hélas, ce « Vaisseau venu de Grèce » que chantait en 1974 Lluís Llach s’est brisé sur les récifs des politiques d’austérité dressés par les institutions européennes. L’alliance de la social-démocratie avec celles du Parti Populaire européen (PPE), pour que rien ne change, peut être vue comme une réminiscence de « la Sainte Alliance des possédants » de 1848. Pour nos maîtres, le nouveau printemps de peuples n’aura pas lieu !

Dans un très long article publié – déjà presque en forme de bilan –, l’été dernier, dans la New Left Review, vous sembliez pourtant toujours considérer comme possible « un processus de recouvrement de la souveraineté » des peuples. En dépit de ce que nous appelons le processus de compradorisation des élites, il vous semble encore possible d’impulser des transformations du système productif et d’envisager une « reconfiguration  des institutions européennes en un sens plus démocratique », notamment avec l’établissement d’un Parlement de la zone euro[1]. Ce faisant, vous cherchez à créer un rapport de force au sein du conseil européen. C’est une stratégie courageuse, mais c’est aussi une stratégie discutable, qui peut avoir des implications graves non seulement sur PODEMOS mais de manière plus générale sur les autres mouvements de contestation européen. Chercher à créer un rapport de force dans le conseil européen implique de considérer que ce dernier aurait une quelconque légitimité. Or, le conseil n’a pas d’autre légitimité que celle de chaque pays. C’est un organisme de coordination et non de subordination. Il est vrai qu’il tend à se comporter comme un organisme de subordination ; mais faut-il l’accepter ? Faut-il se plier à la vision anti-démocratique des institutions européennes ? En faisant cela, on perd une bataille avant même de l’avoir menée.

Concrètement, construire un rapport de force implique que des mouvements anti-austérité arrivent simultanément au pouvoir dans différents pays. Force est de constater que cette perspective n’est pas crédible. Les temps électoraux et politiques restent propres à chacun des pays, parce qu’ils traduisent l’histoire et la culture politique nationale. Vous en savez quelque-chose, aujourd’hui, en Espagne. Ainsi, en s’engageant dans la direction de la construction d’un rapport de force au sein du conseil européen, PODEMOS fait un double cadeau aux partisans de l’austérité. D’une part, il fait un cadeau aux ennemis des peuples en leur reconnaissant une légitimité qu’ils n’ont pas et d’autre part il entraîne les différents mouvements dans une voie illusoire, celle qui consisterait à attendre que les élections permettent l’arrivée au pouvoir simultanée de majorité anti-austérité dans les pays de l’Union européenne.

Il nous semble donc que c’est dans une voie dangereuse, et même suicidaire, que PODEMOS s’engage.

Construire le champ de l’affrontement

La question majeure qui se pose alors est celle de la construction du champ politique de l’affrontement. Ce champ doit se construire tant en Espagne (comme dans tout autre pays) que dans l’Union européenne. Mais, dans cette construction, deux éléments vont peser lourd pour le futur.

  1. L’Europe

La question du rapport avec les institutions européennes, devenues aujourd’hui le camp retranché des partisans de l’austérité et conçue comme telle en réalité dès le départ, se pose. Nous souhaitons tous une large coordination entre les pays européens, et ceci inclut bien entendu des pays qui ne sont pas membres de l’Union européenne, comme la Suisse, la Norvège, la Russie et même ceux du Maghreb. Mais, nous devons constater que l’implacable logique du politique s’impose en ce qui concerne la nature de nos relations avec les institutions européennes. Il est ici dangereux de nourrir et d’entretenir des illusions, et nous pensons que certains points dans le programme de PODEMOS sont justement de cette nature. Il ne sert à rien de mettre en avant la sincère volonté de construire une « autre » Europe si les dirigeants européens sont d’emblée résolus au conflit.

Du moment que pour les partisans de l’austérité la venue au pouvoir d’un mouvement ou d’un parti dans l’un des pays de l’UE menace de remettre en cause pouvoir et privilèges, ils mettront en œuvre, et on l’a vu dans le cas de la Grèce au printemps 2015, tous les moyens à leur disposition, y compris des moyens illégaux et des pratiques de corruption, pour amener ce mouvement ou ce parti à résipiscence. La nature des relations entre les partisans de l’austérité et leurs adversaires constitue le couple amis / ennemis. Ce sera une lutte sans pitié ni merci. Nous serons d’emblée projetés dans la logique de l’antagonisme. Il faut donc ici poser la question du programme et de l’action de PODEMOS. Êtes-vous prêt à cet affrontement et à toutes ses conséquences ?

Cette perspective implique de définir le cercle des relations « agoniques », c’est à dire entre adversaires susceptibles de s’unir pour résister à des ennemis communs. De fait, la nature de l’affrontement avec les institutions européennes ne dépend pas de PODEMOS, comme il n’a pas dépendu de SYRIZA. Cette nature sera déterminée par l’action des dirigeants européens ; si, pour arriver à un accord, il faut deux volontés, une seule suffit pour provoquer le conflit. Mais, en imposant un cadre d’affrontements antagoniques aux partis anti-austéritaires dès qu’ils arrivent au pouvoir, les dirigeants européens peuvent permettre de faire émerger un autre cadre, celui des relations agoniques. Ce cadre, c’est celui des relations entre forces certes opposées, mais où l’affrontement avec les institutions européennes requalifie l’opposition d’un conflit entre adversaires et non plus entre ennemis. La question se pose donc à vous, comme elle se pose à toutes les forces luttant contre l’austérité en Europe : quelles sont les forces avec lesquelles vous pourriez passer des accords ou une trêve le temps de régler cet affrontement décisif ?

  1. L’Euro

La question de l’affrontement avec les institutions européennes nous conduit à celle de l’Euro. Ce que l’on appelle la « monnaie unique » est en réalité un mécanisme qui a bloqué les nécessaires ajustements de taux de change entre des économies dont les structures sont très différentes tout en permettant de créer un espace unifié pour la spéculation financière. C’est pourquoi l’Euro est aujourd’hui défendu essentiellement par les banquiers et la « finance ». Mais, c’est aussi pourquoi les pays de l’Europe du Sud n’ont pas eu d’autre choix que celui de s’engager dans des stratégies de dévaluations internes, une course mortifère au « moins coûtant, moins disant », dont les conséquences sont immensément plus graves que celle de réajustements des taux de change. C’est l’origine réelle des politiques d’austérité dont la logique est de conduire à une « hyper-austérité ». La concurrence se joue désormais dans le degré d’engagement dans l’hyper-austérité.

La question de l’Euro ne relève donc pas, comme vous semblez le croire, uniquement du domaine symbolique de l’hégémonie culturelle. C’est une question concrète, qui se traduit dans des centaines de milliers de licenciements, dans des millions de jeunes et de moins jeunes travailleurs privés de leur emploi, dans la baisse de tous les minima sociaux. Vous ne pourrez pas mettre en place une politique contradictoire à l’austérité sans vous attaquer à l’Euro. Ici encore, l’exemple de SYRIZA et de la Grèce, est parlant ; ayant renoncé à quitter l’Euro, même si désormais une majorité de la population serait d’accord avec une telle perspective, le gouvernement de SYRIZA a été contraint d’appliquer le même austérité que celui de Nouvelle Démocratie, et il perd aujourd’hui toute la légitimité qui découlait de son discours contre l’austérité. La stratégie qui consiste à chercher à « gagner du temps » est ici, très clairement, une stratégie perdante. À terme, vous serez, n’en doutez pas, confrontés aux mêmes choix. Quelle sera alors votre réponse ?

À l’occasion de votre passage à Paris, en septembre 2015, vous avez déclaré qu’une sortie de la zone euro n’est envisageable, d’un point de vue espagnol, qu’à la seule condition qu’un pays membre de l’Union Européenne pesant économiquement plus que l’Espagne ne l’envisage d’abord officiellement. Votre prise de position se veut respectueuses des débats qui traversent nombre des forces politiques, y compris PODEMOS – comme on a pu le constater à l’occasion de sa dernière université d’été. Dans le numéro de La New Left Review dont il a été question, vous nous rappelez que PODEMOS est aujourd’hui pensé comme un « instrument fondamental du changement politique »[2]. L’aggiornamento permanent auquel ses militants le soumettent ne saurait être possible si vous n’acceptez pas de débattre des questions et des impasses auxquelles nous devons faire face.

 

Nous vous prions de croire, cher Pablo Iglesias, en notre volonté résolue d’impulser un véritable changement tant en France, qu’en Europe.

 

Jacques Sapir, économiste, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, auteur de Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016.

Christophe Barret, historien et essayiste, auteur de Podemos. Pour une autre Europe , Paris, éditions du Cerf 2015.

 

[1] New Left Review n°93, juil. – août 2015, p. 15 – édition espagnole

[2] . New Left Review n°93, juil. – août 2015, p. 27 – édition espagnole

Texte espagnol

 

Querido Pablo Iglesias,

 

Frente a la crisis multiforme que afecta a la Unión Europea, los éxitos electorales de PODEMOS señalan numerosas iniciativas. Militante de los márgenes del mundo político, propones un nuevo discurso sobre el que interesa pensar hoy en día en sus puntos fuertes. En la batalla por la conquista del sentido común aceptado por la gran mayoría de nuestros conciudadanos, te ha parecido preferible privilegiar la oposición de los pueblos a sus élites frente a la tradicional dicotomía izquierda/derecha. La crisis que atraviesa la socialdemocracia parece confirmar la necesidad de un tal aggiornamento.

Neocolonialismo, compradorización y populismo

Como candidato a la presidencia del Parlamento Europeo por el Grupo Confederal de la Izquierda Unitaria Europea, el 30 de junio de 2014 justificaste tus opciones políticas y estratégicas en estos términos: “la democracia, en Europa, ha sido víctima de una deriva autoritaria (…) nuestros países se han convertido en cuasi-protectorados, nuevas colonias donde poderes que nadie ha elegido están destruyendo los derechos sociales y amenazando la cohesión social y política de nuestras sociedades.”

Compartimos este diagnóstico. Las élites políticas de los países de la Unión Europea están realmente sometidas a una potencia exterior. Este colonialismo sin metrópoli representa un desafío para los demócratas. Un concepto, nacido en otra época y en otro continente, puede ayudarnos a comprender el fenómeno: es el concepto de “compradorización de las élites”. Según una definición generalmente admitida hoy, una élite compradora “o burguesía compradora” obtiene su posición social y su estatus de su relación con una potencia económica extranjera que domina su territorio de origen. Este concepto fue, anteriormente, del mayor interés para comprender la evolución de una América Latina que tú conoces bien. Hoy, en Europa, una nueva compradorización está en marcha, posibilitada por las instituciones europeas y la potencia económica alemana.

Por ello, somos muchos los que hacemos nuestro el proyecto de Podemos de revivificar la democracia. Somos conscientes de que tu proceso populista de contestación, auténticamente de izquierdas, tiene además la voluntad de asumir responsabilidades de Estado – pero además de este soberanismo sin bandera os incita también a explorar los caminos de otros tipos de mediaciones según un “proceso constituyente” sobre el que, a su debido tiempo, tendrás que ser más explícitos –.

De la dinámica europea y sus movimientos de contestación.

La confianza que os manifiestan hoy en día vuestros electores viene del hecho que habéis sido, tú y tus compañeros, los primeros en llevar al Parlamento Europeo la expresión política de los indignados de 2011. La revuelta de las clases medias, inexorablemente arrastradas a un proceso de empobrecimiento que amenaza hoy en día a numerosas regiones del continente europeo, concierne a un grupo muy numeroso de ciudadanos, que se extiende mucho más allá del de los círculos de militantes de la izquierda tradicional. Un increíble arrebato tuvo lugar en Grecia hace un año. Desgraciadamente, este “navío venido de Grecia”, que cantaba Lluís Llach, se ha estrellado contra los arrecifes de las políticas de austeridad levantados por las instituciones europeas. La alianza de la social-democracia europea con el Partido Popular Europeo (PPE), para que nada cambie, puede ser vista como una reminiscencia de “la Santa Alianza de los poseedores” de 1848. Para nuestros amos, ¡la nueva primavera de los pueblos no tendrá lugar!

En un largo artículo publicado el verano pasado en la New Left Review – ya casi en forma de balance – parecías, sin embargo, seguir considerando como posible “un proceso de recuperación de la soberanía” de los pueblos. A pesar de lo que nosotros llamamos el proceso de compradorización de las élites, te parece posible todavía impulsar transformaciones del sistema productivo y prever una “reconfiguración de las instituciones europeas en un sentido más democrático”, fundamentalmente a través del establecimiento de un Parlamento de la zona euro[1].

Haciendo esto, te propones crear una correlación de fuerzas en el seno del Consejo Europeo. Es una estrategia valiente, pero también discutible, que puede tener graves implicaciones no solo sobre PODEMOS sino, de manera más general, sobre otros movimientos de contestación europea. Buscar crear una correlación de fuerzas en el Consejo Europeo implica considerar que este último tiene algún tipo de legitimidad. Ahora bien, el Consejo no tiene otra legitimidad que la de cada país. Es un organismo de coordinación y no de subordinación. Es cierto que tiende a comportarse como un organismo de subordinación; pero, ¿es necesario aceptarlo? ¿Es necesario plegarse a la visión antidemocrática de las instituciones europeas? Haciéndolo, se pierde una batalla antes incluso de haberla librado.

Concretando más, construir una correlación de fuerzas implica que los movimientos antiausteridad lleguen de forma simultánea al poder en diferentes países. Pero, debemos constatar que esta perspectiva no resulta creíble. Los tiempos electorales y políticos son propios de cada país, porque traducen la historia y la cultura política nacionales. Y tú sabes algo de esto, hoy en día, en España.

 

Así, comprometiéndose en la vía de la construcción de una correlación de fuerzas en el seno del Consejo Europeo, PODEMOS hace un doble regalo a los partidarios de la austeridad. Por un lado, hace un regalo a los enemigos de los pueblos reconociéndoles una legitimidad que no tienen y, por otro, arrastra a los diferentes movimientos hacia un camino ilusorio, el que consistiría en esperar que las elecciones permitan la llegada al poder simultáneamente de una mayoría antiausteridad en los países de la Unión Europea.

Por lo tanto, nos parece que es un camino peligroso, incluso suicida, en el que PODEMOS se embarca.

Construir el campo del enfrentamiento

Entonces, la cuestión más importante que se plantea es la de la construcción del campo político del enfrentamiento. Este campo debe construirse en España – como en todos los demás países – y en la Unión Europea. Pero, en esta construcción, dos elementos van a tener un peso importante para el futuro.

  1. Europa

Se plantea la cuestión de la relación con las instituciones europeas, convertidas hoy en día en la trinchera de los partidarios de la austeridad y concebidas como tal en realidad desde el primer momento. Todos deseamos una amplia coordinación entre los países europeos, incluyendo, claro está, a los países que no son miembros de la Unión Europea, como Suiza, Noruega, Rusia e incluso los del Magreb. Pero, hemos de constatar que la implacable lógica de la política se impone sobre lo que concierne a la naturaleza de nuestras relaciones con las instituciones europeas. Es peligroso aquí alimentar y mantener espejismos y pensamos que ciertos puntos del programa de PODEMOS son precisamente de esta naturaleza. No sirve de nada poner por delante la sincera voluntad de construir “otra” Europa si los dirigentes europeos están decididos a favor del conflicto.

Desde el mismo momento en que la llegada al poder de un movimiento o un partido en uno de los países de la UE amenace con poner en cuestión poder y privilegios, los partidarios de la austeridad pondrán en marcha, y lo hemos visto en el caso de Grecia de la primavera del 2015, todos los medios a su disposición, incluso medios ilegales y prácticas de corrupción, para conducir a ese movimiento o a ese partido al arrepentimiento. La naturaleza de las relaciones entre los partidarios de la austeridad y sus adversarios es del tipo de pareja amigos/enemigos. Será una lucha sin piedad. Seremos inmediatamente proyectados a la lógica del antagonismo. Hace falta entonces plantearse aquí la cuestión del programa y de la acción de PODEMOS. ¿Estáis preparados para este enfrentamiento y todas sus consecuencias?

Esta perspectiva implica definir el círculo de las relaciones “agónicas”, es decir, entre adversarios susceptibles de unirse para resistir a enemigos comunes. De hecho, la naturaleza del enfrentamiento con las instituciones europeas no depende de PODEMOS, como no ha dependido de SYRIZA. Esta naturaleza estará determinada por la acción de los dirigentes europeos; si para llegar a un acuerdo hacen falta dos voluntades, sólo una es necesaria para provocar el conflicto. Pero, al imponer un marco de enfrentamientos antagónicos a los partidos anti-austeridad desde el mismo momento en que llegan al poder, los dirigentes europeos pueden permitir hacer emerger otro marco, el de las relaciones agónicas. Este cuadro es el de relaciones entre fuerzas verdaderamente opuestas, pero en el que el enfrentamiento con las instituciones europeas recalifica su oposición como un conflicto entre adversarios y ya no entre enemigos. La cuestión que se os plantea entonces, como se plantea a todas las fuerzas que luchan contra la austeridad en Europa, es : ¿cuáles son las fuerzas con las cuales podríais llegar a acuerdos, o a una tregua, durante el tiempo de puesta a punto de este enfrentamiento decisivo?

  1. El euro

El tema del enfrentamiento con las instituciones europeas nos conduce al del euro. Lo que se llama la “moneda única” es en realidad un mecanismo que ha bloqueado los ajustes necesarios de las tasas de cambio entre economías con estructuras muy diferentes, al mismo tiempo que ha permitido crear un espacio unificado para la especulación financiera. Es por esto por lo que el euro es hoy en día defendido fundamentalmente por los banqueros y las “finanzas”. Pero es también por lo que los países de la Europa del sur no han tenido otra opción que la de comprometerse en estrategias de devaluaciones internas, una carrera mortífera hacia “ la baja” cuyas consecuencias son inmensamente más graves que las del reajuste de las tasas de cambio. Este es el origen real de las políticas de austeridad cuya lógica es el conducir a una “híper-austeridad”. La competencia se juega a partir de ahora en el grado de compromiso con la híper-austeridad.

La cuestión del euro no responde entonces, como pareces creer, sólo al dominio simbólico de la hegemonía cultural. Es una cuestión concreta, que se traduce en centenares de miles de despidos, en millones de jóvenes – y menos jóvenes – trabajadores privados de su empleo, en la bajada de todos los niveles mínimos sociales. No podréis llevar a cabo una política contraria a la de la austeridad sin atacar al euro. Aquí también, el ejemplo de SYRIZA y de Grecia está poniéndolo de manifiesto : habiendo renunciado a abandonar el euro, incluso cuando una mayoría de la población estaría ya de acuerdo con tal perspectiva, el gobierno de SYRIZA ha sido obligado a aplicar la misma austeridad que la de Nueva Democracia y pierde hoy en día toda la legitimidad que se derivaba de su discurso contra la austeridad. La estrategia que consiste en buscar “ganar tiempo” es aquí, muy claramente, una estrategia perdedora. Al final, vosotros estaréis, no lo dudéis, enfrentados a las mismas opciones. ¿Cuál será, entonces, vuestra respuesta?

Durante tu estancia en París, en septiembre de 2015, declaraste que una salida de la zona euro no era factible, desde el punto de vista español, más que a condición de que otro país miembro de la UE, con más peso económico que España, no la contemplara antes oficialmente. Tu toma de posición quiere ser respetuosa con los debates que atraviesan a numerosas fuerzas políticas, incluida PODEMOS – como hemos podido constatar en su última universidad de verano –. En el número de la New Left Review que ya hemos mencionado, recordabas que PODEMOS es hoy en día percibido como un “instrumento fundamental del cambio político” [2]. El aggiornamento permanente al que sus militantes le someten no será posible si no aceptas debatir sobre cuestiones y temas a los que debemos hacer frente.

 

Te rogamos que creas, querido Pablo Iglesias, en nuestra resuelta voluntad de impulsar un verdadero cambio tanto en Francia como en Europa.

 

Jacques Sapir es economista y director de estudios en la Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Es autor de Souveranité, Démocratie, Laïcité, París, Michalon, 2016.

Christophe Barret es historiador y ensayista. Autor de Podemos. Pour une autre Europe, Paris, editions du Cerf, 2015.

 

[1] New Left Review nº 93, julio-agosto de 2015, página 15 –edición española.

[2] New Left Review nº 93, julio-agosto de 2015, página 27 –edición española.

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 13-02-2016


Source: http://www.les-crises.fr/lettre-ouverte-a-pablo-iglesias-par-jacques-sapir/


Erdogan : “il n’est pas question pour nous d’arrêter les tirs” => à quand les sanctions ?

Wednesday 17 February 2016 at 16:20

C’est proprement stupéfiant…

La Turquie n’acceptera jamais de bastion kurde à sa frontière avec la Syrie (Erdogan)

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé ce mercredi que son pays n’accepterait jamais la création d’un bastion kurde à sa frontière avec la Syrie et qu’il continuerait à bombarder les positions des milices kurdes syriennes.

“Nous n’accepterons jamais de nouveau Kandil (la base arrière du Parti des travailleurs du Kurdistan en Irak, NDLR) à notre frontière sud”, a déclaré Recep Tayyip Erdogan lors d’un discours prononcé devant des préfets.”

Désolé, il n’est pas question pour nous d’arrêter” les tirs sur les forces kurdes en Syrie, a-t-il ajouté.

Source : Le Figaro, 17/02/2016

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=> euh, et pourquoi la Turquie n’est-elle pas frappée par des sanctions du coup ?

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Ah tiens, lundi Ayrault a téléphoné aux Turcs qui bombardent juste les kurdes en Syrie :

2 – Syrie – Entretien téléphonique de M. Jean-Marc Ayrault avec son homologue turc (15 février 2016)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, s’est entretenu le 15 février au soir de la situation en Syrie avec M. Mevlüt Çavuşoğlu, ministre turc des affaires étrangères.

Il a rappelé que notre priorité va à la mise en oeuvre de la résolution 2254 du conseil de sécurité et du communiqué du groupe international de soutien à la Syrie, adopté le 11 février à Munich, afin de parvenir à une cessation des hostilités et à une reprise des négociations inter-syriennes.

M. Jean-Marc Ayrault a fait part de la très grande préoccupation de la France face à la dégradation de la situation à Alep, où la poursuite des bombardements du régime et de ses alliés aggrave les souffrances de la population. Il a indiqué que l’objectif commun de la France et la Turquie devait être de faire taire les armes.

Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de renforcer notre coopération avec la Turquie dans la lutte contre Daech.

Source : Ministère

J’ai beau avoir de l’humour,  j’arrive au bout là…

Heureusement Hollande veille :

Ah non…

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EDIT :

Vous aurez l’élément de langage récurent : “islamo-conservateur”, pour ne pas dire “islamiste”.

Source: http://www.les-crises.fr/erdogan-il-nest-pas-question-pour-nous-darreter-les-tirs-a-quand-les-sanctions/


Pentagone : “La dissuasion contre une agression russe est notre première tâche en Europe”

Wednesday 17 February 2016 at 04:27

Source : Russia Today France, 27-01-2016

Le Commandement militaire américain pour l’Europe (EUCOM) a publié stratégie pour l’année 2016. Premier objectif, «dissuader la Russie de commettre une agression», avant de «favoriser l’OTAN» et de «conserver les partenariats stratégiques».

D’après le document publié par EUCOM, les menaces qui pèsent sur la sécurité européenne sont observables au nord, à l’est et au sud du Vieux Continent. Pour les deux premières, c’est en raison du comportement agressif de la Russie et qui militarise l’arctique alors que dans le sud, les terroristes de Daesh posent problème.

Ce document précise en outre que l’Europe fait face au «potentiel de l’adversaire dans la production des missiles balistiques, à la prolifération des armes de destruction massive, aux maladies contagieuses, aux attaques numériques, aux organisations terroristes internationales et intérieures, ainsi qu’au trafic de drogue».

Ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis placent la Russie aux côtés de Daesh dans la liste des menaces à la sécurité les plus importantes. En juillet 2015, le Pentagone avait publié une mise à jour de la Stratégie militaire américaine, la première depuis 2011. Ce document indiquait que les Etats-Unis pouvaient recourir à la force non seulement pour protéger leurs propres intérêts, mais aussi pour contrer ceux qui lancent un défi au droit international. Selon le Pentagone, il s’agit d’«Etats révisionnistes» tels que la Russie, l’Iran, la Chine, la Corée du Nord et les organisations extrémistes, telles que l’Etat islamique.

Source : Russia Today France, 27-01-2016

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Le document du Pentagone :

Source: http://www.les-crises.fr/pentagone-la-dissuasion-contre-une-agression-russe-est-notre-premiere-tache-en-europe-v2/


La course vers Raqqa a commencé – Pour garder son unité la Syrie doit la gagner

Wednesday 17 February 2016 at 03:27

Source : Le Grand Soir, Moon of Alabama, 14-02-2016

La course vers Raqqa a commencé. La Syrie et ses alliés sont en concurrence avec le États-Unis et ses alliés pour arracher l’est de la Syrie à l’État islamique.

Raqqa, dans l’est de la Syrie, est détenue par l’État islamique comme le sont les autres villes le long de l’Euphrate vers l’Irak. Vaincre l’État islamique à Raqqa, à Deir Ezzor, et dans d’autres villes syriennes de l’Est, et les libérer, est le but de tous les ennemis supposés de l’État islamique. Mais cette question doit être considérée dans un contexte plus large.

Si les États-Unis et leurs alliés prenaient Raqqa ou Deir Ezzor et, avec ces villes, des parties de l’est de la Syrie, ils pourraient les utiliser comme monnaie d’échange pour acquérir un certain pouvoir de négociation avec la Syrie et ses alliés concernant l’avenir de la Syrie. Ils pourraient créer un état sunnite dans l’est de la Syrie et l’ouest et l’Irak. Mossoul ferait partie de cet état sunnite qui serait probablement mis sous tutelle de la Turquie. Il y a, depuis quelque temps, des projets étasuniensd’un « Sunnistan » de ce type, avec une révision des frontières Sykes-Picot.

Pour la Syrie et ses alliés le maintien de l’unité de la Syrie est un objectif majeur. Perdre Raqqa et les champs de pétrole de l’est aux profits des États-Unis serait dévastateur. La Syrie et ses alliés doivent donc battre les États-Unis et leurs alliés dans la course pour Raqqa et l’est de la Syrie.

Selon Southfront, la Syrie vient de faire une première avancée majeure. Une brigade de l’armée arabe syrienne a attaqué les positions de l’État islamique sur la route d’Ithriyah à Raqqa. La ville de Tal Abu Zayhn a été prise sur la route du premier l’objectif, l’aéroport militaire de Tabaqah. Des forces supplémentaires appartenant à divers groupes alliés se rassemblent dans Ithriyah pour soutenir ensuite l’attaque.

Le mouvement des États-Unis vers l’est de la Syrie est encore en préparation. Le plan initial des Etats-Unis était d’utiliser les combattants du YPG syro-kurde du nord-est de la Syrie. Ils ont été étiquetés Forces démocratiques syriennes après que quelques combattants des tribus arabes les ont rejoint. Ces forces auraient attaqué Raqqa à partir du nord. Mais les Kurdes n’ont pas voulu envahir des terres arabes qu’ils ne seraient pas en mesure de garder. Leur but est de se relier à l’enclave kurde du nord-ouest de la Syrie, le long de la frontière turque.

Les États-Unis ont donc conçu un nouveau plan. On n’en a que de vagues aperçus à ce jour et on ne peut donc que spéculer sur ce qui va arriver.

Les États-Unis ont prolongé la piste de l’aérodrome agricole de Rumeilan / Abu Hajar dans la zone tenue par les Kurdes au nord-est de la Syrie, pour pouvoir assurer l’intendance d’opérations plus importantes dans une plus grande zone :

Cet emplacement a été choisi car il est à seulement 160 kilomètres des premières positions d’ISIS et de certains de ses lucratifs champs pétroliers mais à l’intérieur du territoire tenu par les combattants kurdes connus sous le nom de YPG. La piste est en train d’être presque doublée sur la longueur pour passer d’environ 700 à 1 320 mètres – assez longue, par exemple, pour recevoir des avions de transport C130. Une petite aire de stationnement est également créée.

Des forces d’opérations spéciales étasuniennes opéreraient déjà à partir de là. Ce sont les prémisses d’une mission de reconnaissance.

Il a été révélé publiquement que la 101e division aéroportée étasunienne se rendrait en Irak pour former, conseiller et assister les forces irakiennes dans le but d’attaquer Mossoul.

Quelques 1 800 soldats de la 101e division aéroportée et de son équipe de combat de la 2e Brigade se déploieront bientôt en rotations régulières à Bagdad et Erbil pour former et conseiller l’armée irakienne et les forces peshmergas kurdes qui doivent, dans les prochains mois, avancer vers Mossoul, le siège de facto du groupe Etat islamique en Irak.

Mais le colonel Pat Lang a été informé que deux brigades de la 101e se déploieraient :

“ On m’a dit aujourd’hui que deux brigades de la 101e division aéroportée iront en Irak, pas seulement une. Cela est probablement lié au Juggernaut* saoudien. ”

Le « rouleau compresseur » saoudien vient d’annoncer qu’il serait prêt à envoyer des troupes en Syrie. Au début, personne n’a pris cela au sérieux mais on commence maintenant à comprendre ce que cela veut dire. Les Saoudiens ont confirmé aujourd’hui leur intention :

la décision de l’Arabie saoudite d’envoyer des troupes en Syrie pour tenter de renforcer et de durcir les efforts contre les militants est « définitive » et « irréversible », a annoncé, jeudi, le porte-parole de l’armée saoudienne.

Le Brigadier Général Ahmed Al-Assiri a déclaré que Riyad était « prête » à se battre avec ses alliés de la coalition sous commandement américain pour vaincre les militants d’ISIS en Syrie, cependant, il a déclaré que Washington était plus à même de répondre aux questions concernant les détails de toutes les futures opérations au sol.

La déclaration arrive sur les entrefaites de la visite du prince héritier adjoint d’Arabie Saoudite et du ministre de la Défense, Mohammed bin Salman, au siège de l’OTAN, à Bruxelles, pour discuter de la guerre civile syrienne.

Les Saoudiens se battraient sous le contrôle d’une des brigades de la 101ème aéroportée qui ne doit pas partir pour Mossoul. Les Saoudiens se déploieraient vers la Syrie depuis l’Arabie Saoudite, probablement via une piste contrôlée par les États-Unis dans l’ouest de l’Irak, pendant que la brigade de la 101e se déploierait depuis la région kurde du nord de l’Irak vers Raqqa, à travers les régions kurdes du nord-est de la Syrie. Raqqa serait ainsi attaquée par le nord-est et le sud-est. L’aéroport de Rumeilan / Abu Hajar serait l’une des principales bases d’approvisionnement.

Un tel mouvement de forces s’étendrait sur de relativement longues distances. Mais la plus grande partie de la zone est désertique et du matériel militaire moderne motorisé pourrait facilement couvrir ces distances en un jour ou deux. Cela amènerait les troupes saoudiennes en Syrie. Si elles prenaient Raqqa ou Deir Ezzor et les gisements de pétrole de Syrie orientale, elles ne les lâcheraient plus JAMAIS, à moins que la Syrie ne se plie à la demande saoudienne de mettre en place un gouvernement islamiste.

Ce plan est réalisable, mais il provoquerait également une grande mobilisation des forces chiites et pourrait conduire à un plus grand conflit. Le Premier ministre russe Medvedev a prévenu aujourd’hui que l’entrée de nouvelles forces arabes dans la guerre syrienne pourrait déclencher une guerre beaucoup plus grande.

L’opération saoudienne doit, apprend-on aujourd’hui, commencer dans les deux mois qui viennent. Les forces gouvernementales syriennes et leurs alliés devront maintenant se ruer à l’est pour protéger l’unité du pays. Les États-Unis pour leur part pourraient vouloir annuler l’avantage syrienne de toutes les manières possibles, y compris – peut-être – en larguant des bombes « par erreur ».

La course pour Raqqa, et pour l’avenir de la Syrie, a commencé.

Traduction : Dominique Muselet

Note :
*Le juggernaut (mot anglais dérivant du nom sanskrit Jagannâtha, en devanagari जगन्नाथ) désigne en anglais, souvent métaphoriquement, une force dont rien ne peut stopper l’avancée et qui écrase ou détruit les obstacles en travers de son chemin.

Source : Le Grand Soir, Moon of Alabama, 14-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/la-course-vers-raqqa-a-commence-pour-garder-son-unite-la-syrie-doit-la-gagner/


Georges Malbrunot : la longue frontière du Levant

Wednesday 17 February 2016 at 02:28

Source : La Montagne, Georges Malbrunot, 14-02-2016

Georges Malbrunot – Richard BRUNEL

C’est l’histoire d’une frontière. Une longue frontière de plus de 900 kilomètres qui court à travers la campagne du Levant entre deux pays longtemps amis, devenus les pires ennemis. Depuis 2011, la Turquie, qui milite pour la chute de Bachar el-Assad, est la base arrière de l’insurrection syrienne.

Par cette démarcation transitent armes et combattants arrivés de plus de 80 pays à travers le monde. Bienveillante, la Turquie y a laissé s’infiltrer des milliers de djihadistes, qui ont longtemps repassé en toute impunité cette frontière pour se faire soigner dans des hôpitaux, tandis que des aigrefins écoulaient sur le marché noir pétrole et antiquités volées par Daech en Irak et en Syrie.

Il paraît loin le temps où les industriels turcs commerçaient avec leurs voisins d’Alep, la seconde ville de Syrie située à 40 km seulement de cette frontière. D’abord réfractaire à la révolte, la cité qui abritait l’un des plus beaux souks du Moyen-Orient avant que la guerre ne le défigure, se lança corps et âme dans la révolte anti-Assad. À l’été 2012, Alep faillit même tomber.

Depuis, la ville est partagée entre les quartiers loyalistes de l’ouest – où vit notamment la minorité chrétienne – et des secteurs à l’est, tenus par les insurgés, mélange hétéroclite de modérés et d’islamistes que la violence des bombardements de l’armée syrienne, souvent aux barils remplis d’explosifs, a radicalisés. Bâtiments éventrés, anciens hôtels en ruines, Alep est une ville meurtrie par la guerre. Et pourtant, comme me le rappelait l’autre jour l’évêque Mgr Jeambart dans une lettre qui mit deux longs mois pour parvenir jusqu’en France, un semblant de vie continue.

Jusqu’à l’offensive militaire russe lancée il y a quinze jours, qui a tué plus de 500 personnes et jeté sur les routes de l’exil des dizaines de milliers d’autres, les rebelles anti-Assad pouvaient s’extraire de leurs quartiers pour aller en Turquie s’approvisionner en armes, fioul et nourriture. Mais avec le déluge de feu qui s’abat sur eux, cette voie de sortie est maintenant coupée. Le piège se referme sur les insurgés d’Alep, menacés d’encerclement. Mais l’armée syrienne et ses alliés, russes dans les airs et iraniens au sol, n’envahiront pas le réduit rebelle. Trop dangereux?! La stratégie vise plutôt à étouffer lentement les anti-Assad d’Alep. Comme à Homs, la « capitale de la révolution », il y a trois ans. En attendant, les civils vont continuer de fuir les bombardements des Sukhoï russes. Direction, le poste-frontière de Bab al-Salamah – la porte de la paix en arabe qui porte bien mal son nom – que la Turquie ne se décide toujours pas à ouvrir, malgré les dizaines de milliers de réfugiés qui s’entassent dans des camps de fortune. Exténués, certains combattants se rendent, malgré l’humiliation que le régime leur impose. « Il nous demande d’abandonner nos armes, comme des lâches, quel cynisme?! », s’emporte un de ces rebelles, joint au téléphone. D’autres se résignent à passer dans les quartiers loyalistes d’Alep. D’autres, enfin, se réfugient chez les Kurdes auxquels les rebelles reprochent pourtant un double jeu à l’égard d’Assad.

Mais au-delà du drame humanitaire qui se joue à Alep, l’enjeu est bien le contrôle sécuritaire de cette frontière avec la Turquie. Ou plutôt sa fermeture, du nord d’Alep jusqu’à Lattaquié, le fief des Assad plus au sud.

 On ne le dira jamais assez : la révolte pacifique s’est muée en une guerre par procuration menée par de nombreuses puissances étrangères, avides de régler leurs comptes sur le sol syrien. Si les frontières sont fermées, le feu s’éteindra en quelques mois. Faute d’armes et de combattants pour tuer ou se défendre. Facile à dire, mais impossible à appliquer, moralement du moins.

Pourtant, c’est déjà ce qui est en train de se passer dans le sud de la Syrie. La Jordanie, qui a tout à craindre d’un futur pouvoir islamiste à Damas, a, sans le dire et sur demande de Moscou, fermé le robinet aux insurgés. Avec le Liban, le verrouillage de la frontière incombe au Hezbollah, allié de Damas. Il ne reste donc plus, aux yeux des soutiens d’Assad, que la base arrière turque à neutraliser. Depuis la destruction d’un de leurs avions de combat par des insurgés pro turcs, les Russes sont ivres de vengeance contre Ankara. Mais les parrains occidentaux et arabes des rebelles peuvent-ils laisser leurs partisans se faire bombarder, sans réagir??

Par cette frontière, les monarchies du Golfe pourraient fournir les missiles sol-air que les anti-Assad réclament depuis longtemps pour abattre les avions russes. Mais Moscou et Washington ont mis leur veto. Les États-Unis se souviennent du traumatisme de l’Afghanistan où leurs missiles Stinger livrés aux « moujdahidines » antisoviétiques finirent entre les mains des partisans d’Oussama Ben Laden. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis viennent de proposer d’envoyer des forces spéciales en Syrie. Le pari, là encore, sera difficile à tenir. Les commandos devraient passer par la frontière turco-syrienne.

Et il y a urgence : les Russes veulent la « boucler » d’ici fin mars.

Georges Malbrunot est un grand connaisseur du Moyen Orient dont il suit l’actualité depuis plus de 25 ans, d’abord en free-lance, correspondant de nombreux médias français, puis comme Grand reporter au Figaro. Parallèlement à son travail journalistique, il a écrit plusieurs ouvrages sur cette région, soit seul (Des pierres aux fusils, les secrets de l’Intifada/Flammarion?; Dans l’ombre de Ben Laden/Michel Lafon, etc.), soit en collaboration avec Christian Chesnot : Mémoires d’otages (Calmann-Levy), L’Irak de Saddam Hussein, Portrait total (Éditions 1), Qatar, les secrets du coffre-fort (J’ai Lu) et Sur les chemins de Damas (Robert Laffont), un livre indispensable pour comprendre et décrypter les relations Franco-Syriennes au cours de dernières décennies. @Malbrunot

Les Chroniques du temps présent s’inscrivent dans la tradition initiée par Alexandre Vialatte. François Taillandier et Georges Malbrunot en sont les collaborateurs permanents cette année. Des invités renommés les rejoignent chaque mois.

Source : La Montagne, Georges Malbrunot, 14-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/georges-malbrunot-la-longue-frontiere-du-levant/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray, RSA, Barré, Sanders)

Wednesday 17 February 2016 at 01:35

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: Chine: “ils sont coincés avec des crédits pourris…” – 15/02

Olivier Delamarche VS Marc Riez (1/2): Faut-il craindre une rechute du marché chinois ? – 15/02

Olivier Delamarche VS Marc Riez (2/2): Les Etats-Unis vont-ils tomber en récession ? – 15/02

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade: Deutsche Bank: “quand on est dans la folie on peut continuer sur le même mode” – 10/02

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (1/2 ): Le ralentissement économique mondial va-t-il se transformer en crise financière ? – 10/02

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (2/2 ): Ralentissement économique: Faut-il être optimiste pour le moyen terme ? – 10/02

III. Jacques Sapir

Jacques Sapir VS Bruno Fine (1/2): Quels sont les risques politiques et économiques qui pèsent sur les marchés financiers ? – 16/02

Jacques Sapir VS Bruno Fine (2/2): Faut-il être optimiste sur les perspectives boursières et économiques mondiales ? – 16/02

IV. Michel Onfray

V. RSA

VI. Pierre Emmanuel Barré

VII. Bernie Sanders

L’incroyable file d’attente pour assister à un meeting du démocrate Bernie Sanders, dans le Michigan

Large vainqueur de la primaire du New Hampshire la semaine dernière, le sénateur et prétendant démocrate à la Maison Blanche Bernie Sanders, qui semble parvenir pour l’instant à déborder Hillary Clinton sur sa gauche, déplace littéralement les foules. Témoin cette impressionnante file d’attente dans la ville de Ypsilanti, dans le Michigan, où “Bern” tenait un meeting lundi : 10.000 personnes étaient rassemblées dans l’Eastern Michigan University, dans une ville qui compte… 20.000 habitants. L’entrée était libre, selon la règle “premier arrivé premier servi”…  Il a fallu 2 minutes 30 à l’automobiliste pour longer la file d’attente d’un bout à l’autre. L’effet Sanders n’est pas qu’une illusion d’optique… même si le sénateur “socialiste” reste pour l’instant donné perdant dans cet Etat du Nord pour la primaire du 8 mars prochain.
source : L’OBS


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

 

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-onfray-rsa-barre-sanders/


[Guerre 2] L’administration Obama intensifie l’imprudente confrontation avec la Russie, par Stephen F. Cohen

Tuesday 16 February 2016 at 02:08

Stephen F. Cohen est un grand universitaire américain spécialiste de la Russie soviétique, ancien conseiller de George H. W. Bush lors de l’effondrement de l’URSS.

Source : Le Figaro, 10/02/2016

Les 28 pays membres de l’Otan ont adopté mercredi à Bruxelles de nouvelles dispositions pour dissuader la Russie de toute initiative militaire dans les pays baltes et en Europe de l’Est.

On est chez les cinglés à ce stade… Triste époque.

C’est l’une des conséquences de l’annexion de la Crimée par la Russie il y a près de deux ans, et des tensions dans l’est de l’Ukraine: l’Otan va renforcer sa présence militaire en Europe de l’Est et dans les pays baltes. Réunis à Bruxelles, les ministres de la Défense des 28 pays alliés, ont approuvé mercredi «une présence avancée dans l’Est de l’Alliance» atlantique, a déclaré le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg.

En cas d’attaque éventuelle, l’objectif est de déployer rapidement des forces terrestres, aériennes et navales dans les régions menacées. Selon un principe de rotation, il s’agit aussi de prépositionner des forces dans les États baltes et en Pologne, d’y installer des entrepôts et d’organiser régulièrement des manœuvres conjointes en s’appuyant sur la force de réaction rapide. Les ministres de la Défense ont aussi convenu de porter les effectifs de la force de réaction rapide de 13.000 à 40.000 hommes, et de créer une force d’intervention encore plus réactive, opérationnelle en quelques jours, forte de 5.000 hommes et dotée d’un appui aérien et naval.

L’an dernier, les ministres de la Défense de l’Otan avaient déjà décidé de renforcer la présence de l’Otan en Europe de l’Est pour rassurer les pays alliés d’Europe de l’Est, comme l’ouverture de centres logistiques, le prépositionnement de matériel, l’envoi d’avions de chasse dans les pays baltes ou le déploiement de davantage de navires en mer Baltique et en mer Noire.

Les États-Unis vont investir 3 milliards d’euros

À terme, l’Otan aura un millier de soldats dans chacun des six pays qu’elle entend protéger : Lituanie, Lettonie, Estonie, Pologne, Bulgarie et Roumanie. Ces troupes seront appuyées par la force de réaction rapide interarmées qui réunit aviateurs, marins et membres des forces spéciales. Lors de son prochain sommet en juillet à Varsovie (Pologne), l’Otan devrait donner plus de détails sur ce déploiement.

Dans ce cadre, les États-Unis vont en profiter pour muscler leur présence militaire en Europe. Washington veut consacrer en 2017 un budget de 3,4 milliards de dollars (3 milliards d’euros) à cette «initiative de réassurance européenne». «Cela ne ressemblera pas à ce qui se passait au temps de la Guerre froide mais constituera quand même une sérieuse dissuasion», a commenté le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, qui a souligné la nécessité pour tous les États membres de l’Otan de contribuer à ce financement.

Le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, doit rencontrer le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, vendredi à Munich. Il lui expliquera qu’il s’agit de mesures défensives. «Notre dissuasion est basée sur une combinaison de cette présence avancée, et de notre capacité à renforcer rapidement, si besoin» les troupes déjà déployées à l’Est, a souligné Jens Stoltenberg, alors que Moscou met régulièrement en garde contre le «stationnement permanent» de forces de combat alliées à sa frontière qui serait contraire à l’Acte fondateur Otan-Russie, signé en 1997.

(avec Reuters et AFP) Source : Le Figaro, 10/02/2016

L’administration Obama intensifie l’imprudente confrontation avec la Russie, par Stephen F. Cohen

En quadruplant les dépenses militaires sur les forces de l’OTAN à la frontière de la Russie, Washington risque de transformer la nouvelle guerre froide dans une brulante…

Par Stephen F. Cohen, The Nation – 9 février 2016

Des soldats américains déployés en Estonie prennent part à l’opération Atlantic Resolve, visant à démontrer l’engagement des alliés de l’OTAN.

L’administration Obama vient d’imprudemment intensifier sa confrontation militaire avec la Russie. L’annonce du Pentagone qu’il va plus que quadrupler les dépenses militaires des forces des États-Unis et l’OTAN dans les pays sur ou à proximité des frontières de la Russie pousse la nouvelle guerre froide vers une guerre réelle, peut-être même nucléaire.

Le mouvement est sans précédent dans les temps modernes. À l’exception de l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne nazie, la puissance militaire occidentale n’a jamais été placée si près de la Russie. La décision de l’administration Obama est dans le style de roulette russe de Washington, ce qui rend la nouvelle guerre froide encore plus dangereuse que la précédente. La Russie va certainement réagir, probablement en déplaçant plus de ses propres armes lourdes, y compris des missiles avancés, à ses frontières occidentales, peut-être même avec un certain nombre d’armes nucléaires tactiques. En effet, une nouvelle et plus dangereuse course américano-russe  aux armements nucléaires est en cours depuis plusieurs années, que la récente décision de l’administration Obama ne peut qu’intensifier.

Cette décision aura également d’autres conséquences lamentables. Elle va saper les négociations en cours entre le secrétaire d’État John Kerry et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov sur les crises ukrainienne et syrienne, et elle continuera à diviser l’Europe elle-même, qui est loin d’être unie sur une approche de plus en plus belliciste de Washington envers Moscou.

Étonnamment, ces développements potentiellement fatals ont à peine été rapportés dans les médias américains, et il n’y a pas eu de débat public, pas même parmi les candidats à la présidentielle actuels au cours de leurs débats. Jamais dans les temps modernes une telle situation internationale désastreuse été tellement ignorée dans une campagne présidentielle américaine. La raison peut être que tout ce qui concerne la nouvelle guerre froide dans les relations américano-russes depuis que la crise ukrainienne a éclaté en novembre 2013 a été attribuée à la seule «agression» du président russe Vladimir Poutine ou à “la Russie de Poutine” – une affirmation très discutable , mais correspondant à la narrative habituelle dans les médias.

Chaque candidat à la présidentielle et les autres dirigeants des deux partis, ainsi que les rédacteurs et les écrivains dans les grands médias qui prétendent couvrir la campagne 2016, l’état de notre nation, et les affaires du monde sont professionnellement et moralement tenus de mettre ces évolutions désastreuses au premier plan.

Sinon, ils seront sévèrement jugés par l’histoire – à la condition toutefois qu’il y ait encore quelqu’un pour l’écrire…

Par Stephen F. Cohen, The Nation – 9 février 2016

P.S. en complétement une interview en anglais :


Source: http://www.les-crises.fr/ladministration-obama-intensifie-limprudente-confrontation-avec-la-russie-par-stephen-f-cohen/