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Russes et Occidentaux s’affrontent à Munich

Tuesday 16 February 2016 at 01:15

Encore un grandiôse travail du Monde.

Comparez les extraits des propos russes, systématiquement coupés, par rapport au travail des deux autres médias.

À ce stade, et même si je n’aime pas ça, la bonne foi n’est plus accordable…

[Le Monde] Russes et Occidentaux s’affrontent à Munich

Source : Le Monde, Frédéric Lemaître, 13-02-2016

Lors du discours de John Kerry au sommet sur la sécurité de Munich. CHRISTOF STACHE / AFP

Le ton est monté entre dirigeants russes et occidentaux, samedi 13 février à la conférence sur la sécurité de Munich, à propos de la Syrie, de l’Ukraine et de la crise migratoire, au cours d’échanges dont la dureté fait douter des chances de réussite de l’accord conclu vendredi dans la même ville, en vue d’une trêve temporaire en Syrie.

Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a d’ailleurs reconnu que « le tableau était encore plus sombre qu’en 2007 », l’année où le président Poutine était intervenu devant la même conférence. Juste avant son arrivée à Munich, M. Medvedev avait d’ailleurs mis en garde les Américains et leurs alliés arabes en Syrie contre une « nouvelle guerre mondiale », dans un entretien accordé au quotidien allemand Handelsblatt, où il qualifiait aussi la Russie de « plus grande puissance nucléaire mondiale ».

A la tribune, qu’il partageait avec Manuel Valls, il a accusé l’OTAN d’être « toujours aussi inamicale et opaque » et demandé à son secrétaire général, qui avait pris la parole juste avant pour défendre les mérites de la dissuasion nucléaire, si l’on était « en 2016 ou en 1962 ». Le premier ministre russe a dressé un catalogue apocalyptique des crises auxquelles fait face la communauté internationale, attribuant la responsabilité du terrorisme, de la crise migratoire, de la crise ukrainienne et du printemps arabe aux « tentatives infructueuses d’imposer une démocratie à l’occidentale ». Et pour faire bonne mesure, il a ajouté une crise qui n’est peut-être pas encore sur l’écran radar des Occidentaux : la Moldavie, plongée dans une grave crise politique, et où l’armée russe entretient encore des troupes.

Aux orateurs français et américain – Jean-Yves Le Drian et Manuel Valls, puis le chef de la diplomatie américaine John Kerry – qui demandaient à la Russie de cesser les bombardements de civils et de l’opposition modérée en Syrie, M. Medvedev a répondu en démentant catégoriquement que son pays prenne des civils pour cible : « Il n’en existe aucune preuve », a-t-il assuré.

« Cet accord de Munich sera impossible à réaliser, et ce sera la faute des Américains »

Mais c’est peut-être son ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a été le plus dur en douchant brutalement, à la fin d’un débat avec plusieurs de ses collègues européens, les espoirs de réussite de l’accord conclu le 12 février à Munich sur la Syrie. Alors que l’Allemand Frantz-Walter Steinmeier venait d’évaluer « à 51 % » les chances de succès de cet accord, M. Lavrov a accusé le Pentagone de dire le contraire du département d’Etat. En réalité, a-t-il conclu, « tout cela veut dire que les Etats-Unis ne vont pas cesser leurs frappes aériennes mais que la Russie doit arrêter les siennes. C’est malheureux, mais ça signifie que cet accord de Munich sera impossible à réaliser, et ce sera la faute des Américains ». Le secrétaire au Foreign Office, Philippe Hammond, a jugé possible le déblocage de l’aide humanitaire mais s’est montré plus sceptique sur la cessation des hostilités.

John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, n’a pas repris à son compte la thématique de la guerre froide mais « la recherche de la paix et de la liberté restent aussi importantes qu’il y a cinquante ans », a-t-il fait remarquer. De plus, « jamais dans l’histoire, les crises n’ont été si nombreuses et si importantes ». Alors que Dmitri Medvedev venait de dénoncer les sanctions occidentales contre Moscou, l’Américain a renvoyé la balle dans le camp russe : « La Russie a le choix : appliquer les accords de Minsk ou subir les sanctions. » Même si Washington n’est manifestement pas totalement satisfait de la politique suivie par Kiev. « 2016 est l’année où l’Ukraine peut prouver que la corruption peut être vaincue », a-t-il indiqué, quelques jours après la démission du ministre de l’économie qui entendait ainsi protester contre la corruption. Signe de l’engagement des Américains en Europe : les Etats-Unis vont quadrupler le budget de leurs dépenses militaires destinées à renforcer la présence de l’OTAN en Europe de l’Est. Le renforcement de l’Alliance atlantique en Europe fera l’objet d’un important sommet de l’OTAN en juillet à Varsovie.

La Russie contre tous

Sur la Syrie, John Kerry s’est montré peu optimiste. « On ne voit pas encore de signes positifs qui annoncent la fin de la guerre », a-t-il dit, déplorant que « la majorité des attaques russes soient dirigées contre des groupes de l’opposition ». Une thématique reprise par Manuel Valls. « Bombarder les villes où se trouve l’opposition modérée ne peut pas contribuer au dialogue », a résumé le premier ministre, qui a appelé la communauté internationale à se mobiliser contre « l’hyper-terrorisme ». Selon Manuel Valls, le terrorisme a fait, en 2014, « 40 000 morts dans 93 pays ».

SI, malgré tout, John Kerry a voulu remonter le moral des Européens en leur assurant que « cette période n’est pas aussi désastreuse que les gens le pensent » et que, ensemble, Américains et Européens avaient su par le passé « résister aux nombreuses tentatives de division », la plupart des intervenants à la conférence de Munich ont été nettement plus sombres. « Les aspirations impériales de la Russie sont un problème pour le flanc Est de l’OTAN. L’Alliance doit y renforcer sa présence », juge Andrzej Duda, le président polonais. « La guerre froide ? Elle est déjà très chaude en fait », constate Dalia Grybauskaité, présidente de la Lituanie. « Y a-t-il une différence entre la Syrie et l’Ukraine ? C’est de l’agression. Du terrorisme », a-t-elle dit, déplorant que l’Occident « répète la même erreur », en « s’inclinant » devant la Russie. Le président ukrainien n’a pas dit autre chose en accusant la Russie de promouvoir une « Europe alternative », celle de « l’isolationnisme, de l’intolérance, de la négation des droits de l’homme, du fanatisme religieux et de l’homophobie » : « Cette Europe a un chef, Poutine, et des troupes, les partis pro-russes dans toute l’Europe. » A Munich samedi, c’était la Russie contre tous.

Source : Le Monde, Frédéric Lemaître, 13-02-2016

1/ Ce serait bien que Porochenko fasse voter le mariage homosexuel, qu’on rigole un peu…

2/ récente vidéo sur chef des services de sécurité Ukrainien, le SBU : enfin des informations sur l’armée russe en Ukraine

Pour Moscou, le monde a “glissé dans une nouvelle guerre froide”

Source : France 24, 13-02-2016

© Mandel Ngan, AFP | Le président américain Barack Obama et son homologue russe Vladimir Poutine lors d’une rencontre en marge de l’assemblée générale des Nations unies, le 28 septembre 2015.

Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a dénoncé samedi un climat de “nouvelle guerre froide” après la décision de l’Otan de renforcer sa présence dans plusieurs ex-Républiques soviétiques, sur fonds de conflit en Ukraine et en Syrie.

Le constat du Premier ministre russe Dmitri Medvedev est sans appel : les relations internationales ont “glissé dans une période de nouvelle guerre froide”, a-t-il estimé samedi 13 février, lors de la Conférence de sécurité de Munich, évoquant une “politique inamicale de l’Otan vis-à-vis de La Russie”. Et d’enfoncer le clou : “A-t-on vraiment besoin d’un troisième séisme mondial pour comprendre qu’il faut de la coopération plutôt que la confrontation ?” Le chef de la diplomatie russe, Serguei Lavrov a adopté, lui, un vocabulaire moins martial, mais a dénoncé la même “mode de la russophilie” en réclamant un “retour à la culture du dialogue”.

L’objet de leur courroux : la décision de l’Otan de renforcer la “présence avancée” de l’Alliance atlantique en Europe de l’Est, notamment grâce au déploiement d’équipements lourds par les États-Unis. Cette mesure vient compléter les efforts entrepris depuis 18 mois pour rendre les forces de l’Otan plus réactives et plus dissuasives en réponse à l’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014 et à l’offensive des rebelles pro-russes dans l’Est de l’Ukraine. Cependant, Moscou ne doit pas y voir une “attitude escalatoire, provoquante vis-à-vis de la Russie”, a assuré le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg.

Mais les autorités russes n’ont guère apprécié et le font savoir. L’Occident boucle ainsi “la ceinture d’exclusion” de la Russie, a dénoncé Dmitri Medvedev avec véhémence, qualifiant la mesure de l’Otan de “plus grand renforcement de [la] défense collective depuis des décennies”.

L’Ukraine au cœur des tensions

Ces tensions entre la Russie et l’Union européenne – et par extension, l’Otan – trouvent en partie leur origine en Ukraine. Kiev s’était engagé en 2013 dans un projet d’accord avec l’UE et envisageait un rapprochement avec l’Otan, au grand dam de Moscou. Ce partenariat est aux origines du conflit ukrainien qui a entraîné les profondes tensions russo-occidentales, les sanctions contre la Russie et le gel de nombreux espaces de dialogue.

Aujourd’hui, la question ukrainienne est toujours au cœur du problème : le secrétaire d’État américain, John Kerry, lui aussi présent à Munich, a exclu toute levée des sanctions alors que certains pays européens comme la France visent leur suppression cet été. “Le choix pour la Russie est simple: appliquer pleinement l’accord de Minsk [encadrant le processus de paix en Ukraine] ou continuer à faire face à des sanctions pénalisantes économiquement”, a-t-il dit.

En retour, Sergueï Lavrov a de nouveau accusé Kiev de “trouver sans arrêt des excuses pour échapper à ses engagements”, l’Ukraine tardant à adopter une réforme devant accorder plus d’autonomie aux régions orientales. Si les Occidentaux estiment aussi que les Ukrainiens pourraient faire plus, ils jugent que le soutien militaire russe aux rebelles de l’Est est le principal frein au règlement du conflit ukrainien.

Second point de discorde avec Moscou : la Syrie, où les Occidentaux et en premier lieu les États-Unis reprochent à la Russie de bombarder de façon indiscriminée les rebelles syriens modérés et les jihadistes les plus durs. Le Premier ministre russe a insisté sur l’engagement de son pays à mettre en œuvre la trêve annoncée pour la semaine prochaine par les grandes puissances, jugeant crucial d’établir des contacts militaires entre Américains et Russes pour faire réussir la trêve. Sans cela, “nous ne serons pas en mesure de mettre en œuvre quoi que ce soit”, a averti son ministère des Affaires étrangères.

Avec AFP

Source : France 24, 13-02-2016

C’est déjà mieux, et pourtant c’est pas des flèches hein :

Mais bon, on ne va pas demander des lettrés….

Pour la Russie, le monde est entré dans une nouvelle guerre froide

Source : La Depêche, AFP, 13-02-2016

Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev à Munich. Christof STACHE / AFP
Zoomer

Le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a dressé samedi un constat sombre des relations russo-occidentales, minées par la crise en Ukraine et le conflit en Syrie, estimant qu’elles étaient entrées dans une nouvelle guerre froide, tout en appelant au dialogue.

Ce qui reste c’est une politique inamicale (…) de l’Otan vis-à-vis de la Russie. On peut dire les choses plus clairement : nous avons glissé dans une période de nouvelle guerre froide“, a-t-il déclaré à la Conférence de sécurité de Munich, un forum annuel de décideurs politiques.

A-t-on vraiment besoin d’un troisième séisme mondial pour comprendre qu’il faut de la coopération plutôt que la confrontation ?“, a-t-il martelé.

Revenant sur la politique de l’Union européenne de renforcement du partenariat avec d’ex-républiques soviétiques, M. Medvedev a estimé que l’Occident avait créé une “ceinture d’exclusion” de la Russie.

‘Russophobie’

Le partenariat avec l’UE est aux origines du conflit ukrainien qui a entraîné les profondes tensions russo-occidentales, les sanctions contre la Russie et le gel de nombreux espaces de dialogue.

Créer la confiance c’est difficile (…) mais nous devons commencer“, a insisté M. Medvedev, tandis que son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, réclamait un “retour à la culture du dialogue” et dénonçait “la mode de la russophobie dans certaines capitales”.

Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a lui affirmé que l’alliance “ne cherche pas la confrontation” et ne veut pas “une nouvelle guerre froide” mais que la Russie “déstabilise l’ordre régional européen”.

En réaction, les alliés au sein de l’Otan ont décidé mercredi du “plus grand renforcement de (la) défense collective depuis des décennies” via des équipements lourds et des troupes alliées envoyées “par rotations” dans les pays de l’Est, selon lui.

Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, lui aussi présent à Munich, a dressé une litanie de reproches à la Russie.

Il a ainsi exclu toute levée des sanctions imposées à la Russie en raison de la crise ukrainienne, alors que certains pays européens comme la France visent leur suppression cet été.

“Le choix pour la Russie est simple: appliquer pleinement l’accord de Minsk (encadrant le processus de paix en Ukraine) ou continuer à faire face à des sanctions pénalisantes économiquement”, a-t-il dit.

En retour, Sergueï Lavrov a de nouveau accusé Kiev de “trouver sans arrêt des excuses pour échapper à ses engagements”, l’Ukraine tardant à adopter une réforme devant accorder plus d’autonomie aux régions orientales.

Si les Occidentaux estiment aussi que les Ukrainiens pourraient faire plus, ils jugent que le soutien militaire russe aux rebelles de l’Est est le principal frein au règlement du conflit ukrainien.

A Munich, le président ukrainien Petro Porochenko a lancé une nouvelle salve contre son homologue Vladimir Poutine : “Monsieur Poutine, ce n’est pas une guerre civile en Ukraine, c’est votre agression !”.

Malgré ces vifs échanges, une nouvelle rencontre entre représentants russe, allemand, français et ukrainien a eu lieu pour tenter de débloquer le processus de paix.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Franz-Walter Steinmeier, a dit espérer qu’il était “clair pour les responsables à Kiev et Moscou que nous n’avons plus beaucoup de temps”.

Reproches sur la Syrie

Revenant sur la Syrie, M. Medvedev a insisté sur l’engagement russe à faire réussir la trêve annoncée pour la semaine prochaine par les grandes puissances : “C’est difficile mais il n’y a pas d’alternative”.

MM. Lavrov et Medvedev ont jugé crucial d’établir des contacts militaires entre Américains et Russes pour faire réussir la trêve.

“S’il n’y a pas de contact quotidien entre les militaires (…) nous ne serons pas en mesure de mettre en oeuvre quoi que ce soit”, a averti M. Lavrov.

Les Etats-Unis, qui reprochent à Moscou de bombarder les rebelles syriens modérés plutôt que les jihadistes les plus durs, se sont dit prêts à établir avec les Russes des listes d’objectifs pour des bombardements.

Il est essentiel que la Russie change de cibles (..) Nous déterminerons (ensemble) ce qui doit être visé, ce qui ne devrait pas l’être (..) parce que, de toute évidence, si ceux qui sont prêts à participer au processus politique sont bombardés, on n’aura pas beaucoup de conversation”, a insisté John Kerry.

© 2016 AFP

Source : La Depêche, AFP, 13-02-2016

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Lost in translation, mais récupération par la narrative-FT

Source : Dedefensa, 14-02-2016

Lost in translation, mais récupération par la narrative-FT

Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a donné une interview au journal allemand Handelsblatt, qui a paru vendredi. Horreur : le doux et libéral Medvedev ne nous promettait pas moins que la grande Guerre mondiale si des opérations terrestres étaient engagées en Syrie par une puissance quelconque (aussi bien la Turquie et l’Arabie que la Russie elle-même). Protestation faite et texte vérifié, il s’est avéré que le traducteur du journal allemand s’était trompé : il avait traduit “guerre permanente” dit en russe par “guerre mondiale“ écrit en allemand. Les grands réseaux russes ont aussitôt mis la faute en évidence, et cela donne notamment cette explication de RI-français, le 12 février :

« Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a donné une interview au journal allemand Handelsblatt. Dans celui-ci, il parle de guerre “permanente” et la traduction [a modifié le sens pour nous donner] guerre “mondiale”, affolant ainsi tous les médias. Dans son entretien, Dmitri Medvedev explique que la Russie ne souhaite pas voir menées d’opérations terrestres en Syrie et veut engager des négociations. “Toute opération terrestre a pour conséquence de transformer la guerre en une guerre permanente”. Mais ces propos ont été déformés par la traduction et l’adjectif “permanente” est devenu “mondiale”.

» Cette faute reprise par tous les médias y compris par l’agence de presse AFP a engendré des articles aux titres inquiétant ! Le Journal de Montréal [La Presse] titre “une troisième guerre mondiale ?” et Reuters intitule sa dépêche “La Russie fait planer la menace d’une guerre mondiale si les négociations échouent en Syrie”. Reuters décline toute responsabilité et assure n’avoir fait que traduire les propos [en allemand du Premier ministre russe] et rejette donc la faute sur la traduction allemande. »

On doit remarquer que le passage incriminé de l’interview de Medvedev, telle qu’il apparaît sur le site du Premier ministre et qui était retranscrit par le texte anglais de RT sur l’affaire, donne, dans sa traduction anglaise par RT, une version encore un peu plus divergente, d’où toute idée plus ou moins approchante du concept de “guerre mondiale“ est exclue : « What is necessary is to use strong measures, including those taken by Russia, by the Americans and even under certain provisions those that the Turks are trying to take, to sit at the negotiating table, instead of unleashing yet another war on Earth. We know all too well the scenarios leading to that. »

Quoi qu’il en soit le propos-“guerre mondiale” a effectivement fait florès, d’ailleurs de façon différente : du « Syrie: Medvedev évoque un risque de “guerre mondiale” » de L’Express au « La Russie agite la menace “d’une guerre mondiale” » du site suisse 20 minutes qui n’est pourtant pas particulièrement antirusse. Même les Iraniens de PressTV, plutôt amis des Russes, ont repris la nouvelle, d’ailleurs sous une formulation assez neutre : « Syrie: risque de “guerre mondiale” en cas d’offensive terrestre étrangère (Medvedev) ». Il semble donc acquis qu’il s’agit d’une erreur de traduction, qui a fourni une occasion de plus d’exposer l’aspect à la fois extrêmement délicat, potentiellement faussaire et aux immenses effets psychologiques et de jugement, de tout ce qui concerne la communication, jusqu’aux erreurs de traduction.

Un autre incident, également dans le domaine de la communication et de la transcription d’une déclaration officielle, est cité par RT (dans la même dépêche en anglais sur Medvedev), cette fois dans le chef du Financial Times (FT). Au contraire du cas Medvedev, il s’agit d’une véritable fraude, une action délibérée de transformation faussaire du sens d’une déclaration officielle faite au prestigieux et hautement professionnel journal britannique. Cela concerne une interview du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon au FT, dont le sens est délibérément modifiée, par le biais de citations tronquées ou de citations accompagnée de membres de phrase qui se voudraient synthétiques, pour en faire une quasi-condamnation de la Russie par le SG de l’ONU. Le texte de RT est accompagné d’un fac-similé de la lettre de deux pages du 9 février que le cabinet du SG de l’ONU a envoyée au FT pour demander une rectification. La lettre relève trois cas de transformation du sens, d’une façon assez grossière d’ailleurs puisqu’à chaque fois la Russie est nommément désignée par le FT alors qu’elle ne l’est jamais dans la transcription des propos de Ban Ki-moon.

Le même 12 février, Sputnik-français a également développé l’affaire à partir de la même lettre dont cet autre réseau russe a également reçu une copie. (Belle action de communication de la lettre.) Ce texte permet de relater plus en détails certaines des interventions du journaliste du FT et la réaction du cabinet du Secrétaire Général de l’ONU (la lettre est signée du porte-parole du SG, Stéphane Dujarric).

« Le porte-parole du secrétaire général des Nations unies a démenti l’information diffusée par le Financial Times (FT) et selon laquelle Ban Ki-moon aurait jugé la Russie responsable “de l’échec des négociations entre Damas et l’opposition à Genève”.

» En lisant l’article paru dans le journal britannique Financial Times, on apprend que le Secrétaire général des Nations unies aurait affirmé de manière explicite que les “raids aériens russes destructeurs de la semaine dernière en Syrie ont entraîné l’échec des négociations à Genève”. “Dès que la réunion de Genève a été convoquée, des bombardements et une opération terrestre ont commencé à Alep… Il était extrêmement difficile pour Staffan de Mistura de poursuivre les négociations dans de telles circonstances” a déclaré Ban Ki-moon dans un entretien accordé au Financial Times.

» L’auteur de l’article [le journaliste Sam Jones, du FT] a surtout souligné que M. Ban Ki-moon “avait averti, dans des termes bien choisis, que les agissements de la Russie et de la Syrie n’étaient pas ‘conformes’ à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies adoptée en décembre.” Il apparaît pourtant que le Secrétaire Général n’est pas le seul à savoir “choisir soigneusement” ses mots. Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général, a déclaré dans une lettre officielle adressée au FT, que bien que la plupart des citations attribuées à M. Ban Ki-moon dans l’article soient “techniquement correctes”, “elles sont replacées dans un contexte qui fausse leur interprétation.” Par exemple, M. Dujarric explique que la réponse exacte donnée par Ban Ki-moon à propos de la résolution 2254 a été “je pense sincèrement que les parties devraient agir de manière plus conforme à la mise en œuvre de cette résolution.” “Il est bien connu qu’il y a beaucoup de parties dans ce conflit. Le Secrétaire général ne faisait pas référence spécifiquement ‘à la Russie et à la Syrie’. Le Secrétaire général sait parfaitement choisir ses mots. S’il avait voulu se référer uniquement à ces deux parties il l’aurait fait”, souligne M. Dujarric.

» Et d’ajouter que ni le journaliste ni le Secrétaire général n’avaient mentionné la Russie par son nom en évoquant la question liée à l’impact des événements militaires sur les pourparlers de Genève. Il cite également une autre partie de l’article qui stipule que “l’augmentation du soutien militaire de la Russie au régime d’Assad a ‘un impact très négatif’ sur la résolution du Conseil de sécurité mise en route, selon M. Ban Ki-moon”. Apparemment, ce paragraphe a également fait l’objet d’une interprétation imaginative des paroles de Ban Ki-moon. »

Ces divers épisodes, avec les erreurs, les effets, les tromperies-dissimulation (dans le chef du FT pour celles-ci, le seul coupable assuré, le journal le plus prestigieux du Système), donnent une mesure de l’importance phénoménale du système de la communication. La déclaration de Medvedev telle que retranscrite (faussement) dans sa version initiale a eu un grand écho pour rendre cette semaine qui se termine avec ses nombreux points de tension crisique encore plus dramatique ; il est par exemple très probable que cette déclaration de Medvedev selon la traduction fausse du journal allemand a eu son rôle dans le dernier épisode en date du krach-sans-fin du système financier mondial. On doit par ailleurs, en acceptant l’hypothèse très probable d’une simple erreur de traduction “de bonne foi”, faire l’observation que cette erreur a dû être d’autant plus aisément commise que l’image née du déterminisme-narrativiste désignant la Russie comme fauteuse de guerre impénitente et menaçante devait certainement cohabiter dans l’esprit du traducteur avec sa recherche du mot juste ; un peu de psychologie sommaire nous convaincrait aisément de la justesse de l’hypothèse.

On notera d’ailleurs que tout le monde en est resté à Medvedev nous menaçant d’une Troisième Guerre mondiale car bien peu de rectifications ont été publiée. (Nous n’en avons repéré qu’une, d’après Google à qui l’on peut faire une confiance aveugle : celle du site Le nouveau Paradigme, le 13 février, avec la simple reprise du texte RT-français ; peut-être y en a-t-il d’autres mais, comme l’on sait, l’effet d’un démenti est toujours beaucoup moins fort que l’effet de l’information fausse initialement publiée.) Cela n’est d’ailleurs pas, tout bien considéré et selon une vision réaliste sinon cynique, une si mauvais chose : il est bon que les Russes, de toutes les façons discrédités à hauteur de la diablerie de l’enfer par tous les esprits penseurs des élites-Système, apparaissent parfois d’une façon un peu plus effrayante qu’ils ne voudraient, — ils sont extrêmement prudents, eux, – de façon à inquiéter, sinon à terroriser le plus possible le bloc-BAO et le Système. Au point de tension et de déni des vérités-de-situation où l’on se trouve, la politique de la menace, même involontaire, n’est pas plus mauvaise contre un bloc qui a perdu toute capacité de se battre, qui ne sait plus rien ni de l’héroïsme ni du sacrifice, et qui est donc d’autant plus sensible à la menace pour venir à composition ou pour s’engager dans quelque sottise inédite. Malheureusement, – ou bien ironiquement pourrait-on dire, toujours dans le genre cynique, – le plus marri dans cette affaire c’est la pauvre Medvedev, dont on sait qu’il représente une tendance assez libérale, pro-occidentaliste, dans la direction russe.

L’aventure nous permet également d’avoir un peu plus de lumière sur les pratiques du FT, répétons-le le quotidien le plus prestigieux de l’anglosphère, donc du monde civilisé. Ces pratiques sont remarquables d’impudence et, éventuellement, d’imprudence du point de vue de la réputation journalistique dont ce journal fait son miel. Après tout, le SG de l’ONU n’est pas vraiment n’importe qui, ni même un simple président russe qu’on peut insulter à souhait, mais une personnalité importante du Système avec laquelle il est convenu d’avoir certains égards. D’une certaine façon, le sans-gêne du faussaire (FT) équivaut à l’amateurisme du traducteur (Handelsblatt) pour nous faire découvrir à la fois la vigueur de la guerre de la communication et la décrépitude, sinon la bassesse que cet affrontement entraîne, directement ou indirectement, sur les capacités et les mœurs des acteurs, principalement sinon exclusivement ceux du bloc BAO et de sa presse-Système.

Bien, – ainsi est-il acté, ou simplement confirmé une fois de plus que la guerre de la communication constitue sans aucun doute, aujourd’hui, le véritable champ de la bataille du Système et autour du Système ; par conséquent, les barbares s’en donnent à cœur joie. Mais comme dans toutes les évolutions à la fois confuses et déstructurées qui marquent cette période, les effets peuvent avoir des aspects intéressants, éventuellement antiSystème par inadvertance. Ainsi est-il possible que la lettre du cabinet de Ban Ki-moon au FT, qui semblait devoir rester privée bien qu’elle fût complètement officielle puisqu’elle est à en-tête du cabinet du Secrétariat Général de l’ONU, est-elle parvenue aux Russes sans que cela déplaise nécessairement au Secrétaire Général des Nations-Unies.

Source : Dedefensa, 14-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/russes-et-occidentaux-saffrontent-a-munich/


[Guerre 1] Syrie : la Turquie et l’Arabie saoudite prêtes à envoyer des troupes contre l’EI

Monday 15 February 2016 at 02:10

On va résumer brièvement : ça commence à sentir très très mauvais…

La guerre se rapproche, vraiment.

Dans un débat de géopolitique la semaine passée, j’ai entendu un intervenant officiel russe déclarer très calmement que si la Turquie passait la frontière syrienne, ce serait la guerre.

Je vous jure, ça a jeté un très très grand froid – ça fait bizarre à entendre…

Syrie : la Turquie et l’Arabie saoudite prêtes à envoyer des troupes contre l’EI

Source : Libération, AFP, 13-02-2016

Les deux pays seraient prêts à combattre l’Etat Islamique. Photo Ahmad al-Rubaye.AFP

La Turquie et l’Arabie saoudite pourraient mener une opération terrestre contre le groupe Etat islamique (EI) en territoire syrien, a annoncé samedi le chef de la diplomatie turque, ce qui pourrait encore compliquer la donne en vue d’un dénouement de la crise.

A Munich (sud de l’Allemagne), où il participe à la conférence sur la sécurité, le secrétaire d’Etat John Kerry a rappelé que le dossier syrien se trouvait à un «moment charnière» entre guerre et paix.

«S’il y a une stratégie (contre l’EI), alors la Turquie et l’Arabie saoudite pourraient participer à une opération terrestre», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, lui-même de retour de Munich.

Selon lui l’Arabie saoudite, qui est devenue au cours des derniers mois l’un des plus proches alliés de la Turquie, va également déployer des avions de chasse sur la base militaire stratégique d’Incirlik, dans le sud de la Turquie, où se trouvent déjà des avions de la coalition conduite par les Américains.

Des responsables saoudiens «sont venus et ont effectué une reconnaissance de la base. Pour le moment, il n’est pas encore clair combien d’avions» seront déployés, a dit le ministre turc en évoquant «une coalition islamique contre la terreur». D’après lui, Ryad a indiqué être prêt à «envoyer des troupes quand le temps viendra pour une opération terrestre».

L’annonce du ministre turc intervient au lendemain de déclarations incendiaires du président syrien Bachar al-Assad contre la Turquie et l’Arabie saoudite, qu’il a accusées de soutenir le «terrorisme». Dans une interview à l’AFP, il a affirmé vouloir reconquérir toute la Syrie, quitte à mener de «longs» combats.

L’Arabie saoudite et la Turquie estiment que le départ de Bachar Al-Assad est indispensable pour une solution en Syrie, où la guerre a fait plus de 260.000 morts en près de cinq ans et jeté sur les routes plus de la moitié de la population. Les deux pays soutiennent les rebelles et craignent que l’Occident n’assouplisse sa position à l’égard du président syrien, considéré comme un moindre mal face aux jihadistes.

«Ne menacez personne»

Le ministre saoudien des Affaires étrangères Ryad Adel al-Jubeir a annoncé cette semaine que le royaume était prêt à dépêcher des troupes au sol en Syrie, dans le cadre de la coalition internationale contre l’EI. Et Washington, par la voix de responsables du Pentagone, a dit voir d’un bon oeil cette offre saoudienne.

Mais le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a mis en garde samedi contre toute intervention au sol des pays membres de la coalition emmenée par les Etats-Unis.

«Ne menacez personne avec une opération au sol», a-t-il déclaré lors d’un discours à la conférence de Munich, au cours duquel il a affirmé que le monde était entré dans une nouvelle guerre froide.

La Russie a annoncé samedi l’envoi en Méditerranée d’une corvette lance-missiles, le Zelyony Dol, et celle-ci se dirigerait vers les côtes de la Syrie, selon des informations de presse.

Le départ du Zelyony Dol pour la Méditerranée intervient alors que les Etats-Unis et la Russie viennent de tomber d’accord sur une «cessation des hostilités» en Syrie dans un délai d’une semaine, à l’exception de l’offensive contre les jihadistes, afin de relancer le processus de paix et de stopper l’exode de civils.

Les Etats-Unis accusent la Russie d’avoir «exacerbé» le conflit en Syrie par son appui militaire aux forces gouvernementales, notamment dans l’offensive en cours contre les rebelles à Alep, la grande ville du nord.

Et John Kerry a appelé samedi Moscou à «changer de cibles»militaires sur le terrain. «Aujourd’hui la très grande majorité des attaques russes se concentrent sur les groupes d’opposition légitimes. Pour adhérer à l’accord (sur la trêve), il est essentiel que la Russie change de cibles» en Syrie, a-t-il dit.

AFP

Source : Libération, AFP, 13-02-2016

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La Turquie bombarde des secteurs kurdes dans le nord de la Syrie

Source : L’Express, AFP, 14-02-2016

Des militants de gauche manifestent à Ankara le 13 février 2016 pour la fin des hostilités entre les forces militaires turques et les rebelles kurdes afp.com/ADEM ALTAN

Istanbul – La Turquie, mettant en application ses menaces, a bombardé samedi des secteurs du nord de la Syrie contrôlés par les forces kurdes, des frappes qui devraient encore un peu plus compliquer la donne en vue d’un dénouement de la crise.

Le département d’Etat américain a aussitôt réagi, exhortant la Turquie à “cesser ces tirs“.

A Munich, où il participe à la conférence sur la sécurité, le secrétaire d’Etat américain John Kerry avait auparavant averti que le dossier syrien se trouvait à un “moment charnière” entre guerre et paix, quelques jours après que Washington et Moscou sont tombés d’accord sur une prochaine “cessation des hostilités“.

L’agence officielle Anatolie a rapporté samedi soir que l’armée turque avait frappé des cibles du Parti kurde de l’union démocratique (PYD) et du régime syrien.

Les forces armées turques ont frappé des cibles du PYD près de la ville d’Azaz, dans la province d’Alep, selon une source militaire citée par Anatolie. L’armée turque a également riposté à des tirs de forces du régime syrien sur un poste militaire dans la région de Hatay (sud de la Turquie), selon la même source.

Nous avons pressé les Kurdes syriens et d’autres forces affiliées aux YPG (les Unités de protection du peuple kurde liées au PYD, le Parti kurde de l’union démocratique, Ndlr) de ne pas profiter de la confusion en s’emparant de nouveaux territoires. Nous avons aussi vu des informations concernant des tirs d’artillerie depuis le côté turc de la frontière et avons exhorté la Turquie à cesser ces tirs“, a déclaré dans la soirée le porte-parole du département d’Etat, John Kirby, qui se trouvait à Munich.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), l’artillerie turque a bombardé des secteurs du nord de la province d’Alep que les Unités de protection du peuple kurde (YPG), la principale force kurde en Syrie ont récemment repris à des rebelles islamistes.

Une source au sein des YPG a indiqué à l’AFP que les bombardements avaient notamment visé l’aéroport militaire de Minnigh, repris le 10 février par les forces kurdes.

Situé à une dizaine de km de la frontière turque, l’aérodrome de Minnigh se trouve entre deux routes importantes qui mènent de la ville d’Alep, deuxième ville du pays, à Azaz, plus au nord.

Et le fait de le contrôler donne aux forces kurdes une base de départ pour de nouvelles offensives contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

C’est à quelques km plus au sud de cette zone que le régime syrien, fort du soutien de l’aviation russe, mène une offensive d’envergure contre les rebelles.

Cette offensive, lancée le 1er février, a provoqué l’exode de dizaines de milliers de personnes qui restent notamment bloquées au nord d’Azaz, tout près de la frontière turque, espérant que les autorités turques les laissent entrer.

Au nord d’Alep, les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis, ont lancé samedi une offensive sur Tall Rifaat, aux mains d’autres rebelles, a rapporté l’OSDH, précisant que l’aviation russe avait mené samedi au moins 20 frappes sur cette ville.

– Opération terrestre ‘ –

Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu avait menacé plus tôt samedi de lancer une opération militaire contre le PYD, la branche politique des YPG.

La Turquie considère le PYD et les YPG comme des branches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme une organisation terroriste.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé mercredi le soutien militaire des Etats-Unis à ses ennemis kurdes de Syrie.

Les Turcs redoutent qu’un soutien étranger permette aux Kurdes syriens, qui occupent déjà une grande partie du nord de la Syrie, d’étendre encore leur influence et de contrôler ainsi la quasi-totalité de la zone frontalière avec la Turquie.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a par ailleurs indiqué samedi que son pays et l’Arabie saoudite pourraient mener une opération terrestre contre l’EI en Syrie.

Selon lui, l’Arabie saoudite, devenue ces derniers mois l’un des plus proches alliés de la Turquie, va déployer des avions de chasse sur la base militaire stratégique d’Incirlik, dans le sud de la Turquie, où se trouvent déjà des avions de la coalition antijihadistes conduite par les Américains.

Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, avait annoncé cette semaine que le royaume était prêt à dépêcher des troupes au sol en Syrie dans le cadre de la coalition antijihadistes.

– ‘Guerre froide’ –

L’Arabie saoudite et la Turquie estiment que le départ du président syrien Bachar Al-Assad est indispensable pour une solution en Syrie, où la guerre a fait plus de 260.000 morts en près de cinq ans et jeté sur les routes plus de la moitié de la population.

Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a mis en garde samedi contre toute intervention au sol des pays de la coalition lors d’un discours à la conférence de Munich, au cours duquel il a affirmé que le monde était entré dans une “nouvelle guerre froide“.

Les Etats-Unis accusent de leur côté la Russie d’avoir “exacerbé” le conflit par son appui militaire aux forces gouvernementales, notamment dans l’offensive contre les rebelles dans la région d’Alep.

Source : L’Express, AFP, 14-02-2016

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Syrie : le ton monte entre alliés et adversaires de Damas

Source : Le Parisien, 14/02/2016

Malgré les promesses de trêve, une résolution du conflit syrien semblait ce dimanche de plus en plus illusoire, les différents acteurs internationaux, dont la Turquie et la Russie, s’accusant mutuellement de jeter de l’huile sur le feu.

• La Syrie en veut aux Turcs qui bombardent les Kurdes. L’armée turque a bombardé au mortier ce dimanche pour la deuxième journée consécutive des positions kurdes dans le nord de la Syrie, aux alentours de la ville syrienne d’Azaz dans la province d’Alep.

 Le gouvernement syrien a condamné «les attaques répétées de la Turquie à l’encontre (…) de l’intégrité territoriale de la Syrie», appelant le Conseil de sécurité de l’ONU à «mettre un terme aux crimes du régime turc».

• Les Etats-Unis et la France font la leçon à la Turquie. En menant de nouveaux bombardements, Ankara a fait fi de l’appel à les «cesser» lancé par les Etats-Unis, son allié et partenaire au sein de l’Otan. La France a appelé dimanche à la «cessation immédiate des bombardements» de la Turquie dans les zones kurdes de Syrie, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

• La Turquie ne veut pas de Kurdes forts à sa frontière. Les Turcs expriment régulièrement leur frustration face au soutien militaire apporté par Washington aux groupes kurdes, notamment des Unités de protection du peuple (YPG). Ils redoutent que ces derniers, qui contrôlent déjà une grande partie du nord de la Syrie, n’étendent leur influence à la quasi-totalité de la zone frontalière. La progression des YPG à l’ouest de l’Euphrate en Syrie constitue «une ligne rouge», a expliqué le vice-Premier ministre turc Yalcin Akdogan. «Il s’agit de questions qui touchent à la sécurité nationale (…) La Turquie n’est pas une nation qui va regarder ce qui se passe les bras croisés», a-t-il prévenu.

• Vers une offensive au sol turco-saoudienne contre l’EI.Farouchement hostile au régime de Bachar al-Assad et en froid avec la Russie, la Turquie envisage de lancer avec l’Arabie saoudite une opération terrestre en Syrie officiellement destinée à combattre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), selon le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu. Des forces «spéciales» saoudiennes pourraient être ainsi déployées dans le cadre de la coalition antidjihadistes conduite par les Etats-Unis, a déclaré dimanche le ministre des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, sans donner de détails. Ces déclarations coïncident avec le déploiement d’avions de combat saoudiens sur la base turque d’Incirlik afin d’«intensifier les opérations aériennes» contre l’EI, selon un haut responsable saoudien de la Défense.

• L’Arabie Saoudite met en garde la Russie. Adel al-Jubeir a parallèlement vivement critiqué l’action de la Russie en Syrie, affirmant qu’elle ne parviendra «pas à sauver Bachar al-Assad». Son départ «est une question de temps et, tôt ou tard, son régime tombera», a-t-il prédit.

• Turquie et Arabie Saoudite soutiennent des insurgés sunnites en perte de vitesse. L’engagement accru de Ryad et Ankara survient alors que les groupes rebelles soutenus par les deux puissances sunnites ne cessent de perdre du terrain face aux Kurdes mais aussi et surtout face aux forces du régime.

• La triple alliance Iran-Russie-Syrie montre les muscles. L’Iran (chiite) et la Russie, les principaux alliés de Damas (alaouite), ont mis en garde la Turquie et l’Arabie Saoudite (sunnites) contre l’envoi de troupes en Syrie. «Nous ne permettrons certainement pas que la situation en Syrie évolue conformément à la volonté des pays rebelles. Nous prendrons les décisions nécessaires le moment venu», a averti l’adjoint du chef d’état-major des forces armées iraniennes, le général Massoud Jazayeri.

• Syriens, Russes et Kurdes concentrent le feu à Alep. Sur le terrain, l’armée syrienne continue de progresser au nord d’Alep et ne se trouvait plus dimanche qu’à environ trois kilomètres au sud de Tall Rifaat, l’un des trois bastions qui restent aux insurgés dans cette région. La localité, qui a été visée samedi par plus de 20 raids russes, est également attaquée à l’est par les Kurdes. L’offensive lancée le 1er février par le régime a provoqué l’exode de dizaines de milliers de personnes qui restent notamment bloquées au nord d’Azaz, tout près de la frontière turque, espérant que les autorités turques les laissent entrer.

• Le jeu des grandes puissances. Dans ce contexte, les présidens américain Barack Obama et russe Vladimir Poutine se sont parlés au téléphone et ont fait, selon le Kremlin, une «évaluation positive» de l’accord conclu vendredi par les grandes puissances à Munich sur une trêve pour la semaine prochaine. Cet accord a été vivement dénoncé dimanche par le coordinateur de l’opposition syrienne, Riad Hijab, pour qui il permet la poursuite des bombardements russes. «Celui qui protège Daech (acronyme arabe de l’EI) aujourd’hui, c’est la Russie», a jugé Riad Hijab. L’influent sénateur républicain américain John McCain a également jugé que l’accord de Munich ne ferait que soutenir «l’agression militaire» de la Russie, qui «veut exacerber la crise des migrants pour diviser l’alliance transatlantique et miner le projet européen».

Qui fait quoi en Syrie ?– Les insurgés sunnites sont soutenus par la Turquie et l’Arabie Saoudite.
– Les insurgés sunnites luttent à la fois contre le régime de Bachar al-Assad et l’Etat Islamique (EI).
– Le régime de Bachar al-Assad est soutenu par l’Iran (chiite), le Hezbollah libanais (chiite), la Russie.
– L’armée de Bachar al-Assad lutte à la fois contre l’Etat Islamique (EI) et les insurgés sunnites (Front al-Nosra lié à Al-Qaïda, Armée syrienne libre, etc).
– L’Etat Islamique (EI) est sous le feu de l’armée de Bachar al-Assad et de ses alliés (Russie, Hezbollah), de la coalition internationale menée par les Etats-Unis, des insurgés sunnites, des Kurdes (YPG).
– Les Kurdes (YPG) combattent l’Etat Islamique (EI) mais sont bombardés par la Turquie qui soutient les insurgés sunnites et ne veut pas d’une entité kurde à sa frontière.
– La coalition internationale cible l’EI mais ne veut pas d’un maintien de Bachar al-Assad au pouvoir en Syrie.
– La Russie défend le régime de Bachar al-Assad qui lui assure une porte ouverte sur la Méditerranée (port de Tartous).
– L’Iran défend la Syrie afin de préserver sa propre puissance et ses intérêts dans la région, face à son éternel rival saoudien.

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Et donc dimanche matin :

Et on voit l’influence désormais quasi-végétale des États-Unis :

Eh bien si quelqu’un ne fait pas preuve d’une réelle violence envers la Turquie pour qu’elle se calme, on va bientôt connaitre la 14e guerre Russo-Turque :

  1. Guerre russo-turque de 1568-1570
  2. Guerre russo-turque de 1676-1681
  3. Guerre russo-turque de 1686-1700
  4. Guerre russo-turque de 1710-1711
  5. Guerre russo-turque de 1735-1739 ou « guerre austro-russe contre la Turquie de 1736-1739 »
  6. Guerre russo-turque de 1768-1774
  7. Guerre russo-turque de 1787-1792 ou « guerre austro-russe contre la Turquie de 1787-1792 »
  8. Guerre russo-turque de 1806-1812
  9. Guerre russo-turque de 1828-1829
  10. Guerre russo-turque de 1853-1856 ou guerre de Crimée
  11. Guerre russo-turque de 1877-1878 ou « dixième guerre russo-turque » (la guerre de Crimée n’ayant pas été prise en compte dans la numérotation initiale).

On y ajoute les deux conflits suivants :

Source: http://www.les-crises.fr/syrie-la-turquie-et-larabie-saoudite-pretes-a-envoyer-des-troupes-contre-lei/


Le « plan B » américain pour la Syrie et la menace d’une guerre mondiale, par Bill Van Auken

Monday 15 February 2016 at 01:38

Ceci est la vision toujours très engagée des trotskystes américaines.

Ils ont cependant l’avantage d’être de grands pacifistes, leur analyse ne fait donc pas de mal…

Source : World Socialist Web Site, Bill Van Auken, 13-02-2016

Des négociations sur le conflit armé sanglant de Syrie ont eu lieu jeudi à Munich sur fond d’une offensive gouvernementale syrienne soutenue par des frappes aériennes russes et destinée à briser l’emprise des «rebelles», soutenus par l’Occident, sur la partie orientale largement en ruines d’Alep.

Les pourparlers se sont tenus sous les auspices des 17 membres du Groupe international de soutien à la Syrie qui comprend les États-Unis et leurs alliés régionaux – Arabie Saoudite, Turquie et Qatar – dans la guerre de changement de régime en Syrie, la Russie et l’Iran étant alliés au gouvernement du président Bachar al-Assad, qu’ils aident activement.

Washington a exigé un cessez-le-feu immédiat et un arrêt des frappes aériennes russes en Syrie. Les Etats-Unis, les monarchies réactionnaires arabes et le régime turc craignent que sans arrêt des combats, les milices islamistes qu’ils soutiennent, financent et arment depuis près de cinq ans, ne puissent éviter une défaite irréparable.

La Russie aurait pour sa part proposé un cessez-le-feu qui commencerait le 1er mars, donnant ainsi suffisamment de temps au gouvernement syrien pour rétablir son contrôle sur Alep.

Vendredi dernier, le secrétaire d’Etat américain John Kerry et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ont annoncé qu’ils étaient parvenus à une entente de principe pour un cessez-le-feu « dans une semaine » et une accélération de l’aide humanitaire. Kerry a reconnu que même si l’accord faisait bien « sur le papier » il devait encore faire ses preuves. Tous les conflits sous-jacents restent sans solution et les opérations militaires américaines, et russes, vont se poursuivre au nom de la lutte contre l’État islamique (EI).

A la veille des pourparlers de Munich, Kerry a fait, dans une interview avec le chroniqueur du Washington Post David Ignatius, une menace sans équivoque relative à la stratégie de négociation des États-Unis à Munich: « Ce que nous faisons est tester le sérieux [russe et iranien], » a-t-il dit. « Et s’ils ne sont pas sérieux, alors il faudra considérer un plan B … On ne peut pas en rester là ».

Un « Plan B » consisterait en une brusque escalade de l’intervention militaire américaine en Syrie, réalisée sous couvert de lutte contre EI, mais axée sur un renversement du gouvernement Assad.

L’Arabie Saoudite et le Qatar auraient également discuté d’un «plan B» ces derniers jours, où ils participeraient à une intervention militaire directe pour sauver les « rebelles » qu’ils soutiennent. L’agence de presse saoudienne Al-Arabiya a cité des responsables de Riyad confirmant la décision de la monarchie des Saoud d’envoyer des troupes en Syrie pour une invasion hostile et provocatrice.

Réagissant aux implications sinistres d’une telle escalade, le premier ministre russe Dmitri Medvedev a dit au quotidien allemand Handelsblatt jeudi: «Les Américains et nos partenaires arabes doivent y réfléchir sérieusement – veulent-ils une guerre permanente? Toutes les parties doivent être forcées à la table de négociation au lieu de déclencher une nouvelle guerre mondiale ».

Les mots choisis par Medvedev n’étaient pas une simple hyperbole. Une intervention militaire pour sauver les «rebelles», qui revient à une guerre pour sauver la filiale syrienne d’Al-Qaïda, le Front al Nosra, principale force au sol dans la province d’Alep, pourrait rapidement mener les États-Unis et leurs alliés dans des combats avec la Russie, un affrontement armé entre les deux principales puissances nucléaires.

Des responsables américains ont évoqué ces derniers jours la création d’un « corridor humanitaire » à Alep et dans d’autres zones rebelles assiégées par les forces gouvernementales. On peut supposer que ce «corridor» est destiné à remplacer la principale voie d’approvisionnement des «rebelles» depuis la Turquie, coupée par l’offensive du gouvernement. Cela perturbe l’armement des «rebelles» orchestré par la CIA avec les stocks venus de Libye, des royaumes pétroliers du golfe et d’au-delà. Un tel corridor nécessiterait une force militaire de protection et l’application d’une «zone d’exclusion aérienne», ce qui signifie une confrontation non seulement avec les forces du gouvernement syrien, mais avec les avions de combat russes.

La Turquie, alliée de Washington dans l’OTAN, est en train de bloquer ses frontières aux réfugiés syriens pour créer un maximum de crise de façon à poursuivre ses propres objectifs stratégiques: non seulement un changement de régime à Damas mais aussi la répression sanglante de la minorité kurde de part et d’autre de la frontière.

Le gouvernement Obama n’a donné aucun avertissement au peuple américain qu’il se lançait en Syrie dans une politique qui pourrait opposer les Etats-Unis à l’armée russe et potentiellement déclencher une catastrophe mondiale.

Il n’y a pas de soutien populaire significatif pour une intervention militaire américaine en Syrie, promue sous le faux prétexte de « l’humanitarisme » et aidée par toute une coterie d’organisations pseudo de gauche dont la spécialité est de représenter la campagne sectaire sanglante des milices islamistes soutenues par la CIA comme la « révolution syrienne ».

L’ampleur de la catastrophe déchaînée en Syrie a été articulée dans une nouvelle étude réalisée par le Centre syrien pour la recherche politique, qui a constaté que 11,5 pour cent de la population syrienne avait été soit tuée soit blessée en raison du conflit. Le bilan des morts de cette guerre, combiné à la destruction systématique de l’infrastructure et du système de santé, et à une baisse spectaculaire du niveau de vie, a fait chuter l’espérance de vie, estimée à 55,4 ans en 2015, alors qu’elle était de 70,5 ans en 2010.

L’étude a aussi révélé que le taux de chômage du pays avait grimpé de 14,9 pour cent en 2011 à 52,9 pour cent à la fin de 2015 et que le taux global de pauvreté était estimé à 85,2 pour cent.

Bref, le gouvernement Obama a infligé à la Syrie une guerre qui est tout aussi criminelle et meurtrière que la guerre menée par le gouvernement Bush contre l’Irak.

Le peuple syrien est la victime d’une guerre orchestrée par les Etats-Unis, motivée par la stratégie mondiale de l’impérialisme américain qui est d’inverser son déclin économique par l’emploi ou la menace de la force militaire. Washington a recherché un changement de régime en Syrie comme moyen de réaliser une fin: l’affaiblissement des deux principaux alliés de Damas, la Russie et l’Iran, et la réaffirmation de la mainmise occidentale sur les vastes ressources énergétiques du Moyen-Orient.

La menace d’une guerre mondiale vient non seulement de la perspective que des avions de combat américains et russes s’affrontent dans le ciel syrien, mais de toute la logique de la guerre de changement de régime et des objectifs stratégiques plus larges qu’elle remplit. Celle-ci se traduit aussi par l’intensification de l’encerclement militaire de la Russie par l’OTAN et par la politique anti-chinoise de plus en plus provocatrice du Pentagone en mer de Chine méridionale.

La campagne des Etats-Unis pour l’hégémonie mondiale a été articulée dans la maxime stratégique énoncée par le Pentagone il y a près d’un quart de siècle: Washington doit empêcher l’émergence d’une puissance capable de contester la domination du capitalisme américain à l’échelle mondiale ou même régionale. Cette «grande stratégie» a mené depuis à des guerres américaines d’agression incessantes et pose maintenant la menace réelle d’une troisième guerre mondiale, nucléaire.

Contre la stratégie barbare de l’élite dirigeante américaine, la classe ouvrière américaine et internationale doit avancer sa propre stratégie indépendante, la lutte pour le retrait des États-Unis et de toutes les forces militaires étrangères de Syrie, d’Irak et du Moyen-Orient, et l’unité de la classe ouvrière à travers toutes les frontières nationales, religieuses et ethniques, dans une lutte commune pour mettre fin au capitalisme, source du militarisme et de la guerre.

(Article paru en anglais le 12 février 2016)

Source : World Socialist Web Site, Bill Van Auken, 13-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/le-plan-b-americain-pour-la-syrie-et-la-menace-dune-guerre-mondiale-par-bill-van-auken/


Le président al-Assad à l’AFP : “Jusqu’à présent, la France soutient politiquement les terroristes”

Monday 15 February 2016 at 00:05

Intéressante interview – à lire bien entendu avec recul et esprit critique pour discerner la propagande syrienne.

Source : Sana, AFP, 12-02-2016

Le président al-Assad à l’AFP : La France doit changer ses politiques erronées envers la Syrie pour lutter contre le terrorisme

Damas / Le président Bachar al-Assad a accordé un entretien à l’AFP sur les développements en Syrie et dans la région.

Entretien de Monsieur le Président avec l’AFP

Journaliste : Monsieur le Président quels sentiments vous inspire la vue de dizaine de milliers de vos compatriotes affamés sur les routes qui tentent de rejoindre la Turquie pour échapper aux bombardements de vos alliés russes sur Alep, et aussi la vue d’enfants syriens qui sont noyés en tentant de traverser la mer pour rejoindre l’Europe ?

Monsieur le Président : Si vous voulez qu’on parle des sentiments, j’appartiens bien à ce peuple. Il est donc évident que j’éprouve les mêmes sentiments que lui. Tout spectacle douloureux nous fait tous ressentir de la peine en tant que Syriens. Mais en tant que responsable, la question devrait être non pas quel est votre sentiment, mais qu’est-ce que vous allez faire devant une telle situation.

Lorsque la cause n’est pas véritablement les bombardements russes, comme le prétendent aujourd’hui les médias occidentaux, mais plutôt les terroristes ; lorsque l’embargo imposé par l’occident depuis déjà cinq ans est l’une des causes de la migration, il est normal que ma première mission, comme celle de tout responsable dans ce pays, dans cet État, soit d’abord de lutter contre le terrorisme, essentiellement par des moyens syriens, tout en demandant le soutien de nos amis pour combattre ce terrorisme. Le problème des réfugiés qui se trouvent à l’étranger, de même que celui de la famine comme vous dites, sont deux problèmes auxquels ont contribué les terroristes et l’embargo imposé sur le peuple syrien.

Journaliste : Justement nous parlons d’actes pour alléger cette souffrance, est-ce que vous pourriez envisager de cesser les bombardements sur la population civile et surtout le siège des villes, comme le demande d’ailleurs l’opposition, comme condition pour retourner à Genève.

Monsieur le Président : Depuis le début de la crise, le conflit portait sur qui pourrait gagner la base populaire en Syrie. Théoriquement parlant, il nous est impossible de bombarder les civils et de vouloir en même temps les gagner à nos côtés. Quant à la pratique, vous pouvez vous-même effectuer des tournées en Syrie, dans les régions contrôlées par l’Etat. Vous trouverez alors que toutes les composantes de la société syrienne, y compris les familles des hommes armés, vivent sous la protection de l’Etat. En plus, pour ce qui est de la ville de Raqqa qui est totalement sous la domination de Daech, nous payons toujours les salaires des fonctionnaires et envoyons les vaccins aux enfants qui s’y trouvent. Il est donc illogique que l’Etat bombarde les civils en offrant tous ces services ; à moins qu’il y ait des erreurs, qui peuvent d’ailleurs se produire dans n’importe quel combat. La règle générale c’est d’avoir dans toute guerre a des victimes innocentes, mais ce n’est certainement pas la politique de l’Etat syrien.

Journaliste : Que dites-vous des gens s’en vont pour l’Europe, vous leur dites revenez, qu’est-ce que vos leur dites ?

Monsieur le Président : bien sûre. J’espère certainement que toute personne ayant quitté la Syrie y retourne. C’est normal, mais cela ne suffit pas. Les sentiments ne suffisent pas. Ces gens-là vont me demander qu’est-ce qui nous pousse à revenir ? Est-ce que le terrorisme a cessé? Est-ce que les premières nécessités de la vie sont désormais disponibles? Beaucoup de ceux qui ont émigré ne sont pas contre l’Etat, ni pro-terroristes. Mais il y a parfois des circonstances qui vous obligent à émigrer. Aussi ma réponse à cette question sera-t-elle la suivante : lorsqu’il y aura un recul du terrorisme et que les choses s’amélioreront, ils retourneront de leur propre gré sans invitation. Plutôt donc que d’inviter ce citoyen à revenir, je vais appeler les gouvernements européens qui ont contribué directement à cet exode en assurant d’abord une couverture aux terroristes, et en imposant l’embargo à la Syrie, à aider au retour des Syriens chez eux.

Journaliste : Est-ce que la reprise d’Alep est une question de jours, et après quelles sont les prochaines étapes : la reprise totale de Lattaquié, d’Alep, d’Idleb ?

Monsieur le Président : Actuellement, le combat à Alep n’a pas pour but de récupérer la ville, car nous y sommes déjà. La bataille principale vise plutôt à couper la route entre Alep et la Turquie qui constitue la voie principale de ravitaillement des terroristes. Nous menons actuellement des combats sur plus de dix fronts, du Nord au Sud, à l’Est et au Nord-Est, de même qu’à Lattaquié à l’Ouest. Il y avait également des combats à Homs, lesquels ont maintenant pris fin. Toutes les étapes vont donc en parallèle.

Journaliste : Pensez-vous être capable de reprendre tout le territoire syrien et dans quel délai ?

Monsieur le Président : Que nous soyons capables de le faire ou non, c’est un but que nous œuvrerons à atteindre sans hésitation. Il n’est pas logique de dire qu’il y a une partie de notre territoire à laquelle nous renoncerons. Quant au délai, cela dépend de deux cas : à supposer d’abord que le problème est uniquement syrien, c’est-à-dire que la Syrie est isolée de son entourage, dans ce cas-là, nous pouvons régler le problème sur deux axes : le combat contre le terrorisme, et l’action politique. Dans le deuxième cas, le cas actuel où il y a ravitaillement permanent des terroristes à travers la Turquie, la Jordanie, et parfois encore à travers l’Irak bien sûr, puisque Daech s’y trouve avec le soutien saoudien, turc, et qatari, il est évident que les délais de la solution soient longs et les prix lourds. Il est donc difficile de donner une réponse précise quant aux délais.

Journaliste : Vous ne pouvez pas dire dans combien d’années la paix reviendra en Syrie ?

Monsieur le Président : La question est de savoir combien d’années la Turquie et l’Arabie Saoudite maintiendront leur soutien au terrorisme. Telle est la question. Et quand l’Occident fera –t-il pression sur ces pays pour qu’ils cessent leur soutien au terrorisme.

Journaliste : Monsieur le Président, pouvez-vous me dire quel est votre ennemi principal. Est-ce qu’il s’agit de l’opposition modérée et de leurs alliés islamistes ou des djihadistes de Daech ? Beaucoup de gens se posent cette question, parce qu’ils notent que vos forces actuelles visent surtout des villes tenues par l’opposition dite modérée et ses alliés islamistes et pas tellement par Daech.

Monsieur le Président : Je ne pense pas que le terme « opposition » puisse désigner chez vous en France comme partout au monde quelqu’un qui porte une arme. L’opposition est politique par définition. Si nous supposons que vous voulez dire « terroristes modérés », ce serait bien un nouveau terme. Vous voulez dire par là qu’ils n’appartiennent pas à Daech, el Nosra, ni à d’autres groupes radicaux. Obama a qualifié l’opposition modérée d’illusion. Biden a dit la même chose. Le plus important c’est qu’en réalité cette opposition n’existe pas. La plupart des hommes armés appartiennent à ces groupes radicaux, à savoir Daech, el Nosra, Ahrar el Cham et autres. Ma réponse est donc que tout terroriste est un ennemi. Nous respectons toute opposition politique… et nous avons une opposition politique qui se trouve en Syrie et adopte des positions dures vis-à-vis de l’Etat, mais nous ne l’attaquons pas.

Journaliste : Pour être très clair, vous ne faites pas de différences entre tous les gens qui portent des armes contre votre gouvernement, qu’ils se revendiquent de Daech ou de groupes dits « modérés » vous ne faites aucune différence.

Monsieur le Président : sur le plan légal, il n’y a pas de différence. L’Etat fera face à toute personne qui porte les armes, et ne l’interrogera pas sur son idéologie. Il y a quand même une différence, c’est que les groupes radicaux refusent le dialogue avec l’Etat. Ils pensent combattre, mourir et aller au paradis. Telle est leur idéologie. Quant aux autres groupes non idéologiques, la plupart a été induit en erreur. Ils sont ultérieurement entrés en dialogue avec l’Etat. Certains ont jeté les armes, et il y en a qui combattent aujourd’hui du côté de l’armée, et nous leur octroyons l’amnistie pour avoir renoncé aux armes.

Journaliste : Monsieur le Président, Jayche el Islamet Ahrar al Cham, vous le considérez comme quoi ? Ils ont négocié avec vous, ils ont été à Genève. Vous les considérez comment ?

Monsieur le Président : Ils ont été à Genève comme faisant partie de l’opposition formée par l’Arabie Saoudite. Puisque l’Arabie Saoudite soutient le terrorisme à l’échelle mondiale, ses représentants sont naturellement des terroristes et non des politiciens.

Journaliste : Donc pas de négociations avec eux…

Monsieur le Président : Déjà à Genève 3, on n’était pas supposé mener des négociations directes, mais à travers De Mistura. Là, soyons précis nous ne négocions pas avec des Syriens, mais avec des représentants de l’Arabie Saoudite, de la France, de la Grande Bretagne, etc… Si vous entendiez par là un dialogue syro-syrien la réponse est naturellement négative. Le dialogue avec ces gens-là n’est nullement un dialogue syro-syrien. Un tel dialogue se fait avec des groupes syriens qui ont leurs bases en Syrie, telle l’opposition politique en Syrie par exemple. Toute personnalité avec laquelle nous dialoguons et qui se dit opposition mais qui appartient à un pays étranger ou à des services de renseignement étrangers ne représente pas les Syriens dans le dialogue, et tout simplement nous ne la considérons pas comme syrienne.

Journaliste : Quand vous dites que vous êtes à Genève, vous êtes là pour négocier avec des gens venus de l’extérieur.

Monsieur le Président : Non, certains sont venus de l’intérieur. Il y en a d’autres qui vivent à l’extérieur, mais qui font de la politique et qui ont des partisans en Syrie. Mais moi, Je ne parle pas seulement de terroristes, mais de quelqu’un qui a été conçu et formé à l’étranger et qui travaille au service d’un pays étranger.

Journaliste : Vous parlez d’une opposition politique, vous disiez qu’elle existe en Syrie. Est-ce que vous ne pensez pas que si vous aviez toléré l’émergence d’une opposition politique plus forte dans votre pays ces dernières années. Vous auriez pu peut-être éviter ce conflit. Est-ce qu’il n’y a pas de part de responsabilité de votre gouvernement dans ce qui s’est passé ?

Monsieur le Président : Nous ne prétendons pas à l’absence de toutes erreurs en Syrie, ce qui est normal dans n’importe quel pays. Nous ne prétendons pas qu’au Moyen-Orient nous sommes arrivés à une grande ouverture politique. En Syrie, nous allions dans cette direction à vitesse limitée et peut être lentement. Pour revenir à votre question, la partie de l’opposition la plus radicale à l’intérieur de la Syrie et qui attaque l’Etat syrien, n’a pas été en prison et n’a pas été persécutée pas l’Etat, ni avant ni après la crise. Je ne comprends donc pas ce que vous entendez par tolérance dans ce cas-là.

Journaliste : Il a été difficile pour l’opposition syrienne de s’organiser de faire compagne, le gouvernement ne lui a jamais laissé beaucoup de marge de manœuvre.

Monsieur le Président : Vous évoquez une situation générale au Moyen-Orient. C’est relativement vrai, notamment dans le Monde Arabe. Mais il ne s’agit pas d’une question de tolérance. La tolérance c’est plus personnel qu’institutionnel. Il s’agit de savoir que faire sur le plan institutionnel pour aller en avant, telle est la question. Cela a deux aspects, l’un juridique, l’autre social ou culturel, la démocratie étant une culture avant d’être une loi. Vous ne pouvez pas aller légalement parlant en direction de la démocratie alors que culturellement parlant vous restez à votre place.

Journaliste : Pensez-vous possible une intervention turque en Syrie, et pensez-vous que la menace des Saoudiens d’intervenir est sérieuse.

Monsieur le Président : Logiquement parlant, je dirais que l’intervention est impossible, mais la logique est parfois en contradiction avec la réalité, surtout quand vous avez des personnes illogiques et insensées qui dirigent un pays. C’est donc une possibilité que je ne peux pas exclure, pour une simple raison : Erdogan est quelqu’un d’intolérant, de radical, un pro-frère musulmans qui vie le rêve ottoman. Les effondrements qui ont eu lieu en Tunisie, en Libye, en Egypte et en Syrie sont pour lui des effondrements personnels qui menacent d’abord son avenir politique, mais aussi ses aspirations islamistes radicales. Il pense être porteur d’un message de l’islam dans notre région. Il en est de même pour l’Arabie Saoudite ; les effondrements subis par les terroristes en Syrie constituent un effondrement de leur politique. De toute manière, une telle opération ne sera pas facile pour eux. Et nous allons très certainement y faire face.

Journaliste : Monsieur le Président est-ce que vous seriez prêt à donner une région autonome aux kurdes de Syrie après la fin du conflit ?

Monsieur le Président : Cela relève directement de la constitution syrienne. Vous savez bien que la constitution n’est pas le produit du gouvernement, mais de toutes les composantes du pays et doit être soumis à un référendum. La question doit donc se posée à l’échelle nationale et non être adressée à un responsable syrien quel qu’il soit, qu’il s’agisse d’une autonomie ou d’une confédération, ou même d’une décentralisation… ce sont des choses qui feront partie d’un dialogue politique. Mais je voudrais affirmer que les Kurdes font partie du tissu national syrien.

Journaliste : Est-ce que c’est vrai que la Russie a essayé de vous convaincre de quitter le pouvoir ? et n’y c’est-à-dire pas un risque américano-russe qui puisse se faire sous votre dos ?

Monsieur le Président : C’est possible si l’on considère la politique et les politiciens russes de la même manière que la politique et les politiciens américains, et qu’ils suivent une politique aussi contraire aux principes éthiques, mais ce n’est pas le cas. Pour une raison toute simple, c’est que les Russes nous traitent avec grand respect. Ils n’agissent pas envers nous comme une grande puissance envers un petit Etat, mais comme un Etat souverain envers un autre Etat souverain. C’est la raison pour laquelle cette question ne s’est jamais posée, et d’aucune manière.

Journaliste : Est-ce que vous seriez favorable à l’octroi de base permanente à la Russie en Syrie et également l’Iran ? Dans ce cas, est-ce que vous ne craignez pas que votre pays se transforme en une espèce de vassal de ces deux puissances ?

Monsieur le Président : La présence de bases militaires de n’importe quel Etat en Syrie ne signifie nullement que la Syrie en devient le vassal. Ils n’interviennent ni dans la constitution, ni dans la loi, ni dans l’action politique. Il existe déjà une base russe. Mais les Iraniens ne nous l’ont pas demandé, et nous n’avons pas là-dessus un problème de principe.

Journaliste : Est-ce que la Russie vous a demandé de faire une nouvelle base en Syrie ?

Monsieur le Président : La question n’a pas été posée. Elle est donc hypothétique. Mais comme je viens de le dire, lorsque nous l’acceptons pour la Russie, cela veut dire que c’est en principe acceptable. Mais cela dépendrait aussi des potentiels de chaque Etat et de son rôle sur la scène régionale et internationale.

Journaliste : Est-ce que la Russie vous a demandé de faire de nouvelles bases en Syrie ?

Monsieur le Président : Non.

Journaliste : Comme vous le savez la campagne présidentielle américaine est actuellement en pleine primaire. Vous personnellement vous êtes pro Trump ou Hillary Clinton ou vous avez peut-être un candidat qui vous semblerez peut être un bon candidat pour la région ?

Monsieur le Président : A aucun moment nous n’avons misé sur un président américain. Nous misons toujours sur les politiques, or ces politiques ne dépendent pas seulement du président, mais de l’ensemble des institutions et des lobbys aux Etats-Unis. La concurrence entre beaucoup de candidats, maintenant comme dans le passé, porte sur lequel est le plus belligérant. C’est de mauvais augures.

Journaliste : Donc lequel est le plus belligérant Trump ou Clinton ?

Monsieur le Président : Le problème avec les hommes politiques américains c’est qu’ils disent toujours le contraire de ce qu’ils font, avant et après les élections.

Journaliste : Donc les promesses faites par Trump ne vous font pas peur, s’il venait d’être élu ?

Monsieur le Président : Non. Comme je viens de le dire, puisque je ne mise pas sur ce que déclare les candidats américains, je ne vois pas de raison pour commenter les propos de l’un d’entre eux. C’est-à-dire qu’ils se ressemblent tous à mes yeux.

Journaliste : Est-ce que vous envisagez d’être président à vie, comme l’était votre père, sinon est-ce que vous préparez un successeur, et est-ce que ça peut être un de vos enfants ?

Monsieur le Président : D’abord la présidence n’est pas un hobby qui nous fait plaisir. C’est plutôt une responsabilité notamment dans les circonstances actuelles. Quant à la question de savoir s’il y a quelqu’un que je choisirais comme successeur, le pays n’est ni une ferme ni une entreprise. Pour rester président, il faudrait qu’il y ait deux facteurs : que je le souhaite moi-même, et que le peuple le souhaite aussi. Si j’arrive aux prochaines élections et que je constate que le peuple ne veut pas de moi, je ne me porterai pas candidat. Il est donc encore tôt d’en parler. Il nous reste encore plusieurs années avant les prochaines élections.

Journaliste : Ces dernières années il y a eu plusieurs accusations portées contre votre gouvernement et contre c’est-à-dire en matière de droits de l’homme. Tout récemment une commission de l’enquête de l’ONU vous a accusé de pratiquer ce qu’ils ont appelé une politique d’extermination des détenus parlant d’un crime contre l’humanité. Le mois dernier, le haut-commissaire de l’Onu des droits de l’homme en parlant des sièges des villes comme Madaya, il a accusé votre gouvernement de crime de guerre. Il y a aussi le recours au bombardement de la population civile par des barils explosifs. Ne craignez-vous pas de devoir un jour rendre des comptes devant un tribunal international.

Monsieur le Président : Vous savez d’abord que ces institutions onusiennes reflètent l’équilibre et les conflits entre les grandes puissances. Actuellement, elles sont essentiellement dominées par les puissances occidentales et la plupart de leurs rapports sont politisés et servent un agenda politique. La preuve en est que ces organisations n’ont rien dit sur des massacres déclarés commis par les groupes terroristes à l’encontre des citoyens innocents en Syrie. Ce qui réfute les dires ou les rapports de ces organisations, c’est d’abord qu’ils n’avancent pas de preuves, et c’est un cas général. Il y a d’autre part une certaine logique, car si les pays occidents s’opposent à telle personne, ainsi que les pays riches du Golfe, et si cette même personne tue son peuple, comment pourrait –elle continuer dans ces conditions pendant cinq années ? C’est pourquoi, je ne crains ni ces menaces ni ces allégations.

Journaliste : Comme vous dites il n’y a pas de rapports, c’est-à-dire ils sont faux et inexacts, mais il y a tout de même des témoignages, par exemples le rapport sur la morts des détenus qui sont dans vos prisons.

Monsieur le Président : Non, il y a une différence entre crimes individuels et politique de tuerie systématiquement adoptée par un Etat. J’ai déjà dit qu’il y a des victimes innocentes de la guerre, c’est vrai. Mais il y a crimes de guerre lorsque des ordres sont donnés pour adopter une politique qui consiste à commettre des massacres pour des fins précis. Si c’était le cas, les gens auraient fui les régions contrôlées par l’Etat pour se réfugier dans celles qui sont contrôlées par les hommes armés. Mais ce qui se passe c’est tout à fait le contraire. Tout le monde vient vers les régions contrôlées par l’Etat.

Journaliste : comment pensez-vous rentrer dans l’histoire, comme celle d’un sauveur de la Syrie ou celle de l’homme qui l’a détruite ?

Monsieur le Président : Tout dépend de celui qui écrira l’histoire. Si c’est l’Occident, il m’attribuera les pires qualificatifs. L’important, c’est ce que je pense moi-même. Il va de soi que je cherche à défendre la Syrie, et c’est bien ce que je fais, et non à défendre mon siège.

Journaliste : voulez-vous encore négocier avec l’opposition ou bien pensez-vous être capable d’écraser militairement la rebellions ?

Monsieur le Président : Nous croyons totalement aux négociations et à l’action politique, et ce depuis le début de la crise. Cependant négocier ne signifie pas qu’on arrête de combattre le terrorisme. Deux volets sont indispensables en Syrie : Premièrement, celui de négocier, et deuxièmement, celui de frapper les terroristes. Le premier volet est indépendant du second.

Journaliste : Quel est votre commentaire sur la démission de Laurent FABIUS ? Pensez-vous que cela changera à la politique de la France à votre égard ? Est-il possible de faire un geste à l’égard de Paris, par exemple sur la lutte contre le terrorisme pour essayer de convaincre la France de changer d’attitude à votre égard ?

Monsieur le Président : Le changement de personnalités n’est pas vraiment d’une grande importance, c’est plutôt le changement des politiques qui compte. L’administration française a presque totalement changé entre Sarkozy et Hollande. Mais pour nous les politiques n’ont pas changé. Elles ont demeuré, des politiques de sabotage dans la région, directement à l’appui du terrorisme. Nous ne devons donc pas supposer que c’est le ministre des affaires étrangères qui est l’artisan des politiques. C’est plutôt tout l’Etat, et notamment le président de la république qui les conçoit. Pour ce qui est de la Syrie, je ne pense pas qu’elle doit faire un geste envers la France. C’est plutôt à la France d’agir pour combattre le terrorisme. Jusqu’à présent elle soutient politiquement les terroristes, et même les soutenait militairement dans certains cas. Il incombe à présent à la France d’adopter des politiques contraires, ou de changer de politiques pour combattre le terrorisme. Surtout que des centaines de Français ont payé de leurs vies ces politiques erronées.

Source : Sana, AFP, 12-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/al-assad-jusqua-present-la-france-soutient-politiquement-les-terroristes/


Le Rapport Anti-Empire N°140 Par William Blum

Sunday 14 February 2016 at 03:45

Source : William Blum, le 03/11/2015

Le Moyen-Orient vous déconcerte ? Voici quelques choses à savoir. (Mais vous serez probablement encore déconcertés.)

Pourquoi le gouvernement des États-Unis voue-t-il une telle haine au président Bachar al-Assad ?

Est-ce parce que, comme on nous le dit, c’est un dictateur sans scrupules ? Mais comment cela pourrait-il être la raison de cette haine ? Il serait difficile de citer une dictature sanguinaire de la seconde moitié du XXe siècle ou du XXIe siècle qui n’ait pas été soutenue par les É-U ; non seulement soutenue, mais, dans de nombreux cas, portée et maintenue au pouvoir à l’encontre des souhaits de la population ; à l’heure actuelle, la liste comprend l’Arabie saoudite, le Honduras, l’Indonésie, l’Egypte, la Colombie, le Qatar et Israël.

Les États-Unis, d’après moi, sont hostiles au gouvernement syrien pour la même raison qu’ils ont été hostiles à Cuba pendant plus d’un demi-siècle ; hostiles au Venezuela au cours de ces 15 dernières années, et avant au Vietnam, au Laos et au Cambodge ; et à la République Dominicaine, à l’Uruguay, et au Chili, et ainsi de suite à travers l’atlas du monde et les livres d’histoire.

Ce que ces gouvernements avaient en commun peut être résumé à un mot – indépendance… indépendance vis-à-vis de la politique étrangère des États-Unis ; refus d’être des clients de Washington ; refus d’être systématiquement hostiles aux “ennemis-officiellement-désignés-de-Washington” ; manque de déférence et de zèle envers le mode de vie capitaliste.

Socialisme démocratique

La candidature de Bernie Sanders, un “socialiste démocratique”, à la présidence des États-Unis a généré dans les médias américains une abondance sans précédent de discussions sur ce qu’est cette chose appelée “socialisme”. L’essentiel de la discussion se concentre sur la question de la propriété et du contrôle étatiques de l’économie, opposés à la propriété et au contrôle privés. Ceci est, bien entendu, une très vieille question ; la base même de la compétition idéologique de la guerre froide.

Ce qui diffère notablement à présent, c’est que plusieurs siècles de libre entreprise débridée ont fini par mettre à nu, dans la douleur, la nature fondamentalement antisociale du capitalisme, forçant bon nombre de ses adeptes, même les plus sincères et engagés, à reconnaître le préjudice inhérent que ce système impose à la vie de tous, à l’exception des plus riches.

Mais quoi que leur dise leur intellect, ces sincères adeptes ont encore beaucoup de difficultés, émotionnellement parlant, à totalement couper le cordon d’avec ce système dans la plus grande foi duquel ils ont été soigneusement élevés. Ainsi, ils peuvent finalement concéder que nous devons éliminer, ou du moins strictement réduire le rôle de la recherche du profit dans le domaine de la santé et de l’éducation et peut-être dans un ou deux autres besoins sociaux indispensables, mais ils insistent pour que le gouvernement tienne ses mains bureaucratiques aussi loin que possible de tout le reste ; ils préfèrent un maximum de décentralisation.

L’alternative la plus communément proposée au contrôle étatique ou privé est le modèle des coopératives détenues par les travailleurs ou des entreprises détenues publiquement et gérées par des représentants des travailleurs et des consommateurs. Sanders a exprimé son soutien aux coopératives détenues par les travailleurs.

Il y a beaucoup à dire sur de tels systèmes, mais le problème, je trouve, est qu’ils fonctionneront toujours dans une société capitaliste, ce qui signifie concurrence, survie des plus forts ; ce qui signifie que si vous ne pouvez pas vendre plus que vos concurrents, si vous ne pouvez pas faire un bénéfice net suffisant sur vos ventes, votre affaire tombera assez probablement en faillite ; et pour éviter un tel sort, vous pouvez, à un certain point, tout à fait être forcés de faire des choses illégales ou immorales contre le public ; ce qui signifie revenir en arrière à la situation présente.

Vous ne pouvez pas suivre les mass-médias sans être confronté quotidiennement à l’histoire répétitive d’une société ou d’une autre essayant d’escroquer le public d’une façon ou d’une autre ; le dernier cas flagrant étant celui du très populaire Volkswagen, dont la manipulation de la mesure d’émissions polluantes des automobiles a été récemment révélée. Le fait que la moitié du conseil de surveillance de l’entreprise – responsable du contrôle de la gestion et de l’approbation des décisions importantes de l’entreprise – consiste en représentants du personnel élus par les salariés n’a pas empêché cette fraude flagrante ; l’entreprise est toujours obligée de s’efforcer de maximiser le bénéfice et la valeur de bourse de la société. C’est la nature du fauve entreprise dans une jungle capitaliste.

C’est seulement en supprimant le mobile du profit qu’on corrigera de tels comportements, et aussi qu’on nous évitera de nous noyer dans une mer de publicités et sous les sonneries de mon téléphone qui appelle plusieurs fois par jour pour me vendre des choses dont je n’ai pas besoin et dont on pourrait même douter qu’elles existent.

Le marché. Comment pouvons-nous déterminer la juste valeur, le juste prix des biens et des services sans “la magie des marchés” ? Prenons une chose que la plupart des gens ont à payer – le loyer. Qui ou quoi a conçu ce système dans lequel, en 2015, 11,8 millions de ménages aux États-Unis payent plus de 50 pour cent de leurs revenus pour avoir un toit sur la tête, alors qu’on considère qu’un loyer n’est abordable que si sa valeur n’excède pas 30 pour cent des revenus. [3] Quel est le sens de tout cela ? Cela cause plus de privation que n’importe quelle autre dépense que les gens doivent assumer ; toutes sortes de besoins importants restent à combler à cause de l’obligation de payer un montant énorme pour le loyer chaque mois ; c’est la cause principale de perte de domicile. Qui en bénéficie à part les propriétaires ? Qu’y a-t-il de magique là-dedans ?

Au-delà de toute autre considération, il y a le changement climatique ; i.e., la survie de la planète, notre qualité de vie. Qu’est-ce qui empêche les corporations de modifier leur comportement afin d’être plus favorables à notre environnement ? C’est bien sûr encore et toujours le bon vieux “bénéfice net”. Que peut-on faire pour convaincre les corporations de se comporter systématiquement comme de bons citoyens ? Rien qui n’a pas déjà été essayé et qui n’a pas déjà échoué. Excepté une chose. Un tabou pour une société capitaliste. La nationalisation. Voilà, je l’ai dit. Maintenant je vais recevoir des lettres qui vont me traiter de “vieux staliniste”.

Mais la nationalisation n’est pas la panacée non plus, du moins pour l’environnement. Voyez la plus grande source à elle seule de dégâts environnementaux au monde : l’armée des États-Unis. Et elle a déjà été nationalisée. Mais en se débarrassant des corporations privées, on freinerait la marche vers l’impérialisme, suffisamment pour qu’en peu de temps la nécessité d’une armée s’évanouisse et que nous puissions vivre comme au Costa Rica. Si vous pensez que cela exposerait les États-Unis au danger d’une attaque, s’il vous plait dites-moi qui attaquerait et pourquoi.

La plupart des Américains, comme les populations des autres pays développés, vénèrent le capitalisme avec lequel ils ont été élevés. Vraiment ? Lisez le chapitre de mon livre l’État Voyou : Un Guide de l’Unique Superpuissance Mondiale” : “Les États-Unis envahissent, bombardent, et tuent au nom de la  libre entreprise mais les Américains y croient-ils réellement ?” Écrits en 2000/2005, les exemples donnés dans ce chapitre peuvent avoir besoin d’une mise à jour, mais les idées exprimées sont plus pertinentes que jamais.

La nationalisation, de pair avec un projet de société, n’exclurait pas des élections bien entendu. Au contraire, nous aurions des élections qui ne seraient pas dirigées par l’argent. Quelle bouffée d’air frais. Le Professeur Cornel West a suggéré qu’il devenait difficile de seulement imaginer à quoi ressemblerait une société démocratique et libre, sans grande concentration de pouvoir corporatif, ou d’imaginer comment elle fonctionnerait.

Qui allez-vous croire ? Dick Cheney ou moi ?

J’ai passé à peu près 30 ans à rassembler les détails des dossiers criminels de la politique étrangère américaine pour en faire des listes concises, et je suis toujours en train de chercher des occasions pour présenter les informations à de nouveaux lecteurs. Le nouveau livre de Dick Cheney et de sa fille idolâtre est tout bonnement l’occasion.

“Nous sommes, c’est une question de fait empirique et d’histoire incontestable, la plus grande force du bien que le monde ait jamais connu. … La sécurité et la liberté de millions de gens autour du globe ont dépendu de la force américaine en termes militaire, économique, politique et diplomatique.” – Dick Cheney et Liz Cheney, “Pourquoi le monde a besoin d’une Amérique puissante”

Bon… Rien à part une transplantation de cerveau et d’âme ne changerait les convictions du Dr Folamour et de sa progéniture méticuleusement conditionnée, mais pour vous tous là-bas qui êtes encore en vie dans un monde de faits, de logique, de droits de l’homme et d’empathie humaine, voici l’arme à utiliser s’il vous arrivait de vous retrouver piégé par l’étreinte de gens comme ces reptiles de Cheney (dont la mère, Lynne, qui a une fois mis en ligne un site web dans l’unique but de nous attaquer, moi-même et sept autres personnes, pour avoir tenu un séminaire le 18 septembre 2001 pendant lequel nous avons parlé de la politique étrangère américaine comme étant la principale provocation de ce qui était arrivé une semaine plus tôt).

Voici les listes :

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont :

Lettre ouverte aux politiciens va-t-en guerre du monde

Jürgen Todenhöfer est journaliste allemand et ancien directeur de média ; de 1972 à 1990 il a été membre du parlement pour les Démocrates Chrétiens (CDU). Il était l’un des plus ardents supporters allemands des moudjahidines soutenus par les É-U et de leur guérilla contre l’intervention soviétique en Afghanistan. A plusieurs reprises, il a voyagé dans les zones de combat au côté des groupes moudjahidines afghans. Après 2001 Todenhöfer est devenu un critique véhément des interventions américaines en Afghanistan et en Irak. Il a publié plusieurs livres sur les visites qu’il a faites dans les zones de guerre. Au cours de ces dernières années, il a interviewé deux fois le président de la Syrie Bachar el-Assad et en 2015 il a été le premier journaliste allemand à séjourner  dans “l’État islamique”.

Chers Présidents et Chefs de gouvernements !

Durant des décennies d’une politique de guerre et d’exploitation, vous avez plongé des millions de gens dans la misère au Moyen-Orient et en Afrique. A cause de vos politiques, des réfugiés ont dû s’enfuir à travers le monde entier. Un réfugié sur trois en Allemagne vient de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan. Un réfugié sur cinq vient d’Afrique.

Vos guerres sont aussi la cause du terrorisme mondial. Au lieu d’une centaine de terroristes internationaux comme il y a 15 ans, nous sommes maintenant face à plus de 100 000 terroristes. Votre cruauté cynique nous frappe maintenant comme un retour de boomerang.

Comme d’habitude, vous n’envisagez même pas de réellement changer votre politique. Vous ne vous préoccupez que des symptômes. La situation sécuritaire devient chaque jour plus dangereuse et plus chaotique. Toujours plus de guerres, plus de vagues de terreur et plus de crises migratoires, voilà ce qui définira l’avenir de notre planète.

Même en Europe, car la guerre frappera un jour à la porte de l’Europe. N’importe quel homme d’affaires qui agirait comme vous serait licencié ou en prison à l’heure qu’il est. Vous êtes de parfaits ratés.

Les populations du Moyen-Orient et d’Afrique, dont vous avez détruit et pillé les pays, et les peuples d’Europe, qui accueillent maintenant les innombrables réfugiés désespérés, doivent payer le prix fort de vos politiques. Mais vous vous en lavez les mains et vous fuyez vos responsabilités. Vous devriez passer en jugement devant la Cour Criminelle Internationale. Et chacun de vos partisans politiques devrait prendre réellement soin d’au moins 100 familles de réfugiés.

En fait, les peuples du monde devraient se lever et entrer en résistance contre vous, bellicistes et exploiteurs que vous êtes. Comme l’a fait une fois Gandhi – dans la non-violence, dans la “résistance passive”. Nous devrions créer des mouvements et des partis. Des mouvements pour la justice et l’humanité. Faire la guerre aux autres pays est tout aussi punissable que le meurtre et l’homicide involontaire dans son propre pays. Et vous qui êtes responsables de la guerre et de l’exploitation des gens, vous devriez aller en enfer pour toujours. Ça suffit ! Allez-vous faire voir ! Sans vous, le monde serait bien meilleur.

Jürgen Todenhöfer [5]

Plus ça change, plus c’est la même chose [En Français dans le texte, NdT]

Le vote annuel à l’assemblée générale des Nations Unies vient de se tenir sur la résolution suivante : “Nécessité de mettre fin à l’embargo économique, commercial et financier imposé par les États-Unis d’Amérique contre Cuba”.

Cette année enregistre un nouveau record de votes “oui”, avec l’ajout des Iles Marshall et des Palaos (qui jusqu’ici avaient voté “non” ou s’étaient abstenues) et de la Micronésie (qui s’était toujours abstenue). Ces trois pays ont tous établi des relations diplomatiques avec Cuba plus tôt dans l’année, ce que bien sûr les États-Unis ont également fait mais sans que Washington ne change quoi que ce soit à son vote. Voici ce qu’ont donné les votes par le passé (sans inclure les abstentions) :

 

 

Chaque automne, le vote des Nations unies nous rappelle agréablement que le monde n’a pas totalement perdu la tête et que l’empire américain ne contrôle pas complètement l’opinion des autres gouvernements. La vraie raison à l’éternelle hostilité de Washington envers Cuba n’a pas changé depuis la révolution de 1959 – la peur d’un bon exemple ; la peur d’une alternative au modèle capitaliste ; une peur qui s’est confirmée à maintes reprises au fil des années, alors que beaucoup de pays du tiers-monde ont exprimé leur admiration et leur gratitude envers Cuba.

Comment l’embargo a-t-il commencé : le 6 avril 1960, Lester D. Mallory, député américain, Secrétaire d’État adjoint aux affaires inter-américaines, écrivit dans une note interne : “La majorité des Cubains soutiennent Castro… Le seul moyen que l’on peut envisager pour aliéner le soutien intérieur réside dans la désillusion et le mécontentement provoqués par l’insatisfaction économique et la précarité. Tout moyen possible devrait être mis en œuvre rapidement pour affaiblir la vie économique de Cuba.” Mallory proposa “une ligne d’actions qui… réalise les plus grandes attaques en terme de privation d’argent et de fournitures à Cuba, afin de diminuer les salaires nominaux et réels, pour provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement.” [6]

Plus tard cette année-là, l’administration Eisenhower a institué son embargo pour étouffer son éternel ennemi.

Rien de réellement important n’a changé récemment. La prison Guantánamo existe encore dans toute sa splendeur et sa torture impérialistes. Les É-U n’ont pas renoncé à leur politique de “changement de régime” vis à vis de Cuba. Sur les indemnités de compensation dues à Cuba s’élevant à presque mille milliards de dollars, pas un sou n’a été payé. Washington a récemment menacé de revenir sur le statut d’exonération fiscale de IFCO/Pasteurs pour la paix, l’un des groupes partisans de Cuba les plus respectés et expérimentés. Je ne peux toujours pas aller à Cuba en touriste, ni présenter l’un de mes livres à un salon du livre cubain (dont on m’a bloqué l’accès par le passé). Et les États-Unis ne relâchent toujours pas leur emprise mortelle sur l’embargo en continuant, entre autres choses, à interdire la vente de médicaments à Cuba.

Note aux lecteurs

Certains d’entre vous m’ont fait remarquer que “Killing Hope” (Tuer l’espoir) était indisponible en magasins, régulièrement en rupture sur Amazon, et souvent en rupture chez moi. C’est parce que l’un des directeurs de la publication du livre, Common Courage (Maine), et son éditeur Greg Bates, ont bloqué la publication et la distribution du livre par un nouvel éditeur américain. Common Courage est de fait en cessation d’activité mais refuse de voir les choses en face. Bates a volé des royalties que m’avait envoyées mon éditeur anglais par l’intermédiaire de Common Courage. Ce voleur a, entre autres, annulé mon contrat avec Common Courage. C’est compliqué, mais je me sens obligé de donner quelques explications à ceux d’entre vous qui ne sont pas arrivés à trouver un exemplaire de mon livre.

Notes

[1] The Independent (London), March 18, 2015

[2] The Wikileaks Files: The World According to US Empire (2015), Introduction by Julian Assange, chapter 10

[3] Newsweek, September 21, 2015

[4] William Blum, Rogue State: A Guide to the World’s Only Superpower (2005), Chapter 18

[5] Voir Jürgen Todenhöfer Facebook et website. Quelques corrections mineures d’orthographe et de grammaire ont été faites.

[6] Department of State, Foreign Relations of the United States, 1958-1960, Volume VI, Cuba (1991), p.885

Source : William Blum, le 03/11/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-rapport-anti-empire-n140-par-william-blum/


Les États-Unis estiment que la Russie a jusqu’à présent atteint ses objectifs en Syrie à un coût supportable, par Jonathan Landay

Sunday 14 February 2016 at 02:15

Source : Reuters, le 28/12/2015

WASHINGTON | Par Jonathan Landay et Warren Strobel

La campagne de Poutine en Syrie portant ses fruits (01:41)

Après trois mois d’intervention militaire en Syrie, le président russe Vladimir Poutine a atteint son objectif principal de stabiliser le gouvernement Assad et, à coûts relativement faibles, pourrait soutenir ce niveau d’engagement militaire durant des années, estiment des membres du gouvernement des États-Unis et des analystes militaires.

Cette estimation contredit des affirmations publiques du président Barack Obama et de ses proches collaborateurs selon lesquelles Poutine se serait embarqué dans une mission mal conçue de soutien au président syrien Bachar el-Assad qu’il aura du mal à financer et qui échouera probablement.

“Je pense qu’il n’est pas discutable que le régime d’Assad, avec l’aide militaire russe, est probablement dans une situation plus sûre qu’il ne l’a été,” déclare un haut fonctionnaire qui a demandé l’anonymat. Cinq autres fonctionnaires américains interviewés par Reuters reconnaissent également que la mission russe a été jusqu’à présent plutôt couronnée de succès et coûte relativement peu cher.

Les fonctionnaires américains soulignent que Poutine pourrait avoir de sérieuses difficultés, si son engagement dans la guerre civile, qui a débuté il y a plus de quatre ans, s’éternisait.

Pourtant depuis le début de sa campagne le 30 septembre, la Russie a essuyé un minimum de pertes et, malgré quelques difficultés fiscales domestiques, supporte facilement le coût de l’opération, que les analystes estiment de 1 à 2 milliards de dollars par an. La guerre est financée par le budget annuel régulier de la défense russe d’environ 54 milliards de dollars, a déclaré un fonctionnaire du renseignement des États-Unis.

Cette dépense, selon des analystes et des fonctionnaires, reste sous contrôle en raison de la chute des prix du pétrole qui, tout en affaiblissant l’économie générale de la Russie, a aidé à la compression du budget de la défense en réduisant les coûts de ravitaillement des avions et des navires. La Russie a également pu exploiter un stock de bombes conventionnelles datant de l’époque soviétique.

Poutine a déclaré que son intervention est destinée à stabiliser le gouvernement d’Assad et à l’aider à combattre l’ÉI, bien que des fonctionnaires occidentaux et des membres de groupes syriens de l’opposition affirment que ses frappes aériennes ont essentiellement visé les rebelles modérés.

Les partenaires syriens et iraniens de la Russie ont obtenu peu de gains territoriaux majeurs.

L’intervention de Poutine a cependant stoppé la dynamique de l’opposition, permettant aux forces pro-Assad de mener leur offensive. Avant l’intervention militaire de la Russie, selon des fonctionnaires américains et occidentaux, le régime d’Assad semblait de plus en plus menacé.

Plutôt que repousser l’opposition, la Russie pourrait se contenter de défendre l’emprise d’Assad sur les zones de peuplement les plus importantes, qui comprennent le fief de sa secte minoritaire alaouite, selon le fonctionnaire du renseignement américain.

La Russie profite de l’opération pour tester de nouvelles armes en situation de combat et les intégrer à sa tactique, a déclaré le fonctionnaire du renseignement. Elle fait progresser son utilisation de drones de surveillance non armés, a-t-il ajouté.

“Les Russes ne se sont pas engagés à l’aveuglette là-dedans,” a dit le fonctionnaire du renseignement, ajoutant qu’”ils tirent un certain bénéfice de leurs dépenses.”

Un bourbier ?

L’intervention de la Russie semble également avoir renforcé sa position à la table de négociation. Ces dernières semaines, Washington a coopéré plus étroitement avec la Russie dans la recherche d’un règlement du conflit et a fait marche arrière sur l’exigence d’un départ immédiat d’Assad comme composante de toute transition politique.

Obama a suggéré ce mois encore que Moscou soit entraînée dans une aventure extérieure qui épuisera ses ressources et dans laquelle son armée s’embourbera.

“Une tentative de la part de la Russie et de l’Iran de soutenir Assad et de pacifier la population aura pour seul effet de les plonger dans un bourbier et sera inopérante,” a déclaré Obama le 2 octobre.

Le 1er décembre, il a évoqué la perspective d’une Russie progressivement “embourbée dans une guerre civile sans issue et paralysante.”

Le haut fonctionnaire gouvernemental a nié toute contradiction entre les propos d’Obama et les déclarations privées faisant état d’un relatif succès jusqu’à présent de la campagne russe.

“Je pense que le président voulait dire… que ce ne sera pas un succès à long terme,” a déclaré le fonctionnaire. Les Russes “se sont retrouvés ligotés dans une guerre civile d’une manière telle qu’il leur sera extrêmement difficile de s’en extraire.”

Les fonctionnaires américains n’ont pas ouvertement précisé ce qu’un bourbier signifierait pour la Russie. Mais Obama a évoqué la désastreuse occupation une décennie durant de l’Afghanistan par l’Union Soviétique à partir de 1979.

Les responsables américains disent que l’empreinte militaire russe est relativement légère. Elle inclut une ancienne base navale à Tartous, une grande base aérienne à côté de la cité portuaire de Lattaquié, une autre en cours de développement près de Homs et plusieurs postes de moindre importance.

On estime à 5 000 le nombre de Russes présents en Syrie, en comptant les pilotes, les équipes au sol, les services de renseignement, les unités de sécurité protégeant les bases russes et les conseillers militaires des troupes gouvernementales syriennes.

La Russie a perdu un long-courrier dans l’attentat revendiqué par l’ÉI en Égypte qui a tué 224 personnes, et un bombardier supersonique Su-24 abattu par les Turcs. Elle se retrouve également alliée à une armée syrienne épuisée qui manque d’hommes et doit affronter des rebelles appuyés par les États-Unis utilisant des missiles anti-tanks.

“C’est une corvée,” a indiqué le fonctionnaire du renseignement, ajoutant qu’en termes de gains territoriaux, “je pense que les Russes n’en sont pas là où ils l’espéraient.”

Les pertes russes en Syrie ont été relativement faibles, se montant officiellement à trois morts. Les fonctionnaires américains estiment que la Russie pourrait avoir perdu jusqu’à 30 hommes en tout.

Vasily Kashin, un analyste installé à Moscou, a dit que la guerre ne représentait pas un stress économique pour la Russie.

“Toutes les données disponibles nous montrent que le niveau actuel d’implication militaire est complètement insignifiant pour l’économie et le budget russes,” a déclaré Kashin, du Centre d’Analyses des Stratégies et Technologies.

“Elle peut être poursuivie au même niveau année après année,” a-t-il ajouté.

(Informations complémentaires de Jason Bush à Moscou et Phil Stewart à Washington. Publication par Stuart Grudgings.)

 

Image extraite d’une vidéo publiée par le ministère russe de la défense le 25 décembre 2015, montrant des frappes aériennes russes touchant des véhicules insurgés qui, selon le ministère, transportaient du pétrole, dans un endroit non précisé en Syrie.

REUTERS/RUSSIAN DEFENCE MINISTRY/HANDOUT VIA REUTERS

Source : Reuters, le 28/12/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/les-etats-unis-estiment-que-la-russie-a-jusqua-present-atteint-ses-objectifs-en-syrie-a-un-cout-supportable-par-jonathan-landay/


[Psychiatrie] La stratégie de Laurent Fabius pour décrocher le prix Nobel de la Paix, par Vincent Jauvert

Sunday 14 February 2016 at 00:45

Que des diplomates et journalistes s’imaginent ça en dit long sur le degré d’irréalisme et de délire (ou a contrario de corruption ?) du système…

Source : Le Nouvel Obs, Vincent Jauvert, 11-02-2016

C’est pour tenter d’obtenir la prestigieuse récompense à l’automne 2016 que l’ex-ministre des Affaires étrangères veut rester président de la COP 21 tout en assurant la direction du Conseil Constitutionnel

Laurent Fabius, à la sortie du conseil des ministres le 10 février 2016 (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Son entourage en est convaincu : Laurent Fabius, dont la nomination au Conseil Constitutionnel a été annoncée ce mercredi matin 10 février par l’Elysée, espère décrocher le Prix Nobel de la paix 2016 pour son action en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Cela explique pourquoi il tient absolument – drôle de mélange des genres… – à conserver son titre de président de la COP21, fonction à laquelle il a été élu par acclamation lors de la séance d’ouverture le 30 novembre dernier au Bourget.

Le Prix Nobel viendrait comme le couronnement international de la carrière d’un homme d’Etat programmé pour être président de la République. Au Quai, il a d’abord espéré laisser une trace dans l’Histoire  en inventant un nouveau concept géostratégique, une formule pour décrire les nouveaux rapports de force mondiaux, comme en son temps Hubert Védrine a popularisé l’expression d”hyper puissance” pour décrire la domination américaine durant les années 90. Il n’y est pas parvenu.

“J’irai jusqu’au bout”

Laurent Fabius a réussi à marquer durablement la diplomatie française en prenant ses distances d’avec les Etats-Unis sur le dossier du nucléaire iranien. On se souvient de son “coup de gueule” à Genève en novembre 2013 pour dénoncer le projet d’accord entre Téhéran et Washington que le secrétaire d’Etat John Kerry a essayé d’imposer aux cinq puissances parties à la négociation. Mais cette sortie du ministre français restera comme un coup d’éclat – pas comme un manifeste historique : elle n’a pas la force du discours que Dominique de Villepin a prononcé à l’ONU en février 2003 pour dénoncer la “guerre préventive” de George Bush en Irak.

Contre toute attente, c’est donc la COP21, dont il ne voulait pas, et l’accord de Paris du 12 décembre 2015, qui donneront à Laurent Fabius l’occasion d’entrer, peut-être, dans le Panthéon international : le Prix Nobel de la paix, qu’il serait sans doute contraint de partager avec la Madame Climat de l’ONU, Christina Figueres (tous les deux recevront d’ailleurs ensemble le prix de la conférence de Munich, samedi 13 février). Mais comme rien n’est sûr, l’ex-chef de la diplomatie française tient à pouvoir continuer à faire campagne. Voilà pourquoi il veut conserver son titre de président de la COP21. “J’ai été élu à cette fonction internationale, personnelle et non-rémunérée, se justifiait-il en janvier au “JDD”. Elle n’est pas en cause, ni politiquement ni juridiquement. J’irai jusqu’au bout…”.

Au bout… pour continuer de voyager dans les grandes capitales mondiales et cela tant que la France présidera la COP, c’est-à-dire jusqu’en novembre 2016 quand le Maroc prendra le relais. Par chance, c’est à peu près à ce moment-là que le jury du Nobel désignera ses lauréats 2016…

Vincent Jauvert

Source : Le Nouvel Obs, Vincent Jauvert, 11-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/psychiatrie-la-strategie-de-laurent-fabius-pour-decrocher-le-prix-nobel-de-la-paix-par-vincent-jauvert/


Revue de presse internationale du 14/02/2016

Sunday 14 February 2016 at 00:20

En particulier cette semaine, face à une sévère recrudescence des positions anti-Russie dans les médias, une interview de Mikhaël Gorbatchev (en VF) sous le thème Géopolitique. De nombreux articles proposés en traduction. Pensez à postuler via le formulaire de contact du blog pour la revue ou le suivi de quelques comptes tweeters (5 anglophones, 1 francophone). Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-14022016/


Revue de presse du 13/02/2016

Saturday 13 February 2016 at 03:40

Avec notamment cette semaine en économie, l’Islande face au reste du monde ; Chomsky contre les républicains (américains) ; La Turquie entre chantage et déconvenues ; l’Irak ; et Snowden inquiet pour la France. Merci à nos contributeurs. Rejoignez-les : Nous recherchons en particulier un ou deux amateurs de tweeter pour suivre quelques comptes anglophones, vous pouvez postuler via le formulaire de contact du blog.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-13022016/


De quoi la Deutsche Bank est-elle le nom ?, par Romaric Godin

Saturday 13 February 2016 at 03:10

Source : La Tribune, Romaric Godin, 11/02/2016

Les difficultés de Deutsche Bank donnent le vertige. Mais de quoi sont-elles le symptôme ? (Crédits : © Kai Pfaffenbach / Reuters)

Le géant allemand inquiète les marchés et le monde économique. Colosse au pieds d’argile, elle est cependant surtout le symptôme de choix économiques et des carences de la gestion de la crise depuis 2007

L’anecdote pourrait faire sourire si les temps étaient plus légers. Mardi 9 février, à Paris, lors du 48ème Conseil économique et financier franco-allemand, le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble, qui vient de se dire « sans inquiétude » sur le sort de la Deutsche Bank, rejette à nouveau l’idée de la mise en place du « troisième pilier » de l’union bancaire, pour cause de manque de confiance dans les banques des pays du sud de l’Europe. « Il n’est pas possible d’avancer sur la solidarité si l’on n’a pas la stabilité des banques », proclame alors le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, sous les approbations du ministre français des Finances, Michel Sapin.

L’effondrement de Deutsche Bank

Au même moment, pourtant, l’action de la première banque allemande plonge pour atteindre son plus bas niveau historique. C’est donc peu dire si le marché est en désaccord profond avec le ministre allemand. Ce jeudi, alors que le titre de l’établissement de Francfort a repris sa glissade, après une hausse de 14 % mercredi, le CDS (titres d’assurances contre le défaut) de Deutsche Bank évaluait à près de 20 % le risque d’une faillite dans les 5 ans. Un niveau digne des établissements les moins recommandables du sud de l’Europe.

La « culture de la stabilité »

Il y a, dans ce paradoxe, toute l’ambiguïté du rapport allemand à l’Europe. D’un côté, la volonté affichée de transmettre à l’ensemble de la zone euro, la Stabilitätskultur, la « culture de stabilité » dont la presse conservatrice d’outre-Rhin ne cesse de regretter l’absence au sud du continent. Et de l’autre, cette culture a précisément donné naissance à des monstres financiers qui, régulièrement, mettent en péril régulièrement l’économie européenne. Car Deutsche Bank n’est pas un cas isolé : le secteur financier allemand – et européen qui dépend aussi de cet excédent – est un colosse aux pieds d’argile, et ce fait est en grande partie le fruit du modèle économique allemand dit de « stabilité. »

Qu’est-ce donc que cette « culture de la stabilité » ? Elle repose principalement sur une inflation contenue, clé pour une croissance réduite des salaires. Ceci induit une demande intérieure faible et une amélioration de la compétitivité externe qui favorise la croissance des exportations. Autrement dit, la « culture de stabilité » se traduit dans les faits par une explosion des excédents commerciaux et des excédents courants. Car tout réemploi de ces excédents dans la demande intérieure risque de stimuler la demande intérieure, donc l’inflation. Ce modèle génère donc mécaniquement des excédents considérables. Aussi peut-on constater que l’application de ce modèle à la zone euro a conduit cette dernière à augmenter de 10 milliards d’euros l’excédent courant de l’union monétaire qui atteint désormais 3 % de son PIB.

L’emploi de l’excédent allemand

Le problème réside alors dans le réemploi de cet excédent. Traditionnellement, les banques mutualistes et les caisses d’épargne locales, utilisaient l’essentiel de ces revenus des exportations devenus dépôts pour financer le développement du Mittelstand, ces PME exportatrices qui forment le fer de lance de l’industrie allemande, et l’économie locale. Le reste servait souvent à financer les participations croisées de l’industrie et de la finance (un système connu sous le nom de Deutschland AG, « Allemagne SA »). Mais dans les années 1990, ce modèle s’épuise avec la mondialisation. Avec les réformes Schröder et le ralentissement de l’investissement public, les excédents allemands (l’excédent des comptes courants de l’Allemagne dépasse 8 % du PIB) se sont encore élargis. L’investissement dans les activités servant la demande intérieure est devenu moins rentable, tandis que l’amélioration de la compétitivité coût rendait l’investissement dans les produits servant la demande externe moins urgent. Que faire alors de ces excédents ?

Les promesses de Deutsche Bank

La réponse est devenue simple : au début des années 2000, la dérégulation et la mondialisation financières offraient des opportunités immenses. Et les banques d’affaires allemandes, à commencer par la Deutsche Bank, proposaient des rendements alléchants. Le patron de cette banque de 2006 à 2012, le suisse Josef Ackermann promet des rendements de 25 % (ce qui lui vaudra en 2011 le titre de « banquier le plus dangereux du monde » de la part de l’ancien chef économiste du FMI Simon Johnson). Ses concurrents, Commerzbank et Dresdner Bank rivalisent pour offrir des rendements à deux chiffres. Les banques régionales, les Landesbanken, ne sont pas en reste, d’autant qu’elles bénéficient de leurs liens avec les autorités locales et les caisses d’épargne. Dans ces conditions, pourquoi irait-on investir sur des projets de long terme en Allemagne avec des rendements faibles et incertains ?

Pour remplir leurs engagements, les banques allemandes investissent à tout va dans ce qui rapporte le plus. Et qui, donc, est le plus risqué. Les subprimes aux Etats-Unis, bien sûr, mais aussi l’immobilier irlandais et espagnol ou la dette publique grecque. Les milliards des excédents allemands viennent alimenter des bulles qui explosent les unes après les autres entre 2007 et 2010. Parfois, on n’hésite pas à franchir certaines limites. Deutsche Bank, là encore, est en première ligne, comme les nombreux scandales, du Libor au financement illicite des pays sous embargo étasunien dans lesquels elle a été condamnée, l’a montré.

Les banques allemandes, parmi les plus exposées après 2008

Lorsque la crise financière survient, le secteur financier allemand est clairement un des plus exposés. Et ce n’est pas un hasard. L’Etat fédéral doit oublier ses principes (qu’au besoin il a pourtant utilisé lorsque cela l’arrangeait dans les autres pays de la zone euro) : il vient au secours des banques. Commerzbank et Dresdner Bank fusionnent en janvier 2009 grâce au renflouement de Berlin qui prend 25 % du capital de la nouvelle entité. En juin 2009, la banque Hypo Real Estate, de taille équivalente à Lehman Brothers, est nationalisée – une première en Allemagne depuis 1932 – en urgence, après l’expropriation manu militari de ses actionnaires privés, et démantelée. Parallèlement, les banques régionales allemandes sont renflouées par les Länder, à coup de dizaines de milliards d’euros, tandis que WestLB, trop mal en point, sera démantelée aux frais de l’Etat fédéral. En tout, plus de 200 milliards d’euros de garanties sur les actifs « toxiques » ont été émises par l’Etat fédéral via son fonds, la SoFFin.

Deutsche Bank sauvée ?

Ce sauvetage a permis de réduire la facture de la crise pour la Deutsche Bank, qui n’a pas fait appel directement à l’Etat. D’autant que, fortement exposée aux dettes périphériques, elle a bénéficié de l’appui du gouvernement allemand et de la BCE qui ont tout fait pour éviter une restructuration de la dette irlandaise, et ont repoussé suffisamment celle de la dette grecque pour que la Deutsche Bank puisse vendre ses titres (en grande partie, du reste, à la BCE, dans le cadre du programme appelé SMP en 2010-2011). Dernier élément : en 2009, l’Etat fédéral offre à la Deutsche Bank la filiale bancaire de la poste allemande, la Postbank pour un prix très raisonnable. Une façon de récupérer du cash en pleine crise pour le géant bancaire qui va cependant tant malmener cette filiale qu’elle va devoir en déprécier de moitié la valeur. Ainsi, la Deutsche Bank a été maintenue en activité, alors même que les excédents allemands continuaient à progresser.

Aveuglement des autorités

La Deutsche Bank a donc été indirectement sauvée par les Etats de la zone euro. Elle est donc restée cette immense machine à recycler les excédents allemands. Certes, sur les marchés, tout le monde sait depuis longtemps qu’il existe un problème Deutsche Bank. D’autant que l’établissement a été rattrapé par la justice pour ses activités indélicates et a dû provisionner 5,2 milliards d’euros pour ses futures pénalités, mais uniquement sur ce qui est connu. Mais tout le monde a feint de l’ignorer. La banque a donc passé sans difficulté les différents stress tests et autres revues de la qualité des actifs, dont on rappellera cependant que les ratios sont calculés sur des risques « pondérés » et non sur des montants réels. Une bonne façon, donc, de fermer les yeux en se donnant bonne conscience. La responsabilité de la crise de cette banque francfortoise aujourd’hui n’est donc pas que celle de ses dirigeants actuels, mais aussi de ceux du passé et des responsables politiques allemands et européens. Bref, Wolfgang Schäuble, ministre des Finances depuis 2009, sait fort bien que Deutsche Bank est une menace pour la « stabilité », sans doute autant que les banques italiennes.

Le risque de spirale

Tenue artificiellement hors de l’eau, Deutsche Bank voit sa situation se compliquer cependant de plus en plus, notamment avec ses problèmes judiciaires. La réaction de l’établissement a été récemment, comme le souligne dans une analyse récente la journaliste de Forbes Frances Coppola, de prendre davantage de risques pour renforcer la rentabilité de ses divisions les plus rentables. Or, plus de risque signifie plus de besoins en capitaux, mais plus de risque signifie aussi plus de méfiance des investisseurs. Deutsche Bank semble donc piégée. Il est bien difficile de croire qu’elle est « solide comme un roc » comme le prétend John Cryan, un de ses co-présidents. En effet, avec 220 milliards d’euros de réserves, un accès au marché désormais compromis et un bilan de 1.626 milliards d’euros, la banque allemande pourrait être contrainte de convertir en avril ses fameuses « Coco » (obligations convertibles) en actions dévalorisées. Ce serait alors la réalisation des craintes du marché : la perte complète de crédibilité de la banque.

Quelle crise ?

Aujourd’hui, la Deutsche Bank fait trembler les marchés. Elle a le potentiel d’être un nouveau Lehman Brothers à l’européenne. Mais il ne fait aucun doute aux acteurs du marché que Berlin ne la laissera pas aller à la faillite. Il y aura alors sauvetage de la Deutsche Bank. Mais comment renflouer un tel colosse ? L’union bancaire interdit les renflouements directs par l’Etat, mais l’Allemagne acceptera-t-elle de faire payer les créanciers et les déposants de Deutsche Bank ? Entre sauver l’union bancaire et sauver son modèle économique, le choix devrait être rapide. On cherche cependant d’autres solutions. La dernière rumeur de marché veut que la BCE rachète des titres bancaires… Le gouvernement allemand, si opposé aux rachats de titres par la banque centrale, y trouverait soudain un certain charme. La « culture de la stabilité » serait alors bien oubliée…

Deutsche Bank, ce symptôme

Reste une question : comme on l’a vu, Deutsche Bank n’est qu’un symptôme : celui d’un modèle économique néfaste et dangereux, mais pourtant érigé en référence dans la zone euro. Et celui d’un système financier européen qui n’a pas été aussi maîtrisé qu’on le croyait et qui continue à s’appuyer sur la garantie implicite des Etats. Si l’on en finit avec Deutsche Bank, une autre banque prendra le relais. La menace sur la stabilité n’est pas toujours où Wolfgang Schäuble et Jens Weidmann voudraient qu’elle soit. Tant que les excédents allemands ne se réduiront pas, c’est la stabilité économique de l’Europe qui sera en danger.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 11/02/2016

Source: http://www.les-crises.fr/de-quoi-la-deutsche-bank-est-elle-le-nom-par-romaric-godin/