les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

Kerry invité à donner des preuves sur le vol MH-17

Monday 8 February 2016 at 02:00

Source : Consortiumnews.com, le 21/01/2016

Le 21 janvier 2016

Exclusif : Le père d’un jeune américain qui est mort à bord du vol 17 de la Malaysia Airlines insiste pour que le Secrétaire d’État John Kerry fournisse la preuve de ses déclarations précoces selon lesquelles le gouvernement étatsunien possède des détails sur le tir du missile qui a tué 298 personnes, rapporte Robert Parry.

Par Robert Parry

Le père de Quinn Schansman, le seul citoyen américain à avoir trouvé la mort dans la chute du vol 17 de la Malaysia Airlines abattu au-dessus de l’est de l’Ukraine en 2014, a demandé au Secrétaire d’État John Kerry de fournir les informations étatsuniennes qu’il avait citées en déclarant qu’il avait une connaissance précise du lieu d’où le missile anti-aérien suspecté d’être à l’origine de la chute avait été tiré.

Un des mystères du cas MH-17 est le suivant : pourquoi les États-Unis – après avoir déclaré qu’ils possédaient l’information mettant en cause les rebelles prorusses et le gouvernement russe – ont-ils évité de la rendre public, ou même apparemment évité de la partager avec les enquêteurs néerlandais qui menaient l’enquête sur la manière dont l’avion a été abattu et sur qui était responsable.

 

Quinn Schansman, un citoyen à la double nationalité américaine et néerlandaise tué à bord du vol 17 de la Malaysia Airlines le 17 juillet 2014. (Photo issue de Facebook)

Quin Schansman, qui avait la double nationalité américaine et néerlandaise, embarqua sur le vol MH-17 avec 297 autres personnes pour un vol d’Amsterdam à Kuala Lumpur le 17 juillet 2014. Le jeune homme de 19 ans rejoignait sa famille pour les vacances en Malaisie.

Dans une lettre du 5 janvier 2016, Thomas J. Schansman, le père de Quinn, pointe une remarque de Kerry lors d’une conférence de presse du 12 août 2014, lorsque le Secrétaire d’État dit à propos du missile Buck anti-aérien suspecté d’avoir abattu l’avion : “Nous avons vu le lancement. Nous avons vu la trajectoire. Nous avons vu le choc. Nous avons vu cet avion disparaitre des écrans radar. Et donc il n’y a en réalité aucun mystère sur le lieu d’où il a été tiré ni sur l’origine de ces armes.”

Toutefois, le lieu d’où le missile a été tiré est resté un mystère lors de l’enquête sur le vol MH-17. En octobre dernier, lorsque le bureau de la sécurité néerlandais a rendu son rapport final sur la catastrophe, il ne parvenait à situer le lieu du tir que dans une zone de 320 kilomètres carrés dans l’est de l’Ukraine, territoire alors contrôlé à la fois par des forces ukrainiennes et rebelles. (Le bureau de la sécurité n’a pas cherché lequel des adversaires avait tiré le missile fatal.)

Entre-temps, Aimaz-Antey, le fabricant d’armes russe des systèmes Buck, a effectué ses propres expérimentations pour déterminer l’emplacement probable du tir, et l’a situé dans une zone beaucoup plus réduite près du village de Zaroshchenskoye, à environ 20 kilomètres à l’ouest de la zone retenue par le bureau de la sécurité néerlandais, et dans une zone sous contrôle du gouvernement ukrainien.

Quelques jours après la chute, Kerry et d’autres officiels autorisés américains pointèrent du doigt les rebelles prorusses qui résistaient alors à une offensive militaire du régime de Kiev soutenu par les É-U. Le gouvernement russe était alors accusé d’avoir supposément fourni aux rebelles un puissant système Buck anti-aérien capable de descendre un avion de ligne civil volant à 33 000 pieds (10 000 mètres).

Mais  – plus de 18 mois après la tragédie – le gouvernement des É-U n’a jamais rendu publique la preuve annoncée, alors que la Russie a démenti avoir fourni un système Buck aux rebelles et alors que les rebelles ont déclaré qu’ils ne possédaient pas de missiles Buck en état de fonctionner.

Un père angoissé

Thomas Schansman, qui vit en Hollande, a écrit à Kerry, en soulignant que “passer les fêtes de Noël et du Nouvel An sans mon fils, a été dur pour ma famille et moi-même” et en insistant auprès du Secrétaire d’État pour qu’il donne l’information américaine sur le sujet.

“Ce que je comprends, c’est que ni le gouvernement néerlandais ni le bureau de la sécurité néerlandais n’ont reçu officiellement l’information radar de la part des É-U à laquelle vous aviez fait référence. Elle n’est pas présente dans le rapport du bureau de la sécurité et n’est pas non plus du domaine public,” écrivait Schansman.

“Au nom des parents en deuil, et pour aider la recherche de la justice, je demande que les États-Unis fournissent au bureau de la sécurité néerlandais les informations radar auxquelles vous avez fait allusion dans votre conférence de presse et tout autre information disponible et pertinente (comme des données satellitaires et des données infrarouges) que votre gouvernement a en sa possession.

“Je vous serais très reconnaissant si les États Unis, directement ou par l’intermédiaire de l’OTAN, pouvaient publiquement transmettre au bureau de la sécurité néerlandais les enregistrements radar et satellite des minutes qui ont précédé et suivi la catastrophe… Cela permettrait au bureau de la sécurité de ré-ouvrir l’enquête et d’y inclure un chapitre relatif à cette information, laquelle est essentielle pour la réussite de la poursuite pénale. Je compte sur le soutien du gouvernement des États-Unis pour trouver et poursuivre les responsables de la mort de mon fils, votre concitoyen.”

Kerry n’a toujours pas répondu, mais un officiel consulaire américain, Pamela J. Hack, a envoyé à Schansman une lettre du 14 janvier exprimant ses condoléances pour la mort de son fils et disant : “J’espère que vous recevrez une réponse sous pli séparé… de Washington.”

Un jugement prématuré

Dans les jours qui ont suivi la chute de l’avion, Kerry se positionna en accusant les rebelles prorusses (et implicitement leurs soutiens à Moscou) d’avoir abattu le vol MH-17. Trois jours après la tragédie, Kerry fit le tour des plateaux d’émissions télévisées du dimanche avec des déclarations qui laissaient peu de doute sur la responsabilité des rebelles et des Russes.

Après avoir mentionné des informations glanées sur les “réseaux sociaux”, Kerry déclara au cours de l’émission de la NBC “Meet the Press” (Rencontre avec la Presse) : “Mais plus important encore, nous avons saisi l’image de ce lancement. Nous connaissons la trajectoire. Nous savons d’où il est parti. Nous connaissons le détail horaire. Et c’est exactement à ce moment que cet avion a disparu de l’écran radar.”

Deux jours plus tard, le 22 juillet 2014, le bureau du directeur du renseignement national fit connaître une “déclaration gouvernementale”, citant aussi “les réseaux sociaux” et semblant impliquer les rebelles. Puis ce document donnait la liste des équipements militaires supposément fournis par la Russie aux rebelles. Mais cette liste ne comprenait pas de batterie de missiles Buck ou d’autres puissants missiles anti-aériens.

Le directeur du renseignement national fit en sorte que des analystes du renseignement informent quelques reporters sélectionnés des médias importants, mais les analystes montrèrent bien moins de conviction que leurs mentors auraient pu l’espérer, soulignant qu’il y avait encore de très grosses incertitudes au sujet de la responsabilité du tir.

L’article du Los Angeles Times déclarait “les agences américaines de renseignement ont été jusqu’à présent incapables de définir la nationalité ou l’identité de l’équipe qui a lancé le missile. Des officiels américains ont déclaré qu’il était possible que le SA-11 (désignation du missile anti-aérien Buck de fabrication russe) ait été lancé par un transfuge de l’armée ukrainienne entraîné à utiliser de tels systèmes de missiles.”

L’incertitude des analystes corroborait partiellement ce que m’avait dit une source qui avait été informée par les analystes américains du renseignement peu après la chute de l’avion au sujet de ce qu’ils avaient pu voir sur des photos satellite de haute résolution, et qui selon eux montrait ce qui semblait être du personnel militaire ukrainien actionnant la batterie censée avoir tiré le missile.

La source qui m’a parlé plusieurs fois après avoir reçu des informations supplémentaires au sujet de l’avancement de l’enquête déclara qu’au fur et à mesure que les analystes américains obtenaient davantage d’éléments sur la chute du MH-17 de la part de sources techniques et autres, ils en venaient à penser que l’attaque avait été menée par des éléments voyous de l’armée ukrainienne, ayant des liens avec un oligarque extrémiste ukrainien. [Voir, par exemple, sur Consortiumnews.com "Flight 17 Shoot-Down Scenario Shifts" et "The Danger of an MH-17 Cold Case."]

Création d’un paria

Mais, officiellement, le gouvernement des É-U ne s’est jamais rétracté, ni n’a précisé ses déclarations initiales. Simplement il est resté silencieux, laissant la place à la croyance répandue que c’était des rebelles prorusses qui étaient responsables de ces atrocités et que le gouvernement russe avait été complètement irresponsable de fournir un puissant système Buck aux rebelles.

Les habitudes de pensée occidentales eurent tôt fait de convaincre l’Union Européenne de rejoindre le gouvernement des É-U en imposant des sanctions économiques à la Russie et en traitant le président Vladimir Poutine comme un paria international.

Pendant que le gouvernement des É-U accusait haut et fort et en même temps cachait les preuves qu’il disait détenir, il devint clair que les agences de renseignement des É-U n’avaient pas de preuves pour étayer la déclaration initiale de Kerry et son jugement précipité mettant en cause les rebelles et les Russes.

En dépit d’une surveillance aérienne intensive de l’est de l’Ukraine à l’été 2014, les É-U et d’autres services de renseignement occidentaux ne purent trouver de preuves que la Russie ait jamais fourni de système Buck aux rebelles ou en ait introduit dans la zone. Le renseignement satellite – examiné aussi bien avant qu’après la chute – ne détecte de système de missile Buck que relevant de militaires ukrainiens dans la zone de conflit.

On pourrait être conduit à la même conclusion du fait que le directeur du renseignement national, le 22 juillet 2014, n’ait pas avancé que des missiles Buck figuraient parmi les systèmes d’armes que la Russie avait fournis. Si de tels Bucks fournis par les Russes avaient été repérés – et les batteries de quatre missiles de 16 pieds de longueur tractées par des camions sont difficiles à louper – leur présence aurait certainement été soulignée.

Mais il n’est pas nécessaire de se fonder sur cette absence de preuve. Dans un rapport du renseignement néerlandais peu remarqué, en octobre dernier et citant des informations du service du renseignement et de la sécurité militaire néerlandais (le renseignement néerlandais), qui en tant que participant à l’OTAN a accès à la surveillance aérienne sensible et à d’autres données pertinentes, il apparaissait que les seules armes anti-aériennes dans l’est de l’Ukraine – capables d’abattre le MH-17 à 33 000 pieds d’altitude – appartenaient au gouvernement ukrainien.

Ce service de renseignement militaire néerlandais fit cette déclaration en tentant d’expliquer pourquoi les vols commerciaux continuaient de survoler la zone de combats de l’est de l’Ukraine à l’été 2014. Il indiqua que sur la base d’informations couvertes par le “secret d’État” il savait que l’Ukraine possédait quelques anciens mais puissants systèmes d’armes anti-aériennes et que “un certain nombre de ces systèmes étaient localisés dans la partie est du pays.”

Mais l’agence de renseignement ajoutait que les rebelles n’avaient pas cette capacité, ne disposant que de missiles anti-aériens à courte portée et de quelques missiles Buck non opérationnels qui avaient été pris sur une base militaire ukrainienne. “Pendant le mois de juillet plusieurs sources crédibles indiquaient que les systèmes présents sur cette base militaire n’étaient pas opérationnels,” déclara le service militaire du renseignement néerlandais. “Donc ils ne pouvaient être utilisés par les séparatistes.”

Les raisons des Ukrainiens

Autrement dit, il est clair – sur la base des commentaires explicites du service de renseignement militaire néerlandais et des omissions des “déclarations gouvernementales” des É-U – que les puissances occidentales n’avaient aucune preuve que les rebelles prorusses ou leurs alliés russes disposaient de missiles Buck opérationnels dans l’est de l’Ukraine, mais le gouvernement ukrainien avait bel et bien plusieurs batteries de tels missiles.

Cela avait également du sens que l’Ukraine déplace des systèmes anti-aériens à proximité de la frontière en raison de la crainte d’une invasion russe, tandis que les militaires ukrainiens poussaient leur “opération antiterroriste” contre les combattants séparatistes d’origine russe qui résistaient au coup d’ État soutenu par les É-U du 22 février 2014, lequel avait évincé le président élu Victor Ianoukovitch dont le soutien politique était dans l’est.

Selon le rapport du bureau de sécurité néerlandais, un avion de combat ukrainien avait été abattu probablement par un missile air-air (vraisemblablement par un chasseur russe) le 16 juillet 2014, ce qui signifie que les défenses ukrainiennes étaient probablement en alerte forte. Les militaires russes déclarèrent aussi que l’Ukraine avait activé un système radar qui est utilisé pour guider les missiles Buck.

Une source du renseignement m’a indiqué que les analystes des É-U examinaient sérieusement la possibilité selon laquelle l’objectif visé était l’avion officiel du président Poutine qui rentrait d’une visite d’État en Amérique du Sud. Son avion et le MH-17 portaient des marques semblables rouge-blanc-bleu, mais Poutine prit une route plus au Nord et arriva sain et sauf à Moscou.

D’autres scénarios possibles consistent en une erreur d’identification par un escadron ukrainien mal entraîné et indiscipliné qui aurait confondu le MH-17 avec un avion russe qui aurait pénétré l’espace aérien ukrainien ou bien que cet escadron aurait procédé à une provocation volontaire en vue de faire porter le chapeau aux Russes.

Quels qu’aient été les coupables, quels qu’aient été leurs mobiles, un point n’aurait pas dû rester dans l’ombre, c’est le lieu d’où est parti le tir. Kerry répéta à plusieurs reprises dans les jours qui ont suivi la tragédie que le renseignement des É-U avait détecté le lancement et savait d’où il provenait.

Alors pourquoi le bureau de sécurité néerlandais doit-il se gratter la tête au sujet d’un missile provenant d’une zone de 320 kilomètres carrés, alors que le fabricant russe localise le lancement 20 km plus à l’ouest ? Alors que l’emplacement du tir est un point crucial dans le débat, pourquoi le gouvernement des É-U empêche-t-il un allié de l’OTAN (ainsi que des enquêteurs à propos d’une catastrophe aérienne majeure) de connaître sa localisation.

On peut penser que si l’administration Obama avait eu des preuves sérieuses montrant que le tir provenait du territoire rebelle, ainsi que Kerry l’insinuait, les officiels des É-U auraient été trop heureux de fournir les données. Ces données pourraient être aussi les seules preuves radar précises. L’Ukraine prétendit que ses principaux systèmes radar étaient hors d’usage au moment de l’attaque, et les Russes– alors qu’ils avaient avancé que leurs écrans radars faisaient état d’un autre avion à l’approche du MH-17 – n’ont pas conservé leurs données brutes.

Thomas Schansman nota dans sa lettre à Kerry : “Le DSB (bureau de sécurité néerlandais) déclara qu’il n’avait reçu aucune donnée brute, d’aucun État… La résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies n°2166 requiert explicitement que les États membres fournissent toute assistance demandée et coopèrent pleinement dans l’enquête. Les données primaires (brutes) des radars sont essentielles pour établir la cause, pour identifier et poursuivre les responsables de cet acte haineux.”

L’opinion communément admise

En dépit des étonnantes failles dans les preuves et de l’échec des É-U à présenter les preuves qu’ils se targuent de posséder, l’”opinion communément admise” des Occidentaux demeure que soit les rebelles prorusses, soit les Russes eux-mêmes ont abattu le MH-17 et ont cherché à cacher leur culpabilité. Une partie de cette certitude provient du jeu pour simple d’esprit qui consiste à répéter que les missiles Buck sont “fabriqués en Russie”, ce qui est vrai mais non pertinent quant à savoir qui a tiré le missile, d’autant que les militaires ukrainiens possèdent des Bucks de fabrication russe.

En dépit du manque de coopération des É-U à l’enquête – et de l’échec du renseignement occidental à détecter des Russes ou des rebelles prorusses armés d’une batterie Buck dans l’est de l’Ukraine – les magistrats néerlandais qui travaillent en relation étroite avec le gouvernement ukrainien disent qu’ils prennent au sérieux les déclarations faites par des blogueurs sur un site britannique appelé Bellingcat et qui ont identifié des soldats russes attachés au maniement d’une batterie de missiles Buck les tenant pour les suspects numéro 1 de l’attaque.

Ainsi, la possibilité n’est pas à écarter que l’enquête conduite par les Néerlandais – en coordination avec le gouvernement ukrainien – finira par mettre en cause des soldats russes alors même que le gouvernement des É-U retient des données qui pourraient résoudre des questions clés telle que localiser l’endroit d’où le missile fatal est parti.

Une accusation de soldats russes justifierait un regain de propagande anti-Poutine et déclencherait sûrement un chœur de dénonciations contre Moscou de la part des médias dominants occidentaux. Mais un tel développement contribuerait peu à élucider le mystère de savoir qui a réellement abattu le MH-17, tuant ainsi Quinn Schansman et 297 autres personnes à son bord.

Le reporter d’investigation Robert Parry a élucidé de nombreuses affaires sur l’Iran et les Contras pour l’Associated Press et Newsweek dans les années 80. Vous pouvez acheter son dernier livre, America’s Stolen Narrative [Les contes volés de l'Amérique], soit sur papier ici ou sous forme électronique (chez Amazon et barnesandnoble.com)

Source : Consortiumnews.com, le 21/01/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/kerry-invite-a-donner-des-preuves-sur-le-vol-mh-17/


Est-il encore permis d’informer sur les activités du groupe Bolloré ? Par Bastamag

Monday 8 February 2016 at 01:00

Évidemment, soutien à Bastamag, face à Bolloré.

BIEN ENTENDU, comme c’est désormais illégal, nous n’appellerons pas au Boycott du groupe.

Source : Bastamag

L’audience du procès en diffamation que le groupe Bolloré intente à Bastamag se déroulera le jeudi 11 février, à la 17ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris, à partir de 13h. L’audience sera publique. Ce procès pose plusieurs questions essentielles sur la liberté d’informer, en particulier sur les activités des multinationales.

Photo : Le kiosquier de la Gaité / CC Jean-François Gornet

L’audience du procès en diffamation que le groupe Bolloré intente à Bastamag se déroulera le jeudi 11 février, à la 17ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris, à partir de 13h. L’audience sera publique.

Le groupe Bolloré estime diffamatoire pas moins de huit paragraphes – ainsi que le titre et le surtitre – d’un article de synthèse publié par Bastamag en octobre 2012 et consacré à la question de l’accaparement des terres, ces appropriations de terres à grande échelle par des fonds d’investissements ou des multinationales, principalement en Afrique et en Asie.

S’appuyant sur des rapports des Nations unies et d’organisations internationales, cet article dressait un état des lieux du mouvement d’accaparement de terres en Afrique, en Amérique latine et en Asie, et des grandes entreprises françaises qui y sont impliquées. L’article mentionne ainsi les activités du groupe Bolloré, via une holding luxembourgeoise, la Socfin, dans lequel le groupe possède de fortes participations. La Socfin possède de multiples filiales qui gèrent des plantations d’hévéas et d’huile de palme en Afrique et en Asie.

En plus de trois journalistes de Bastamag (Nadia Djabali, Agnès Rousseaux, Ivan du Roy), de son directeur de publication de l’époque (Julien Lusson), cette plainte en diffamation vise également le site Rue 89 et son directeur de publication, Pierre Haski, pour avoir cité l’article dans sa revue de presse signalant « le meilleur du web », ainsi que quatre personnes ayant partagé l’article sur leurs blogs (Thierry Lamireau, Dominique Martin-Ferrari, Laurent Ménard et Guillaume Decugis).

Ce procès pose plusieurs questions importantes :

- L’accaparement des terres serait-il devenu un sujet impossible à évoquer sans risquer une longue procédure judiciaire ? Informer sur les mises en cause de la Socfin, dont plusieurs entités du groupe Bolloré sont actionnaires, par des organisations internationales et des communautés locales serait-il tabou ?

- Plus généralement, est-il encore possible d’évoquer les activités du groupe Bolloré et leurs impacts sociaux et environnementaux ? Le groupe Bolloré a déjà, par le passé, attaqué en justice plusieurs médias, dont France Inter suite à la diffusion d’un reportage sur ses activités au Cameroun. Ce procès contre Bastamag intervient dans un contexte où les pratiques de la Socfin au sein de plantations qu’elle possède, en particulier en Afrique de l’Ouest et en Asie du Sud-est, sont toujours pointées du doigt par des organisations de la société civile. Des paysans cambodgiens ont d’ailleurs porté plainte en juillet contre le groupe Bolloré devant le Tribunal de grande instance de Nanterre pour violation des droits de l’Homme et du droit de l’environnement. Au Sierra Leone, six leaders de communautés locales en conflit avec la filiale locale de la Socfin viennent d’être incarcérés.

- Ce procès intervient également dans un contexte où il est toujours question d’instaurer un « secret des affaires » au niveau européen. Cette disposition, si elle entrait en vigueur, entraverait durement toute information critique à l’égard des grandes entreprises et nuirait gravement au nécessaire débat démocratique sur leurs activités.

- Enfin, le fait que plusieurs personnes ou médias qui n’ont aucunement participé à la rédaction et à la publication de cet article soient mises en examen repose la question du statut juridique d’un lien hypertexte, d’une revue de presse ou du partage d’un article via un réseau social ou un agrégateur. Ce sont les fondements du fonctionnement du web qui sont ici remis en cause : les liens hypertextes et le partage de contenus en constituent la principale richesse.

Les pressions du groupe Bolloré à l’encontre de journalistes sont régulièrement au cœur de l’actualité. Le collectif Informer n’est pas un délit, qui regroupe une cinquantaine de journalistes ainsi que l’association Reporters sans frontières, s’interroge sur la censure et la déprogrammation de plusieurs documentaires qui devaient être diffusés récemment par la chaîne Canal+, dont Vincent Bolloré est devenu le principal actionnaire.

Nous rappelons également que Bastamag fait l’objet d’une seconde plainte en diffamation de la part du groupe Bolloré, pour un petit article évoquant en octobre 2014 une rencontre entre des représentants du groupe Bolloré et des délégués de communautés locales africaines et cambodgiennes en conflit avec la Socfin.

La rédaction de Bastamag

 Source : Bastamag

Bolloré lâche 250 millions d’euros pour garder Hanouna à son poste

Source : Les Echos, Alexandre Counis, 25-09-2015

Le nouveau patron de Canal Plus va débourser 50 millions d’euros par an pendant cinq ans pour s’assurer que l’émission vedette de Cyril Hanouna, « Touche pas à mon poste », reste sur D8.

L’une des premières décisions de Vincent Bolloré à son arrivée à la tête de Canal+ avait été de congédier les auteurs des Guignols de l’info, qui selon lui coûtaient trop cher à la chaîne cryptée. Pour garder Cyril Hanouna chez D8, la petite sœur gratuite de Canal+, le président du conseil de surveillance du groupe Canal+ n’a pas hésité, en revanche, à payer le prix fort : selon Bfm Business, il a accepté de verser 250 millions d’euros sur cinq ans, soit 50 millions par an, à la société de production de l’animateur vedette, H2O.

Vincent Bolloré a lâché ce chiffre jeudi à l’occasion de son audition (à huis clos) devant le CSA. Le montant est énorme : il correspond à la moitié du coût de la grille de la chaîne D8 sur l’année (autour de 100 millions). Vincent Bolloré, qui compte faire des contenus le cœur de sa stratégie, dépense ainsi presque autant que les 72 millions que coûtent annuellement à Canal+ les droits du rugby, par exemple.

Records d’audience

L’enjeu était d’importance pour le groupe. Hanouna, c’est l’assurance d’une audience confortable, en particulier auprès des jeunes. « Touche pas à mon poste » réunit en moyenne 1,3 million de téléspectateurs, pour une part d’audience de 6 %. Mieux : sur sa tranche horaire, D8 est la première chaîne nationale auprès des 15-34 ans (16 % de part d’audience) et elle pointe au troisième rang sur les 25-49 ans. Une performance appréciable, alors que toutes les chaînes peinent à rajeunir leur audience.

Il était donc crucial de ­conserver cette pépite face aux appétits de TF1 et M6, qui ont cherché à la récupérer… et ont fait monter les enchères (le contrat de H2O était jusqu’à présent de 19 millions par an). « Le nerf de la guerre, ce sont les contenus. Or dans cette bataille, il y a des animateurs et des formats clefs. On ne peut pas prendre le risque de voir ces actifs stratégiques partir à la concurrence », explique un connaisseur du secteur.

Engagement de l’animateur sur 5 ans

Le contrat, négocié par Vincent Bolloré lui-même, couvre non seulement l’émission quotidienne d’access prime time « Touche pas à mon poste », mais aussi plusieurs autres que produit l’animateur (dont un futur préaccess quotidien et des prime time comme « L’Oeuf et la Poule », « Le grand match » ou « Derrière le poste »). A la différence de l’accord qui courrait jusque-là, il ­contraint Cyril Hanouna à rester sur la chaîne pendant cinq ans. « Avec l’émission sans son animateur, nous risquions de nous retrouver avec une coquille vide », explique-t-on dans l’entourage de Vincent Bolloré.

H2O appartient à Banijay, la société de production de Stéphane Courbit qui vient d’annoncer son rapprochement avec Zodiak. Vivendi, la maison mère de Canal+, est récemment entrée en négociations exclusives pour devenir actionnaire minoritaire de ce nouvel ensemble.

Source : Les Echos, Alexandre Counis, 25-09-2015

Droits télé du foot: après l’offensive d’Altice, que va-t-il rester à Canal+?

Source: http://www.les-crises.fr/est-il-encore-permis-dinformer-sur-les-activites-du-groupe-bollore-par-bastamag/


Revue de presse du 08/02/2016

Monday 8 February 2016 at 00:01

Avec notamment sous le thème “Vue d’ailleurs” des nouvelles de l’Inde, mais l’on reparle aussi de l’enviable Ukraine (…), sans oublier la France où avec la triplette Le Foll – Macron – Urvoas on est bien… Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-08022016/


Philippe Pascot : “Plus tu es un truand, plus tu as de chances d’être réélu”

Sunday 7 February 2016 at 02:55

Source : Le Point, Hugo Domenach, 27-02-2014

“Délit d’élus” est un livre qui pointe du doigt les politiciens impliqués dans des affaires pénales. Pour Le Point.fr, ses auteurs reviennent sur ce travail.

PAR 

Le couple Balkany a été condamné à plusieurs reprises par la justice (photo d’illustration). © SIPA/ REAU ALEXIS

La journaliste Graziella Riou Harchaoui et l’ancien adjoint de Manuel Valls à Évry Philippe Pascot ont entrepris d’élaborer un dictionnaire des noms propres de la politique impliqués dans de sales affaires. Leur livre Délits d’élus*, dont le premier tome sortira jeudi 27 février, dresse une liste non exhaustive de politiciens, “élaborée avec les moyens du bord, à partir de faits avérés, jugés ou en passe de l’être et relayés par les médias”. Ce premier volet s’attarde sur 400 d’entre eux, dont “environ 200 sont présents sur des listes en 2014″. Les cas les plus marquants sont évoqués dans Le Point qui paraît ce jeudi. Les deux auteurs répondent aux questions du Point.fr.

Le Point.fr : Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Philippe Pascot : Nous avons sorti ce livre pour que les gens soient informés à un mois des municipales. Car le meilleur allié des élus condamnés, c’est l’ignorance et l’oubli. Les élus délinquants sont souvent réélus. Et plus tu es un truand, plus tu as de chances d’être réélu. Il y a un problème de conception de la République. Il faut que les citoyens s’emparent de leur système démocratique.

Le paradoxe, c’est qu’aujourd’hui on peut savoir tout sur tout, mais qu’il n’existe pas de rapport officiel qui regroupe les élus impliqués dans des affaires pénales, alors qu’ils devraient être les premiers contrôlés. Il n’y a que des listes d’élus de gauche faites pour servir les intérêts de la droite et d’élus de droite faites pour servir la gauche. Nous avons volontairement supprimé toute référence partisane, sauf lorsque c’était impossible. Un rapport officieux avait été réalisé en 1995 par les renseignements généraux lorsque Édouard Balladur était Premier ministre. Mais sur les 50 copies, 49 ont été détruites. Un autre, très sévère, a été préparé à la demande du ministère de la Justice en 1999. Il a partiellement fuité dans Le Figaro.

0,2 % des élus sont impliqués dans des affaires pénales

Tous pourris, nos politiques ?

Graziella Riou Harchaoui : Il y a 520 000 élus en France. Selon le rapport 2012 de la Société mutuelle d’assurance des collectivités locales (SMACL), seulement 0,2 % sont impliqués dans des affaires pénales. Ce n’est pas énorme. Mais la proportion d’élus malhonnêtes augmente considérablement si on se focalise uniquement sur ceux qui ont un véritable pouvoir de décision. C’est vrai que, dans l’ensemble, les élus sont honnêtes. Mais quelques-uns organisent leur impunité. Et les élus qui ne sont pas pourris sont complices. Qu’ils commencent à faire le ménage.

Quels enseignements tirez-vous de ce travail d’archives ? 

Philippe Pascot : On s’est aperçu de leurs immenses privilèges. La loi n’est pas la même pour les élus qui bénéficient d’un régime de faveur et les citoyens lambda. Pourquoi défendent-ils la retraite par répartition alors que la leur est par capitalisation ? Pourquoi leurs retraites ne sont pas saisissables, contrairement à celles de tous les citoyens ? Pourquoi les élus qui votent des hausses d’impôt sont ceux qui en payent le moins ? En 2010, un élu a déposé un texte de loi pour que l’ensemble des députés réduisent de 10 % leur indemnité pour participer à l’effort national. Il n’y a eu que deux votes favorables au texte…

Nous avons encore des centaines d’exemples. Pourquoi certains élus condamnés sont automatiquement dispensés de peine ? Pourquoi Jean-Marc Ayrault a été réhabilité ?** Pourquoi le seul fait de rappeler cette condamnation constitue une infraction pénale ? Pourquoi un ancien ministre a signé un moratoire pour payer sa dette en 162 ans ? Pourquoi les élus nous demandent d’aller voter alors qu’eux ne votent pas et qu’ils refusent de donner les chiffres de l’absentéisme au Parlement ? Pourquoi lors de la dernière séance de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale qui a débuté le jeudi 25 juillet 2013 il n’y avait pas de députés présents dans l’hémicycle ? Il a fallu en appeler deux pour commencer la séance. Pourquoi les ex-ministres ainsi que leur femme et leurs enfants ont le droit de voyager gratuitement sur Air France ? Ils ne peuvent plus nous donner des leçons de morale.

Le vote est obligatoire dans 12 pays

Le contrôle exercé sur les élus est-il insuffisant ? 

Philippe Pascot : Les peines encourues ne sont pas dissuasives. Selon le Service central de prévention de la corruption (SCPC), il y a une déconnexion entre le montant des amendes et le profit engendré par l’infraction. Un élu encourt 30 000 euros d’amende s’il fait une fausse déclaration de patrimoine. Alors que si un citoyen publie le patrimoine d’un élu, il risque 45 000 euros d’amende ! Dans les textes préliminaires, le législateur avait prévu de la prison… Et si quelqu’un souhaite consulter le patrimoine d’un élu, celui-ci sera automatiquement au courant.

Petit à petit, les moyens de contrôle se réduisent. Sept chambres régionales des comptes ont été supprimées. Avant, elles contrôlaient les communes de plus de 3 000 habitants. Aujourd’hui, elles contrôlent celles de plus de 5 000. Et pour mettre le téléphone d’un député sur écoutes, il faut l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale et du président de son parti, qui ne se privera sûrement pas de l’en informer. Les élus ont réduit le nombre de juges d’instruction. Il y en avait 623 en 2009, 553 en 2011 et 540 en 2012. Et à chaque fois que ça chauffe pour eux, ils pondent une loi d’amnistie. D’autre part, ils savent très bien organiser leur invisibilité.

Quelles solutions préconisez-vous contre ces abus à répétition ? 

Graziella Riou Harchaoui : Un casier vierge pour pouvoir se présenter, comme c’est le cas pour les pompiers ou les transporteurs de fonds. Il faudrait aussi que le vote soit obligatoire. Douze pays l’ont instauré, pourquoi pas nous ? Pourquoi Valls ne le ferait pas ? Et que le vote blanc soit véritablement comptabilisé. La loi qui vient d’être votée, c’est du pipeau. Elle ajoute une colonne à cocher dans les bureaux de vote, mais les votes blancs ne seront pas annoncés dans les résultats. Les politiciens auraient trop honte d’être élus avec 20 % des voix. Ils ne veulent pas ouvrir la porte à la désapprobation populaire. Ils préfèrent celle du clientélisme. Si ces trois conditions étaient réunies, nous n’aurions pas besoin de préparer de troisième tome [le deuxième tome est en cours de rédaction, NDLR].

Craignez-vous d’être attaqué en justice ? 

Philippe Pascot : C’est vrai que certains sont des spécialistes en la matière et s’en servent comme des tribunes politiques. Manuel Aeschlimann, par exemple, est le roi du procès. Mais nous avons veillé à rester dans le factuel, à ne pas prononcer le mot de trop.

 Source : Le Point, Hugo Domenach, 27-02-2014
==========================================================
Intervention de Philippe Pascot sur BTLV TV pour défendre la probité en politique.

Source: http://www.les-crises.fr/philippe-pascot-plus-tu-es-un-truand-plus-tu-as-de-chances-detre-reelu/


“Tout n’est pas de la faute à Poutine”, par Stephen Cohen

Sunday 7 February 2016 at 02:49

Source : Oriental Review, 07-12-2015

Prof. Stephen COHEN (USA)

Transcription du discours du Professeur Stephen Cohen au « Center for Citizen Initiatives » au San Francisco Commonwealth Club, le 18 novembre, 2015.

…Je suis ravi de me retrouver ici à San Francisco en votre compagnie. Plus on s’éloigne de Washington et des médias dominants, plus les présentations deviennent aimables !

Quelques-uns parmi vous savent peut-être que notre petit groupe, qui a protesté contre la politique américaine depuis le début de la crise ukrainienne il y a deux ans, se sont vus décrire en termes sévères et désobligeants comme des “apologistes de Poutine, des idiots utiles de Poutine, les meilleurs amis de Poutine en Amérique.”

Paris aurait dû changer tout cela, mais pour ces gens-là, il n’en fut rien. Je suis allé sur Internet ce matin et c’était toujours le même son de cloche. Alors, permettez-moi de commencer en disant quelques mots à mon sujet.

Ma réponse à ces accusations est la suivante, “Non, c’est moi qui suis un patriote de la sécurité nationale américaine, et pas vous… » en fait, je l’ai été depuis que j’ai commencé à étudier la Russie il y a quelque 50 ans.

J’ai débuté au Kentucky, puis je suis allé à l’Université d’Indiana, et de vieux amis ici présents peuvent témoigner que je mon attitude était la même il y a nombre d’années.  En chemin, je suis arrivé à la conviction – il n’importe pas de savoir pourquoi et comment – que la sécurité nationale américaine passe par Moscou.  Ceci signifie qu’un Président américain doit avoir un partenaire au Kremlin – pas un ami, mais un partenaire. C’était vrai au temps de l’Union Soviétique, c’est vrai aujourd’hui.

Et cela demeure vrai quels que soit le danger existentiel ou la menace mondiale grave que vous montiez en épingle. Pour certains, c’est le changement climatique, pour d’autres, les droits humains, pour d’autres [la nécessité] d’étendre la démocratie. Pour moi, depuis un bout de temps, c’est la nouvelle forme de terrorisme qui frappe le monde aujourd’hui. Ces terroristes ont cessé d’être des « acteurs non-étatiques. » Ces types sont organisés, ils ont une armée, ils ont un état auto-proclamé, ils ont d’amples ressources et ils ont la faculté de nous faire beaucoup de mal en diverses parties du monde. Tout le monde semble avoir oublié le 11-septembre et Boston, mais Paris devrait nous rappeler ce qui est en jeu.

Pour moi, donc, le terrorisme international est la menace, aujourd’hui, dans le monde, qui devrait être la priorité de l’Amérique en fait de sécurité nationale. Et je veux dire qu’il devrait être la top priorité pour le Président des Etats-Unis, qu’il ou elle soit un Républicain ou une Démocrate. C’est la menace existentielle représentée par cette nouvelle forme de terrorisme, de guerres civiles menées par des zélotes religieux, ethniques – et, pire que tout, ces types veulent désespérément mettre main basse sur des matières premières dans le but de fabriquer des armes de destruction massive. Le contenu d’une seule tasse de matière radioactive dans un de ces avions du 11-septembre aurait rendu le bas-Manhattan inhabitable, à ce jour.

Les terroristes d’aujourd’hui utilisent des armes conventionnelles, bombes, mortiers et armes à feu. Mais si à Paris ils avaient eu à leur disposition une seule tasse de matière radioactive, il aurait fallu évacuer Paris. C’est ça la vraie menace, aujourd’hui. Cette sorte de menace ne peut pas être diminuée, contenue et encore moins éradiquée à moins d’avoir un partenaire au Kremlin. Voici le premier et le dernier mot de toute cette histoire. Notez encore une fois que je n’ai pas dit un « ami, » mais un partenaire. Nixon et Clinton nous rebattaient les oreilles avec leur « cher ami Brejnev, » et leur ami Eltsine; tout cela, c’était du théâtre. Je me moque que nous aimions ou non le leader du Kremlin; ce qu’il nous faut, c’est reconnaître nos intérêts communs pour former un partenariat – comme deux personnes qui font des affaires ensemble établissent un contrat. Ils ont les mêmes intérêts et ils doivent pouvoir se faire confiance – car si l’une des deux viole le contrat, les intérêts de l’autre sont compromis.

Nous n’avons pas cela avec la Russie, même après Paris, et c’est en substance ce dont nous avons besoin, comme je ne cesse de le dire depuis quelques années. On me rétorque que mes vues sont « pro-Poutine » et non-patriotiques, ce à quoi je réponds : “Non, ceci est la plus haute forme de patriotisme au regard de la sécurité nationale américaine.”

Je vais donc soulever quelques points aujourd’hui, très rapidement et plutôt crûment, plutôt que de prononcer une leçon. Cela m’intéresse moins de faire la leçon que d’apprendre ce que d’autres ici présents ont à dire.

Mon premier point est le suivant:  La chance d’un partenariat stratégique durable Washington-Moscou a été perdue au courant des années 1990 après la fin de l’Union Soviétique.  En fait, on a commencé à la perdre plus tôt, car Reagan et Gorbatchev nous avaient offert l’opportunité d’un partenariat stratégique entre 1985-89.  Et elle prit fin pour de bon sous l’administration Clinton, et ce ne fut pas du fait de Moscou. Elle prit fin à Washington — elle a été gâchée et perdue à Washington.  Et elle fut si mal perdue qu’à présent, depuis ces dernières années à tout le moins (et je soutiendrais, depuis la guerre de Géorgie en 2008), nous nous sommes littéralement retrouvés dans une nouvelle Guerre Froide avec la Russie. Nombre de gens en politique et dans les médias ne veulent pas l’appeler ainsi, parce que s’ils admettent : « Oui, nous sommes dans une Guerre Froide, » il leur faudrait expliquer ce qu’ils ont fait durant ces vingt dernières années. Alors, ils préfèrent dire : « Non , ce n’est pas une Guerre Froide.”

Et voici mon nouveau point.  Cette nouvelle Guerre Froide a tout le potentiel nécessaire pour être encore plus dangereuse que les quarante ans de Guerre Froide précédente, et ce, pour différentes raisons. Tout d’abord, pensez-y. L’épicentre de la Guerre Froide précédente se trouvait à Berlin, et non à proximité de la Russie. Il y avait une vaste zone tampon entre la Russie et l’Occident en Europe de l’Est. Aujourd’hui, l’épicentre est en Ukraine, littéralement aux frontières de la Russie. C’est le conflit en Ukraine qui a provoqué cela et politiquement, l’Ukraine demeure une bombe à retardement. La confrontation aujourd’hui est non seulement aux frontières de la Russie, mais elle se passe au coeur de la « civilisation slave » russo-ukrainienne. Il s’agit d’une guerre civile aussi profonde par certains aspects que la Guerre de Sécession américaine.

Nombre d’antagonistes en Ukraine ont été élevés dans la même foi, parlent le même langage et sont de mariage mixte. Quelqu’un a-t-il une idée combien il y existe de mariages mixtes russo-ukrainiens aujourd’hui ? Des millions. Presque toutes les familles sont mixtes. Ceci continue d’être une bombe à retardement et peut causer encore du dégât, et amener de plus grands dangers encore. Le fait est que ceci se passe juste à la frontière de la Russie et, de fait, au cœur même de l’âme russo-ukrainienne… ou du moins de la moitié de l’âme ukrainienne… et comme une moitié de l’Ukraine désire appartenir à l’Europe de l’Ouest, cela n’en devient que plus dangereux…

Le point suivant est encore pire: vous vous souviendrez qu’après la crise des missiles de Cuba, Washington et Moscou développèrent certaines règles de conduite mutuelle. Ils reconnurent combien ils avaient périlleusement frôlé une guerre nucléaire, et ils adoptèrent des « en-aucun-cas, » encodés soit dans des traités, soit dans des accords non-officiels. Chacun des deux côtés savait où passait la ligne rouge de l’autre. Les deux côtés ont trébuché dessus à l’occasion, mais ils se retiraient immédiatement parce qu’ils étaient mutuellement d’accord qu’il s’agissait de lignes rouges.  AUJOURD’HUI IL N’Y A PAS DE LIGNES ROUGES.

Une des choses que Poutine et son prédécesseur, le Président Medvedev, ne cessent de dire à Washington est:  Vous franchissez nos Lignes Rouges !  Et Washington dit et continue de dire:“Vous n’en avez pas, de lignes rouges. C’est nous qui avons des lignes rouges et nous pouvons avoir autant de bases que nous voulons autour de vos frontières, mais vous ne pouvez pas avoir de bases au Canada ou au Mexique. Vos lignes rouges n’existent pas!”  Ceci illustre clairement le fait qu’aujourd’hui, il n’y existe pas de règles de conduite mutuelles.

Ces dernières années, par exemple, il y a déjà eu trois guerres par procuration entre les Etats-Unis et la Russie; la Géorgie en 2008, l’Ukraine début 2014, et avant Paris …. Il semblait bien que la Syrie serait la troisième.  Nous ne savons pas encore quelle position Washington prendra sur la Syrie. Hollande a pris sa décision; il a déclaré une coalition avec la Russie. D’après ce qu’on comprend à Moscou, Washington “est silencieux ou opposé à une coalition avec Moscou.

Un autre point important:  Aujourd’hui, il n’y existe absolument aucune force politique ni aucun mouvement anti-Guerre Froide ou Pro-Détente aux Etats-Unis, aucun !––ni au sein de nos partis politiques, ni à la Maison Blanche, ni au Département d’Etat, ni dans les médias dominants, ni dans les universités ou les “think tanks [groupes de réflexion].” Je vois qu’une collègue, ici, opine du chef, car nous nous souvenons que, durant les années 1970 et au long des années 1980, nous avions des alliés jusqu’à la Maison Blanche même, parmi les aides du Président. Nous avions des alliés au Département d’Etat, et nous avions des Sénateurs et des Membres de la Chambre des Représentants qui étaient pro-détente et qui nous soutenaient, qui eux-mêmes élevaient la voix, et qui écoutaient nos points de vue avec attention. Rien de tout cela n’existe aujourd’hui. Sans cette forme d’ouverture et de plaidoyer au sein d’une démocratie, que pouvons-nous faire? Nous ne pouvons pas lancer des bombes pour attirer l’attention ! Nous ne pouvons pas nous faire publier dans les médias dominants, nous ne pouvons pas faire entendre notre voix dans le pays. Cette absence de débat au sein de notre société est extrêmement dangereuse.

Mon point suivant sera une question: Qui est responsable de cette nouvelle Guerre Froide? Je ne pose pas la question pour pointer du doigt qui que ce soit. Ce qui m’intéresse, c’est un changement dans la politique des Etats-Unis qui ne peut venir que de la Maison Blanche, quoique le Congrès pourrait y aider. Mais il faut que nous sachions ce qui a mal tourné dans les relations USA-Russie après la fin de l’Union Soviétique en 1991, et pourquoi… sinon il n’y aura pas de nouveau mode de pensée possible.  Et il n’y aura pas de nouvelle politique. Au point où nous en sommes, il n’y a aucun mode de pensée nouveau dans l’élite américaine politico-médiatique. On s’est beaucoup mis à penser au sein du Parlement Européen. Il y a beaucoup d’angoisse en France et en Allemagne, et même Cameron à Londres s’est mis à reconsidérer.

L’attitude de l’establishment politico-médiatique américain actuel est que cette nouvelle Guerre Froide est entièrement de la faute de Poutine – entièrement, sous tous ses aspects. Nous, en Amérique, nous ne nous sommes trompés en rien. A chaque étape, nous avons été vertueux et sages et Poutine était agressif et un méchant bonhomme. Alors, qu’y aurait-il à repenser? C’est l’affaire de Poutine de repenser, pas la nôtre.

Je ne suis pas d’accord. Et c’est cela qui amené ces scandaleuses attaques sur ma tête et sur celles de mes collègues. J’ai été élevé au Kentucky selon l’adage « il y a deux versions de toute histoire.” Et ces gens disent, “Non, cette histoire, l’histoire des relations russo-américaines, n’a qu’une seule version. Il est inutile d’en considérer la moindre portion avec le regard de la partie adverse. Contentez-vous d’aller sur la place publique et de répéter la « narrative conventionnelle de l’élite dominante. »  Si nous continuons dans cette voie, et ne portons pas attention pas à la situation existante, nous allons avoir un autre “Paris,” et pas seulement aux Etats-Unis.

C’est pourquoi je dis que nous devons être des patriotes de la sécurité nationale américaine et tout reconsidérer. Pour une raison quelconque, l’administration Clinton a déclaré une politique du “gagnant-emporte-tout” à l’encontre de la Russie post-soviétique. Elle a dit : “Nous avons gagné la Guerre Froide.”  Ce n’est pas vrai. L’ex-ambassadeur à Moscou durant l’ère Reagan-Gorbatchev, Jack Matlock, explique dans ses livres tout ce qui s’est passé, à chaque étape des négociations avec Gorbatchev. La réalité, c’est que l’administration Clinton a adopté des politiques mal avisées de par son approche du « gagnant-emporte-tout. »

Quelles furent les conséquences de cette politique ? Il y en eut beaucoup. La pire fut qu’elle ruina la chance d’un partenariat stratégique avec la Russie à un tournant décisif de l’histoire.

Les quatre politiques U.S. qui ont le plus offensé les Russes:

1)  La décision d’étendre l’OTAN jusqu’à la frontière même de la Russie:  ça n’a aucun sens de dire que Poutine a violé l’ordre de l’après-Guerre-Froide en Europe. La Russie a été exclue de l’ordre de l’après-Guerre-Froide en Europe du fait de l’expansion de l’OTAN. La Russie a été repoussée « quelque part au-delà » (au-delà d’une zone de sécurité). La Russie insistait: « Procédons à un arrangement de Sécurité Pan-Européenne comme Gorbatchev et Reagan le proposaient. » Les expansionnistes de l’OTAN dirent : « Ceci n’a rien de militaire, c’est une question de démocratie et de libre échange, ce sera bon pour la Russie, avalez le poison et souriez ! » Et quand les Russes n’avaient pas le choix, dans les années 1990, ils l’ont fait; mais lorsqu’ils sont redevenus plus forts et se sont retrouvés dans la possibilité de choisir, ils ont cessé de subir en silence.

La Russie commença à se défendre, comme l’aurait fait tout dirigeant russe qui aurait été sobre et qui avait le soutien de son pays. Je ne dis pas ça pour rire. A la fin, Eltsine pouvait à peine marcher. Il a été poussé hors de la présidence, il n’a pas démissionné volontairement. Mais le fait est que n’importe qui aurait pu prédire cette situation dans les années 1990 – et certains d’entre nous l’ont fait, souvent et aussi fort qu’il nous était permis.

2)  Le refus de la part des Etats-Unis de négocier au sujet des missiles de défense: les missiles de défense sont maintenant un projet de l’OTAN. Ceci veut dire que les installations de missiles de défense, sur terre ou sur mer (celles sur mer étant les plus dangereuses) font maintenant partie de l’expansion de l’OTAN et de son encerclement de la Russie. La défense anti-missiles fait partie de ce système de défense. Les Russes sont absolument certains que ce sont leurs capacités de représailles nucléaires qui sont visées. Nous disons : « Oh, non, cela concerne l’Iran, cela ne vous concerne pas. » Mais allez donc vous entretenir avec Ted Postel à l’MIT [Massachussetts Institute of Technology]. Il explique que les missiles de défense des dernières générations sont des armes offensives qui peuvent frapper les installations russes. Entre-temps, nous accusons la Russie de développer à nouveau des missiles de croisière; et ils ont recommencé à le faire parce que nous sommes retournés à une course aux armements « œil-pour-œil, dent-pour-dent, » pour la première fois depuis nombre d’années.

3)  Le fait de nous mêler des affaires intérieures de la Russie au nom de la promotion de la démocratie:  en plus de financer les programmes d’ « opposition politique » du National Endowment for Democracy partout en Russie et en Ukraine––êtes-vous conscients du fait que lorsque Medvedev était Président de Russie et que Mme Clinton et Michael McFaul procédèrent à leur merveilleuse « réinitialisation, » (c’était un jeu diplomatique truqué, si vous en regardez les conditions), le Vice-Président  Biden se rendit à l’Université d’Etat de Moscou et déclara que Poutine ne devait pas retourner à la Présidence. Il le lui répéta ensuite à la figure. Imaginez Poutine venant ici dans les semaines à venir et disant à Rubio ou à Clinton d’abandonner la course pour la Présidence!

Reste-t-il encore des lignes rouges quand il est question de notre attitude envers la Russie ? Avons-nous le droit de dire et de faire tout ce que nous voulons ? Ceci s’étend à tous les domaines, et certainement à la politique. La Maison Blanche ne peut simplement pas se taire, harcelée comme elle l’est par les lobbies anti-russes accrédités et les médias dominants. Nous croyons tous en la démocratie, mais que cela nous plaise ou non, nous ne pourrons pas imposer la démocratie à la Russie; et si nous pouvions le faire, nous ne serions peut-être pas contents des résultats produits.

Alors posez-vous la question, y-a-t-il une position sur la Russie qui devrait être prudemment repensée, dans l’après-Paris? Et la Russie aurait-elle à tout le moins quelques intérêts légitimes dans le monde ? Et si oui, lesquels ? Qu’en est-il de leurs frontières? Ont-ils des intérêts légitimes en Syrie?

4)  Mon dernier point est un espoir prescriptif (avant Paris, je ne pensais pas qu’il y avait d’espoir du tout). Maintenant il y existe encore une chance de réaliser le partenariat perdu avec la Russie, au moins dans trois domaines :

L’année dernière, la Russie s’est retirée de l’Initiative Nunn-Lugar dont vous vous souvenez peut-être qu’elle fut l’un des articles de législation les plus sages jamais passés par le Congrès.  Durant les années 1990, nous avons donné de l’argent à la Russie pour immobiliser et sécuriser leur matériel de fabrication d’armes de destruction massive. De plus, nous avons payé des salaires à leurs scientifiques qui savaient fabriquer et utiliser ces matériels, et qui autrement auraient pu aller vendre leur savoir et trouver des emplois en Syrie, au Yémen ou au Caucase. La Russie s’est retirée, mais a déclaré qu’elle veut renégocier Nunn-Lugar selon des termes différents. La Maison Blanche a refusé.  Après Paris, on espère qu’Obama aura pris le téléphone et dit : “Je vais vous envoyer quelqu’un, finissons ce boulot.”

Malheureusement, les rapports semblent indiquer que la Maison Blanche et le Département d’Etat pensent avant tout à la manière de contrer les actions de la Russie en Syrie. Ils s’inquiètent, d’après les rapports, de ce que la Russie diminue le leadership américain dans le monde.

ET VOICI LA CONCLUSION:  Nous, aux Etats-Unis, ne pouvons plus diriger le monde tout seuls, si tant est que nous le pûmes jamais. Bien avant Paris, la mondialisation et d’autres développements se sont produits qui ont mis fin au monde monopolaire, dominé par les Etats-Unis. Ce monde est fini. Un monde multipolaire a émergé sous nos yeux, non seulement en Russie mais dans cinq ou six capitales dans le monde. Le refus obstiné de Washington d’embrasser cette réalité nouvelle fait maintenant partie du problème, et non partie de la solution.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui…. Même après Paris.

Le Professeur Stephen F. Cohen est un spécialiste américain de l’étude de la Russie à l’Université de Princeton et à New York University. Son travail universitaire est centré sur l’histoire de la Russie depuis la Révolution Bolchévique et les relations de la Russie avec les Etats-Unis.

Traduction : Anne-Marie de Grazia

Source : Oriental Review, 07-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/tout-nest-pas-de-la-faute-a-poutine-par-stephen-cohen/


Affaire Sauvage : « Ne pas confondre justice et féminisme »

Sunday 7 February 2016 at 01:20

J’ai été intéressé par ce dossier, que je n’ai pas du tout creusé.

On y retrouvait certains éléments classiques de la propagande.

Pitch : Une pauvre femme torturée par son mari (avec un récit révoltant tout être humain), qui brutalement se révolte, et la méchante justice qui la condamne à cause d’une loi trop sévère.

Et comme souvent, la violence de la narrative des médias qui ont la confiance du public mobilise presque par réflexe toute notre compassion, et nos sentiments prennent le pas sur notre raison

Et on ne voit pas la baleine sous gravillon : mais si le récit des médias est juste, comment diable 2 jurys populaires, tout aussi humains que nous, ont-ils pu condamner deux fois cette malheureuse ?

Et la conclusion, si on est dans la minorité de la population assez avertie pour savoir que, non, on ne peut avoir confiance dans les médias, est qu’il nous manque les zones d’ombre de l’affaire – qui sont nombreuses (en particulier les incohérences du récit rendant plausible la préméditation)…

Bref, je n’ai pas d’avis tranché sur l’affaire elle-même – mais il est fascinant de voir tant de gens qui appliquent une position de principe louable à un dossier qu’ils ne connaissent pas…

Source : Le Nouvel Observateur, 02-02-2016

Les avocats de la sexagénaire ont plaidé la légitime défense, sans succès. Depuis le procès et la grâce présidentielle, les partisans d’une extension de la légitime défense montent au créneau.

A Paris, le 23 janvier, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées place de la Bastille, pour réclamer la grâce présidentielle de Jacqueline Sauvage. (SEVGI/SIPA)

Tuer son mari violent peut-il être considéré comme de la légitime défense ? Cette notion était au cœur du procès médiatisé de Jacqueline Sauvage, 66 ans, condamnée en appel, le 3 décembre dernier, à dix années de réclusion criminelle pour le meurtre non-prémédité de son mari qui la frappait et l’agressait sexuellement depuis 47 ans. L’histoire, tout le monde la connaît désormais : un soir de septembre 2012, elle a fini par le tuer de trois balles de fusil de chasse dans le dos, après avoir subi un énième passage à tabac.

Mais la légitime défense, à la barre du tribunal de Blois, ses avocates l’ont plaidée en vain. Elle n’a été retenue ni en première instance, ni en appel. Il est vrai que dans ce cas précis, cette exception du droit, qui dégage de toute responsabilité pénale, était fort difficile à soutenir.

Le droit français est très clair. En substance, le code pénal estime (article 122-1 et suivants) que le champ de la légitime défense recouvre les actes – et seulement eux – qui sont proportionnés, nécessaires et concomitants à une agression. Autant dire que, face à une gifle, le fait de réduire une arcade en miette avec une base de base-ball ne rentre pas dans les critères.

Le droit est-il trop rigide ?

Voilà pourquoi les juges ne l’ont pas entendu de cette oreille : Jacqueline Sauvage s’est emparée du fusil plusieurs minutes après les coups qu’elle a reçus au visage, et a sèchement abattu son agresseur. La riposte n’était ni “immédiate”, ni “proportionnelle”, ont plaidé les avocats de la partie civile. Seule échappatoire pour la sexagénaire, le recours en grâce que lui a finalement accordé le président de la République, dimanche 31 janvier.

Chaque année, entre quatre et cinq femmes tuent leur mari pour sauver leur peau. Le chef de l’Etat ne pourra pas éternellement gracier, au cas par cas, les conjointes qui tuent leur époux après des années de supplice.

Pour ceux qui se battent contre les violences conjugales, la cause est entendue : il faut que le droit, trop rigide, évolue. Ainsi de Marie Allibert, porte-parole d’Osez le féminisme (OLF), jointe par “l’Obs” :

La loi telle qu’elle existe ne prend pas en compte la notion d’emprise. Lorsqu’une femme est victime d’abus pendant des années, elle est constamment sous l’impression que sa vie est menacée, et pas seulement à l’instant t où elle se fait battre.”

L’association va jusqu’à parler de “danger de mort permanent”.

Une légitime défense “différée”

La députée LR Valérie Boyer, qui travaille avec les avocates de Jacqueline Sauvage, concocte un projet de loi en ce sens, lequel intègre la notion de légitime défense “différée”. Celle-ci prend en compte la situation de “survie” dans laquelle est plongée la femme battue. La loi serait très encadrée. “Le diagnostic de la légitime défense différée serait effectué par le législateur, et un comité d’experts”, abonde Marie Allibert. Ce collège jaugerait la nature des violences, la période sur laquelle elles ont cours, l’état de la femme battue, etc.

Spécialiste des violences conjugales, l’avocate Isabelle Steyer mène un autre cheval de bataille. Plutôt en faveur d’une loi cadre sur les violences conjugales faites aux femmes, solution moins draconienne, elle affirme d’expérience :

Les magistrats, les avocats, les experts ne sont pas formés à la question des violences conjugales, ni à apprécier les rapports de domination et d’emprise, qui nécessitent une analyse plus fine de la légitime défense.”

Le droit canadien, souvent pris en exemple, comprend un “syndrome de la femme battue”, qui permet une meilleure appréciation du contexte des violences conjugales, et une meilleure protection. A manier avec précaution : “Il faut une expertise psychiatrique, médicale, une enquête et une contre-enquête si nécessaire”, juge Me Steyer.

Mais l’avocate appuiera la loi sur la légitime défense différée. Car les mentalités évoluant trop lentement, dit-elle, “on est obligés d’y aller au forceps juridique pour faire avancer les choses rapidement, et d’instaurer une discrimination positive, pour que les femmes aient les mêmes droits que les auteurs de violences”.

Permis de tuer ?

Avec ce débat sur la légitime défense “différée”, des pénalistes s’alarment de la création d’un permis de tuer. Toucher à cette fragile définition - dont les policiers souhaitent l’élargissement - pourrait entraîner des dérives. Farouchement opposée à la légitime défense différée, Me Florence Rault s’est fendue d’une tribune dans le Figaro Vox. Sollicitée par “L’Obs”, elle dénonce :

Dans l’emballement actuel, on a l’impression qu’une femme, dès lors qu’elle dénonce des violences conjugales, bénéficierait d’un droit à tuer son mari.”

“Le cas de Jacqueline Sauvage est devenu un objet de militantisme, au service d’une idéologie”, s’emporte encore l’avocate, qui considère néanmoins que “dans le cadre de la légitime défense, la notion de concomitance entre l’acte d’agression et la réplique de l’agressé pourrait évoluer, dans certaines conditions bien précises”.

“La légitime défense différée, c’est un droit de survie quand on est abusée et sous emprise pendant des années, ce n’est pas une logique de vengeance ou d’agressivité”, riposte Marie Allibert d’OLF. “Dans l’idéal, je préfèrerais qu’on pallie l’incrédulité totale à laquelle font face les femmes qui viennent porter plainte au commissariat, où ce qu’elles racontent est en permanence remis en cause, et qui les dissuade de se présenter à la police”. En 47 ans, jamais Jacqueline Sauvage n’avait porté plainte.

Paul Conge

Source : Le Nouvel Observateur, 02-02-2016

=================================================================

Affaire Sauvage : « Ne pas confondre justice et féminisme »

Source : Le Figaro, Florence Rault, 29-01-2016

Jacqueline Sauvage

FIGAROVOX/ANALYSE – La famille de Jacqueline Sauvage est allée réclamer ce vendredi la grâce présidentielle à François Hollande. Florence Rault voit dans l’émotion suscitée par cette affaire la poussée d’un féminisme victimaire qui voudrait se substituer à la justice.

Florence Rault est avocat à la cour

Le traitement de «l’affaire Sauvage», illustre jusqu’à la caricature ce qu’est devenu le débat public. Approximations, ignorance, inculture juridique, androphobie, hystérie, se marient pour imposer UNE vérité et la mettre au service d’UNE cause.

Les mouvements féministes radicaux ont impulsé une campagne à partir de la condamnation de Jacqueline Sauvage à dix ans de réclusion criminelle pour avoir tué son mari. Le monde politique, celui des médias, et celui de la culture se sont mobilisés de façon moutonnière et dans des proportions assez stupéfiantes pour nous sommer de prendre parti. De dénoncer le fonctionnement de la Justice, et exiger de François Hollande l’utilisation de la procédure de grâce présidentielle que l’on croyait depuis son prédécesseur pourtant tombée en désuétude.

L’histoire que l’on nous raconte est effectivement épouvantable. Jacqueline Sauvage, femme sous emprise d’un mari violent, violeur et incestueux, venant d’apprendre le suicide de son fils et après une ultime raclée, se serait rebiffée pour tuer le monstre. Qui ne serait pas ému par ce récit et choqué par la lourdeur de la peine? Et l’on comprend les réactions de ceux qui y voient l’expression de la violence masculine et l’emprise qu’elle fait peser sur les femmes. Avec le viol et l’inceste, devenus aujourd’hui les crimes suprêmes. Tuer le monstre ne serait ainsi que légitime défense.

Le juriste praticien est pourtant immédiatement interpellé par une donnée incontournable: après une instruction criminelle approfondie dont personne n’a contesté la régularité, deux cours d’assises successives n’ont pas retenu ce récit. Elles ont considéré que la légitime défense n’était pas établie, et que la responsabilité de Jacqueline Sauvage était entière dans le meurtre injustifiable de son mari. Sauf à considérer que les 21 citoyens et 6 magistrats constituant les deux jurys ayant statué étaient tous les tenants d’un patriarcat violent, cela constitue un sérieux problème.

Non, les femmes ne sont pas systématiquement victimes de tout et responsables de rien. Et la violence des femmes n’est pas toujours tentative d’échapper à une emprise.

L’analyse d’un dossier comme source d’information vaut toujours mieux que la notice Wikipédia pour parler sérieusement d’un tel cas. Or ce dossier fait apparaître une autre réalité. Le récit que la clameur vient de nous infliger est tout simplement faux.

Jacqueline Sauvage est restée mariée 47 ans avec un homme dont elle a eu 4 enfants. Les violences qu’elle aurait subies durant toute cette fort longue période ne sont attestées que par un seul certificat médical récent. Même si des témoignages de voisins et de relations parlent d’un homme manifestement colérique. À cette inertie quasi cinquantenaire, les militants répondent: «emprise». Notion commode et utilisée à tout propos, qui devrait pourtant recouvrir des situations très différentes. Non, les femmes ne sont pas systématiquement victimes de tout et responsables de rien. Et la violence des femmes n’est pas toujours tentative d’échapper à une emprise.

En ce qui concerne le passage à l’acte, il faut rappeler que Jacqueline Sauvage a abattu son mari avec son propre fusil alors qu’il était immobile sur sa terrasse, de trois balles dans le dos. Et qu’elle pratiquait la chasse en tireuse expérimentée. À cela, les militants répondent: «souvenirs post-traumatiques». Si l’on comprend bien, à la suite d’une nouvelle altercation Jacqueline Sauvage aurait brutalement été confrontée aux souvenirs de 47 ans de martyr jusqu’alors refoulés.

La théorie de la mémoire retrouvée fait partie des fables que l’on retrouve souvent dans les affaires d’allégations d’abus sexuels.

Concernant les accusations d’inceste, celles-ci n’ont été formulées que plus de trente ans après les faits allégués, et dans le cadre d’un soutien total des filles à leur mère (aliénation parentale?). Des mensonges ou une construction sur ce genre de faits est-elle possible? C’est toute mon expérience professionnelle qui me le démontre. Oui, on peut mentir sur ces choses-là. Les affaires Séché, Iacono et tant d’autres (ma liste est longue hélas) l’ont démontré.

Le phénomène des souvenirs induits ou mémoire retrouvée commence à être connue de la justice pénale et certains ne se laissent plus leurrer.

La théorie de la mémoire retrouvée fait partie des fables que l’on retrouve souvent dans les affaires d’allégations d’abus sexuels. C’est alors que l’on entend trop souvent que la preuve de l’abus résidait justement dans le fait de ne pas s’en souvenir. Ah bon? Et qu’un «flash» miraculeux aurait révélé les causes d’un mal être et permis de «commencer à se reconstruire». Quand ce flash est favorisé, parfois même imposé par des thérapeutes auto-proclamés, il y a vraiment de quoi s’inquiéter.

La MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) est sensibilisée à ce problème qui relève bien cette fois de l’emprise mentale de charlatans spéculant sur la faiblesse de certaines personnes. Il peut aussi arriver qu’un soit disant oubli post-traumatique soit infiniment pratique pour se venger de quelqu’un ou régler ses comptes.

En dehors de cas cliniques précis, il est difficile d’envisager qu’une femme ait pu oublier pendant 47 ans ce qu’elle aurait supporté.

Il en va de même pour les accusations d’inceste. Oui des enfants peuvent mentir, parfois même très sincèrement tant ils sont convaincus par leur théorie. Les mensonges, les inventions, les manipulations et autres fantasmes existent bel et bien. Que dire quand il s’agit de révélations tardives d’adultes revisitant leur passé pour racheter la faute de leur mère?

L’objectif est simple : instrumentaliser la justice pour des fins qui ne sont pas les siennes, à savoir en la circonstance, assurer la promotion d’un féminisme victimaire, et affirmer l’impossibilité de l’existence d’une violence des femmes.

Concernant le contexte familial des Sauvage il est intéressant de rappeler que les quatre enfants du couple avaient fait leur vie depuis longtemps, l’aînée ayant déjà 50 ans… Que la présentation d’une fratrie dévastée par le caractère monstrueux du père ne résiste pas à l’examen du dossier.

Autre détail déplaisant, l’épisode du suicide du fils la veille du meurtre est souvent présenté comme étant aussi à l’origine du déclic. Problème: Jacqueline Sauvage ne le savait pas quand elle a abattu son mari. Les débats ont plutôt fait apparaître un fils trouvant dans la mort le moyen d’échapper à l’emprise de la mère.

C’est sans doute ce récit qu’on retenu ceux qui sont intervenus dans ce dossier et ceux qui l’ont jugé, en toute connaissance de cause après une procédure dont personne n’a contesté la régularité.

Alors pourquoi cette campagne, une telle déformation de la réalité une telle pression sur la justice et sur le pouvoir exécutif? L’objectif est simple: instrumentaliser la justice pour des fins qui ne sont pas les siennes, à savoir en la circonstance, assurer la promotion d’un féminisme victimaire, et affirmer l’impossibilité de l’existence d’une violence des femmes.

Or, lorsqu’on essaye d’enrôler le juge, cela ne peut se faire qu’au détriment à la fois de la vérité, et du respect des libertés publiques. Le juge n’est pas là pour faire triompher une cause, aussi honorable soit-elle. Il est là pour juger des faits de transgression de l’ordre public. Et dans une démocratie, c’est lui qui est légitime à le faire.

Florence Rault

Source : Le Figaro, Florence Rault, 29-01-2016

 

Affaire Jacqueline Sauvage : «L’émotion ignorante et la compassion téléguidée !»

Source : Le Figaro, Philippe Bilger, 28-01-2016

FIGAROVOX/TRIBUNE – Philippe Bilger estime que l’émotion compréhensible qu’a suscité l’affaire Jacqueline Sauvage ne doit pas aller à l’encontre des décisions rendues par la justice.

L’impérialisme de l’émotion ignorante est dévastateur.

Jacqueline Sauvage, accusée du meurtre, au mois de septembre 2012, de son époux, a été condamnée en première instance et en appel, le 3 décembre 2014, par deux cours d’assises à la même peine de dix ans d’emprisonnement.

D’abord trois magistrats plus six citoyens.

Puis trois magistrats plus neuf citoyens.

Depuis ce dernier arrêt, manifestations, pétition en ligne, demande de grâce présidentielle, cette effervescence multiple qui ne manque pas de suivre les procès renvoyant à tort ou à raison à des faits de société. En l’occurrence, les violences faites aux femmes.

Le féminisme – jusqu’aux Femen seins nus, c’est capital! – a trouvé matière, sur cette tragédie, à apposer une grille de dénonciations générales abstraites sans rien connaître des détails et des mystères de cette histoire familiale. Parce qu’une femme a été, durant quarante-sept ans, victime de coups, d’humiliations et d’abus sexuels et qu’elle y a mis fin en tuant son mari odieux, elle serait forcément et légitimement une héroïne de la cause féministe? Parce qu’une mère a vu deux de ses filles sur trois être battues et violées sans réagir pendant longtemps à cause de la terrible emprise de l’époux, elle deviendrait sinon exemplaire du moins judiciairement bénéficiaire de la plus extrême indulgence?

Entendons-nous bien. La réalité de cette vie d’enfer a été prouvée et elle inspire pitié et compassion. De même que l’existence des agressions graves sur les deux sœurs.

Pourquoi cette mort causée par des tirs dans le dos ? Pourquoi, face à l’horreur du quotidien, pas la moindre fuite ni résistance sinon par le meurtre si tardivement ? Rien et, enfin, un tout irréversible !

Il n’en demeure pas moins que l’interrogation de la présidente en appel: «pourquoi ne pas avoir déposé plainte?» est elle-même compréhensible et qu’il n’est pas nécessaire d’avoir été présent lors des délibérés, quand on a un peu d’expérience, pour appréhender l’ensemble des problématiques qui ont dû être débattues. Par exemple, en effet, pourquoi une si longue passivité même terrorisée alors que les filles étaient passées sous le terrible joug paternel? Pourquoi cette mort causée par des tirs dans le dos? Pourquoi, face à l’horreur du quotidien, pas la moindre fuite ni résistance sinon par le meurtre si tardivement? Rien et, enfin, un tout irréversible!

Je conçois qu’à ces questions qui ne sont pas déshonorantes, on trouve des réponses favorables à l’accusée parce que la psychologie et les profondeurs de l’être entraînent l’humanité parfois sur des chemins imprévisibles, déroutants et pourtant admissibles. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas honteux de s’étonner.

Les deux avocates de Jacqueline Sauvage ont plaidé l’acquittement au nom d’une définition extensive de la légitime défense. Pourquoi pas? Mais, à deux reprises, elles n’ont pas convaincu.

Les filles de Jacqueline Sauvage ont immédiatement hurlé à l’injustice et considéré que leur mère aurait dû être acquittée parce que, selon elles, leur père était «un monstre, une bombe…». Leur réaction est évidemment conforme à ce qu’on pouvait attendre d’une telle histoire familiale mais doit-elle forcément, au-delà de la douleur qui l’inspire, servir de guide à tous?

A quel titre un comité de soutien comprenant notamment l’actrice Eva Darlan, Anne Hidalgo, Jean-Christophe Lagarde, Daniel Cohn-Bendit, Jean-Luc Mélenchon, NKM et Valérie Boyer – ces deux dernières lui rendant même visite en prison! – et une cinquantaine de parlementaires, a-t-il cru bon de se constituer et de venir «soutenir» Jacqueline Sauvage comme si la France n’était pas un état de droit et les jurys de cour d’assises composés par des gens honorables? Parce que ce comité, qui n’a pas assisté au procès et n’a pas eu accès au dossier, serait naturellement plus apte que ces citoyens qui ont jugé et condamné à deux reprises? Parce qu’on aurait besoin de lui pour qu’à l’évidence une exécution de la peine, allant jusqu’au plus extrême de l’indulgence pénitentiaire, soit concédée à Jacqueline Sauvage, alors que cela ira de soi!

Ceux qui savent ont jugé. Ceux qui jugent les juges ne savent rien.

Le comble, une accusée acquittée pour le meurtre de son mari, avec une histoire et un comportement différents de ceux de Jacqueline Sauvage, réclame également sa grâce. A quand, on ne sait jamais, des attestations de moralité délivrées par des condamnés pour des coupables!

Il est dramatique, en tout cas pour la démocratie et le respect des pouvoirs qui lui donnent sens et crédit, que des personnalités politiques de tous bords s’immiscent dans ce qu’elles ne connaissent pas et viennent, avec démagogie et dans la confusion, porter atteinte à une institution judiciaire fondamentale de notre pays puisqu’elle permet au peuple, assisté par des professionnels, de juger les crimes. Quelle légèreté derrière ces interventions suscitées par l’émotion ignorante et la compassion téléguidée! Ceux qui savent ont jugé. Ceux qui jugent les juges ne savent rien.

Ou bien faut-il aller jusqu’à considérer, derrière cette fronde à forte tonalité parisienne, une condescendance, un mépris pour ces cours d’assises de province qui seraient incapables de maîtriser le féminisme et d’appréhender la vérité parce qu’elle serait trop complexe et trop politique pour elles?

Alors que c’est exactement le contraire. Ce que ces juridictions ont mesuré est le poids d’un singulier tragique sur lequel les abstractions féministes et plurielles ne pouvaient pas avoir prise parce que les jurés étaient présents et que le comité était absent!

Perversion française. Une justice criminelle assurée à deux reprises. Un mouvement de contestation, un comité de soutien créés de toutes pièces battant en brèche deux arrêts incontestables. Pire encore, l’excellente députée LR Valérie Boyer profite de cette opportunité judiciaire pour proposer une réforme de la légitime défense. La boucle française est là dans sa pureté désastreuse. L’autorité de la justice défaite par ceux qui devraient la faire respecter et le prurit législatif favorisé.

Pour couronner ou dégrader, le président de la République recevra la famille de Jacqueline Sauvage le 29 janvier. Si Nicolas Sarkozy s’était permis cette démagogique démarche, que n’aurait-on pas entendu!

Alors que, avant l’octroi d’une éventuelle grâce présidentielle, il serait apparemment possible, par une procédure devant le TAP d’Orléans, d’obtenir que puisse être envisagée une libération conditionnelle pour l’été 2016.

Celle-ci n’aurait rien de choquant.

Mais, de grâce, que les politiques se mêlent de ce qui les regarde et ne se croient pas trop souvent obligés de se camper tels des Zola de l’infiniment pauvre face à des scandales fantasmés et à des injustices décrétées!

 Philippe Bilger

Chaque semaine, Philippe Bilger prend la parole, en toute liberté, dans FigaroVox. Il est magistrat honoraire et président de l’Institut de la parole. Il tient le blog Justice au singulier et est l’auteur de Ordre et désordres paru aux Éditions Le Passeur en avril 2015.

Source : Le Figaro, Philippe Bilger, 28-01-2016

==================================================================

Jacqueline Sauvage : « C’est un camouflet pour la justice »

Source : Le Figaro, 01-02-2016

Source : Le Figaro, 01-02-2016

==================================================================

Pour les curieux qui ont du temps – et comme je n’ai pas le temps de le faire, je serais intéressé par ce que certains indiquent les incohérences relevées lors du procès en commentaire, le détail est là : premier procès, deuxième procès

Source: http://www.les-crises.fr/affaire-sauvage-ne-pas-confondre-justice-et-feminisme/


La Parisienne Libérée: « Les socialistes résignés »

Sunday 7 February 2016 at 00:30

Source : Anti-K, JR,  25-04-2015

Source : Anti-K, JR,  25-04-2015

Source: http://www.les-crises.fr/la-parisienne-liberee-les-socialistes-resignes/


Revue de presse internationale du 07/02/2016

Sunday 7 February 2016 at 00:00

Cette semaine notamment, des fantômes à la pelle, la vie privée sous surveillance et la vie politique à court et long termes aux USA. Bonne lecture et à demain pour la revue francophone.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-07022016/


Valls à l’Assemblée : il faut réviser la Constitution « par respect pour les Français »

Saturday 6 February 2016 at 02:58

Valls ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnait.

Source : Libération, Laure Bretton, 05-02-2016

Valls à l’Assemblée : il faut réviser la Constitution «par respect pour les Français»

Ouvrant le débat parlementaire sur la réforme constitutionnelle, le Premier ministre en a appelé au «rassemblement» face «à toutes les déchirures de notre société» . Cécile Duflot, elle, juge cette révision «inutile et dangereuse».

On pourrait résumer les vingt-huit minutes du discours de Manuel Valls devant l’Assemblée nationale, ce vendredi, à l’occasion de l’ouverture de l’examen de la révision constitutionnelle, à une formule unique : les Français nous regardent. Pour emballer ce match parlementaire, le Premier ministre place droite et gauche sous le regard de leurs concitoyens, plantant le décor dès ses premiers mots dans l’hémicycle, en évoquant une menace terroriste «inédite, globale et durable». Il faut donc inscrire l’état d’urgence dans la Constitution ainsi que la déchéance de nationalité des terroristes condamnés. «Ce que les Français nous demandent, c’est une unité, une unité sans faille, plaide le chef du gouvernement devant des rangs plus que clairsemés. Face à la menace, face à toutes les déchirures de notre société, face au risque de tensions, nous devons être forts donc unis.» Dans son esprit, celui qui ne vote pas la révision constitutionnelle affaiblit donc la France. CQFD.

Après six semaines de circonvolutions politico-juridiques, Valls ne s’embarrasse pas trop de détails, même s’il confirme le compromis bricolé cette semaine avec la majorité : on ne mentionne plus binationaux et on parle de déchoir les Français «quelle que soit l’origine de leur appartenance à la Nation». C’est-à-dire tout le monde. Et dans la loi d’application, il n’y aura pas de formule interdisant l’apatridie, même si le Premier ministre ne prononce le mot à aucun moment. En termes de formule magique, «Houdini n’est pas dépassé», tacle le radical Roger-Gérard Schwartzenberg, pour qui la déchéance de nationalité est un «encombrant» auquel il ne faut trouver «aucun stockage».

La balle dans le camp de la droite

Pour Valls, «cette révision constitutionnelle est un moment exceptionnel qui se déroule dans un contexte exceptionnel». En meilleur rempart de François Hollande, le Premier ministre explique que cela exige, de «tous, de la hauteur. Par respect de la parole du chef de l’Etat, par respect pour les Français, par respect de leur courage. Cette impressionnante force de caractère doit être pour nous un commandement, une injonction à se rassembler».

La balle est dans le camp de la droite : sur fond de primaire présidentielle et d’opposition, les dirigeants de Les Républicains prendront-ils le risque de ne pas voter une mesure plébiscitée par les Français ? L’exécutif fait le pari, risqué, que non. Et Valls prend un malin plaisir à rappeler le Congrès de Versailles du 16 novembre et l’unité nationale qui s’en était dégagée. «Moi, je garde cette image, ce moment, où l’ensemble des parlementaires étaient tous debout applaudissant le président de la République, le président de tous les Français, lance-t-il sous l’œil de la quinzaine de députés installés à droite. Ce moment solennel nous engage. Cette sincérité de chacun, cette évidence ne doit pas s’évanouir.»

Le tout est dit sur un ton volontairement conciliant, une voix savamment maîtrisée. Mais les interventions des écologistes Cécile Duflot et Noël Mamère vont réveiller le chef du gouvernement, pour qui socialistes et écolos n’ont «plus grand-chose à faire ensemble». Les deux députés ont déposé une motion de rejet et une motion de renvoi, ce qui leur permet de bénéficier d’un temps de parole important pour s’opposer à la révision constitutionnelle. Lors de la discussion générale, qui doit se poursuivre dans l’après-midi, tout est très minuté et les orateurs sont choisis par les présidents de groupes parlementaires. Au PS, les antidéchéance ont ainsi pu être privés de micro.

Pour l’ancienne ministre du Logement, qui livre un exposé de 25 minutes solidement étayé en droit et en citations historiques, «on voit bien que la gauche, en voulant mettre un adversaire dans l’embarras, a jeté aux oubliettes nos valeurs». La révision constitutionnelle est «inutile et dangereuse», estime Cécile Duflot, approuvée sur les rangs de la droite. A ses yeux, avec cette déchéance de nationalité, la gauche fait du Front national: «nous empruntons le chemin de nos ennemis qui rangent les Français dans des catégories». Dans son discours, refusant tout «déterminisme social» aux terroristes, elle attaque quand même Manuel Valls de front. Après les attentats de janvier 2015, «vous avez eu des mots de très forts. Vous avez parlé d’apartheid. Mais au choc des mots a succédé le vide des actes, pourquoi?», interroge la dirigeante verte qui ne veut pas réviser la Constitution, mais réinventer la République.

Laure Bretton

Source : Libération, Laure Bretton, 05-02-2016

Examen du projet de loi de révision constitutionnelle : discours de Manuel Valls à l’Assemblée nationale

Passe d’armes entre Manuel Valls et Cécile Duflot sur la déchéance de nationalité 

 

Discours de Cécile Duflot (recommandé)

Source: http://www.les-crises.fr/valls-a-lassemblee-il-faut-reviser-la-constitution-par-respect-pour-les-francais/


Les faillites pétrolières au plus haut depuis la crise et “il y en aura d’autres”, assure la Fed

Saturday 6 February 2016 at 01:57

Source : Zero Hedge, le 25/12/2015

Proposé par Tyler Durden le 25 décembre 2015

“Deux choses apparaissent clairement si on analyse la santé financière de la production d’hydrocarbures aux US : 1) le secteur n’est pas du tout homogène, révélant de grands éventails dans la santé financière des acteurs ; 2) une partie du secteur semble exposée au risque et la survie pour les producteurs à risques pourrait passer par un investissement public, des ventes d’actifs, des rachats ou des consolidations. Si tout cela échoue, il faudra envisager le Chapitre 11″. Voici l’évaluation de Citi sur la situation de la “révolution du pétrole de schiste” américaine, que les Saoudiens tentent depuis plus d’un an maintenant de détruire.

Comme Citi et d’autres l’ont noté – un an après que nous ayons traité longuement de ce problème – les producteurs non rentables aux US sont totalement dépendants du capital-investisseur pour leur survie. “Le secteur du schiste est maintenant sous stress-test financier, mettant au jour le secret de ce marché : beaucoup de producteurs dépendent d’injection de capitaux pour financer leurs activités car ils ont jusqu’à présent largement excédé leurs liquidités disponibles,” écrit Citi en septembre. Voyons ce que veut dire la banque :

 

Figure 1. Les liquidités disponibles des 50 premiers producteurs américains ont été constamment négatives et s’aggravent en 2015, augmentant la “fracture de financement”

Bien sûr, cela marchait bien dans un monde caractérisé par des coûts élevés du pétrole et par des politiques monétaires très accommodantes. Le coût du capital était bas, les investisseurs en mal de rendement étaient peu regardants, permettant aux pétroliers américains de continuer à forer et à pomper bien au-delà du seuil de faillite. Mais maintenant la proverbiale ardoise doit être réglée. Faisant suite à la hausse de la Fed, HY [l'indice High Yield, haut rendement, NdT] plonge et comme l’a noté UBS cet été, “l’industrie des matières premières représente 22,8% de l’index HY ; les secteurs les plus à risque de défaut (défini comme incapables de payer, en banqueroute et en restructuration) représentent 18,2% de l’index et incluent les industries des producteurs de gaz et pétrole (10,6%), métaux et forage (4,7%) et équipement et services pétroliers (2,9%).” Comme l’a dit à Bloomberg la semaine dernière Bruce Richards, CEO de Marathon Asset Management, “le prix du baril pourrait chuter en dessous de $30 à cause d’une offre surabondante, et jusqu’à un tiers des sociétés d’énergie pourraient faire défaut dans les 3 ans.”

“C’est la pire année hors récession que nous ayons eue en haut rendement,” a déclaré Richards. Marathon, installée à New York, a ajouté des positions à la vente sur les obligations du secteur de l’énergie, a-t-il dit.

// VIDEO

Malgré les gains de cette semaine et à part une prévision probablement erronée de l’impact que la levée de l’interdiction d’exportation de pétrole brut américain aura sur le WTI, les fondamentaux ici sont maintenant un cauchemar. L’Irak produit à des niveaux record, l’Iran va augmenter sa production le mois suivant, une fois les sanctions levées, et l’OPEP se désagrège totalement. En outre, les producteurs se heurtent aux limites du nombre d’emplois qu’ils peuvent supprimer et de dépenses d’investissement qui peuvent être taillées (à terme, il leur faut conserver assez de capital humain et de moyens pour rester opérationnels). Conclusion : les faillites arrivent.

Comme la Réserve fédérale de Dallas le note dans ses dernières prévisions trimestrielles du secteur énergétique, les faillites dans le domaine sont maintenant à leurs niveaux les plus hauts depuis la crise et les perspectives d’avenir sont moroses. Ci-dessous, des extraits du rapport.

*  *  *

De la Réserve fédérale de Dallas

Les cours du pétrole brut West Texas Intermediate (WTI) ont, jusqu’ici, chuté d’environ 23 pour cent dans le courant du quatrième trimestre. Les espoirs se sont reportés sur la perspective d’un prix plus faible étant donné que les sanctions contre l’Iran vont vraisemblablement être levées début 2016, l’OPEC (Organization of the Petroleum Exporting Countries) a balayé toute prétention de plafond de production et le déclin des productions américaines a ralenti. Une offre excédentaire fait chuter le pétrole au cours le plus bas depuis 10 ans. Le déséquilibre entre l’offre et la demande globales a fait chuter le cours du pétrole à des niveaux que l’on n’avait pas vus depuis 10 ans. La production mondiale de pétrole dépassera la consommation de 1,7 million de barils par jour en moyenne en 2015, selon les estimations faites en décembre par l’EIA (Energy Information Administration). Cet excédent est plus grand que pendant la crise financière asiatique et la Grande dépression. La production de l’OPEC a inondé les marchés avec presque un million de barils par jour durant cette année, plus que l’EIA avait prédit en novembre 2014. En 2016, on s’attend à ce que la production globale dépasse la demande de 0,6 million de barils par jour en moyenne (Graphique 1).

 

Graphique 1 : La surproduction globale devrait persister en 2016

Graphique 2 : Retour prévu de la production iranienne sur le marché après la fin des sanctions

Au cours de la réunion de l’OPEC en décembre, la levée imminente des sanctions contre l’Iran avait contribué à accroître la dissonance vocale au sein du cartel. La réunion s’était achevée dans le désordre et les ministres du pétrole abandonnèrent toute prétention à un plafond de production pour la première fois depuis des décennies. Une division profonde se fit jour entre l’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe d’un côté et de l’autre l’Iran et les membres restants de l’OPEC. Ces dissensions ont trois causes sous-jacentes. Premièrement, il existe un fort désaccord sur la façon dont devrait être accueillie la production iranienne une fois les sanctions levées étant donné que l’Arabie saoudite, l’Irak et d’autres États cherchent à conserver leur part de marché. Deuxièmement, les tensions en hausse dans le conflit syrien ont creusé les rivalités régionales. Troisièmement, les bas prix du pétrole affectent différemment les pays membres à cause de leur situations fiscales diverses. Ces causes sous-jacentes rendront peu probable tout accord sur le rétablissement de plafonds de production ou sur d’autres actions coordonnées par l’OPEC en 2016.

Les faillites dans le secteur du pétrole et du gaz ont atteint des niveaux trimestriels jamais vus depuis la Grande dépression. Les prix en baisse du pétrole ont coûté cher aux producteurs de pétrole et de gaz américains, en partie parce que beaucoup d’entre eux doivent faire face à des coûts de production plus élevés que leurs homologues internationaux. Au moins neuf compagnies américaines de pétrole et de gaz, accumulant plus de deux milliards de dollars de dettes, ont effectué une demande de dépôt de bilan. Si les faillites continuent à cette cadence, d’autres vont suivre en 2016. En amont, des firmes se sont aussi adaptées aux bas prix du pétrole en coupant dans les dépenses du capital ; les dépenses ont baissé de 51 pour cent entre le quatrième trimestre 2014 et le troisième trimestre 2015 (Graphique 5).

 

Graphique 4 : La production américaine de pétrole se stabilise, mais les licenciements continuent dans le secteur énergétique

Graphique 5 : Les faillites en hausse, les dépenses à la baisse

Comme l’a déclaré Goldman plus tôt ce mois-ci : “… nous réitérons nos craintes que ‘le stress financier’ ne s’avère trop faible et arrive trop tard pour empêcher le marché de se sortir ‘du stress opérationnel’ avec des prix avoisinant le coût au comptant, en toutes probabilités près des 20$ par baril de pétrole.”

Source : Zero Hedge, le 25/12/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/les-faillites-petrolieres-au-plus-haut-depuis-la-crise-et-il-y-en-aura-dautres-assure-la-fed/