les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

Migrants : Danemark, Autriche, Croatie…, la voie d’eau dans le navire UE s’élargit

Saturday 23 January 2016 at 03:18

L’UE en grande forme, tout ça, tout ça…

Source : Express, AFP, 21-01-2016

Copenhague – Sous le feu roulant des critiques, le Danemark, inflexible, boucle jeudi l’examen parlementaire de sa réforme du droit d’asile ouvrant la voie à une spectaculaire mesure de confiscation et d’autres tout aussi contraires, selon ses opposants, aux conventions internationales.

Craignant un effet domino, le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) a dénoncé en début d’année une réforme “susceptible d’alimenter la peur et la xénophobie” dans l’ensemble des pays d’accueil des migrants.

Pour le HCR, Copenhague bafoue la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH), la Convention sur les droits de l’enfant et les recommandations de l’ONU sur les réfugiés.

Jusqu’à maintenant, le déluge de condamnations qui s’est abattu sur le Danemark n’a guère semblé ébranler le gouvernement de droite et son allié, le Parti populaire danois, formation populiste qui dicte la politique d’immigration du pays scandinave depuis plus d’une décennie.

La politique migratoire danoise se décide au Danemark, pas à Bruxelles“, martèle la ministre de l’Intégration et de l’Immigration Inger Støjberg, forte de l’accord passé avec les sociaux-démocrates (opposition) qui assure au texte une majorité lors d’un vote fixé au 26 janvier.

Après une première session il y a 10 jours, le Parlement siège de nouveau jeudi pour des questions au gouvernement, un exercice réglé comme du papier à musique qui ne devrait pas permettre de faire bouger les lignes.

La confiscation des effets de valeur des migrants à leur arrivée, volet emblématique de la réforme, a concentré l’essentiel des critiques. Mais d’autres articles sur les conditions de séjour et le regroupement familial font également polémique.

Copenhague veut par exemple porter de un an actuellement à trois ans le délai avant lequel le regroupement familial est ouvert à certains demandeurs d’asile ne jouissant pas du statut de réfugié.

D’après la Cour européenne des droits de l’Homme, le traitement des dossiers de regroupement familial doit être prompt, flexible et efficace“, résume pour l’AFP le directeur de l’Institut danois pour les droits de l’Homme, Jonas Christoffersen.

La directrice adjointe de l’Europe à Amnesty International, Gauri van Gulik, y voit une “discrimination” aux dépens d’une catégorie de migrants particulièrement fragiles, ayant fui des zones de guerre.

- ‘Changer les règles du jeu’ -

Plutôt que de céder, le Premier ministre Lars Løkke Rasmussen a évoqué la modification des conventions européennes ou internationales. Si, disait-il en décembre, l’afflux de migrants se poursuit, il faudra “changer les règles du jeu“.

Dans un courrier du 15 janvier, le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks, a adressé un avertissement sans frais au Danemark.

La réforme du regroupement familial “soulève des questions de compatibilité avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme” mais aussi la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, écrit-il.

C’est son opinion personnelle“, balaye Michael Aastrup Jensen, un haut responsable du parti gouvernemental Venstre, interrogé par l’AFP.

Le chef de la diplomatie danoise, Kristian Jensen, devait se rendre jeudi à Genève devant l’ONU pour s’expliquer sur la politique des droits de l’Homme de son pays.

Etat membre de l’UE comptant parmi ceux ayant reçu en 2015 le plus grand nombre de migrants par habitant, le Danemark estime ne plus être en mesure de financer leur séjour, ni de les intégrer. La presse nationale se fait l’écho de crispations croissantes entre la population et les migrants, à Copenhague comme en province.

Sur fond de plaintes de jeunes femmes rapportant des comportements inopportuns, une discothèque de Sønderborg, près de la frontière allemande, refuse désormais strictement l’entrée aux personnes ne parlant ni anglais, ni danois ni allemand.

Et d’après l’organisation professionnelle des cafés et restaurants danois, d’autres établissements devraient lui emboîter le pas.

A Randers, commune de 60.000 habitants (est), le conseil municipal a rendu obligatoire au menu des cantines la viande de porc, interdite dans l’islam mais très répandue dans la gastronomie locale et dont le Danemark est un producteur de rang mondial.

 Source : Express, AFP, 21-01-2016
========================================================

L’Autriche plafonne le nombre des réfugiés, l’UE prise de vitesse

Vienne – L’Autriche veut fortement limiter le nombre des réfugiés sur son sol, incarnant la détermination accrue des gouvernements européens à décourager les candidats à l’asile, toujours nombreux aux portes de l’UE.

Source : l’Express, 20/01/2016

L’annonce par la coalition centriste au pouvoir à Vienne d’un plafond annuel pour le nombre des demandeurs d’asile, à partir de 2016, fait craindre à la Commission européenne un effet domino dans les autres pays.

La Commission, qui tente de promouvoir une réponse coordonnée à la crise migratoire, semble prise de vitesse par la volonté des Etats d’agir seuls, avant la fin de l’hiver et une nouvelle accélération du flux migratoire.

Pays hors UE, la Macédoine a aussi pris la décision de fermer provisoirement mercredi sa frontière avec la Grèce, y bloquant plusieurs centaines de migrants.

L’Autriche souhaite également, dans les prochains jours, ne plus laisser entrer les migrants cherchant à gagner la Scandinavie, et les refouler à sa frontière, comme le fait déjà l’Allemagne depuis que la Suède et le Danemark ont restreint, début janvier, les entrées sur leur territoire.

Croatie et Serbie ont annoncé mercredi qu’elles feraient de même et ne laisseraient désormais passer que ceux demandant l’asile en Allemagne ou en Autriche, laissant présager de situations chaotiques parmi les migrants sur la route de l’exode.

En Allemagne, on nous a dit qu’il y avait une nouvelle loi, qu’on ne pouvait pas rester ici et, le lendemain, on nous a renvoyés en Autriche“, a témoigné auprès de l’AFP Hawre, un Iranien rencontré dans un camp d’accueil près de Salzbourg (ouest) et qui souhaite se rendre aux Pays-Bas.

L’Allemagne, quant à elle, affirme encore tabler sur “une solution européenne commune“, selon le porte-parole de la chancelière Steffen Seibert.

A ce titre, Berlin a annoncé mercredi le démantèlement d’un réseau de passeurs de migrants en Méditerranée, grâce à une opération commune germano-turque et des perquisitions dans les deux pays. Cinq suspects ont été arrêtés en Allemagne, trente en Turquie, accusés d’avoir fait traverser la Méditerranée à 1.700 personnes.

Mais la défiance de l’opinion vis-à-vis de la politique d’ouverture aux migrants d’Angela Merkel a été alimentée par les violences du Nouvel An à Cologne, et la pression en faveur de mesures plus draconiennes est forte.

Les conservateurs bavarois ont profité de la décision de Vienne pour faire de nouveau entendre leur revendication d’un “plafond” de 200.000 migrants par an en Allemagne, où 1,1 million de demandes d’asile ont été enregistrées en 2015.

Le président allemand Joachim Gauck a estimé au forum de Davos que limiter l’afflux des demandeurs d’asile pouvait être “moralement et politiquement requis” en Europe, pour ne pas “laisser le champ libre aux populistes“.

Le gouvernement autrichien a annoncé vouloir limiter à 37.500 le nombre de ceux qui seront accueillis en Autriche en 2016, plus de deux fois moins que les 90.000 de l’année dernière.

- “Pression” sur l’UE -

Ces quatre prochaines années, Vienne souhaite au total limiter à 1,5% de la population autrichienne (8,5 millions d’habitants) le nombre des demandeurs d’asile supplémentaires dans ce pays, soit 127.500 personnes de 2016 à 2019.

Il s’agit aussi par cet objectif chiffré d’”exercer une pression” sur l’UE afin d’obtenir une accélération dans la mise en oeuvre de mesures pour stopper les migrants, selon les dirigeants autrichiens.

Nous avons besoin d’une forte réduction (du nombre des arrivées de migrants dans l’UE, ndlr) dans les six à huit prochaines semaines“, avant la fin de l’hiver, a également lancé le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, aux eurodéputés réunis à Strasbourg.

Plus d’un million de migrants ont rallié le continent européen en 2015. Selon des estimations de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 31.000 arrivées ont été enregistrées en Grèce depuis le début de l’année, soit 21 fois plus qu’en janvier 2015.

L’exécutif européen pourrait proposer en mars un nouvel outil de gestion du flux sous la forme d’une refonte du système dit de Dublin, bafoué depuis de nombreux mois.

Au lieu de faire traiter la demande d’asile par l’Etat membre où le migrant est entré dans l’UE, comme le prescrit la règle européenne, chaque Etat se verrait attribuer un quota permanent de réfugiés en fonction de sa taille, de son PIB, etc.

L’idée de la Commission est d’arriver à un système de “relocalisation” permanent, alors que le système défini en septembre ne porte que sur un nombre limité de 160.000 réfugiés.

Les températures sont désormais très basses tout au long de la route de l’exode et une fillette d’environ cinq ans ainsi qu’une femme sont mortes de froid mercredi en tentant d’atteindre l’île grecque de Lesbos au départ des côtes turques.

Source : l’Express, 20/01/2016

========================================================

Berlin critique les quotas de migrants voulus par l’Autriche

Le ministre allemand de l’Intérieur a déploré jeudi la décision unilatérale de l’Autriche d’instaurer des quotas de demandeurs d’asile et un renforcement des contrôles à ses frontières.

C’est pour ça que j’aime les Allemands…

Le ministre allemand de l’Intérieur a déploré jeudi la décision unilatérale de l’Autriche d’instaurer des quotas de demandeurs d’asile et un renforcement des contrôles à ses frontières.

“La décision de l’Autriche ne concerne que l’Autriche. Nous nous concentrons sur une solution européenne”, a déclaré Thomas de Maizière.

“Nous misons sur les solutions européennes communes qui ont été approuvées mutuellement et nous souhaitons éviter aussi longtemps que possible les solutions nationales, en particulier celles qui ont des conséquences pour les autres”, a ajouté le ministre allemand.

L’Autriche souhaite limiter le nombre de demandeurs d’asile à 1,5% de la population, une mesure étalée sur les quatre prochaines années. Environ 90.000 personnes, soit un peu plus de 1% des 8,5 millions d’habitants du pays, ont déposé des demandes d’asile l’an passé.

Cette initiative va à l’encontre des efforts déployés par l’Allemagne pour dégager une solution européenne avec le soutien de la Turquie.

Source  21/01/2016

========================================================

UE : si Schengen s’effondre, l’euro sera menacé, dit Juncker

Si l’espace européen Schengen de libre circulation venait à disparaître, c’est la monnaie unique, l’euro, qui serait rapidement menacé, a déclaré mercredi à Strasbourg le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

OB : On voit bien, ici, le coeur du projet UE : le pouvoir financier (qui permet de lutter contre la Démocratie) qui est donc autrement plus important que la libre circulation des personnes…

Revenant, devant les députés européens, sur l’incapacité des Etats à mettre rapidement en ÷uvre les mesures qui devraient permettre de contrôler les frontières extérieures face aux flux de migrants, il a souligné le “coût” d’une fermeture des frontières intérieures déjà appliquée par certains pays.

“Nous avons, pour ce qui est de Schengen, un comportement qui se caractérise par sa légèreté. Nous fermons l’une après l’autre les frontières en Europe. Lorsque nous les aurons toutes fermées, nous verrons que le coût du non Schengen est considérable”, a-t-il affirmé.

L’ancien Premier ministre luxembourgeois a évoqué les 1,7 millions de travailleurs frontaliers et les “57 millions de mouvements de transport routier transfrontalier” (par an) qui bénéficient de l’espace Schengen.

“Rien que sur le pont entre le Danemark et la Suède, le fait de la réintroduction des contrôles aux frontières comporte un coût de 300 millions (d’euros). Les pénalités, sous forme de délais d’attente aux frontières pour les camions, se chiffrent à 3 milliards”, a-t-il souligné.

“Si les frontières sont fermées, si le marché intérieur commence à souffrir de conséquences, non maîtrisées parce que non maîtrisables, de la réintroduction des frontières, il est évident que viendra le jour où on se posera la question de savoir si vraiment il nous faut une monnaie unique si on n’a plus de marché intérieur et si on n’a plus de libre circulation des travailleurs”, a conclu Jean-Claude Juncker.

Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, dont le pays prend la présidence tournante de l’UE, a confirmé que la mise en ÷uvre des décisions du Conseil européen de décembre était sa priorité : création d’un corps de garde-frontières européen, de centres d’enregistrements des migrants aux frontières, relocalisation des demandeurs d’asile et concrétisation des accords conclus avec la Turquie pour aider ce pays à accueillir les réfugiés sur son sol.

“Nous sommes tous dans le même bateau. Les chiffres actuels ne sont pas viables. Le temps presse. Nous avons besoin d’une réduction rapide du nombre de réfugiés dans les six à huit semaines qui viennent”, a-t-il dit.

Source : Zaman, 21/01/2016
 

Source: http://www.les-crises.fr/migrants-danemark-autriche-croatie/


Grèce : nouvelle offensive des créanciers contre le gouvernement, par Romaric Godin

Saturday 23 January 2016 at 01:59

Source, La Tribune, Romaric Godin, 19/01/2016

Le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, s’émeut des “nominations politiques” dans les banques grecques. (Crédits : Reuters)

La démission du dirigeant de la Banque du Pirée a provoqué une offensive des créanciers contre la gestion “politisée” des banques. Son objet est cependant d’affaiblir encore le gouvernement grec, sur fond de discussions sur la réforme des retraites.

La lutte entre le gouvernement grec et ses créanciers est décidément rouverte. Alors qu’Athènes présente une réforme des retraites qui risque de fortement déplaire à ses bailleurs de fonds en ce qu’elle tente de protéger le montant actuel des pensions, un nouveau front vient de s’ouvrir. L’annonce du départ du patron de la Banque du Pirée, Anthimos Thomopoulos, a donné, en effet, un nouvel axe d’attaque de la part des créanciers.

Colère d’un fonds spéculatif

Le coup d’envoi de la polémique est donc la démission, le 14 janvier dernier, du patron de la Banque du Pirée. Cette démission a provoqué l’ire d’un des actionnaires de la banque, le fonds spéculatif étatsunien Paulson & Co. Ce dernier avait participé à l’automne dernier à la levée de fonds de la banque, prenant 9% du capital. Selon le fonds, il aurait été entendu, lors des négociations, qu’Anthimos Thomopoulos demeurerait président de l’établissement.

Paulson & Co crie alors aux « pressions politiques » qui auraient contraint le président à partir. Le premier actionnaire de la Banque du Pirée, avec 26% des droits de vote, est le Fonds de stabilité financière hellénique (HFSF), un fonds indépendant chargé de gérer l’argent de « l’aide internationale » destinée aux banques.

Les attaques de Jeroen Dijsselbloem

Pourtant, le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a décidé vendredi, de relayer les plaintes de Paulson & Co. Lors de sa conférence de presse, il a dénoncé « l’influence de la politique dans les nominations des dirigeants de banques » – alors que la nomination du successeur d’Anthimos Thomopoulos n’est pas encore connue. Il s’est aussi dit « inquiet qu’il puisse y avoir une influence négative [de ces événements] dans les perceptions de marché et, ainsi, dans le retour de la Grèce sur les marchés, et donc aussi un impact sur la revue » du programme qui commence ce lundi 18 janvier. Pour enfoncer le clou, le quotidien conservateur Kathimerini publie ce même lundi, de la plume d’un des plus farouches adversaires de Syriza, le journaliste britannique Hugo Dixon, un article faisant le parallèle entre cette affaire en Grèce et la situation en Pologne en évoquant dans les deux cas une « atteinte à l’état de droit. » L’offensive est donc lancée.

Un problème d’état de droit ?

La comparaison avec la Pologne semble assez peu pertinente. Le gouvernement grec n’a pas – pour l’instant – manipulé les institutions. Certes, Higo Dixon évoque le renvoi par le gouvernement grec du patron de l’autorité fiscale indépendante. Mais la procédure était légale et, depuis, les rentrées fiscales se sont améliorées. En réalité, le gouvernement Tsipras est si scrupuleux qu’il a maintenu, à la tête de la banque centrale Yannis Stournaras, opposant ouvert au gouvernement actuel et ancien ministre des Finances du précédent gouvernement, nommé par son Premier ministre. D’autres gouvernements n’ont pas eu cette patience et ce respect. L‘actuel gouvernement conservateur chypriote, par exemple, a fini par chasser Panikos Demetriadis, le gouverneur de la banque centrale nommé par l’exécutif précédent en mars 2014, sans que cette décision ne provoque, étrangement, l’émotion des créanciers de Chypre et de la presse financière internationale (qui alors soutenait le limogeage du banquier central nommé par la gauche).

Un respect de l’état de droit en Grèce ?

Cette comparaison peut même apparaître étrange de la part de créanciers qui se sont donnés, dans le dernier mémorandum, la capacité d’approuver les projets de loi déposés par le gouvernement avant même l’approbation par le parlement. Elle l’est aussi de la part de créanciers qui ont refusé d’entendre le résultat du référendum du 5 juillet et qui ont clairement demandé au gouvernement de « contourner » la décision du Conseil d’État hellénique sur les retraites qui annulait les coupes décidées précédemment sous la pression de la troïka. Les créanciers de la Grèce n’ont, en réalité, pas eu beaucoup de respect au cours des six dernières années pour l’état de droit dans ce pays.

Le HFSF est-il indépendant ?

La question centrale est celle du HFSF. Ce Fonds est-il indépendant ou dépend-il du gouvernement grec ? En réalité, l’indépendance de ce fonds n’a pas vraiment été remise en question par les créanciers lorsque les gouvernements grecs leur « convenaient. » L’idée d’une pression politique est assez peu probable. Les trois membres du directoire du HFSF sont certes nommés par le ministère des Finances, mais son choix est examiné par un comité formé pour moitié de représentants de ce ministère et de celui de la Banque de Grèce. Le président du HFSF a été nommé le 16 juillet dernier, époque à laquelle le gouvernement ne cherchait pas réellement à irriter les créanciers.

Fable des “pressions politiques”

De plus, comme l’a prévu le mémorandum, le parlement a approuvé en octobre la constitution d’un « comité de sélection » chargé d’examiner les trois directeurs du fonds. Établi voici quelques jours, il devrait commencer ses travaux dans une semaine. Ce comité est constitué de trois représentants des institutions, de deux du ministère des Finances et d’un de la Banque de Grèce. Autrement dit, le gouvernement grec y est minoritaire ! La direction du HFSF, qui est constitué de banquiers et non de militants de Syriza, n’aurait donc eu aucun intérêt à céder à des pressions politiques d’un gouvernement qui, dans les prochains jours, ne pourra les sauver d’une éventuelle destitution. Du reste, la procédure de recrutement lancé par la Banque du Pirée a fait appel au cabinet de recrutement d’origine suisse EgonZehnder, une référence dans le domaine. Il y a donc volonté de trouver un dirigeant compétent et non un membre de Syriza pour remplacer Anthimos Thomopoulos. Il y a donc à parier que cette idée de « pressions politiques » relève de la fable.

Une affaire privée

En fait, la Banque du Pirée n’est pas une institution de l’État. Et du reste, si l’actionnaire principal de cette banque a souhaité faire partir le président de cette banque, selon la presse financière grecque pour des raisons de divergences sur les stratégies de recapitalisation, il n’y a là rien qui sorte de l’état de droit. N’en déplaise à Paulson & Co, on ne fait pas la loi au sein d’une entreprise privée avec 9% du capital, lorsqu’un actionnaire en détient 26%. Depuis quand, les intérêts ou plutôt les vœux d’un fonds spéculatif déterminent ou non le respect de l’état de droit dans un pays ?

Une entrave au retour sur les marchés ?

Quant au retour sur les marchés invoqué par Jeroen Dijsselbloem,  c’est une raison qui n’est guère plus valable. Chacun sait que la Grèce aujourd’hui ne peut revenir sur les marchés, avec ou sans Anthimos Thomopoulos à la tête de la Banque du Pirée. Le dernier mémorandum est sans doute une raison beaucoup plus valable que la direction de cette banque pour détourner les investisseurs d’Athènes.

En comprimant encore la demande intérieure, en réduisant encore les perspectives de croissance, en rajoutant encore de la dette à la dette (l’endettement public pourrait atteindre 200% du PIB), c’est bien plutôt les choix de l’Eurogroupe qui détournent les investisseurs de la Grèce. Et seule une intégration de la Grèce dans le programme de rachat de la BCE serait capable de faire revenir les acheteurs, précisément parce que cet achat sera en quelque sorte « garanti » par l’action de Francfort.

L’idée d’un rétablissement de la confiance permettant le retour sur les marchés est parfaitement un mythe dans le cas grec. D’ailleurs, l’intervention de l’État dans une banque n’est pas synonyme de rejet pour les marchés. Lorsque Jeroen Dijsselbloem en février 2013 a nationalisé la banque en faillite SNS Reaal et a exproprié les actionnaires et les détenteurs de dette junior, il n’a pas contribué à faire des Pays-Bas un enfer pour les investisseurs…

Affaiblir le gouvernement grec

Cette polémique a donc été volontairement grossie pour affaiblir un peu plus le gouvernement grec. Le but est évident : montrer que le gouvernement actuel pratique le même clientélisme que ses prédécesseurs et qu’il en dispose pas de la confiance des créanciers. C’est donc un appel assez ouvert aux citoyens grecs à soutenir l’opposition conservatrice.

Il s’agit aussi d’exercer davantage de pression sur Alexis Tsipras, pour lui faire accepter une réforme des retraites qui engagerait des baisses de pension, ce qu’il continue de refuser. En agitant la menace de la « revue », Jeroen Dijsselbloem a touché le point sensible : sans une revue positive, Athènes ne perdrait pas seulement le déblocage de la seconde tranche de « l’aide », elle perdrait aussi la possibilité de voir la BCE accepter à nouveau la dette grecque comme collatéral (garantie) pour le refinancement des banques grecques. Autrement dit, le gouvernement grec pourrait ne pas voir la situation de son secteur bancaire se normaliser. De plus, sans une revue positive, il n’y aura pas de renégociation de la dette.

Alexis Tsipras de moins en moins soutenu

Le moment est bien choisi pour les créanciers. Car le gouvernement d’Alexis Tsipras commence à perdre le soutien populaire : la « narration » du gouvernement cherchant à atténuer les demandes de la troïka s’affaiblit au fur et à mesure que le mémorandum est déployé.  Le parti de droite Nouvelle Démocratie (ND) est donc pas passé, dans un sondage publié par Alco le 15 janvier devant Syriza. Le Premier ministre ne peut donc pas réellement engager un bras de fer avec les créanciers, comme l’an dernier. Quant à sa majorité, elle risque de tout accepter pour éviter de nouvelles élections qui chasseraient Syriza du pouvoir. Les créanciers sont donc en situation de force. Et ils comptent en profiter pour réduire encore toute volonté de résistance en provenance d’Athènes.

Source, La Tribune, Romaric Godin, 19/01/2016

Source: http://www.les-crises.fr/grece-nouvelle-offensive-des-creanciers-contre-le-gouvernement-par-romaric-godin/


Revue de presse du 23/01/2016

Saturday 23 January 2016 at 00:01

Bonne lecture pour cette revue de presse !

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-23012016/


Manuel Valls : “L’état d’urgence devrait être maintenu jusqu’à la défaite de Daech”

Friday 22 January 2016 at 14:45

Ce qui est bien, c’est qu’ils ne se cachent même plus : l’état d’urgence à perpétuité, avant d’inventer pire…

Après, ce sera “jusqu’à la défaite de Daech ET des talibans en Afghanistan”, puis “jusqu’à ce que le terrorisme ait été éradiqué de la planète”…

Mais bon, il est vrai que c’est d’une efficacité remarquable :

(sachant que sans étét d’urgence, la justice serait sans doute arrivé pratiquement au même résultat contre les terroristes)

Manuel Valls à la BBC : “L’état d’urgence devrait être maintenu jusqu’à la défaite de Daech”

Source : L’Obs, 22/01/2016

Et si l’état d’urgence durait des années ? Interrogé par la BBC sur la durée envisagée de cette mesure, le Premier ministre français répond : “Le temps nécessaire.” Décrété lors de la nuit des attentats du 13 novembre par François Hollande, l’état d’urgence a déjà été prolongé de trois mois.

“Tant que la menace est là, nous devons utiliser tous les moyens”, dit-il, ajoutant qu’il devrait rester en place “jusqu’à ce que nous puissions nous débarrasser de Daech”, selon la traduction de la BBC, qui ne publie cependant pas l’extrait vidéo correspondant à ce passage de l’interview. Cela repousserait ainsi potentiellement sa levée à des mois, voire des années.

C’est à une guerre totale et globale que nous faisons face avec le terrorisme. La guerre que nous menons doit aussi être totale, globale et impitoyable.”

“M. Valls dit que la France cherchera à maintenir l’état actuel d’urgence jusqu’à ce que la ‘guerre totale et globale’ contre l’Etat islamique soit terminée”, interprète la BBC.

Mercredi, le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone affirmait que François Hollande jugeait “tout à fait probable” la prolongation de l’état d’urgence, qui doit normalement expirer le 26 février.

A la mi-journée, Matignon n’était pas encore joignable pour confirmer ou infirmer ces propos.

Source : L’Obs, 22/01/2016

==========================================================

Du grand Pascal Riché. Bon, en associant “courage” et Hollande, on voit vite ce qui va se passer…

EDITO. Avoir le courage de sortir de l’état d’urgence, par Pascal Riché

Source : L’Obs, 22/01/2016

Tout indique que, plusieurs semaines après les attentats, l’efficacité de l’état d’urgence s’essouffle. Pour ne pas abîmer la démocratie, le Président ne devrait pas le reconduire.

L’état d’urgence – attention, tautologie – doit répondre à une situation d’urgence. Il doit être exceptionnel et court, car il ne correspond pas au fonctionnement normal d’une démocratie : il déroge à la séparation des pouvoirs, il altère les libertés, il donne à la police des pouvoirs exorbitants. Il peut être, pour une durée limitée, un état nécessaire mais il n’est pas un état désirable.

Instaurer l’état d’urgence n’est pas une décision légère, le reconduire au-delà du 26 février l’est encore moins : c’est une lourde responsabilité. C’est celle que François Hollande s’apprêterait à prendre, à croire les confidences qu’il a faites mardi au président de l’Assemblée, Claude Bartolone. Une telle décision, s’il venait à la prendre, s’appuierait sur des mauvaises raisons, touchant plus au calcul politique qu’à l’efficacité de la lutte contre le terrorisme.

Lorsque l’Etat d’urgence a été instauré, dans l’effroi qui a suivi les attentats du 13 novembre, il s’agissait de gagner quelques précieuses heures dans la traque des terroristes. Le Premier ministre lui-même avait alors parlé de “réponse à court terme” aux fins “d’aller vite pour démanteler les groupes susceptibles d’agir et pour neutraliser les individus au comportement menaçant”. Il y a eu plus de 380 assignations à domicile et plus de 3 000 perquisitions, essentiellement pendant les jours qui ont suivi les attentats, celles-ci n’ayant débouché que sur une poignée de procédures judiciaires concernant le terrorisme – quatre selon la Ligue des droits de l’homme.

Il y a eu de nombreuses dérives : personnes perquisitionnées à tort, portes enfoncées alors qu’il suffisait de tourner la poignée, militants écologistes assignés à résidence sans autorisation d’un juge, et une fillette blessée.

Il y a eu enfin un rapport d’étape, présenté par la commission des lois à l’Assemblée le 13 janvier, montrant que l’efficacité de cet outil policier s’essoufflait et que son arrêt n’altérerait pas la protection des Français.

Il y a deux semaines, une source haut placée sur les questions de sécurité nous assurait, off the record, que l’état d’urgence “ne serait probablement pas prolongé car il n’y avait plus aucune raison qu’il le soit”. C’est ce que l’Elysée laissait alors penser.

Si François Hollande décidait de le maintenir, ce serait donc pour d’autres raisons que l’efficacité. Ce serait sans doute parce qu’il jugerait que “l’opinion ne comprendrait pas, en cas de nouvel attentat, qu’on ait baissé la garde”.

OB : Alors que s’il y a encore un attentat, “l’opinion” demandera quoi (et comment d’ailleurs, je n’ai pas le 06 de l’Opinion pour ma part) ?

L’état d’urgence ne sert plus aujourd’hui à traquer des terroristes, mais à rassurer symboliquement la population. Et faire la soudure avec la nouvelle loi antiterrorisme en préparation, qui entend transférer au préfet une partie des compétences du parquet et faciliter pour la police la surveillance, les perquisitions nocturnes, la fouille des véhicules, les retenues de quatre heures sans avocat.

L’histoire de la gauche, les convictions de ses militants, les avis quasi-unanimes des organisations de défense des droits de l’homme… tout devrait pousser François Hollande à la cessation de l’état d’urgence le 26 février. Mais pas les sondages. L’opinion, y compris à gauche, est massivement favorable à sa prolongation, même si les experts assurent que son efficacité est aujourd’hui faible et ses dérives nombreuses. Or le pouvoir ne tient pas à aggraver davantage la fracture avec sa base électorale, qui ne cesse de s’élargir.

Pour François Hollande, qui a échoué sur le plan économique et social, la carte “lutte contre le terrorisme” est devenu son atout politique le plus précieux, pour le pas dire le seul. Il se présente désormais comme le président-bouclier et on peut comprendre que l’interruption de l’état d’urgence lui soit politiquement coûteux. Il se grandirait pourtant à remettre la France sur ses rails démocratiques normaux : lorsque les libertés publiques sont en jeu, on n’attend pas d’un homme d’Etat qu’il se détermine sur des sondages ou des calculs électoraux.

Pascal Riché

Source : L’Obs, 22/01/2016

==========================================================

Après on a les dirigeants – et la Liberté – qu’on mérite…

C’est un discours modèle, d’un peu moins de trois minutes, prononcé par du chef du gouvernement norvégien de l’époque, Jens Stoltenberglors d’une conférence de presse, quelques heures après les attentats qui avaient touché l’île d’Utoya et Oslo le 22 juillet 2011. Anders Behring Breivik venait de tuer plus de 70 personnes avec une bombe près du siège du gouvernement puis une fusillade sur l’île d’Utoya, avant d’être arrêté.

«J’ai un message pour celui qui nous a attaqué et pour ceux qui sont derrière tout ça: vous ne nous détruirez pas. Vous ne détruirez pas la démocratie et notre travail pour rendre le monde meilleur.»

«Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et de tolérance.»

 

Source: http://www.les-crises.fr/manuel-valls-letat-durgence-devrait-etre-maintenu-jusqua-la-defaite-de-daech/


Repenser Donald Trump, par Sam Husseini

Friday 22 January 2016 at 02:52

Source Consortiumnews.com, 18 décembre 2015

La campagne présidentielle en roue libre et narcissique de Donald Trump a gagné le mépris général des médias dominants et des politiciens de l’establishment, mais c’est en partie parce qu’il a osé défier de dangereuses orthodoxies, comme le délire néoconservateur/faucon libéral pour « le changement de régime. »

Par Sam Husseini

Ainsi l’establishment veut tellement que chacun supprime les partisans de Donald Trump de ses amis sur Facebook  qu’il y a même une application pour les bloquer. Ça leur apprendra !

Certes, Trump joue la brute lorsqu’il fait appel aux (bons) sentiments populistes aussi bien qu’aux (mauvais) sentiments nativistes, xénophobes ou racistes. Le mal doit être pleinement abordé et traité au lieu d’être mis à l’écart par des gens soi-disant raffinés, qui se pincent le nez. Le bien devrait être reconnu et encouragé.

Donald Trump, le milliardaire et candidat républicain à la présidence.

Beaucoup de gens, concentrés sur les aspects négatifs de sa campagne, sont restés aveugles à ce qu’elle contient de bon — et je ne veux pas dire bon dans le sens « Oh, le démocrate peut battre ce type! » Je veux dire bon dans le sens où il est bon que quelques questions importantes — comme le rôle militaire des États-Unis dans le monde — soient exposées au grand jour.

Trump fait appel aux sentiments nativistes — comme Pat Buchanan dans sa campagne de 1992 — mais parallèlement aux arguments fondés sur « l’Amérique d’abord » de Buchanan est née la défiance envers les ambitions impérialistes. De même, Trump a récemment déclaré que la ministre de la Défense Hillary Clinton « a tué des centaines de milliers de gens par sa stupidité […] Le Moyen-Orient est devenu un désastre total sous son administration. »

Or, je pense que c’est assez juste, bien qu’à mon avis la politique américaine soit peut-être plus machiavélique que stupide. Mais cette remarque est un bol d’air frais sur la scène nationale. Ainsi, de temps en temps, Trump parle vrai, y compris quand il dit que les politiciens se vendent aux riches donateurs et quand il accuse les accords « de libre-échange » de coûter aux travailleurs américains les emplois de leur classe moyenne.

Mais le courant dominant diffuse que Trump est un menteur intégral. Le New York Times a récemment prétendu établir un classement de la crédibilité des candidats à la présidentielle. D’après l’évaluation du Times, Trump était hors-concours sur l’échelle du mensonge. Mais je n’ai jamais vu personne vérifier factuellement ses affirmations concernant les traces probantes de la responsabilité de l’ex-ministre des Affaires étrangères, H. Clinton, dans le chaos sanglant où elle a plongé la Libye, la Syrie et d’autres pays du Moyen-Orient. Ce n’est pas le genre de discussions que l’institution médiatique veut ouvrir.

Bien sûr, quelques phrases après son commentaire sur le bilan mortel de Clinton, il évoque l’attaque, le 11 Septembre 2012, de la base de la CIA à Benghazi, ce qui conduit Salon à l’écarter comme adepte des « théories du complot », et ce sera tout ce que de nombreuses personnes entendront jamais et non l’intégralité de son point de vue.

Quelqu’un énonçant parfois des vérités dérangeantes ne devrait-il pas être crédité de briser les tabous « politiquement corrects », comme reconnaître l’évident désastre de l’interventionnisme des États-Unis à travers le Moyen-Orient ? Trump énonce ces vérités, comme il l’a fait durant les débats de Las Vegas au sujet des guerres impliquant les États-Unis :

« Nous avons dépensé 4 000 milliards de dollars pour renverser des personnes qui franchement, si elles étaient encore là et que nous avions dépensé ces 4 000 milliards aux États-Unis pour réparer nos routes, nos ponts, nos aéroports et tous les autres problèmes que nous avions, nous nous en serions portés beaucoup mieux. Je peux vous le dire tout de suite. »

Franchement, il s’agit d’une critique des dépenses militaires plus forte que ce que l’on a entendu récemment de la part du sénateur Bernie Sanders. Mais les remarques de Trump, ou du sénateur Rand Paul, à propos de la politique américaine de « changement de régime » et des attentats, sont souvent ignorées. Il est plus commode de se concentrer sur la gentillesse américaine en laissant entrer quelques milliers de réfugiés plutôt que d’examiner comment des millions d’habitants de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, du Pakistan, du Yémen, de Somalie et d’autres pays ont perdu leurs maisons en raison de la politique du gouvernement des États-Unis.

Une constitution longtemps ignorée

Quelques critiques disent que la proposition de Trump d’interdire temporairement l’immigration des musulmans est inconstitutionnelle (bien que cet argument soit discutable sur le plan légal indépendamment de ce que l’on pense de la moralité et de l’aspect pratique de son idée).

Mais il y a aussi la question de la fréquence à laquelle les récents présidents ont violé la constitution ces dernières années, suscitant à peine un coup d’œil furtif de la part des grands médias. Flash d’information : le président démocrate à peine installé a bombardé sept pays sans déclaration de guerre. Nous avons efficacement tiré la chasse d’eau sur la constitution. Cela justifie-t-il de nouvelles violations ? Non. Mais le prétendu scandale moral à ce sujet n’est qu’un mot creux.

Et il existe une certaine logique dans la détestation nativiste des Musulmans. C’est une position évidemment erronée à plus d’un égard, mais compréhensible au regard des informations biaisées données en pâture au public. Dans la mesure où personne, sur la scène nationale, ne se livre à une critique sérieuse et systématique de la politique des États-Unis au Moyen-Orient, telle que les nombreuses invasions américaines destinées à provoquer des « changements de régime » ou l’alliance de longue durée avec l’Arabie saoudite et Israël, il est logique de dire qu’un changement est nécessaire, et ce changement consiste à se séparer des musulmans.

D’autres esprits raffinés ont également reproché à Trump de s’être comporté, lors du débat à Las Vegas, comme s’il ignorait ce qu’est la triade nucléaire (cette stratégie datant de la guerre froide qui consiste à procéder à des bombardements nucléaires depuis des missiles au sol, des bombardiers stratégiques et des sous-marins).

Eh bien, je ne peux dire s’il ignore cette doctrine ou s’il faisait juste semblant. Mais je suis plutôt content qu’il n’ait pas adopté le point de vue gouvernemental prétendant que ce serait une bonne idée de dépenser un milliard de dollars pour « moderniser » l’arsenal nucléaire américain afin que nous puissions à nouveau menacer efficacement la planète durant une autre génération.

Les gens se souviennent peut-être que, en dépit de toute la rhétorique du Président Barack Obama sur la fin des armes nucléaires, c’est le Président Ronald Reagan qui, après toutes ses fanfaronnades sur l’Empire du Mal et l’établissement de missiles nucléaires de moyenne portée en Europe, a  failli saisir l’occasion lorsque le leader soviétique Mikhaïl Gorbatchev a proposé l’élimination des arsenaux nucléaires.

Pour les journalistes conventionnels d’aujourd’hui, il est beaucoup plus simple de suivre le courant et de haïr Trump, comme tous les grands médias souhaitent que nous le fassions. Après tout, une bonne part de notre culture politique se nourrit de haine. Apparemment, la haine amène les gens à faire ce qu’on veut qu’ils fassent. Donc vous les effrayez en créant de vilains croquemitaines comme Saddam Hussein, Bachar el-Assad ou Vladimir Poutine.

Les gens ont été encouragés à haïr Saddam Hussein à un point tel qu’ils ont été nombreux à soutenir la désastreuse invasion de l’Irak. Ils ont été soumis à une propagande pour les faire haïr Bachar el-Assad à un point tel que la politique des États-Unis a contribué à l’émergence de Daesh. Poutine a été transformé en un tel méchant de bande dessinée que des gens qui devraient réfléchir davantage parlent tranquillement de descendre des avions russes et de provoquer un « changement de régime » à Moscou.

John Kasich, Gouverneur de l’Ohio, le Républicain soit-disant « raisonnable » et « modéré », déclare « qu’il est temps que nous écrasions le nez des Russes. » Qui se soucie du risque d’une guerre nucléaire ? Ne détestons-nous pas tous Poutine ?

A présent, de nombreux Américains — républicains comme démocrates — diabolisent Trump. Tout ce qu’il dit est présenté dans le contexte le plus défavorable, sans perspective équitable. Il est devenu le centre de la haine, la haine, la haine. Il est le méchant au cœur noir. Mais pourquoi ne pouvons-nous pas simplement prendre les gens pour ce qu’ils sont, avec leurs bons et leurs mauvais côtés ?

S’interroger sur la haine

Trump en appelle à une interruption de l’immigration musulmane « jusqu’à ce que nous puissions nous faire une foutue idée de ce qui se passe » — ce qui, vu l’apparente propension de notre culture politique à ne jamais se faire une idée de quoi que ce soit, pourrait bien signifier jusqu’à la fin des temps. Mais cette observation soulève une véritable question : pourquoi les populations du Moyen-Orient sont-elles remontées contre les États-Unis ?

Comme le dit Trump : « La haine [des musulmans à l'encontre des États-Unis] est énorme. D’où vient-elle, je n’en sais rien. » Mais, contrairement à pratiquement tous ceux qui disposent d’un mégaphone, Trump soulève réellement la question du ressentiment à l’égard des États-Unis au Moyen-Orient.

Pratiquement la seule autre personne sur la scène nationale à tenir ce genre de propos est le sénateur Rand Paul (Républicain, Kentucky), bien qu’il l’ait également exprimé de manière maladroite et que ses propos sonnent comme une pâle copie de ceux que son père, Ron Paul (Républicain, Texas) a tenus.

Bien entendu il faudrait dire : si nous sommes incapables de nous faire « une foutue idée » de ce qui se passe, alors nous peut-être devrions arrêter les bombardements. Mais ceci n’est pas dit, parce que le grand public vit dans l’illusion que Barack Obama est une colombe pacifiste. La vérité, c’est qu’Obama a bombardé plus de pays qu’aucun autre président depuis la Seconde Guerre mondiale — sept selon son propre décompte : l’Afghanistan, le Pakistan, l’Irak, la Syrie, le Yémen, la Libye et la Somalie.

La moitié de ce que dit Trump peut être faux et à la limite du délire. Mais il dit également des choses vraies — des choses d’une importance critique que personne d’autre disposant d’un accès médiatique ou politique ne dit.

Lors du débat de cette semaine à Las Vegas, Trump a déclaré : « Quand le World Trade Center s’est effondré, des gens ont été mis dans des avions, ils étaient des amis, des membres de la famille ou des petites amies, ils ont été mis dans des avions et renvoyés, pour la plupart, en Arabie saoudite. »

D’accord, le commentaire de Trump était confus et imprécis — il pouvait faire allusion à la décision extraordinaire du Président George W. Bush de laisser de riches Saoudiens, parmi lesquels des membres de la famille Ben Laden, embarquer à bord des premiers vols civils autorisés après le 11 Septembre afin qu’ils puissent échapper à un interrogatoire serré du FBI et peut-être à l’animosité du peuple américain — mais sa remarque pose la légitime question des implications de l’Arabie saoudite dans les événements du 11 Septembre.

Certes, Trump déclare qu’il bombardera la Syrie à mort, comme pratiquement tout autre candidat républicain. (Le sénateur Ted Cruz veut voir si « le sable peut briller dans le noir », une phraséologie généralement associée à un conflit nucléaire.) Mais Obama bombarde déjà bel et bien la Syrie et l’Irak, sans grand tintamarre médiatique. Ainsi, les gens pensent qu’il ne se passe rien et croient que le problème, c’est la passivité d’Obama.

Ce que les Américains sentent bien, c’est que le Président Obama, le précédent Président Bush et le reste de l’establishment se livrent à des jeux géopolitiques sans fin tout en les maintenant dans l’ignorance. En tant que citoyens de ce qui est censé être une république démocratique, ils ont raison d’en avoir assez. Beaucoup de ceux qui soutiennent ou éprouvent de la sympathie pour Trump, semblent penser qu’il pourrait être le seul à renverser la table et faire du barouf.

Trump, l’anti-impérialiste ?

Trump se vante de sa prétendue opposition à la guerre d’Irak, bien que je ne me souvienne pas l’avoir vu participer à aucune des manifestations contre la guerre en 2002-2003. Mais il semble qu’il ait émis quelques critiques en 2003-2004. Rien de bien génial ou courageux. Mais c’est une bonne chose que celui qui dispose du plus gros mégaphone déclare que la guerre d’Irak était une mauvaise chose.

Les gens qui suivent Trump pourraient du coup porter un regard critique sur l’appétit qu’éprouve le gouvernement des États-Unis pour les guerres perpétuelles. Songez un instant à quoi pourrait ressembler une compétition entre Trump et Clinton, étant donné que cette dernière a voté pour l’invasion de l’Irak — puis poussé à de violents « changements de régime » en Libye et en Syrie. Trump pourrait finir par apparaître comme le candidat anti-impérialiste.

A tout le moins, Trump donne l’impression qu’il agirait comme un nationaliste normal, et non comme l’un de ces mondialistes calculateurs et intéressés. Une bonne partie de la population des États-Unis semble souhaiter cela. Et, si cela s’avère exact, c’est une bonne chose. C’est également une bonne chose que Trump redynamise des gens qui avaient perdu toute foi en la politique.

Trump — le seul apparemment parmi les candidats républicains à la présidentielle — dit qu’il engagera des discussions avec le Président russe Poutine. Avoir un tant soit peu l’idée que le boulot d’un président, c’est d’essayer d’établir des relations raisonnables avec les autres grandes puissances nucléaires, m’apparaît comme un gage important. Il donne l’impression d’être un nationaliste enragé, mais — au contraire de la plupart de nos dirigeants récents — pas enclin à mort à une domination mondiale. Ceux qui souhaitent un monde meilleur auraient bien besoin de cela.

Aucun démocrate d’envergure n’a appelé à un ré-examen sérieux de la manière dont les États-Unis mènent leur politique étrangère. Hillary Clinton a droit aux louanges de l’ultra-néoconservateur Robert Kagan pour ce qu’il appelle son « interventionnisme libéral », qu’il considère avec raison comme l’équivalent du néoconservatisme. [Voir sur Consortiumnews.com « La véritable "faiblesse" de la politique étrangère d'Obama. »]

Bien que Bernie Sanders ait voté contre la guerre d’Irak, il a montré peu d’intérêt ou de subtilité de réflexion sur qui nourrit l’essentiel de la violence extrémiste au Moyen-Orient. Il souhaite que les Saoudiens « mettent les mains dans le cambouis », alors qu’ils l’ont déjà fait en finançant et armant de brutales forces djihadistes sunnites, y compris celles qui ont partie liée avec Al-Qaïda et l’État islamique.

Sanders n’a pas l’air de comprendre que les djihadistes sunnites sont, de fait, des forces paramilitaires que les Saoudiens ont soutenues depuis les années 80, quand les moudjahidines fondamentalistes afghans ont été créés et armés pour renverser le régime laïque de Kaboul soutenu par les Soviétiques. Ce conflit a donné naissance à Oussama Ben Laden, à Al-Qaïda, aux talibans et au mouvement djihadiste contemporain.

Une occasion manquée

Lors d’un débat du parti démocrate juste après les attaques terroristes du 13 novembre à Paris, Sanders avait eu une occasion historique de traiter sérieusement de ces questions. Il aurait pu mettre en lumière les contradictions entre les alliances des États-Unis avec des pays tels que l’Arabie saoudite ou le Qatar et la « guerre contre le terrorisme ». Il aurait pu expliquer ce qu’il y a de fallacieux à chercher à provoquer des « changements de régime » à l’encontre de gouvernements laïques — comme en Irak, en Libye et en Syrie — quand tout ce qui en découle est le chaos, les effusions de sang et l’extrémisme.

Sanders aurait pu pointer du doigt combien la guerre perpétuelle est non seulement vouée à l’échec en tant que stratégie contre le terrorisme, mais également incompatible avec les investissements qu’il espère effectuer dans l’éducation, la santé, les infrastructures, l’environnement et les autres priorités domestiques. Il aurait pu en appeler à une vigoureuse réappropriation de ces politiques dévoyées et enthousiasmer la base démocrate.

Mais Sanders s’est refusé à débattre de manière réfléchie de la politique étrangère, préférant en revenir à son sujet favori : les inégalités de revenu. A présent il se plaint d’un manque de couverture médiatique. Effectivement, les médias classiques sont déloyaux à l’encontre des candidats progressistes, mais vous n’arrangez rien en refusant de prendre parti dans ce qui est probablement le grand débat fondamental de notre époque.

Le seul candidat nationalement important qui s’est sérieusement élevé contre les pulsions interventionnistes a été le républicain Ron Paul, qui a été diabolisé en 2008 de manière très semblable à ce que subit Trump aujourd’hui. Il est vrai que la comparaison est imprécise : Trump a peu détaillé en quoi son approche du monde différerait de celle du Président Obama ou ses rivaux républicains. Beaucoup de ses commentaires sont restés elliptiques sur ses talents de négociateur et plutôt approfondis en matière de politique — et il est apparu belliqueux quand il évoquait l’État islamique.

S’il est élu, Trump pourrait s’avérer peu différent des autres présidents récents — après tout, le Département d’État et le Pentagone sont peuplés de bureaucrates qui sont sortis du rang en collant au point de vue néoconservateur et d’interventionnisme libéral de l’establishment. Mais Trump, un brasseur d’affaires d’envergure mondiale, pourrait se montrer plus pragmatique qu’enclin à l’idéologie.

En matière économique, Trump est le seul des Républicains à défendre un impôt progressif sur le revenu et il a chanté les louanges de la Sécurité Sociale. Tom Ferguson a remarqué : « Les électeurs à faibles revenus semblent l’apprécier deux fois plus que les électeurs aux gros revenus qui le soutiennent dans le camp républicain. » Trump s’est « même attaqué à des sujets virtuellement sacro-saints pour les Républicains, notamment l’allègement fiscal des revenus sur investissement des super-riches ».

Trump s’est montré abrupt à propos de la corruption dans la classe politique américaine. Comme l’écrit Lee Fang : « Donald Trump prétend qu’il peut acheter les hommes politiques. Aucun de ses rivaux n’a démenti. »

Y a-t-il du bon dans Trump ?

Ainsi, les progressistes pourraient-ils marquer une pause, le temps de noter que c’est peut-être une bonne chose que de nombreux électeurs désabusés — écœurés par la politique habituelle — aient trouvé quelqu’un qui s’adresse à la fois à leurs peurs et leurs espoirs, bien que de manière souvent confuse, voire choquante.

Il est important de le souligner : je n’ai aucune idée de ce que pense réellement Trump. Soutenir sa candidature revient probablement à essayer de deviner ce qui se cache derrière la porte dans « Le juste prix ». Sa philosophie politique — si l’on peut employer pareille expression — est un salmigondis d’idées contradictoires. Il pourrait même se révéler plus autoritaire que ce que nous en avons vu jusqu’à présent. Mais, d’une certaine manière, il représente une rupture bienvenue dans l’immonde orthodoxie de l’establishment.

Il est également possible qu’il soit juste en train de monter une comédie destinée à duper l’aile anti-establishment des Républicains et qu’il reviendrait aux vieilles pratiques de l’establishment s’il était élu — à l’instar de ce qu’Obama a fait — particulièrement en matière de politique étrangère. Après tout,  Trump le reconnaît : « Il y a sept mois, j’étais un membre de l’establishment. »

D’ailleurs, je n’ai aucune sympathie personnelle envers Trump. J’ai vécu dans l’un de ses immeubles lors de ma jeunesse dans le Queens. Sa flamboyance — alors que mon père et moi nous entassions dans un appartement avec une seule chambre — me dégoûtait. Je me souviens avoir vu adolescent la luxueuse Tour Trump à Manhattan avec mon père. Papa plaisantait, disant qu’il en possédait un centimètre carré, vu les loyers qu’il avait versés à Trump durant des années.

Sam Husseini est directeur de la communication pour l’institut d’Exactitude Publique et fondateur de votepact.org — qui incite à une coopération gauche-droite. Suivez le sur Twitter : @samhusseini.

Source Consortiumnews.com, 18 décembre 2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/repenser-donald-trump-par-sam-husseini/


Le calvaire d’Hillary ?

Friday 22 January 2016 at 00:46

Source : De Defensa, 14-01-2016

Les présidentielles 2016 aux USA, auxquelles personne ne prêtait la moindre attention il y a encore un an parce qu’elles paraissaient absolument sans surprise et complètement cadenassées par le Système, paraissent devenir aujourd’hui, dans un retournement que personne ne met vraiment évidence mais qui représente pourtant un événement inouï méritant bien des commentaires et bien des analyses en profondeur, les présidentielles de toutes les surprises. On connaît très-bien désormais l’ouragan qui secoue le parti républicain, grâce à Donald Trump, la dévastatrice “bestiole” qui s’affiche ouvertement et insolemment anti-establishment, sinon antiSystème, et qui domine les sondages depuis maintenant huit mois. Voilà que la situation du côté démocrate se dégrade également, du point de vue de l’establishment ; c’est une situation qui a évolué discrètement ces dernières semaines mais qui a pris désormais une tournure publique. Il s’agit essentiellement de la situation d’Hillary Clinton, considérée depuis deux ans comme super-favorite, quasiment désignée d’avance par le parti démocrate sinon élue par les USA, – un peu comme elle l’était déjà en 2006-2007, – et qui se trouve désormais dans une position pour le moins délicate.

Il y a deux fronts où la position d’Hillary Clinton ne cesse de s’effriter, ou dans tous les cas semble bien être dans ce processus. Bien entendu, ces deux fronts s’alimentent l’un l’autre puisqu’ils se complètent, puisque le premier est celui du statut et de la posture officielle de la candidate qui ne cesse de s’effriter dans la perception d’une corruption professionnelle et psychologique épouvantable ; tandis que le second est celui de sa popularité au sein des militants du parti, qui ne cesse de se dégrader à son tour, semble-t-il.

• Le 13 janvierZeroHege.com relayant l’ancien procureur fédéral Joe DiGenova, rapporte, dans l’affaire des e-mails de la secrétaire d’État, des appréciations et des prévisions extrêmement pessimistes sur le sort légal à venir d’Hillary Clinton, autant que sur son comportement lors de son passage au département D’État. (L’accusation générale, évaluée à la lumière de la fuite de dizaine de milliers [autour de 50.000] de ses e-mails officiels [utilisant la ligne officielle de sa fonction couverte par les restrictions de secret et les obligations de cette fonction], porte sur plusieurs points, autant sur l’affaire de Benghazi du 11 septembre 2011 que sur l’utilisation qu’elle a en a faite pour solliciter des soutiens privés, notamment en faveur de la fondation établie par les époux Clinton.) Comme on le voit, on se trouve à un point critique où tous les éléments nécessaires à une inculpation sont proches d’être réunis, et alors que les possibilités d’“étouffement” de l’affaire (pour peu qu’Obama le veuille, ce qui est loin d’être assuré) apparaissent de plus en plus minces ; et tout cela, bien entendu exacerbé par l’atmosphère de tension électorale où les adversaires de l’ancienne secrétaire d’État vont utiliser à fond cette affaire.

« The leaking of the Clinton emails has been compared to as the next “Watergate” by former U.S. Attorney Joe DiGenova this week, if current FBI investigations don’t proceed in an appropriate manner. The revelation comes after more emails from Hilary Clinton’s personal email have come to light.

» “[The investigation has reacheda critical mass,” DiGenova told radio host Laura Ingraham when discussing the FBI’s still pending investigation. Though Clinton is still yet to be charged with any crime, DiGenova advised on Tuesday that changes may be on the horizon. The mishandling over the classified intelligence may lead to an imminent indictment, with DiGenova suggesting it may come to a head within 60 days. “I believe that the evidence that the FBI is compiling will be so compelling that, unless [Lynch] agrees to the charges, there will be a massive revolt inside the FBI, which she will not be able to survive as an attorney general,” he said. “The intelligence community will not stand for that. They will fight for indictment and they are already in the process of gearing themselves to basically revolt if she refuses to bring charges.”

• Le second “front” est celui de la popularité d’Hillary-candidate, particulièrement dans sa base populaire (“grassroots”). Des indications statistiques des organisations chargées de rassembler la base populaire pour les candidats démocrates montrent que l’adversaire principal de Clinton, le sénateur Bernie Sanders, est de mieux en mieux placé et la distance largement, tout en renforçant considérablement le financement de sa campagne par un appel au soutien de cette base populaire. C’est la confirmation d’un coup très rude pour Hillary, qui avait basé la stratégie de sa campagne sur un tournant vers “la gauche”, justement sur la recherche d’un rassemblement populaire solide pour la soutenir. Le site Washington’s blog relaie le 13 janvier les dernières nouvelles venues de l’organisation MoveOn.org, la principale organisation “populiste”-progressiste démocrate.

« The recent member vote conducted by progressive organization MoveOn.org is downright devastating for Hillary Clinton. The numbers speak for themselves, and demonstrate in no uncertain terms that Hillary Clinton has absolutely zero grassroots support. There isn’t a person in this country who is genuinely excited about Hillary, while Bernie Sanders continues to pack rooms and, as we learned in December, broke the fundraising record for most contributions at this stage in a political campaign at 2.3 million… [...]

« From MoveOn: “More than 340,000 MoveOn members participated in our endorsement process. Sanders won with 267,750 votes, or 78.6 percent. “Fellow Democrat Hillary Clinton garnered 49,811 votes (14.6 percent). Martin O’Malley earned 2,949 votes (0.9 percent). There were also 20,155 MoveOn members, or 5.9 percent, who voted against MoveOn making an endorsement now. Bernie’s vote total and percentage are MoveOn recordsthe best any presidential candidate has performed in our 17-year history.

» “Finally, MoveOn is endorsing Bernie for president because MoveOn is our members. MoveOn only endorses candidates for office after formal membership votes, and in this case, the outcome of our internal democratic process was overwhelming: the vast majority of voting MoveOn members want the organization to support Bernie, so that’s what we’re going to do. We’ve pledged to run a 100% positive campaign”. »

Le destin d’Hillary Clinton est singulier. Son sort, pour cette campagne de 2016 commence effectivement à ressembler à celui de la sa campagne de 2008, mais en pire si c’est possible, – et ce l’est, effectivement ! Il y a une position de départ d’hyper-favorite, gratifiée d’un financement extraordinaire venu de puissances d’argent de l’establishment, qui semblait devoir conduire la candidate avec un sentiment d’assurance à mesure, comme si sa nomination démocrate était acquise d’avance. Puis on assiste à une érosion à l’approche des primaires, qui fut assez discrète en 2008 avant d’être accélérée par la concurrence inattendue et très efficace d’Obama durant les primaires, qui est beaucoup plus évident pour cette année 2016 où l’érosion est d’ores et déjà largement effective comme on peut le voir. Il y a le sentiment qu’Hillary Clinton est en train de perdre sa position de favorite avant que les primaires aient pleinement débuté, alors que ce phénomène s’était manifesté à plein en 2008 seulement durant les primaires. Cette fois, la concurrence de Sanders, à la différence du cas Obama en 2008, s’est manifestée avant les primaires et n’a cessé de s’affirmer de plus en plus nettement alors qu’au départ Sanders était considéré comme un candidat marginal.

Lui aussi, Sanders, comme Trump chez les républicains, a une forte image anti-establishment, quasiment de “socialiste” [pseudo-“socialiste”], et cela bien que son programme de politique étrangère et de sécurité nationale soit très peu anti-establishment, et d’ailleurs encore mal précisé. Or l’establishment est encore plus détesté par la base populaire en 2016 qu’en 2008, et Clinton le représente bien plus qu’en 2008 ; c’est-à-dire que s’est accumulé sur elle le poids de ce qu’elle croyait être un avantage et qui s’avère être le contraire. Son expérience de secrétaire d’État, qu’elle jugeait être un avantage indiscutable et très puissant, s’est transformée en un boulet terrible qui l’entrave à chaque instant. L’affaire de la fuite de ses e-mails officiels constitue un élément déterminant, en donnant d’elle une image d’intense corruption, ce qui transforme son argument de l’expérience de la direction des affaires étrangères des USA en une caricature terrible de corruption de cette position, – d’ailleurs, semble-t-il, très largement justifiée par la situation qui est mise à jour. Ainsi sa position de force, – expérience de l’État et soutien populaire, – s’invertit-elle complètement : corruption de l’État et hostilité de la base populaire.

Hillary Clinton devient ainsi à la fois le symbole et le symptôme d’une évolution importante, et cela assez marquant lorsqu’on compare 2016 à 2008. L’attitude anti-establishment n’est pas nouvelle mais elle se nourrit désormais, à la fois d’un sentiment populaire plus actif, à la fois de circonstances de plus en plus chaotiques au niveau de l’establishment, à la fois de la perte de repaires (des bornes, si l’on veut) de la part des membres de l’establishment dans l’exercice de leurs privilèges. Ainsi Clinton deviendrait-elle, par sa carrière et les esxcès de son comportement, une parabole illustrant l’évolution du pouvoir à Washington durant ces dix dernières années. Du fait de sa situation et de son évolution, ce pouvoir a perdu complètement, jusqu’à l’inversion complète désormais, les capacités d’impunité et de puissance par rapport au public qu’il conservait encore jusqu’ici malgré une réduction régulière depuis plusieurs décennies.

==========================================================

A ce propos, on appréciera ce nouvel exemple de déontologie journalistique, tout dans l’esprit critique…

Source: http://www.les-crises.fr/le-calvaire-d-hillary/


Le Fascisme est-il de retour ? Par Robert Paxton

Thursday 21 January 2016 at 01:42

Source : Project Syndicate, Robert O. Paxton, 7-01-2016

Robert O.Paxton

NEW YORK – En 2015, le « fascisme » est devenu, une fois encore, le carburant supérieur des commentaires de la vie politique. Bien sûr, face à un langage et à un comportement qui ressemblent en surface à ceux d’Hitler ou de Mussolini, la tentation de coller l’étiquette « fasciste » est presque irrésistible. Et l’on y cède beaucoup, en ce moment, sur des cas aussi disparates que ceux de Donald Trump, du Tea Party, du Front national en France et des assassins islamistes radicaux. Mais si cette tentation est compréhensible, on devrait pourtant lui résister.

À sa création, en 1920 (d’abord en Italie, puis en Allemagne), le fascisme fut une violente réaction contre ce qui était perçu comme un excès d’individualisme. L’Italie avait été bafouée, et l’Allemagne vaincue lors de la Première Guerre mondiale, clamaient Mussolini et Hitler, parce que la démocratie et l’individualisme avaient sapé l’unité et la volonté nationales.

Support Project Syndicate’smission

Project Syndicate needs your help to provide readers everywhere equal access to the ideas and debates shaping their lives.

LEARN MORE

Les deux dirigeants donnèrent donc des uniformes à leurs partisans et tentèrent d’enrégimenter leurs pensées et leurs actes. Une fois au pouvoir, ils voulurent étendre leur dictature à toutes les choses de la vie. Même le sport, sous Mussolini, était organisé et contrôlé par une agence d’État qu’on nommait il Dopolavoro.

Les fascistes se constituèrent (acquérant le soutien des élites) comme le seul barrage efficace à l’autre mouvement politique surgi de la Première Guerre mondiale : le communisme. Au socialisme international, les fascistes opposaient le national-socialisme, et s’ils écrasèrent les partis socialistes et supprimèrent les syndicats indépendants, ils ne remirent pas un instant en question les devoirs de l’État dans le maintien des services sociaux (sauf bien sûr pour les ennemis intérieurs, comme les juifs).

Le mouvement qui s’autoproclame État islamique semble assez bien correspondre à ce modèle. La volonté de ses partisans et leur identité personnelle sont entièrement soumises au mouvement, jusqu’au sacrifice suprême, le suicide. Mais il y a aussi des différences fondamentales.

L’État islamique est moins un État qu’un aspirant au califat, œuvrant pour la suprématie d’une religion en s’affranchissant des États et même en menaçant des États-nations existants. L’autorité centrale demeure peu visible et les initiatives politiques ou opérationnelles se répartissent entre des cellules locales, qui n’ont pas besoin d’un centre géographique.

Les fascistes étaient des nationalistes, appuyés à des États-nations et œuvrant au renforcement et à l’extension de ces États. Les dirigeants et les régimes fascistes faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour soumettre la religion aux nécessités de l’État. Tout au plus pouvons-nous voir dans l’État islamique une sous-espèce du totalitarisme religieux : mais il se distingue fondamentalement des dictatures laïques et centralisées du fascisme classique et de la glorification de leurs chefs.

Le Tea Party est aux antipodes du renforcement de l’État, inscrit dans la nature même du fascisme. Son refus de toute forme d’autorité publique et son rejet furieux de toute obligation envers autrui méritent plus le nom d’anarchisme de droite. C’est de l’individualisme pris de folie furieuse, un déni de toute obligation envers la communauté, l’exact opposé des admonestations fascistes clamant la supériorité des obligations envers le groupe sur l’autonomie des individus.

Le Front national, bien sûr, avait ses racines dans la France de Vichy, et son fondateur, Jean-Marie Le Pen, a longtemps manifesté son mépris pour la tradition républicaine française. Mais son succès croissant, aujourd’hui, dirigé par la fille de Le Pen, Marine, est au moins partiellement dû aux efforts du parti pour prendre ses distances avec son passé factieux et négationniste.

Donald Trump est un cas tout à fait particulier. Il semble, superficiellement, avoir emprunté pour sa campagne présidentielle un certain nombre de thèmes fascistes : la xénophobie, le racisme, la peur de l’impuissance nationale et du déclin, l’agressivité en politique étrangère, la suspension évoquée de l’état de droit pour répondre à des menaces supposées. Son ton brutal, sa maîtrise des foules, et le talent avec lequel il utilise les technologies de la communication les plus avancées rappellent aussi Mussolini et Hitler.

Et pourtant ces attributs sont tout au plus des dérivés des thèmes et des façons fascistes ; la substance idéologique profonde est très différente, les privilèges de la fortune y jouant un bien plus grand rôle que ne le toléraient généralement les régimes fascistes. C’est le plus probablement par opportunisme tactique que Trump a emprunté ces thèmes et ces façons, sans se soucier beaucoup des horreurs de l’histoire. Trump, évidemment, est parfaitement insensible aux échos renvoyés par ses mots et par son style oratoire, ce qui ne devrait pas surprendre, étant donné l’apparent détachement avec lequel il lance, une fois sur deux, ses insultes.

Il est bien dommage que nous n’ayons trouvé, jusqu’à présent, aucune étiquette exprimant la puissance toxique qui est celle du fascisme pour qualifier ces gens et ces mouvements odieux. Nous devrons nous contenter de mots plus ordinaires : fanatisme religieux pour l’État islamique, anarchisme réactionnaire pour le Tea Party et démagogie complaisante à l’égard de l’oligarchie pour ce qui concerne Donald Trump. Il existe aujourd’hui des mouvements marginaux, comme les Nations aryennes aux États-Unis ou Aube dorée en Grèce, qui font ouvertement appel à la symbolique nazie et emploient la violence physique. Il est préférable que le terme « fasciste » leur soit réservé.

Traduction François Boisivon

 Source : Project Syndicate, Robert O. Paxton, 7-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/le-fascisme-est-il-de-retour-par-robert-paxton/


La haine a-t-elle une raison ?

Thursday 21 January 2016 at 00:30

Source : Slate, Arnaud Tomès, Nonfiction, 08-01-2016

Un ouvrage qui étudie la logique de la haine: les phénomènes historiques de persécution peuvent-ils être éclairés par les concepts psychologiques de constitution du Moi?

Ce nouveau livre de Jacob Rogozinski–professeur de philosophie à l’université de Strasbourg, auteur d’une œuvre déjà importante, qui a porté en particulier sur Kant, ou plus récemment sur Artaud et sur Derrida–est un ouvrage imposant, par ses dimensions et par la multiplicité des thèmes qu’il aborde. Il constitue en quelque sorte la suite de son ouvrage Le Moi et la Chair (Le Cerf, 2007), texte ambitieux dans lequel l’auteur se présentait en fondateur d’une nouvelle discipline, l’ego-analyse. Il s’agit d’une certaine manière d’appliquer les concepts de l’ego-analyse à des phénomènes historiques et sociaux, comme Freud l’avait fait en appliquant les concepts de la psychanalyse à l’étude des cultures et des religions.

Comprendre la logique de la haine

L’ouvrage se penche sur un phénomène que l’on pensait connu, mais qui n’a jusqu’à présent guère suscité l’intérêt des philosophes, à savoir la persécution des sorcières au cours des XVIe et XVIIe siècles. Jacob Rogozinski a le mérite de nous rappeler l’ampleur du phénomène: entre 80 000 et 200 000 victimes, dénoncées, humiliées, torturées puis brûlées. Mais il nous rappelle aussi que ce phénomène ne s’est pas produit au cours d’un Moyen Âge que l’on imagine volontiers obscurantiste et sujet à des croyances religieuses irrationnelles, mais en plein processus de modernisation et de sécularisation. On brûle les sorcières au moment où Descartes écrit son Discours de la méthode (1637); et c’est ce même Jean Bodin qui prend des positions humanistes sur les guerres de religion et fonde la théorie moderne de la souveraineté (dans les Six livres de la République, 1576), qui rédige un traité intitulé De la démonomanie des sorciers (1580), écrit qui dénonce l’omniprésence des sorciers dans la société (jusqu’à la cour du roi lui-même) et détaille les meilleurs moyens de les torturer. L’idée naïve–mais encore partagée par certains historiens–d’un progrès de l’histoire vers les Lumières, n’en sort pas indemne.

Jacob Rogozinski ne se contente toutefois pas de faire œuvre de mémoire et de rappeler les circonstances historiques, politiques et intellectuelles de cette terrible persécution–en rendant par la même occasion à ces femmes persécutées leur nom et leur parole: on se souviendra longtemps de cette Aldegonde, répliquant à celui qui l’accuse publiquement: «Mais quoi. On dit que toutes les femmes sont sorcières»–, son projet est bien plus profondément de «comprendre la logique de la haine». Projet ambitieux, d’autant qu’il part d’un constat paradoxal, qui permet de comprendre le titre de l’ouvrage: c’est que la haine est «sans raison» (cf. p.29):

«Comme l’angoisse ou l’amour, la haine est sans pourquoi.»

Penser la logique des affects ne signifie donc pas les ramener à une cause explicative, manière de se débarrasser du problème plus que de le résoudre: l’ouvrage ne cède jamais à ces simplifications rationalisantes que l’on trouve dans certains livres d’histoire, où l’on explique par exemple la persécution des sorcières par la «petite glaciation» qui a lieu au XVIIe siècle.

Crises du pouvoir et constitution d’un Ennemi capital

Néanmoins, si l’on ne peut expliquer le pourquoi de ce déchaînement de haine, qui tantôt prend les lépreux pour objet, tantôt les sorcières, tantôt les Juifs, on peut décrire comment des dispositifs de persécution se mettent en œuvre, comment le pouvoir peut capter des affects de haine ou de dégoût en utilisant des schèmes de persécution ou d’exclusion. L’ouvrage de Jacob Rogozinski propose à cet égard des analyses très précises et très convaincantes de la manière dont une souveraineté en crise–et c’est bien le cas par exemple de la souveraineté de l’État français au XVIe siècle, miné par les guerres de religion et le spectre des révoltes populaires–constitue un Ennemi capital, afin de détourner contre certaines catégories de la population le mécontentement du peuple, ou encore pour conjurer le pouvoir de la multitude, cette puissance qui menace toujours de dissoudre le grand corps du Souverain. Le complot des sorciers devient ainsi «l’ombre de la multitude rebelle», sans que pour autant Jacob Rogozinski sombre dans un quelconque romantisme de la multitude, car, comme Spinoza le savait déjà, il y a des multitudes féroces.

Le dispositif de persecution comme instrument de pouvoir

Jacob Rogozinski ajoute ainsi un concept précieux–celui de «dispositif de persécution»–aux dispositifs d’exclusion et de normalisation que Michel Foucault avait déjà théorisés dans ses Séminaires ou dans Surveiller et punir, tout en contestant par ailleurs certaines positions foucaldiennes sur les rapports du sujet, du pouvoir et de la résistance. Car, ne l’oublions pas, même si le sujet persécuté participe souvent des représentations du persécuteur (et partage ainsi un même imaginaire), il y eut de la résistance au sein du sujet lui-même par rapport aux procédures qui le forcent à avouer: ces fameuses procédures inquisitoires, dont Jacob Rogozinski rappelle l’origine et le sens, au sein d’une sécularisation des dispositifs de vérité. Un autre apport théorique majeur de cet ouvrage nous semble être la notion de schème, utilisée ici d’une manière différente de celle de Kantet que Jacob Rogozinski définit (cf. p.86) comme «une représentation synthétique, unifiant plusieurs éléments hétérogènes, et dynamique». C’est l’usage de ces schèmes qui permet de comprendre comment le pouvoir peut capter des affects de haine, ou détourner la colère du peuple, son désir de vengeance à l’égard d’un ennemi réel, vers cet Ennemi capital dont le souverain a besoin pour se relégitimer.

«L’étranger en moi» au fondement de la haine de l’autre

Néanmoins, on en resterait à un niveau superficiel si l’on voyait dans Ils m’ont haï sans raison un simple travail de reconstitution des logiques politiques et historiques à l’œuvre dans les phénomènes d’exclusion et de persécution, ce qui serait déjà considérable. Car – et c’est là que l’ouvrage devient, à notre avis, le plus intéressant et sans doute en même temps le plus problématique – Jacob Rogozinski s’efforce d’articuler les concepts de l’ego-analyse et les phénomènes historiques qu’il étudie, en redescendant à un niveau plus fondamental, qui est celui de la «vie originaire du moi», cette vie qui avait fait l’objet du Moi et La Chair. Rappelons que Jacob Rogozinski a proposé dans ce précédent ouvrage une phénoménologie de la Chair, permettant de fonder une véritable analyse de la constitution du Moi, un Moi qui comporte toujours en lui une part d’étrangeté, cette part qui lui permet de ne pas s’effondrer dans l’aphanisis: l’impossibilité de sa propre manifestation. Cette part d’étrangeté, Jacob Rogozinski propose de l’appeler le restant–ce reste de ma chair, cette partie de moi qui rend possible le chiasme originaire, qui n’est donc pas étranger au Moi mais qui est l’étranger en moi. La haine correspond à ce sentiment lié au désir non pas simplement d’expulser, mais de détruire ce qui semble menacer le Moi.

Les phénomènes de persecution peuvent être reliés à des phénomènes plus originaires, qui tiennent à la relation du Moi à sa propre chair

Les phénomènes de persécution–à commencer par cette persécution des sorcières, qui ne touche pas l’Autre radical, mais au contraire le proche, celui qui appartient à la même famille ou à la même communauté que moi, l’«étranger du dedans»–peuvent donc être reliés à des phénomènes plus originaires, qui tiennent à la relation du Moi à sa propre chair: les schèmes historiques se nouent ainsi à des schème originaires (cf. p. 83), «opérant à un niveau plus élémentaire, dans l’expérience immanente du moi». Le phénomène de la persécution pourrait ainsi s’éclairer–sinon s’expliquer–par le fait que je transfère sur autrui ma propre Chair, ou plutôt les relations ambivalentes que j’entretiens avec cette Chair, que je fais donc d’autrui un «suppôt du restant», selon l’expression utilisée par Jacob Rogozinski. Il faut le reconnaître: les analyses très denses de la persécution des sorcières, dans la première partie, de la persécution des lépreux ou des Juifs, de la place des Intouchables dans la société indienne, ou encore de la logique à l’œuvre lors de la Terreur révolutionnaire dans la seconde partie de l’ouvrage, semblent confirmer avec brio les hypothèses de l’auteur.

Peut-on articuler une psychologie des masses à l’analyse du Moi?

Toutefois, il semble y avoir dans la position de Jacob Rogozinski une hésitation entre deux attitudes, qui ne parviennent jamais vraiment à se réconcilier : d’une part, une attitude qui consiste à fonder les phénomènes historiques à partir des concepts de l’ego-analyse, c’est-à-dire dans ces phénomènes plus originaires qui concernent la vie du Moi: «une généalogie historique des appareils de pouvoir doit se fonder sur une ego-analyse», écrit ainsi significativement l’auteur dans son introduction (cf. p.63); et d’autre part, une attitude qui consiste à refuser une telle fondation, en rappelant que les phénomènes propres au Moi se situent dans une sphère purement immanente, à laquelle on accède par une épochè phénoménologique, autrement dit par une suspension de la croyance dans l’existence du monde. Refusant toute comparaison avec René Girard ou ces auteurs qui tentent de penser les phénomènes historiques à partir d’un concept général (le bouc émissaire, l’homo sacer, etc.), Jacob Rogozinski affirme (cf. p.42) que «les concepts de l’ego-analyse n’ont pas pour vocation d’expliquer ce qui advient dans le monde». Mais alors, quelle peut bien être la fonction des concepts de l’ego-analyse? Le concept de «restant» ne rend-il pas raison de manière très convaincante de ces phénomènes historiques que sont la persécution des sorcières ou la relégation des Intouchables à ces tâches qui suscitent le dégoût?

Certes on peut comprendre la réticence de l’auteur à l’égard d’une attitude qui consisterait à psychologiser excessivement les événements de la vie historique ou à trouver une grille interprétative univoque à des phénomènes qui relèvent d’une multitude de déterminations. Il nous semble cependant que Jacob Rogozinski pèche par un excès de prudence méthodologique, en distinguant si radicalement le plan d’immanence (celui du Moi) et le plan des phénomènes sociaux et historiques. Il s’interdit en ce sens de faire ce que Freud faisait, d’une manière qui nous semble féconde, à savoir articuler une psychologie des masses (n’est-ce pas nécessaire à quiconque veut mettre au jour une logique de la haine?) et une analyse du Moi. Ou plutôt il ne s’interdit pas vraiment de le faire, puisqu’il montre par exemple comment les schèmes d’incorporation et de désincorporation, qui concernent pourtant la vie originaire du Moi, sont efficients lorsque l’on veut comprendre la haine qui se déchaîne à l’égard des sorcières ou à l’égard du roi Louis XVI, cet «étranger parmi nous».

Dépasser le dualisme de l’individuel et du social

Cette prudence méthodologique s’explique sans doute par la fidélité que Jacob Rogozinski manifeste à l’égard de la tradition phénoménologique, qui fait du Moi une réalité originaire, un ego transcendantal ou une Chair primordiale, qui ne peuvent pas être dérivés du monde. Pourtant, il serait temps de dépasser cette dualité de l’individuel et du social, qui est un véritable empêchement à penser: Ils m’ont haï sans raison en est bien la preuve, qui articule sans cesse des logiques proprement sociales (logique du pouvoir, par exemple, qui vise à se légitimer) et des logiques proprement psychologiques. La notion de schème, si brillamment utilisée par Jacob Rogozinski, nous semble précisément l’un de ces concepts qui permettent de dépasser l’absurde dualisme du psychologique et du social, intenable lorsque l’on veut penser des affects comme la haine. Ce qu’a par ailleurs montré Frédéric Lordon dans La Société des affects (Seuil, 2013).

Une communauté qui accepte en elle la présence de l’hétérogène est-elle possible?

Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’être admiratif face à la densité et à la pertinence des analyses menées par Jacob Rogozinski–dont nous n’avons donné qu’un très bref aperçu, eu égard à la longueur et à l’ambition de l’ouvrage. Le livre ouvre par ailleurs, dans sa conclusion, des pistes politiques tout à fait intéressantes, puisque Jacob Rogozinski rappelle qu’il existe des «schèmes d’émancipation» qui peuvent heureusement contrebalancer les schèmes de persécution. L’humanité n’est pas condamnée à succomber aux facilités de la logique de la haine. Contre l’image de la communauté unifiée, réconciliée par l’exclusion ou par la persécution d’un restant (qui prend la figure du paria, du Juif ou encore de l’immigré, menaçant la cohésion du corps social), se dégage ainsi l’image, dans la conclusion du livre, d’une «communauté messianique» qui serait capable d’accepter la vérité de son incarnation, de la présence en elle de l’hétérogène. Reste à donner un visage plus précis à cette «communauté messianique»–communauté religieuse ou politique? Ce sera peut-être l’objet d’un prochain livre de Jacob Rogozinski.

Arnaud Tomès et Nonfiction

Source : Slate, Arnaud Tomès, Nonfiction, 08-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/la-haine-a-t-elle-une-raison/


Évasion fiscale : « On a affaire à des oligarchies nationales complètement vérolées »

Thursday 21 January 2016 at 00:01

Source : The Dissident, Julien Le Gros, 23-12-2016

Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon – DR

Ne vous fiez pas à l’apparence inoffensive de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. Dans leur dernier ouvrage « Tentative d’évasion (fiscale) », les deux sociologues égratignent une fois de plus nos puissants. Et racontent comment, de Bercy à Genève, la fraude fiscale est désormais un système au service de l’oligarchie. Signe du destin, The Dissident les a rencontrés à Paris, à la station… Luxembourg !

The Dissident : Au début de votre essai, on comprend que les affaires Cahuzac et Liliane Bettencourt ont été le déclencheur du livre.

Monique Pincon-Charlot : Dans Le président des riches (Zones, 2010) il y a déjà des choses sur les paradis fiscaux. Dans Les ghettos du gotha, il y a l’histoire de la famille Mulliez, propriétaire du groupe Auchan, et de son emménagement à Estaimpuis, en Belgique, à 300 mètres de la frontière française. C’est un sujet sur lequel on se documente depuis le début de notre travail. On a eu des lectures très nombreuses… et très rasoir ! Le sujet n’est pas drôle du tout. Et il y a un an pile, on est partis en Suisse pour ce livre.

Qu’y apprend t-on ?

Il n’y a aucun scoop : les membres de la noblesse et de la bourgeoisie qui sont cités sont déjà dans la presse. L’intérêt de notre livre, c’est de montrer une classe sociale mobilisée au-dessus de tous les États pour ne pas contribuer à la solidarité nationale.

À l’époque des Ghettos du gotha, vous avez eu accès à des cercles très fermés. Aujourd’hui, est-ce plus compliqué d’avoir accès aux informations ?

Michel Pinçon : C’est difficile de travailler sur la fraude fiscale ! Dans nos travaux antérieurs, on a eu des informations par des gens de ce milieu. Mais c’est carrément tabou de leur demander comment ils gèrent leur patrimoine, de fraude fiscale, de paradis fiscaux. On a obtenu des informations diverses et variées, souvent de militants. Au Luxembourg et en Suisse, des groupes de résistance dénoncent la connivence de leurs États avec cette fraude fiscale.

Le Luxembourg est un des lieux privilégiés de la fraude fiscale. Amazon y a construit son siège social sur une presqu’île, dans la vieille ville de Luxembourg. Il y a juste de quoi loger une cinquantaine de salariés ! Ce n’est pas là où se font réellement les choses. Cela permet tout simplement d’y inscrire les bénéfices d’Amazon et d’être très peu taxé. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a été Premier Ministre du Luxembourg. On a la tête de l’Europe un individu qui un est complice évident de la fraude fiscale. C’est d’un cynisme… Ils sont tous complices : Juncker, Obama, le pourfendeur de la finance que se prétendait Hollande quand il cherchait des voix.

Monique Pinçon-Charlot : En 2010, le lanceur d’alerte Antoine Deltour a dévoilé le nom de tous les rescrits fiscaux1 qu’il a pu recopier avant son départ de l’un des big four, c’est-à-dire l’un des quatre plus grands cabinets d’audit financiers, le cabinet PWC. À l’époque, Juncker était ministre des Finances du Luxembourg. Il ne pouvait pas ne pas être au courant. En récompense, l’oligarchie l’a coopté comme président de la Commission européenne. Tandis qu’Antoine Deltour est poursuivi pour violation du secret des affaires et encourt cinq ans d’emprisonnement. Son procès aura lieu en janvier au Luxembourg.

Comment remonter le fil de ces évasions fiscales ?

Michel Pinçon : Nos sociétés dites démocratiques fonctionnent avec énormément d’interdits, de secrets. En particulier le secret fiscal. En France, on peut consulter les revenus d’une personne auprès de l’administration fiscale. Au bureau des impôts, vous pouvez demander à voir les déclarations fiscales des gens qui habitent votre quartier. Mais on surveille que vous ne preniez pas de notes. Si vous révélez les sommes que gagne telle personne, vous êtes automatiquement condamné à une amende correspondant au montant de ce que vous avez révélé. Si vous dites que Monsieur Untel a déclaré 2 millions de revenus l’année précédente, vous êtes imposé de la même somme. Ça refroidit les tentatives de révélation ! Pour les fraudes fiscales, ce sont des documents secrets auxquels même les employés des impôts n’ont pas accès. C’est le secteur bancaire qui garde ces documents à l’abri.

Monique Pinçon-Charlot : Il y a une multiplication des secrets : secret fiscal, secret bancaire, secret des affaires. Dès qu’on touche aux problèmes de la défense, c’est le secret défense. Le travail d’investigation peut toujours tomber sous le coup du secret des affaires. Être lanceur d’alerte relève de l’exploit. S’est mis en route un système de protection des lanceurs d’alerte, qui n’est pas encore parfait. Ce sont des grains de sable dans la machine oligarchique de ceux qui dorment dans les beaux quartiers.

Et le rôle des services fiscaux contre les fraudes ?

Monique Pinçon-Charlot : Tous les grands procès en cours – UBS France, HSBC France ou le Crédit mutuel – ne sont jamais le résultat de la traque des services fiscaux de Tracfin. Ces informations peuvent venir d’un conflit familial : les 80 millions d’euros de Liliane Bettencourt non déclarés en Suisse ont été révélés par le procès initié par sa fille. Elles peuvent aussi venir de lanceurs d’alerte comme Stéphanie Gibaud, Nicolas Forissier, ou Olivier Forgues à UBS France.

Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, il y a une machine de guerre très sophistiquée. Dans le reportage sur le Crédit Mutuel2, les spectateurs ont vu le système des poupées gigognes. On part d’un compte numéroté pour construire des sociétés écran, on fait des fiducies en utilisant des noms d’écrivains comme pseudonyme. Seul le chargé de clientèle connaît le véritable nom du client. Ça, ce n’est pas informatisé ! UBS France a démarché sur le sol français des Français pour rapatrier leurs avoirs en Suisse. Ils avaient des « carnets du lait ». C’est-à-dire une double comptabilité.

Dans votre livre, vous expliquez comment un directeur de la Direction nationale d’enquête fiscale (DNEF) a été placardisé pour avoir voulu traiter le cas Falciani (ancien salarié de HSBC, qui a livré des informations sur 130 000 comptes appartenant à des exilés fiscaux présumés).

Monique Pinçon-Charlot : On a pu interviewer de façon anonyme six inspecteurs des impôts qui témoignent du fait qu’ils ne peuvent plus vraiment faire leur travail. Dès qu’il s’agit d’une personnalité, tout est cloisonné. Ils n’ont pas accès à l’ensemble des informations. Il y a toute une machine, qu’on décrit dans le chapitre sur Bercy, faite pour préserver les intérêts des plus riches.

On apprend aussi que les paradis fiscaux ne sont pas toujours là où on le croit…

Michel Pinçon : Les entreprises se réfugient dans des îles où elles ne font rien à part engranger des bénéfices sans payer d’impôts. Les îles Vierges britanniques, les Bermudes… une dizaine d’îles au total. Mais c’est trompeur. L’un des paradis fiscaux les plus importants est le Delaware, ce petit État américain entre New-York et Washington. Il y a plus de sociétés que d’habitants. C’est un paradis fiscal sous la houlette du gouvernement américain. C’est un secret de polichinelle. Dans une des éditions du Bottin mondain, il y avait une publicité pour les facilités fiscales qu’offre le Delaware aux Français. Il y avait même une adresse à Paris ! Depuis qu’on l’a signalé, elle a été fermée. Mais ça continue de fonctionner sous une autre bannière. C’est étonnant, puisqu’Obama se veut pourfendeur des inégalités… Mais il ne parle jamais du Delaware !

Monique Pinçon-Charlot : Il n’a toujours pas signé l’accord historique du 29 octobre 2014 à Berlin, dans lequel quatre-vingt-dix pays ont ratifié l’échange automatique d’information entre administrations fiscales. Mais pas les États-Unis. La fameuse loi TAFTA élaborée sur recommandation de Barack Obama est à sens unique. Sous peine de ne plus avoir d’activités aux États-Unis, tous les pays du monde doivent déclarer les citoyens américains qui ouvrent des comptes non déclarés. Par contre, le Delaware n’est pas tenu à une réciprocité. Il y a une guerre fiscale. Et les États-Unis veulent détourner l’argent de l’évasion fiscale à leur profit.

Quelle morale peut-on tirer de tout ça?

Michel Pinçon : Une conclusion de notre livre, c’est qu’on a affaire à des oligarchies nationales complètement vérolées. C’est le Monopoly ! Ce sont des gens qui n’ont plus aucun sens du bien commun, comme il y en avait encore sous la IIIème ou IVème République. Enrichissons-nous ! C’est vraiment la morale des politiques d’aujourd’hui.

Monique Pinçon-Charlot : La violence des riches est opaque. Tandis que l’histoire de la chemise du DRH d’Air France, ça c’est visible ! Ça permet de criminaliser le salarié. On traite de voyous les travailleurs d’Air France. Pour gagner des millions d’euros, le PDG de Wolkswagen a fait une énorme fraude, avec des conséquences terribles pour le réchauffement climatique. Le Figaro a parlé de « tricherie ». Vous voyez la différence : voyou d’un côté, tricheur pour les grands de ce monde.

Qu’est-ce qui vous donne malgré tout des raisons d’espérer?

Michel Pinçon : Il y a des initiatives citoyennes, des rassemblements de magistrats, de fonctionnaires des impôts, avec des associations. Une plate-forme sur les paradis fiscaux regroupe une vingtaine d’associations comme Attac. Le mouvement Solidarité en Suisse nous a bien surpris. Quand on est sortis de la gare de Genève, pendant notre enquête, la première chose qu’on a vu ce sont des affiches : « À bas les forfaits fiscaux, les riches doivent payer leurs impôts. » Avec nos valises à roulette, on s’est dit : « Tiens c’est bizarre, on est attendu s! » On n’avait pourtant rien dit à personne. En fait, Solidarité en Suisse avait fait une votation [pour demander l’abolition] des forfaits fiscaux, qui font que les étrangers – contrairement aux Suisses – peuvent ne pas payer d’impôt sur leur patrimoine en Suisse.

Notes : 

1 Un rescrit fiscal peut faire prévaloir la sécurité juridique du contribuable et lui permettre d’obtenir un régime fiscal particulier. Le « Lux Leaks » révélé en 2014 met en cause une liste d’accords fiscaux entre l’administration luxembourgeoise et des entreprises pratiquant l’évasion fiscale.

2 Initialement programmé sur Canal +, ce documentaire a été censuré par Vincent Bolloré, proche du patron du Crédit Mutuel, Michel Lucas. Il a finalement été diffusé par France 3 dans le magazine Pièces à conviction.

Source : The Dissident, Julien Le Gros, 23-12-2016

Source: http://www.les-crises.fr/evasion-fiscale-on-a-affaire-a-des-oligarchies-nationales-completement-verolees/


[Risque de Démocratie] “Aux Pays-Bas, une consultation sur les relations UE-Ukraine à haut risque”

Wednesday 20 January 2016 at 05:00

Aidez-nous amis néerlandais, on compte sur vous !

Bref, cela démontre l’importance des référendums d’initiative populaire !

Source : Luxemburger Wort, 9-01-2016

Jean-Claude Juncker et le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, le 7 janvier
Photo: Reuters

La Haye, 9 jan 2016 (AFP) – Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a appelé samedi les Néerlandais à ne pas s’opposer à l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine lors du référendum prévu en avril, estimant qu’un non pourrait provoquer une “crise européenne”.

Trois organisations eurosceptiques aux Pays-Bas sont parvenues à obtenir un référendum non contraignant sur la question, prévu le 6 avril, en récoltant plus de 300.000 signatures.

Un non néerlandais “pourrait ouvrir la voie à une crise européenne”, a estimé M. Juncker dans une interview publiée samedi par l’influent quotidien NRC.

Ne transformons pas ce référendum en un vote sur l’Europe

OB Notez, le gars est lucide, hein… Bon, démocrate, non, à l’évidence…

“Ne transformons pas ce référendum en un vote sur l’Europe”, a ajouté le président de la Commission européenne. “J’espère sincèrement que (les Néerlandais) ne voteront pas en faveur du non, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le traité lui-même”.

Même si le référendum n’est pas contraignant, il sera vraisemblablement suivi de près dans un pays où les eurosceptiques caracolent en tête des sondages en vue des élections législatives de 2017.

Si le non l’emporte, c’est la Russie “qui en sera le grand bénéficiaire”, a souligné M. Juncker.

Donc aucun souci à se couper un bras, si ça empêche la Russie de gagner…

L’accord de libre échange conclu entre Kiev et l’UE est entré en vigueur le 1er janvier. Il vise à renforcer le dialogue politique ainsi que les échanges économiques et commerciaux entre l’UE et l’Ukraine.

Le refus en 2013 de l’ancien président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovitch de signer cet accord avait entraîné la révolte sur la place Maïdan, à Kiev, et sa chute.

Donc le type est “pro-russe” mais il a négocié un accord avec l’UE pendant 4 ans, avant de se rendre compte que ça aller couler son pays et ne pas le signer…

Lors d’une visite aux Pays-Bas en novembre, le président ukrainien, Petro Poroshenko, a salué l’accord comme le début d’une nouvelle ère pour son pays.

Il n’a pa smenti notez -l’ère Uption ?

Moscou, de son côté, voit cet accord d’un mauvais œil, et le considère comme un empiètement des Européens dans sa sphère d’influence.

Ils sont bizarres ces Russes…

Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, dont le pays vient de prendre la présidence tournante de l’UE, a indiqué qu’il évaluerait les conséquences du référendum une fois son résultat connu. Son gouvernement jugera alors si des changements de politique sont nécessaires.

Ouf, j’ai cru qu’il allait dire qu’il en respecterait le résultat…

Source : Luxemburger Wort, 9-01-2016

================================================================

Aux Pays-Bas, une consultation sur les relations UE-Ukraine à haut risque

Énorme : GROS RISQUE démocratique en vue !

Source : Le Monde, Jean-Pierre Stroobants, 15-01-2016

La tension politique monte, aux Pays-Bas, à l’approche d’un référendum sur l’accord d’association conclu entre l’Union européenne (UE) et l’Ukraine. Appliqué de manière provisoire depuis le 1er janvier, ce texte doit être entériné par les 28 pays membres de l’Union. Si 25 Etats l’ont déjà approuvé, aux Pays-Bas, trois organisations eurosceptiques ont obtenu qu’il soit soumis à une consultation populaire, prévue pour le 6 avril. Un « non » serait une fâcheuse épine dans le pied de la présidence néerlandaise de l’UE, qui a commencé le 1er janvier.
À La Haye, les députés sont furieux : ils jugent contre-productives de récentes déclarations du président de la Commission de Bruxelles, Jean-Claude Juncker. Il a souligné, le 9 décembre 2015, qu’un « non » de la population néerlandaise pourrait « entraîner une crise continentale » et bénéficier à la seule Russie.
Pour les partis favorables à l’Europe, ces propos sont maladroits et ont focalisé l’attention sur cette consultation dont un tiers des citoyens disait ne pas avoir entendu parler. « M. Juncker a raté une nouvelle occasion de se taire », déclare le député Han ten Broeke, membre du Parti libéral (VVD), la formation du premier ministre Mark Rutte. Diederik Samsom, le dirigeant des sociaux-démocrates du PVDA, membres de la coalition au pouvoir, a estimé que « les menaces ne sont vraiment pas nécessaires ».
Les partis proeuropéens craignent, en fait, une réédition de l’épisode de 2005, quand les électeurs avaient, quelques jours après les Français, rejeté le projet de Traité constitutionnel européen. A l’époque, toutes les grandes formations avaient été désavouées. Aujourd’hui, les principaux responsables politiques savent que M. Juncker a raison d’inviter leurs concitoyens à ne pas transformer la consultation en « un vote sur l’Europe » mais ils redoutent que beaucoup de Néerlandais profitent de l’occasion pour manifester leurs critiques à l’égard de ce qu’Emile Roemer, leader du parti de la gauche radicale SP, appelle « le mépris total de la population par la petite élite bruxelloise ». Son parti est le seul, avec le Parti de la liberté (PVV, extrême droite) de Geert Wilders et le Parti des animaux (PVDD) à avoir voté contre l’accord conclu entre l’UE et Kiev.

L’Ukraine présentée comme instable et corrompue

Les trois organisations qui ont relayé leurs critiques ont réuni 428 000 signatures – il leur en fallait 300 000 au minimum – pour obtenir que la population se prononce sur l’accord. La Chambre, le Sénat et le roi ont entériné ce texte, toutefois suspendu, désormais, au résultat de la consultation. Le résultat de celle-ci ne sera pris en compte que si 30 % des électeurs y participent et il ne sera pas contraignant : le gouvernement et les Assemblées pourraient passer outre un « non » éventuel. Le premier ministre, le libéral Mark Rutte, indique qu’il « évaluera » le bilan du référendum.
Quand même, il vaut mieux lire ça qu’être aveugle, mais c’est tellement incroyable… A une époque, le politique et le journaliste auraient été lapidés par la foule…
La plupart des observateurs pensent, cependant, qu’il ne pourrait tenter un passage en force. D’autant que sa coalition atteint des records d’impopularité tandis que M. Wilders, incarné en leader du camp du « non », frôle les sommets : le dernier sondage, publié dimanche 10 janvier, le crédite de 36 % des intentions de vote et de 41 des 150 sièges de la deuxième chambre. Quatorze de plus que les deux partis du gouvernement.
M. Wilders a, lui aussi, réagi au propos de M. Juncker, en évoquant une tentative « d’intimidation » qui « ne servira à rien ». Comme les partisans du référendum, il refuse que les Pays-Bas soutiennent financièrement une Ukraine présentée comme instable et corrompue, conteste l’idée que l’accord d’association puisse assurer la stabilité du pays et agite le spectre d’une future adhésion à l’Union. M. Rutte dément formellement : « Cela n’a rien à voir avec un élargissement. »
Même s’il a appelé ses concitoyens à voter « oui », M. Rutte paraît hésiter à engager son gouvernement dans la campagne. Il préfère laisser le champ libre à l’association Stem voor Nederland (Votez pour les Pays-Bas) : récemment constituée, en liaison avec le patronat et le ministère des affaires étrangères, elle entend informer la population sur les vrais enjeux de ce dossier, pour renverser une tendance qui indiquait, en décembre, que 17 % des Néerlandais seulement étaient, a priori, favorables à l’accord avec l’Ukraine.
Là aussi, j’ai dû mal lire : le journaliste n’a quand même pas écrit que le Premier Ministre ne va pas faire la campagne électorale, mais qu’il va laisser la patronat le faire à sa place ?
Source : Le Monde, Jean-Pierre Stroobants, 15-01-2016
=========================================================

Les Pays Bas s’apprêtent à infliger une leçon de démocratie à l’Union Européenne

Par Djordje Kuzmanovic, Blog Mediapart, 15/01/2016

Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, craignant les conséquences d’un tel vote juste avant des élections législatives cruciales au Pays-Bas et en France en 2017, mais aussi en pleine négociation du TTIP, le traité de libre-échange transatlantique, a enjoint les citoyens des Pays-Bas à ne pas « mal voter ».

L’accord d’association controversé entre l’Ukraine et l’Union européenne a été l’un des déclencheurs du renversement du gouvernement ukrainien de Ianoukovitch à la suite du mouvement populaire du Maïdan. Le nouveau gouvernement ukrainien présidé par M. Porochenko, signataire de cet accord et appuyé par les États-Unis, a été à l’initiative d’une guerre civile à l’est du pays qui a fait plus de 10 000 victimes, dont de nombreux civils, et a provoqué le déplacement de plus de 1 100 000 réfugiés.

Il est légitime que les peuples des États membres de l’Union européenne se posent la question de l’opportunité d’un tel accord, d’une part eu égard aux coûts colossaux qu’il va faire peser sur les budgets européens, et d’autre part, car il pose la question du bien-fondé des décisions des institutions européennes rarement prises dans l’intérêt des peuples. Enfin, il marque l’alignement de l’Union européenne sur la politique étrangère étatsunienne, au risque de la paix en Europe, pourtant argument principal légitimant l’existence de l’Union.

Cet accord, déjà ratifié par le parlement néerlandais, est entré en vigueur le 1er janvier 2016. La très démocratique loi néerlandaise prévoit la tenue d’un référendum consultatif si au moins 300 000 signatures sont recueillies auprès des citoyens. Les auteurs de l’initiative visant à rejeter cet accord d’association en ont réuni 420 000. Le vote aura donc lieu le 6 avril. Si de plus, le taux de participation dépasse les 30 %, le gouvernement serait formellement obligé de reconsidérer l’accord. Or, selon les sondages, environ trois quarts des électeurs néerlandais voteront “probablement ou certainement” contre l’accord.

Jean-Claude Juncker, qui avait déclaré il y a quelques mois qu’”il ne [pouvait] y avoir de choix démocratique contre les traités européens“, est en train de réaliser que le peuple peut encore faire irruption sur la scène politique à l’échelle de l’Union. Inquiet, il a appelé les Néerlandais à ne pas s’opposer à l’accord et fait remarquer qu’une réponse négative pourrait “déboucher sur une grave crise continentale, qui dépasserait largement le cadre néerlandais” (Reuters).

Ne doutons pas que Juncker, entre deux moments d’ébriété, y voit clair et s’inquiète à juste titre de chaque retour du peuple dans la vie politique. La portée du vote sera fortement symbolique, car ce référendum se tiendra alors que la Hollande, centrale dans l’Union européenne dont elle est fondatrice, assure la présidence tournante depuis le 1er janvier.

Les Pays-Bas pourraient réaliser un vote de défiance vis-à-vis de l’Union européenne et ses traités en illustrant combien les élites européennes sont coupées des intérêts des peuples qu’elles sont censées servir. Ce serait également un coup porté aux certitudes bruxelloises et au dogme de l’élargissement sans fin de l’Union européenne. Cela relancerait enfin le débat sur le degré d’intégration de chaque État-Nation dans l’Union et donc d’abandon de souveraineté, un an avant des élections législatives d’importance aux Pays-Bas et en France, deux pays phares de l’Union européenne où, par référendum populaire, le Traité constitutionnel européen avait été rejeté de manière retentissante en 2005 (61 % de « non » aux Pays-Bas, 55 % en France).

Les Néerlandais se prononceraient légitimement contre cet accord de libre-échange compte tenu du coût colossal pour l’Union européenne, donc pour ses citoyens, qu’il impliquerait. L’économie ukrainienne est, en effet, en faillite continue, soutenue à bout de bras par l’Union européenne et le FMI (qui, au contraire de la Grèce, lui a accordé une restructuration de sa dette). Il faudrait y injecter entre 40 et 65 milliards d’euros pour la remettre à flots et assurer un soutien de quelque 15 milliards d’euros par an pendant de nombreuses années, sommes impensables dans un contexte de récession, de crise grave, de chômage et de politique d’austérité dans les autres pays européens. Ces aides risqueraient d’ailleurs de n’y rien changer puisque le niveau de corruption de l’actuelle Ukraine est un des plus élevés au monde et supérieur – si c’est possible – à celui en vigueur sous Ianoukovitch.

Par ailleurs, le rapprochement plus marqué de l’Union européenne et de l’Ukraine augure d’un dumping social sans précédent en Europe, déjà largement initié par l’Allemagne dans ses usines. L’Ukraine compte une des plus importantes populations d’Europe – 46 millions d’habitants – pour un salaire moyen de 250 euros par mois et un salaire minimum de… 50 euros par mois. Ce rapprochement risque de causer un tsunami social dans toute l’Europe de l’Ouest où le travail, de plus en plus rare et précaire, est dévoyé par le déferlement des « travailleurs détachés » – nom pudique donné en Europe à la légalisation de l’exploitation.

Juncker redoute également les conséquences géopolitiques d’un « non » néerlandais, tant cet accord d’association sert surtout les intérêts hégémoniques des États-Unis. Pour Washington, l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN et son éloignement de la sphère d’influence de la Russie reste un des objectifs géostratégiques centraux et l’accord d’association UE/Ukraine n’en est qu’une étape. Cet accord mettrait l’Europe encore plus en porte-à-faux par rapport à la Russie ; or sans ce pays, comme le déclarait le général de Gaulle, un projet européen indépendant n’est pas viable.

Il est à noter que cela se déroule au même moment où se négocie, en catimini, l’accord sur le traité de libre-échange transatlantique, le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership - Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), visant à construire un grand marché entre l’Europe et les États-Unis, lequel, s’il était ratifié ainsi que le désirent ardemment les élites européennes, signerait le basculement définitif et complet de l’Europe dans le giron étasunien.

Si le référendum d’initiative populaire néerlandais se soldait par un vote « non » à l’accord d’association UE/Ukraine, une crise supplémentaire éclaterait au sein de l’Union européenne. Ce serait le retour du peuple dans un système d’institutions qui ne le représente plus et où la démocratie est inexistante : la banque centrale européenne n’a pas les mêmes prérogatives que la réserve fédérale des États-Unis, la Commission européenne est non élue et le parlement européen est composé de députés élus, mais sans réels pouvoirs. Caractère non démocratique qui sera encore renforcé par une des dispositions phares du TTIP, les tribunaux d’arbitrage, instances non élues dont les décisions s’imposeront aux États-Nations, si nécessaire en opposition aux décisions prises par le peuple, que ce soit par voie référendaire ou par le truchement de ses représentants au parlement – ce qui dans le cas de notre pays est en contradiction radicale avec l’article 3 de la Constitution.

Si, monsieur Juncker, il peut y avoir un choix démocratique contre les traités européens !

 

Source: http://www.les-crises.fr/risque-de-democratie-aux-pays-bas-une-consultation-sur-les-relations-ue-ukraine-a-haut-risque/