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Charlie Hebdo : une récente caricature jugée « répugnante » + analyse de Daniel Schneidermann

Tuesday 19 January 2016 at 00:01

Charlie Hebdo : une récente caricature jugée « répugnante »

Source : Ici Radio Canada, Tima Kurdi, 14-01-2016

Caricature controversée du dessinateur Riss de Charlie Hebdo. Photo : Charlie Hebdo

La tante du petit Syrien retrouvé noyé sur une plage turque en septembre a qualifié l’une des dernières caricatures du journal satirique Charlie Hebdo de « répugnante ». Le dessin suggère que si le petit Alan avait grandi, il serait devenu un agresseur sexuel comme ceux de Cologne, en Allemagne, durant la nuit de la Saint-Sylvestre.

« Je souhaite que les gens respectent la douleur de notre famille », commente Tima Kurdi, depuis son domicile de Port-Coquitlam en Colombie-Britannique. « C’est une perte énorme pour nous. Nous ne sommes plus les mêmes depuis cette tragédie. On essaie d’oublier et d’avancer, mais nous avons toujours aussi mal. »

La famille Kurdi est devenue tristement célèbre lorsque la photo du corps sans vie du petit Alan a fait le tour du monde il y a quelques mois. L’enfant de trois ans est mort avec son frère de cinq ans, Ghalib, et leur mère, Rehanna, lors d’une traversée entre la Turquie et la Grèce. L’affaire a eu une résonnance particulière au pays lorsqu’il a été révélé que le père d’Alan, Abdullah, avait participé au voyage après que la demande de réfugié de son frère Mohammed eut été refusée par les autorités canadiennes.

« C’est leur droit »

Tima Kurdi estime que la caricature du dessinateur Riss est « injuste ». Elle fait référence à la vague d’agressions sexuelles survenues en Allemagne, et particulièrement à Cologne, la nuit du 31 décembre. Plus de 600 plaintes ont été déposées dont une grande partie concerne des réfugiés.

« J’espère que [les dessinateurs de Charlie Hebdo] ne recommenceront pas, mais tout le monde a le droit d’avoir son opinion. Ils aiment exprimer leurs sentiments, ils l’ont déjà fait avant », ajoute-t-elle, conseillant tout simplement d’ignorer ce dessin.

Or, sur la Toile, et particulièrement sur Twitter, beaucoup d’internautes sont outrés. Le mot dièse #JeNeSuisPasCharlie a notamment émergé rapidement et se propage depuis quelques heures.

Ce n’est pas la première fois que Charlie Hebdo crée la polémique avec une référence à la famille Kurdi. L’année dernière, l’une des couvertures du journal signé Riss avait présenté la silhouette bien reconnaissable du petit Aylan, échoué sur la plage. Derrière lui, un panneau publicitaire McDonald’s « Deux menus enfants pour le prix d’un » et une légende : « si près du but ».

Source : Ici Radio Canada, Tima Kurdi, 14-01-2016

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Balle analyse de Daniel Schneidermann

Dessin de Charlie Hebdo : lettre à Riss, aux bons soins d’Internet

Source : Rue89Daniel Schneidermann, 14/01/2016

Hé, Riss  ! Je peux te parler deux minutes  ? On ne se connaît pas, je n’ai pas ton 06, et même pas celui de tes chargés de com’, mais je suis Charlie, alors je me permets de te tutoyer, et de t’envoyer une lettre aux bons soins d’Internet.

Mercredi après-midi, les « rézosociaux » comme on dit, vibrants d’indignation comme d’habitude, ont colporté jusqu’à moi ce dessin, apparemment extrait du dernier Charlie Hebdo, mis en vente le matin même.

On tape sur tout ce qui bouge

Ce dessin ne m’a pas particulièrement ému. Ni fait rire. Il m’a seulement rappelé l’esprit Hara-Kiri, l’esprit de la période Choron-Cavanna-Reiser : on tape sur tout ce qui bouge indifféremment, les flics ET les manifestants, les militaires ET les antimilitaristes, les cons, les fonctionnaires, les fachos, les profs, alors pourquoi pas aussi les migrants, sans trop faire l’effort de se demander si on parle des migrants eux-mêmes, ou des migrants tels que les fachos les désignent, tout est bon dans le crayon, tout ce qui vient sous le crayon.

Oui mais voilà, dans l’équipe, ils ne l’ont pas pris comme ça. Les jeunes membres de l’équipe d’@si (quasi-pléonasme), ceux qui n’ont qu’une connaissance livresque de la grande période Choron-Cavanna-Reiser-on-tape-sur-tout-ce-qui-bouge, tu sais quoi  ? Ils y ont carrément vu un dessin raciste.

Il faut dire que oui, c’est une question de génération. Quelle est leur image de Charlie Hebdo  ? Un ovni éditorial au sujet duquel le débat principal est de savoir s’ils sont islamophobes ou pas. Un journal dont nous avons méticuleusement épluché le contenu, pour y déceler des traces (ou non) d’islamophobie. Et dans la période récente, un journal marqué par le passage de Val et Fourest, moines-soldats de l’islamophobie française, même si, je sais, je sais, ils n’y sont plus depuis un bout de temps.

Vu de ce point de vue-là, rien ne distingue ton dessin, Riss, d’un dessin qui pourrait être publié dans Minute ou Valeurs actuelles. Rien. Pour bien le distinguer d’un dessin de Minute ou Valeurs actuelles, il faudrait avoir une vue d’ensemble de la page, ou du numéro entier, dans lequel il a été publié.

Dieu, Hollande, les flics, Johnny…

Je ne vais pas reproduire tous les dessins de ce numéro. Au-dessus du crobard fatal, un autre croque Valls et Taubira. Au-dessous, un autre se moque des dessinateurs eux-mêmes. Tout aussi férocement, au fil du numéro, sont croqués Bowie, la trilogie imams-curés-rabbins, Dieu, Hollande, les flics, Johnny, Depardieu, le Dakar, Sarkozy, Juppé, Trump, un curé pédophile, etc. Je n’en tire aucune conclusion. Mais c’est un des facteurs qui servent à caractériser le « lieu d’énonciation » du message, lequel est important pour qui veut se faire son propre jugement sur le dessin.

Le problème, c’est que ce dessin, soigneusement propagé par ceux-là même qui veulent le dénoncer, va atteindre des publics qui n’auront jamais accès au numéro entier de Charlie Hebdo. Et pas davantage à cette lettre que je t’envoie avec mes pauvres armes, des mots, moi qui dessine comme une casserole.

C’est un gros problème. On en avait parlé à Luz, de ce risque terrible de malentendu, centuplé par les rézosociaux, quand il était venu nous parlerde son si beau livre, « Catharsis » (et qu’il était resté perplexe face à un de tes dessins, mêlant esclaves sexuelles de Boko Haram et allocations familiales).

INITIALEMENT PUBLIÉ SUR ARRETSURIMAGES.NET
 Source : Rue89Daniel Schneidermann, 14/01/2016

Source: http://www.les-crises.fr/charlie-hebdo-une-recente-caricature-jugee-repugnante-analyse-de-daniel-schneidermann/


«Vendez tout ! » conseille la Banque royale d’Ecosse (RBS) aux investisseurs

Monday 18 January 2016 at 03:41

Je rappelle que RBS est une des plus grandes banques mondiales…

Tout va bien…

Source : Russia Today, 12-01-2016

Les traders travaillent dans une salle du New York Stock Exchange le 7 janvier dernier

La Banque royale d’Ecosse (RBS) a averti ses clients de s’attendre à une «année cataclysmique», ainsi qu’à une crise globale déflationniste. Il est temps de vendre ses actions avant qu’il ne soit trop tard, a-t-elle averti.

L’équipe de crédit de la RBS a indiqué que la situation des marchés était aussi alarmante que celle qui prévalait juste avant la crise financière de 2008. Les principaux marchés d’actions pourraient notamment perdre jusqu’à un cinquième de leur valeur, tandis que le baril de pétrole atteindrait 16 dollars. «Vendez tout excepté les obligations de haute qualité. Il s’agit de tout faire pour retrouver son capital de départ. Dans une salle bondée, la porte de sortie est petite», a-t-elle indiqué à ses clients dans une note, rapporte The Sydney Morning Herald.

Le chef du crédit de la RBS, Andrew Roberts, a déclaré que le commerce mondial et celui des emprunts se contractaient, un affreux cocktail pour la trésorerie des entreprises et les bénéfices comptables. Cet avenir funeste devrait également entraîner une augmentation considérable des ratios d’endettement.

«La Chine a effectué un ajustement majeur qui risque de faire boule de neige. Les emprunts et le crédit sont devenus très dangereux», a-t-il poursuivi. La Chine est en proie depuis plusieurs mois à des difficultés boursières sans précédent. En août dernier, en quatre jours, le Shanghai Composite Index avait perdu 22%, effaçant tous les gains enregistrés depuis le début de l’année et tombant sous son niveau du 31 décembre 2014.

Un effondrement de Wall Street de 10% à 20%

Wall Street et les actions européennes doivent s’attendre à une dégringolade de 10% à 20%, estime Andrew Roberts. Il a insisté en indiquant que Londres était vulnérable à un «choc négatif». «Toutes ces personnes qui possèdent beaucoup d’actions dans le pétrole et le secteur minier et qui pensent que leurs dividendes sont en sécurité vont découvrir qu’ils ne sont pas en sécurité», a ajouté le chef du crédit de la RBS.

La banque Morgan Stanley avait aussi averti des risques d’une chute du prix du baril de pétrole à 20 dollars, sachant que le pétrole influence largement le cours du dollars. L’un des principaux repères du marché pétrolier, le baril de Brent est passé sous les 31 dollars au matin du 12 janvier, son taux le plus bas depuis avril 2004.

Source : Russia Today, 12-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/vendez-tout-conseille-la-banque-royale-decosse-rbs-aux-investisseurs/


La doctrine Schulz : Regime change à Varsovie – et réactions…

Monday 18 January 2016 at 01:18

Le niveau de crétinisme des dirigeants de nos jours est vraiment impressionnant…

La doctrine Schulz : Regime change à Varsovie

Source : Philippe Grasset, pour De Defensa, le 11 janvier 2016.

Le président du Parlement Européen, l’Allemand Martin Schulz, est bien une sorte de missile de croisière à tête semi-nucléaire de Merkel et accessoirement de l’UE, visage de l’Allemagne démocratique-et-européenne ayant mis au pas la Grèce et s’apprêtant à faire de même avec la Pologne. Sa doctrine est toujours la même, avec une référence évidente à l’esprit : regime changeLe 3 juillet 2015, nous notions ses interventions à propos de la Grèce qui allait voter par référendum, vainement d’ailleurs, dans un sens insatisfaisant pour le duumvirat Merkel-UE :

« Dans une interview au quotidien économique allemand Handelsblatt, Schulz espère 1) la victoire du “oui” en Grèce, ce qui n’est pas trop méchant dans le climat ambiant, 2) la démission immédiate du gouvernement Tsipras, ce qui est plus précis mais pas exceptionnel, et 3) son remplacement immédiat par un gouvernement de technocrates. Ce point (3) inaugure directement, officiellement à ce haut niveau politique et d’une façon bien plus claire le doctrine européistetype-IVème Reich du regime change. Plus de gouvernement démissionnaire quoique majoritaire à l’Assemblée expédiant les affaires courantes, mais son remplacement immédiat. Par qui, puisque Syriza est majoritaire ? Par la voie constitutionnelle shulzienne, certes… »

Bien, comme chacun sait la Grèce est une affaire pliée, à la grande satisfaction de la volonté des peuples et dans le triomphe social et économique que l’on sait. Maintenant, il y a la Pologne, comme l’on sait également. Schulz est donc parti en croisade, avec tout le culot et l’arrogance qu’on lui connaît, à la fois ceux de l’Allemagne merkélienne et ceux de l’Europe standardisée. Ses interventions sont aussi impudentes et ahurissantes qu’elles l’étaient avec les Grecs, tandis que les parlementaires de la CDU de Merkel plaident pour des sanctions “européennes” contre la Pologne. Il s’agit donc d’une attaque concertée,dont on observera aussitôt qu’elle est beaucoup plus nettement allemande qu’européenne que dans le cas grec. (Par exemple, Juncker, président de la Commission, a déclaré le 8 janvier qu’il ne fallait pas “dramatiser” le conflit avec la Pologne, portant sur le contrôle des médias par le gouvernement, qu’il fallait éviter les sanctions, au contraire des députés de la CDU, parlant deux jours après Juncker.)

Ce qui est remarquable dans le cas de Schulz, et montre bien l’intention allemande, – Schulz n’agit pas sans l’aval de Merkel, – de véritablement réduire la Pologne, c’est qu’il recommence le même coup à 25 jours d’intervalle. L’impudence et l’arrogance sont manifestement soutenues par une volonté de provocation qui en dit long sur la volonté allemande, et déploie dans toute sa pseudo-sublimité la fine politique de cette grande nation au gouvernail de l’Europe : tout céder aux pressions de la globalisation, du Système si vous voulez (les USA, les migrants, le TTIP), être aussi dur que tel ou tel chancelier à la Croix-de-fer pour ce qui concerne les pays et courants européens affichant des velléités de souveraineté et d’indépendance (la Grèce, la Pologne, la posture anti-Russie). Il est difficile de trouver une démonstration plus convaincante du caractère veule de la politique allemande, – soumise face aux puissances diverses, impitoyables pour les plus faibles, – présentée pourtant par certains comme un modèle ; c’est dans tous les cas un reflet acceptable de l’époque

Les deux interventions de Schulz méritent quelques petites illustrations. Ce sont des modèles de grossièreté, d’ingérence et d’irrespect, parfaitement dans le même esprit que ce qui avait été manifesté vis-à-vis de la Grèce. Le même impérialisme de communication, le même mépris pour les principes fondamentaux, tout cela qui fait mesurer une fois de plus ce que vaut “leur-Europe”, sorte de Reich, quatrième du nom, mis au goût du jour…

• Le 15 décembre 2015, Shulz suggérait de façon directe et sans la moindre précaution de langage que des mesures prises par le nouveau gouvernement polonais issu des élections d’octobre et de la victoire du PiS ne constituaient rien de moins qu’un “coup d’État”. La réaction polonaise, notamment de la nouvelle Premier ministre Beata Szydlo, fut évidemment très vive ; les Polonais parlent, sans trop forcer la vérité, de l’“arrogance allemande”. Le porte-parole de Schulz a précisé ensuite, aimablement, qu’il ne s’agissait de la part de son employeur, non pas d’un jugement définitif mais d’une préoccupation concernant l’application des “principes fondateurs” (nous dirions, nous : “des valeurs opérationnelles”) de la règle de la Loi de l’UE. Schulz exprime ses “préoccupations” sous une forme très remarquable.

« A row has broken out after the German President of the European Parliament described the new government in Warsaw of staging a “coup d’État” by making changes to its constitutional court, in an unusual diplomatic intervention. The European Parliament president, Martin Schultz told Germany’s Deutschlandfunk radio station: “What is happening in Poland has the character of a coup d’état and is dramatic. I assume that this week or in January at the latest we will have to discuss this extensively in the European parliament.”

» His remarks, which are diplomatically-speaking outré, brought immediate condemnations from the highest levels in Warsaw, with Prime Minister Beata Szydlo describing them as “unacceptable” and demanding an apology. Her foreign minister, Witold Waszczykowski said Schultz’s remarks were “unfounded and therefore irresponsible” and called on Poland’s ambassador to the EU to meet with the European Parliament president. “He should at least know that Poland has recently seen a free and democratic election whose results are undisputed, and that now in Poland, as in many other democratic countries, we are simply having a normal political debate about institutional solutions,” said Waszczykowski. Schultz’s remarks were “scandalous” and “another example of German arrogance.” »

• Hier, 10 janvier 2016, Shulz remet cela, cette fois avançant jusqu’à l’insulte suprême dans le chef d’un politicien allemand aussi borné et standard (pléonasme), dans le choix de la dialectique-Système : l’accusation de la “poutinisation” de la politique européenne de la Pologne (par subordination de l’État au Parti, comme au bon vieux temps).

« European Parliament Chief has repeatedly accused the Polish government of subordinating the interests of the state to those of the winning party, referring to the constitutional crisis in Poland. He specifically termed it the “Putinization of European politics,” but ruled out that his comments represent an interference into the internal affairs. “The Polish government considers its [October] election victory a mandate to subordinate the interests of the state to the interests of the winning party,” Schulz told Germany’s Frankfurter Allgemeine Zeitung, according the paper’s website. “That’s democracy carried out in the style of [Russian leader Vladimir] Putin and a dangerous ‘Putinization’ of European politics,” Schulz added, as quoted by the website. »

• On ajoutera une intervention polonaise, hier également, une réponse à une “proposition” du 3 janvier, de la Commission européenne, du Commissaire européen à l’Economie et à la Société Numérique, de mettre la Pologne “sous surveillance”. Bien entendu, le commissaire, Günther Oettinger, est Allemand, ce qui représente la position allemande à l’intérieur de la Commission, également aussi dure que ce l’on a vu précédemment. Le ministre polonais de la Justice Zbigniew Ziobro a répondu hier à Oettinger, sur RadioPolsha.pl :

« Vous voulez mettre la Pologne sous surveillance. De tels mots prononcés par un homme politique allemand provoquent les pires des associations chez les Polonais, y compris chez moi. Je suis le petit-fils d’un officier polonais qui a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale contre la “surveillance allemande” dans les rangs de l’Armia Krajowa[armée de résistance polonaise pendant l’occupation allemande] »

De tout cela, il ressort que l’offensive contre le gouvernement polonais, eurosceptique, ultra-nationaliste, est d’une extraordinaire vigueur, qu’elle est même provocatrice et à la limite de la maladresse par sa brutalité. Il faut répéter qu’en plus de cela, ou bien est-ce ceci expliquant cela, elle est essentiellement, indirectement ou pas, allemande beaucoup plus qu’européenne. D’une certaine façon, l’offensive est beaucoup plus brutale, du point de vue de la communication et dans la chronologie, que contre le gouvernement Tsipras, il y a un an, en Grèce. Il y a là une marque, non pas de force mais de faiblesse, de la part de la direction allemande, parce que cette brutalité est inutile et contre-productive en soi. Il faut donc chercher une explication complémentaire que la seule sottise aveugle, la seule lourdeur disons, que l’on trouve dans la crise migratoire qui a pris des proportions épiques avec l’affaire du “Jour de l’An à Cologne”, qui concerne d’ailleurs beaucoup plus que Cologne, et même plus que l’Allemagne seule. Mais il n’y a que l’Allemagne, c’est-à-dire essentiellement Merkel, avec ses prétentions hégémoniques en Europe par les seules voies dont dispose cette énorme puissance de faux-semblant qu’est ce pays, qui sont celle de l’oppression économique et de l’agression de communication, il n’y a que l’Allemagne qui se trouve dans une position excessivement délicate à cause de cette crise des migrants.

L’Allemagne est d’autant plus dans cette position délicate qu’on observe que les suites de Cologne alimentent de plus en plus la narrative d’une organisation concerté, type-Daesh, pour expliquer les diverses violences et troubles collectifs sur la voie publique qui ont eu lieu. C’est donner à cette affaire une coloration extrêmement polémique, où Merkel peut se trouver accusée d’avoir, par démagogie et tendance sociétale si en vogue aujourd’hui (en plus d’éventuelles faveurs du patronat allemand), favorisé l’installation massive dans son pays d’un dispositif de déstabilisation de l’organisation terroriste, propre à produire tous les arguments qu’on veut pour mettre le gouvernement allemand dans une position très périlleuse. Par exemple, le site Bruxelles-2, pourtant d’excellente réputation européenne, écrit hier 10 janvier, sous le titre « Cologne. Un simple dérapage ou une nouvelle méthode d’intimidation ? » : « Les évènements survenus à la gare principale (HauptBahnhof) de Cologne dans la soirée du Nouvel an interpellent. S’agit-il juste d’un dérapage collectif de quelques individus, un peu éméchés, ou excités. Ou de quelque chose d’un peu plus organisée, orchestrée, par des mouvements qui ont intérêt à la déstabilisation ? Certains indices incitent à pencher en ce sens ou du moins à se méfier de toute leçon trop rapidement tirée et de s’interroger… » (Etc.)

C’est dans ce contexte qu’on ne peut faire autrement que lier les évènements autour de Cologne et l’offensive contre la Pologne, avec Shulz comme porte-flingue. Ainsi l’attaque provocatrice de Schulz d’hier, en même temps que les démarches européennes sous pressions allemandes venues depuis le 1er janvier, ont-elles une autre dimension et une autre signification que tout ce qui s’est passé contre la Pologne avant la fin de l’année. On remarque que le contenu de l’attaque du Schulz a changé, entre le 15 décembre et le 10 janvier, en passant des critiques théoriques à une dénonciation opérationnelle bien plus polémique, place la Pologne sur la trajectoire d’être très vite accusée de complicité, sinon de vassalité vis-à-vis de la Russie poutinienne, – ce qui est un comble et un paradoxe à bien des égards, notamment si l’on songe à l’antirussisme exacerbé du PiS des jumeaux, ou du jumeau restant Kaczynski.

Cela peut conduire à des extrêmes tout à fait instructifs : l’Allemagne en arriverait-elle, dans sa marche échevelée à une hégémonie qui produit en même temps une faiblesse et une vulnérabilité considérables, à placer la Pologne devant des choix extraordinaires : ou bien se soumettre complètement au diktat allemand à peine européanisé ou bien faire effectuer à sa politique un tournant à 180° en se tournant vers la Russie qu’elle fait pourtant profession de détester et contre laquelle elle s’es battue avec fureur lors de la crise ukrainienne ?… Là-dessus, encore, que faire et que dire des relations de tous ces pays avec l’OTAN et les USA, alors que les USA tiennent absolument à garder leur mainmise sur la Pologne et alors qu’ils ont sans aucun doute de très forts moyens de pression sur l’Allemagne (la chancelière en saitquelque chose) ; et alors (suite), que la campagne électorale bat son plein USA, avec un favori qui se dit ami de Poutine et qui n’apprécie certainement pas la politique de “portes ouvertes” à l’immigration musulmane de Merkel ?


Sur fond de tension, un magazine polonais montre Angela Merkel et des dirigeants européens en nazi

Source : Russia Today France, le 12 janvier 2016.

Capture d'écran Twitter de la couverture du magazine polonais Wpost

Capture d’écran Twitter de la couverture du magazine polonais Wpost

Les relations entre Bruxelles et la Pologne se sont encore détériorées après qu’un magazine polonais ait publié en couverture un montage de cinq leaders politiques européens dont la chancelière Angela Merkel avec des uniformes nazis.

Le sous-titre est également explicite : «Ces gens veulent à nouveau contrôler la Pologne». L’image retouchée sur la couverture de l’hebdomadaire populaire Wprost montre la chancelière allemande, le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le président du parlement européen, Martin Schulz, le commissaire de l’UE Günther Oettinger et l’ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt. Ils sont en train de regarder une carte, faisant écho à une photo de guerre d’Adolf Hitler et ses généraux.

Une image «outrageuse»

Le député européen Guy Verhofstadt qui est à la tête du groupe libéral Alde au parlement de l’UE a réagit estimant cette image «outrageuse», ajoutant que l’UE était une «communauté de valeurs» et que c’était «le devoir de tout le monde, commissaires, chanceliers ou non, d’élever la voix quand un gouvernement compromet ces principes et attaques les institutions démocratiques».

Martin Schulz a très vivement critiqué le parti conservateur polonais au pouvoir, le Parti catholique droit et justice (PIS) après que le contrôle du gouvernement ait considérablement renforcé son contrôle sur la Cour constitutionnelle, la fonction publique et la radio et la télévision publique polonais. Le commissaire européen au Numérique, l’Allemand Günther Oettinger, avait également menacé Varsovie d’enclencher une procédure inédite pour violation des valeurs fondamentales de l’UE.

Source: http://www.les-crises.fr/la-doctrine-schulz-regime-change-a-varsovie/


Matteo Renzi : le temps est venu de tourner la page à Bruxelles…

Monday 18 January 2016 at 00:30

Source : Boursorama, 16-01-2016

Le Premier ministre italien Matteo Renzi le 13 janvier 2016 à Rome ( AFP/Archives / ANDREAS SOLARO )

Le torchon brûle entre le chef du gouvernement italien Matteo Renzi et la Commission européenne autour de la flexibilité budgétaire et de la crise migratoire, sur fond de différends plus profond entre Rome et Berlin.

L’escarmouche, qui a eu lieu vendredi avec le président de la Commission Jean-Claude Juncker, a été sans précédent: “L’Italie mérite le respect” et “ne se laisse pas intimider”, a grondé le président du Conseil Matteo Renzi. Sur la chaîne Canale 5, M. Renzi, très remonté, a assuré que la flexibilité budgétaire qu’il juge nécessaire pour stimuler la croissance dans l’UE avait été acceptée “après que l’Italie l’a réclamée de manière très très insistante”.

“La flexibilité, c’est moi qui l’ai introduite, pas lui. J’ai beaucoup de respect pour le président du Conseil, mais il a tort d’offenser la Commission européenne”, avait lancé auparavant le président luxembourgeois de la Commission.

Demandant à Bruxelles mais aussi à Berlin, première puissance économique en Europe, une politique communautaire qui “pense plus à l’emploi et moins à l’austérité et aux règles de fer du budget”, M. Renzi entend se poser en représentant d’un Etat fort, troisième puissance de la zone euro, et non plus de celui d’un maillon faible de l’Europe des 28.

“J’ai l’honneur de diriger un grand pays qui donne beaucoup d’argent à Bruxelles (…) Si quelqu’un regrette l’époque où l’on pouvait dicter depuis Bruxelles sa ligne (de conduite) à Rome, télécommander Rome, ce temps n’est plus. Le temps où l’Italie devait faire ses devoirs à la maison est fini, nous avons accompli nos réformes et nous demandons à tous le respect. Le temps où l’Italie allait à Bruxelles le chapeau à la main n’a plus cours”, a ajouté M. Renzi.

–Sensation d’un axe Bruxelles-Berlin –

Selon les éditoriaux de la presse italienne, le mécontentement de M. Renzi s’explique par le sentiment d’une alliance entre Bruxelles et Berlin et s’adresse aussi et surtout à la chancelière Angela Merkel.

D’après le quotidien Il Messaggero, M. Renzi aurait déclaré à ses conseillers: “le temps est venu de tourner la page à Bruxelles. Nous sommes fatigués que ce soit toujours les mêmes qui y commandent, autrement dit Berlin“.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker le 15 janvier 2016 à Bruxelles ( AFP / EMMANUEL DUNAND )

Dans la loi de stabilité pour 2016, sous le chapitre “flexibilité”, l’Italie a obtenu l’équivalent de 0,4% du Produit intérieur brut (PIL) en contrepartie de ses réformes structurelles. Elle s’est vu aussi promettre 0,2% supplémentaires pour les “circonstances exceptionnelles” (l’urgence migratoire notamment). Mais la Commission temporise et a renvoyé sa décision en avril.

M. Renzi réagit à d’autres critiques qui se sont accumulées ces derniers mois: celles de la Commission –et de Berlin– sur la faillite des services d’immigration italiens à prendre efficacement les empreintes digitales des immigrés à leur débarquement en Italie, ce qui permet à beaucoup d’entre eux de partir vers l’Europe du Nord.

De même, le blocage par la chancelière allemande d’un projet de garantie européenne des dépôts en cas de faillite bancaire, avait fait sortir de ses gonds M. Renzi lors d’un sommet européen en décembre: “Faire croire que l’Allemagne est le donneur de sang de l’Europe, vu de l’extérieur, ce n’est pas la réalité”, avait-il lancé.

L’Italie freine du coup sur l’octroi de trois milliards d’euros d’aide européenne à la Turquie, demandée par Berlin, pour aider Ankara à accueillir sur son sol les migrants syriens qui, sinon, risquent de rejoindre l’Allemagne. Pour Rome, des sommes devraient d’abord être trouvées dans les budgets communautaires, avant de mettre à nouveau à contribution les Etats membres.

D’autres différents plombent les relations avec Berlin et Bruxelles, comme les mécanismes qui permettent d’assainir les créances des banques ou le projet Nord Stream 2 de gazoduc entre la Russie et l’Allemagne, critiqué par M. Renzi.

Dans un langage plus diplomatique que M. Renzi, le ministre de l’Economie, Pier Carlo Padoan, a expliqué vendredi que le gouvernement italien n’avait “aucunement l’intention d’offenser quiconque, et surtout pas la Commission”. Mais, a-t-il ajouté, “nous avons des droits équivalents aux autres pays et nous entendons être écoutés”.

Source : Boursorama, 16-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/matteo-renzi-le-temps-est-venu-de-tourner-la-page-a-bruxelles/


[Vidéo] Les quatre cavaliers (avec Noam Chomsky, Joseph Stiglitz, John Perkins, etc.)

Sunday 17 January 2016 at 04:44

Source : Le Partage, 14-01-2016

Les quatre cavaliers (« Four Horsemen ») est un film indépendant de 2012 réalisé par Ross Ashcroft, qui dévoile les rouages du système économique dominant actuellement la planète. La croissance infinie et la recherche du profit ont poussé l’humanité au bord du précipice. Et les quatre cavaliers d’aujourd’hui sont la violence, la dette, l’inégalité et enfin la pauvreté. Si leurs galops infernaux ne sont pas arrêtés, ils risquent de compromettre la pérennité des futures générations.

L’économie mondiale va mal. La crise se transformant rapidement en catastrophe, de plus en plus de gens se mettent en quête de conseils avisés sur la manière de restructurer l’économie occidentale. Ces trois dernières années, 23 intellectuels – certains d’entre eux très controversés aux yeux de l’intelligentsia politico-médiatique – ont accepté de briser le silence et d’expliquer comment le monde fonctionne vraiment. Les quatre cavaliers ne tombent ni dans la critique des mondes financier et politique ni dans la théorie du complot : le film analyse simplement le système économique dans lequel nous avons choisi de vivre et avance des propositions de changement.

Intervenants : Noam Chomsky, Herman Daly, Joseph Stiglitz, Max Keiser, John Perkins, Ha-Joon Chang, Gillian Tett, Michael Hudson, Richard Wilkinson, Lawrence Wilkerson, Satish Kumar, Simon Johnson, Camila Batmanghelidjh, Phillip Blond, George Nilson, Dominic Frisby.

Source : Le Partage, 14-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/video-les-quatre-cavaliers-avec-noam-chomsky-joseph-stiglitz-john-perkins-etc/


Le capitalisme ou le culte du sacrifice humain, par Chris Hedges

Sunday 17 January 2016 at 02:59

Source : Le Partage, Chris Hedges, 18-12-2015

Article original publié en anglais sur le site de truthdig.com, le 13 décembre 2015. Christopher Lynn Hedges (né le 18 septembre 1956 à Saint-Johnsbury, au Vermont) est un journaliste et auteur américain. Récipiendaire d’un prix Pulitzer, Chris Hedges fut correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans. Reconnu pour ses articles d’analyse sociale et politique de la situation américaine, ses écrits paraissent maintenant dans la presse indépendante, dont Harper’s, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Il est éditorialiste du lundi pour le site Truthdig.com.


Plongée dans l’enfer chimique de Manchester, au Texas

HOUSTON — Bryan Parras se tenait dans l’ombre projetée par les projecteurs entourant les cylindres blancs massifs des réservoirs de la raffinerie Valero. Comme nombre de Mexaméricains pauvres ayant grandi dans cette partie de Houston, il se débat avec l’asthme, les maux de gorge et de tête, l’urticaire, les saignements de nez et tout un tas d’autres maladies et symptômes. L’air était chargé de souffre et de benzène. Il y avait sur nos langues ce goût léger et âcre d’une substance métallique. La raffinerie tentaculaire émettait un bourdonnement électrique strident. Les rugissements périodiques des torchères, les flammes rouges des émissions de gaz rejetés, s’élevaient dans les ténèbres stygiennes. La raffinerie semblait être un être vivant, quelque divinité antédiluvienne géante et malfaisante.

Parras et ceux qui vivent près de chez lui font partie des centaines de millions d’humains sacrifiés sur l’autel des exigences du capitalisme industriel. Ils sont, depuis la naissance, condamnés à subir la pauvreté, la maladie, la contamination toxique, et souvent, la mort prématurée. Ils sont obligés de s’agenouiller, tels des captifs enchaînés, pour être tués sur l’autel du capitalisme et au nom du progrès. Ils sont en première ligne. Nous suivrons. Lors des derniers stades du capitalisme mondialisé, nous serons tous détruits dans une orgie d’extermination de masse pour assouvir l’avidité des entreprises.

Brian Parras

 

Les idoles revêtent plusieurs formes, du Moloch des Cananéens de l’Antiquité jusqu’aux visions sanglantes et utopiques du fascisme et du communisme. La primauté du profit et de la gloire de l’empire US — ce que le théoricien politique Sheldon Wolin appelait « le totalitarisme inversé » — en est la dernière variante. Les exigences des idoles, de l’Antiquité aux Temps modernes, sont les mêmes : des sacrifices humains. Et notre culte du sacrifice humain, bien que technologiquement avancé, est aussi primitif et sanguinaire que les tueries perpétrées au sommet du grand temple aztèque de Tenochtitlán. Ce n’est qu’après avoir brisé nos idoles et nous être libérés de leur emprise, que nous pourrons parler d’espoir. Il eût été bien plus bénéfique pour les milliers d’activistes qui se sont rendus à Paris pour le sommet climatique, de se rendre au lieu de ça dans une zone de sacrifice comme celle du quartier de Parras, et, par vagues de 50 ou de 100, jour après jour, de bloquer les voies ferrées et les routes de services, afin de mettre hors service les raffineries, avant de se faire embarquer. C’est la seule forme de mobilisation massive qui ait la moindre chance de succès.

 

Parras — qui organise des manifestations et la résistance dans la communauté, à travers les Texas Environmental Justice Advocacy Services (Services de plaidoyer pour la justice environnementale du Texas, TEJAS), un groupe local qu’il a cofondé avec son père, Juan — se trouvait à Hartman Park. Il montra du doigt la batterie des réservoirs de stockage et d’autres équipements concentrés autour des raffineries de Valero, Lyondell Basell et Texas Petrochemicals. Le quartier, appelé Manchester, est cerné par l’usine chimique Rhodia, par un chantier pour les trains qui transportent le pétrole des sables bitumineux, du gaz, du charbon et autres produits chimiques toxiques, par une usine Goodyear de caoutchouc synthétique, une usine d’engrais, une usine de mélasse; des stations d’épuration et des cuves de poulets liquéfiés. On y trouve nombre de sites  Superfund [loi obligeant les entreprises pollueuses à décontaminer leurs sites, NdE] Ce quartier est l’un des plus pollués des USA. Une poussière ocre recouvre tout. Les entreprises, explique Parras, ne sont pas obligées de fournir la liste des produits chimiques toxiques qu’elles entreposent et utilisent pour raffiner ou traiter leurs produits. Les gens qui vivent dans cette zone industrielle désolée, qui rêvent de la fuir mais restent piégés en raison de leur pauvreté, ou du fait que personne ne souhaite acheter leur maison, savent qu’ils sont empoisonnés, mais ne savent pas exactement ce qui les empoisonne. Et, explique-t-il, « c’est ce qui est vraiment effrayant ».

 

Les opérations chimiques « tuent des gens, bien que personne ne veuille admettre que cela se produit », dit-il. « Et ce sont principalement des Mexaméricains » qui sont tués.

« Des alarmes sonnent dans la raffinerie », explique-t-il, « mais nous, dans la communauté, ne savons pas ce que cela signifie. Nous vivons dans une anxiété constante. On voit arriver des flics ou des voitures de pompiers arriver. Les camions à 18 roues tombent dans le fossé parce que les rues sont trop étroites. Les gens meurent prématurément, souvent de cancer. Il y a des écoles ici. Les enfants sont souvent malades. Les niveaux d’énergie sont amoindris. J’étais toujours fatigué quand j’étais petit. Il y a aussi beaucoup d’hyperactivité. Les enfants ne parviennent pas à se concentrer. Les produits chimiques ajoutent aux problèmes liés à l’obésité, particulièrement le problème du diesel. Les fruits et les légumes que nous faisons pousser dans nos jardins sont noirs. Les produits chimiques peuvent entrainer des maladies cardiaques et des leucémies lymphoïdes. Mais l’impact des produits chimiques n’est pas seulement biologique ou physique. Il est aussi psychologique. Vous vous sentez diminués, surtout quand vous voyez les autres communautés ».

« Nous sommes près d’un port », continua-t-il. « Il y a des hommes embarqués sur les bateaux pour de longues périodes. Beaucoup de trafic sexuel. Beaucoup de drogues. Il y a plus de bars dans ces rues que de magasins. Si vous ne parvenez pas à vous échapper, au mieux, vous finissez par bosser pour l’industrie des services pour un bas salaire, ou dans la prostitution ».

« Nous avons une usine de broyage de métaux », expliqua-t-il, en montrant la sombre brume nocturne.« Il y a une pénurie mondiale de métaux. Ils broient des voitures, des bus, et des appareils en copeaux métalliques. Il y a eu des explosions. Ils ne drainent pas toujours les liquides des véhicules. Il y a des combustibles. Il y a eu des feux. Il y a des particules rejetées dans l’air. Le bruit du broyage est permanent, 24h sur 24 et 7 jour sur 7 ».

Nous avons marché le long d’une rue étroite en pente, passant devant des rangées de petites maisons style « ranch » construites par de pauvres immigrés mexicains dans les années 1930. Manchester est l’un des quartiers les plus déprimés de Houston. Le gémissement aigu et le rythme d’une ballade tejanaprovenaient des fenêtres ouvertes d’une baraque. Parras me raconta, alors que nous marchions le long de la rue non-éclairée, comment lui et d’autres jeunes activistes organisaient des manifestations et prenaient en photo des infractions au règlement sur les émissions, et comment la sécurité privée de Valero harcelait ceux qui s’engageaient dans de telles activités dans les rues autour de la raffinerie.

« Nous sommes suivis, photographiés et nos plaques d’immatriculations sont relevées », explique-t-il.« Nous ne savons pas toujours qui [nous observe]. Ils conduisent des voitures noires aux vitres teintées. Il y a une menace de sécurité [vis-à-vis des équipements pétrochimiques]. Il est facile de monter dans ces trains, ou de rentrer dans l’usine Valero. Mais ce que nous faisons, c’est documenter leur négligence. Nous nous préoccupons des gens qui vivent ici, et des employés. Pensent-ils vraiment que nous allons fermer ces usines? Houston s’est construite sur le pétrole et le gaz. En plus de cela nous avons ce racisme et ce colonialisme endémique à l’encontre des Mexicains et des Indiens, de tous les basanés. C’est ici que la Destinée Manifeste* a commencé ».

Nous avons rejoint d’autres jeunes activistes, dont Yudith Nieto, qui a été élevée à Manchester par ses grands-parents. A 26 ans, elle souffre d’un éventail de problèmes de santé, dont l’asthme, une thyroïde endommagée et des douleurs de dos chroniques, qu’elle pense liés au stress et à la contamination par les métaux lourds. « Je ne peux pas me payer de toxicologue pour savoir si ma douleur est liée à l’environnement auquel je suis exposée », explique-t-elle. Nieto, Parras, et d’autres activistes du TEJAS, ainsi que d’autres activistes à travers tout le pays, ont organisé une série de manifestations contre le projet de pipeline Keystone-XL, désormais abandonné, qui aurait transporté du pétrole des sables bitumineux du Canada jusqu’aux raffineries de Houston et des environs.

Yudith Nieto

« Les gens ont peur de s’impliquer », explique Nieto. « Ils sont pauvres et souvent sans papiers. Ou ont fait des allers-retours dans le système carcéral. Les patrouilles frontalières mènent des raids. Nous essayons d’éduquer les gens. Nous avons mené un projet d’analyse de l’air cet été et en automne, en prélevant des particules de matière. Nous allons aux réunions du conseil municipal. Mais notre député au Congrès, Gene Green [le mal-nommé, NdE], est pro-industrie. Il est venu lors d’une audition de sécurité chimique, et a dit qu’il était là pour représenter l’industrie ».

Nieto a également exprimé sa frustration vis-à-vis des secteurs riches et majoritairement blancs de Houston, en expliquant qu’ils ne s’étaient pas joints à la défense de son quartier, les traitant, elle et d’autres activistes mexaméricains, comme des éléments isolés.

Les militants m’ont emmené dans l’un des bars miteux près du port. On pouvait lire sur le panneau devant l’entrée : « Cobesatos », de l’argot pour buckets ou bière, et on y voyait la publicité d’un « Show de Bikini ». Quatre femmes en surpoids dansaient ou buvaient au bar avec des prolos blancs ou mexaméricains. Les bars, qui profitent des femmes démunies et des hommes esseulés qui travaillent dans les industries pétrochimiques et sur les navires pétroliers, sont les seuls signes d’activité humaine à cette heure tardive de la soirée.

« Ceux qui travaillent dans ces industries ne sont pas de Houston », explique Yvette Arellano, également de TEJAS. « Ils vivent dans des motels bon marché, à un rythme de ’20 jours de boulot, 20 jours de repos’. J’ai l’impression de ne jamais rencontrer d’autres Houstoniens. Ils viennent du Colorado, du Dakota ou de Louisiane. Nous n’avons pas de camps pour les hommes. Nous avons des motels. Ce sont surtout des travailleurs intérimaires. Ils ne sont pas à plein temps. Cela pose des problèmes de sécurité. Aucun d’eux ne veut se plaindre de problèmes de sécurité, quand ils savent qu’ils pourraient perdre leur boulot s’ils se plaignaient. Et donc personne ne dit rien ».

Les 21 sommets internationaux sur le climat qui se sont tenus durant les dernières décennies n’ontabouti à rien, si ce n’est à une rhétorique vide, des fausses promesses et toujours plus d’émissions de carbone. Celui de Paris n’a pas été différent. Nous devons nous opposer physiquement à l’extraction, au transport et au raffinage des combustibles fossiles, ou faire face à l’extinction. Ceux qui vénèrent les idoles du profit utiliseront tous les outils à leur disposition, y compris la violence, pour nous écraser. C’est une guerre qui oppose les forces du vivant aux puissances de mort. C’est une guerre qui exige que nous entravions, par tous les moyens, les profits industriels justifiant le gaïacide. C’est une guerre que nous ne devons pas perdre.

NdE
*La Manifest Destiny (« destinée manifeste ») : idéologie selon laquelle la « nation américaine » avait pour mission divine de répandre la démocratie et la civilisation vers l’Ouest. Elle était défendue par les républicains-démocrates (ancêtres du Parti démocrate d’aujourd’hui) dans les années 1840, plus particulièrement par les « faucons » sous la présidence de James Polk. 

Chris Hedges


Traduction: Nicolas Casaux Édition & Révision: Chris Hedges

Source : Le Partage, Chris Hedges, 18-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/le-capitalisme-ou-le-culte-du-sacrifice-humain-par-chris-hedges/


Les risques de l’après-Poutine, par Gilbert Doctorow

Sunday 17 January 2016 at 00:55

Source Consortiumnews.com, 17 décembre 2015

En exclusivité : les néoconservateurs sont obsédés par le « changement de régime » ultime — à savoir déstabiliser la Russie et se débarrasser de Poutine — mais ils ignorent la probabilité que le successeur de Poutine puisse être un dirigeant nationaliste bien plus radical. Une perspective examinée par Gilbert Doctorow.

Par Gilbert Doctorow

Comme aux heures soviétiques, les chauffeurs de taxi russes figurent toujours au nombre des interlocuteurs les mieux informés et friands des tenants et des aboutissants de la politique souvent opaque du pays — ceux que nous avions coutume d’appeler  « kremlinologistes »  et qui déchiffraient les ascensions et les chutes selon qui se tenait près de qui lors des manifestations publiques.

La « kremlinologie » se porte bien,  témoins les chauffeurs de taxi qui cette semaine spéculaient sur le retrait imminent du gouverneur Georgi Poltavchenko, vu qu’il n’est apparu nulle part lors des grands spectacles du quatrième Forum culturel international, un événement majeur dans la vieille capitale impériale, envahie en cette occasion par les grands pontes moscovites qu’on pouvait voir partout.

Le  président russe Vladimir Poutine.

Mais le sujet essentiel pour l’Occident est est de savoir qui fait la queue derrière Poutine pour l’accession au pouvoir, si celui-ci devait quitter ses fonctions pour une raison ou une autre. Cela fait maintenant des années que les jusqu’au-boutistes américains et en particulier les néoconservateurs désirent ardemment un « changement de régime » à Moscou, avec l’espoir qu’une figure malléable, comme le défunt président Boris Eltsine, soit remise au sommet de l’État.

Toutefois, comme me le disent de nombreux chauffeurs de taxi bien renseignés, l’homme situé juste derrière le président russe s’appelle Sergueï Ivanov et sa façon de traiter avec l’Occident  ferait passer Poutine pour un agneau. Et si ce n’est pas Ivanov, le suivant en lice est vraisemblablement Dmitri Rogozine, un autre fervent patriote et favori du Kremlin.

Malgré les déclarations des dissidents russes Mikhaïl Khodorkovski et Masha Gessen aux lecteurs du New York Times, un « changement de régime » à Moscou n’aboutirait probablement pas à une seconde ère Eltsine. Les souvenirs de l’humiliation des années 90, après la chute de l’Union soviétique, sont encore trop présents, rappelant comment des « experts » de la finance envoyés par l’Occident avaient prescrit un « traitement de choc » capitaliste pour le système russe — ce qui amena une chute brutale du niveau de vie et une augmentation alarmante du taux de mortalité.

Ce qui est clair, c’est qu’on ne trouve aucun des chouchous « libéraux » de l’Occident dans la poupée russe du pouvoir. Un message que feraient bien d’intégrer les initiés du Capitole. Non que l’on puisse remarquer le moindre signe substantiel de désapprobation publique envers Poutine.

Dans les rues de Saint-Pétersbourg, le battage autour du Forum culturel fut juste une toile de fond pour la visite de Poutine qui n’était pas venu ici depuis des mois, m’a-t-on dit. En ville, on ne parlait que de son apparition prévue aux cérémonies d’ouverture du Forum.

Les médias russes ont fait la promotion de l’événement auprès du public national comme étant le « Davos de la culture » une référence au fameux colloque d’affaires international de Davos, en Suisse. On comptait sur 9000 visiteurs pour assister aux concerts, spectacles de danse et autres débats conduits par des commissaires d’exposition, des cinéastes et nombre de célèbres spécialistes des arts.

Les espaces culturels étaient concentrés à l’intérieur du musée de l’Ermitage, l’ancien bâtiment de l’état-major général situé sur la place du Palais, mais se déployaient aussi dans le centre historique de la ville. Des diplomates et des représentants gouvernementaux de plus de 40 pays lui conféreraient sa dimension internationale. Si l’Europe fut lamentablement sous-représentée (seul le Luxembourg figurait sur la liste des participants), le vide fut comblé par les nombreux notables venus d’Extrême-Orient.

Qui plus est, la plus importante présence étrangère était liée à l’UNESCO, institution qui fêtait ses 70 ans d’existence et qui était incidemment présidée par Irina Bokova, une russophone originaire de Bulgarie, diplômée en affaires internationales de l’Université de Moscou.

Un nombre considérable de petites célébrités se disputaient pour une invitation aux événements privés tandis que différents « organes de sécurité » au niveau local et fédéral essayaient de se surpasser afin d’assurer qu’aucun incident ne survienne. De petits malins dans ces services spéciaux érigèrent tellement d’obstacles à l’obtention des insignes, avec ou sans accès à certains événements (notamment ceux avec Poutine), avec ou sans hologrammes, que leur système informatique est tombé en panne, causant un chaos total dans le traitement des entrées du grand public, des journalistes et des participants au Forum.

La folie a continué à l’entrée du théâtre Mariinsky 2 où la principale cérémonie d’ouverture avait lieu le lundi soir. Nos invitations imprimées se sont avérées inutilisables. L’issue finale fut une violation improvisée du système par le personnel qui était complètement submergé et collait les indispensables hologrammes pour faire avancer les gens.

Une fois passées les lignes de ré-accréditation, puis la machine de vérification d’accès et enfin le détecteur de métaux, un calme surréaliste, mêlé d’une note d’élégante hospitalité au niveau présidentiel, s’imposa. Des flûtes de champagne étaient offertes par de jeunes préposés à l’air radieux.

Poutine ne nous fit pas attendre. Il fut le premier intervenant sur la scène, adressant une brève apostrophe au public suivie d’une sortie rapide. À la cérémonie, d’une durée de deux heures, succéda un traditionnel « dîner déambulatoire » au cours duquel les nuées d’invités dévalisèrent les plateaux de sandwiches au caviar et au crabe qu’on leur passait.

Pour ceux qui voient dans mon compte rendu une quelconque suggestion qu’il existe des failles dans la sécurité présidentielle, le meilleur conseil que je puisse leur donner est d’envoyer des courriels au Kremlin exhortant Poutine à renvoyer ses agents de sécurité et à engager des gens plus intelligents. Un « changement de régime » en Russie est bien la dernière chose dont nous ayons besoin.

Gilbert Doctorow est le coordinateur européen du Comité américain pour une entente Est-Ouest. Son livre le plus récent Does Russia Have a Future ? a été publié en août 2015.

Source Consortiumnews.com, 17 décembre 2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/les-risques-de-lapres-poutine-par-gilbert-doctorow/


Revue de presse internationale du 17/01/2016

Sunday 17 January 2016 at 00:01

La revue internationale, pour laquelle nous accueillerions aussi volontiers de nouveaux contributeurs, entre billets de réflexion de fond et articles en VF.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-17012016/


Frapper l’Arabie-Saoudite là où ça fait mal, par Robert Parry

Saturday 16 January 2016 at 03:36

Source : Consortiumnews.com, 23 novembre 2015

Exclusif : Bien que face à une crise terroriste mondiale, le gouvernement de Washington ne peut dépasser sa rhétorique néoconservatrice de « gros bras. » Mais une autre option — celle de sanctions financières contre l’Arabie saoudite — pourrait contribuer à tarir finalement la fourniture clandestine d’argent et d’armes à Al-Qaïda et à l’État islamique, écrit Robert Parry.

Par Robert Parry

Alors que l’État islamique et Al-Qaïda entrent dans une macabre compétition à qui pourra tuer le plus de civils de par le monde, le destin de la civilisation occidentale telle que nous l’avons connue est sans doute en péril. Il ne faudra guère plus d’actions terroristes pour que l’Union européenne commence à céder et que les États-Unis se transforment en un régime de surveillance à grande échelle.

Malgré tout, face à la crise, la plupart des mêmes personnes qui nous ont entraînés sur la route de la destruction continuent à dominer et même encadrer le débat public. Par exemple, les néoconservateurs de Washington continuent d’insister dans leur préconisation d’un « changement de régime » dans les pays qu’ils ont ciblés il y a 20 ans. Ils exigent aussi une nouvelle guerre froide avec la Russie en défendant un régime de droite corrompu en Ukraine, déstabilisant l’Europe et désorganisant la coopération américano-russe en Syrie.

Le roi Salmane d’Arabie saoudite et sa suite arrivent pour recevoir le président Barack Obama et la première dame Michelle Obama à l’aéroport international du Roi Khalid à Riyad, Arabie saoudite, 27 janvier 2015. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)

Étant donné les enjeux, vous pourriez penser que quelqu’un en position de pouvoir – ou l’un des nombreux candidats à à la présidence des États-Unis – offrirait des solutions pragmatistes et réalistes pour s’occuper de cette menace extraordinaire. Mais la plupart des Républicains – de Marco Rubio à Carly Fiorina en passant par Ted Cruz – offrent seulement plus « d’encore plus la même chose » c’est-à-dire une belligérance néo-conservatrice sous stéroïdes. Donald Trump et Rand Paul échappent sans doute à cette hystérie particulière, mais aucun n’a proposé de contre-analyse cohérente et complète.

Du côté démocrate, la favorite Hillary Clinton gagne les éloges des éditeurs néo-conservateurs du Washington Post pour s’être démarquée de l’hésitation de Barack Obama à envahir complètement la Syrie. L’ancienne secrétaire d’état Clinton veut une invasion pour occuper des parties de la Syrie en tant que « zones de sécurité » et détruire les avions syriens (et probablement russes) qui violeraient ses zones d’exclusion aérienne.

De façon semblable aux invasions désastreuses de l’Irak et de la Libye, Clinton et ses alliés néo-conservateurs ont promu l’invasion de la Syrie comme une aventure humanitaire pour éliminer un « dictateur cruel » – en l’occurrence le président Bachar el-Assad – ainsi que pour « détruire » l’État islamique, que l’armée d’Assad et ses alliés iraniens et russes sont aussi en train de combattre. Les militaires d’Assad, les troupes iraniennes et les avions russes ont aussi frappé d’autres groupes djihadistes tels que le Front Al-Nosra d’Al-Qaïda et Ahrar Al-Sham, qui reçoit des armes des États-Unis tandis qu’il combat côte-à-côte avec Al-Nosra dans l’Armée de la Conquête.

La stratégie de Clinton protégerait probablement les djihadistes exception faite de l’État islamique — gardant ainsi vivant l’espoir d’un « changement de régime » — ce qui explique pourquoi les éditorialistes néoconservateurs, qui étaient d’ardents défenseurs de la guerre d’Irak en 2003, acclamèrent son approche va-t-en-guerre envers la Syrie comme louable.

A la gauche de Clinton, le sénateur Bernie Sanders a botté en touche sur le problème de ce qu’il fallait faire en Syrie ou au Moyen-Orient, échouant à offrir une idée réfléchie à propos de ce qui peut être fait pour stabiliser la région. Il choisit à la place un sujet de discussion astucieux mais vide, arguant que les Saoudiens et d’autres riches cheikhs du golfe Persique devraient utiliser leurs ressources financières et militaires pour mettre de l’ordre dans la région, et « se salir les mains. »

Le problème est que les Saoudiens, les Qataris et les Koweïtiens — ainsi que les Turcs — sont une grande partie du problème. Ils ont utilisé leur considérable fortune pour financer Al-Qaïda et ses divers alliés et rejetons, incluant l’État islamique. Leurs mains sont déjà très sales.

Le « pouvoir de conviction » de l’Arabie saoudite

Ce que nous avons observé au Moyen-Orient depuis les années 80 est  l’Arabie saoudite et d’autres États sunnites créer un « pouvoir de conviction » pour servir leurs ambitions régionales en assemblant des forces paramilitaires prêtes et mêmes impatientes de s’en prendre à des ennemis, que ce soit contre des rivaux chiites ou contre des pouvoirs occidentaux.

Bien que les riches Saoudiens, Qataris et autres princes gâtés ne veuillent pas devenir des soldats eux-mêmes, ils sont plus que contents d’exploiter de jeunes Sunnites mécontents, de les changer en djihadistes et de les lâcher. Al-Qaïda (qui date du djihad anti-soviétique en Afghanistan dans les années 80) et l’État islamique (qui a émergé en résistance au régime chiite instauré en Irak après 2003) sont les fantassins de l’Arabie saoudite.

Ces faits sont semblables au soutien que l’administration Reagan avait fourni aux forces paramilitaires de droite en Amérique Centrale dans les années 80, incluant les « escadrons de la mort » au Salvador et au Guatemala ainsi que les « Contras » au Nicaragua, proches des cartels de la drogue. Ces extrémistes étaient prêts à faire le « sale boulot » que la CIA de Reagan considérait nécessaire pour inverser le flot des révolutions de gauche dans la région, mais de façon suffisamment indirecte pour que Washington ne puisse pas être directement tenue responsable des massacres.

Aussi durant les années 80, les jusqu’au-boutistes de l’administration Reagan, incluant le directeur de la CIA William J. Casey, virent l’intérêt d’utiliser l’extrémisme islamique pour saper l’Union soviétique et sa position officielle athéiste. La CIA et les Saoudiens travaillèrent main dans la main à la construction des moudjahidin afghans — un mouvement islamique fondamentaliste — pour renverser le gouvernement laïque soutenu par les soviets à Kaboul.

Le « succès » de cette stratégie fit aussi subir des dommages sévères à l’économie soviétique, déjà en difficulté et le renvoi ultérieur (puis meurtre) du président soutenu par Moscou, Najibullah. Mais la stratégie provoqua aussi la montée des Talibans, qui prirent le pouvoir et instaurèrent un régime médiéval, et d’Al-Qaïda, qui évolua à partir des combattants saoudiens et d’autres nations étrangères (incluant le saoudien Oussama ben Laden) qui affluèrent au djihad afghan.

Les retombées de l’expérience afghane créèrent le mouvement djihadiste moderne — et les Saoudiens, en particulier, comprirent la valeur de cette force paramilitaire pour punir les gouvernements et les groupes politiques que les Saoudiens et leurs riches amis pétroliers considéraient comme des menaces. Officiellement, l’Arabie saoudite, le Qatar et d’autres États-pétroliers sunnites pouvaient affirmer qu’ils n’étaient pas derrière les terroristes tout en laissant de l’argent et des armes s’acheminer jusqu’à eux.

Bien qu’Al-Qaïda et les autres djihadistes aient leurs propre agendas — et pouvaient intervenir de façon indépendante — les Saoudiens et les autres cheikhs pouvaient diriger ces forces paramilitaires contre le prétendu “croissant chiite”, de l’Iran à travers la Syrie jusqu’au Liban (et après l’invasion de l’Irak en 2003, contre le gouvernement irakien chiite aussi).

Parfois, les djihadistes se montraient utiles pour les États-Unis et Israël, frappant le Hezbollah au Liban, se battant contre le « changement de régime » en Syrie, collaborant en 2011 au renvoi (et meurtre) du Libyen Mouammar Kadhafi et allant même jusqu’à joindre leurs forces au gouvernement ukrainien, soutenu par les États-Unis, pour tuer des Ukrainiens d’ethnie russe dans l’est de l’Ukraine

Le rôle d’Israël

Puisque ces djihadistes sunnites étaient très doués pour tuer des chiites, ils se firent apprécier non seulement de leurs donateurs saoudiens, qataris et koweïtiens, mais aussi d’Israël, qui a identifié l’Iran, dirigé par des chiites, comme sa plus grande menace stratégique. De ce fait, les néoconservateurs américains, qui collaboraient étroitement avec le très droitier Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, avaient eux aussi une attitude mitigée envers les djihadistes sunnites.

Qui plus est le terrorisme, très médiatisé, comme les attaques du 11 septembre, permit au néoconservateurs aux discours fermes de consolider leur contrôle de la politique étrangère des États-Unis et de dévier la fureur américaine provoquée par les 3000 victimes d’Al-Qaïda à New York et Washington, pour appliquer les « changements de régime » de leur propre agenda néoconservateur, d’abord en Irak bien qu’il n’ait rien à voir avec le 11 septembre, puis avec des plans pour passer à la Syrie et à l’Iran.

Comme le complexe militaro-industriel s’en sort comme des bandits avec des milliards et des milliards jetés à la « guerre contre la terreur », les entrepreneurs militaires, reconnaissants, renvoyèrent une partie des profits aux principaux groupes de réflexion où les penseurs néo-conservateurs étaient employés à développer plus de plans militaristes. [Voir Consortiumnews.com : « Un business familial de guerre perpétuelle »]

Mais l’inconvénient de cet arrangement avec les djihadistes sunnites a été qu’Al-Qaïda et son rejeton, l’État islamique, perçoivent l’Occident comme leur ennemi ultime, s’appuyant à la fois sur des injustices historiques et actuelles infligées au monde islamique par l’Europe et les États-Unis. Les leaders terroristes font référence à ces mauvais traitements pour recruter des jeunes des régions démunies du Moyen-Orient et des quartiers défavorisés des villes européennes – et les convaincre de mettre des ceintures d’explosifs.

De ce fait, Al-Qaïda et maintenant l’État islamique font non seulement avancer l’agenda néo-conservateur/israélien/saoudien en déclenchant des attaques terroristes en Syrie contre le gouvernement Assad et au Liban contre le Hezbollah, mais ils frappent de leur propre initiative des cibles européennes et américaines et ce même en Afrique où Al-Qaïda a revendiqué la semaine dernière l’assaut meurtrier sur l’hôtel haut de gamme Radisson Blu à Bamako au Mali.

Il apparaît aussi qu’Al-Qaïda et l’État islamique sont entrés en compétition sur celui qui peut organiser l’attaque la plus sanglante contre des Occidentaux de manière à renforcer le recrutement. Les attaques de Bamako étaient une tentative d”Al-Qaïda de voler la vedette à l’État islamique qui se vantait d’une violente suite d’attaques sur Paris, Beyrouth et un vol touristique russe dans le Sinaï.

Les conséquences des ces massacres ont été de menacer la cohésion financière et politique de l’Europe et d’augmenter la pression pour un état de surveillance renforcée aux États-Unis. Pour le dire d’une autre façon, les caractéristiques les plus précieuses de la civilisation occidentale –  la relative aisance et la liberté personnelle – sont menacées.

Pourtant, plutôt que d’expliquer les vraies raisons de cette crise – et quelles solutions pourraient être envisagées – personne dans les courants dominants du monde politique des États-Unis ou des principaux médias ne semble capable ou disposé à parler franchement au peuple américain de la façon dont nous en sommes arrivés là.

L’opportunité manquée de Sanders

Alors que l’on aurait pu s’attendre à cela de la part d’une grande majorité de républicains (qui se sont entourés de conseillers néoconservateurs) et de la part d’Hillary Clinton (qui a façonné ses propres liens avec les néoconservateurs ainsi qu’avec leurs acolytes libéraux et interventionnistes), on aurait pu s’attendre à ce que Sanders formule une critique pertinente envers le « cercle de pensée » officiel de Washington, dominé par les néoconservateurs.

Au lieu de cela, il préconise de manière simpliste et incompréhensible d’exiger plus des Saoudiens — alors que cela sèmerait davantage la mort et la destruction de la région et même au-delà. L’inverse aurait sans doute beaucoup plus de sens — imposer des sanctions économiques sévères à l’Arabie saoudite afin de la punir pour l’aide régulière qu’elle fournit à Al-Qaïda et à l’État islamique.

Geler ou confisquer des comptes bancaires saoudiens à l’échelle mondiale pourrait enfin faire comprendre aux princes gâtés des pays pétroliers du golfe Persique qu’il y a un réel prix à payer lorsque l’on fricote avec le terrorisme. Une telle action envers l’Arabie saoudite enverrait également le message aux États sunnites plus petits de la région qu’ils pourraient être les prochains sur la liste. D’autres pressions, comme la possible exclusion de l’OTAN, pourraient être brandies face à la Turquie.

Si l’Occident se décidait enfin à prendre les choses au sérieux en ce qui concerne l’arrêt de l’aide financière et militaire à Al-Qaïda, à l’État Islamique et à leurs alliés djihadistes en Syrie, la violence pourrait enfin diminuer. Et si les États-Unis et l’Europe mettaient la pression sur l’opposition syrienne « modérée » — peu importe ce qu’il en reste — pour qu’elle parvienne à un compromis, une solution politique pourrait être envisageable également.

À l’heure actuelle, le plus gros obstacle à un accord politique semble être les États-Unis et leur volonté insistante pour que le président Assad soit inéligible une fois que la Syrie sera stabilisée. Pourtant, si le président Obama est si certain que le peuple syrien déteste Assad, il paraît insensé de laisser la défaite présumée d’Assad dans les urnes empêcher un dénouement si crucial.

La seule explication à l’entêtement des USA est que les néoconservateurs ainsi que les faucons libéraux ont fait du « changement de régime » en Syrie une priorité si importante dans leur agenda qu’ils perdraient la face si le départ d’Assad n’était pas réclamé. Cependant, l’avenir de la civilisation occidentale étant dans la balance, un comportement aussi borné semble non seulement inefficace mais dangereux.

En comprenant comment ce désordre a été créé, quelques politiciens américains pourraient fabriquer un appel qui aurait un large soutien dans tout le spectre politique. Si Sanders prenait le flambeau d’un plan rationnel pour apporter une paix relative au Moyen-Orient, il pourrait aussi changer les dynamiques de la course démocratique.

Bien sûr, défier la pensée de groupe officielle de Washington est toujours dangereux. Si compromis et coopération remplaçaient le « changement de régime » comme but des États-Unis, les néoconservateurs et les faucons libéraux paniqueraient. Mais les enjeux sont très élevés pour l’avenir de la planète. Peut-être que sauver la civilisation occidentale vaut le risque de faire face à une crise de colère des néo-conservateurs et des faucons libéraux.

Source : Consortiumnews.com, 23 novembre 2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/frapper-larabie-saoudite-la-ou-ca-fait-mal-par-robert-parry/


Revue de presse du 16/01/2016

Saturday 16 January 2016 at 01:40

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Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-16012016/