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Etat d’urgence : des juges administratifs appellent à la prudence

Tuesday 12 January 2016 at 00:50

Saluons au passage le courage de ces juges…

Triste époque.

Source : Mediapart, le 29 décembre 2015.

Aux premières loges pour observer la manière dont l’état d’urgence est mis en oeuvre et contrôlé, un collectif d’une dizaine de juges administratifs s’émeut des atteintes que ces mesures portent aux libertés publiques et aux droits fondamentaux. Soumis au devoir de réserve, ils sont contraints de s’exprimer ici anonymement.

Nous, juges administratifs, tenus au devoir de réserve, ne prenons que très rarement la parole publiquement. Si nous franchissons ce pas, aujourd’hui et exceptionnellement, alors que le projet de loi de révision constitutionnelle visant à inscrire l’état d’urgence dans la Constitution vient d’être adopté en Conseil des ministres, c’est parce que nous avons pu mesurer les dangers pour les fondements même de notre Etat de droit de décisions prises dans l’émotion des attentats du 13 novembre.

La loi du 20 novembre 2015 prolongeant l’état d’urgence a considérablement élargi la portée des dispositions de la loi du 3 avril 1955. Cela a été abondamment souligné et commenté.

Au-delà des mesures exceptionnelles qu’il permet de prendre, une des conséquences de l’état d’urgence est le transfert de compétences de l’autorité judiciaire dans un cadre répressif vers l’administration à titre préventif. C’est la raison pour laquelle le juge administratif peut être saisi, a posteriori, par les personnes concernées.

Notre tâche devrait être alors de veiller à la proportionnalité de ces mesures, à l’équilibre entre ordre public et libertés publiques. Mais ce rôle ne doit pas faire naître de trop grandes attentes : le juge administratif n’est, avec le juge judiciaire, le garant de l’Etat de droit que pour autant que les lois l’y autorisent.

Lorsque la loi, comme c’est le cas de celle portant application de l’état d’urgence, instaure un état d’exception dont la nature est d’éclipser des pans entiers de l’ordre constitutionnel normal et permet de déroger à nos principaux engagements internationaux, en particulier la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le pouvoir du juge est limité : il doit seulement vérifier si les mesures exceptionnelles autorisées par l’état d’urgence pouvaient être prises à l’encontre des personnes concernées.

Ce pouvoir, les sept ordonnances rendues le 11 décembre 2015 par le Conseil d’État ne l’ont pas, à notre sens, suffisamment renforcé. En théorie, le Conseil d’Etat a reconnu au juge administratif, notamment dans le cadre des procédures d’urgence, le pouvoir de contrôler les décisions prises dans le cadre de l’état d’urgence ; il lui a aussi permis de prendre toute mesure utile pour assurer la sauvegarde de la liberté fondamentale à laquelle le ministre de l’intérieur ou le préfet auraient porté atteinte. Mais, en pratique, son contrôle est demeuré assez circonscrit.

Ces affaires sont connues. Des militants écologistes avaient été assignés à résidence car l’administration craignait qu’ils ne projettent des actions constitutives de troubles à l’ordre public durant la tenue de la COP 21. Le Conseil d’État, sans aller jusqu’à contrôler si l’administration ne prenait par là que des mesures nécessaires, adaptées et strictement proportionnées au but poursuivi, a estimé que de telles mesures pouvaient être prises à l’encontre de  personnes dont les actions hypothétiques étaient pourtant sans rapport avec les actes terroristes, dès lors qu’un lien, même indirect, pouvait être établi : la mobilisation des forces de l’ordre pour canaliser le militantisme écologique radical risquait de les détourner de la lutte contre le terrorisme.

Or dans la juridiction administrative, les positions du Conseil d’État « font jurisprudence ». Si, dans quelques affaires jugées ces derniers jours, on perçoit une volonté des juges administratifs « de base » des tribunaux administratifs de jouer pleinement leur rôle, rien n’indique, en l’absence d’infléchissement de la position du Conseil d’État, que ces ordonnances soient elles-mêmes destinées à « faire jurisprudence » à leur tour.

C’est ainsi qu’imperceptiblement, l’équilibre entre ordre public et libertés publiques se déplace. Et nous nous retrouvons, juges administratifs, dotés d’une responsabilité accrue sans avoir véritablement les moyens de l’assumer.

C’est pourquoi il nous paraît extrêmement dangereux de constitutionnaliser hâtivement l’état d’urgence, sans avoir préalablement tiré pleinement les leçons de cette première expérience, en termes de dangers pour les libertés comme d’efficacité pour la sécurité.

Notre Constitution ne fait pas qu’organiser les pouvoirs au sein de la République française. Elle définit également les limites de ces pouvoirs et protège les libertés fondamentales.

Les temps sont troublés et tout indique que les menaces à l’ordre public seront durables. Nous tous, juges et citoyens, avons une responsabilité collective entre deux choix : la tentation sécuritaire et l’état d’urgence permanent d’un côté, et un État de droit fort du respect des libertés fondamentales de l’autre. Le risque est réel que nous inscrivions de manière durable et difficilement réversible la réponse que nous aurons choisie sans en mesurer véritablement les conséquences.

Cela mérite en tous cas un débat large et organisé, avec le recul nécessaire, qui dépasse l’enceinte du seul Parlement et associe toutes les parties dont le rôle est de veiller à la protection des libertés publiques et des droits fondamentaux. Dans ce débat, nous, juges administratifs, qui devrons appliquer aux requêtes qui nous seront soumises le cadre juridique ainsi tracé, souhaitons faire entendre notre voix et témoigner de notre expérience.

Imaginons un instant que des forces autoritaires viennent à accéder aux fonctions suprêmes. Voulons-nous vraiment laisser en leurs mains un tel outil, avec, pour seule borne, un juge administratif aux pouvoirs restreints ?

N.B : Nous sommes une dizaine de juges administratifs à avoir souhaité nous exprimer par le biais d’une tribune. Anonymement, car nous sortons de notre devoir de réserve et risquons par là des sanctions disciplinaires. Les propos tenus dans cette tribune n’engagent que leurs auteurs qui ne représentent pas la totalité des juges administratifs. Cette initiative a suscité des débats parmi nos collègues, mais nous avons estimé que l’absolue nécessité d’un large débat sur la pérennisation de l’état d’urgence justifiait cette sortie de notre habituelle réserve.

Source : Mediapart, le 29 décembre 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/etat-durgence-des-juges-administratifs-appellent-a-la-prudence/


Catalogne : les indépendantistes finalement en ordre de bataille

Tuesday 12 January 2016 at 00:01

Ca mijote tranquillement…

Pour mémoire, la République catalane a été proclamée à quatre occasions : au xviie siècle, par Pau Claris, au xixe siècle par Baldomer Lostau et au xxe siècle par Francesc Macià, en 1931, puis par Lluís Companys, en 1934.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 11 janvier 2016.

Le nouveau président catalan, Carles Puigdemont, est un indépendantiste convaincu.

Le nouveau président catalan, Carles Puigdemont, est un indépendantiste convaincu. (Crédits : Reuters)

L’élection d’un nouveau président catalan après trois mois de discussions permet de relancer le processus de sécession. Cette issue inattendue est le fruit d’un choix qui fait de l’indépendance une priorité absolue pour la majorité issue du 27 septembre.

La politique catalane est une des rares en Europe à pouvoir produire de tels coups de théâtre. Voici une semaine, ceux qui croyaient que les deux partis de la majorité indépendantiste catalane – composée de la liste d’union Junts Pel Sí et du parti de la gauche radicale CUP – finiraient par trouver un accord étaient très minoritaires. La CUP venait de refuser d’investir Artur Mas comme président de la Generalitat – le gouvernement autonome catalan – et ce dernier annonçait fièrement qu’il tenait prêt le décret de convocation de nouvelles élections. Et pourtant, ce lundi 11 janvier, un accord a bel et bien été trouvé et, dimanche, un nouveau président de la Generalitat – Carles Puigdemont, maire de Girone – a été élu avec 70 voix sur 135, dont huit de la CUP.

L’attachement au « processus »

Comment un tel retournement de situation a-t-elle été possible ? Par deux voies, fortement complémentaires. La première, qui est saluée ce matin par la presse indépendantiste catalane, c’est la force du processus de sécession avec l’Espagne. Les partis ont refusé de laisser passer une chance historique pour l’indépendance. Le 9 novembre dernier, les deux groupes avaient voté ensemble une déclaration qui ouvrait ce processus en plaçant la décision du parlement catalan au-dessus de celui des institutions espagnoles. Cette déclaration a été « annulée » par le tribunal constitutionnel espagnol. Le dépassement de cette annulation constituera le premier acte « souverain » de la Catalogne. Mais pour cela, il fallait un gouvernement investi. Et ceci valait bien sans doute quelques sacrifices, tant du côté d’Artur Mas que de la CUP.

De nouvelles élections à haut risque

D’autant – et c’est la deuxième raison de cet accord – que la perspective de nouvelles élections avaient toutes les raisons d’inquiéter les deux groupes indépendantistes. Au regard de trois mois de querelles internes portant non sur le fond, mais sur le nom du président catalan, le camp de la sécession avait évidemment perdu en crédibilité. Il donnait l’impression d’un désintérêt pour la cause de l’indépendance et de son sacrifice à des querelles personnelles. Il risquait de sortir d’un nouveau scrutin un parlement ingouvernable qui aurait repoussé sine die le processus. Artur Mas pouvait jouer les fiers-à-bras, son parti vient de subir un désastre électoral inédit lors des élections générales espagnoles du 20 décembre et la gauche républicaine d’ERC ne semblait guère prête à renouveler l’expérience de Junts Pel Sí dans ces conditions. Bref, un nouveau scrutin ne garantissait pas son retour à la tête de la Catalogne. Quant à la CUP, elle sortait de ces trois mois divisée et certains évoquaient même sa fusion avec la liste de Podemos. Bref, les élections étaient à éviter tant pour des raisons idéologiques que pour des raisons politiques pour les deux groupes.

La CUP matée

L’accord trouvé (dont on trouvera ici une traduction) laissera cependant des traces. Artur Mas a fait payer cher son retrait à la CUP qui a accepté des conditions humiliantes, à plus d’un titre. D’abord, le parti « anticapitaliste » devra « donner » deux députés à Junts Pel Sí. Deux députés qui participeront aux réunions des 62 élus du groupe, mais qui devront accepter la discipline parlementaire dudit groupe. Un « transfert » étonnant et franchement humiliant pour un parti qui a toujours défendu sa responsabilité devant les militants et les électeurs. C’est d’ailleurs parce que la CUP a demandé maintes fois l’avis de ses sympathisants au cours du mois de décembre que la situation s’est retrouvée bloquée. Et c’est pour cela que Junts Pel Sí a cherché à « neutraliser » la CUP en l’engageant, par ailleurs, à ne pas mêler ses voix aux partis hostiles au processus. Bref, la CUP est désormais placée sous une certaine forme de tutelle. Et Junts Pel Sí dispose désormais avec ce phénomène de 64 sièges, soit la majorité relative puisque l’ensemble des partis non-indépendantistes ne disposent que de 63 sièges.

Maigre consolation pour la CUP

Artur Mas n’est donc pas parti sans offrir à son camp une victoire qu’il n’avait pu obtenir dans les urnes. C’est un coup politique remarquable. La CUP, de son côté, a peu de lots de consolation. Certes, elle a prouvé, comme l’a souligné sa députée Anna Gabriel, que « le processus peut vivre sans Artur Mas. » Certes, le nouveau président a insisté sur la formation d’un « pays plus juste », mais tout ceci est une maigre consolation car la CUP a perdu l’essentiel de son influence sur le futur gouvernement catalan. Et elle n’a pas réglé ses problèmes internes pour autant. Nul ne sait comment les électeurs et militants réagiront à cette décision, mais deux députés de la CUP se sont déjà abstenus lors du vote d’investiture de Carles Puigdemont, preuve qu’une partie de la gauche radicale est peu à l’aise avec cette décision.

Qui est Carles Puigdemont ?

La question est désormais de savoir ce que Carles Puigdemont, devenu 130ème président de la Generalitat, fera de cette nouvelle majorité renforcée. L’homme n’a pas été mis en avant par Artur Mas par hasard. Ancien journaliste, il est membre du parti de centre-droit CDC, celui de son prédécesseur, ce qui tend à confirmer la suprématie de ce parti sur le mouvement indépendantiste. Mais il semble épargné par les affaires de corruption qui touchent ce parti et Artur Mas. Sa caractéristique première est un indépendantisme jugé radical par beaucoup. A la différence d’Artur Mas, converti au sécessionnisme au début des années 2010, Carles Puigdemont est un indépendantiste de toujours. Il est clairement homme à pousser l’agenda voté par le parlement catalan le 9 novembre.

Choix de paradigmes

Sa nomination traduit un choix fait par les élus du parlement catalan : les divergences sur l’axe gauche-droite doivent se taire au profit du paradigme indépendantisme-unionisme. La soumission de la CUP permet de mettre à jour que cette ligne de fracture est celle qui organise aujourd’hui la vie politique catalane. Il aura fallu trois mois de palabres et d’hésitation pour y parvenir. Logiquement, le nouveau parlement catalan va donc devoir tirer la leçon de cette situation dont il est issu en refusant la décision du tribunal constitutionnel espagnol du 2 décembre qui annulait la motion du 9 novembre. Ceci devrait engager concrètement ce qui, faute de gouvernement à Barcelone, n’était qu’une bataille larvée et théorique avec Madrid. L’alternative de Carles Puigdemont, comme le souligne un chroniqueur du journal catalan en ligne El Mon, sera d’être le dernier président de la Generalitat ou… d’échouer. La clarification des priorités vers l’indépendance conduit le nouveau gouvernement à créer une république catalane ou à déclarer l’échec des partis indépendantistes. Il n’y aura donc pas de “voie moyenne.”

La question du gouvernement espagnol

Carles Puigdemont bénéficie, de plus, d’une situation favorable : à Madrid siège un gouvernement intérimaire. La situation politique issue du 20 décembre a débouché sur un blocage qui pourrait conduire à de nouvelles élections. Avec la formation de ce gouvernement, l’option d’une alliance à gauche, qui a besoin du soutien des indépendantistes catalans, semble impossible désormais : une grande partie du PSOE socialiste s’y opposerait.  Pour autant, tout acte du gouvernement catalan pour briser avec la légalité espagnole, comme la formation de « structures d’Etat » ou la mise en place d’une commission officielle pour rédiger la constitution d’une « république catalane » pourrait  avoir des conséquences en Espagne. Notamment, la formation d’un gouvernement espagnol centré sur la « défense de l’unité de l’Espagne »,comme le souhaite la présidente andalouse socialiste Susana Díaz, et qui regrouperait le Parti populaire de Mariano Rajoy et le parti centriste mais très unioniste Ciudadanos, avec l’appui plus ou moins direct du PSOE. Le roi Philippe VI, qui a refusé de recevoir la présidente du parlement catalan ce lundi, semble traduire l’état d’esprit “d’urgence” à Madrid.

Utiliser le choc entre les gouvernements catalan et espagnol

Les indépendantistes catalans ont, en réalité, stratégiquement, tout à gagner à ce face-à-face avec les unionistes espagnols afin de convaincre les indécis à rejoindre leur camp en Catalogne. Car un des principaux problèmes de Carles Puigdemont reste que, lors des élections catalanes du 27 septembre, les partis sécessionnistes ont obtenu 47,8 % des suffrages seulement. Et si cela est certes plus que les 39,5 % des trois partis unionistes, c’est insuffisant pour gagner un référendum sur l’indépendance. Il faut donc convaincre les 11 % qui ont voté pour Podemos et l’union chrétienne démocrate que la coexistence avec l’Espagne est impossible. Or, un gouvernement unioniste à Madrid ayant pour ambition de « mater » les indépendantistes pourrait provoquer cet effet. Ce serait la certitude de l’utilisation de l’article 155 de la Constitution qui permet la suspension de l’autonomie catalane.

Convaincre la gauche

Le gouvernement de Carles Puigdemont va donc sans doute avancer vite dans son agenda sécessionniste en l’agrémentant de mesures sociales. Car, en Catalogne, l’indépendance se joue à gauche. La liste En Comú Podem, portée par Podemos avec l’appui de la gauche unie et de la maire de Barcelone Ada Colau, a obtenu 24,74 % des voix aux élections du 20 décembre. C’est au sein de leurs électeurs que se trouveront ceux qui, en cas de référendum, feront pencher la balance vers le oui ou le non. Le nouveau gouvernement devrait donc chercher à prouver qu’une république catalane est plus juste socialement, moins corrompue et moins austéritaire que le Royaume d’Espagne. Carles Puigdemont ne devra donc pas oublier la logique droite-gauche dans sa course à l’indépendance, malgré l’abaissement de la CUP. Une chose est, en tout cas, certaine : le vrai bras de fer entre Madrid et Barcelone a vraiment commencé ce dimanche 10 janvier.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 11 janvier 2016.

Source: http://www.les-crises.fr/catalogne-les-independantistes-finalement-en-ordre-de-bataille/


La Pologne explosive au cœur de l’Europe et du Système, par Philippe Grasset

Monday 11 January 2016 at 02:20

C’est vraiment intéressant, le navire prend l’eau de plus en plus vite…

UK 12/2015 : Les partisans du Brexit sont plus nombreux que les opposants

Italie 6/1/2016 : Conflit ouvert entre l’Italie et Bruxelles

Allemagne : secoué par le scandale des viols du 31/12

Espagne : hier, fin de la crise institutionnelle en Catalogne, les indépendantistes ont élu un nouveau Président de la Région, qui a appelé au démarrage de la sécession. Ca va secouer (les gens rigolent quand je dis parfois qu’on pourrait voir des chars à Barcelone – monde de Bisounours va)…

Et je ne parle pas de la Finlande, du Portugal et de la Grèce…

Et la Pologne donc… (mais le Luxembourg va bien…)

Source : Philippe Grasset, pour De Defensa, le 2 janvier 2016.

Nous avions déjà signalé (le 14 novembre 2015, avec une réaction polonaise aux attentats 11/13 de Paris) la situation nouvelle en Pologne que présentait l’arrivée au pouvoir par verrouillage hermétique du Parti Droit et Justice (PiS), vainqueur des présidentielles en mai et surtout des législatives en octobre (majorité absolue au Parlement). Cela a conduit fin novembre à la formation d’un gouvernement dirigé par Jaroslaw Kaczynski, le rescapé du fameux duo des frères jumeaux, ultranationalistes, catholiques-conservateurs, antirusses et eurosceptiques polonais. (Lech Kaczynski, alors président de la Pologne, est mort dans l’accident de son avion en procédure d’atterrissage, à Smolensk, le 9 avril 2010 [voir notamment le 12 avril 2010], alors qu’il se rendait à une cérémonie à la mémoire des morts de Katyn. Le cas a été et reste l’objet d’une polémique à propos des circonstances et des responsabilités.)

L’événement de l’arrivée du PiS et de Jaroslaw Kaczynski a tenu ses promesses : la Pologne est désormais un pays potentiellement en état “d’insurrection” contre les institutions transnationales faisant office de courroies de transmission du Système, l’UE et l’OTAN. La Pologne est aussi, avec Jaroslaw Kaczynski, plus antirusse que jamais ; cela illustre le paradoxe du désordre complet de la situation générale actuelle. Férocement antiSystème dans un cas (hostilité à l’UE, sinon à l’OTAN, par enchaînement du nationalisme ultra-droitier du PiS), la Pologne est également et viscéralement hostile à une puissance qui développe pourtant une politique qu’on peut sans aucune hésitation qualifier d’antiSystème  (la Russie). On voit bien que la posture antiSystème est absolument relative aux situations diverses où elle se manifeste, jusqu’à la plus complète contradiction.

Nous parlons ici de la position antiSystème de la Pologne, qui s’est manifestée clairement ces dernières semaines. Le PiS, qui dispose partout de la majorité absolue, a pris des mesures institutionnelles (notamment concernant la composition du Tribunal institutionnel) qui réduisent à la quasi-inexistence institutionnelle les partis d’opposition. Ces mesures ont été violemment dénoncées par l’UE comme étant absolument contraires aux grandes valeurs européennes. Eric Frey, éditorialiste du quotidien Standard de Vienne, très libéral et pro-européen, nous instruit à ce propos, selon une pensée parfaitement calibrée et contrôlée :

« Il s’agit d’un parti qui ne respecte ni les valeurs fondamentales de l’UE ni les principes démocratiques. Il reprend les traditions du fascisme polonais de l’entre-deux-guerres et se fixe pour objectif principal la défense des “particularités spécifiques” de la Pologne contre les ennemis intérieurs et extérieurs. [...] Le zloty va s’effondrer, la Bourse de Varsovie aussi, et les investissements étrangers cesseront. Mais Jarosław Kaczynski n’y verra qu’une nouvelle preuve du complot tramé contre lui et son pays. »

• Cette situation de blocage institutionnel par le PiS a conduit à la mi-décembre à deux grandes manifestations de l’opposition auxquelles a répondu une grande manifestation des partisans du même PiS. Certains jugent que cette situation polonaise est pour l’UE une menace bien plus grave que les crises précédentes de 2014-2015 (Ukraine, Grèce, réfugiés-migrants). La situation est extrêmement complexe pour l’UE, notamment à cause de l’importance du pays et de la détermination du Premier ministre, et aussi bien par le facteur très particulier de la haine personnelle de Jarosław Kaczynski, notamment attisée par les circonstances autour de la mort de son frère, pour le président en exercice de l’UE, son compatriote polonais Donald Tusk. Cette situation générale était ainsi commentée le 25 décembre 2015 parSputnik-français :

« L’UE a des moyens très limités pour s’ingérer dans le conflit et faire pression sur Varsovie. En 2000, Bruxelles s’était déjà mis dans l’embarras en tentant d’isoler l’Autriche dans le domaine diplomatique après l’arrivée du parti d’extrême-droite de Jörg Haider au sein de la coalition au pouvoir dans le pays. La législation européenne permet aujourd’hui au Conseil européen de suspendre certaines lois des pays membres qui violent régulièrement les droits fondamentaux. Bruxelles n’a pourtant jamais eu recours à cet outil. Qui plus est, le nouveau gouvernement polonais a déjà fait comprendre qu’il ne se souciait guère de la réaction de qui que ce soit. Le président Kaczynski a par exemple indiqué aux journalistes allemands, critiques envers les nouvelles autorités polonaises, que son pays n’avait pas besoin de “leçons de démocratie” de la part de l’Allemagne. »

• Un incident extraordinaire et sans précédent, datant du 17 décembre, a mis encore plus en évidence la dangerosité et la gravité de la situation du point de vue du Système, en impliquant cette fois la “vache sacrée” du susdit Système, c’est-à-dire l’OTAN elle-même. Il s’agit d’une attaque de nuit, un raid effectué par les services de sécurité polonais (gendarmerie) contre un centre de contre-espionnage impliquant des fonctionnaires polonais et slovaques, établi en septembre sur directive de l’OTAN, sous le contrôle de l’OTAN, et disposant du statut d’un service de l’OTAN. L’affaire,rapportée par la Gazeta Wyborcza de Varsovie le 18 décembre, a été reprise notamment par le Financial Times dont le compte-rendu est donné ici en français par Sputnik-français, le 18 décembre 2015 également.

« Les autorités polonaises ont entrepris une démarche sans précédent dans l’histoire de l’Otan en chassant la direction d’un centre de contre-espionnage à Varsovie lors d’un raid effectué en pleine nuit par un groupe de gendarmes militaires. Des responsables du ministère polonais de la Défense accompagnés de gendarmes militaires ont pénétré la nuit dans les locaux du centre de contre-espionnage parrainé par l’Otan pour y installer une direction bénéficiant du soutien des nouvelles autorités du pays, rapporte le Financial Times. D’après le vice-ministre de la Défense Bartosz Kownacki cité par le journal, ce geste avait pour but “d’assurer le fonctionnement normal des institutions d’Etat qui, malheureusement, ne fonctionnent pas toujours correctement”.

» Le changement radical de la direction du centre marque une tentative du parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir en Pologne de renforcer ses positions en plaçant ses hommes aux postes clés dans les administrations publiques, les structures commerciales et les services de sécurité.

» Selon un communiqué du ministère polonais de la Défense, le raid s’est déroulé sans incident. L’ex-directeur du centre, le colonel Krzysztof Dusza, a qualifié ces actions d’“illégales”. Son avis est partagé par l’ancien ministre de la Défense Tomasz Siemoniak. “C’est visiblement la première fois dans l’histoire de l’Otan qu’un pays membre s’en prend à un établissement de l’Alliance”, a indiqué M. Siemoniak. Le chef de la diplomatie polonaise Witold Waszczykowski a déclaré que les “employés du centre avaient auparavant été privés d’accès aux documents secrets” et qu’ils “devaient donc être remplacés”. »

Mentionnant cette affaire dans RT le 1er janvier, dans un texte général sur la situation de l’Europe par rapport à l’OTAN notamment, le journaliste US travaillant à Moscou Robert Bridge précise, en insistant effectivement sur la dimension extraordinaire de cette intervention du gouvernement polonais : « Un officiel de l’OTAN a tenté d’atténuer l’effet de cet événement sans précédent en définissant l’“attaque” polonaise comme “une affaire qui concerne les seules autorités polonaises”. Il est évident qu’il y a bien plus dans cette affaire que ce dont le public a été informé. »

Cette retenue de l’OTAN autant que le constat de l’impuissance de l’UE à formellement contraindre la Pologne du jumeau survivant Jarosław Kaczynski à s’aligner sur ses “valeurs” dont tout le monde connaît les vertus mesurent la position difficile de ces deux organisations face à un pays dont le dirigeant est connu pour son entêtement, son intransigeance souvent furieuse et sa capacité à ne céder sur rien s’il en a décidé ainsi. Jarosław Kaczynski a les défauts et les qualités de ces natures absolument assurées de leur bon droit, sans le moindre complexe par rapport aux positions extrêmes qu’il adopte, et en plus s’appuyant sur le très fort sentiment religieux (catholiques conservateurs) régnant en Pologne. En 2005-2007, quand les jumeaux et leur parti influençaient ou détenaient le pouvoir, le Système se réjouissait avec une discrétion élégante de cette intransigeance à la limite de la paranoïa. En effet, cette posture des jumeaux était en bonne partie exprimée par une volonté ultranationaliste dirigée contre la Russie perçue comme la menace principale, laquelle volonté se traduisait en termes politiques par une position d’alignement ou d’arrangement par rapport à l’UE et à l’OTAN.

Aujourd’hui, l’intransigeance joue à fond dans le sens contraire, parce que les évènements ont fait grandement évoluer les choses et démontrent que la principale menace contre l’ultranationalisme vient de l’UE principalement, et accessoirement mais de moins en moins accessoirement, de l’OTAN. C’est toujours le même caractère, c’est toujours la même extrémisme, mais cette fois contre les organisations transnationales qui, depuis 2007, ont évolué comme les piliers du bloc-BAO à l’intérieur duquel les notions principielles, souveraines et nationales, sont perçues désormais comme des ennemies du grand arrangement niveleur du Système, – et cela, d’une façon d’autant plus visible que le Système est aux abois et n’a plus ni le temps ni l’opportunité de dissimuler son vrai visage derrière une dialectique convenue. Jarosław Kaczynski, comme l’aurait fait son frère avec lui s’il était encore vivant, a donc évolué en accentuant de plus en plus sa tendance farouchement eurosceptique, renforcé dans ce sens par le surgissement au premier plan des “valeurs sociétales” imposées par le Système et détestées par les ultra-conservateurs (multiculturalisme, effacement des frontières, évolution des mœurs dans le sens de la déstructuration-dissolution, etc.).D’avantage implicite, l’intransigeance de Kaczynski est devenu un problème considérable pour les organismes-Système, et évidemment l’UE en premier.

Pour autant, il faut mettre en évidence combien l’incident gravissime dans le sens symbolique du 17 décembre, événement sans précédent pour l’OTAN, constitue un signal d’avertissement extrêmement préoccupant pour cette Organisation. Là encore, il est question des réflexes principiels de souveraineté des ultranationalistes, qui se trouvent mis en cause par le fonctionnement de la machinerie transnationale de l’OTAN, à l’image du comportement de l’américanisme pour qui la souveraineté des autres peut aisément sa ramener à la satisfaction des ambitions du système de l’américanisme, donc à la souveraineté des USA qui serait la garante (et la remplaçante, pardi) de celle de tous les autres États-membres.

Là-dessus, il faut avoir à l’esprit que la Pologne n’est pas la Grèce ni même la Turquie, pour les USA. C’est le pays-clef de l’approche de la Russie, et sa vassalisation est un impératif stratégique fondamental pour les USA. Les Français et leurRafale ont pu s’en apercevoir en 2003-2004, lorsqu’ils ont concouru contre les USA et leurs F-16 pour le rééquipement des forces aériennes polonaises. Les USA ont littéralement “acheté” le retrait français par des promesses, d’ailleurs tenues, de ventes considérables d’avions civils d’affaires Dassault aux USA. Les Français se retirèrent donc “dans l’honneur”, dans un épisode qui n’est certainement pas à l’honneur des autorités et des industriels de ce pays mais qui démontra l’importance pour les USA, non d’un marché d’avions de combat mais du contrôle stratégique de la Pologne qu’impliquait ce marché. On mesure alors la situation s’il s’avérait que le PiS prend vis-à-vis de l’OTAN la même position qu’il semble prendre vis-à-vis de l’UE. Des esprits complexes et peu arrangeants pourraient aisément imaginer que, dans ces conditions, on pourrait voir ressortir la vénérable stratégie de la “révolution de couleur”, d’ailleurs suggérée d’ores et déjà par le fait que l’opposition ne peut plus se manifester que dans la rue. Mais la Pologne n’est pas l’Ukraine et le teigneux et impossible Kaczynski n’a pas grand’chose à voir avec la mollesse corrompue d’un Ianoukovitch se faisant berner quelques heures après la signature d’un accord avec l’UE par l’incontrôlabilité de la rue (du Maidan).

Le modèle de l’incontrôlabilité de l’antiSystème

Quoi qu’il en soit de ces péripéties à venir qui pourraient occuper notre année 2016, il s’impose à l’esprit que la Pologne constitue, avec les circonstances actuelles, un fascinant exemple du caractère totalement imprévisible et insaisissable de la posture antiSystème. A côté des quelques très rares cas, d’ailleurs plus individuels que collectifs, de positions antiSystème assumées en tant que telle, la posture de l’antiSystème est une variable extrêmement changeante et insaisissable au gré des circonstances, aussi bien dans le chef de celui qui devient antiSystème, que dans le cadre où évolue ce phénomène antiSystème. Un rappel des variations et autres pas de deux entre l’ultra-droite conservatrice des jumeaux Kaczynski et les libéraux européistes de Tusk est significatif à cet égard.

Jusqu’en 2005, la politique de la Pologne était encore informe en ce sens qu’elle n’aspirait qu’à une chose, qui était l’intégration dans le bloc-BAO, achevée formellement en 2004 avec l’intégration dans l’UE, suivant de cinq ans l’intégration dans l’OTAN. Les jumeaux Kaczynski qui jouèrent un rôle essentiel dans le pouvoir polonais à partir de 2005 (élection de Lech à la présidence de la république) poursuivirent cette ligne, mais d’une façon beaucoup plus activiste, c’est-à-dire au nom de l’antirussisme qui est la traduction politique et doctrinale de la russophobie dont on sait qu’elle est un des traits essentiels de la politique de la droite ultranationaliste et catholique conservatrice. Ils manifestaient cette position, notamment en soutenant d’une façon extrêmement ferme sinon agressive le projet des anti-missiles US en Europe (BMDE) que les USA avaient commencé à développer. C’en fut au point où la victoire des libéraux de Tusk, à l’automne 2007, qui privait Jaroslaw Kaczynski de son poste de Premier ministre tandis que son frère Lech restait président mais privé de véritables pouvoirs, fut essentiellement construite sur l’idée d’un rapprochement décisif avec la Russie. Lors de sa première apparition devant les journalistes, une fois nommé Premier ministre, on entendait un Tusk enthousiaste :

« Le ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski tiendra une rencontre avec son homologue russe Sergueï Lavrov le 6 décembre à Bruxelles, a annoncé samedi lors d’une conférence de presse au siège de la Diète le nouveau premier ministre Donald Tusk. “Vous serez agréablement surpris par la vitesse avec laquelle les rapports polono-russes s’amélioreront”, a-t-il indiqué s’adressant aux journalistes. Il serait encore tôt d’évoquer la date de la visite du chef du gouvernement polonais à Moscou mais celle-ci “aura lieu sous peu”, a ajouté M. Tusk. »

A cette époque, on pouvait sans la moindre hésitation juger les jumeaux comme étant dans une position objectivement conforme à la ligne du Système, et tout cela avec leur dynamisme hargneux habituel, tandis que Tusk apparaissait comme un antiSystème au vu de cette volonté de rapprochement de la Russie de Poutine. Cette répartition atteignit un paroxysme au printemps 2010 quand Tusk vint à la commémoration russe de la tragédie de Katyn, tandis que le président Lech Kaczynski refusait d’y participer, pour venir à sa propre commémoration en-dehors des cérémonies russes (c’est lors de ce voyage qu’il mourut dans l’accident de son avion lors de la procédure d’atterrissage à Smolensk).

Puis les choses commencèrent à se déliter, à se dissoudre, à devenir plus imprécises. C’était au moment où l’entité euroatlantique devint vraiment ce que nous nommons “bloc-BAO”, avec sa politique d’intervention hors-zone (à commencer par la Libye, puis la Syrie), avec un rôle contraignant de l’UE de plus en plus évident, tant auprès de ses membres qu’auprès de certains pays extérieurs ; ce rôle contraignant allant de pair, et ceci justifiant cela, avec l’évolution de la soi-disant “politique” perdant de plus en plus sa substance politique, justement, au profit des artefacts divers de communication, du droitdel‘hommisme aux “valeurs sociétales” (féminisme, homosexualité, transgenres et autres composants du package LGBT) rajoutés à une doctrine économique hyperlibérale et d’austérité intransigeante. C’est à cette époque que se renforça avec fougue et assurance la politique antirusse du bloc-BAO qui trouva sa concrétisation éclatante dans l’épisode ukrainien (novembre 2013-février 2014). La Pologne de Tusk suivit méticuleusement cette orientation et se trouva par conséquent passant d’une position-antiSystème, prorusse, à une position-Système antirusse dans le sillage de l’UE, voire en éclaireur de cet entité. Le ministre des affaires étrangères polonais Sikorski fut, avec les ministres français et allemand, le négociateur pour l’UE aboutissantà l’accord du 21 février 2014 entérinant le départ de Ianoukovitch prévu pour décembre 2014 ; cet accord aussitôt (quelques heures plus tard) transformé en chiffon de papier par le Maidan, Pravy Sektor, les agitateurs US du groupe Nuland, etc., l’UE bascula dans une position antirusse maximaliste où la Pologne de Tusk se trouva en position de fer de lance. Les Polonais ont certainement fourni beaucoup d’aide militaire clandestine aux Ukrainiens de “Kiev-la-folle” dans un premier temps, avant d’entrer dans un mode de plus en plus passif à mesure que l’équipe Tusk perdait de son poids avec les départs de Sikorski et de  Tusk lui-même pour la présidence de l’UE, et tandis qu’approchaient les élections de 2015. Comme on l’a vu, c’est le parti de Jaroslaw Kaczynski, le PiS, qui l’a emporté sur tous les tableaux.

Le paradoxe est que, pendant que Tusk et son équipe évoluaient comme on l’a vu, le PiS et Kaczynski évoluaient également, essentiellement en sens contraire sans pourtant rien changer de leurs positions idéologiques et politiques. Kaczynski avait certes suivi l’affaire ukrainienne, où il s’était engagé à fond contre les Russes, échafaudant des plans divers, rêvant à l’invasion de la Russie, etc. Tout cela, c’était essentiellement en 2014 ; mais, comme l’on sait, les Ukrainiens ont fini par lasser leurs plus ardents soutiens et ils n’intéressent plus grand’monde aujourd’hui. Arrivé au pouvoir dans l’atmosphère surchauffée de la crise grecque, des grandes interrogations et des grands soupçons concernant le rôle et les pouvoirs de l’Europe-UE, le PiS s’est de plus en plus intéressé à cette question en accentuant le poids de sa dimension eurosceptique dans son orientation politique générale. La présence de Tusk à la tête de l’exécutif européen a facilité cette réorientation des priorités, le PiS retrouvant son vieil ennemi comme emblème et symbole de l’institution détestée. Ainsi est-il devenu entièrement antiSystème, mais lui à cause de son opposition à l’UE tandis que Tusk l’avait été à cause de sa politique prorussequi semble aujourd’hui être complètement de circonstance mais qui était construite à l’époque sur des analyses solides.

Le PiS et Kaczynski restent antirusses, sans le moindre doute, mais dans un temps où la question de l’antagonisme avec la Russie est en train de perdre en Europe même de son importance politique immédiate, notamment en Europe de l’Est, et alors que la Russie s’est placée dans une position très favorable du point de vue de la communication avec son intervention antiterroriste en Syrie ; par contre, la querelle européenne intervient quotidiennement dans la vie de tous les États-membres, et par conséquent dans celle de la Pologne et pas du tout à l’avantage de l’UE. La question de la mise en lumière complète des circonstances de l’accident de l’avion transportant Lech Kaczynski et sa suite continue à être une hypothèque considérable dans le chef du PiS et du Premier ministre polonais par rapport aux relations avec la Russie. Qu’importe puisque  ce qui est en jeu aujourd’hui, ce ne sont plus les relations avec la Russie mais d’abord et essentiellement les relations de la Pologne avec l’UE et l’état de quasi-dissidence de la Pologne par rapport à l’UE qui s’ébauche avec les premières mesures du gouvernement Kaczynski.

La logique antiSystème a changé son champ d’action, et les rôles ont été complètement inversés en Pologne entre les deux courants antagonistes. La logique de l’antiSystème, dans les mêmes espaces géographiques, change constamment selon l’orientation des évènements et les références qui les accompagnent, quelles que soient les idéologies et l’importance qu’on leur prête. D’une certaine façon, on pourrait avancer l’idée paradoxale que l’intégration complète de la Pologne dans le bloc-BAO s’est réalisée d’une façon extrêmement ferme, mais pour parvenir à ce résultat que ce pays puisse y jouer un rôle de trublion en menaçant de devenir le premier État-membre “eurosceptique” activiste, sinon provocateur, et cela à l’échelle d’un entité nationale à l’importance démographique et structurelle qu’on ne peut négliger. Personne n’a ni n’avait vraiment vu venir cela, parce que la Pologne se trouve dans un groupe de pays qu’on juge, ou qu’on jugeait liés pour longtemps à une pesanteur antirusse, y compris dans leurs politiques fondamentales, héritée de l’époque soviétique de l’après-guerre et de la Guerre froide.

Le paradoxe deviendrait complet si, évoluant dans ce sens où il devient eurosceptique et de tendance métahistorique proche d’un courant traditionnaliste, la Pologne se retrouverait sans l’avoir bien entendu voulu et même sans y penser du côté de la Russie qui est de plus en plus perçue comme représentante et défenderesse de cette tendance. Après tout, si une journaliste et excellente experte en théologie, la Danoise Iben Thranholm, estime qu’on peut avancer l’hypothèse, par ailleurs bien loin d’être absurde ni gratuite parce que de plus en plus souvent vérifiée, que “l’Église russe esten train de remplacer Rome comme protectrice du christianisme”, la Pologne catholique, et ouvertement catholique avec le parti PiS au pouvoir, pourrait en arriver à juger que la Russie peut aussi devenir un allié protecteur de sa propre tradition.

Il n’est pas absurde et désormais tout y invite au contraire d’estimer que la posture antiSystème est de moins en moins liée à des choix politiques et idéologiques contingents, et de plus en plus influencée par des prises de position fondamentales sur des questions étiques et ontologiques, ou se référant directement à l’étique et à l’ontologie. On ne fait en cela que suivre le déroulement de notre Grande Crise générale qui est réglée par les soubresauts du Système, – entre surpuissance et autodestruction, – renvoyant de plus en plus à ses propres fondements et de moins en moins aux conséquences politiques de ces fondements.

Source : Philippe Grasset, pour De Defensa, le 2 janvier 2016.

Source: http://www.les-crises.fr/la-pologne-explosive-au-coeur-de-leurope-et-du-systeme-par-philippe-grasset/


Schengen passera-t-il l’hiver ?

Monday 11 January 2016 at 00:51

Source : Louis Hausalter, pour Marianne, le 5 janvier 2016.

Submergés par l’afflux de migrants, la Suède et le Danemark viennent de rétablir des contrôles à leurs frontières. Un nouveau coup de canif dans l’espace de libre circulation. Et un désaveu de plus pour l’Union européenne.

A la frontière entre la Hongrie et la Serbie, en décembre 2015. Supova Tereza/AP/SIPA

Pour l’espace Schengen, 2015 était l’année du coup de semonce. 2016 sera-t-elle celle du coup de grâce ? Ce mois de janvier a en tout cas commencé par une nouvelle entaille dans l’espace européen de libre circulation. La Suède et le Danemark ont successivement annoncé lundi 4 janvier le rétablissement de contrôles à leurs frontières. Une réaction à la crise migratoire qui touche particulièrement les deux pays nordiques. La Suède, considérée comme un eldorado par de nombreux réfugiés pour sa tradition d’accueil, en a reçu plus de 160.000 en 2015. Le Danemark a accueilli huit fois moins de migrants, mais craint d’être piégé par sa situation géographique, sur la route entre l’Allemagne et la Suède.

Cela porte à 12 le nombre de pays qui ont rétabli des contrôles aléatoires ou systématiques à leurs frontières depuis l’été dernier. Parmi eux, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, trois Etats signataires de l’accord qui posa les bases de l’espace de libre circulation en 1985. Ainsi Schengen agonise-t-il à petit feu, dans une indifférence quasi-générale. La Hongrie et la Slovénie sont allées jusqu’à ériger des clôtures pour dissuader le passage de migrants. Ce qui n’a fait que reporter le problème : les migrants bloqués par les barbelés du gouvernement hongrois de Viktor Orbán ont cherché à contourner le pays par le sud, en passant par la Croatie.

En France, où les contrôles ont été rétablis d’abord en raison de la COP 21, puis après les attentats du 13 novembre, il ne se trouve plus grand-monde pour défendre Schengen. Quelques jours après les attaques de Paris, le Premier ministre Manuel Valls avait justifié le rétablissement des contrôles en adressant cet avertissement sans frais à Bruxelles : “Si l’Europe n’assume pas ses responsabilités, alors c’est tout le système Schengen qui sera remis en cause.” A droite, l’arrêt de décès est déjà signé. Même Alain Juppé, pourtant défenseur de l’idéal européen, constate l’échec de l’espace de libre circulation.“Schengen est mort, il faut un nouveau traité”, a asséné le maire de Bordeaux ce mardi sur Europe 1.“Schengen est mort”, une phrase déjà prononcée il y a un mois par son rival Nicolas Sarkozy…

Sur la scène européenne, l’Allemagne se retrouve bien seule à défendre Schengen. Après le rétablissement des contrôles par la Suède et le Danemark, Berlin s’est alarmé de la situation lundi.L’accord de Schengen “est en danger”, a déclaré le porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, soulignant que “la libre circulation est un bien précieux”. Une inquiétude pas du tout désintéressée : plus d’un million de réfugiés sont entrés en Allemagne l’an dernier. Le gouvernement d’Angela Merkel plaide pour que le fardeau soit mieux partagé entre les pays européens, sans grand succès pour l’instant.

LE RÉTABLISSEMENT DES CONTRÔLES EST CENSÉ DEMEURER “UNE EXCEPTION”. OR, L’EXCEPTION DEVIENT PEU À PEU LA RÈGLE.

Certes, le règlement de Schengen permet de rétablir les contrôles aux frontières pour des raisons d’“ordre public ou de sécurité nationale”. Mais cela est censé être provisoire et demeurer “une exception”. Or, il semble que l’exception devienne peu à peu la règle. Selon Le Figaro, la Commission européenne planche même sur un assouplissement qui permettrait aux Etats membres de prolonger leurs contrôles aux frontières jusqu’en 2017.

En parallèle, Bruxelles cherche désespérément comment mieux gérer la crise migratoire. La Commissiona proposé en décembre un nouveau train de mesures, dont le contrôle systématique de tous les entrants et sortants de la zone Schengen et la mise en place d’un“document de voyage” qui doit faciliter le renvoi des migrants illégaux. Pour l’instant, les décisions européennes n’ont pas brillé par leur efficacité. L’application du plan de répartition de 160.000 réfugiés laborieusement adopté en septembre n’avance que très lentement. Faute de solution probante, les Etats n’ont rien trouvé de mieux pour l’instant que de revenir progressivement aux frontières nationales. Pour Schengen, cela ressemble à un début d’enterrement de première classe. Pour l’Europe, c’est incontestablement un nouveau désaveu.

Source : Louis Hausalter, pour Marianne, le 5 janvier 2016.

Source: http://www.les-crises.fr/schengen-passera-t-il-lhiver/


Écologie, éthique et anarchie (entretien avec Noam Chomsky)

Sunday 10 January 2016 at 03:21

Encore une intéressante analyse de Chomsky…

Nous cherchons toujours des volontaires pour travailler à mieux diffuser ses idées (recherche sur le web, organisation…). Nous contacter

Source : Noam Chomsky et Javier Sethness, pour TruthOut, traduit par Nicolas Casaux et Hélèna Delaunay, pour Le Partage, le 5 janvier 2016.

chom

On ne peut mettre en doute ni la gravité ni le rôle central joué par la crise environnementale actuelle. Propulsée par les impératifs absurdes de la croissance à tout prix inhérente au capitalisme, la destruction de la biosphère par l’humanité a atteint, voire dépassé plusieurs seuils critiques, que ce soit en termes d’émissions de carbones, de perte de biodiversité, d’acidification des océans, d’épuisement des ressources en eau ou de pollution chimique. On a pu voir des catastrophes météorologiques s’abattre sur le globe, depuis les Philippines dévastées par le Typhon Haiyan en novembre 2013, jusqu’à la Californie qui souffre en ce moment de la pire sécheresse qu’on ait jamais connue depuis des siècles. Ainsi que l’a montré Nafeez Ahmed, une étude récente publiée en partie par la NASA avertit qu’un effondrement imminent menace notre civilisation si nous ne nous orientons pas vers un changement radical en matière d’inégalités sociales et de surconsommation. Dahr Jamail, qui fait partie de notre équipe, a écrit récemment un certain nombre de textes prouvant la profondeur de la trajectoire actuelle de perturbation anthropique du climat (PAC) et d’écocide global. Dans une métaphore éloquente, il assimile l’accroissement des phénomènes météorologiques de grande ampleur provoqués par la PAC, à l’électrocardiogramme d’un « cœur en fibrillation. »

Plutôt que de conclure que des tendances aussi affligeantes sont une conséquence intrinsèque d’une nature humaine « agressive » et « sociopathe », des observateurs sensés devraient probablement associer l’expansion de ces tendances à la prédominance du système capitaliste. Car, ainsi que Oxfam l’a noté dans un rapport datant de janvier 2013, les 85 individus les plus riches du monde possèdent autant de richesses que la moitié de l’humanité — les 3,5 milliards de personnes les plus pauvres — tandis que 90 corporations sont tenues responsables de deux tiers des émissions de CO2 produites depuis les débuts de l’industrialisation. Donc, comme le prouvent ces statistiques stupéfiantes, les crises écologique et climatique correspondent à la concentration extrême des pouvoirs et des richesses produites par le capitalisme et entérinés par les gouvernements du monde entier. En tant qu’alternative à cette réalité, la philosophie politique de l’anarchisme – qui s’oppose à la fois à la mainmise de l’état et à celle du capital- peut receler de grandes promesses d’amélioration et peut-être même de retournement de ces tendances destructrices. A ce propos, j’ai eu l’aubaine d’interviewer le professeur Noam Chomsky, anarcho-syndicaliste de renom, pour débattre de la question de la crise écologique et de l’anarchisme comme remède. Voici la transcription de notre conversation.

Javier SETHNESS pour TRUTHOUT : Professeur Chomsky, merci infiniment de prendre le temps de débattre avec moi des thèmes de l’écologie et de l’anarchisme. C’est un véritable honneur d’avoir cette occasion de m’entretenir avec vous. Cependant, avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais tout d’abord vous poser une question portant sur l’éthique et la solidarité. Pensez-vous que la notion développée par Emmanuel Kant qui consiste à dire qu’il faut traiter l’humanité comme une fin en soi, ait influencé d’une manière ou d’une autre la pensée anarchiste et anti autoritaire ?

NOAM CHOMSKY : Indirectement oui, mais à mon avis sous un angle plus général. De mon point de vue, l’anarchisme procède très naturellement d’un certain nombre de préoccupations et d’engagements majeurs inhérents au siècle des Lumières. Cela a donné lieu au libéralisme classique qui lui-même a été détruit par la montée du capitalisme, les deux doctrines étant en contradiction l’une l’autre. Mais je pense que l’anarchisme est l’héritier des idéaux qui ont été développés de diverses manières au cours du siècle des Lumières, notamment à travers la théorie de Kant. Ces idéaux ont été illustrés par la doctrine du libéralisme classique, se sont échoués sur les récifs du capitalisme et ont été repris par les mouvements de gauche libertaire qui en sont les héritiers naturels. Donc, dans un sens oui, mais c’est plus vaste.

JS : Vous avez décrit l’humanité comme étant mise en péril par les tendances destructrices de la société capitaliste — ou ce que vous avez appelé « les démocraties du capital réellement existant » (DCRE, Démocraties du capital réellement existant – un acronyme moquant le « socialisme réel » invoqué à l’Est sous Brejnev, NDT). Notamment, vous avez mis l’accent, dernièrement, sur la brutalité des tendances anti écologiques mises en oeuvre par les puissances dominantes des sociétés colonialistes, ainsi qu’en témoignent l’exploitation des sables bitumeux au Canada, l’exploitation et l’exportation massives de charbon en Australie et, bien sûr, la débauche de dépenses en énergie des Etats-Unis. Vous avez tout à fait raison et je partage vos inquiétudes, ainsi que je l’explique dans : Vie en danger : Révolution contre la Catastrophe Climatique, un livre qui désigne la crise climatique comme étant le résultat de l’excroissance incontrôlable du capitalisme et d’un contrôle de la nature qui se totalitarise. Pourriez-vous expliquer en quoi les DCRE sont en profond désaccord avec l’équilibre écologique ?

NC : Les DCRE — ce qui se prononce volontairement « wrecked » (naufrage) [en anglais] — sont une démocratie capitaliste qui existe réellement, une sorte de capitalisme d’état, avec une économie à prédominance étatique mais accordant une certaine confiance aux forces du marché. Les forces du marché existantes sont façonnées et déformées dans l’intérêt des puissants – par la puissance de l’état qui est largement sous le contrôle d’une concentration de pouvoirs privés — donc il y a une interaction étroite. Si vous jetez un œil aux marchés, ils s’apparentent à un mode d’emploi pour suicide. Un point c’est tout. Dans les systèmes de marché, on ne tient pas compte de ce que les économistes appellent externalités. Par exemple, imaginons que vous me vendiez une voiture. Dans un système de marché, nous sommes censés nous préoccuper de nos propres intérêts donc vous et moi tenterons de faire la meilleure affaire chacun pour soi. Nous ne tiendrons pas compte de l’impact que cela aura sur « lui ». Cela ne fait pas partie d’une transaction sur le marché. Et pourtant, il y aura bien un impact sur « lui ». Ce sera la présence d’une voiture supplémentaire sur la route et donc une plus forte probabilié d’accidents, davantage de pollution et davantage d’embouteillages. Pour lui en tant qu’individu, il ne s’agira sans doute que d’une légère augmentation de ces probabilités. Mais cet impact va s’étendre à toute la population. Maintenant, si on examine d’autres sortes de transactions, les externalités prennent beaucoup plus d’ampleur. Prenez par exemple la crise financière. L’une de ses raisons — il y en a plusieurs, mais l’une d’entre elles — disons si le groupe Goldman Sachs effectue une transaction risquée, il — s’il fait attention — couvre ses propres pertes potentielles. Il ne prend pas en compte le risque systémique, c’est-à-dire la possibilité que tout le système s’effondre si une de ses transactions risquées tourne mal. Cela a failli se produire avec l’immense compagnie d’assurance AIG. Elle s’est trouvée impliquée dans des transactions risquées qu’elle ne pouvait pas couvrir. Le système entier était vraiment sur le point de s’effondrer, mais bien sûr le pouvoir étatique est venu à sa rescousse. La tâche de l’état consiste à secourir les riches et les puissants et à les protéger, peu importe si cela viole les principes de marché, on se fiche pas mal des principes de marché. Les principes de marché sont essentiellement destinés aux pauvres. Mais le risque systémique est une externalité qui n’est pas prise en considération, ce qui mettrait à mal le système de façon répétitive, s’il n’y a pas eu intervention de la puissance étatique. Eh bien, il en existe une autre, bien plus importante — c’est la destruction de l’environnement. La destruction de l’environnement est une externalité : dans les interactions de marché, vous n’y prêtez pas attention. Prenez par exemple les sables bitumeux, vous ne tenez tout simplement pas compte du fait que vos petits-enfants pourraient ne pas y survivre — ça c’est une externalité. Et dans le calcul moral du capitalisme, de plus grands profits dans le quart d’heure qui suit ont davantage de poids que le destin de vos petits-enfants — et bien sûr il ne s’agit pas de vos petits-enfants mais de ceux de tout le monde.

Maintenant, les sociétés coloniales sont particulièrement intéressantes à cet égard où elles abritent un conflit. Elles diffèrent de la plupart des formes d’impérialisme. Dans le cas de l’impérialisme traditionnel, par exemple les britanniques en Inde, des bureaucrates, des administrateurs, des corps d’officiers, et ainsi de suite ont été envoyés sur place, mais le pays était dirigé par des Indiens. Dans les sociétés coloniales, les choses sont différentes : on élimine les populations indigènes. Lisez par exemple George Washington, une figure majeure de la société coloniale dans laquelle nous vivons. De son point de vue, et selon ses propres mots, il fallait « extraire » les iroquois. Ils sont sur notre chemin. C’était une civilisation avancée. En fait, ils ont fourni quelques-unes des bases du système constitutionnel américain, mais comme ils gênaient, on devait les « extraire ». Thomas Jefferson, une autre grande figure, a dit, et bien, nous n’avons pas d’autre choix que celui d’exterminer les populations indigènes, à savoir les Indiens. Parce qu’ils nous attaquent. Pourquoi nous attaquent-ils? Parce que nous leur prenons tout. Mais puisque nous leur prenons leur terre et leurs ressources et qu’ils se défendent, nous devons les exterminer. Et c’est exactement ce qui s’est produit : dans presque tout le territoire des États-Unis, une extermination colossale a eu lieu. Il reste quelques résidus mais vivants dans des conditions épouvantables. Même chose pour l’Australie. En Tasmanie, extermination quasi totale. Au Canada, ils n’ont pas tout à fait réussi. Il reste quelques résidus de ce qu’on appelle les Premières Nations, en périphérie. Voilà donc en quoi consistent les sociétés coloniales. Il subsiste quelques éléments de la population indigène, et un des traits marquants de la société contemporaine est que, à travers le globe, au Canada, en Amérique Latine, en Australie, en Inde, dans le monde entier, les sociétés indigènes — ce que nous appelons tribus ou aborigènes ou n’importe quoi d’autre — ce sont elles qui sont en train d’essayer d’empêcher la course à la destruction. Partout, ce sont eux qui mènent l’opposition à la destruction de l’environnement. Dans des pays comportant une population indigène substantielle, comme par exemple l’Équateur et la Bolivie, ils ont adopté des lois, voire des clauses constitutionnelles, exigeant des droits pour la nature, ce qui est en quelque sorte tourné en dérision pays riches et puissants mais ce qui représente un espoir pour la survie de la planète.

L’Équateur, par exemple, a offert à l’Europe — il possède une bonne réserve de pétrole — de laisser le pétrole dans le sol, où il devrait se trouver, à perte pour eux, une énorme perte en termes de développement. La requête était que les européens leur fournissent une fraction — un paiement — de cette perte — une petite fraction — mais les européens ont refusé. Ils sont donc maintenant en train d’exploiter le pétrole. Et si vous allez au sud de la Colombie, vous tomberez sur un peuple indigène, des campesinos, des afro-américains luttant contre l’exploitation des mines d’or qui représente une horrible destruction. Même situation en Australie, contre les mines d’uranium, etc… Dans le même temps, ce sont les sociétés coloniales, qui sont les plus avancées et les plus riches, qui tendent résolument vers la destruction de l’environnement. Donc vous lisez un discours, d’Obama par exemple, à Cushing, dans l’Oklahoma, une sorte de centre où sont regroupées et stockées les énergies fossiles qui y affluent puis sont distribuées. C’était un public de pro-combustibles fossiles. Sous une pluie d’applaudissements, il a déclaré qu’au cours de son mandat, on avait extrait davantage de pétrole que pendant les mandats précédents — pour de nombreuses années. Il a affirmé que le nombre de pipelines était tel, à travers le pays, que partout où vous alliez, vous pouviez tomber dessus. Nous allons bénéficier de 100 ans d’indépendance énergétique. Nous serons l’Arabie Saoudite du 21e siècle — en bref nous ouvrirons la voie au désastre. Pendant ce temps, ce qui subsiste des sociétés indigènes tente d’empêcher la course au désastre. Donc, à cet égard, les sociétés coloniales illustrent de manière frappante la puissance destructrice massive de l’impérialisme européen, ce qui bien entendu nous inclut nous et l’Australie etc… Et il y aussi — je ne sais pas si on peut appeler cela de l’ironie — cet étrange phénomène qui oppose des éléments de la société globale, soi-disant les plus évolués, les plus éduqués, les plus riches essayant de nous détruire tous, et des peuples soi-disant « arriérés », pré-technologiques, qui demeurent en périphérie, essayant de freiner la course vers le désastre. Si un extra-terrestre nous observait, il penserait que nous sommes fous à lier. En fait, c’est vraiment le cas. Mais cette folie se rapporte à la structure institutionnelle de base des DCRE. C’est ainsi que cela fonctionne. C’est intégré dans les institutions. C’est une des raisons pour lesquelles le changement va s’avérer très difficile.

JS : Dans Guerre Nucléaire et Catastrophe Environnementale (2013), vous stipulez que la société globale doit être réorganisée de manière à ce que « la protection des ‘communaux’ (les biens qui nous sont communs à tous), devienne une priorité majeure, comme ce fut souvent le cas dans les sociétés traditionnelles. » (1) Vous parvenez à des conclusions identiques dans un essai datant de l’été dernier dans lequel vous mettez en avant l’importance des efforts nécessaires à la défense du parc Gezi à Istanbul, que vous considérez comme faisant partie d’une « lutte dans laquelle nous devons tous prendre part, avec dévouement et résolution, si on veut espérer une survie décente de l’espèce humaine dans un monde sans frontières. » Comment voyez-vous la possibilité d’une transformation sociale totale et la délégation du pouvoir dans un proche avenir — à travers l’émergence et la reproduction durable d’organisations de travailleurs et de communautés, comme dans le modèle économique participatif (parecon), par exemple?

NC : C’est une proposition bien étudiée et détaillée pour une forme de contrôle démocratique des institutions populaires — sociales, économiques, politiques et autres. Et c’est particulièrement bien étudié, détaillé de manière exhaustive. Que ce soit de la bonne manière ou pas, c’est encore un peu tôt pour le dire. J’ai le sentiment qu’un minimum d’expériences doivent être menées pour voir comment les sociétés peuvent et devraient fonctionner. Je reste sceptique sur les possibilités d’en faire une ébauche détaillée à l’avance. Mais il est clair que cela doit être pris au sérieux au même titre que les autres propositions. Mais, une chose, en particulier, me semble un prérequis indispensable à toute vie raisonnable, en plus de l’environnement — il s’agit de la manière dont une société est censée travailler, avec des gens en position de prendre des décisions concernant les sujets qui leur importent. Mais c’est aussi un minimum pour survivre au point où en sont les choses. J’entends par là que l’espèce humaine a atteint un point unique dans son histoire — il suffit d’observer la destruction des espèces, oubliez l’espèce humaine. La destruction des espèces se produit au même taux qu’il y a 65 millions d’années, quand un astéroïde a frappé la planète et anéantit les dinosaures et un nombre considérable d’espèces — destruction massive d’espèces. C’est exactement ce qui est en train de se reproduire en ce moment, et les humains sont l’astéroïde. Et nous sommes sur la liste, pas loin.

JS : Dans un discours réédité il y a plus de 20 ans dans le film « La fabrique du consentement », vous décrivez l’hégémonie de l’idéologie capitaliste comme réduisant le monde du vivant de la planète Terre d’une « ressource infinie » en « une poubelle infinie ». Vous aviez déjà identifié à l’époque la tendance capitaliste à la destruction totale: vous parlez de la trame d’annulation de la destinée humaine si la folie du capitalisme n’est pas jugulée d’ici-là, de la possible « phase terminale de l’existence humaine ». Le titre et les idées de « Dominer le Monde ou sauver la Planète » (2003) est dans la continuité et dans « Hopes and prospects » (2010), vous déclarez que la menace qui pèse sur les chances de survie décentes est un facteur externe majeur produit encore une fois par la DCRE. Dans quelle mesure pensez-vous qu’une résurgence de mouvements anarchistes internationaux pourrait répondre de manière positive à des tendances si alarmantes?

NC : Selon moi, l’anarchisme est la forme de pensée politique la plus évoluée. Comme je l’ai dit, l’anarchisme tire des Lumières ses meilleurs idéaux; les principales contributions du libéralisme classique les portent en avant. Parecon, que vous mentionnez, en est une illustration — ils ne se qualifient pas d’anarchistes — mais il y en a d’autres comme eux. Donc, je pense qu’une résurgence de mouvement anarchiste, ce qui serait le summum de l’intellect de la civilisation humaine, devrait se joindre aux sociétés indigènes du monde afin qu’ils n’aient pas à porter seuls le poids du sauvetage de l’humanité de sa propre folie. Cela devrait se produire au sein des sociétés les plus riches et puissantes. C’est une sorte de truisme moral, plus vous avez de privilèges, plus grande votre responsabilité. C’est élémentaire dans tout domaine: vous avez des privilèges, donc des opportunités, donc des choix à faire, donc des responsabilités. Dans les sociétés riches, puissantes et privilégiées comme la nôtre — nous sommes tous des privilégiés ici — nous avons la responsabilité d’être les premiers à tenter de prévenir les désastres que nos propres institutions sociales sont en train de créer. C’est odieux d’exiger, ou simplement d’observer les plus pauvres, les plus opprimés du monde tenter de sauver l’espèce humaine et d’innombrables autres espèces de la destruction. Nous devons nous joindre à eux. Tel est le rôle d’un mouvement anarchiste. […]

Et aussi, cet excellent discours:

Source : Noam Chomsky et Javier Sethness, pour TruthOut, traduit par Nicolas Casaux et Hélèna Delaunay, pour Le Partage, le 5 janvier 2016.

Source: http://www.les-crises.fr/ecologie-ethique-et-anarchie-entretien-avec-noam-chomsky/


La Californie peine à juguler une fuite monumentale de méthane

Sunday 10 January 2016 at 02:21

Source : Marie Simon, pour L’Express, le 17 décembre 2015 (mis à jour le 7 janvier 2016).

Les mercaptans sont des additifs qui permettent de détecter une fuite de méthane, gaz inodore, comme celle en cours en Californie du Sud. Problème: ils peuvent entraîner nausée, vertiges, maux de tête et de ventre, saignements de nez…

Le méthane fuit abondamment de la réserve souterraine d’Aliso Canyon, aux abords de Los Angeles, en Californie. L’état d’urgence a été déclaré par le gouverneur, onze semaines après la détection de cette fuite dont l’impact environnemental est déjà comparé à celui de la marée noire du Golfe du Mexique en 2010.

Depuis fin octobre, lentement mais sûrement, une chape de méthanese forme au-dessus de Los Angeles, puis se disperse dans le ciel de la Californie. Le méthane fuit abondamment de la réserve souterraine d’Aliso Canyon, à proximité du quartier Porter Ranch, au nord-est de la mégalopole. Alors que cette fuite monumentale n’est pas prête d’être jugulée, les conséquences se font sentir sur la population de Los Angeles, dont le procureur porte plainte contre la compagnie Southern California Gas (SoCalGas).

L’état d’urgence est déclaré

Ce mercredi 6 janvier, le gouverneur Jerry Brown a même décidé de déclarer l’état d’urgence autour de Los Angeles. Certains médias américains n’hésitent plus à comparer le phénomène à la marée noire du Golfe du Mexique en 2010, alors que les travaux pour le juguler devrait encore prendre des mois.

Chaque heure, de 36 000 à 58 000 kg de méthane s’échappentd’un puits par lequel transite ce gaz stocké à un peu plus de 2,5 km de profondeur sous les montagnes de Santa Susana. Le gaz fuit d’abord dans le sol avant d’atteindre la surface et de se dissiper, a confirmé un porte-parole du California Air Resources Board qui a effectué ces relevés édifiants, publiés fin novembre. Chaque mois, c’est le gaz qui aurait pu chauffer 3 millions de maisons qui est ainsi perdu.

Mi-décembre, on estimait que près de 2% du stock d’Aliso Canyon s’étaient déjà volatilisé. Il s’agit du plus grand site de stockage de gaz naturel de l’Ouest des Etats-Unis. Et d’un des plus importants du pays qui recycle quelque 300 anciens champs pétroliers asséchés “en y injectant du gaz naturel l’été pour le récupérer l’hiver, comme une gigantesque réserve pour assurer le chauffage” de Los Angeles, décrit Wired. Quand tout se passe bien. Ce n’est pas le cas depuis six semaines : un des 115 puits d’Aliso Canyon n’est plus étanche.

Une fuite invisible mais pas sans conséquence sanitaires

Mais ce “tsunami” reste invisible, note CNN, car le méthane est incolore… “Si nous utilisions la technologie pour rendre la fuite visible, nous pourrions distinguer un nuage géant au-dessus de Los Angeles. De quoi déclencher la frénésie médiatique, l’indignation publique et une action gouvernementale urgente”, estime Fred Krupp, président de l’Environmental Defense Fund (EDF). Une ONG l’a fait: Earthworks a utilisé une caméra thermique pour montrer la fuite dans une vidéo.

Cette autre vidéo montre comment le méthane redescend le long du flanc de la montagne.

Or les autorités commencent seulement à réagir, alors que “l’impact sur le climat et sur la communauté est déjà bien réel”, ajoutait Fred Krupp mi-décembre. Nausée, vertiges, maux de tête et de ventre, saignements de nez, vomissements… Voici les symptômes dont se plaignent des centaines de résidents de Porter Ranch, gênés par une odeur persistante de soufre, d’après le Los Angeles Times. SoCalGas a déjà reçu 4550 appels de particuliers demandant à être relogés. Pour l’heure, 1800 foyers ont déjà été déplacés, tandis que des écoles pourraient prochainement fermer, raconte le quotidien local.

Le méthane ne serait toutefois pas directement en cause: lesmercaptans. Ces additifs permettent de détecter une fuite de méthane, gaz inodore, mais ils peuvent aussi provoquer les symptômes décrits par les habitants de ce quartier. L’inquiétude de la population est également liée à la présence de benzène, un agent cancérogène, détectée dans la fuite.

Le méthane, un gaz inflammable et à effet de serre

Autre crainte: le méthane, hautement inflammable, pourrait-il s’embraser? Par précaution, l’administration fédérale de l’aviation civile a instauré une “no-fly zone” début décembre, afin d’éviter que la moindre étincelle d’un moteur n’entraîne une catastrophe supplémentaire. L’interdiction de survol concerne les vols inférieurs à 600 m d’altitude, dans un rayon d’un kilomètre autour de la fuite, alors que le réservoir se situe à 50 km environ de l’aéroport international de Los Angeles. L’interdiction court jusqu’au 8 mars prochain.

Le méthane présente un inconvénient supplémentaire. Il fait partie des fameux gaz à effet de serre, club restreint dont le dioxyde de carbone est le membre le plus célèbre. Or, entre le CO2 et le CH4, il est difficile de dire lequel est le pire: certes, le méthane reste moins longtemps dans l’atmosphère (plus ou moins 12 ans)… mais sonpotentiel de réchauffement global (PRG) est environ 25 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone.

Fin novembre, les autorités californiennes estimaient déjà que la fuite avait ajouté 25% aux émissions classiques de méthane de l’Etat entier sur une période d’un mois. Elle devrait donc plomber le bilan environnemental de la Californie, l’un des cinq Etats américains les plus vertueux en termes de lutte contre le réchauffement climatique, selon l’organisation Climate Central. D’autant que cette fuite est loin d’être terminée.

Creuser un deuxième puits pour “soulager” la fuite

Depuis six semaines, SoCalGas et les autorités ne sont en effet pas restées les bras croisés, mais “ce n’est pas une fuite simple du tout à gérer” a justifié Steve Bohlen, chef de l’autorité régulatrice des ressources naturelles de l’Etat de Californie. “Les gens sont impatients, mais il n’est pas facile de faire quelque chose qui n’entraîne pas une catastrophe. La fuite est sérieuse maiscomplètement sous contrôle”, a-t-il ajouté.

La technique du "flaring" , ici utilisée au Mexique en 2013, serait inconcevable à Aliso Canyon.

La technique du “flaring” , ici utilisée au Mexique en 2013, serait inconcevable à Aliso Canyon.

Comment procéder? Il est inconcevable d’y mettre délibérément le feu. La technique du flaring est “utilisée pour brûler l’excès de gaz dans des zones reculées. Mais dans ce cas, la fuite est tellement importante et le flare serait tellement chaud que la situation serait encore plus difficile à contenir”, estime Wired. Le magazine rappelle qu’ “un puits a déjà pris feu à Aliso Canyon à cause d’étincelles causées par des grains de sable qui remontaient le long du conduit, en 1975″. Et ce, à quelques encablures seulement de Los Angeles.

La technique classique consistant à injecter de la boue pour “tuer” la fuite a été tentée. En vain. SoCalGas, qui nie toute lenteur dans sa réaction, a donc entrepris de creuser un deuxième puits pour “soulager” le premier. En parallèle, les autorités pressent la compagnie “d’explorer agressivement toutes les options” pour capturer le méthane. Car les travaux devraient encore prendre trois à quatre mois.

Source: http://www.les-crises.fr/la-californie-peine-a-juguler-une-fuite-monumentale-de-methane/


Revue de presse internationale du 10/01/2016

Sunday 10 January 2016 at 01:25

La revue internationale avec son lot d’articles en traduction, Noam Chomsky dans le thème “Réflexion” et l’Amérique du Sud dans “Vue d’ailleurs”. Merci à nos contributeurs qui démarrent 2016 en trombe ! Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-10012016/


[Vidéos] “On n’a pas les épaules à 30 ans quand on vous assimile à Hitler”, par Michel Onfray

Saturday 9 January 2016 at 03:52

Conférence “Cosmos” de Michel Onfray

Voici la vidéo du débat d’avril 2015 avec Michel Onfray, dans les salons Albert Mollat, autour de son ouvrage “Cosmos” publié aux éditions Flammarion.

En 2 formats : court et long :)

Vidéo courte (extrait grand public de 15 minutes) :

Vidéo intégrale (1 heure) :

Compléments

D’autres vidéos en complément, sur un axe plus philosophique… :

 


La poussière sur le tapis, par Michel Onfray

Source : Site officiel de Michel Onfray, Janvier 2016.

Le dernier quart de siècle aura été celui de l’effacement du réel. La télévision et la radio y ont beaucoup contribué, l’une en laissant croire que ce qui était montré était le seul réel, l’autre, en affirmant que c’était ce qui se trouve entendu. Or, la télévision montre ce qu’elle choisit et la radio ne fait entendre que ce qu’elle a élu. De sorte que ça n’est pas le réel qu’on nous présente, mais la fiction choisie par le journaliste. Nous vivons dans la fable d’un monde créé par les médias. Le réel n’ayant pas eu lieu, la fiction le remplace.

L’un des signes de cet effacement du réel est l’effacement du mot qui dit le réel. Quiconque met le signifiant sous le tapis croit avoir aboli le signifié. Ainsi, il n’y a plus de clochards, mais, d’abord des sans domiciles fixe, avant que ceux-ci ne laissent place aux SDF ; il n’y a plus de nains, mais des personnes de petite taille ; plus de gros, mais des personnes en surcharge pondérale ; plus d’avortement, mais des Interruptions Volontaires de Grossesse, puis des IVG ; plus de contraception, mais un contrôle des naissances ; plus de prolétaires, mais des OS, des OQ, des OP – autrement dit des ouvriers spécialisés, des ouvriers qualifiés, des ouvriers professionnels ; plus de ceinture ou de banlieues, mais des ZUP et des ZEP ; plus d’handicapés, mais des personnes à mobilité réduite , voire des « personnes en situation de handicap »; plus de noirs, mais des blacks ; plus de femmes de ménage, mais des techniciennes de surface ; plus d’allocations, mais des aides, voire des RSA ; plus de juifs, mais des feujs ; plus de maghrébins, mais des beurs ; plus d’émigrés ou d’immigrés, mais des migrants ; plus de vieux, mais des personnes du troisième âge ; plus d’homosexuels, mais des gays ; plus de chômeurs, mais des demandeurs d’emploi ; plus de téléphone, mais des iPhone ou des Smartphones ; plus de droits de l’homme, mais des droits humains ; plus de tiers-monde mais des pays en voie de développement ; plus de prostituées, ni de putes bien sûr, mais des travailleuses du sexe ; plus d’élèves, mais des apprenants ; plus d’instituteurs, mais des professeurs des écoles ; plus de professeurs, mais des enseignants ; plus de ballons, mais des référentiels bondissants ; plus de lectures sur scène, mais des mises en voix ; plus de romanichels, mais des gens du voyage ; plus de sexe, mais du genre ; plus de races, mais des peuples ; plus de mensonges mais des contre-vérités ; sans parler des tsunamis qui ont remplacé les raz-de-marée ou les congères qui prennent la place des tas de neige, voire de la neige à laquelle la vulgate médiatique substitue désormais le stupide manteau neigeux …

Voilà comment on ne peut plus parler de marchandisation d’utérus puisqu’il s’agit d’une gestation pour autrui ; ni de crimes de guerre puisque ce sont des dommages collatéraux. De même pourquoi ferait-on encore la révolution puisqu’il n’y a plus ni prolétaires ni femmes de ménage, ni chômeurs ni clochards. Et pourquoi y aurait-il encore une école puisqu’il n’y a plus ni instituteur ni professeur ? Rabelais faisait dire à Pantagruel : « Si les signes vous fâchent, ô quand vous fâcheront les choses signifiées ? ». Les signes étant morts, les choses signifiées le sont aussi. Le désert avance…

Source: http://www.les-crises.fr/on-na-pas-les-epaules-a-30-ans-quand-on-vous-assimile-a-hitler-onfray/


Revue de presse du 09/01/2016

Saturday 9 January 2016 at 01:59

La revue de presse avec notamment sous le thème “Vue d’ailleurs”, une fois n’est malheureusement pas coutume, trois articles scientifiques. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-09012016/


[VIDEO] Terrorisme, État d’Urgence, où sont les solutions ? Journaliste, Renseignement, Stratégiste, Hacker. Par Thinkerview

Friday 8 January 2016 at 03:20

Encore une excellente vidéo de Thinkerview…

Source : Youtube, ThinkerView, 30-12-2015

Thinkerview revient sur l’actualité avec Hervé Brusini, Pierre Conesa et Eric Filiol.

Source : Youtube, ThinkerView, 30-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/video-terrorisme-etat-durgence-ou-sont-les-solutions-journaliste-renseignement-strategiste-hacker-par-thinkerview/