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[VIDEO] Terrorisme, État d’Urgence, où sont les solutions ? Journaliste, Renseignement, Stratégiste, Hacker. Par Thinkerview

Friday 8 January 2016 at 03:20

Encore une excellente vidéo de Thinkerview…

Source : Youtube, ThinkerView, 30-12-2015

Thinkerview revient sur l’actualité avec Hervé Brusini, Pierre Conesa et Eric Filiol.

Source : Youtube, ThinkerView, 30-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/video-terrorisme-etat-durgence-ou-sont-les-solutions-journaliste-renseignement-strategiste-hacker-par-thinkerview/


Regarder les images des attentats peut être pire que de les vivre…

Thursday 7 January 2016 at 03:05

Comme cela fait 1 an que nous avons basculé dans l’ère de la pression médiatique sur le terrorisme (notez que depuis novembre, a contrario, on n’entend presque plus parler des migrants qui saturaient les ondes en septembre octobre, zoup, plus de problème…), j’ai trouvé intéressant de sortir cet article de 2013 sur les conséquences psychiques du battage médiatique (qui est, au passage, le but des terroristes…).

De toutes façons, j’ai toujours pensé que les “médias” actuels finiront par détruire, non pas la Démocratie (vu qu’elle n’existe pas), mais au moins l’environnement “libéral” (au sens politique) dans lequel nous vivons…

P.S. tiens, le suicidaire du jour a encore bien compris comment mourir en grande pompe grâce à nos médias, qui vont nous en reparler durant 3 jours… Pourtant, quand une personne déterminée à mourir attaque, et ne tue personne, c’est qu’on a généralement affaire à un suicidaire, pas à un terroriste… Il y a souvent ça aux USA – sans le coté musulman – : le “suicide by cop”.

Source : RTL, AFP, 15-04-2013

Une jeune femme pleure lors d’une veillée le lendemain de l’attentat de Boston le 15 avril 2013.

Les personnes qui ont passé six heures par jour à éplucher les médias pour avoir des informations sur l’attentat du marathon de Boston ont été plus traumatisées que celles qui étaient sur place, affirme une étude américaine publiée lundi 9 décembre. Dans ces travaux publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, les chercheurs ont étudié les conséquences psychologiques d’une exposition répétée à la violence via les médias traditionnels et numériques, après cet attentat, le premier sur le sol américain depuis ceux du 11-Septembre.

L’impact des images

Deux bombes fabriquées à partir de cocottes-minutes pressurisées ont explosé près de la ligne d’arrivée du marathon de Boston le 15 avril, faisant trois morts et 260 blessés, parmi lesquels plusieurs amputés. Les images les plus crues de cette scène de violence ont été censurées ou édulcorées par les médias mais de nombreux clichés bruts ont été mis en ligne sur les médias sociaux par des témoins, a expliqué Roxane Cohen Silver, l’une des auteurs de cette recherche.

“Ce qui nous a frappé, c’est l’impact que ces images ont eu - y compris sur les personnes qui n’étaient pas présentes ce jour-là”, a expliqué ce professeur de psychologie à l’université Irvine de Californie. “La couverture médiatique a suscité davantage de réactions aigües au stress que l’expérience même” de l’attentat, a-t-elle précisé. Le stress aigu se définit par un ensemble de symptômes comme des pensées entêtantes, un état d’hyper-vigilance permanent ou encore des flashbacks.

Les chercheurs ont ainsi demandé aux 4.675 participants à cette étude quelle avait été leur consommation des médias dans les deux à quatre semaines suivant l’attentat et quel avait été leur état psychologique. Sans surprise, les témoins de l’attentat ou les personnes connaissant des gens qui étaient présents le 15 avril dernier ont montré plus de signes de stress que les personnes qui n’y étaient pas. Ils ont également été plus enclins à consulter les médias sur la question.

Responsabilité des médias

Mais la donne semble s’inverser pour les personnes qui ont consulté de la documentation sur l’attentat plus de six heures par jour, a expliqué Roxane Silver. “Il ne s’agit pas de minimiser les conséquences de l’exposition directe à un drame mais plutôt de dire que la couverture médiatique a déclenché encore plus de stress aigu”, a-t-elle ajouté.

Les personnes s’étant informées six heures par jour et plus ont été neuf fois plus sujettes au stress aigu que celles n’ayant consulté les médias qu’une heure par jour. Dans l’étude, la consultation moyenne des médias a été de 4,7 heures par jour et comprenait la lecture d’articles, le visionnage de reportages télévisés et de vidéos de l’explosion des bombes et la consultation d’images et de témoignages sur les médias sociaux. Cette étude soulève la question de la responsabilité morale des organes d’information, déjà soulevée par le passé par des recherches sur les traumatismes indirects, a expliqué Bruce Shapiro, directeur à l’université de Columbia d’un département spécialisé dans le traitement par les journalistes des conflits ou des attentats.

Il précise néanmoins qu’un état de stress aigu ne conduit pas nécessairement à un état de stress post-traumatique. Il faut pour cela que les symptômes perdurent au-delà de six semaines et modifient profondément la vie des personnes qui les expérimentent. Roxane Silver fait valoir que le paysage médiatique contemporain offre un accès plus facile aux images qui peuvent être dérangeantes, surtout si elles sont visionnées plusieurs fois par des personnes livrées à elle-mêmes. “Les gens devraient être conscients qu’il n’y a aucune retombée psychologique bénéfique à visionner des images horribles de manière répétée”, a-t-elle mis en garde.

Source : RTLAFP, 15-04-2013

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Des blessures psychiques possibles dans tout le pays

Source : Le Figaro, Damien Mascaret, 16-11-2015

Moment de recueillement rue Bichat, devant le restaurant Le Carillon dans le Xe arrondissement, lundi à Paris.

Les populations exposées à des attaques terroristes présentent des signes de stress post-traumatiques profonds et durables et l’onde de choc ne se limite pas aux personnes directement concernées. 

 Les terroristes n’ont pas seulement frappé Paris. Les blessures psychiques sont profondes dans tout le pays et les plaies mettront du temps à se refermer. Elles laisseront des cicatrices durables chez certains de nos concitoyens, sans même parler des proches des victimes pour qui la vie s’est brisée le 13 novembre. C’est le triste enseignement d’autres attentats terroristes, dans d’autres lieux, d’autres pays.

«Les données accumulées après des attaques terroristes de grande ampleur, telles que le 11 Septembre, laissent penser que le fardeau des problèmes de santé mentale, notamment le syndrome de stress post-traumatique, peut être substantiel et durable parmi la population exposée aux attaques à Paris», explique au Figaro le Pr Yuval Neria, directeur du programme de recherche à l’Institut psychiatrique de l’État de New York (université Columbia).

À Paris, mais pas seulement. Dans la semaine qui suivit les attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001, une étude de l’université de Californie montrait que près de la moitié des adultes et un enfant sur trois présentaient des signes de stress et cela à travers tous les États-Unis.

L’onde de choc d’un attentat majeur ne se limite donc pas aux personnes directement concernées par le drame, même si la proximité géographique augmente les risques de souffrir d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). C’est-à-dire de souvenirs intrusifs faisant revivre l’événement avec pour conséquence un comportement d’évitement de tout ce qui pourrait l’évoquer, mais aussi de dépression, d’insomnie, d’anxiété et de colère.

Exposition à travers les médias

Le deuxième mois suivant le 11 septembre, le Pr William Schlenger et ses collègues de l’université de Duke, en Caroline du Nord, remarquaient que le risque était maximal dans la ville de New York (11% de TSPT) mais atteignait tout de même 4% dans le reste du pays. Il s’atténuait au fil des mois.

«Le risque de problèmes de santé mentale après une exposition indirecte à travers les médias est aussi substantiel, particulièrement dans les suites immédiates, explique le Pr Neria, mais ils diminuent ensuite, d’autant que beaucoup de gens sont relativement résilients et n’auront pas de troubles mentaux à long terme.»

Dans une enquête portant sur la santé mentale de plus de 1900 Américains après le 11 Septembre, le Pr Roxane Cohen Silver (université de Californie) dénonçait le «mythe» selon lequel l’impact psychologique serait proportionnel au degré de proximité du drame et invitait à tenir plutôt compte de «l’énorme variabilité des réponses» individuelles.

Source : Le Figaro, Damien Mascaret, 16-11-2015

Source: http://www.les-crises.fr/regarder-les-images-des-attentats-peut-etre-pire-que-de-les-vivre/


Les missiles d’Okinawa du mois d’octobre 1962, par Aaron Tovish

Wednesday 6 January 2016 at 01:20

Encore une incroyable histoire des bienfaits des armes nucléaires…

En tout cas, les leçons ont été tirées de ce genre d’incident : tout est automatisé désormais. :(

L’espèce humaine : l’avenir d’une illusion ?

Source : Bulletin of the Atomic Scientists, le 25/10/2015

Aaron Tovish

John Bordne, un habitant de Blakeslee en Pennsylvanie, a dû garder pour lui son histoire personnelle pendant plus de cinquante ans. C’est seulement récemment que l’armée de l’Air des États-Unis l’a autorisé à la conter, et, si sa vérité est confirmée, elle constituera un ajout terrifiant à la liste déjà longue et effrayante des erreurs et dysfonctionnements qui ont failli plonger le monde dans la guerre nucléaire.

L’histoire commence juste après minuit, aux toutes premières heures du 28 octobre 1962, au moment même où la crise des missiles de Cuba atteignait son sommet. John Bordne, qui était alors navigant de l’armée de l’air, raconte qu’il a pris son service plein d’appréhension. A ce moment-là, en réponse à l’évolution de la crise née du déploiement secret de missiles soviétiques à Cuba, toutes les forces stratégiques américaines avaient été mises en état d’alerte numéro 2 (Defense Readiness Condition 2, DEFCON2) ; ce qui veut dire qu’elles étaient prêtes à passer à l’état d’alerte numéro 1 (DEFCON1) en quelques minutes. Une fois sous DEFCON1, un missile peut être lancé dans les quelques minutes qui suivent l’ordre donné à une équipe de le faire.

Bordne officiait dans l’un des quatre sites secrets de lancement de missiles de l’île japonaise d’Okinawa alors sous occupation américaine. Il y avait deux centres de contrôle des lancements sur chaque site. Chacun d’eux était servi par une équipe de sept membres. Avec le soutien de son équipe, chaque officier de tir était responsable de quatre missiles Mace B équipés de charges nucléaires mark 28. Le modèle de charge mark 28 avait une puissance équivalente à 1,1 million de tonnes de TNT, c’est-à-dire que chaque charge était à peu près 70 fois plus puissante que les bombes d’Hiroshima et Nagasaki. Toutes ensemble, on avait donc là 35,2 millions de tonnes de TNT. Avec sa portée de 2 300 kilomètres, le Mace B d’Okinawa pouvait atteindre les capitales communistes de Hanoi, Pékin, et Pyongyang, et aussi les installations militaires de Vladivostok.

Plusieurs heures après le début de son service, dit-il, le commandant du centre d’opérations d’Okinawa a commencé une transmission radio vers les quatre sites, comme il était habituel de le faire à la moitié du temps de service. Après les vérifications ordinaires de l’heure et la mise à jour des informations météo, arrivait l’ordinaire chaîne de caractères du code. Normalement le début de la chaîne ne correspondait pas aux caractères qu’avait l’équipe. Mais cette fois-ci, les caractères étaient les mêmes, indiquant qu’une instruction spéciale devait suivre. De temps à autre, on transmettait des caractères se correspondant, à titre d’entraînement, mais dans ces cas-là la seconde partie du code ne correspondait pas à celle du code détenu par l’équipe de lancement. Lorsque l’alerte avait été portée au niveau 2, les équipes avaient été informées qu’il n’y aurait plus de tels tests. Donc, cette fois-ci, où la première partie du code transmis coïncidait avec la première partie du code des équipes, l’équipe de Bordne s’est immédiatement alarmée, et, de fait, la seconde partie du code transmis, pour la première fois, coïncidait aussi.

A ce stade, l’officier de tir de l’équipe de Bordne, le capitaine William Bassett, avait l’autorisation d’ouvrir sa pochette. Si le code contenu dans la pochette coïncidait avec la troisième partie du code transmis par radio, le capitaine avait pour instruction d’ouvrir une enveloppe prise dans la pochette et contenant les informations sur les cibles et les clés de lancement. Bordne dit que tous les codes correspondaient, confirmant l’authenticité de l’ordre de lancement de tous les missiles de l’équipe. Puisque l’émission à mi-service était à destination de toutes les huit équipes, le capitaine Bassett, en tant que plus haut responsable sur le terrain pendant ce service, a commencé à prendre la direction des opérations, sur la supposition que les sept autres équipes de l’île d’Okinawa avaient aussi reçu l’ordre, comme me l’a fièrement dit Bordne au cours d’un entretien de trois heures en mai 2015. Il m’a également permis de lire dans ses mémoires non publiées le chapitre sur cet incident, et j’ai échangé avec lui plus de cinquante courriels pour être bien sûr que je comprenais son récit de l’incident.

Selon le compte rendu de Bordne, au moment du pic de la crise des missiles de Cuba, les équipes de l’armée de l’air américaine basées à Okinawa avaient reçu l’ordre de lancer 32 missiles, chacun d’entre eux portant une forte charge nucléaire. Seule la prudence, le bon sens et l’action décisive des personnes en poste ayant reçu ces ordres a empêché le lancement – et évité la guerre nucléaire qui plus probablement aurait suivi.

Le journal japonais Kyodo News a parlé de cette affaire, mais seulement en ce qui concerne l’équipe de Bordne. Selon moi, les souvenirs complets de Bordne, parce qu’ils impliquent aussi les sept autres équipes, doivent être aussi bien rendus publics maintenant, car ils fournissent plus de raisons qu’il n’en faut au gouvernement américain pour rechercher et publier en temps opportun tous les documents en rapport avec ce qui s’est passé à Okinawa pendant la crise des missiles de Cuba. S’il est vrai, le compte rendu de Bordne sera un apport appréciable à la compréhension historique, non seulement de la crise cubaine, mais du rôle qu’ont joué, et continuent à jouer en cet Age Nucléaire, les accidents et les erreurs de calcul.

Ce qu’affirme Bordne. Bordne avait été longuement interrogé l’année dernière par Masakatsu Ota, collaborateur important du Kyodo News, journal qui se décrit lui-même comme le principal organe d’information japonais, présent partout dans le monde avec plus de quarante bureaux hors du Japon. Dans un article de mars 2015, Ota exposait la plus grande partie du récit de Bordne et écrivait qu’ “un autre vétéran américain ayant servi à Okinawa a lui aussi récemment confirmé [ce que dit Bordne] sous condition d’anonymat”. Ota a par la suite refusé de dévoiler l’identité de ce vétéran, à cause de la promesse d’anonymat qui lui avait été faite.

Ota ne rapporte pas les parties de l’histoire racontée par Bordne et qui sont basées sur les échanges téléphoniques que Bordne dit avoir surpris entre son officier de tir, le capitaine Basset, et les sept autres officiers de tir. Bordne, qui était dans le centre de contrôle de lancement avec le capitaine Basset, n’était directement au courant que de ce qui se disait à un bout de la ligne au cours de ces conversations – sauf dans le cas où le capitaine aurait directement répété à Bordne et aux deux autres membres de l’équipe présents dans le centre de contrôle de lancement ce que venait de dire un autre officier de tir.

Cette réserve étant entendue, voici le compte rendu fait par Bordne de la suite des événements de cette nuit :

Immédiatement après avoir ouvert sa pochette et obtenu la confirmation qu’il avait bien reçu les ordres de lancement de tous les quatre missiles dont il était responsable, le capitane Basset, m’a dit Bordne, a manifesté son impression que quelque chose clochait. Les ordres de lancement d’armes nucléaires n’étaient censés être donnés qu’au plus haut état d’alerte ; et, en effet, c’était là la différence principale entre DEFCON2 et DEFCON1. Bordne se souvient du capitaine disant “Nous n’avons pas reçu l’avis de montée à DEFCON1, ce qui est hautement irrégulier, et il nous faut procéder avec prudence. Cet ordre peut être vraiment voulu, ou ce peut être le plus énorme plantage qu’on aura jamais connu de toute notre existence.”

Pendant que le capitaine consultait par téléphone d’autres officiers de lancement, l’équipe se demandait si par extraordinaire l’ordre de passage à DEFCON1 aurait pu être brouillé par l’ennemi, tandis que le bulletin météo et l’ordre de lancement codé aurait pu d’une façon ou d’une autre réussir à passer. Et, se souvient Bordne, le capitaine Basset faisait connaître une autre inquiétude communiquée par l’un des autres officiers de lancement : une attaque préventive était déjà en cours, et, dans leur précipitation à répondre, les commandants s’étaient dispensés du stade DEFCON1. Après quelques calculs rapides, les membres de l’équipe réalisèrent que si Okinawa avait été la cible d’une attaque préventive, ils auraient déjà dû avoir senti l’impact. Chaque moment qui passait sans les bruits et les tremblements d’une explosion rendait cette possible explication de moins en moins plausible.

Malgré tout, pour se protéger de cette éventualité, le capitaine Basset a donné l’ordre à l’équipe de vérifier définitivement que les missiles étaient prêts à être lancés. Quand le capitaine prit connaissance de la liste des cibles, il apparut, à la grande surprise de l’équipe, que trois des quatre cibles n’étaient pas en Russie. A ce moment, se rappelle Bordne, le téléphone inter-site a sonné. C’était un autre officier de tir, faisant savoir que sa liste contenait deux cibles non russes. Pourquoi s’en prendre à des pays non-belligérants ? Ceci ne semblait pas être approprié.

Le capitaine ordonna que les portes des baies des missiles aux objectifs non-russes restent fermées. Puis il entrouvrit la porte du missile visant la Russie. Dans cette position, elle pouvait facilement être complètement ouverte (même à la main), ou, dans le cas où surviendrait une explosion à l’extérieur, être fermée par le souffle, augmentant ainsi les chances du missile d’échapper à la destruction. Il prit la radio et avisa toutes les autres équipes de faire la même chose, en attendant une “clarification” de la communication faite à mi-service.

Bassett a alors appelé le Centre des opérations de missiles et a demandé, sous le prétexte que la transmission d’origine ne lui était pas parvenue clairement, que le rapport envoyé à mi-service lui soit retransmis. L’espoir était que cela aiderait ceux du centre à remarquer que l’instruction codée de la transmission originale avait été délivrée par erreur et qu’ils profiteraient de la retransmission pour corriger les problèmes. À la consternation de toute l’équipe, après la vérification de l’heure et la mise à jour du bulletin météo, l’instruction de lancement codée a été réitérée, sans changement. Les sept autres équipes ont également entendu la répétition de l’instruction.

Selon le compte-rendu de Bordne, qui, rappelons-le, est basé sur ce qu’il entendait à un bout seulement de la ligne téléphonique, la situation d’une équipe de lancement était particulièrement difficile : tous ses objectifs étaient en Russie. Son officier de lancement, un lieutenant, ne reconnaissait pas que l’officier supérieur sur le terrain – c’est à dire le capitine Bassett -  avait l’autorité nécessaire pour lui intimer de passer outre à l’ordre maintenant répété du commandant. Le second officier de lancement de ce site a rapporté à Bassett que le lieutenant avait ordonné à son équipe de procéder au lancement de ses missiles ! Bassett a immédiatement ordonné à l’autre officier de lancement, ainsi que Bordne se souvient, “d’envoyer deux aviateurs avec des armes pour abattre le [lieutenant] s’il essaie de lancer sans [ou bien] l’autorisation verbale de l’officier supérieur sur le terrain ou bien l’ordre de passage au niveau DEFCON 1 du Centre des Opérations des Missiles .” Près de 30 mètres de tunnel souterrain séparaient les deux Centres de Contrôle de Lancement.

A ce moment le plus stressant, ajouta Bordne, il lui apparu soudain qu’il était très bizarre qu’une si importante instruction soit punaisée à la fin d’un bulletin météo. Il fut également frappé par l’étrange fait que le commandant ait méthodiquement répété l’instruction codée sans la moindre trace de stress dans sa voix, comme si elle n’était pas rien de plus qu’une corvée ennuyeuse. Les autres membres de l’équipe en ont convenu ; Bassett s’est immédiatement résolu à téléphoner au commandant pour lui dire qu’il avait besoin d’une ou deux choses :

A en juger par ce que Bordne dit de ce qu’il avait entendu de la conversation téléphonique, cette demande a provoqué une réaction plus marquée par le stress de la part du commandant, qui a immédiatement pris la radio et dicté une nouvelle instruction codée. C’était un ordre de retirer les missiles … et, juste comme ça, l’incident était clos.

Pour s’assurer que la catastrophe avait vraiment été évitée, le Capitaine Bassett a demandé et reçu la confirmation des autres officiers de lancement qu’aucun missile n’avaient été tiré.

Au début de la crise, nous dit Bordne, le capitaine Bassett avait prévenu ses hommes. “Si tout ceci a lieu parce que quelqu’un a merdé et qu’on ne lance pas les missiles, nous n’en aurons aucune reconnaissance, et ceci ne sera jamais arrivé.” Et maintenant, quand tout a été fini, il a dit : “Aucun d’entre nous ne parlera de quoi que ce soit de ce qui s’est passé ici cette nuit, et je dis bien de quoi que ce soit. Pas de discussion dans les baraquements, dans un bar, ou même ici sur le site de lancement. Suis-je parfaitement clair ?”

Pendant plus de cinquante ans, le silence a été observé.

Pourquoi le gouvernement devrait rechercher et communiquer les documents. Tout de suite. Maintenant cloué en fauteuil roulant, Bordne a tenté, jusqu’ici sans succès, de retrouver les dossiers liés à l’incident d’Okinawa. Il soutient qu’une enquête a été menée et que chaque officier de lancement a été interrogé. Environ un mois plus tard, dit Bordne, ils ont été appelés à participer à la cour martiale jugeant le commandant qui a émis les ordres de lancement. Bordne dit que le Capitaine Bassett, dans la seule violation de son propre ordre de secret, a dit à son équipe que le commandant avait été rétrogradé et forcé à prendre sa retraite à la fin de la période de service minimum de 20 ans, qu’il était sur le point de terminer de toute façon. Aucune autre mesure n’a été prise, pas même l’attribution d’éloges aux officiers de lancement qui avait empêché une guerre nucléaire.

Basset est mort en mai 2011. Bordne a cherché, en utilisant internet, à retrouver d’autres membres de l’équipe de lancement qui pourraient être capables de l’aider à compléter ses souvenirs. Le National Security Archives, un groupe de surveillance basé à la bibliothèque Gelman de l’Université George Washington, a formulé une demande auprès de l’Armée de l’Air au nom de la loi sur l’accès libre à l’information, cherchant à obtenir les dossiers relatifs à l’incident d’Okinawa, mais souvent de telles demandes n’aboutissent jamais avant des années, quand elles aboutissent.

Je reconnais que le compte-rendu de Bordne n’est pas définitivement validé. Mais je me rends compte qu’il a toujours dit la vérité sur tous les points que j’ai pu confirmer. Un incident de cette importance, je crois, ne devrait pas avoir à reposer sur le témoignage d’un seul homme. L’ Armée de l’Air et d’autres organismes gouvernementaux devraient de leur propre initiative rendre disponible dans son intégralité, et rapidement, toute espèce d’information qu’elles ont sur cet incident. On a longtemps présenté une fausse image au public des dangers inhérents au déploiement d’armes nucléaires.

Le monde entier a le droit de connaître la vérité complète sur le danger nucléaire auquel il est confronté.

Note de l’éditeur : au moment où l’on était en train d’envisager la publication de cet article, Daniel Ellsberg, qui était un consultant de la Rand Corporation au ministère de la Défense au moment de la crise des missiles de Cuba, a envoyé un long message par courriel au Bulletin, à la demande de Tovish. Le message déclarait, en partie : “Je pense qu’il est urgent de savoir si l’histoire de Bordne et les conclusions provisoires que Tovish en tire sont vraies, étant donné les implications qu’aurait leur vérité pour les dangers présents, et pas seulement pour l’histoire passée. Et ceci ne peut pas attendre le traitement par la “voie normale” d’une demande FOIA [Freedom of Information Act - droit d'accéder aux documents des agences fédérales, NdT] du National Security Archives ou du Bulletin. Une enquête du Congrès n’aura lieu, à ce qui semble, que si le Bulletin publie ce rapport, attentif à être prudent dans ses conclusions et sa demande pour que la documentation précise issue d’une enquête officielle, documentation dont il se dit qu’elle existe, soit publiée, mettant fin à une inexcusable (bien que très prévisible) classification prolongée.”

Au cours de cette même période, Bruce Blair, un chercheur du Programme de la Science et de la Sécurité Mondiale à l’université de Princeton, a également écrit un message électronique au Bulletin. Ceci est l’intégralité du message : “Aaron Tovish m’a demandé de peser avec vous si je pensais que son rapport devait être publié dans le Bulletin, ou bien n’importe où ailleurs. Je crois qu’il devrait l’être, même s’il n’a pas été entièrement vérifié à ce stade. Ce qui me frappe est qu’un compte-rendu de première main, provenant d’une source crédible au sein de l’équipe de lancement elle-même, est d’une grande aide pour établir le caractère plausible du compte-rendu. Ce qui me frappe aussi est le côté plausible de la suite des événements, sur la base de ce que je sais du commandement nucléaire et des procédures de contrôle au cours de cette période (et plus tard). Franchement, ce n’est pas non plus une surprise pour moi que l’ordre de lancement ait été transmis par inadvertance aux équipes de lancement nucléaire. C’est arrivé plusieurs fois à ma connaissance, et probablement plus souvent que je n’en ai connaissance. Ceci est arrivé au moment de la guerre au Moyen-Orient en 1967, quand un avion gros-porteur de l’équipe de l’arme nucléaire auquel a été envoyé un ordre d’attaque réelle au lieu d’un ordre d’exercice / entraînement nucléaire. C’est arrivé dans les années 1970 lorsque [le Strategic Air Command, Omaha] retransmit un ordre de lancement d’exercice … comme un véritable et réel ordre de lancement. (Je peux personnellement me porter garant de ce cas puisque la confusion avait été expliquée peu après aux équipes de lancement du Minuteman.) Dans ces deux incidents, la vérification de code (des moyens d’authentification cachetés dans le premier incident, et la validation du format du message dans le second) montrait qu’il n’était pas valable, contrairement à ce qui s’était passé lors de l’incident relaté par le membre d’équipage de lancement dans l’article de Aaron. Mais vous voyez ce que je veux dire. Ce n’était tout simplement pas si rare que ce genre de confusion se produise. Un dernier élément pour étayer ce point : le moment où les Etats-Unis ont été les plus près de lancer par inadvertance un missile stratégique sur ordre du Président s’est situé en 1979, lorsqu’une bande vidéo du NORAD pour l’exercice aux alertes avancées et décrivant une attaque stratégique soviétique en grandeur réelle s’est retrouvée par inadvertance diffusée dans le vrai réseau d’alerte avancée. Le conseiller à la sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, a été appelé deux fois dans la nuit pour s’entendre dire que les États-Unis était sous attaque, et il était sur le point de décrocher son téléphone pour persuader le président Carter qu’il fallait immédiatement donner l’autorisation d’une réplique dans toute sa force, quand un troisième appel l’a informé que c’était une fausse alarme.

Je comprends et je vous remercie de votre prudence éditoriale dans ce cas. Mais à mon avis, le poids de la preuve et l’héritage des erreurs nucléaires graves se combinent pour justifier la publication de ce dossier. Je pense qu’ils font pencher la balance. C’est mon point de vue, pour ce qu’il vaut.

Dans un échange de courriels avec le Bulletin en Septembre, Ota, le rédacteur en chef du Kyodo News, dit qu’il a « 100% confiance » dans son article sur le compte-rendu de Bordne des événements d’Okinawa, “même s’il manque encore beaucoup de pièces.”

Source : Bulletin of the Atomic Scientists, le 25/10/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/les-missiles-dokinawa-du-mois-doctobre-1962-par-aaron-tovish/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 6 January 2016 at 00:25

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: Chine: “Ils pensaient que ça s’était stabilisé par l’opération du Saint-Esprit” – 04/01

Olivier Delamarche VS Marc Riez (1/2): Pourquoi l’interruption des cotations engendre-t-elle la perte de contrôle des marchés asiatiques ? – 04/01

Olivier Delamarche VS Marc Riez (2/2): Les banques centrales doivent-elles impérativement agir pour accroître les marchés ? – 04/01

II. Philippe Béchade

Le best-of de Philippe Béchade de l’année 2015

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (1/2): Comment les marchés se sont-ils comportés tout au long de l’année 2015 ? – 30/12

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (2/2): El Niño aura-t-il des répercussions sur les cours des matières premières en 2016 ? – 30/12

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir: Pétrole: “il y a les prémisses d’une crise importante” – 05/01

Jacques Sapir VS Bruno Fine (1/2): Le repli de l’activité manufacturière impactera-t-il les marchés financiers ? – 05/01

Jacques Sapir VS Bruno Fine (2/2): Quels sont les avantages et les inconvénients de la baisse des prix du pétrole ? – 05/01


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-6/


[Histoire] Déchéance de nationalité, une vieille tradition…

Tuesday 5 January 2016 at 04:38

La République a commencé… 

Le dirigeant du Parti Communiste Français et député André Marty se trouve à Moscou lors de l’annonce de la signature du pacte germano-soviétique, et de la déclaration de guerre, en septembre 1939.

Il y est rejoint par le secrétaire général (et député) Maurice Thorez, qui  Le 28 novembre 1939, il est condamné à six ans de prison pour « désertion en temps de guerre ».

De retour de Moscou, toute la presse communiste ayant été interdite par le Gouvernement Daladier, Marty publie le 4 octobre 1939 dans l’hebdomadaire Monde, édité à Bruxelles pour remplacer la Correspondance internationale, une Lettre à Léon Blum pour mettre fin à la guerre qui lui vaut d’être condamné par défaut à quatre ans de travaux forcés et à la déchéance de la nationalité française par décret du 27 janvier 1940, signé du Président de la République (1932-1940) de centre-droit Albert Lebrun et du Ministre de la Justice (1939-1940) radical-socialiste Georges Bonnet (eh oui, ironie de l’Histoire, déjà un ministre de la Justice radical de gôche) du gouvernement Daladier (qui était un radical).

Le 17 février 1940, le gouvernement signe un décret qui déchoit également Thorez de la nationalité française.

Bien que condamnés, la sanction est d’abord politique et ne s’explique que par l’anticommunisme exacerbé qui marque la fin de la IIIe République.

Ainsi que le fera remarquer une note de la Chancellerie en date du 22 décembre 1944 :

« Aucune condamnation, qu’elle qu’en soit l’importance ou la gravité, ne permet, à elle seule, de déchoir de notre nationalité un Français d’origine. [...] la condamnation pour désertion prononcée contre Maurice Thorez n’a été mentionnée qu’à titre d’indication et pour donner un plus grand poids à la thèse en vertu de laquelle la déchéance de l’intéressé était poursuivie »

“La République en guerre n’hésite ainsi pas à faire de certains de ses nationaux des apatrides” [Anne Sémonin, Le déshonneur dans la République, Grasset, 2008].

In Memoriam 

Vichy a alors continué…

N’oublions jamais…

Loi du 23 juillet 1940 relative à la déchéance de la nationalité française des personnes ayant quitté la France (JO du 07/1940)

Nous, Maréchal de France, chef de l’Etat français,

Le conseil des ministres entendu,

Décrétons :

Article premier. – Tout Français qui a quitté le territoire français métropolitain entre le 10 mai et le 30 juin 1940 pour se rendre à l’étranger sans ordre de mission régulier émanant de l’autorité compétente ou sans motif légitime sera regardé comme ayant entendu se soustraire aux charges et aux devoirs qui incombent aux membres de la communauté nationale et par suite avoir renoncé à la nationalité française.

Il sera, en conséquence, déchu de cette nationalité par décret rendu sur le rapport du garde des sceaux, ministre secrétaire d’État à la justice.

Cette mesure prendra effet à partir du jour fixé par le décret et pourra être étendue à la femme et aux enfants qui ont suivi l’intéressé.

Art. 2. – Les biens appartenant à ceux contre lesquels la déchéance de la nationalité française aura été prononcée par application de l’article précédent seront, à la requête du ministère public, placés sous séquestre par ordonnance du président du tribunal civil du lieu de leur situation.

Cette ordonnance sera publiée par décret au Journal officiel.

Il sera, à la requête du ministère public, procédé, à l’expiration d’un délai de six mois à dater de l’insertion de l’ordonnance, à leur liquidation, sous l’autorité du président du tribunal civil et sous la surveillance du ministère public.
Le solde du produit de la liquidation sera versé à la caisse du Secours national.

Art. 3. – Le présent décret sera publié au Journal officiel et exécuté comme loi de l’État.

Hommage donc à :

8 décembre, Charles de Gaulle, parti  en Angleterre (condamné à mort dès le 12 aout) :

6 septembre 1940 : Pierre Cot, ancien ministre de l’Air, parti  en Angleterre

29 octobre 1940 : entre autres, Pierre Lazareff (futur créateur de France-Soir) et Alexis Léger, alias Saint-John Perse (ancien secrétaire général du ministère des affaires étrangères), partis aux États-Unis :

8 décembre 1940 : le général Catroux, parti en Angleterre. Général 5 étoiles, il est le plus haut gradé de l’armée française à se rallier à de Gaulle.

8 décembre 1940, le général Edgar de Larminat (évadé, il rejoint de Gaulle, et contribue au ralliement du Moyen-Congo à la France libre, puis organise la défense de Bir Hakeim) :

8 décembre 1940, Aristide Antoine (il était un des principaux dirigeants de l’industrie électrique française, et rejoint de Gaulle pour qui il organisa et dirigea les services de la France Libre à Londres) et Pierre-Olivier Lapie (député, rallié le 22 juin à de Gaulle, qui le nomme directeur des Affaires extérieures dans son cabinet, puis gouverneur du Tchad)

27 janvier 1941, le vice-amiral Muselier, parti en Angleterre. Premier officier général à rallier Charles de Gaulle à Londres dès le 30 juin 1940, c’est lui qui  organisa les Forces navales françaises libres ; il eut, avec Thierry d’Argenlieu, l’idée de distinguer sa flotte de celle de Vichy, en adoptant la croix de Lorraine (en souvenir de son père d’origine lorraine), qui devint ensuite l’emblème de toute la France libre.

30 avril 1941, entre autres, René Cassin (diplomate, futur prix Nobel de la paix 1968), Ève Curie (journaliste, fille de Pierre et Marie) et Georges Thierry d’Argenlieu ralliés à de Gaulle :

16 juin 1941, le (pseudo-) général Leclerc, Alexandre Felix Éboué (qui a rallié le Tchad à la France Libre le 26 aout 1940) et Jacques Soustelle (commissaire à l’information de la France Libre) :

Le 4 octobre 1941, Vichy s’est démené :

On note Louis Bonvin, qui a rallié le 26 juin 1940 les comptoirs français de l’Inde à la France Libre.

Et une masse de futurs compagnons de la Libération : Roger Barberot, Louis Bonvin toujours, Félix Broche. La liste continue :

Pierre CournarieJean GilbertHenri Laurentie,

André PatouCharles Pijeaudean-Marie QuervilleHenry de Rancourt de MimérandPierre SonnevilleJean TulasneMartial Valin

==============================

15 octobre 1941, “promotion Inspecteurs des Finances” : Maurice-André Dietheilm (rallié à la France libre, de Gaulle le nomme commissaire à l’Intérieur, au Travail et à l’Information, puis aux Finances et aux Pensions, enfin aux Finances, à l’Économie et à la Marine marchande dans le Comité national français (1941-1943). Dans le gouvernement d’Alger (CFLN), il est commissaire à la Production et au Commerce, puis au Ravitaillement et à la Production. Le 3 mars 1944, il devient commissaire à la Guerre. Futur président du RPF sous la IVe République) et Hervé Alphand (rallié à de Gaulle, il devient un des conseillers économiques, puis commissaire national à l’Économie, aux Finances et aux Colonies. Il fut, avec André Istel, l’un des maîtres d’œuvre des accords de Bretton Woods en juillet 1944)

24 janvier 1942 : André Dewavrin, dit le colonel Passy (chef des services secrets de la France libre)

29 octobre 1942 : Pierre Mendès-France

24 décembre 1942 , Pierre Brossolette (un des chefs de la Résistance ; capturé, il se défenestre en mars 1944 pour ne pas parler), Félix Gouin (un des 80 députés à n’avoir pas voté les pleins pouvoir à Pétain en juillet 1940 ; président de l’Assemblée consultative provisoire), Jacques Paris de Bollardière (combattant de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre d’Indochine et de la guerre d’Algérie. Il est l’un des Français les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale. Il fut le seul officier supérieur alors en fonction à avoir condamné ouvertement l’usage de la torture pendant la guerre d’Algérie. Il fut également une des figures de la non-violence en France)

30 janvier 1943, le général Alphonse Juin (seul général de la Seconde Guerre mondiale à avoir été élevé à la dignité de maréchal de France de son vivant, en 1952)

2 avril 1943, Couve de Murville (futur Premier Ministre)

Bilan

Au total, 446 personnes ont été déchues de la nationalité française par cette procédure (Source : Ministère des Finances, direction générale de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre, 3e division, 5e bureau, Liste des personnes qui avaient été déchues de la nationalité française en exécution des “lois” des 23 juillet 1940, 10 septembre 1940 et 8 mars 1941, s. d., 23 p.) (SourceNote : quelqu’un peut-il m’aider à récupérer cette liste svp ? Merci !

Cette procédure concernait donc des personnes nées françaises et exilées ; elle ne doit pas être confondue avec les dénaturalisations issues de la loi du 22 juillet 1940, qui permettait de retirer la nationalité aux personnes naturalisées depuis la loi sur la nationalité du 10 aout 1927. Cette procédure a concerné environ 15 000 personnes sur 195 000 (soit 8 %), déchues de leur nationalité et devenues apatrides, dont environ 6 000 Juifs.

Précédents

La France avait déjà connu certaines procédures de déchéance de nationalité, distinctes de la privation des droits civiques ou de la mort civile.

Ainsi, en 1848, une procédure de déchéance de nationalité était prévue pour les Français se rendant coupable de traite négrière après l’abolition de l’esclavage (voir ici).

Durant la Première Guerre mondiale, la déchéance de nationalité est étendue aux Français originaires de pays ennemis et, de manière plus pérenne en 1927, aux naturalisés ayant commis des crimes contre l’État à l’instar de la trahison.

En 1938-1939, elle est encore élargie aux Français d’origine étrangère ayant commis des crimes ou délits, ou même à des Françaises ayant épousé des étrangers et demandant à être réintégrées dans la nationalité française.

Vous avez ici 3 excellents billets juridiques sur l’évolution du droit : Historique de la législation sur la déchéance de la nationalité 1848-1938Quand les Français nés Français pouvaient perdre leur qualité de FrançaisPerte et déchéance de la nationalité française: origine historique des articles du code civil

 

À l’étranger, on rappellera les exemples :

L’arroseur arrosé

Comme on l’a vu, la loi du 23 juillet 1940 de déchéance indiquait “Tout Français qui a quitté le territoire français métropolitain…”

Cette loi a été complétée le 28 février 1941, pour intégrer

“tout Français qui, hors du territoire métropolitain, trahit, par ses actes, discours ou écrits, les devoirs qui lui incombent en tant que membre de la communauté nationale”

Cette loi sur la déchéance de nationalité est cosignée par le ministre des Affaires Étrangères, l’amiral François Darlan.

Le 10 février 1941, il succède à Pierre-Étienne Flandin comme chef du Gouvernement de Vichy, devenant le même jour le successeur désigné du maréchal Pétain.

Il développe la politique de collaboration avec l’Allemagne, mais sa politique échoue.

Le 18 avril 1942 Pétain remplace Darlan par Laval.

Se trouvant en Algérie au moment du débarquement américain de novembre 1942, Darlan fait défection à Vichy, et ordonne le cessez-le-feu, faisant rentrer l’Afrique française du Nord dans la lutte contre l’Axe. Grâce au soutien de Pierre Boisson, il obtiendra en outre le ralliement de l’Afrique-Occidentale française.

Laval réagit promptement : il le déchoit de sa nationalité française le 27 novembre 1942, avec le général Giraud :

Le 24 décembre 1942, Darlan est assassiné par un jeune étudiant.

Épilogue

Trouvé au hasard des recherches pour cet article.

Un jour on est en paix, et puis un autre jour on se réveille avec ce genre de choses, issue de la loi du 5 novembre 1943 :

Soyons donc fermes sur nos libertés fondamentales…

P.S. : en bonus, la nouvelle mesure du PS pour l’égalité : la déchéance pour tous

quitte donc à créer des apatrides… (on retrouve le “pourtousisme” cher à Michéa).

Je rappelle encore et encore que, pour être le débat intellectuel ne devrait porter en premier lieu que sur une question de principe : “L’État doit-il avoir le droit de retirer la nationalité d’un Français ?” (et a fortiori s’il n’a aucune autre nationalité…) – et donc de décider s’il est digne ou pas d’être Français.

Ou est-ce un droit inaliénable qu’on ne peut jamais retirer ? Ni aux pires crapules (mais la prison est faite pour elles), mais aussi ni aux gens qui déplairont fortement à l’État un jour, dans des situations qu’on imagine pas aujourd’hui…

C’est un débat intéressant et ouvert, très personnel – personne n’a tort ou raison.

Simplement, quand vous répondez “non”, le débat est simple et terminé, vous avez sécurisé l’appartenance de chaque citoyen à la Nation.

Quand vous répondez “oui” :

Source: http://www.les-crises.fr/decheance-de-nationalite-une-vieille-tradition/


De « l’esprit du 11 janvier » à la « déchéance de la nationalité » : chronique d’une année de régression culturaliste, par Saïd Bouamama

Monday 4 January 2016 at 01:01

Source : Saïd Bouamam, Investig’action, 01-01-2016

Trois séries de faits ont marqué l’année 2015. La première borne l’année par les attentats ignobles de janvier et de novembre. La seconde est constituée des instrumentalisations de l’émotion publique, qu’ils ont suscités dans une logique froide de réal-politique gouvernementale : elle va de « l’esprit du 11 janvier » à la déchéance de la nationalité en passant par le double consensus pour la poursuite de la guerre et pour l’Etat d’urgence renouvelable. La troisième est une conséquence logique de la précédente et se traduit par la banalisation des « abus » de l’Etat d’urgence, par la montée des actes islamophobes, par les résultats électoraux du Front National et par la manifestation raciste et islamophobe d’Ajaccio. Le discours médiatique et politique dominant, en présentant les deux premières séries de faits comme reliées par un ordre de causalité, légitime l’Etat d’urgence et la guerre comme nécessités de la sécurité publique. Par le procédé exactement inverse c’est-à-dire en refusant d’interroger les interactions entre les deux dernières séries de faits, les mêmes discours masquent les responsabilités gouvernementales dans le développement rapide de rapports sociaux racistes dans notre société.

Une question de méthode

Comprendre une dynamique sociale et politique suppose la recherche des liens de causalités entre des faits sociaux et politiques. Séparer ce qui est relié, nier les relations de causalités entre les faits, est une première erreur méthodologique diffusée lorsqu’un dominant, individu ou groupe social, a intérêt à masquer les causes réelles de ses décisions et de ses pratiques.

Des causes générales et abstraites sont alors mises en avant pour masquer les causes matérielles réelles. Des mots lourds envahissent alors le champ lexical. C’est ainsi que nous serions en guerre pour lutter contre la « barbarie » en Syrie aujourd’hui ou pour défendre le « droit des femmes » en Afghanistan hier et non pour des raisons de contrôle des sources pétro-gazières de la région.

C’est de même pour défendre la « laïcité » que la loi interdisant le port du foulard à l’école a été votées en 2004 et non pour détourner l’attention des effets d’un libéralisme économique destructeur. La montée de l’islamophobie, les résultats électoraux du Front National et la manifestation islamophobe d’Ajaccio sont incompréhensibles en partant de causalités générales et abstraites.

Ces faits sont le résultat de causalités matérielles précises : les décisions économiques, militaires et policières internationales et nationales de l’Etat français. La politique de guerre là-bas, de dérégulation économique et de détournement des colères sociales ici, sont, selon nous, les causalités matérielles que masquent les causalités abstraites et générales mises en avant par le discours politique et médiatique.

La recherche des causalités ne peut en outre se réduire à une approche chronologique. Ce qui précède n’est pas automatiquement la cause de ce qui succède. De même que le jour n’ a pas pour cause la nuit, le vote de l’Etat d’urgence n’a pas pour cause les attentats ignobles de novembre et la guerre en Syrie n’est pas la conséquence de l’existence de DAESH.

Deux procédés idéologiques des mécanismes de domination peuvent à ce niveau être repérés. Le premier consiste à confondre prétexte et cause. L’invasion du Koweït par l’Irak est ainsi un prétexte qui a médiatiquement et politiquement été construit comme cause pour justifier la guerre du golfe. Le second mécanisme classique des processus de domination est l’inversion de l’ordre des causes et des conséquences.

« L’esprit du 11 janvier », « l’unité nationale » et « l’état d’urgence » ne sont pas des conséquences logiques et inéluctables des attentats de janvier et décembre mais sont le résultat d’une instrumentalisation de l’émotion publique à des fins politiques et économiques libérales et guerrières.

Théorie du complot ou temporalités différenciées ?

Il est de bon ton aujourd’hui d’amalgamer l’effort de compréhension des stratégies des classes dominantes pour imposer une vision du monde conforme à leurs intérêts matériels d’une part et la « théorie du complot » d’autre part. L’accusation de « conspirationnisme », de « complotisme » ou de « confusionnisme » est même devenue une étiquette infamante brandie face à chaque effort critique. De cette façon s’opère un désarmement idéologique des contestations sociales de l’ordre dominant. Il s’agit bien d’un amalgame au sens de la confusion réductrice entre deux phénomènes hétérogènes.

La théorie du complot présente les événements politiquement signifiants comme le résultat d’une conspiration globale orchestrée en secret par un groupe social plus ou moins important. L’approche stratégique c’est-à-dire matérialiste analyse l’histoire comme le résultat de la lutte entre les groupes dominés (classes, minorités nationale et/ou ethniques, nations, femmes, etc.) et les groupes dominants basée sur une divergence d’intérêt matériel.

La première approche explique la révolution française par un complot maçonnique et la seconde par la lutte entre les féodaux, les serfs et la bourgeoisie. La première explique les luttes de libération nationale de la seconde moitié du vingtième siècle comme le résultat d’un complot communiste alors que la seconde recherche la causalité de ces luttes dans les changements du rapport des forces mondiales ouvrant de nouvelles possibilités de luttes aux colonisés. La première explique l’histoire et ses événements par l’existence d’un complot juif mondial pour dominer le monde alors que la seconde recherche les déterminants historiques dans Les évolutions des rapports de forces entre dominants et dominés. La première explique les guerres contemporaines par un complot de la société des illuminati de Bavière alors que la seconde analyse ces guerres comme conséquences de la lutte pour contrôler les sources des matières premières stratégiques.

Si l’histoire n’est donc pas faite de complots, il existe en revanche une histoire des théories du complot, des moments de leur émergence et de leur développement. Celles-ci fleurissent dans les séquences historiques de crises marquées par une crainte sur l’avenir lointain, une incertitude sur l’avenir proche, la peur du déclassement social, l’affaiblissement des facteurs de sécurités sociales et le relâchement des liens sociaux de solidarité. Cette première série de facteurs ne suffit pas. Pour que se développe les théories du complot de manière conséquente, il faut de surcroît qu’aucune explication crédible ne soit suffisamment disponible pour expliquer cette première série de faits.

C’est à ce niveau qu’apparaît la responsabilité de Hollande et Valls pour ne parler que de la société française. La nécessité vitale pour eux de masquer les véritables raisons de leurs choix politiques et économiques les orientent vers une temporalité de court terme. Les grilles explicatives proposées sont en permanence conjoncturelles, de réaction à une situation, de mensonge sur les résultats logiques de leurs choix (qui eux sont bien structurels et inscrits dans la longue durée).

Expliquer les guerres par leur véritable cause c’est-à-dire les matières premières ou le contrôle d’espaces géostratégiques les rendraient impopulaires. Expliquer la régression sociale généralisée par sa véritable cause c’est-à-dire l’enrichissement d’une minorité la rendrait impossible. La décrédibilisation de ces explications de court terme conduit à l’émergence du terreau des théories du complot comme elle conduit d’ailleurs à la construction de populations bouc-émissaires servant de base au développement des idées et groupes fascisants.

L’instrumentalisation de la réalité immédiate pour lui faire servir les choix économiques et politiques structurels de dérégulation globale devient dès lors un impératif de légitimation. Si « l’esprit du 11 janvier », « l’unité nationale » ou le consensus sur la guerre et l’Etat d’urgence ne sont pas le résultat d’un complot où l’ensemble des actes du scénario était prévu, ils sont en revanche le résultat de l’instrumentalisation des attentats et de l’émotion qu’ils ont suscités.

La lepénisation des esprits

La temporalité de court terme à des fins de légitimation de décisions illégitimes porte un autre effet important : l’emprunt au Front National de son vocabulaire, de ses logiques de raisonnement, de ses manières de problématiser la société. Il s’agit en effet de tenter de rassurer une angoisse sociale en ne s’attaquant pas à ses bases matérielles en attendant la prochaine échéance électorale. A ce jeu les explications univoques et simplistes du Front National restent les plus efficaces quitte à les nuancer à des fins de distinction. Ce processus décrit il y a bien longtemps par Pierre Tevanian et Sylvie Tissoti est en œuvre depuis plusieurs décennies c’est-à-dire depuis la contre-révolution libérale. D’emprunt en emprunt c’est progressivement l’ensemble du paysage idéologique français qui se trouve modifié.

Problématiser les faits et crises sociales à partir de logiques culturalistes, accepter même en les nuançant les théories faisant de l’Islam et des musulmans un problème (pour la démocratie, pour le droit des femmes, pour la laïcité, etc.), reprendre la thématique d’une « identité nationale » en danger par le défaut d’intégration d’une composante de notre société, expliquer les guerres au Sud de la planète par des facteurs uniquement religieux et/ou tribaux, présenter des groupes meurtriers comme DAESH comme surgissement inexplicable de la barbarie ou pire comme conséquence logique d’une religion meurtrière en essence, etc., voilà des décennies que l’hégémonie de cette vision du monde se renforce par emprunts successifs.

Le résultat est au rendez-vous : le développement des rapports sociaux racistes dans notre société. Loin d’être une situation isolée, la manifestation islamophobe d’Ajaccio reflète le développement bien réel de ces rapports sociaux sur l’ensemble du territoire. De telles manifestations existent en potentialité ailleurs. Bien sûr ni Sarkozy, ni Hollande ne souhaitent un tel résultat mais celui-ci reste la conséquence logique de décisions de court-terme prisent pour répondre aux besoins de légitimation immédiats de leurs projets de régression sociale.

La lepénisation des esprits est un processus c’est-à-dire qu’elle ne peut être stopper que par la rupture franche et nette avec la logique qui la porte. Or une telle rupture n’est pas possible pour un parti socialiste qui a définitivement fait le choix de la mondialisation capitaliste et de ses nécessités que sont les guerres et la régression sociale généralisée. Elle débouche inévitablement sur une lepénisation des actes. Elle ouvre enfin pour le Front National à une logique de surenchère qui n’a aucune raison de s’arrêter.

La proposition du gouvernement d’instaurer une « déchéance de la nationalité » pour les « binationaux » condamnés pour terrorisme est, non seulement, approuvée par le Front National mais celui-ci propose de l’élargir à d’autres situations. « Une fois que le principe a été réhabilité par François Hollande, précise Florian Philippot, nous allons passer à l’étape numéro 2, c’est-à-dire faire pression pour que cette déchéance soit appliquée concrètement beaucoup plus largement (2).”

La même logique de surenchère est repérable sur de nombreuses autres questions : L’islamophobie qui se déploie de l’interdiction initiales de porter le foulard au sein de l’école publique à une demande d’extension dans les hôpitaux, les entreprises, la rue, etc. ; La sécurité qui se traduit par une demande d’armements plus conséquents des policiers puis s’étend à l’armement de la police municipale et pourquoi pas demain à la vente libre des armes comme aux Etats-Unis ; Les conditions exigées pour le regroupement familial qui ne cesse de croître depuis trente ans, etc. Sur toutes ces questions ce que le Front National propose devient ultérieurement une réalité mise en œuvre par la droite et/ou le parti socialiste.

L’acceptation d’un champ idéologique entraîne inévitablement les conséquences pratiques de ce champ. L’acceptation pour des raisons de légitimation de court-terme et/ou pour des raisons de détournement des colères sociales et/ou pour des raisons électorales du culturalisme comme grille de lecture du monde conduit inévitablement à un développement des rapports sociaux racistes concrets.

L’approche culturaliste de la nationalité et logique d’exception

Les processus culturalistes que nous décrivons s’inscrivent désormais dans la longue durée c’est-à-dire qu’ils se déploient depuis plusieurs décennies. Toutes les mesures culturalistes ne se valent cependant pas. Certaines d’entre-elles signifient des basculements qualitatifs au sens où elles marquent l’éclatement d’un verrou idéologique issu des luttes sociales passées et en particulier de la lutte contre le fascisme au mitan du vingtième siècle et des luttes anticolonialistes des décennies suivantes. Rendre possible la déchéance de la nationalité est une mesure signifiant une telle rupture qualitative.

La colonisation instaure un clivage légal entre d’une part des citoyens français et d’autre par des « sujets français ». Elle crée pour les indigènes selon le juriste Jacques Aumont-Thiéville une position « intermédiaire entre celle du citoyen français et celle de l’étranger puisqu’ils sont sujets français (3) ».

Ce faisant, elle fonde un droit d’exception s’appliquant à certains français et non à d’autres. Une fois la logique d’exception posée, elle s’étend inéluctablement comme en témoigne la distinction entre « français de papier » et « français de souche » qui date de l’époque coloniale. La hiérarchisation des « français » en fonction de leurs origines touche ainsi les « naturalisés » même européens :

« Compagnons de France ! A l’appel ! Martinez ! – Présent. Navarro ! – Présent. Esclapez ! – Présent. Napolitano ! Canelli ! Présent ! Présent ! ». Sur les places des villages et des villes d’Oranie, les dimanches matins du salut aux couleurs, le défilé des noms des « compagnons »’ lancés avec l’accent râpeux d’Oran donnait une bonne idée des origines de ceux que les Français « authentiques » appelèrent longtemps avec mépris les « néo-français », ou mieux encore « les Français à 2,75 F » (du prix du papier timbré sur lequel s’établissait la demande de naturalisation)

Le décret-loi du 22 juillet 1940 du maréchal Pétain prévoit pour sa part dans son article 1 « la révision de toutes les acquisitions de nationalité française ». Bien sûr nous n’en sommes pas là mais il s’agit bien d’autoriser une déchéance pour des personnes nées françaises sur le seul critère de l’origine. François Hollande le précise nettement le 16 novembre devant le congrès :

Nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme, même s’il est né Français, je dis bien même s’il est né Français, dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité (4).

Quant à la veine idéologique d’une telle mesure, le ministre de la justice de Pétain Raphaël Alibert la précise en argumentant le décret-loi avec un vocabulaire que l’on pourrait croire contemporain : « les étrangers ne doivent pas oublier que la qualité de Français se mérite (5). »

Les réponses de Manuel Valls ont, bien entendu été une dénonciation offusquée de l’amalgame entre des situations incomparables. Son argumentaire ne peut cependant pas nous rassurer. Selon lui cette mesure n’est pas nécessaire pour des raisons d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme. Elle est de nature symbolique :

« Oui, c’est une mesure symbolique”. Mais “quand des Français prennent les armes contre d’autres Français, prônant la haine de la France, brûlant d’ailleurs le passeport, reniant tout ce que nous sommes, l’Etat, la République peuvent être amenés à prendre un certain nombre de mesures, qui sont à la fois symboliques et concrètes (6). »

Si la mesure n’a aucune efficacité, si elle est entièrement de nature symbolique, c’est qu’il s’agit bien de faire éclater un verrou idéologique. Il ne faut jamais sous-estimer les effets d’un tel éclatement quand bien même celui-ci se limiterait à la sphère symbolique. La disparition d’un verrou idéologique libère et autorise, invite et incite, légitime et rend utilisable, des termes et des concepts, des logiques de pensées et des modes de raisonnement, jusque-là prohibés par l’état du rapport de forces. Ce qui est autorisé par l’éclatement de la nationalité homogène qu’instaure la déchéance de la nationalité se sont des pratiques d’exception jusque-là prohibées, ce sont des traitements inégalitaires légaux sur la seule base de l’origine.

Nous sommes bien en présence d’une politique de la race construite par en haut pour des raisons de légitimation de court-terme mais imprégnant désormais largement la société française comme en témoigne les derniers sondages comme la manifestation d’Ajaccio.

Le peuple de France (comme tous les autres peuples) n’est pas et n’a jamais été raciste par essence. En revanche, il le devient dans certaines périodes historiques, quand se conjuguent des discours culturalistes durables et des incertitudes sociales. Ce fut le cas à l’époque coloniale, telle est aussi notre situation actuelle. La seule réponse est le développement d’une autre explication du présent et d’une autre vision de l’avenir. Mais pour cela une première étape est nécessaire qui consiste à briser les consensus idéologiques que l’on tente de nous imposer. La lutte contre les guerres, l’Etat d’urgence et l’islamophobie revêt désormais le caractère d’une urgence sociale et politique. 

Source : Saïd Bouamam, Investig’action, 01-01-2016

Notes :

1) – Pierre Tevanian et Sylvie Tissot, Mots à Maux, Dictionnaire de la lepenisation des esprits, Dogorno, Paris, 1998.

2) – OBS2111/quand-le-fn-proposait-la-decheance-de-nationalite-pour-de-simples-faits-delictuels.html,

3) – Jacques Aumont-Thiéville, Du régime de l’indigénat en Algérie, cité in Olivier Le Cour Grandmaison, La découverte, Paris, 2010, p. 57.

4) - http://libertes.blog.lemonde.fr/201…

5)- Journal de débats du 24 juillet 1940.

6) - http://www.bfmtv.com/politique/pour…

Source : Investig’action, 01-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/de-lesprit-du-11-janvier-a-la-decheance-de-la-nationalite-chronique-dune-annee-de-regression-culturaliste/


Comment traiter avec la Russie de Poutine ? Par Dominique Moïsi

Monday 4 January 2016 at 00:01

Texte de propagande russophone désormais classique, dans le principal quotidien économique lu par les dirigeants économiques, que je reprends pour discussion…

Source : Les Echos, Dominique Moïsi, 02-01-2015

On peut penser que la personnalité de Poutine ne contribue pas à renforcer les liens qui peuvent exister entre la Russie et l’Europe. – Shutterstock

Séduction de la force, mépris de la démocratie : les valeurs de Vladimir Poutine sont radicalement opposées à celles de l’Union européenne. Avant de se rapprocher de la Russie, il faut donc estimer froidement son rôle dans le monde.

Dans le débat passionné qui existe autour de la personnalité du maître du Kremlin, et face à l’activisme extérieur grandissant de Moscou, il convient de trouver un juste équilibre entre la simple naïveté complaisante et la pure crispation idéologique. Avant tout, pour aborder la « nouvelle question russe », une exigence de clarté s’impose. Elle commence par quelques vérités.

La première consiste à rejeter l’analogie par trop simpliste et commode avec la guerre froide. La période que nous vivons en 2016 n’est pas comparable avec celle qui va de 1947 à 1989, et ce pour au moins trois raisons. La Russie n’est pas l’URSS. L’Amérique d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier. Enfin, la bipolarité du système international n’existe plus.

Ca c’est de l’analyse géopolitique !

La Russie de Poutine ne possède ni les moyens ni la motivation idéologique qui caractérisaient l’URSS. Tacticien plus que stratège, Poutine entend avant tout protéger son maintien au pouvoir en jouant la carte du nationalisme. De la même manière,  l’Amérique d’Obama n’a que peu à voir avec celle du temps de la guerre froide de Truman à Reagan. Après les aventures militaires malheureuses de George W. Bush, elle n’en a ni les moyens ni la motivation.

Méchante Russie, Pauvre Amérique

La personnalité de Poutine ne contribue pas à renforcer les liens

La deuxième vérité passe par la réalité du pouvoir russe. Réfuter l’analogie avec la guerre froide est une chose. Faire abstraction de la nature du système politique en place à Moscou en est une autre. On peut trouver l’Amérique trop envahissante dans ses pratiques d’espionnage de ses alliés et trop indécise dans la définition et l’application de ses objectifs de politique étrangère. On peut juger son système politique dysfonctionnel, le niveau de violence qui existe dans la société américaine, en particulier à l’encontre de sa population noire, révoltant et intolérable. Et pourtant,  il existe entre nous et eux ce lien fondamental et presque invisible qui s’appelle la démocratie et qui se traduit par le goût irrépressible de la liberté et la quête du bonheur individuel. Avant de nous décevoir, Obama nous a fait rêver, et ce pour de bonnes raisons. Il semblait incarner le meilleur de nous-mêmes et le triomphe d’une méritocratie ouverte et égalitaire.

Alors que Poutine est le fils d’Eltsine, et né milliardaire…

On peut penser à l’inverse que la personnalité de Poutine ne contribue pas à renforcer les liens qui peuvent exister entre la Russie et l’Europe. Elle aurait tendance à les distendre. « Nous n’avons pas les mêmes valeurs », proclamait une publicité fameuse en son temps.

Il serait donc intéressant de les définir.

Au passage, je rappelle que la Douma est élue à la proportionnelle, tous les courants y sont représentés…

La Russie ne pense qu’en termes de puissance

Il est intéressant de constater que la Russie et l’Union européenne souffrent de maux totalement opposés mais également dangereux. Victime d’une forme d’hyperréalisme, la Russie ne pense qu’en termes de puissance. Tout semble devoir être sacrifié à la quête de grandeur de la nation. L’idée de bonheur chère aux philosophes des Lumières ne semble pas avoir pénétré en profondeur l’âme russe, en dépit des nombreux échanges épistolaires entre Catherine II et Diderot.

Celle là, je pense qu’on va l’encadrer…

A l’inverse, l’Union européenne, dans sa quête d’un système postmoderne, semble avoir oublié délibérément le caractère tragique de l’histoire. Obsession de la puissance d’un côté, impasse faite sur sa dure réalité de l’autre, de Moscou à Bruxelles, on couvre toute la gamme des attitudes possibles face à la puissance.

Oui, ou alors entre un PAYS avec un PEUPLE, et, heu, un gros rien…

De Marine Le Pen en France  à Donald Trump aux Etats-Unis ,

N’oublions pas de Marine Le Pen, c’est en lien direct avec l’article.

cet accent mis sur la puissance, tout autant que le style de Vladimir Poutine et sa vulgarité machiste, séduit les populistes,

mais pas les élitistes apparemment

et pas seulement eux. Séduction de la force, profond mépris de la démocratie: c’est bien là le problème. Car si la Russie n’est pas l’URSS, l’homme russe est resté, pour l’essentiel, un « Homo sovieticus ».

oui, un sous-homme quoi.

Pourquoi les journaux refusent-ils en revanche toute tribune ou on parle de l’homme allemand resté, pour l’essentiel, un “homo nazicus”

On l’encadre aussi celle là du coup…

Au lendemain de la chute de l’URSS, tous les espoirs semblaient pourtant permis, comme le disait à Oslo, en 2015, Svetlana Alexievitch, lors de son discours de réception du prix Nobel de littérature : « Nous avons raté l’opportunité qui s’ouvrait à nous dans les années 1990. La question était posée : quel type de pays devrions-nous être ? Un pays fort ou un pays de qualité où les hommes puissent vivre de façon décente ? » Une fois de plus, la Russie a fait le mauvais choix, au point que de nouveaux musées et monuments à la gloire de Staline voient régulièrement le jour dans de nombreuses villes russes. Le FSB, au pouvoir à travers Poutine, est l’héritier direct du KGB.

Et le goulag, le goulag…

Fixer des limites aux ambitions

Peut-on pour autant, au nom des valeurs, s’interdire tout rapprochement, même tactique, avec Moscou ? Pourquoi traiter la Russie de manière différente que l’Arabie saoudite, l’Egypte ou l’Iran, sans parler de la Chine ? La raison serait-elle la proximité géographique ? Moscou est une puissance européenne et nous menacerait plus que ne peuvent le faire Riyad, Le Caire, Téhéran ou Pékin ? Le critère différentiel serait-il plutôt celui de la proximité culturelle ? Peut-on et doit-on attendre plus d’un pays de culture partiellement européenne, que de pays orientaux ou asiatiques ?

La réalité est tout autre et passe par une estimation froide du rôle joué par la Russie dans le monde. On peut la résumer ainsi : où Moscou est-il un facteur d’ordre et où constitue-t-il à l’inverse un facteur de désordre ?

Ah, si c’est ça le critère d’analyse, ça va devenir TRÈS intéressant pour l’occident… Afghanistan, Irak, Somalie, Libye, Syrie…

Accepter le caractère incontournable de Moscou  dans la recherche d’une solution politique en Syrie est déjà en soi discutable, mais ne peut signifier se jeter dans les bras de la Russie. Daech est un ennemi redoutable, mais dont la défaite est déjà programmée.  L’objectif, légitime, d’anéantir le prétendu Etat islamique n’implique pas que l’on cesse de fixer des limites aux ambitions d’un pouvoir russe dont la nature profonde nous est étrangère, et doit le rester.

Dominique Moïsi

Source : Les Echos, Dominique Moïsi, 02-01-2015

Dominique Moïsi est un politologue et géopoliticien français. Il est conseiller spécial de l’IFRI (Institut français de relations internationales), après en avoir été le directeur adjoint. Il a enseigné à l’université Harvard et au Collège d’Europe.

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En Bonus, pour contrebalancer, Raphaël Gluksmann analyse finement dans l’Obs :

Poutine vu par Glucksmann : “Lui, il aurait rasé Molenbeek”

Source : Raphaël Gluksmann, l’Obs, 04/01/2016

 IL VA FAIRE 2016. Pour “l’Obs”, une sélection de personnalités racontent ceux et celles qui marqueront la nouvelle année. Ici, Raphaël Glucksmann présente Vladimir Poutine.

L’essayiste Raphaël Glucksmann est auteur de “Génération Gueule de bois, manuel de lutte contre les réacs” (Allary éditions). Il présente ici le président russe Vladimir Poutine et s’inquiète de “la (très) résistible ascension du poutinisme, à l’extérieur et à l’intérieur de nos frontières”.

* * *

Bien calé dans le cockpit d’un avion de chasse, à cheval sur un tigre blanc de la Taïga, torse nu au milieu d’une rivière canne à pêche en main ou en costume avec Bachar al-Assad, il n’y a pas à discuter : Vladimir Poutine a une allure de “gagnant”. Alors que l’Europe et l’Amérique hésitent sur la bonne stratégie à suivre face à Daech, renoncent à réellement lutter contre le démembrement de l’Ukraine, semblent effrayés par deux millions de réfugiés et tétanisés par leurs propres démons populistes, le maître du Kremlin donne l’impression qu’il sait où il va et nous invite à le suivre.

“Un leader, un vrai” : voilà en quatre mots la définition d’un césarisme post-démocratique qui séduit bien au-delà des frontières russes, au cœur même de sociétés européennes doutant d’elles-mêmes et enclines à rejeter les principes qui les fondent depuis (au moins) 1945 dans la poubelle d’un “politiquement correct” suranné ou d’une “bien pensance” trop “féminine” pour l’époque.

Car 2015 a marqué le grand retour de la guerre dans nos vies et nos têtes. Entre les attentats de janvier et ceux de novembre, en passant par le succès des partis nationalistes un peu partout en Europe et la transformation de la mer Méditerranée en fosse commune pour migrants, l’année écoulée laisse désemparés les démocrates du Vieux Continent. Pas lui. Au contraire, il est dans son élément : cela fait 16 ans que son pays vit dans un état de guerre permanent, depuis son accession au pouvoir sur fond de conflit tchétchène et d’attentats louches à Moscou. Il sait et il fait. Le djihadisme  ? Il avait prévu et prévenu :

Il faut buter les terroristes jusque dans les chiottes.”

Et tirer, au passage, la chasse sur 200.000 civils tchétchènes, les libertés russes, la souveraineté des voisins… Lui, il aurait exaucé le vœu d’Eric Zemmour après les massacres du 13 novembre à Paris, il aurait rasé Molenbeek, annexé la Belgique, fermé le “Nouvel Obs”. Et puis, il n’y aurait sans doute pas eu de 13 novembre, car, lui, il aurait envoyé, comme le réclamait instamment Hélène Carrère d’Encausse en citant alors le modèle de Grozny, son armée dans les banlieues françaises dès 2005 pour apprendre aux jeunes émeutiers les bonnes manières à coup d’opérations de nettoyage et de charniers.

“Il fait la guerre, lui au moins”

La Syrie ? Il avait, seul contre tous, proposé la “bonne” stratégie : il fallait aider Assad à massacrer son peuple bien plus tôt. Poutine analyse vite et agit promptement, lui. Peu importe que ses bombardiers ne ciblent que très peu les tueurs de Daesh, préférant frapper les autres groupes rebelles : il fait la guerre, lui au moins. Vraiment pas comme Obama ou comme Hollande.

Et les peuples d’Occident, meurtris par le terrorisme, veulent de l’action. Alors l’idée germe un peu partout de lui emboîter le pas, fut-ce en maintenant le boucher de Damas et en effaçant les dizaines de milliers de morts et les millions de déplacés. De toute façon, les révolutions – arabes ou est-européennes – ne peuvent mener qu’au chaos et à l’horreur. Et s’il faut mettre la main à la pâte pour valider cette théorie, Poutine armera les Assad de ce monde et répondra avec des tanks aux Maydan de cette terre.

La crise identitaire européenne qui se traduit en désastres électoraux successifs ? Il l’avait – elle aussi – anticipée et annoncée dans un discours remarquable de septembre 2013, prononcé devant un François Fillon visiblement ravi d’être là :

Les pays euro-atlantiques rejettent et oublient leurs racines, y compris les racines chrétiennes qui forment pourtant la base de leur civilisation.

Ils renoncent à tout fondement moral, nient toute identité nationale, religieuse ou sexuelle (…).

Les excès du politiquement correct y entraînent la promotion de la pédophilie. Cela nous mène à la décadence et à une crise morale terrible”.

Nous y sommes, en plein. Et il a la solution - “le rassemblement de tous les vrais patriotes européens” – comme les moyens de la mettre en place, via notamment les banques des oligarques qui l’entourent, comme la First Czech Russian Bank rendue célèbre chez nous par ses prêts au Front National.

“Il est incontournable”

Poutine est donc l’homme de l’année, ou plutôt du siècle qui naît, dans l’esprit des idéologues réactionnaires qui pullulent sur nos terres autrefois vaccinées contre le culte de la personnalité et la survalorisation de la force virile comme alpha et omega des relations sociales. Les anciens pestiférés d’extrême droite ayant désormais pignon sur rue parent l’ancien agent (de deuxième ordre) du KGB de toutes les “vertus” qu’ils se désespèrent de ne pas trouver en Hollande, Merkel ou Obama, construisant ainsi le mythe “Poutine”.

Les autres – ceux qui rejettent pareille mythologie pour le moins primaire – contemplent ses succès, concèdent qu’il “compte” et admettent que “rien ne pourra se faire sans lui”, ni au Moyen-Orient, ni a fortiori en Europe de l’Est. Que voulez-vous  ? Il est populaire chez lui, a réussi en Crimée, plongé l’Ukraine dans l’instabilité, s’est débarrassé de Saakachvili en Géorgie, exerce une influence déterminante sur les mollahs de Téhéran, porte à bouts de bras le régime de Damas, et nous chauffe l’hiver avec son gaz… Il n’est pas forcément sympathique, mais il est incontournable : faisons donc preuve de “real politik” et trouvons un “terrain d’entente”.

Le raisonnement n’est pas entièrement faux, mais il exagère son pouvoir et minore son hostilité à notre égard. En moins de deux ans, Vladimir Poutine a accumulé les erreurs et les paris hasardeux : il n’a pas vu venir la révolution de Maydan, poussant Viktor Yanoukovitch à la faute à force d’intransigeance anti-européenne, il a sous-estimé les capacités de résistance militaire ukrainiennes (ce qui l’obligea à une invasion directe le coupant de toute influence sur le jeu politique à Kiev), il a conduit l’économie russe dans le mur en se reposant uniquement sur une rente énergétique trop dépendante de cours du pétrole à la baisse, son projet grandiose d’Union Eurasienne ne séduit personne, il s’est embarqué dans le bourbier syrien sans possibilité réelle de victoire…

Il préside aux destinées d’un Empire fragile et n’a jamais été aussi détesté dans son voisinage. Ayant perdu les classes moyennes moscovites et petersbourgeoises, son régime repose sur une alliance bancale entre structures de force, oligarchie et assentiment des classes populaires. L’élite économique qui le soutenait jusqu’alors a peur des sanctions occidentales, les masses pauvres risquent de payer l’effondrement du prix du baril et les structures de force seules ne peuvent le maintenir indéfiniment au Kremlin.

“Il a une revanche à prendre”

Une politique sérieuse de containment pourrait calmer ses ardeurs. Elle suppose qu’on rejette le mythe de sa toute puissance et, à rebours, qu’on prenne au sérieux son agressivité à notre endroit. Ses actes comme ses mots expriment le ressentiment immense du jeune espion qui a vu son monde s’écrouler un soir de 1989 à Dresde : il a une revanche à prendre. Sur l’OTAN et, contrairement à ce qu’on prétend habituellement, plus encore sur l’Union Européenne : c’est l’UE qui séduit les peuples anciennement vassaux et c’est l’UE qui, bon an mal an et par-delà une faiblesse politico-militaire qu’il méprise, menace “son” modèle de société.

Il ne cessera donc pas d’œuvrer à sa défaite, externe et interne. C’est ainsi qu’il faut déchiffrer l’aide qu’il apporte aux mouvements anti-UE en Europe même, cette “cinquième colonne patriotique” que le père de l’Union Eurasienne, le philosophe néo-fasciste Alexandre Douguine, appelait de ses vœux le 31 mai 2014 à Vienne, devant le ban et l’arrière ban de la réaction continentale (dont Marion Maréchal Le Pen).

Il “compte” certes, mais il ne sera – réalistement – jamais un partenaire ou un allié. Le révisionnisme géopolitique – l’effacement de l’ordre européen issu de 1989 et 1991 – qui l’anime nie tout terrain d’entente possible avec l’Union Européenne. Nos dirigeants seraient bien avisés de le comprendre et de réagir ou ils seront co-responsables de cette farce tragique : la (très) résistible ascension du poutinisme. A l’extérieur et à l’intérieur de nos frontières.

Raphaël Glucksmann

Source: http://www.les-crises.fr/comment-traiter-avec-la-russie-de-poutine%e2%80%89-par-dominique-moisi/


Dans l’ombre de Bachar El-Assad

Sunday 3 January 2016 at 01:35

Source : Politique Internationale

Entretien avec Bouthaina CHAABANE

Conseillère politique du président Bachar el-Assad 
conduit par
Frédéric PICHON
Chercheur associé à l’équipe “Monde arabe Méditérranée” de l’université François Rabelais (Tours).

Frédéric Pichon – Avant le conflit, vous étiez souvent présentée comme le visage « sophistiqué » de la Syrie, la face moderne du régime : anglophone, titulaire d’un doctorat de littérature anglaise, rompue aux rencontres diplomatiques avec les grands de ce monde. Beaucoup ont espéré en 2011 que vous feriez défection pour vous désolidariser de la politique menée par Bachar el-Assad. Pourquoi ne pas l’avoir fait et regrettez-vous votre choix ?

Bouthaina Chaabane – Si vous le voulez bien, j’aimerais d’abord revenir sur l’expression que vous avez utilisée, celle de visage « sophistiqué » de la Syrie. Les Occidentaux ont tendance à penser que les gens qui adoptent des comportements semblables aux leurs sont plus civilisés et plus modernes que les autres. Pour moi, au contraire, les personnes civilisées sont celles qui restent fidèles à la terre qui les a vues naître. Qu’y a-t-il de rétrograde à aimer son pays, à le servir, surtout dans les circonstances dramatiques que nous connaissons ? L’Occident a commis une grosse erreur en encourageant les Syriens à fuir le régime. Du reste, ces défections ont été très peu nombreuses malgré la constitution par le Qatar d’un fonds spécial destiné à aider financièrement les candidats à l’exil (1). J’ai pu mesurer combien cette démarche participait d’une sorte d’aveuglement occidental. L’Occident n’a rien compris à la Syrie, à son peuple et à son histoire. Notre pays a son propre agenda guidé par ses propres intérêts. Il refuse de voir sa politique dictée de l’extérieur. Je sais que mon départ aurait fait plaisir à tout le monde en Occident ; mais, que voulez-vous, ce n’est pas dans ma nature. Et soyez sûr que je n’ai pas choisi la facilité. J’aimerais être considérée comme « moderne », tout simplement parce que je reste déterminée à défendre mon pays et ma famille.

F. P. – Pourtant, en tant que proche conseillère de Bachar el-Assad, vous faisiez partie de ceux qui soulignaient la nécessité d’entreprendre des réformes. Ces réformes auraient-elles pu éviter la crise qui a éclaté en 2011 ?

B. C. – Vous avez raison, mais les réformes ne peuvent venir que de l’intérieur. Nous l’avons vu en Libye et en Irak : chaque fois que les médias ou les gouvernements occidentaux ont tenté de promouvoir la démocratie, cela a tourné au fiasco. Les « printemps arabes » se sont mués en « catastrophe arabe ». Quand est venu le tour de la Syrie, les mêmes ont commencé à parler de démocratie, de liberté, de droits de l’homme. Malheureusement, les gens soutenus par l’Occident pour mener à bien cette mission étaient soit des individus qui vivaient hors de Syrie depuis longtemps et qui ignoraient tout du pays, soit des extrémistes auxquels l’idée de démocratie était totalement étrangère. Dans leur esprit, le problème n’était pas politique ; il ne s’agissait pas d’encourager un changement de gouvernement ou de président. En fait, dès le départ, les Occidentaux avaient décidé de briser la Syrie. C’est pourquoi la crise actuelle met en cause la sécurité de notre pays et son existence même. Les tentatives occidentales visant à mettre des pays à terre sous prétexte de se débarrasser de personnages comme Saddam Hussein, Kadhafi ou Bachar el-Assad constituent des ingérences inacceptables, illégales au regard du droit international et teintées de colonialisme. Je ne parle même pas du résultat…

F. P. – En 2011, la Syrie fonctionnait selon un système de parti unique. Ne devait-elle pas sortir de cette situation archaïque ?

B. C. – Je sais bien que nous ne vivons pas dans un monde parfait. Il est clair que nous n’avons pas atteint tous les objectifs que nous nous étions fixés, y compris en matière de corruption comme l’a rappelé le président Assad lui-même lors de son discours d’investiture (2). Mais, en 2012, la Constitution syrienne a été modifiée : le système de parti unique a laissé place au multipartisme ; l’état d’urgence a été aboli ; des élections municipales et législatives ont été organisées. Ces réformes étaient nécessaires et sont absolument capitales. Comme à leur habitude, les Occidentaux ont accueilli ces avancées avec scepticisme. C’est à se demander s’ils sont vraiment intéressés par les réformes. Savent-ils qu’avant la crise la Syrie ne comptait aucun sans-abri, que les infrastructures sanitaires et éducatives fonctionnaient ? Chaque village comptait son école gratuite. Les étudiants allaient à l’université pour à peine 20 dollars par an ! Et, surtout, la Syrie n’avait pas de dette extérieure. C’est un point essentiel qui nous a attiré des haines tenaces. La crise a été un désastre pour le développement du pays…

F. P. - L’élection présidentielle du 3 juin 2014 a, elle aussi, suscité des réactions négatives de la part des médias occidentaux…

B. C. – Le contraire eût été étonnant. Pourtant, il fallait voir les milliers de personnes qui se sont précipitées dans les isoloirs, que ce soit en Syrie ou à l’étranger. À l’exception, bien entendu, de la France et de l’Allemagne qui ont interdit que cette consultation soit organisée dans nos consulats. N’est-ce pas un drôle de paradoxe ? Ces élections ont clairement montré que le peuple syrien soutenait le président. Pour une bonne raison : les Syriens veulent la sécurité et c’est lui, n’en déplaise à l’Occident, qui l’incarne. Le président Assad est perçu comme le seul qui soit capable d’assurer l’intégrité du pays et la paix. Les médias occidentaux et leurs gouvernements nous ont sous-estimés. Vous savez, nous sommes un peuple millénaire. Parlez avec les gens dans la rue, discutez avec les chauffeurs de taxi : s’il y a bien une chose qui ressort, c’est cette fierté. Nous appartenons, je le répète, à l’une des plus vieilles civilisations au monde. Damas fut l’une des premières villes habitées de l’histoire de l’humanité. Les Syriens ne sont pas naïfs, ils n’ont pas besoin des conseils de l’Occident. Ils n’acceptent pas qu’on leur dise pour qui voter, comme à l’époque des colonies…

F. P. – Vous avez participé aux négociations de Genève avec l’opposition. N’envisagez-vous pas de dialoguer un jour avec ces opposants ?

Suite de l’interview à lire dans l’excellente revue Politique Internationale

Source: http://www.les-crises.fr/dans-lombre-de-bachar-el-assad/


Contre le projet de loi constitutionnelle, l’appel de Pierre Joxe à la gauche vivante (+ Gaby Cohn-Bendit)

Sunday 3 January 2016 at 01:10

Source : Mediapart, Pierre Joxe, 30-12-2015

Dans un texte confié à Mediapart, Pierre Joxe lance un appel à la « gauche bien vivante » pour qu’elle rejette le « stupéfiant » projet de loi constitutionnelle sur la déchéance de nationalité. Sur un ton mobilisateur, cette figure du socialisme français – ancien parlementaire, ancien ministre, ancien membre du Conseil constitutionnel, ancien président de la Cour des comptes – souligne « l’effet politique instantané » d’une décision controversée : « Soudain, la gauche anesthésiée se réveille. » Article en accès libre.

Pierre Joxe

Voici cet appel tel que nous l’a confié Pierre Joxe, aujourd’hui avocat au barreau de Paris après un parcours autant administratif que politique, durant lequel, depuis le début des années 1960, il a accompagné la reconstruction de la gauche socialiste autour de François Mitterrand après la débâcle de la SFIO. Député socialiste de 1973 à 1984, puis de 1986 à 1988, Pierre Joxe a été ministre de l’intérieur (1984-1986, puis 1988-1991), ministre de la défense (1991-1993), premier président de la Cour des comptes (1993-2001) et membre du Conseil constitutionnel (2001-2010)

Une gauche bien vivante !

Bonne année ! Bonne nouvelle ! La gauche est bien vivante !

On pensait bien – malgré les mots crispés d’un oracle nerveux au regard sombre –, on savait bien que non, la gauche ne pouvait pas mourir.

Mais aujourd’hui on le voit bien : elle est en pleine santé la gauche, jeune, claire et tonique, affirmant sa volonté avec confiance et s’adressant – comme il convient – à l’armature démocratique de la République, aux représentants du peuple, ceux qui sont les seuls, tous ensemble, à pouvoir faire la Loi, expression de la volonté générale : les parlementaires.

Je viens de lire sur internet l’appel adopté par le Mouvement des Jeunes Socialistes.

Jugez vous-mêmes. Allez les lire !

Je les cite ici :

« Les Jeunes Socialistes déplorent le choix fait par le gouvernement…

« Permettre la déchéance de nationalité de binationaux, même lorsqu’ils sont nés en France, crée une inégalité de droit entre les citoyens. Cette mesure place les Français binationaux sous un régime juridique différent de celui de tous les autres Français. Elle fige une différence symbolique et de droit entre les citoyens français.

« Cette mesure ouvre une brèche dans le droit du sol, qui fait partie de notre identité républicaine et qui est attaqué depuis des décennies par l’extrême droite.

« Cette mesure est surtout inefficace car elle n’a aucun caractère dissuasif. En effet, comment imaginer que des fanatiques puissent renoncer à commettre des actes sanglants par peur de perdre leur nationalité française alors qu’ils sont prêts à mourir ? 

« Si cette mesure est autant contestée et avait été écartée par le gouvernement à la suite des attentats de janvier, c’est sans doute parce qu’elle heurte nos valeurs de justice, notre conception de la République, et que son inefficacité est certaine.

« Les Jeunes Socialistes espèrent que la sagesse parlementaire permettra d’écarter cette mesure et de concentrer l’action de l’Etat sur ce qui permet de lutter efficacement contre le terrorisme, et de préserver notre modèle démocratique et républicain pour l’égalité de tous les citoyens. »

Ces Jeunes Socialistes ont bien raison de se tourner vers le Parlement, car en France la Loi ne découle pas d’un discours, même proféré à Versailles.

Et la Constitution ne peut être modifiée que par un référendum ou par une majorité dite « qualifiée » de 3/5es des parlementaires – et non par la bouche cousue d’un Conseil des ministres surpris.

Ces Jeunes Socialistes ont bien raison de défendre des valeurs.

Non, ils ne « s’égarent » pas – comme le leur reproche ingénument un Premier Ministre feignant d’ignorer que, bien au contraire, c’est en oubliant leurs valeurs que de vieux socialistes « égarés » ont jadis déconsidéré la gauche, détruit pour dix ans leur Parti et abattu la IVe République.

Non seulement ces Jeunes Socialistes ne s’égarent pas, mais ils donnent le bon exemple, un exemple saisissant. Dans un texte vibrant d’indignation contenue, ils montrent qu’ils ont parfaitement assimilé les aspects juridiques les plus ardus de ce dossier complexe.

Ils ont décrypté les réserves polies et les hésitations précautionneuses des quatre-vingts honorables membres de l’Assemblée générale du Conseil d’Etat évoquant la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ils ont bien compris la portée de la jurisprudence ancienne et récente du Conseil constitutionnel, non seulement sur l’état d’urgence, mais surtout sur la déchéance de nationalité.

Ils ont bien lu le stupéfiant exposé des motifs du projet (n° 3381) de réforme constitutionnelle.

Comme ce texte officiel semble être passé inaperçu, j’en cite cet extrait éclairant, facilement consultable sur le site de l’Assemblée :

« … pour des personnes nées françaises, les lois républicaines n’ont jamais retenu la possibilité d’une déchéance de nationalité… Il en a d’abord été ainsi de la Loi du 7 avril 1915 puis avec la Loi du 10 août 1927 ainsi qu’avec le Décret-loi du 12 novembre 1938… Ainsi toutes les caractéristiques dégagées par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence sont réunies pour qu’il existe un principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif à l’absence de possibilité de déchéance de nationalité pour une personne née française même si elle possède une autre nationalité » (Ass. Nat. : projet n° 3381, exposé des motifs).

Oui, c’est bien « notre conception de la République », invoquée à juste titre par les Jeunes Socialistes, qui est en cause. Et qu’un socialiste adulte, encore jeune, mais déjà très mûr, puisse proférer qu’« une partie de la gauche s’égare au nom de grandes valeurs », cela rappelle de vieux et mauvais souvenirs.

Heureusement peut-être, entre précipitation et velléités, la longue liste des « Projets de réformes constitutionnelles » exhibés puis enterrés depuis bientôt trois ans peut laisser penser que l’explosif effet d’annonce d’aujourd’hui va disparaître dans l’effet de souffle qu’il a provoqué…

On ne le regrettera pas.

On regrettera peut-être davantage les réformes annoncées, rédigées et mises au congélateur depuis trois ans, comme en particulier :

– Le projet de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale, n° 813 : oublié.

– Le projet de loi constitutionnelle relatif à la composition du Conseil constitutionnel, n° 814 : oublié.

– Le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, n° 815 : oublié.

– Le projet de loi constitutionnelle relatif à la responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement, n° 816 : oublié.

Tous ces projets déposés en 2013, consultables sur le site internet de l’Assemblée, confiés au rapport du président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, et tombés rapidement dans l’oubli… parfois sans qu’un rapport soit rédigé !

Souhaitons cette douce euthanasie au projet n° 3381 et félicitons les Jeunes Socialistes. Quand on les lit, on n’a pas peur : la gauche est bien vivante.

*

On le sait, qu’un ou plusieurs personnages politiques parvenus au pouvoir changent d’avis, renient leurs promesses ou oublient tel ou tel engagement pris publiquement, ce n’est pas un phénomène rare.

On l’a déjà constaté en France sous la Ve République ; mais aussi sous la IVe – qui en est morte ; sous la IIIe et déjà sous la IIe République – celle de Badinguet ; sans oublier notre Première République – celle de la Terreur.

Ce qui est singulier dans les circonstances présentes, c’est le contraste entre certaines déclarations passées – mais récentes – et les décisions qui les contredisent.

Ce contraste éclate entre les propos tenus en 2010 contre les propositions de Sarkozy pour l’extension de la déchéance de nationalité. On pouvait lire à l’époque dans Le Figaro :

« “Est-ce que c’est conforme à notre histoire, nos traditions, notre Constitution, quand on sait que depuis 1889, la nationalité française s’exerce par la naissance et s’acquiert par mariage au bout de quelques années après un contrôle? (…) Pourquoi remettrait-on en cause ces principes essentiels ? (…) C’est finalement attentatoire à ce qu’est finalement la tradition républicaine et en aucune façon protecteur pour les citoyens”, a jugé le député de Corrèze. Interrogé sur les réserves exprimées par Bernard Kouchner, Hervé Morin ou Fadela Amara sur le virage sécuritaire du chef de l’Etat, François Hollande a répondu que ces ministres avaient “leurs responsabilités entre leurs mains” »(Le Figaro du 31 août 2010).

Décalage singulier aujourd’hui entre l’effet juridique espéré d’une décision controversée et l’effet politique instantané : soudain, la gauche anesthésiée se réveille.

Tous mes vœux.

Pierre Joxe 

Avocat au Barreau de Paris
Membre honoraire du Parlement
Membre honoraire du Conseil constitutionnel
Premier président honoraire de la Cour des comptes

Source : Mediapart, Pierre Joxe, 30-12-2015

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En bonus, le frère Cohn-Bendit, pour la vision d’un gaucho-libéral/libertaire… Surtout la conclusion… :)

Gaby Cohn-Bendit : « Pour moi, Hollande, c’est fini »

Source : Libération, Gaby Cohn-Bendit, 30-12-2015

Gaby Cohn-Bendit, en 2009. Photo Jean-Pierre Muller. AFP

Pour le fils d’apatride et ex-militant écologiste, la déchéance de nationalité est la mesure de trop. Le «Franco-Burkinabé» appelle à voter pour Juppé à la primaire de la droite pour échapper au duel Sarkozy-Le Pen en 2017.

Lettre ouverte d’un Franco-Burkinabé au président François Hollande

Né en France en 1936 de parents apatrides ayant quitté l’Allemagne en 1933, j’ai été naturalisé français à la naissance en fonction du droit du sol que Marine Le Pen veut abolir pour ne maintenir que le droit du sang.

En 1987 j’ai découvert l’Afrique en arrivant au Burkina Faso. J’y ai rencontré le président Thomas Sankara juste avant son assassinat. Je me suis attaché à ce pays et y travaille avec les associations qui prennent en charge les exclus et oubliés du système éducatif que la France y a exportés.

Ce travail m’a permis de recevoir en récompense la citoyenneté burkinabé, celle-là je l’ai choisie et voulue. Vous comprendrez alors ma première indignation.

Tous les arguments ont été avancés contre cette mesure absurde qu’est le retrait de la nationalité française pour les terroristes binationaux car eux, c’est sûr, ils n’en n’ont rien à cirer de leur passeport français qu’ils brûlent souvent, mais par contre cette mesure instaure une coupure entre ceux qui seraient les vrais Français et les autres dont je fais partie.

Si je me permets de vous écrire c’est que j’ai voté pour vous aux primaires de la gauche et aux présidentielles qui ont suivi.

Je suis un traumatisé des élections présidentielles de 2002 où Jospin avait été éliminé au premier tour. Moi j’avais voté pour mon ami Noël Mamère, depuis j’appelle mes amis à voter pour le candidat qui a une chance d’être présent au deuxième tour. Je l’ai fait pour Ségolène, j’avais même pris à plus de 70 ans et pour la première fois de ma vie une carte du PS, mais c’était un contrat à durée très déterminée.

J’ai recommencé pour vous avec quelques petites illusions non pas sur le plan économique, je sais que les choses sont compliquées dans ce domaine (mais un peu plus de Stiglitz et de Piketty m’aurait bien fait plaisir). Ceci dit les déclarations de Macron dans ce domaine me choquent moins que vos déclarations sur la nationalité.

J’espérais l’instauration de la proportionnelle aux élections que vous aviez promise et qui ne coûte rien; j’espérais l’instauration du droit de vote aux élections locales pour les résidents étrangers; le vieillard que je suis, 80 ans l’an prochain, espérait aussi une vraie loi permettant de mourir dans la dignité. Tout ça ne coûtait rien.

J’arrête là mes espérance déçues, malgré ces déceptions et bien d’autres, dans le domaine de l’écologie par exemple, j’aurais revoté pour vous en 2017 regrettant que vous refusiez une primaire de la gauche, au moment où la droite reprend cette idée.

Mais là, non c’est fini. Non seulement vous allez perdre les élections présidentielles mais nous risquons de nous retrouver dans un face à face Sarkozy-Marine Le Pen. Je ferai tout pour l’éviter, j’appelle donc tous mes amis à participer aux primaires de la droite et à voter pour Juppé, en tout cas au deuxième tour de ces primaires. S’il n’y a pas de danger, je me ferai plaisir en votant pour mon amie NKM au premier.

Ainsi pour la première fois de ma vie, à 80 ans, je voterai à droite sans hésitation.

Je vous en veux monsieur le Président de me mettre dans cette situation mais c’est ainsi, pour moi Hollande c’est fini.

Gabriel Cohn-Bendit, intermittent du spectacle politique, enseignant en retraite

PS : pourquoi n’instaurez-vous pas que, pour être candidat à la présidentielle, il faut être né en France comme c’est le cas aux Etats-Unis. Vous nous débarrasseriez de Valls comme candidat à la présidence de la République.

Gabriel Cohn-Bendit

Source : Libération, Gaby Cohn-Bendit, 30-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/contre-le-projet-de-loi-constitutionnelle-lappel-de-pierre-joxe-a-la-gauche-vivante/


Le grand mufti d’Arabie saoudite accuse Daesh d’être à la solde d’Israël

Sunday 3 January 2016 at 00:45

Tout va bien chez nos alliés…

Vous appréciez comme les médias ne lâchent pas l’affaire ? (heum heum)

Source : Direct Matin, 28-12-2015

Le grand mufti d’Arabie Saoudite estime qu’Israël dirige Daesh dans l’ombre. [Hassan Ammar / AFP/Archives]

Selon le grand mufti d’Arabie saoudite, les jihadistes de Daesh seraient en réalité des soldats israéliens.

Abdul Aziz ibn Abdillah Ali ash-Shaykh, considéré comme la plus haute autorité religieuse du royaume saoudien, a estimé dans le journal Saudi Gazette que le groupe Daesh “nuisait” aux musulmans et qu’ils ne pouvaient être considérés comme des “partisans de l’Islam”.

Le grand mufti est également revenu sur l’appel au soulèvement lancé par Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de Daesh, contre l’Arabie Saoudite et Israël. Selon lui, ces menaces sont “un mensonge” car “en réalité Daesh fait partie de l’armée israélienne”.

Un colonel israélien parmi Daesh en Irak ?

Le mufti saoudien reprend ainsi une théorie conspirationniste assurant qu’Israël serait derrière les exactions des jihadistes de Daesh pour déstabiliser la région et porter atteinte à l’Islam. Certains sites spécialisés dans ce genre d’intox relayaient il y a quelques mois qu’un colonel israélien avait été capturé en Iraq et avait avoué cette implication.

Dans les colonnes du journal saoudien, Abdul Aziz ibn Abdillah Ali ash-Shaykh assure en outre que le groupe jihadiste sera bientôt stoppé par la récente coalition formée par une trentaine de pays islamistes et menée par l’Arabie Saoudite.

Source : Direct Matin, 28-12-2015

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Et puis ils font mieux en Arabie :

L’Arabie saoudite exécute 47 personnes condamnées pour “terrorisme”, dont un important dignitaire chiite

Source : L’Obs, Publié le 02/01/16

L’Arabie saoudite a exécuté samedi 2 janvier 47 personnes condamnées pour “terrorisme”, dont le haut dignitaire chiite Nimr Baqer al-Nimr, figure de la contestation contre le régime, a annoncé le ministère de l’Intérieur. Les condamnés ont été exécutés dans douze villes différentes du royaume.

Le cheikh Nimr al-Nimr, 56 ans, virulent critique de la dynastie sunnite des Al-Saoud, a été la figure de proue d’un mouvement de contestation qui avait éclaté en 2011 dans l’est de l’Arabie où vit l’essentiel de la minorité chiite. Cette communauté, qui se concentre dans la Province orientale, se plaint d’être marginalisée dans ce pays majoritairement sunnite.

Le cheikh Nimr avait été condamné à mort en octobre 2014 pour “sédition”, “désobéissance au souverain” et “port d’armes” par un tribunal de Ryad spécialisé dans les affaires de terrorisme.

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Alors :

Ryad paiera un “prix élevé” pour l’exécution du leader chiite saoudien, prévient l’Iran

Source : L’Obs, Publié le 02/01/16

L’Arabie saoudite paiera un “prix élevé” pour l’exécution du dignitaire chiite saoudien Nimr Baqer al-Nimr, avertit cet après-midi le ministère iranien des Affaires étrangères, dénonçant “l’irresponsabilité” de Ryad.

Le chargé d’affaires saoudien a été convoqué samedi au ministère à Téhéran où le vice-ministre Hossein Amir Abdollahian lui a remis la “protestation” de l’Iran, assure la télévision d’Etat.

“Le gouvernement saoudien soutient d’un côté les mouvements terroristes et extrémistes et dans le même temps utilise le langage de la répression et la peine de mort contre ses opposants intérieurs (…) Il paiera un prix élevé pour ces politiques”, a déclaré le porte-parole du ministère, Hossein Jaber Ansari, cité par l’agence officielle Irna, après l’exécution de 47 personnes condamnées pour “terrorisme” en Arabie saoudite.

“L’exécution d’une personnalité comme cheikh al-Nimr qui ne faisait que poursuivre des buts politiques et religieux montre uniquement le manque de sagesse et l’irresponsabilité” du gouvernement saoudien.

De son côté, la branche estudiantine de la milice Bassidji, qui dépend des Gardiens de la révolution, l’unité d’élite des forces armées iraniennes, a appelé à une manifestation dimanche après-midi devant l’ambassade d’Arabie saoudite à Téhéran.

“Le régime saoudien ne pourra pas se sortir facilement du bourbier qu’il a lui-même créé avec le martyr (la mort) de ce grand cheikh”, a lancé le président du Parlement iranien Ali Larijani, cité par Irna.

Hmmm, je la sens bien 2016…

Source: http://www.les-crises.fr/le-grand-mufti-darabie-saoudite-accuse-daesh-detre-a-la-solde-disrael/