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Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 23 December 2015 at 01:35

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: FED: “Elle a monté ses taux de 0,25 et croyez…” – 21/12

Olivier Delamarche VS Frédéric Rollin (1/2): Comment les marchés ont-ils accueilli la hausse des taux de la FED ? – 21/12

Olivier Delamarche VS Frédéric Rollin (2/2): Quelles sont les perspectives de croissance du marché européen pour 2016 ? – 21/12

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade: “La FED va nous annoncer une politique extrêmement prudente” – 16/12

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (1/2 ): La FED va-t-elle annoncer un tournant historique ce mercredi ? – 16/12

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (2/2 ): La hausse des taux de la FED fera-t-elle planer un risque de krach sur les marchés émergents ? – 16/12

Les indés de la finance: La banque centrale japonaise a de nouveau assoupli sa politique monétaire – 18/12

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir: “l’Espagne va être dans une situation à la belge” – 22/12

Les points sur les “i” : Jacques Sapir: L’Europe arrivera-t-elle à surpasser le risque politique ? – 22/12


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-4/


Manuel Valls et la guerre civile : le coup de gueule de Périco Légasse

Tuesday 22 December 2015 at 04:18

Source : Figarovox, Périco Légasse, 11-12-2015

FIGAROVOX/HUMEUR – «Le FN peut conduire à la guerre civile» a déclaré Manuel Valls sur France Inter. Pour Périco Légasse, le Premier ministre n’est pas habilité à donner des «leçons de morale».


Périco Légasse est rédacteur en chef de la rubrique vin et gastronomie à l’hebdomadaire Marianne.


Manuel Valls a parlé ce matin de guerre civile? 

Un peu facile de crier au loup pour sauver les meubles et de prédire le pire pour remonter dans les sondages. Faire peur, en appeler à la panique nationale, quitte à mentir un peu et à trahir beaucoup, pour détourner la colère populaire, c’est la base même du fascisme. Quelle est la politique qui peut aujourd’hui conduire à la guerre civile? Qui est au pouvoir depuis 40 ans en général et 4 ans en particulier et nous a conduit à la situation actuelle? Qui s’est essuyé les pieds sur le référendum de 2005 quand 55% des Français avaient voté non à un traité constitutionnel mettant l’Europe sous l’emprise de Goldman Sachs et des marchés financiers dirigés depuis Wall Street? Qui a réduit l’école de la République à une machine à fabriquer des analphabètes? Qui a maintenu la suppression du service national pour que l’on ne mesure pas concrètement le niveau d’ignorance de la jeunesse? Qui a éradiqué la classe paysanne en laissant un syndicat agricole transformer nos campagnes en usines? Qui a installé sur tout le territoire des cités ghettos où l’en entasse l’immigré pour qu’il ne s’émancipe pas et devienne de la main d’oeuvre bon marché pour le patronat? Qui a autorisé les grandes surfaces à coloniser les grandes agglomérations et à s’emparer de 90% du marché de la consommation en étranglant les petits producteurs et les artisans créateurs d’emploi? Qui a autorisé la grande distribution à s’installer dans les centre ville, avec la bénédiction de M. Macron, pour éradiquer les derniers commerces de proximité?

 On ne peut pas imputer tous ces échecs au seul premier ministre!

Qui avait dans ses rangs Jérôme Cahuzac au Ministère du budget? Qui appelle à voter pour les amis de Patrick Balkany et consorts au prix de la démission de ses militants? Qui fut si proche de Dominique Strauss Kahn en fermant, des années durant, les yeux et les oreilles sur des comportements indignes? Qui a supprimé les 60.000 places de prison qui devaient permettre à une population carcérale d’avoir des conditions moins inhumaines de détention pour ne pas transformer les cellules en école du crime? Qui a applaudi l’intervention en Libye avec les intellectuels de gauche pour faire de ce pays le futur Etat Islamique de l’Afrique du Nord? Qui au lendemain du 7 janvier a refusé de parler d’islamisme pour ne pas stigmatiser une religion? Qui après le 7 janvier a refusé de rétablir les contrôles aux frontières et dans les aéroports pour ne pas créer un climat d’insécurité? Qui au lendemain du 7 janvier a refusé d’intervenir dans les mosquées où des imams intégristes prêchent quotidiennement leur haine de la France? Qui s’acoquine et vend son âme contre les deniers du Qatar et de l’Arabie Saoudite? Qui refuse d’interpeller publiquement la Turquie à propos du pétrole de contrebande qui enrichit Daech? Qui a refusé de discuter avec la Russie pour étudier les moyens de combattre ensemble le terrorisme islamique? Qui a démantelé les services secrets au Ministère de l’Intérieur pour créer une cellule de statistique sur la baisse de la criminalité en France, empêchant des milliers de fonctionnaires compétents d’être sur le terrain? Qui n’a pas rétabli la police de proximité déconstruite par Sarkozy, seul instrument efficace de prévention contre la délinquance? Qui a laissé des lignes de bus du réseau nord de la RATP aux mains de militants islamistes? Qui durant le discours au Congrès de Versailles le 16 novembre n’a pas une seule fois utilisé le mot islamiste? Qui a promis une baisse assurée du chômage pourvu que l’on accepte de renoncer aux promesses électorales de la campagne présidentielle de 2012? Qui nous a vendu en grandes pompes une COP21 retentissante pour sauver le climat de la planète et qui va finir en flop magistral? Qui rackette les PME, les artisans, les commerçants avec le RSI? Qui saigne les classes moyennes avec une fiscalité qui appauvrit le pays et décrédibilise l’Etat? Qui, enfin, est entrain de négocier en douce et à l’insu des peuples le Traité transatlantique (TATFTA) qui veut mettre l’Europe à genoux devant le marché américain? Qui, qui, qui?

Vous balayez tout le spectre politique et géopolitique, il parlait en l’occurrence du Front National…

Lire la fin de l’interview sur Figarovox, Périco Légasse, 11-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/manuel-valls-et-la-guerre-civile-le-coup-de-gueule-de-perico-legasse/


Gérard Chaliand : « Daech est expert en manipulation médiatique »

Tuesday 22 December 2015 at 02:18

Source : La Croix, Gérard Chaland, 16-12-2015

Pour Gérard Chaliand, expert en stratégie (1), notre idéal démocratique doit désormais s’appuyer sur une fermeté politique et un arsenal juridique adapté à cette nouvelle forme de conflit.

Né en Belgique, Gérard Chaliand est un spécialiste écouté des relations internationales, de la stratégie, des conflits armés et des guerres irrégulières

La Croix : Comment analysez-vous les attentats de vendredi soir à Paris ?

Gérard Chaliand : Les attaques contre Paris étaient prévisibles depuis longtemps. Déjà, du temps d’Al-Qaïda, la France était située en tête de la liste des pays que promettaient de frapper les djihadistes. Nos engagements militaires ont exacerbé cet objectif déclaré. Je note surtout la minutie de la préparation et son indiscutable impact.

Mais, au-delà du caractère tragique de ces événements, les autorités françaises ne peuvent plus s’en tenir à des propos fermes. Elles doivent passer à des décisions fermes. Déclamer que « nous sommes en guerre » (alors qu’il s’agit d’un conflit), soit. Mais où sont les mesures de guerre ? Je ne les vois nulle part.

Nous avons projeté nos forces militaires à l’extérieur, dans une demi-douzaine de théâtres d’opération. Sur le territoire français, le plan Vigipirate n’a d’efficacité que symbolique et nous n’avons rien fait sur le plan législatif. Il est grand temps de passer aux choses sérieuses.

Il faut arrêter de suspecter des suspects, ne plus attendre qu’ils nuisent pour découvrir, trop tard, qu’ils représentaient une menace sérieuse. Il faut que cesse cette propagande ouverte, ou semi-ouverte, ou à caractère plus ou moins clandestin, menée par des réseaux d’imams, recevant de l’argent de l’étranger dont nous connaissons souvent les filières.

Faire cesser les agissements de ces prêcheurs qui sèment la haine et dont nous récoltons les fruits. Nous devons adapter aux circonstances notre idéal démocratique qui ne convient plus tout à fait aux conditions d’aujourd’hui.

 Quelle distinction faites-vous entre guerre et conflit ?G. C. : La guerre se mène sur un front, avec un ennemi déclaré, visible, localisable. Une situation de conflit, c’est se retrouver avec un adversaire furtif, non aisément localisable. Comme sur le territoire français, par exemple. Ici, nous sommes en guerre de quoi ? Avec qui ? C’est une affaire d’abord de police, de conflits sociaux et idéologiques, avec un adversaire clandestin.

On ne fait pas la guerre avec un clandestin, on le traque. Ce n’est donc pas une guerre, au sens classique du terme. On peut se déclarer « en guerre »mais on fait quoi ? Ce qui compte, ce sont les actes, la fermeté de la réponse de l’État, pas les déclarations spectaculaires ou les mouvements de menton. Il faut modifier l’arsenal juridique et agir avec efficacité.

Que vous inspire le mode opératoire utilisé par les trois commandos dans les rues de Paris ?

G. C. : Rien de neuf. S’attaquer aveuglément et résolument à des civils, cette méthode a déjà été utilisée à Madrid en 2004 (192 morts, 1 800 blessés). Elle a eu pour résultat le retrait des troupes espagnoles d’Afghanistan. C’est une opération d’ordre psychologique. Le terrorisme vise les esprits et les volontés.

Le modus operandi est classique : des exécutants, prêts à s’immoler, frappent le plus possible dans un grand nombre de lieux pour devenir l’événement majeur qui va tétaniser un pays, l’apeurer. Nous n’avions rien connu de similaire en France.

Daech cherche à creuser le fossé entre la population d’origine musulmane et le reste du pays, à rendre inconciliable cet « eux et nous ». Face à ce piège, on ne va pas s’en sortir avec des mots.

Stratégiquement, quelle est la puissance réelle de l’arme terroriste ?

G. C. : Elle est extrêmement limitée. Raymond Aron avait donné cette définition : « Doit être considéré comme terroriste, toute action dont l’effet psychologique est très largement supérieur à ses effets physiques ».

Mieux vaut tuer une personne et être vue de mille qu’en tuer mille et n’être vu que d’une seule. L’effet psychologique des attaques de vendredi soir est très réussi. Daech pratique un terrorisme de déstabilisation.

Nous avons longtemps vécu en sachant qu’une partie de cette jeunesse tourne autour du trafic de la drogue. Notre excellent client, l’Arabie saoudite, finance ceux qui cherchent à nous détruire et nous le savons. Les contradictions montent et nous pètent à la figure. Nous commençons à payer la note d’avoir voulu la paix sociale à tout prix, sans être très regardant sur la réalité.

Pourquoi sommes-nous si mal préparés à cette éventualité ?

G. C. : Parce que nous sortons d’un demi-siècle de paix, de prospérité relative et de protection et que nous vivons dans une société du spectacle. La responsabilité des médias de l’audimat est considérable. Ils font joujou avec l’effroi, sans aucune conscience. Ils montrent tout, répètent sans arrêt les mêmes images effroyables à une population qui a peur de son ombre.

Daech est expert en manipulation médiatique. Ce sont des enfants de Hollywood qui nous servent des films d’horreur. Ils ont la tête embrumée et nous véhiculons leur message à gogo. Nous rendons service à notre adversaire. C’est totalement irresponsable. La télévision française n’arrête pas de faire de la publicité aux exactions de Daech, de relayer la théâtralisation de l’horreur, de la repasser en boucle. Mais cette fois, c’est ici et maintenant. Pour de vrai.

Frapper des civils est-il la marque des formes de guerre modernes ?

G. C. : Depuis la IIe Guerre mondiale et les bombardements sur Dresde, Coventry, Hiroshima, Nagasaki, on tue beaucoup plus de civils que de militaires. Dans les guerres modernes, on cherche surtout à faire craquer l’opinion pour faire plier le politique. Le centre de gravité des guerres contemporaines se situe dans l’opinion publique.

Nous n’encaissons plus les pertes. C’est une vraie mutation dans les sensibilités. Elle tient à notre démographie modeste qui se rétrécit, à nos sociétés vieillissantes, devenues peureuses. Nous vivions dans un milieu bien protégé, préoccupé de loisirs, sous le parapluie américain, débarrassé de la menace soviétique. Nous nous sommes bercés de beaucoup d’illusions sur un monde de paix, de compréhension, avec pour seul critère les droits de l’homme, d’ailleurs à géographie variable. Or, l’Histoire nous apprend que nous serons toujours dans un univers conflictuel.

► Gérard Chaliand, théoricien et observateur des guerres irrégulières

Né en Belgique, Gérard Chaliand est un spécialiste écouté des relations internationales, de la stratégie, des conflits armés et des guerres irrégulières. Il a beaucoup fréquenté, comme observateur engagé, les guérillas de la vague de décolonisation sur tous les continents et théorisé les formes évolutives du terrorisme, de l’Antiquité à nos jours.

Auteur de nombreux Atlas stratégiques, ainsi que d’une œuvre littéraire, il a enseigné à l’École supérieure de guerre, dirigé le Centre européen d’étude des conflits, conseillé le Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères. Sans cesser d’aller sur différents théâtres d’opération, il est régulièrement invité dans des nombreuses universités étrangères.

Recueilli par JEAN-CLAUDE RASPIENGEAS

(11) Auteur de Histoire du terrorisme de l’Antiquité à Daech (Bayard, 2015).

Source : La Croix, Gérard Chaland, 16-12-2015

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Gérard Chaliand : «Il n’y a rien à négocier avec les islamistes»

Source : Libération, Gérard Chaland, 22-11-2015

Faut-il bombarder Daech avec le risque de nouveaux attentats ? Pour le spécialiste du terrorisme, il est grand temps de se défendre et de ne pas culpabiliser.

Depuis le Kurdistan irakien, Gérard Chaliand, spécialiste des questions stratégiques et du terrorisme a répondu à nos questions. Professeur invité à Harvard, il a aussi coordonné Histoire du terrorisme, de l’Antiquité à Daech paru en septembre chez Fayard.

Beyrouth, l’avion russe, Paris : l’EI est-il en train de faire du terrorisme une sorte de politique étrangère ?

Le lien entre l’avion russe et les attentats de Paris est évident. L’EI n’est pas qu’un mouvement terroriste, c’est une organisation qui pratique plusieurs sortes d’actions : le terrorisme, l’action psychologique avec une horreur théâtralisée, mais aussi la guérilla, quand c’est utile, ou une guerre coercitive. Pour définir Daech, il faut parler de guerre révolutionnaire. A la différence de la guérilla, la guerre révolutionnaire vise à s’emparer du pouvoir. Ainsi, Daech veut exercer un contrôle administratif sur une population : battre monnaie, s’occuper de la voirie, de la santé, de la distribution d’électricité.

N’est-ce pas plutôt une guerre contre-révolutionnaire ?

Disons plutôt des réactionnaires avec une idéologie rétrograde mais mobilisatrice. Le déclin, d’une part du marxisme-léninisme, d’autre part du nationalisme, fait pour certains de l’islamisme une option. Dans certaines banlieues européennes, des jeunes marginalisés, mal dans leur peau, n’ont plus que cette offre. La région qui m’inquiète particulièrement est l’Afrique. Face à la conjonction entre croissance démographique et crise économique, l’islamisme jihadiste risque de faire figure de solution pour certains jeunes.

Sommes-nous face à du nihilisme ?

Je trouve que ce terme est un peu pratique pour se débarrasser de questions qui nous dérangent. Ceux qui rejoignent les rangs de Daech croient à quelque chose. Ils sont dans la réaction, certes, mais ils ne sont pas nihilistes. Certes, il n’y a rien de constructif et tangible, ils ne parlent ni de travail ni de développement économique. Ils se considèrent un peu comme des seigneurs.

Quelle est la particularité du terrorisme islamiste ?

Dans l’écrasante majorité des cas, que ce soit dans les guérillas ou dans les actes terroristes, l’autre souhaite négocier quelque chose et une négociation a lieu. Avec les islamistes, il n’y a rien à négocier. S’ils poursuivent un but, c’est l’écrasement de l’autre. Utopiquement, il cherche une victoire complète, inatteignable.

Comment contrecarrer cette volonté hégémonique ?

On ne va pas en finir facilement. Il faut déjà contenir militairement Daech, puis se doter d’un arsenal juridique permettant de ne pas laisser travailler à l’intérieur ceux qui cherchent à nous nuire. Il est grand temps de se défendre et de ne pas se culpabiliser. Par ailleurs, le terrorisme est essentiellement psychologique, cela se passe dans les esprits et dans les volontés, donc il ne faut pas rendre service à l’adversaire. Montrer d’atroces images en boucle, c’est faire la publicité de l’adversaire, et cela nous déstabilise encore davantage. Quand on est vraiment en guerre, ce qui n’est pas le cas, contrairement à ce qu’on déclare, il y a quelque chose qui s’appelle «la censure de guerre». Bien sûr, il faut informer, mais arrêtons de vendre de l’angoisse en continu.

Les bombardements à Raqqa sont-ils suffisants contre Daech ? Ne faut-il pas combattre au sol ?

Les bombardements sur Raqqa, épicentre proclamé de la présence de l’Etat islamique en Syrie, sont une excellente initiative. Je regrette simplement qu’on ne l’ait pas fait plus tôt. C’est une réplique d’autant plus utile qu’on se souvient que leur victoire dans la ville kurde de Mossoul, en juin 2014, avait créé un appel d’air pour des milliers d’apprentis jihadistes.

Ce serait idéal de combattre l’EI au sol, mais les conditions ne le permettent pas. Seuls les Américains pourraient le faire de façon efficace. Après leurs échecs en Irak, en Libye et en Afghanistan, ce mode d’action n’est plus au programme. Il est désormais impossible de mobiliser l’opinion publique sur ce type d’intervention qui coûte très cher en vies humaines et en moyens. De plus, Barack Obama est à un an de la fin de son mandat. Il n’y a que l’intervention russe qui pousse un peu les Américains sur le terrain.

Pourquoi ne peut-on pas agir indépendamment des Américains ? D’autres alliances sont-elles possibles ?

Les Français sont déjà présents sur de nombreux terrains : Mali, Niger, Centrafrique ou Irak pour la formation. Le budget militaire ne cesse de baisser depuis 1982, et nous ne disposons que de 15 000 hommes opérationnels alors que les zones d’intervention sont très étirées.

Les Britanniques, très performants il y a une dizaine d’années, se sont épuisés à soutenir les Américains, tant en Afghanistan qu’en Irak. Leurs forces militaires sont aujourd’hui très affaiblies.

Il y a, certes, un rapprochement avec les Russes. Mais ils n’iront pas au sol, ils vont continuer à bombarder à distance.

Finalement, seuls les Kurdes combattent Daech au sol…

OB : Euh, il y a un peu l’armée syrienne aussi…. !!!

En effet, c’est grâce à eux que la ville de Kobané n’est pas tombée. Ils sont aidés par les Etats-Unis et paradoxalement aussi par la Russie. Les Kurdes de Syrie sont remarquablement organisés, et ont remporté une importante victoire naguère, à Tall Abyad, position stratégique qui affaiblit l’Etat islamique. Ils sont aussi actifs à Hassaké et participeront, selon toute vraisemblance, à l’assaut sur Raqqa avec des brigades arabes. Il s’agit de la force militaire majeure dont les pays anti-islamistes disposent comme allié. Par ailleurs, les Kurdes d’Irak, les peshmergas, ont très activement participé au refoulement de Daech de la région du Sinjar. L’EI est aujourd’hui militairement en recul. Quand aux Russes, ils frappent les autres mouvements ismamistes également (Jabhat al-Nosra, lié à Al-Qaeda et Ahrar al-Sham encore plus extrême). Bien sûr, l’aire où les Kurdes peuvent intervenir est limitée par le fait que les populations sont arabes. C’est parmi ces derniers qu’on peut éventuellement trouver des adversaires au Daech.

Que pensez-vous de la stratégie turque, qui semble pour le moins ambiguë ?

Erdogan est un islamiste militant qui a cessé d’être «modéré» depuis longtemps. Pour remporter les dernières élections, il a joué avec succès sur l’ultranationalisme, voire le chauvinisme d’une importante partie de l’électorat turc et a ciblé le PKK ainsi que les Kurdes modérés (du HDP de Demirtas). Lors du siège de Kobané, il a fait ce qu’il a pu pour avantager Daech, et lorsque ce mouvement a menacé le Kurdistan d’Irak, il n’a pas levé le petit doigt. Ce sont les Américains qui sont intervenus pour stopper, avec leurs bombardements, l’avancée de Daech. Pour l’Union européenne, la Turquie est un allié plus qu’ambigu. Membre de l’Otan, elle a longtemps interdit aux Américains de se servir de la base située sur son territoire et n’y a consenti que très récemment afin de se démarquer de Daech. Elle appartient à une alliance objective avec les Saoudiens, les Qataris et les émanations d’Al-Qaeda, les Frères musulmans, pour la défense d’un islam sunnite radical. Et tous sont des alliés ambigus qui financent ceux qui nous frappent aujourd’hui.

Catherine Calvet Anastasia Vécrin

Source : Libération, Gérard Chaland, 22-11-2015

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Terrorisme en France. Une simple affaire d’incompétence. Cinq questions à Xavier Raufer

Source : Conflits, Xavier Raufer, 18-11-2015

Depuis janvier 2015, des islamo-terroristes ont tué 19 fois en France* – bilan inouï depuis la guerre d’Algérie. Désemparé, le gouvernement accumule les mesures d’affichage en omettant l’essentiel : virer le patron du renseignement intérieur (DGSI) et son état-major, dont la durable incapacité a aggravé le présent désastre. Il suffirait ensuite de remettre l’appareil antiterroriste au combat, partant des orientations suivantes, résumées en cinq questions, parue dans le n°7 de Conflits (octobre-décembre 2015), actuellement en kiosque. *Note : ces cinq questions posées à Xavier Raufer ont été publiées dans le numéro 7 de Conflits, paru en octobre, raison pour laquelle ne sont pas mentionnés les événements du 13 novembre dernier.

Xavier Raufer

Conflits : « L’État islamique » est-il un « groupe terroriste »

Xavier Raufer : « L’État islamique » (EI) n’est pas un « groupe terroriste » comme le serinent divers médias, mais une troupe mercenaire sunnite, au service des pétromonarchies du Golfe. Preuve : en 2015, l’EI possède plus de tanks que l’armée française et six mille autres véhicules blindés. Une armée possédant plus de blindés que la cinquième puissance mondiale, aux ordres d’ex-généraux de Saddam Hussein, est-elle un « groupe terroriste » ? Non.

Conflits : Dans le reste de l’Europe, que reste-t-il du terrorisme ?

Xavier Raufer : Peu de chose. En 2014 (selon Europol), hors de la Corse et de l’Ulster, il y a eu 10 attentats ou tentatives dans l’Union européenne (comportant 500 millions d’habitants). 24 pays sur 27 de l’UE sont hors terrorisme depuis cinq ans. Fin 2014, l’UE compte 0,03 attentats pour 100 000 habitants, un nombre infime.

Conflits : Djihadis rentrant en Europe : quel danger réel ?

Xavier Raufer : Les djihadis rentrant de Syrie ou d’Irak rêvent-ils tous de frapper les « infidèles » ? Non. Selon des sources de terrain, nombre de ces revenants sont terrifiés des scènes d’une « bestialité préhistorique » qu’ils ont vues : décapitations en masse, femmes enceintes éventrées, etc. Partis pour le djihad, d’autres échouent en pleine guerre de gangs – or tuer des musulmans, c’est risquer l’enfer. Arrêtés dans le Midi, trois djihadis ont ainsi déclaré préférer la prison en France à retourner un seul jour en Syrie…

Conflits : Quel est alors le vrai danger ?

Xavier Raufer : Le vrai danger émane des « recalés » du djihad, instables, voire simplets, comme Merah ou Nemmouche, renvoyés en Europe pour y frapper, car inutiles sur le terrain. Ou assez rusés pour rester en France et tromper la surveillance. Tous les islamistes ci-après nommés entrent dans cette catégorie.

Conflits : La DGSI : quel bilan ?

Xavier Raufer : Maigre. Contre le terrorisme, la DGSI a raté l’affaire de Tarnac, puis Merah. Ensuite : le « Bilal » de Joué-lès-Tours, les frères Kouachi, deux Coulibaly successifs, Sid Ahmed Ghlam en avril et Yassin Salhi récemment. Que le gouvernement exige désormais du renseignement intérieur qu’il cherche les vrais terroristes là où ils sont vraiment – non selon des schémas dépassés – telle est la seule voie pour sortir du présent chaos.

Photo : Siège de la DGSI à Levallois-Perret. Crédit : NemesisIII via Wikimedia (cc)

Source : Conflits, Xavier Raufer, 18-11-2015
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Les 35 plus grandes puissances militaires :

 
On note donc que la France possède royalement 423 chars (sic.), et la Syrie 4 950, l’Irak plusieurs centaines. Il est donc plausible que l’État Islamique ait récupéré plus de 400 chars des stocks de ces deux pays…

Source: http://www.les-crises.fr/gerard-chaliand%e2%80%89-daech-est-expert-en-manipulation-mediatique/


[EXCLUSIF] Alain Marsaud : “L’État français « a facilité les actions d’al-Nosra », la majorité refuse toute enquête”

Monday 21 December 2015 at 05:10

Source : Maxime Chaix, 16-12-2015

Par Maxime Chaix

Le 26 novembre dernier, le député et ancien juge antiterroriste Alain Marsaud (LR) répondait aux questions des internautes sur Twitter. À cette occasion, il m’avait indiqué qu’une enquête parlementaire susceptible d’exposer le soutien du Front al-Nosra par l’État français en Syrie avait été refusée par la majorité. D’après lui, ce refus visait à ne pas embarrasser le gouvernement. Je l’ai donc sollicité afin d’obtenir des précisions sur cette question épineuse, qui est occultée par les médias français malgré d’autres accusations compromettantes formulées par des experts et par différents parlementaires de l’opposition. Selon le député Marsaud,

« il n’est pas sérieusement contesté qu’à un moment ou un autre l’État français a facilité les actions d’al-Nosra qui, je vous le rappelle, est une filiale d’al-Qaïda [en Syrie]. J’ai eu l’occasion de montrer à l’Assemblée Nationale des photos de combattants d’al-Nosra en possession de fusils d’assaut français. Il n’y avait bien évidemment aucune volonté du gouvernement français de voir mis en évidence une telle collaboration avec un groupe terroriste. Ainsi fut rejetée toute idée d’enquête parlementaire. »

Je me suis donc intéressé aux propositions d’enquêtes parlementaires sur ce sujet en consultant le site l’Assemblée Nationale. La seule demande que j’ai pu trouver est celle du député Jacques Bompard (LS), qui avait proposé une commission d’enquête sur « le soutien de la France à la rébellion syrienne » à la suite des attentats de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher et de Montrouge en janvier 2015. L’assistant parlementaire du député Bompard m’a expliqué que cette enquête avait été refusée à deux occasions par la majorité. Déclarant ne pas avoir été surpris par ces refus, il a souligné que cette question dépasse les clivages partisans, et qu’une telle démarche aurait dû être soutenue par les députés de chaque parti politique. Il m’a également rappelé qu’une commission d’enquête parlementaire, si elle est approuvée, dispose de moyens d’investigation supérieurs à ceux de la Justice, dont la levée du secret-défense. Il semble donc que, lorsque les politiques profondes de l’Exécutif français sont mises en cause, la raison d’État l’emporte sur la nécessaire transparence démocratique de nos institutions.

Hélas, en novembre dernier, la France a été à nouveau frappée par des jihadistes, et il s’avère que la majorité d’entre eux avaient combattu en Syrie. De ce fait, j’ai demandé à Alain Marsaud s’il lui semblait cohérent que le gouvernement français soutienne clandestinement al-Qaïda contre Bachar el-Assad tout en affirmant être en guerre contre Daech. D’après le député,

« [n]ous assistons à une recomposition de la ligne de conduite de la diplomatie française, qui comprend aujourd’hui qu’elle s’est fourvoyée dans sa politique syrienne. À la suite des attentats du 13-Novembre, nous recherchons des alliés, ceux-ci se montrent exigeants et ne peuvent accepter aucune compromission avec tel ou tel groupe islamiste. Le plus étonnant est qu’on en arrive à dire que l’on va combattre aux côtés des troupes syriennes de Bachar el-Assad. »

Ce revirement, qui implique un rapprochement franco-russe, est considéré par certains comme un aboutissement de la synthèse « hollandaise », quand d’autres le jugent plus sévèrement. Il n’en demeure pas moins qu’en Syrie, les puissances occidentales, et pas seulement la France, ont été impliquées en profondeur dans le soutien de forces pas aussi « modérées » qu’elles nous ont été décrites jusqu’à présent.

En effet, trois semaines avant les attentats du 13-Novembre, la représentante états-unienne Tulsi Gabbard expliquait sur CNN que la CIA soutient clandestinement al-Qaïda pour renverser Bachar el-Assad. Le 19 novembre, elle a introduit une proposition de loi à la Chambre des Représentants pour stopper cette guerre secrète de la CIA et de ses alliés, qu’elle a décrite comme étant « illégale et contreproductive », et qui perdure malgré les attentats de Paris et de San Bernardino. Depuis l’intervention russe en Syrie, d’autres sources ont confirmé une intensification de l’aide de la France et des États-Unis en faveur d’« islamistes réputés fréquentables », pour reprendre l’expression ironique de l’éditorialiste du Point Michel Colomès.

À la suite des attentats du 13-Novembre, j’ai demandé à Alain Marsaud s’il pensait que les États-Unis et leurs alliés, dont le gouvernement français, allaient interrompre leur soutien de factions jihadistes pour renverser le gouvernement syrien. D’après le député,

« [n]os politiques militaristes, européistes et moralisatrices ont entrainé le chaos moyen-oriental de l’Irak à la Syrie, en passant par les autres pays en révolution.La prise de conscience de la part des Américains et de la France est en cours, du moins souhaitons-le. Le réalisme nous amènera sans doute à côtoyer des gens plus fréquentables et à mettre fin à un impérialisme sur la zone moyen-orientale qui ne nous a coûté que des morts. »

On ne peut que partager ce constat du député Marsaud, si l’on garde en tête que le bilan humain des guerres moyen-orientales de l’Occident est désastreux. Saluons également son objectivité, lorsqu’il reconnaît que « [n]os politiques militaristes, européistes et moralisatrices ont entrainé le chaos moyen-oriental de l’Irak à la Syrie, en passant par les autres pays en révolution. » En effet, le député fait implicitement référence à la Libye, et l’ancienne majorité dont il est issu partage une lourde responsabilité dans le chaos qui s’est imposé dans ce pays, et qui s’est étendu en Syrie. D’une part, le mauvais calcul du gouvernement sarkozyste dans le dossier syrien a placé la France dans une impasse diplomatique dont a hérité la majorité actuelle, et qui se résume en une phrase aussi intransigeante qu’irréaliste : « Assad doit partir ». Par ailleurs, dès l’intervention en Libye, l’État français présidé par Nicolas Sarkozy a clandestinement soutenu des forces pas aussi « modérées » qu’elles nous avaient été décrites dans les médias. En effet, en août 2014, le Washington Post a publié un important article intitulé « Les terroristes qui nous combattent aujourd’hui ? Nous venons tout juste de les entraîner ». D’après cette analyse,

« [a]u cours de nombreux entretiens menés ces deux derniers mois [avec des membres de l’État Islamique et du Front al-Nosra], ils ont décrit comment l’effondrement sécuritaire durant le Printemps arabe les a aidés à recruter, à se regrouper et à utiliser en leur faveur la stratégie occidentale – c’est-à-dire le soutien et l’entraînement de milices afin de combattre des dictateurs. “Des Britanniques et des Américains nous avaient [également] entraînés durant le Printemps arabe en Libye”, d’après un homme surnommé Abou Saleh, qui a accepté d’être interrogé si son identité restait secrète. [Ce dernier], qui est originaire d’une ville proche de Benghazi, affirma qu’un groupe de Libyens et lui-même avaient bénéficié dans leur pays d’entraînements et de soutien de la part des forces [spéciales] et des services secrets français, britanniques et états-uniens – avant de rejoindre le Front al-Nosra ou l’État Islamique [en Syrie]. Interrogées pour cet article, des sources militaires arabes et occidentales ont confirmé les affirmations d’Abou Saleh, selon lesquelles des rebelles en Libye avaient bénéficié d’“entraînements” et d’“équipements” durant la guerre contre le régime de Kadhafi. »

Ces politiques profondes ont donc été confirmées par des sources de haut niveau, et il semblerait que l’extrémisme des combattants entraînés par les services spéciaux occidentaux était parfois connu des autorités. En effet, toujours d’après cet article du Washington Post,

« “nous disposions dès le départ de renseignements nous indiquant que les groupes radicaux avaient profité du vide engendré par le Printemps arabe, et que certains des individus que les États-Unis et leurs alliés avaient entraîné à combattre pour la “démocratie” avaient des objectifs jihadistes – au préalable ou pas – [lorsqu’ils] rejoignirent al-Nosra ou l’État Islamique”, d’après un haut responsable des renseignements d’un pays arabe interrogé récemment. »

À l’aune de ces révélations, toute la lumière doit être faite sur les politiques profondes de l’État français et de ses alliés en Libye et en Syrie. En effet, il est inacceptable que des réseaux terroristes soient considérés par les puissances de l’OTAN comme des alliés clandestins pour renverser des gouvernements étrangers, tandis que les crimes des jihadistes en Occident justifient un durcissement sécuritaire permanent et un état de guerre perpétuelle.

Ce phénomène qui s’autoalimente n’a pas encore suscité une indispensable rationalisation des politiques étrangères occidentales à l’égard des pétromonarchies du Golfe et de la Turquie, dont le soutien de milices terroristes est de notoriété publique. Au contraire, ce processus engendre des lois d’exception sans cesse plus démocracides, comme on peut l’observer avec la réforme constitutionnelle sur l’état d’urgence qui est loin de faire l’unanimité au Parlement français. Hélas, ce processus engendre la légalisation et l’extension incontrôlée d’une surveillance de masse extrajudiciaire avant tout favorable à des intérêts privés et étrangers, mais totalement inefficace pour empêcher des attentats – du moins selon la NSA elle-même, ou d’après l’ancien responsable du contre-terrorisme à la DGSE. Dans ce contexte, comment pouvons-nous accepter que nos libertés publiques soient inutilement sacrifiées, alors que des groupes jihadistes pourtant hostiles sont clandestinement soutenus par nos États pour renverser des gouvernements étrangers ?

Comme l’avait déclaré le député Alain Marsaud quelques mois avant l’adoption de la « Loi Renseignement », cette législation « peut permettre une police politique comme nous n’en avons jamais vue. » Cette loi est dorénavant mise en œuvre, et les administrations « non spécialisées » qui seront autorisées à en faire usage vont l’être par décret du Conseil d’État, et non par voie législative. Cette dérive autoritaire de l’Exécutif, qui invoque la lutte antiterroriste pour s’arroger des pouvoirs exorbitants sans contrepoids judiciaires ou parlementaires, est pour le moins préoccupante.

Au plan extérieur, la politique étrangère occidentale en Syrie semble être hors de contrôle, comme s’en était alarmée la représentante Tulsi Gabbard sur CNN en octobre dernier, lorsqu’elle déclara que

« des armements US vont dans les mains de nos ennemis, al-Qaïda et ces autres groupes, des groupes islamistes extrémistes qui sont nos ennemis jurés. Ce sont des groupes qui nous ont attaqués le 11-Septembre, et nous étions censés chercher à les vaincre, mais pourtant nous les soutenons avec ces armes pour renverser le gouvernement syrien. (…) Je ne veux pas que le gouvernement des États-Unis fournisse des armes à al-Qaïda, à des islamistes extrémistes, à nos ennemis. Je pense que c’est un concept très simple : vous ne pouvez vaincre vos ennemis si, en même temps, vous les armez et vous les aidez ! C’est absolument insensé pour moi. »

Comme nous venons de le démontrer, le soutien clandestin de factions islamistes en Syrie n’est pas limité à celui de la CIA, les services spéciaux français, britanniques et leurs alliés moyen-orientaux étant étroitement impliqués dans ces politiques profondes qui menacent la paix mondiale – toujours selon Tulsi Gabbard. Face à cette situation d’instabilité globale, il est urgent que le gouvernement français, et plus généralement les États occidentaux,

1) interrompent les processus de durcissement sécuritaire permanent dans lesquels ils se sont engagés, qu’ils abrogent leurs politiques de surveillance massive et illégale de leurs populations, et qu’ils priorisent le renseignement humain et les actions judiciaires et policières pour combattre efficacement le fléau jihadiste. La « guerre contre le terrorisme » lancée par l’administration Bush à l’automne 2001 continuera d’enrichir une minorité de multinationales et leurs actionnaires, mais ne pourra qu’amplifier le désordre mondial et la haine anti-occidentale. Les trois ouvrages de Peter Dale Scott traduits en français, dont le dernier vient d’être recensé par l’IRIS, le démontrent indiscutablement ;

2) cessent sans délai de soutenir clandestinement des factions extrémistes en Syrie, qui finissent par attaquer les populations occidentales et qui déstabilisent un nombre grandissant de pays ;

3) réévaluent leurs alliances avec les principaux soutiens étatiques du fléau jihadiste, tout en abandonnant leurs sanctions économiques contre des États luttant réellement contre le terrorisme, tels que l’Iran et la Russie. Il faudrait alors se rapprocher de ces pays, notamment au plan commercial. Ce processus a été lancé avec l’Iran, et les perspectives d’une intervention militaire désastreuse contre ce pays s’éloignent durablement. Comme l’avait écrit Montesquieu, « [l]’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. » Cette solution, bien qu’imparfaite, est nettement préférable au pillage brutal de nations entières à travers la « stratégie du choc », comme on a pu l’observer en Irak ou en Libye ;

J’encourage donc mes concitoyens à dénoncer auprès de leurs élus les politiques profondes exposées dans cet article, puisqu’elles déstabilisent le monde et menacent nos démocraties. Essentiellement, je vous remercie de diffuser le plus largement possible cette analyse afin de sensibiliser votre entourage sur ces questions trop souvent ignorées ou déformées par les médias.

Maxime Chaix

Source : Maxime Chaix, 16-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/exclusif-alain-marsaud-letat-francais-a-facilite-les-actions-dal-nosra-la-majorite-refuse-toute-enquete/


On vous l’avait bien dit que c’est un dingue ce Trump…

Sunday 20 December 2015 at 22:40

Brève de l’Obs ce soir, je n’invente rien :

#TRUMP Il en remet une couche : Donald Trump défend Vladimir Poutine sur les meurtres de journalistes dont il est accusé

Publié le 20/12/15 à 17:51

Le milliardaire américain Donald Trump a défendu ce dimanche Vladimir Poutine contre ceux qui l’accusent d’avoir commandité des meurtres de journalistes.

“Il y a eu des allégations, bien sûr, je les ai vues, mais personne n’a prouvé qu’il avait tué des gens“, a déclaré Donald Trump sur la chaîne ABC. Il passé un long moment à défendre le président russe face au journaliste de la chaîne, George Stephanopoulos, qui a affirmé que Vladimir Poutine était soupçonné dans le meurtre de la journaliste d’investigation russe Anna Politkovskaïa en 2006.

“Pour être tout-à-fait juste avec Poutine, vous dites qu’il a tué des gens. Je n’en sais rien. Êtes-vous capable de le prouver ? Quels sont les noms des journalistes qu’il a tués?” a encore insisté Donald Trump.

Qualifié par Vladimir Poutine d’homme “brillant”, Donald Trump n’avait pas été avare de compliments cette semaine : “[Vladimir Poutine] est un dirigeant fort, il est un dirigeant puissant” avait estimé le républicain, qui fait course en tête pour la primaire en vue de la présidentielle de 2016.

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=> Eh oui, dans notre presse, en 2015, les ragots de bas étages deviennent la vérité dans nos médias !

Et on se retrouve avec des journalistes qui s’étouffent quand un malotru ose demander “mais avez vous le moindre début de commencement de preuve, ou l’avez vous juste rêvé très fort ?”

Amusant aussi, comme à chaque fois (le MH 17, le gaz en Syrie, l’assassinat de l’opposant à Poutine en bas du Kremlin…) on a a des accusations qui feraient se tordre de rire n’importe quel enquêteur sérieux tant elles sont “abracadabrantes”. (indice pour les “journalistes” de l’Obs ; si vous êtes Président de la Russie, et criminel (attention, ce n’est pas un pléonasme), et que vous décidiez de faire assassinez quelqu’un, vous ne prenez pas des petits malfrats qui lui tirent dessus, hein… Vous avez à votre disposition 412 substances pour qu’une mort semble naturelle, ou vous pouvez au pire la faire discrètement enlever et disparaitre sans laisser de traces, etc…

Mais bon, la rasions est toujours absente de ce genre de délire complotiste….

Par ailleurs, pour les mêmes journalistes qui s’étonnent du petit clin d’oeil de Poutine à Trump, ayant depuis longtemps perdu pied avec la réalité, je rappelle que :

1/ les Russes sont désormais officiellement en guerre contre le terrorisme islamique

2/ que, contrairement à nous, les Russes ne font pas semblant, la guerre c’est la guerre – c’est pou cela qu’ils les gagnent d’ailleurs, en général

3/ que l’Occident (et l’administration démocrate actuelle aux USA en premier lieu) soutient les terroristes “modérés”, et leurs financiers : Arabie, Qatar, Turquie

4/ que la possible future adversaire de Trump est “la sainte” Hillary Clinton, qui a juste comparé Poutine à Hitler l’année dernière (elle est donc parfaitement raisonnable et compétente, elle)

5/ que Hitler pour les Russes, c’est comme Hitler pour les Juifs – 20 millions de Russes morts… La comparaison est donc bienvenue…(bien entendu, si elle avait comparé Netanyahu à Hitler, cela aurait probablement été la fin de sa carrière)

6/ Dans la vie, on récolte toujours ce que l’on sème…

Allez, à suivre – je la sens bien 2016 ! (surtout avec les médias de bouse que l’on a)

Source: http://www.les-crises.fr/on-vous-lavait-bien-dit-que-c-est-un-dingue-ce-trump/


[Honte - à vous de jouer !] Le gouvernement bloque en pleine nuit un outil anti-paradis fiscaux, par Christian Chavagneux (Mis à jour !)

Sunday 20 December 2015 at 04:23

Alerte de Christian Chavagneux, qui lutte régulièrement contre la fraude fiscale…

Source : Alterecoplus, Christian Chavagneux, 16-12-2015

Le Premier ministre Manuel Valls, à l’Assemblée nationale. Le gouvernement a fait adopter un amendement annulant le vote en faveur du reporting pays par pays.
©DENIS ALLARD/REA

Mais qu’est-ce qui leur a pris ? Ce fut une nuit de folie à l’Assemblée nationale. A minuit, la France était dotée d’une arme anti-paradis fiscaux très attendue et qui recevait son deuxième vote parlementaire positif en 10 jours. A une heure trente du matin, le vote était annulé par une manœuvre indigne du gouvernement. Pour quel enjeu ?

Une étape clé dans la lutte contre les paradis fiscaux

Il y a 10 jours, l’Assemblée nationale votait positivement en faveur d’un amendement demandant aux entreprises de rendre public, une fois par an, dans chaque pays où elles sont implantées, le montant de leur chiffre d’affaires, le nombre de leurs employés, les profits réalisés et les impôts payés.

Pourquoi ces données sont-elles importantes ? Parce que les paradis fiscaux ne sont pas, contrairement à l’imaginaire public traditionnel, des coffres-forts remplis d’argent. Ce sont des territoires dont les gouvernements vendent la souveraineté aux plus puissants en leur proposant d’écrire les lois qui leur conviennent. Ces lois ont un objectif : découpler, artificiellement, l’endroit où se produit une transaction économique (toucher un salaire, des intérêts, des dividendes, un héritage, réaliser un profit, une plus-value…) et l’endroit où elle est juridiquement enregistrée et donc contrôlée et taxée.

La comptabilité pays par pays, c’est montrer à tous les turpitudes fiscales des entreprises

Avec une comptabilité pays par pays, on peut voir si une entreprise réalise du chiffre d’affaires dans un pays mais cumule des profits dans un autre où elle n’a pratiquement pas d’employés, voire d’activité et toutes sortes de bizarreries comptables. C’est une bonne technique pour repérer ceux qui abusent des paradis fiscaux, avant de déterminer comment les sanctionner.

Le G20 a prévu d’obliger les grandes firmes à fournir ces données aux administrations fiscales. Mais à elles seules. Actionnaires, parlementaires, ONG, journalistes, etc., sont exclus de l’information.

Antidémocratique

La nuit dernière, un amendement soutenu par plusieurs députés socialistes et écologistes visant à rendre publiques ces données reçoit de nouveau un vote positif. Comme le racontent les ONG qui sont suivi le débat, le gouvernement demande alors une suspension de séance, réveille ses partisans et fait voter à 1 h 30 un nouvel amendement annulant le précédent.

Surtout pas de données publiques sur les turpitudes fiscales de nos grandes entreprises. Une honte. Sur cette page de l’Assemblée, vous trouverez les noms des députés présents qui ont permis au gouvernement de réussir sa manœuvre (les votes pour) et ceux des 21 députés de gauche qui ont tenté de sauver l’honneur de leur famille politique.

Une manipulation à 1 h 30 du matin

En 2013, la France avait obligé les banques à fournir ces informations et à les rendre publiques. Le Parlement européen lui avait emboîté le pas et toutes les banques doivent désormais communiquer, à tous, ces informations (une analyse des résultats sera bientôt disponible). L’enjeu était d’étendre cette obligation à toutes les entreprises, au-delà du secteur bancaire.

Cette fois, le gouvernement a suivi le lobbying des grandes entreprises, qui sont vent debout contre la mesure, en refusant la transparence. Avec quel argument ? « On n’est pas sûr que tout ça tourne bien », a déclaré à l’Assemblée nationale Christian Eckert, le ministre du budget… (voir la vidéo)

La France s’enorgueillit d’être un pays moteur dans la lutte contre les paradis fiscaux. Cette nuit, c’était plutôt la France du frein moteur !

CHRISTIAN CHAVAGNEUX
Source : Alterecoplus, Christian Chavagneux, 16-12-2015
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Voici la liste des députés socialistes (pour l’UMP, je ne developpe pas, c’est “normal”) ayant refusé de suivre les préconisations des ONG de lutte contre la fraude fiscale :
  • Frédéric Barbier : barbier.frederic25@gmail.com ; fbarbier@assemblee-nationale.fr
  • Jean-Marie Beffara : permanence@jeanmariebeffara.fr ; jmbeffara@assemblee-nationale.fr
  • Jean-Claude Buisine :  jcb.permanence@orange.fr ; jcbuisine@assemblee-nationale.fr, c
  • Christophe Caresche : caresche@club-internet.fr ; ccaresche@assemblee-nationale.fr,
  • Pascal Deguilhem : pascaldeguilhem@free.fr ; pdeguilhem@assemblee-nationale.fr
  • Sébastien Denaja : sdenaja@assemblee-nationale.fr
  • Jean-Louis Dumont : jldumont@assemblee-nationale.fr ; Jean-Louis.Dumont@wanadoo.fr
  • Jean-Louis Gagnaire : contact@jlgagnaire.com ; jlgagnaire@assemblee-nationale.fr
  • Joëlle Huillier : jhuillier@assemblee-nationale.fr
  • Bernadette Laclais : blaclais@assemblee-nationale.fr
  • Jean-Yves Le Bouillonnec : jylebouillonnec@assemblee-nationale.fr
  • Viviane Le Dissez : vledissez@assemblee-nationale.fr
  • Bruno Le Roux : bleroux@assemblee-nationale.fr ; brunolerouxdepute@yahoo.fr
  • Victorin Lurel : vlurel@assemblee-nationale.fr
  • Frédérique Massat :  frederique.massat@orange.fr ; fmassat@assemblee-nationale.fr
  • Christine Pires Beaune : cpiresbeaune@assemblee-nationale.fr ; permanence@christinepiresbeaune.fr
  • François Pupponi : fpupponi@assemblee-nationale.fr
  • Valérie Rabault : vrabault@assemblee-nationale.fr ; contact@valerierabault.fr
  • Pascal Terrasse : pterrasse@assemblee-nationale.fr
  • Jean-Jacques Urvoas : contact@urvoas.org ; jjurvoas@assemblee-nationale.fr
Une semaine après les régionales, n’hésitez donc pas à les interpeller (poliment !) … Bien entendu, si un est votre député, un appel téléphonique à la permanence ou à l’assemblée (01 40 63 60 00) s’imposera lundi…
L’ensemble :

barbier.frederic25@gmail.com ; fbarbier@assemblee-nationale.fr  ; permanence@jeanmariebeffara.fr ; jmbeffara@assemblee-nationale.fr ; jcb.permanence@orange.fr ; jcbuisine@assemblee-nationale.fr ; caresche@club-internet.fr ; ccaresche@assemblee-nationale.fr ; pascaldeguilhem@free.fr ; pdeguilhem@assemblee-nationale.fr ; sdenaja@assemblee-nationale.fr ; jldumont@assemblee-nationale.fr ; Jean-Louis.Dumont@wanadoo.fr ; contact@jlgagnaire.com ; jlgagnaire@assemblee-nationale.fr ; jhuillier@assemblee-nationale.fr ;  blaclais@assemblee-nationale.fr ; jylebouillonnec@assemblee-nationale.fr ; vledissez@assemblee-nationale.fr ; bleroux@assemblee-nationale.fr ; brunolerouxdepute@yahoo.fr ; vlurel@assemblee-nationale.fr ;  frederique.massat@orange.fr ; fmassat@assemblee-nationale.fr ; cpiresbeaune@assemblee-nationale.fr ; permanence@christinepiresbeaune.fr ; fpupponi@assemblee-nationale.fr ; vrabault@assemblee-nationale.fr ; contact@valerierabault.fr ; pterrasse@assemblee-nationale.fr ; contact@urvoas.org ; jjurvoas@assemblee-nationale.fr

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P.S. le PS a réagi vu les mails reçus (comme quoi c’est utile), et c’est du lourd, je vous donne la conclusion :
Je me demande d’ailleurs pourquoi ils parlent de “faux procès”, alors qu’il s’agit d’un vrai procès, si si….
Un socialiste ose tout, c’est même à ca qu’on le reconnait…

Alors on va développer schématiquement.

Les entreprises communiquent sur leur résultat de façon agrégée par pays. Aujourd’hui, on a disons une grande banque qui fait 10 Md€ de chiffre d’affaires et 1 Md€ de bénéfice, monde.

Avec la publicité, le public et les ONG sauront qu’elle fait 8 Md€ de CA en France, avec 0 de bénéfice, et 2 Md€ dans la filiale informatique en Irlande, avec 1 Md€ de bénéfice, peu taxé. Or, c’est bien le groupe qui fixe le niveau de facturation entre l’Irlande et la France, il peut donc simplement transférer du profit là-bas en montant la re-facturation des frais informatiques.

L’avantage, quand c’est public, c’est que tout le monde peut mettre la pression sur l’entreprise (et bientôt sur l’Irlande), qui peut beaucoup moins facilement faire pression sur le fisc.

Alors c’est vraiment se moquer du monde que de parler de “création d’asymétrie d’information”, vu que c’est EXACTEMENT le contraire. Exemple : la banque multinationale communique ses résultats agrégés sur la France et l’Italie. Personne ne sait combien elle gagne en Italie. Mais en revanche, elle, elle sait très bien combien les petites banques italienne non multinationales y gagnent, vu que toute structure communique son résultat global !

Après, une fois que le reporting est public en France, leader, eh bien nous avons un argument de poids pour négocier avec les autres ! Et comme si la concurrente allemande de la banque française soumise à transparence ignorait le niveau de profitabilité en Italie – on croit rêver.

Enfin, c’est débile, la concurrence étant mondiale. Si on continue, on dira qu’on ne peut pas le fait en Europe tant que les USA et la Chine ne l’ont pas fait, etc. Du couillemollisme hollandais dans toute sa splendeur…

On avait déjà l’Europe qui nous obligeait à faire plein de trucs, maintenant on a l’Europe qui nous empêche par son inaction de faire des choses que rien en nous empêche, sinon le lobbying des entreprises… Elles doivent en avoir des choses à cacher…

Bon après, je vais aider le socialistes : quand on veut lutter contre la fraude fiscale, on fait ce que demande Chavagneux, pas Gataz ou Moscovici, c’est un des spécialistes français – et ce n’est pas un trotskyste (mais il est un peu de gauche, attention, vous n’avez plus l’habitude), ça ira très bien pour nos entreprises…

“L’Europe puissance”, quoi…

Source: http://www.les-crises.fr/honte-le-gouvernement-bloque-en-pleine-nuit-un-outil-anti-paradis-fiscaux-par-christian-chavagneux/


La guerre d’Ossétie de 2008 : Une victoire russe (I+II) Par Jacques Sapir

Sunday 20 December 2015 at 03:45

Source : Russeurope, Jacques Sapir,  8-8-2015

La guerre d’Ossétie du Sud, qui a éclaté à la suite de l’agression de la Géorgie en Août 2008 présente certaines analogies avec le conflit qui existe depuis 2014 en Ukraine orientale. C’est pourquoi l’analyse des événements ayant conduit à cette guerre, de l’intervention russe, et de ses suites, s’imposent aujourd’hui. Il faut revenir sur ce conflit en ceci qu’il constitue un prototype des manœuvres provocatrices menées, en partie par les Etats-Unis mais aussi en partie par des autorités locales, ici géorgiennes, là ukrainiennes, contre la Russie.

Cette guerre était un événement certes prévisible, mais qui aurait pu être évité. En effet, les sécessions de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud par rapport à la Géorgie ont eu lieu dès la fin de l’Union Soviétique. Elles traduisaient la volonté de populations fondamentalement étrangères à la population Géorgienne de se rapprocher des populations similaires qui vivent sur le territoire de la fédération de Russie. De ce point de vue, ces sécessions témoignent de l’échec de ce qu’il faut bien appeler un ethno-nationalisme, c’est à dire un nationalisme qui se construit autour d’une représentation mythifiée d’une « pureté ethnique » de la Nation, et qui opprime, ouvertement ou insidieusement, des populations considérées dès lors comme « impure » mais qui faisaient auparavant partie de cette Nation. De ce point de vue, cet ethno-nationalisme se révèle le fossoyeur de ces Nations issues de la désintégration de l’Union soviétique car il prétend substituer une « pureté ethnique » à un pacte politique. Cet ethno-nationalismeest aujourd’hui à l’œuvre en Ukraine, et il est le principal responsable de la désintégration du pays. C’est en réaction à cet ethno-nationalisme qu’il faut comprendre tant de la décision de la population de Crimée de rejoindre la Russie que l’insurrection des populations russophones du Donbass.

 Le champ de mines du Caucase et la présence américaine

Le partage des nationalités suivant les lignes administratives fixées du temps soviétique ne pouvait survivre à la fin de l’URSS que si, dans chacun des pays successoraux de l’Union soviétique avait pu s’imposer une conception clairement politique de la Nation. Mais, il faut ici ajouter que les forces qui travaillaient les régions du Caucase du Nord étaient, pour partie, antérieures à la désintégration de l’Union soviétique. En fait, dès les années 1970 les Abkhazes avaient cherché à être rattachés à ce qui n’était encore que la RSFSR. De même, les Ossètes du Sud cherchaient à se rapprocher des Ossètes du Nord, qui eux aussi étaient sur le territoire de la RSFSR. Cependant, c’est bien la guerre civile Géorgienne et l’émergence dans ce pays d’un puissant courant ethno-nationaliste, refusant de prendre en compte la diversité des populations, a radicalisé la situation. L’Ossétie du Sud comme l’Abkhazie se sont séparées de fait de la Géorgie à ce moment, ce qui a donné lieu à une situation tendue, avec une multiplication d’incidents militaires. La Russie a apporté un soutien modéré aux deux régions sécessionnistes dans la période où la Géorgie était dirigé par Shevarnadze. La situation va cependant évoluer à partir de 2002/2004 quand au renforcement de la Russie répond un raidissement de la position géorgienne.

La situation était devenue d’autant plus dangereuse que les Etats-Unis, engagés dans une politique de forte présence au Caucase dans une logique de confrontation avec la Russie, et ce dès la fin des années 1990, ont encouragé les autorités géorgiennes à ne pas chercher de compromis[1]. Les administrations américaines Clinton et Bush ont délibérément encouragé des regroupements de pays tel le GUAM[2] dans une logique d’affrontement avec la Russie. L’aide américaine à la Géorgie a pris une dimension d’aide militaire à partir de 2003 quand Washington a cherché systématiquement des alliés à son intervention en Irak. Les flux financiers issus de cette aide sont rapidement devenus importants et la Géorgie, qui est pourtant un pays fort peu peuplé, entretenait ainsi juste avant le conflit de l’été 2008 l’un des plus gros contingents non-américains en Irak. Cette aide militaire avait aussi pour fonction de crédibiliser la posture du Président Saakashvili qui, dès son arrivée au pouvoir en 2004 n’avait pas fait mystère de sa volonté de récupérer, y compris par la force, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud[3]. La fragilité du système politique géorgien, et du Président Saakashvili lui-même, ne pouvait qu’accentuer les risques. Reconnaissant la dangerosité de la situation, l’ONU avait entériné le principe d’une force de maintien de la paix, composée de soldats russes et géorgiens. L’OSCE maintenait une mission d’observation sur place. On peut ainsi parler pour cette guerre de la chronique d’un désastre annoncé.

 Le piège de l’ethno-nationalisme, fossoyeur des Nations

Mais, il faut revenir sur le phénomène de l’ethno-nationalisme qui se trouve à l’origine de ces guerres civiles, que ce soit en Géorgie ou en Ukraine. Comment, alors, définir un groupe ethnique ? S’opposent ici les tenants entre une vision essentiellement subjective de l’ethnicité et les partisans d’une vision dite « objective »[4]. Il est cependant relativement facile de montrer que ce ne sont pas des faits « objectifs » qui amènent à la constitution d’une Ethnie ou d’un Peuple mais bien des principes politiques. Ceci a été montré par un grand anthropologue, Maurice Godelier, dans son étude sur les Baruya[5]. Il insiste sur l’origine historique des clans et des ethnies. La définition ethnique n’est pas la solution à la constitution de la société :« L’ethnie constitue un cadre général d’organisation de la société, le domaine des principes, mais la mise en acte de ces principes se fait dans une forme sociale qu’on reproduit et qui vous reproduit, qui est la forme tribale »[6]. La distinction entre « tribu » et « ethnie » est essentielle si l’on veut comprendre comment se constituent les peuples. Avec la tribu nous sommes de plein pied dans des formes politiques d’organisations de la société.

Il faut cependant faire une distinction nécessaire entre l’imaginaire et le symbolique pour ce qui est la constitution historique de ce corps social. Dans le domaine du symbolique, il apparaît l’importance de la part du corps dans la constitution de ce sujet social et plus récemment sur la distinction entre les choses que l’on vend, les choses que l’on donne et celles qu’il ne faut ni vendre ni donner mais transmettre. On retrouve ici l’importance des règles, qu’elles soient explicites ou implicites, et qu’elles soient ou non adossées à un tabou. Si les règles symboliques, du fait de l’importance qui leur est conférée, ont bien un effet objectif (nul ne peut s’abstraire sans conséquences des liens familiaux particuliers ni rompre un tabou) leur origine est purement sociale (établir une domination ou organiser des formes de coopération). Le processus d’autonomisation par rapport aux conditions d’émergence et de production est bien de l’ordre du réel, et la situation crée par l’existence d’un mode symbolique en surplomb du monde réel constitue bien une contrainte pour la totalité des acteurs. Pourtant, cela n’empêche pas qu’historiquement, ce qui prime est le processus d’engendrement et de production de ces mêmes règles sociales. La vie en société est donc en réalité antérieure à la construction de l’ethnie. L’ethnie est une construction sociale[7] et non une réalité biologique, et il s’agit parfois d’un mythe discursif utilisé pour séparer une population d’une autre. De ce point de vue, l’ethno-nationalisme qu’il soit géorgien ou qu’il soit ukrainien aboutit à dresser des populations, qui pourtant habitent sur le même territoire, les unes contres autres alors qu’un pacte politique, tel qu’il s’incarne dans une Constitution, permettrait de trouver des médiations assurant une vie commune. Et, ici, on mesure à quel point l’ethno-nationalisme s’avère la fin de la Nation.

 Une défaite américaine ?

Cette guerre a été l’un des événements significatifs de l’évolution du rapport des forces à l’échelle mondiale qui caractérise l’émergence du véritable XXIe siècle politique après la période de transition des années 1992 à 2003. Cette crise a vu la Russie émerger comme un acteur central sur sa périphérie. En effet, l’agression géorgienne, symbolisée par le bombardement sauvage de la ville de Tskhinvali, bombardement qui fait écho aux bombardements que l’on connaît dans le Donbass, a provoqué l’intervention militaire de la Russie. La victoire militaire des forces russes contres les forces géorgiennes, si elle était pleinement prévisible, s’est déroulée de telle manière qu’elle a considérablement ébranlé l’architecture diplomatique et politique de la région. Plus que la Géorgie, ce sont les Etats-Unis qui émergent comme le perdant de cette crise en s’étant avérés incapables soit de la prévenir soit de protéger leur allié local.

Le fait que cette situation soit survenue dix années après la terrible crise financière qui avait frappé en août 1998 la Russie, et simultanément avec une dégradation très sensible de la crise financière américaine, n’est pas seulement symbolique (la crise de Lehmann Brothers surviendra dès le début du mois de septembre 2008). Ceci traduit les effets des évolutions que l’on a connues entre 1998 et aujourd’hui, en Russie et dans le reste du monde. Ainsi, à peine les médias commençaient-ils à reléguer au second plan la crise caucasienne (avec le voyage à Moscou du Président Nicolas Sarkozy de début septembre) que commençait à Wall Street la « Folle semaine » qui vit le gouvernement américain être dans l’obligation de mettre sous tutelle, voire de nationaliser, une partie de son système financier pour éviter un effondrement total. Cette crise est donc symptomatique. Elle est issue des tendances aventuristes de la politique américaine dans les régions de l’ex-URSS et de leurs impacts sur les pays qui ont cherché à s’allier à Washington. En effet, cette guerre aurait pu et aurait dû être évitée, en particulier si la politique américaine dans la région avait fait preuve de plus de sens des responsabilités. Cette guerre s’inscrit aussi dans une succession de crises marquant les effets de la politique américaine en Europe, qui va de la reconnaissance unilatérale de l’indépendance du Kosovo à la décision de déployer un système de missiles anti-missiles en Pologne et République tchèque qui ne peut qu’être perçu comme une agression par la Russie.

Elle a été manipulée pour tenter de ressusciter le climat de la « Guerre Froide » et en ce sens a conduit à une guerre des propagandes dont les effets sont très négatifs. La pratique systématique par une partie des médias européens et américains, à l’initiative des gouvernements, du discours du « double standard » ou de la morale instrumentalisée, a contribué à affaiblir encore plus les principes du Droit international.

Cette crise a aussi posé le problème de l’attitude politique de l’Union Européenne et même de sa simple capacité à avoir une position cohérente avec ses intérêts. De ce point de vue, on peut considérer qu’elle a anticipé sur les positions de l’UE par rapport à la crise ukrainienne. Elle soulève des interrogations importantes quant à la cohérence de la politique internationale française. La Guerre d’Ossétie du Sud apparaît bien comme un événement, en apparence limité, mais qui traduit et impulse des transformations importantes que ce soit dans les rapports de force ou dans les représentations des acteurs.

 Notes

[1] S. Milne, « This is a tale of US expansion not Russian aggression », The Guardian, 14 Août 2008, http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2008/aug/14/russia.georgia

[2] Pour Géorgie-Ukraine-Azerbaidjan-Moldavie.

[3] L’ancien Ministre de la défense géorgien en 2004-2006, Irakli Okrouachvili a indiqué qu’un plan de reconquête militaire de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud existait ainsi dès 2005. Voir Nouvelobs.com, « Le président Saakachvili préparait son offensive dès 2005 », 15 septembre 2009, http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/europe/20080914.OBS1245/le_president_saakachvili_preparait_son_offensive_des_20.html

[4] Simard J-J., « Autour de l’idée de nation. Appropriation symbolique, appropriation matérielle », in Nation, souveraineté et droits, Actes du IVe Colloque Interdisciplinaire de la Société de philosophie du Québec, Bellarmin, Montréal, 1980.

[5] Godelier M., « Ethnie-tribu-nation chez les Baruya de Nouvelle-Guinée», in Journal de la Société des océanistes, N°81, Tome 41, 1985. pp. 159-168. Idem, La production des grands hommes : pouvoir et domination masculine chez les Baruya de Nouvelle-Guinée, Paris, Fayard, 1982.

[6] Godelier M., « Ethnie-tribu-nation chez les Baruya de Nouvelle-Guinée», op.cit., p. 163.

[7] Isajiw W.W., « Definition of Ethnicity » in Goldstein J.E. et R. Bienvenue (edit.), Ethicity and Ethnic relations in Canada, Butterworths, Toronto, 1980, pp. 1-11.


Source : Russeurope, Jacques Sapir,  8-O8-2015

 

La guerre d’Ossétie de 2008 – les causes (II)

 Source : Russeurope, Jacques Sapir, 8-08-2015

Qui a piégé qui?

La crise Osséto-Géorgienne a suscité divers commentaires quant à ses causes dans la presse française, pour la plupart faisant porter la responsabilité directe ou indirecte de la crise sur la Russie. Bernard Dreano a soutenu l’idée que les autorités Géorgiennes seraient tombées dans un piège que Moscou leur aurait tendu[1], en faisant croire que la Russie était sur le point d’abandonner l’Ossétie du Sud. Inversement, mais pour aboutir à une conclusion mettant elle aussi la Russie en cause, Bernard Henri-Lévy, à la suite de son très médiatique voyage en Géorgie, a repris la thèse que ce pays aurait déclenché les hostilités pour préempter une attaque russe et que 150 chars russes auraient déjà été présents en Ossétie du Sud[2]. Cette thèse est celle du gouvernement Géorgien, qui a affirmé que son action du 7 août fut une réaction à une entrée massive de l’armée russe via le tunnel de Roki[3]. Notons que ceci fut cependant démenti dès le 7 août par le gouvernement américain qui signalait qu’il n’y avait aucun transfert de troupes de la Russie vers l’Ossétie du Sud[4]. Les nombreuses différences entre la réalité des faits et les déclarations de Henri-Lévy ont d’ailleurs été soulignées par des enquêtes indépendantes[5]. On retrouve ici les mensonges qui ont été proférés six années plus tard sur l’Ukraine.

La thèse Géorgienne, reprise par Bernard Henri-Lévy, a l’intérêt pour les partisans de Tbilissi de réconcilier la constatation indiscutable par tous les observateurs internationaux de ce que l’attaque a été le fait de l’Armée Géorgienne et le droit international. Si ce dernier ne reconnaît pas la légitimité d’une attaque préventive, il admet celle de l’attaque préemptive, qui implique cependant que l’on ait démontré que l’adversaire avait déployé ses unités militaires dans une posture ne laissant aucun doute quant à son intention d’attaquer de manière imminente.

Les deux thèses les plus largement diffusées dans la presse française font donc porter la responsabilité du conflit à la Russie, soit directement en affirmant que ce pays se préparait à envahir la Géorgie et que les troupes géorgiennes ont donc attaqué dans un cadre assimilable à de la légitime défense, soit indirectement en induisant délibérément les autorités géorgiennes en erreur pour les pousser à commettre une attaque légitimant la riposte russe.

En fait, on dispose désormais de bien assez d’éléments pour tenter de débrouiller le vrai du faux. On présente ici un certain nombre d’éléments qui permettent de réfuter ces deux thèses, mais qui montrent aussi qu’il y a bien des questions encore non résolues concernant cette crise.

1. Les manœuvres et les postures.

Le conflit n’a pas éclaté comme l’orage dans un ciel serein dans la nuit du 7 au 8 août 2008. Que ce soit du côté géorgien comme du côté russe s’étaient déroulés des exercices militaires importants qui avaient pour fonction d’envoyer des messages politiques. Les manœuvres précisaient des postures. Ainsi, durant la phase préparatoire aux hostilités qui court de fin juin à début août, deux exercices militaires majeurs ont pris place, en Géorgie comme en Russie. En Géorgie s’est tenu sous commandement américain l’exercice Immediate Response 2008 (IR-08) combinant des forces américaines (US Army et US Marine Corps), de la Géorgie, de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie et de l’Ukraine. Cet exercice s’est déroulé du 15 au 25 juillet et semble avoir considérablement accru la confiance du président Saakashvili dans ses forces armées. À la fin de l’exercice, le nombre des militaires américains (appartenant au US Marine Corps) présents au sein des troupes géorgiennes en tant qu’instructeurs étaient de 117[6].

L’exercice IR-2008 a pris une tournure politique particulière à la suite du sommet de l’OTAN de Bucarest d’avril 2008. On se souvient que la Géorgie avait à cette occasion, cherché à faire valider le principe de son adhésion à l’OTAN. La question était pendante depuis que, à la fin octobre 2004, le Conseil de l’Atlantique Nord avait approuvé le programme Individual Partnership Action Plan qui ouvrait la possibilité d’une accession de la Géorgie au Membership Action Plan (ou MAP), programme qui constitue la phase préparatoire à une adhésion. Mais, durant le sommet de Bucarest, plusieurs pays de l’OTAN, la France, l’Allemagne et l’Italie, se sont opposés à ce que la Géorgie puisse bénéficier du MAP. La déclaration finale du sommet a constitué de ce point de vue un exemple remarquable d’hypocrisie diplomatique puisque si la Géorgie (et l’Ukraine) étaient exclues du bénéfice du MAP, le Président George W. Bush pouvait affirmer sans être démenti que ces deux pays « avaient vocation à entrer dans l’OTAN ». Dans ce contexte, l’exercice Immediate Response 2008 avec l’engagement des forces américaines en Géorgie même qu’il impliquait ne pouvait pas ne pas passer au yeux des autorités géorgiennes comme un engagement moral des Etats-Unis, voire de l’OTAN, à les soutenir.

Dans le même temps, les troupes russes stationnées au Caucase du Nord (la 58e Armée) ont mené, en présence d’observateurs internationaux, l’exercice Kavkaz-2 qui a impliqué des déploiements de force importants. Le thème de cet exercice était le déploiement rapide de troupes à haute efficacité opérationnelles pour assurer la protection d’une région menacée par une intervention extérieure. On ne pouvait plus clairement indiquer aux autorités Géorgiennes la volonté du gouvernement russe d’intervenir en cas d’attaque contre l’Abkhazie ou l’Ossétie du Sud. Cet exercice s’est inscrit dans une suite de manœuvres similaires, dont certaines ont eu lieu en Asie Centrale et dans la Province Maritime d’Extrême-orient de la Russie. Le déroulement de cet exercice, qui a pris fin le 1er août 2008 a souligné le très haut degré de disponibilité des troupes opérationnelles russes, comme l’ont signalé les observateurs de l’OTAN présents. Cet exercice venait à la suite d’autres manœuvres, en particulier navales, qui avaient eu lieu au mois de juin et qui indiquaient elles aussi que la Russie se préparait à venir au secours de l’Abkhazie le cas échéant.

Ces informations auraient du conduire les autorités Géorgiennes a une appréciation plus réaliste et de la disponibilité des forces russe à réagir en cas de reprise des combats soit en Abkhazie soit en Ossétie du Sud et de leurs capacités militaires en cas d’opération contre l’Ossétie du Sud. La question posée est donc de savoir si les Etats-Unis, qui avaient des observateurs à ces manœuvres, ont transmis ces informations (et s’ils ne l’ont pas fait, pourquoi ?) et si elles ont été discutées au sein de la chaîne de commandement Géorgienne. La posture prise par les forces russes était au début d’août 2008 contradictoire avec l’idée que Moscou se préparait à abandonner l’Ossétie du Sud. Ainsi, de même qu’ils auraient du avertir les autorités géorgiennes du message envoyé par les autorités russes à travers les manœuvres Kavkaz-2, les Etats-Unis auraient dû dissiper toutes les illusions géorgiennes quant au degré de leur soutien à une possible initiative militaire, à la suite de l’exercice IR-2008. Pour n’avoir fait ni l’un ni l’autre, ou du moins avoir laissé planer assez de doutes, et avoir laissé subsister assez de zones d’ombre, les Etats-Unis portent une responsabilité directe dans la mise en place d’une désastreuse séquence de décisions du côté géorgien.

2. Les avertissements russes : de l’implicite à l’explicite

Si le déroulement des manœuvres russes de fin juillet 2008 relève de l’avertissement implicite, et de la logique de dissuasion, confronté à la montée des tensions sur la ligne de démarcation entre l’Ossétie du Sud et la Géorgie, Moscou a adopté une attitude beaucoup plus explicite dans les jours qui précédèrent immédiatement le déclenchement du conflit.

À partir du 31 juillet 2008, les incidents se multiplient en effet entre les forces du gouvernement Ossète et les forces géorgiennes. Des véhicules géorgiens sont victimes de l’explosion d’une bombe sur une route à proximité immédiate de la ligne de démarcation et des miliciens Ossètes sont tués par des snipers géorgiens qui utilisent des armes occidentales (le « fusil de sniper » de 12,7-mm). La succession des incidents ne fait aucun doute, et la responsabilité des deux parties est clairement engagée, même si le but de certaines actions ne semble pas immédiatement politique ou militaire[7]. Dans les quelques jours avant le début des combats (du 2 au 6 août 2008) les autorités russes ont prévenu à plusieurs reprises les autorités Géorgiennes de leur volonté de renforcer les forces de maintien de la paix en raison de la multiplication des incidents sur la ligne de cessez le feu que l’on vient d’évoquer. Les autorités géorgiennes ont protesté contre ce qu’elles ont appelé un renforcement indu de ces forces. Ceci témoigne de ce qu’elles étaient au courant et avaient pris note de la grande réactivité de la partie russe à la dégradation de la situation locale. Le 5 août, l’ambassadeur russe à Tbilissi, Youri Popov, a prévenu officiellement les autorités géorgiennes que la Russie interviendrait en cas de conflit[8]. La position russe avait donc été réaffirmée sans ambiguïtés deux jours avant le début des hostilités. Le 6 août, la presse russe donne un écho particulièrement important à la déclaration de plusieurs responsables d’Ossétie du Sud qui annoncent le risque imminent d’une attaque géorgienne. Rien ne vient donc soutenir la thèse que les autorités russes se seraient préparées à abandonner l’Ossétie du Sud à son sort et auraient pris leur parti d’une opération militaire géorgienne.

La combinaison de la démonstration faite durant les manœuvres de fin juillet et de ces éléments rend très peu crédible l’hypothèse d’une « piège » politique tendu par les autorités russes aux autorités géorgiennes. Si Moscou avait tenté de « piéger » Tbilissi, l’exercice Kavkaz-2 aurait été bien moins explicite, bien moins démonstratif et les autorités russes beaucoup plus passives entre le 2 et le 6 août.

 3. La vacuité de la thèse de l’attaque pré-emptive.

Le renforcement des troupes russes déployées sous mandat ONU en Ossétie du Sud à la veille de l’attaque géorgienne a été limité (environ 350 hommes). Il ne saurait justifier la thèse défendue par Tbilissi qui assimile son action à une attaque préemptive, rendue nécessaire par une menace imminente pesant sur la Géorgie. Les affirmations de BHL sur les « 150 chars russes » ayant traversé le tunnel de Roki le 6 ou le 7 août, qui reprennent le discours des autorités géorgiennes du 7 août (affirmations par ailleurs démenties par l’OSCE et les Etats-Unis), sont incohérentes avec le reste des événements. En effet, si les autorités russes avaient décidé de déployer une telle force ce ne sont pas seulement des chars qui auraient transité (150 chars représentent au moins 4 bataillons – à 33 chars chaque- soit plus que l’effectif en chars d’un régiment blindé) mais l’équivalent d’une large fraction d’une Division Blindée (avec outre cet hypothétique gros régiment de chars, au moins un régiment d’infanterie mécanisé, des moyens d’artillerie et de défense anti-aérienne).

Contrairement à ce qu’affirme BHL et ce que croient des personnes ne connaissant pas la chose militaire, on ne déplace pas des chars comme des jouets. On déplace des unités militaires, qui ont un Tableau des Effectifs et des Equipements connu. Si l’on veut avoir 150 chars dans un point donné, on transfère les unités dont la somme des équipements aboutit à ce nombre. Compte tenu des moyens de soutien aux unités blindées cela fait une force considérable, représentant environ les 2/3 d’une Division Blindée. Même si l’on estime qu’il s’agit de 150 véhicules blindés et non de 150 chars (les déclaration de BHL et des géorgiens ne sont pas toujours très précises)[9], on est quand même en présence de l’équivalent d’au moins un régiment blindé ou mécanisé, soit une unité importante disposant d’équipements et de forces d’appui non négligeables.

Dès la nuit du 7 au 8 août, les forces géorgiennes auraient donc du être confrontées à des moyens de feu puissants de la part de ces très hypothétiques troupes russes, ce qui n’est pas le cas. Les chars russes ne sont arrivés dans les faubourgs nord de Tskhinvali que dans la matinée du 9 août. Les avions géorgiens n’ont pas été pris à partie par une défense anti-aérienne dans la journée du 8 (les films de la télévision russe montrent des Su-25 Géorgiens opérant à basse altitude sans opposition). Un régiment de chars russes a des moyens anti-aériens (missiles et canons à tir rapide) conséquents…L’artillerie géorgienne aurait été immédiatement prise à partie par les moyens d’artillerie russes (tirs de contrebatterie). Ceci ne se produit qu’à partir de la journée du 9 août.

Le déroulement des opérations militaires par la suite est contradictoire avec la thèse géorgienne. Si l’Armée Russe avait été déployée en nombre et posture justifiant une attaque préemptive, les combats du 8 auraient été bien plus violents. Par ailleurs, si réellement l’Armée Russe avait pris position en Ossétie du Sud avec l’intention d’attaquer la Géorgie dans les jours suivants, la seule attitude rationnelle aurait été pour l’Armée Géorgienne de constituer des lignes de défense échelonnées entre l’Ossétie du Sud et les objectifs stratégiques potentiels en Géorgie, afin de tenter de « casser » l’attaque russe tout en faisant la démonstration à l’opinion internationale de son statut de défenseur. Compte tenu du rapport des forces, si l’Armée Russe avait réellement déployé des moyens en Ossétie du Sud qui auraient été susceptibles de menacer directement et immédiatement (deux conditions à remplir pour se prévaloir d’une attaque préemptive) la Géorgie, alors attaquer ces forces était totalement suicidaire de la part des forces géorgiennes.

La pénible réalité qu’il faut bien constater est que les autorités géorgiennes ont eu recours à un subterfuge grossier pour camoufler leur responsabilité dans le déclenchement du conflit et ses conséquences ultérieures. Il est ici significatif que la Secrétaire d’Etat Américaine Mme Condoleeza Rice a admis publiquement que c’était les forces géorgiennes qui avaient lancé le 7 août une opération militaire « majeure » sur Tskhinvali et les autres régions de l’Ossétie du Sud[10].

 4. Les incohérences du discours et de l’attitude géorgienne.

La thèse du « piège » politique tendu par la Russie à la Géorgie peut alors être évoquée. Les autorités russes auraient ainsi laissé les forces Ossètes provoquer les troupes géorgiennes tout en laissant entendre au gouvernement de Tbilissi que la Russie se désintéressait du devenir de l’Ossétie du sud. Pour être moins contraire à la réalité des faits, cette thèse soulève alors une autre question, au-delà de la démonstration faite plus haut que rien dans le comportement russe ne vient accréditer cette thèse. Si le plan des autorités de Tbilissi avait été uniquement de reprendre le contrôle de l’Ossétie du Sud en tablant sur une passivité, voire une connivence de la Russie, pourquoi les forces géorgiennes ont-elles tiré sans sommation et délibérément sur les troupes russes sous mandat ONU dès le 7 août ?

Les faits sont ici très clairs. À 11h40 le 7 août, soit environ 30 minutes après que le Président Géorgien ait fait informer le général russe en charge des forces du Maintien de la Paix qu’il entendait user de la force pour « instaurer l’ordre constitutionnel » à Tskhinvali, une grenade tuait 2 soldats russes dans un des postes d’observation[11]. Dans la nuit du 7 août dès le début du bombardement systématique de Tskhinvali et des environs (les premiers tirs sont enregistrés vers 23h30 et les forces russes de Maintien de la Paix seront prises à partie dès 23h40), une des casernes abritant les soldats russes de la force de Maintien de la Paix est délibérément prise pour cible par l’artillerie Géorgienne. Ce tir provoquera 10 morts du côté russe, portant ainsi à 13 le nombre des victimes dues aux tirs Géorgiens si on inclut un autre soldat tué dans la nuit. Ce tir est délibérément provocateur et ne peut que conduire à une réaction russe. Les autorités géorgiennes ne peuvent l’ignorer. La logique eut voulu d’éviter de prendre à partie ces troupes si on pensait qu’elles pouvaient rester passives. Ceci contredit à nouveau l’hypothèse que les autorités Géorgiennes auraient pris leur décision en escomptant une passivité de la Russie, dans le cadre d’un « piège » qui leur aurait été tendu.

La violence de l’attaque initiale était, elle aussi, volontairement provocatrice vis-à-vis de la Russie, comme le montrent les dommages subis par la population civile dans l’agglomération de Tskhinvali. On renvoie ici au cliché haute résolution de la région présenté dans l’annexe 1. Cette photo satellitaire de bonne résolution ne prend en compte que les dommages « verticaux » (ceux causés par l’artillerie et les lance-roquettes de 122-mm) et les bâtiments brûlés. Les dommages causés par des tirs « horizontaux » (canons de chars ou de BMP-1 et 2, tirs de mitrailleuses) n’apparaissent pas. On constate deux lignes de dommages, qui correspondent à l’évidence à deux axes de tir de l’artillerie géorgienne, l’un orienté Sud-Ouest/Nord-Est et l’autre Sud/Nord.

La photo permet d’évaluer les dégâts. Il semble que des villages au Nord-Est de Tskhinvali, et dont la population était Géorgienne ou mixte Osséto-Géorgienne, furent aussi touchés à ce moment. Il est possible (et probable) que certaines des destructions sur les villages les plus au nord de Tskhinvali soient le résultat ou de combats dans la journée du 9 août ou des représailles exercées par des forces Ossètes après le 11 août. Cependant, on constate très clairement sur la photo que les villages à population géorgienne qui sont hors de la ligne de tir initiale de l’artillerie géorgienne (Dzartsemi et Kheiti) sont beaucoup moins touchés que le reste. Il faut donc retenir comme possible l’hypothèse qu’une bonne partie des dommages relevés avant le 19 août (date du cliché) dans des villages à population géorgienne et imputés aux milices Ossètes soit le résultat du tir des forces géorgiennes dans la nuit du 7 au 8 août.

Nous savons, de plus, que les troupes géorgiennes n’ont pénétré qu’aux deux tiers de Tskhinvali soit à la hauteur de 42°14’ Nord en coordonnées standard. La forme des dégâts à Tskhinvali, leur répartition géographique, confirment plusieurs points :

 
  • L’agglomération a subi un bombardement délibéré et massif de la part de l’artillerie géorgienne.
  • Ce bombardement ne correspond pas aux combats les plus violents, car une partie importante des destructions est située au nord de la ligne d’avance la plus importante des troupes géorgiennes. Ces destructions sont donc l’effet d’un bombardement délibéré sur des objectifs civils et une population sans défense. Ceci les qualifie indiscutablement en crimes de guerre.
  • Les tirs géorgiens semblent avoir répondu à deux objectifs, d’une part détruire un certain nombre de bâtiments clés pour désorganiser le commandement Ossète, et d’autre part provoquer délibérément de fortes pertes civiles afin de provoquer un exode massif de la population. On ne peut donc ici parler d’erreur de tir ou, pour user de l’affreux euphémisme utilisé d’habitude en ce cas de « dommage collatéral ». L’attaque de la population civile faisait partie de la stratégie géorgienne et soulève donc la possibilité d’une accusation en nettoyage ethnique.

Je rappelle que tous les témoignages dont nous disposons concordent sur le point que la majorité des destructions correspond à la nuit du 7 au 8 août lors du bombardement initial, où 5% d’une ville de 30 000 habitants auraient été détruits. Le sud de Tskhinvali, si l’on en croit la télévision russe a été durement touché dans les combats du 8 et du 9, mais les dommages, causés par des tirs horizontaux, ne sont pas visibles sur la photo satellitaire. Il y a eu d’autres bombardements le 8 et le 9 août, mais ils semblent avoir été moins violents que l’attaque initiale. Notons que les observateurs militaires de l’OSCE ont signalé ces faits comme le rapporte désormais le journal Der Spiegel Allemand. Ils ont signalé la possibilité que les Géorgiens aient commis des crimes de guerre lors de l’attaque de Tskhinvali[12]. On cite des cas où les forces géorgiennes s’approchant de la ville ou entrant dans celle-ci auraient mitraillé les civils.

Compte tenu du nombre de bâtiments touchés, du fait que le bombardement a eu lieu de nuit, et de l’effet de surprise, il est très probable que le chiffre des victimes ait été très élevé, et supérieur à 1000 pour cette seule attaque. Un bombardement de cette ampleur, combiné à l’attaque délibérée sur les forces russes présentes sous mandat ONU, ne pouvait pas ne pas provoquer une forte réponse de la part des autorités russes. Si les explications jusqu’ici avancées, celle de Bernard Dreano sur un « piège » politique russe ou celle de BHL et des autorités géorgiennes sur une attaque préventive face à une forte pénétration mécanisée des forces russes ne résistent pas à l’examen des faits[13], on doit tenter de comprendre ce qui s’est passé.

 5. La nature « semi-féodale » de l’armée géorgienne.

Toute analyse des causes du conflit doit d’abord souligner la nature hétérogène et « semi-féodale » de l’armée géorgienne et de la chaîne de commandement militaire. Cette situation est pour partie l’héritage de la guerre civile de 1992-1993 et pour partie le résultat paradoxal des programmes de modernisation de l’armée géorgienne mis en œuvre avec le soutient des Etats-Unis.

L’origine de ces programmes remonte à l’adhésion de la Géorgie au programme « Partenariat pour la Paix » de l’OTAN (Partnership for Peace) en mars 1994. Ceci a établi une base légale pour le développement d’une coopération militaire entre la Géorgie et les Etats-Unis qui s’est concrétisé par le Georgia Train and Equip Program (GTEP) qui se met en place à partir du 29 avril 2002. Avant même le GTEP, les Etats-Unis, qui avaient soutenu la mise en place du groupe GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaijan et Moldavie) comme moyen de favoriser une influence occidentale, avaient joué les intermédiaires pour des livraisons d’armes de l’Ukraine à la Géorgie. Il ne s’agissait cependant que de matériels ex-soviétiques[14]. Dans le cadre du GTEP, les Etats-Unis on développé un programme particulier en direction de la police et des douanes, le Georgia Border Security and Law Enforcement Program (GBSLEP). L’influence américaine s’est donc faite sentir nettement au-delà des forces armées. Le GTEP incluait non seulement l’entraînement et la formation des cadres et personnels de l’armée géorgienne, mais aussi une aide financière et technique ainsi que des livraisons d’armes, soit directement soit indirectement comme lors de la cession par la Grèce d’une vedette lance-missiles de type La Combattante-II devenue la Dioskura dans la marine géorgienne.

On estime que pour 2002, soit l’année de démarrage du programme, l’aide directe et indirecte dans le cadre des deux programmes GTEP et GBSLEP a été équivalente à 50% du budget militaire de la Géorgie, qui à l’époque était il est vrai squelettique. Au total, en 2002 et 2003, ces deux programmes ont représenté une injection de 64 millions de Dollars US dans les forces armées et de sécurité de la Géorgie, soit un doublement des sommes qui étaient inclues dans le budget géorgien pour ces forces et cette période.

L’ampleur des programmes d’aide militaire américains s’est brutalement accrue quand la Géorgie a accepté de soutenir les Etats-Unis dans l’invasion de l’Irak[15]. Le GTEP a été remplacé en 2005 par le Georgia Security and Stability Operations Program (GSSOP) qui a inclus des transferts financiers significatifs. Ainsi le budget militaire de la Géorgie est passé de 18 millions de Dollars par an en 2002 à 879 millions en 2007.

 

La somme de 879 millions de Dollars ne correspond pas au total des dépenses militaires pour 2007 mais uniquement aux dépenses financées sur le budget de l’État géorgien. L’accès à l’aide financière américaine, ainsi que le transfert gratuit d’équipements, de carburants et la prise en charge des dépenses d’entraînement et de garnison des troupes géorgiennes hors du pays a représenté une part considérable des dépenses réelles. Ces dernières ont été estimées par différentes sources à 3 milliards de Dollars US[16], soit 29% du budget. L’aide américaine s’est donc traduite par une injection massive de fonds dans un pays qui reste extrêmement pauvre, avec un PIB par habitant calculé à moins de 2400 dollars US par an.

L’armée géorgienne s’est alors clivée en une fraction soutenue et encadrée par les instructeurs US, et dont la solde est considérable dans les conditions locales (elle peut dépasser les 2000 Dollars par mois pour certaines unités ce qui correspond à une véritable fortune dans la Géorgie actuelle), et le reste des forces armées qui est toujours mal soldé, mal équipé et peu entraîné. Le haut commandement et une partie de la classe politique (le Ministre de la défense, le Chef d’état-major, le Président..) ont pris l’habitude de « patronner » des unités. Ils en tirent une certaine légitimité, mais aussi une garantie pour leur avenir politique dans un pays où les institutions politiques sont peu stabilisées et qui a connu, il y a quelques années, une guerre civile. Pour les soldats et les officiers de ces unités « patronnées », le patronage est une garantie que le flux d’argent et d’équipement ne va pas se tarir, et que leurs chances de promotion sont bien plus grandes que dans les autres unités. Le patronage assure aussi la possibilité de faire nommer dans l’unité privilégiée des membres de sa famille et de sa parentèle et donc d’étendre la liste des bénéficiaires de la « rente militaire ». C’est d’ailleurs un phénomène que l’on constate à nouveau en Ukraine, au sein des forces armées de Kiev. Si l’on accepte l’évaluation totale des dépenses militaires de la Géorgie à 3 milliards de Dollars, compte tenu du montant des dépenses figurant au budget, on aurait un flux de transfert supérieur à 2,1 milliards de Dollars (soit plus de 20% du PIB). La part monétaire directe (les soldes et subventions) et indirecte (les achats faits en Géorgie sur la base des crédits des programmes d’assistance) de ce flux pourrait atteindre 12% à 14% du PIB, bénéficiant directement à une fraction très réduite de la population.

Ceci aboutit à des forces armées qui dans certains cas sont plus fidèles à des hommes qu’à des institutions. La chaîne de commandement est ainsi fragmentée. Ceci aboutit aussi à de grandes différences dans l’efficacité des unités, la motivation et la fidélité des troupes.

Outre les transferts issus de l’aide militaire américaine la principale source de financement extérieur du pays résidait dans le rapatriement des revenus des géorgiens travaillant en Russie. On y estime à 600 000 le nombre d’immigrés géorgiens, ce qui est un nombre considérable quant on sait que la population en Géorgie ne dépasse pas en 2007 4,4 millions. Les chiffres de ces rapatriements diffèrent suivant les statistiques de la Banque Centrale de Russie (qui les estime à 665 millions de Dollars) et ceux des statistiques de la Banque Centrale de Géorgie (545 millions de Dollars). Cependant, la fraude fiscale peut induire des sous-déclarations aux autorités géorgiennes, ce qui expliquerait la différence entre les 2 chiffres. Quant on sait qu’une partie des rapatriements de revenus ne se fait pas en monnaie mais en biens (le migrant achète en Russie des biens de consommation qu’il rapatrie en Géorgie lors d’un séjour dans sa famille et revend alors sur place[17]), le montant des transferts en provenance de Russie pourrait s’établir à près d’un milliard de Dollars, soit environ 10% du PIB.

Il s’agit d’un montant non négligeable. Il est cependant probablement mieux réparti dans la population que les flux issus de l’aide militaire, qui sont beaucoup plus concentrés et par là plus susceptibles d’engendrer des effets rapides d’enrichissement à l’échelle des individus ou des familles. Cette nature « semi-féodale » de l’armée Géorgienne s’accompagne de ce que l’on peut interpréter comme une « euphorie militaire » de l’économie et de la société. En effet l’injection massive de moyens financiers à travers les programmes d’aide militaire permet de comprendre une anomalie des données économiques du Pays. En 2007, les importations de la Géorgie ont atteint 5,2 milliards de Dollars soit pratiquement 50% du PIB. Les exportations restant à 1,2 milliards, on atteint un déficit commercial de 39% du PIB, qui n’est clairement pas supportable à moyen terme.

Le pays, depuis l’arrivée au pouvoir du Président Saakashvili en 2004, est clairement sous perfusion économique et financière du fait de l’aide militaire américaine. La forte accélération de l’accroissement des budgets militaires en témoigne. Les phénomènes de rente liés à la capture des flux financiers liés aux programmes d’aide militaire jouent un rôle important dans la structuration sociale et politique du pays.

 6. Les déterminants internes du choix de la guerre par la Géorgie.

Dans ce contexte, une hypothèse crédible et soutenue par plusieurs sources est que des responsables géorgiens ont tenté une opération militaire sur Tskhinvali essentiellement pour en retirer un bénéfice politique contre le Président Saakashvili, dont la dernière élection a été fortement contestée en raison d’irrégularités évidentes, qui avaient d’ailleurs provoqué de violentes manifestations de la part des partis d’opposition. Le Président Saakashvili a cherché à construire sa légitimité depuis sa prise du pouvoir lors de la « Révolution des Roses » de 2004 sur sa capacité à restaurer l’unité nationale. Si ses efforts face aux tendances centrifuges en Adjarie ont été couronnés de succès, il est allé d’échecs en échecs en ce qui concerne l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud dont les populations se sentent bien plus radicalement étrangères à la Géorgie. L’incapacité de Saakashvili à concrétiser ses promesses nationalistes est venue s’ajouter à l’insatisfaction générale qu’engendre une politique économique qui n’a eu que peu d’effets positifs pour la population. Le PIB de la Géorgie n’atteignait encore que 65% de son niveau de 1990 en 2007. Même si l’on tient compte de la baisse de la population Géorgienne (liée à une très forte émigration) le PIB par tête en 2007 ne dépasse pas les 80% de son niveau de 1990. Au sein même de son parti et de son gouvernement, Saakashvili a été confronté à une contestation forte, en particulier depuis les élections de début 2008 qui ont montré la fragilité de sa position. On peut penser que certains responsables gouvernementaux ont tenté de supplanter le Président comme chef politique en préemptant à leur profit son programme de reconquête de l’Abkhazie et de l’Ossétie. La nature fragmentée et rentière des forces armées, ce que l’on a appelé leur nature « semi-féodale », a certainement été ici un élément favorisant de telles initiatives.

On peut penser que Saakashvili, prenant connaissance dans les premiers jours d’août de ces projets et en mesurant le danger qu’ils faisaient peser sur son avenir politique, aurait été obligé de se lancer dans une surenchère sur la question de l’Ossétie du Sud pour ne pas perdre la face et son pouvoir. Ceci pourrait alors expliquer le discours extrêmement agressif du Président Saakashvili du 7 août que l’on a déjà évoqué et dont on a signalé qu’il était pleinement contradictoire avec la thèse d’une opération Géorgienne volontairement limitée à l’Ossétie du Sud, décidée en se fondant sur une passivité ou une connivence de la Russie. L’ancien Ministre de la Défense de Géorgie Irakli Okrouachvili, qui fut en poste de 2004 à 2006 et qui s’est enfuit de son pays à la suite d’un conflit avec le Président Saakashvili, a révélé publiquement qu’un plan de contrôle militaire de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie avait été préparé en 2005 par les autorités géorgiennes[18]. La date de rédaction de ce plan correspond à la montée en puissance de l’aide américaine. Cependant, ce plan n’avait pas retenu à l’époque le soutien des autorités américaines qui, selon l’ancien Ministre de la Défense, avaient alors explicitement déconseillé aux autorités géorgiennes une aventure militaire.

Le plan géorgien de 2008 n’était pas la simple reprise de 2005 et, d’après ce que l’on peut savoir au début de septembre 2008, aurait alors reposé sur une série d’hypothèses. Supposant que les troupes russes de la 58e Armée ont reçu des permissions massives (ce qui est logique à la fin des grandes manœuvres et de plus quand elles correspondent au début des vacances), les dirigeants géorgiens tablent sur la lenteur de la réaction russe (aggravée par le fait que Vladimir Poutine sera à Beijing pour les Jeux Olympiques et due Dmitry Medvedev est en vacances à Sotchi) et non sur la passivité de la Russie. Ils estiment qu’il faudra au moins 3 jours à la 58e Armée pour commencer à réagir et sans doute 5 ou 6 pour qu’elle se déploie en Ossétie du Sud. Ils s’estiment alors capables d’occuper la majorité du territoire de l’Ossétie du Sud et de provoquer un tel flot de réfugiés vers le Nord que le tunnel de Roki en serait bloqué. La destruction du tunnel, ainsi que celle des ponts situés sur la route allant vers Java a aussi pu être planifiée pour tenter d’isoler l’Ossétie du Sud de renforts russes. Le déploiement des forces russes pourrait ainsi être considérablement retardé, ce qui permettrait aux autorités géorgiennes de mobiliser leurs soutiens politiques internationaux pour faire valider la nouvelle situation de fait et présenter une tardive réaction russe comme une « invasion » délibérée. Pour réussir, un tel scénario implique d’une part que les troupes géorgiennes puissent conquérir très vite Tskhinvali et les environs (d’où la nécessité de déployer des moyens considérables à l’échelle du pays et d’agir de manière très brutale) et d’autre part que la population Ossète soit prise de panique. Il faut donc délibérément provoquer de fortes pertes civiles afin d’induire le flot de réfugiés qui doit rendre le tunnel de Roki impraticable ou détruire ce dernier ainsi que la route qui descend vers Java.

Ce plan cependant est très fragile, et repose sur une succession de « si ». Que l’un vienne à manquer et le plan général s’effondre. L’analyse fournie dans la Jane’s Defence Weekly souligne les erreurs stratégiques commises par les Géorgiens.[19] Si les troupes russes sont plus réactives que ce que les Géorgiens ont prévu, et si l’avance dans Tskhinvali est plus longue que prévue, ou si le tunnel de Roki et la route de Java ne sont pas bloqués, alors les troupes géorgiennes sont prises « la main dans le sac ». Le nombre d’impondérables était très élevé.

On peut penser que le jeu politique interne en Géorgie, le choc des ambitions et des combinaisons politiques, ait conduit à une prise de risque bien excessive de la part des autorités géorgiennes. C’est ici que la confiance placée par le Président Saakashvili dans les forces spéciales géorgiennes entraînées par l’Armée Américaine a pu jouer. Saakashvili et les responsables militaires Géorgiens ont pu croire qu’ils pourraient effectivement isoler l’Ossétie du Sud en détruisant les voies d’accès depuis la Russie. Une prise de risque inconsidérée est ainsi probable et d’autant plus que la chaîne de commandement est fragmentée. Après tout, les dirigeants géorgiens ne seraient pas les premiers à avoir déclenché une guerre sur la base d’une évaluation stratégique erronée…On doit ajouter que les perfusions massives d’équipements et d’argent qui ont été consenties par les Etats-Unis au profit des forces armées et de sécurité de la Géorgie ne pouvaient que créer un sentiment de puissance très illusoire.

Il faut noter que Saakashvili a déclaré le 7 août a la télévision Géorgienne son intention de « mettre fin aux régimes criminels d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie »[20]. Cette déclaration est significative car elle indique la volonté du Président Géorgien de présenter son action comme globale et non comme une simple réaction à la multiplication d’incidents que l’on connaissait depuis le 1er août.

La déclaration du 7 août est irresponsable et incompréhensible si l’on se place du point de vue d’une opération limitée réalisée avec l’assentiment des autorités russes. Elle devient plus logique si l’on considère que Saakashvili est engagé dans une spirale de la surenchère pour des raisons de politique intérieure. La déclaration de Saakashvili, il faut le signaler, est postérieure à une déclaration officielle datant du 5 août, réaffirmant la volonté des autorités russes de garantir et défendre l’Ossétie du Sud[21]. Elle est aussi postérieure à des déclarations du même Saakashvili faites entre le 1er et le 4 août et où le Président géorgien appelle à mettre fin à la « guerre des snipers ». Saakashvili a visiblement changé radicalement de position entre le 4 et le 7 août, ce qui conforte l’hypothèse d’une décision d’attaque prise dans le cadre d’une logique de surenchère politique se développant au sein du gouvernement géorgien.

Il faut donc souligner que si le plan géorgien est bien celui que l’on vient d’indiquer et qui correspond a différents éléments d’information qui ont pu être recueillis entre fin août et début septembre 2008, alors nous retrouvons une cohérence aux actions militaires géorgiennes des 36 premières heures des combats. Ceci est vrai y compris pour l’attaque délibérée sur les troupes russes en position d’observateur, ainsi que le meurtrier bombardement de Tskhinvali et de ses environs, qui ne sont pas compréhensibles autrement.

 7. La responsabilité américaine.

Cependant, l’hypothèse présentée ci-dessus, si elle est cohérente avec l’état sociologique et politique de l’armée géorgienne soulève d’autres problèmes, et en particulier celui de l’attitude des États-Unis. Compte tenu de la présence des conseillers militaires intégrés dans les unités géorgiennes, Washington ne peut pas ignorer ce qui se prépare. D’ailleurs, la mission militaire israélienne (qui entraîne les Géorgiens à l’usage des drones) va se retirer le 6 août. Pourtant, les autorités américaines n’interviennent à aucun moment pour calmer le jeu, alors qu’elles disposent des rapports montrant l’état de disponibilité des forces russes (rapports envoyés par les observateurs qui ont assisté aux manœuvres Kavkaz-2 déjà évoquées) et qu’elles ne peuvent ignorer que les forces géorgiennes n’ont aucune chance face à la 58e Armée. En 2005, si nous en croyons l’ancien Ministre de la Défense de la Géorgie, les Etats-Unis s’étaient explicitement opposés à l’option militaire. Ceci prouve qu’ils en avaient les moyens, et ce à un moment où leur influence à Tbilissi était bien plus faible qu’elle ne l’était en 2008. Cet événement ne rend que plus surprenant le fait qu’une mise en garde analogue n’ait pas été formulée au début août 2008.

À défaut d’une mise en garde, les autorités américaines auraient pu et du retirer leurs conseillers militaires, intégrées au sein des unités géorgiennes. Elles n’en font rien, prenant ainsi la responsabilité que des officiers américains soient directement impliqués dans plusieurs violations du Droit International et dans des crimes de guerre et passent du statut d’instructeurs à celui de conseillers. Elles prennent aussi la responsabilité d’une situation telle que ces officiers puissent être fait prisonniers par les forces russes. De fait, il y a eu à la connaissance de l’auteur deux occasions où, le dimanche 10 août, des troupes russes ont été à deux doigts de capturer des officiers américains. Ils semblent que les officiers russes ont volontairement laissé partir l’unité géorgienne encerclée pour ne pas à avoir à gérer un problème politique quelque peu délicat…

Il faut ici ajouter que les 117 officiers américains présents dans les forces géorgiennes ne sont pas les seuls ressortissants étatsuniens présents sur le terrain. Les précédents en Irak et en Afghanistan montrent que les missions de formation et d’entraînement qui sont mises en place par les forces armées américaines impliquent très souvent la présence de sociétés privées (les « contractors ») auxquelles une partie du travail est sous-traité. La présence d’employés de ces sociétés au sein des unités géorgiennes est très probable. Les autorités russes ont fait mention de « mercenaires » qui auraient été blessés et capturés lors des combats du 9 août à Tskhinvali[22]. Ce point n’a plus refait surface depuis en raison des problèmes juridiques qu’il soulève. En effets, des ressortissants étatsuniens ou de tout autre pays employés par des sociétés de sécurité privées et combattant au sein des unités géorgiennes, même si ces dernières ont un contrat en bonne et due forme avec l’US Army ou les autorités géorgiennes, sont techniquement des mercenaires et pourraient être traités comme tels par les autorités russes. Si des ressortissants américains sont bien tombés entre les mains des forces russes, on peut parier qu’ils ont été discrètement expulsés dès que leur état de santé l’a rendu possible.

Quoi qu’il en soit, le comportement de Washington est ici hautement irresponsable et la responsabilité des Etats-Unis dans le déclenchement de la crise engagé, au moins de manière indirecte. Vladimir Poutine a affirmé que le gouvernement américain aurait commandité l’attaque géorgienne pour favoriser l’élection de McCain. Honnêtement ceci semble à première vue peu crédible ; mais, force est de constater qu’il y a des points troublants dans l’attitude américaine. Il y a ici trop de zones d’ombre pour que l’on puisse balayer du revers de la main la pire des hypothèses, soit celle d’une manipulation délibérée des autorités géorgiennes par les Etats-Unis. A-t-on donc voulu tendre un piège aux Russes en espérant capitaliser sur la réaction anti-russe de certains pays pour faire avancer des dossiers comme celui de l’élargissement de l’OTAN ou le bouclier anti-missiles, voire effectivement pour relancer la candidature McCain ? Est-ce une simple suite d’incompétences dans l’administration US ? Officiellement, les autorités américaines ont nié une dégradation de la situation sur le terrain jusqu’au 7 août alors que la représentation militaire israélienne a commencé à réagir dès le 3 août. À l’heure actuelle, les deux hypothèses évoquées, celle impliquant la manipulation et celle impliquant une suite calamiteuse de catastrophiques erreurs de jugement, sont plausibles. Ce qui n’est pas plausible est la thèse d’une administration américaine qui n’aurait pas été au courant de ce qui se tramait. La réaction israélienne le montre.

 8. La position russe.

Il reste à évaluer ce que fut la position russe. Les avertissements à la Géorgie avaient été clairs fin juillet et début août. Dès la fin juin, les troupes de construction russes avaient achevé la remise en état de la ligne ferroviaire côtière reliant l’Abkhazie à la Russie, et permettant ainsi le déploiement rapide de matériel lourd russe en Abkhazie. Des manœuvres amphibies avaient été conduites par la marine russe de Mer Noire. La Russie avait donc donné des signes manifestes de son inquiétude quant à une possible dégradation de la situation soit en Abkhazie soit, fin juillet, en Ossétie du Sud. À la suite d’un incident survenu le 1er août et où 6 miliciens Ossètes avaient été tués, les autorités russes en Ossétie du Nord-Alanie ont commencé à préparer des convois d’aide humanitaire. À partir du 5 août des civils (essentiellement des enfants) ont été évacués des villages situés sur la ligne de cessez-le-feu. Enfin, le 6 août, un appel de plusieurs personnalités d’Ossétie du Sud indiquant la menace immédiate d’une attaque géorgienne a été publié dans des journaux russes.

Pour autant, on peut s’interroger sur le degré de surprise de la chaîne de commandement russe. La 58e Armée avait été maintenue dans un haut état d’alerte et de réactivité, et les permissions n’ont semble-t-il été octroyées qu’au compte-goutte à la fin des manœuvres Kavkaz-2. Elle semble avoir été mise en état d’alerte au 4 août 2008, ce qui explique la rapidité de sa réaction après l’attaque géorgienne. Ceci indique que les autorités russes suspectaient quelque chose, mais pas nécessairement le 7 août. Le fait est que Vladimir Poutine s’envole pour Beijing, afin d’assister à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, tandis que Dmitry Medvedev a rejoint la « datcha » présidentielle à Sotchi. On notera la ressemblance avec le coup d’Etat en Ukraine, qui se déroule, lui aussi, en plein Jeux Olympiques, et à un moment où l’on peut penser que les dirigeants russes ne seront pas psychologiquement réactifs. On remarque cependant que les deux dirigeants ont évité de se trouver simultanément hors de Russie. Par ailleurs la représentation locale de l’OSCE en Géorgie, si elle indiquait une montée des tensions, n’indiquait pas la possibilité d’un conflit armé à la date du 7 août[23].

Cependant, on a des indications quant au fait que les responsables russes soupçonnent à partir du 4 août la Géorgie de se préparer à une action militaire dans de brefs délais. Le renforcement des observateurs russes en Ossétie du Sud a été évoqué. Il répond à la multiplication des incidents et à la prise en compte d’une dangereuse montée des tensions, comme l’explosion d’une bombe en secteur géorgien ou des tirs de snipers venant de villages géorgiens et tuant plusieurs miliciens Ossètes, et déclenchant des tirs de représailles[24]. Moins noté est le fait, signalé par la presse russe le 6 août, que des « volontaires » d’Ossétie du Nord serait en train de se rendre en Ossétie du Sud. Il y a eu un mouvement de « troupes irrégulières » vers le sud dans la journée du 6. Ce mouvement n’a pas du dépasser le millier d’hommes. Cependant, ce mouvement a certainement masqué un autre déplacement. Il s’agit d’un groupe de 600 à 800 hommes (rien à voir avec les affabulations d’un BHL ou du gouvernement Géorgien sur plus d’une centaine de blindés), ce qui correspond probablement à un bataillon des forces spéciales de l’Armée Russe (ceux que l’on appelle les « SpetNaz » et techniquement, il s’agit probablement de « reydoviki »)[25].

Ces hommes étaient destinés à sécuriser le tunnel de Roki ainsi que les ponts au nord de Java et à renforcer les défenses de Tskhinvali. Ils seront engagés dans la bataille de Tskhinvali le 8 et le 9 août et c’est eux qui causeront les pertes les plus importantes aux unités blindées et mécanisées Géorgiennes tentant de prendre la ville. L’armée géorgienne disposait de 129 chars (67 T-62 et 62 T-54 et 55) ainsi que 213 véhicules blindés d’infanterie (des BMP et des BTR). Les documents disponibles montrent que les troupes russes ont détruit environ 60 chars à Tskhinvali et ses alentours immédiats et qu’elles ont capturé intact une centaine de blindés (essentiellement des BMP-1) quand les forces géorgiennes se sont débandées à partir du dimanche après-midi[26]. Certains clichés de chars géorgiens détruits dans Tskhinvali même témoignent de l’emploi d’un armement puissant (missile anti-chars)[27]. Ils vont aussi canaliser le flot des réfugiés Ossètes et assurer que la route descendant du tunnel de Roki est bien libre le 8 et le 9 pour permettre aux forces russes de venir au secours des Ossètes.

Ceci montre que la possibilité d‘une agression géorgienne a bien été prise en compte par les autorités russes, qui ont pris les mesures nécessaires pour pouvoir réagir de manière efficace le cas échéant. Cependant, les autorités russes semblent avoir été surprises par la violence de l’attaque initiale et par les fait que les observateurs russes, présents sous mandat ONU, aient été délibérément la cible des tirs géorgiens. On peut penser que les autorités russes, à partir du 5 août considèrent probable une attaque géorgienne, mais estiment que celle-ci sera limitée à la conquête de quelques crêtes et de collines, en réponse aux incidents que l’on a eu sur la ligne de cessez-le-feu. Les mesures prises par le commandement russe et les autorités d’Ossétie du Sud entre le 5 et l’après-midi du 7 août vont dans le sens de précautions face à de possibles dérapages, voire à une reprise des combats sur la ligne de cessez-le-feu, mais à un niveau de violence comparable à celui des combats de 2004. Ce n’est qu’à partir de l’après-midi du 7 août que le commandement russe semble prendre conscience que l’attaque géorgienne pourrait être plus ambitieuse. Les diplomates russes ont tenté, sans succès, de joindre le Président Géorgien dans la soirée du 7 août pour tenter d’éviter un embrasement généralisé. Selon la partie russe, le Président Géorgien serait resté injoignable durant les heures critiques allant de 19h00 le 7 août à 04h50 le 8 août[28]. Les autorités russes n’ont donc pas été surprises au sens stratégique du terme, car on voit qu’elles avaient mis en place toutes les dispositions nécessaires à la gestion d’une crise sérieuse. Elles ont cependant été surprises au sens tactique du terme par le degré de violence des Géorgiens. Celui-ci a déterminé en retour le degré de violence de la réponse russe, comme le montre la réaction de Vladimir Poutine, alors à Beijing, dans les heures qui suivent[29].

La réaction russe, dans sa totalité, correspond cependant au scénario des manœuvres Kavkaz-2, y compris l’opération amphibie vers Poti, qui avait été testée lors de manœuvres navales de la fin juin 2008. On est alors ramené à la question déjà posée : ces différentes manœuvres ayant été accompagnée d’observateurs étrangers et en particuliers des pays de l’OTAN on comprend mal que les autorités géorgiennes n’aient pas été averties des risques qu’elles prenaient et on comprend tout aussi mal la « surprise » des pays occidentaux face à une réaction russe qui était entièrement prévisible en cas d’attaque géorgienne sur l’Ossétie du Sud ou l’Abkhazie.

Si « piège » il y eut, il ne vint pas de Moscou.

 Notes

[1] Bernard Dréano, « Le piège ossète » in Mouvementshttp://www.mouvements.info/spip.php?article314

[2] Bernard Henri-Lévy, « Choses vues dans la Géorgie en guerre », in Le Monde, 19 août 2008, http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/08/19/choses-vues-dans-la-georgie-en-guerre-par-bernard-henri-levy_1085547_3214.html

[3] http://embassy.mfa.gov.ge/index.php?lang_id=ENG&sec_id=461&info . Voir aussi la déclaration du Président Saakashvili dans le Financial Times, « Russia deployed tanks before Georgia attacked », http://www.ft.com/cms/s/O/25ec7414-723c-11dda44a-0000779fdl8c.html

[4] AFP, 7 août 2008, http://afp.google.com/article/ALeqM5gi_jyRnqBYekXz2MyszBj6k_ZMtw

[5] Voir en particulier celle qui a été faite sur le site Rue89 : http://www.rue89.com/2008/08/22/bhl-na-pas-vu-toutes-ses-choses-vues-en-georgie

[6] Ou 123 pour d’autres sources. Ce chiffre n’inclut pas des civils de nationalité étatsunienne travaillant dans des sociétés de sécurité sous contrat des autorités américaines pour l’entraînement des troupes géorgiennes.

[7] Il existe en effet une lucrative activité de contrebande des hydrocarbures entre l’Ossétie du Sud et la Géorgie qui est source de nombreux règlements de compte.

[8] BBC « Russia vows to defend S. Ossetia », BBC News, 5 août 2008, http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/7543099.stm

La déclaration de Y. Popov est traduite in BBC Monitoring, voir « Talking through gritted teeth », Transitions on line, n°281, Section 1, Article 19821, 6 août 2008.

[9] Mais BHL dans son article dans Le Monde fait bien dire au Président géorgien « 150 chars pointés sur nos villes »…

[10] Mme Rice, qui attribue la décision géorgienne à une réponse à des violations du cessez-le-feu, a reconnu l’attaque géorgienne dans une déclaration faite le 18 septembre 2008 et que l’on peut consulter sur le site du Département d’État. Voir : Secretary Rice Addresses U.S.-Russia Relations At The German Marshall Fund , http://www.state.gov/secretary/rm/2008/09/109954.htm

[11] Voir l’article de la rédaction de Der Spiegel du 25 août 2008 qui confirme cette information,

« The Chronicle of a Caucasian Tragedy, Part 3 : a disastrous décision », consultable sur http://www.spiegel.de/international/world/0,1518,574812-3,00.html

[12] AFP, le 30 août 2008, via Le Figaro, http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2008/08/30/01011-20080830FILWWW00465-l-osce-met-en-cause-la-georgie.php

Le texte du Spiegel donnant l’information peut être consulté à : http://www.spiegel.de/politik/ausland/0,1518,575396,00.html

L’OSCE a par la suite démenti avoir transmis ces informations « par source diplomatique », mais n’a pas contesté la véracité des faits. Cette combinaison de révélation et de démenti de forme est assez classique dans une organisation comme l’OSCE. Elle indique que les militaires européens détachés auprès de l’OSCE et déployés sur le terrain ont organisé des « fuites » afin de rendre publiques des informations que leurs gouvernements souhaitent ne pas voir diffusées. L’auteur de ce texte en a eu confirmation par des membres de la mission d’observation en Géorgie. Des fuites de ce type ont déjà été pratiquées dans d’autres cas, du Kosovo au Nagorno-Karabagh.

[13] Les observateurs de l’OSCE ont d’ailleurs officiellement démenti l’entrée de troupes mécanisées russes avant le 7 août.

[14] L’Ukraine a livré à la Géorgie la vedette lance-missiles Tbilissi et près de 80 chars T-72 entre 1999 et 2002.

[15] Au 7 août 2008, l’Armée Géorgienne avait déployé 2000 hommes en Irak, sous commandement américain.

[16] Le chiffre de 3 milliards est celui avancé par plusieurs experts occidentaux impliqués dans les programmes d’assistance militaire à la Géorgie. Des experts russes et géorgiens avancent un chiffre de 5 milliards de Dollars, qui semble peu crédible. Une excellente discussion des dimensions économiques de l’effort de guerre géorgien a été faite par L. Grigoriev et M. Salikhov dans Vremja Novostej, 22 août 2008. Ces deux experts de l’Institut de l’Energie et des Finances considèrent eux aussi que le chiffre de 5 milliards est exagéré.

[17] Ces pratiques sont connues et étudiées dans le cas des immigrés Tadjiques, Ouzbèques et Moldaves en Russie. On dispose d’éléments équivalents pour des migrants originaires du Maghreb (essentiellement de l’Algérie et du Maroc).

[18] Dépèche Reuters via Le Nouvel Observateur, « Le Président Saakashvili préparait son offensive dès 2005 », 15 septembre 2008, 16h11. Okrouachvili a obtenu en 2007 le statut de réfugié politique en France. http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/europe/20080914.OBS1245/le_president_saakachvili_preparait_son_offensive_des_20.html

[19] Richard Giragossian, “Georgian planning flaws led to campaign failure”, JDW, 15 août 2008.

[20] Je cite depuis le compte rendu de la BBC du 8 août 2008. http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/7546639.stm

[21] BBC « Russia vows to defend S. Ossetia », BBC News, 5 août 2008, op.cit.. http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/7543099.stm

[22] « B Gospitali Vladikavkaza Postupili Inostrannye Naemniki », [Des mercenaires étrangers admis dans les hôpitaux de Vladikavkaz] Lenta.Ru, 11 août 2008, consultable à : http://lenta.ru/news/2008/08/11/merc/

[23] Der Spiegel, « The Chronicle of a Caucasian Tragedy, Part 3 : a disastrous décision », article cité.

[24] L’arme qui tue les 6 miliciens Ossètes, compte tenu de la distance de tir, est presque certainement un fusil américain Mac Millan de 12,7-mm.

[25] Ce fait n’est pas, à la date du 29 septembre 2008, reconnu par les forces russes. Il correspond à une déduction de l’auteur à partir d’éléments documentaires en particulier visuels.

[26] Les chars géorgiens sont des modèles anciens, qui ne sont plus en service dans les forces russes. Il est ainsi assez facile de distinguer sur les photographies si le véhicule pouvait appartenir aux forces géorgiennes ou russes.

[27] Parmi les clichés que l’auteur a pu visionner on voit deux chars T-62 victimes d’une explosion à l’intérieur de la caisse si violent que la tourelle a été projetée à plus de 10 m du véhicule.

[28] Communication faite à l’auteur par un responsable du MID de Russie. Ceci correspond à la version russe. La partie géorgienne n’a ni confirmé ni infirmé cette information.

[29] AFP, 8 août 2008, « Putin vows retaliation for Georgian action in South Ossetia », http://www.afp.com/english/news/stories/newsmlmmd.9a925eb591bfe404730dee97a82c07ed861.htm

 Source : Russeurope, Jacques Sapir, 8-08-2015

Source: http://www.les-crises.fr/la-guerre-dossetie-de-2008-une-victoire-russe-iii-par-jacques-sapir/


Revue de presse internationale du 20/12/2015

Sunday 20 December 2015 at 02:28

Vous êtes suffisamment compétent en anglais, allemand, espagnol, italien ou autres ? Participez à la constitution des revues de presse internationales en postulant via le formulaire de contact du blog, nous avons besoin de votre aide ! Cette semaine encore des articles aux thèmes variés et quelques-uns en traduction, ainsi qu’une vidéo sous-titrée. Merci à nos contributeurs :) .

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-20122015/


Etat d’urgence : un grenoblois dénoncé pour un drapeau pirate à sa fenêtre

Saturday 19 December 2015 at 03:36

Source : Alexis Kraland, 24-11-2015

L’affaire a fait du bruit sur les réseaux sociaux : un grenoblois a vu la police lui demander d’enlever un drapeau pirate mis à sa fenêtre. Selon les policiers, il a été dénoncé.

le drapeau en question

Pourquoi as-tu mis un drapeau pirate à ta fenêtre ? Combien de temps a-t-il tenu ? Sais-tu comment il a été reçu ?

Etant un poil anarchiste (sans non plus être impliqué dans quelconque mouvement), jamais inscris sur les listes électorales, jamais eu une quelconque confiance dans le système politique français (et mondial). J’ai trouvé ça drôle de faire un peu de provocation face à cette montée de “réappropriation du drapeau” comme ils appellent ça. Sauf que même sous le couvert de ne pas faire du nationalisme, j’ai quand même du mal avec le patriotisme ambiant qui me semble nauséabond.

 Ma compagne est d’origine libanaise, et les problèmes de radicalisation et de guerres nous touchent peut-être plus que la plupart des gens. Alors c’est triste que ça arrive jusqu’à chez nous mais ça fait depuis 60 ans que le monde laisse couler…

Donc c’était à la fois :

- un hommage aux victimes, mais pas sous les couleurs de la France, sous les couleurs du noir et blanc pirates qui me convient mieux.

- un bon troll en plein centre ville de Grenoble au dessus du marché de Noël (place Grenette).

Je l’ai mis vers 13h et la police a débarqué vers 15h15, à priori c’est des gens qui se sont plaints (peut-être un malvoyant qui confond un drapeau de pirate et le drapeau de l’Etat Islamique.

Comment la police est-elle intervenue ?

Ils ont sonné directement chez moi à plusieurs reprises, je pense qu’ils doivent avoir des pass pour entrer dans les immeubles, j’ai pensé au facteur pour les calendriers… On était en train de faire la sieste avec ma compagne et ma fille de tout juste 2 semaines, ça a été un peu un choc quand j’ai vu 3 uniformes de la police nationale. 

Ils m’ont d’abord demandé de confirmer à quel étage j’étais et combien de fenêtres donnaient sur la place avant de me demander si c’était moi qui avait mis ce drapeau de pirate. Ils m’ont ensuite demandé assez poliment de l’enlever que “ça ne passait pas bien étant donné la journée et que des gens s’étaient plaint”, j’ai alors essayé de prendre ça à la rigolade en disant “c’est comme ça qu’on défend la liberté d’expression ?”, bref ils ont continué d’insister et je ne me sentais pas bien à l’aise pour défendre mon droit à laisser ce drapeau…

 J’ai donc accepté de l’enlever, ils ont pris ma carte d’identité et mon numéro de téléphone (aussi bien je suis sur écoute maintenant). Il n’y avait pas de menaces mais face à trois policiers je n’ai pas trop essayé de m’opposer, j’ai finalement conclu la conversation en lançant un “très bien je vais l’enlever, vive l’Etat totalitaire”.

C’est à ce moment là que je suis allé au balcon et que j’ai vu deux autres patrouilles en bas de l’immeuble (du coup ça faisait 7 au total), j’ai enlevé mon drapeau  en criant “tout ça pour moi !?” et j’ai mis un ballon rose (ma première fille fête ses 5 ans demain alors j’en avais tout un tas de gonflés) en disant “ça va, ça !?”.

 Que tires-tu de cette expérience ?

 Je pense que si c’était à refaire j’irai jusqu’au bout. Que l’ignorance de la police leur fait faire vraiment n’importe quoi, on arrive à un abus de pouvoir inconscient par les forces de l’ordre. La peur des gens me fait craindre la montée du nationalisme décomplexé.

 Qu’aimerais-tu éventuellement ajouter ?

 Il y a moins d’un an après les attentats de Charlie, on proclamait haut et fort qu’on était le pays de la liberté d’expression et que l’humour était total, je me rends compte aujourd’hui qu’on est dans un état policier et que ce n’est plus l’humour total.

Source: http://www.les-crises.fr/etat-durgence-un-grenoblois-denonce-pour-un-drapeau-pirate-a-sa-fenetre/


Revue de presse du 19/12/2015

Saturday 19 December 2015 at 02:42

Pour rejoindre la revue et nous aider à collecter des articles, rendez-vous sur la page contact du blog ! Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-19122015/