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Recommandé [2012] Analyse de la situation en Syrie, par Alain Chouet

Saturday 21 November 2015 at 22:42

Billet publié initialement sur ce blog le 14/08/2012, le premier sur la Syrie sur ce blog.

Vous écoutez ce très haut fonctionnaire.

Vous comparez avec Fabius et les médias.

Vous avez envie de pleurer.

Solidarité avec la DGSI et la DGSE qui doivent souffrir de voir les conséquences de 3 ans de Fabius.

Conférence sur la Syrie par Alain CHOUET Invité de l’Association Régionale Nice Côte d’Azur de l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale), le 27 juin 2012, Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE, reconnu bien au-delà de l’Hexagone pour son expertise du monde arabomusulman, a livré aux auditeurs son sentiment au cours d’une conférence qui a connu un vif succès. 

NOS MINISTRES, JUPPÉ HIER, FABIUS AUJOURD’HUI SONT-ILS MAL RENSEIGNÉS, MAL CONSEILLÉS, OU NAïFS ?

Les pires conjectures formulées au premier semestre 2011 concernant les mouvements de révolte arabes deviennent aujourd’hui réalité. Je les avais largement exposées dans divers ouvrages et revues à contre courant d’une opinion occidentale généralement enthousiaste et surtout naïve. Car il fallait tout de même être naïf pour croire que, dans des pays soumis depuis un demi-siècle à des dictatures qui avaient éliminé toute forme d’opposition libérale et pluraliste, la démocratie et la liberté allaient jaillir comme le génie de la lampe par la seule vertu d’un Internet auquel n’a accès qu’une infime minorité de privilégiés de ces sociétés.

Une fois passé le bouillonnement libertaire et l’agitation des adeptes de Facebook, il a bien fallu se rendre à l’évidence. Le pouvoir est tombé dans les mains des seules forces politiques structurées qui avaient survécu aux dictatures nationalistes parce que soutenues financièrement par les pétromonarchies théocratiques dont elles partagent les valeurs et politiquement par les Occidentaux parce qu’elles constituaient un bouclier contre l’influence du bloc de l’Est : les forces religieuses fondamentalistes. Et le « printemps arabe » n’a mis que six mois à se transformer en « hiver islamiste ».

En Tunisie et en Égypte, les partis islamistes, Frères musulmans et extrémistes salafistes se partagent de confortables majorités dans les Parlements issus des révoltes populaires. Ils cogèrent la situation avec les commandements militaires dont ils sont bien contraints de respecter le rôle d’acteurs économiques dominants mais s’éloignent insidieusement des revendications populaires qui les ont amenés au pouvoir. Constants dans leur pratique du double langage, ils font exactement le contraire de ce qu’ils proclament. En, Égypte, après avoir affirmé sur la Place Tahrir au printemps 2011 qu’ils n’aspiraient nullement au pouvoir, ils revendiquent aujourd’hui la présidence de la République, la majorité parlementaire et l’intégralité du pouvoir politique.

En Tunisie, et après avoir officiellement renoncé à inclure la chari’a dans la constitution, ils organisent dans les provinces et les villes de moyenne importance, loin de l’attention des médias occidentaux, des comités de vigilance religieux pour faire appliquer des règlements inspirés de la chari’a. Ce mouvement gagne progressivement les villes de plus grande importance et même les capitales où se multiplient les mesures d’interdiction en tous genres, la censure des spectacles et de la presse, la mise sous le boisseau des libertés fondamentales et, bien sûr, des droits des femmes et des minorités non sunnites.

Et ces forces politiques réactionnaires n’ont rien à craindre des prochaines échéances électorales. Largement financées par l’Arabie et le Qatar pour lesquels elles constituent un gage de soumission dans le monde arabe, elles ont tous les moyens d’acheter les consciences et de se constituer la clientèle qui perpétuera leur domination face à un paysage politique démocratique morcelé, sans moyens, dont il sera facile de dénoncer l’inspiration étrangère et donc impie.

La Libye et le Yémen ont sombré dans la confusion. Après que les forces de l’OTAN, outrepassant largement le mandat qui leur avait été confié par l’ONU, ont détruit le régime du peu recommandable Colonel Kadhafi, le pays se retrouve livré aux appétits de bandes et tribus rivales bien décidées à défendre par les armes leur pré carré local et leur accès à la rente. L’éphémère « Conseil National de transition » porté aux nues par l’ineffable Bernard Henri Lévy est en train de se dissoudre sous les coups de boutoir de chefs de gangs islamistes, dont plusieurs anciens adeptes d’Al-Qaïda, soutenus et financés par le Qatar qui entend bien avoir son mot à dire dans tout règlement de la question et prendre sa part dans l’exploitation des ressources du pays en hydrocarbures.

Au Yémen, le départ sans gloire du Président Ali Abdallah Saleh rouvre la porte aux forces centrifuges qui n’ont pas cessé d’agiter ce pays dont l’unité proclamée en 1990 entre le nord et le sud n’a jamais été bien digérée, surtout par l’Arabie Séoudite qui s’inquiétait des foucades de ce turbulent voisin et n’a eu de cesse d’y alimenter la subversion fondamentaliste. Aujourd’hui, les chefs de tribus sunnites du sud et de l’est du pays, dont certains se réclament d’Al-Qaïda et tous du salafisme, entretiennent un désordre sans fin aux portes de la capitale, Sana’a, fief d’une classe politique traditionnelle zaydite – branche dissidente du chi’isme – insupportable pour la légitimité de la famille séoudienne.

Seul le régime syrien résiste à ce mouvement généralisé d’islamisation au prix d’une incompréhension généralisée et de l’opprobre internationale.

Avant de développer ce sujet, je crois devoir faire une mise au point puisque d’aucuns croient déceler dans mes propos et prises de positions des relents d’extrême droite et de complaisance pour les dictatures.

Je me rends régulièrement en Syrie depuis 1966 et y ai résidé pendant plusieurs années. Je ne prétends pas connaître intimement ce pays mais je pense quand même mieux le connaître que certains de ces journalistes qui en reviennent pleins de certitudes après un voyage de trois ou quatre jours.

Mes activités m’ont amené à devoir fréquenter à divers titres les responsables des services de sécurité civils et militaires syriens depuis la fin des années 70. J’ai pu constater qu’ils ne font ni dans la dentelle ni dans la poésie et se comportent avec une absolue sauvagerie. Ce n’est pas qu’ils ont une conception différente des droits de l’homme de la nôtre. C’est qu’ils n’ont aucune conception des droits de l’homme…

Leur histoire explique en grande partie cette absence. D’abord, ils puisent leur manière d’être dans quatre siècle d’occupation par les Turcs ottomans, grands experts du pal, de l’écorchage vif et du découpage raffiné. Ensuite, ils ont été créés sous la houlette des troupes coloniales françaises pendant le mandat de 1920 à 1943, et, dès l’indépendance du pays, conseillés techniquement par d’anciens nazis réfugiés, de 1945 jusqu’au milieu des années 50, et ensuite par des experts du KGB jusqu’en 1990. Tout ceci n’a guère contribué à développer chez eux le sens de la douceur, de la tolérance et du respect humain.

Quant au régime syrien lui-même, il ne fait aucun doute dans mon esprit que c’est un régime autoritaire, brutal et fermé. Mais le régime syrien n’est pas la dictature d’un homme seul, ni même d’une famille, comme l’étaient les régimes tunisien, égyptien, libyen ou irakien. Tout comme son père, Bashar el-Assad n’est que la partie visible d’un iceberg communautaire complexe et son éventuel départ ne changerait strictement rien à la réalité des rapports de pouvoir et de force dans le pays. Il y a derrière lui 2 millions d’Alaouites encore plus résolus que lui à se battre pour leur survie et plusieurs millions de minoritaires qui ont tout à perdre d’une mainmise islamiste sur le pouvoir, seule évolution politique que l’Occident semble encourager et promouvoir dans la région.

Quand je suis allé pour la première fois en Syrie en 1966, le pays était encore politiquement dominé par sa majorité musulmane sunnite qui en détenait tous les leviers économiques et sociaux. Et les bourgeois sunnites achetaient encore – parfois par contrat notarié – des jeunes gens et de jeunes filles de la communauté alaouite dont ils faisaient de véritables esclaves à vie, manouvriers agricoles ou du bâtiment pour les garçons, bonnes à tout faire pour les filles.

Les Alaouites sont une communauté sociale et religieuse persécutée depuis plus de mille ans. Je vous en donne ici une description rapide et schématique qui ferait sans doute hurler les experts mais le temps nous manque pour en faire un exposé exhaustif.

Issus au Xè siècle aux frontières de l’empire arabe et de l’empire byzantin d’une lointaine scission du chiisme, ils pratiquent une sorte de syncrétisme mystique compliqué entre des éléments du chiisme, des éléments de panthéisme hellénistique, de mazdéisme persan et de christianisme byzantin. Ils se désignent eux mêmes sous le nom d’Alaouites – c’est à dire de partisans d’Ali, le gendre du prophète – quand ils veulent qu’on les prenne pour des Musulmans et sous le nom de Nosaïris – du nom de Ibn Nosaïr, le mystique chiite qui a fondé leur courant – quand ils veulent se distinguer des Musulmans. Et – de fait – ils sont aussi éloignés de l’Islam que peuvent l’être les chamanistes de Sibérie.

Et cela ne leur a pas porté bonheur…. Pour toutes les religions monothéistes révélées, il n’y a pas pire crime que l’apostasie. Les Alaouites sont considérés par l’Islam sunnite comme les pires des apostats. Cela leur a valu au XIVè siècle une fatwa du jurisconsulte salafiste Ibn Taymiyya, l’ancêtre du wahhabisme actuel, prescrivant leur persécution systématique et leur génocide. Bien que Ibn Taymiyyah soit considéré comme un exégète non autorisé, sa fatwa n’a jamais été remise en cause et est toujours d’actualité, notamment chez les salafistes, les wahhabites et les Frères musulmans. Pourchassés et persécutés, les Alaouites ont dû se réfugier dans les montagnes côtières arides entre le Liban et l’actuelle Turquie tout en donnant à leurs croyances un côté hermétique et ésotérique, s’autorisant la dissimulation et le mensonge pour échapper à leur tortionnaires.

Il leur a fallu attendre le milieu du XXè siècle pour prendre leur revanche. Soumis aux occupations militaires étrangères depuis des siècles, les bourgeois musulmans sunnites de Syrie ont commis l’erreur classique des parvenus lors de l’indépendance de leur pays en 1943. Considérant que le métier des armes était peu rémunérateur et que l’institution militaire n’était qu’un médiocre instrument de promotion sociale, ils n’ont pas voulu y envoyer leurs fils. Résultat : ils ont laissé l’encadrement de l’armée de leur tout jeune pays aux pauvres, c’est à dire les minorités : Chrétiens, Ismaéliens, Druzes, Chiites et surtout Alaouites. Et quand vous donnez le contrôle des armes aux pauvres et aux persécutés, vous prenez le risque à peu près certain qu’ils s’en servent pour voler les riches et se venger d’eux. C’est bien ce qui s’est produit en Syrie à partir des années 60.

Dans les années 70, Hafez el-Assad, issu d’une des plus modestes familles de la communauté alaouite, devenu chef de l’armée de l’air puis ministre de la défense, s’est emparé du pouvoir par la force pour assurer la revanche et la protection de la minorité à laquelle sa famille appartient et des minorités alliées – Chrétiens et Druzes – qui l’ont assisté dans sa marche au pouvoir. Ils s’est ensuite employé méthodiquement à assurer à ces minorités – et en particulier à la sienne – le contrôle de tous les leviers politiques, économiques et sociaux du pays selon des moyens et méthodes autoritaires dont vous pourrez trouver la description détaillée dans un article paru il y maintenant près de vingt ans.

Face à la montée du fondamentalisme qui progresse à la faveur de tous les bouleversements actuels du monde arabe, son successeur Bachar al-Assad se retrouve comme les Juifs en Israël, le dos à la mer avec le seul choix de vaincre ou mourir. Les Alaouites ont été rejoints dans leur résistance par les autres minorités religieuses de Syrie, Druzes, Chi’ites, Ismaéliens et surtout par les Chrétiens de toutes obédiences instruits du sort de leurs frères d’Irak et des Coptes d’Égypte.

Car, contrairement à la litanie que colportent les bien-pensants qui affirment que « si l’on n’intervient pas en Syrie, le pays sombrera dans la guerre civile »…. eh bien non, le pays ne sombrera pas dans la guerre civile. La guerre civile, le pays est dedans depuis 1980 quand un commando de Frères musulmans s’est introduit dans l’école des cadets de l’armée de terre d’Alep, a soigneusement fait le tri des élèves officiers sunnites et des alaouites et a massacré 80 cadets alaouites au couteau et au fusil d’assaut en application de la fatwa d’Ibn Taymiyya. Les Frères l’ont payé cher en 1982 à Hama – fief de la confrérie – que l’oncle de l’actuel président a méthodiquement rasée en y faisant entre 10 et 20 000 morts. Mais les violences intercommunautaires n’ont jamais cessé depuis, même si le régime a tout fait pour les dissimuler.

Alors, proposer aux Alaouites et aux autres minorités non arabes ou non sunnites de Syrie d’accepter des réformes qui amèneraient les islamistes salafistes au pouvoir revient très exactement à proposer aux Afro-américains de revenir au statu quo antérieur à la guerre de Sécession. Ils se battront, et avec sauvagerie, contre une telle perspective.

Peu habitué à la communication, le régime syrien en a laissé le monopole à l’opposition. Mais pas à n’importe quelle opposition. Car il existe en Syrie d’authentiques démocrates libéraux ouverts sur le monde, qui s’accommodent mal de l’autoritarisme du régime et qui espéraient de Bashar el-Assad une ouverture politique. Ils n’ont obtenu de lui que des espaces de liberté économique en échange d’un renoncement à des revendications de réformes libérales parfaitement justifiées. Mais ceux-là, sont trop dispersés, sans moyens et sans soutiens. Ils n’ont pas la parole et sont considérés comme inaudibles par les médias occidentaux car, en majorité, ils ne sont pas de ceux qui réclament le lynchage médiatisé du « dictateur » comme cela a été fait en Libye.

Si vous vous vous informez sur la Syrie par les médias écrits et audiovisuels, en particulier en France, vous n’aurez pas manqué de constater que toutes les informations concernant la situation sont sourcées « Observatoire syrien des droits de l’homme » (OSDH) ou plus laconiquement « ONG », ce qui revient au même, l’ONG en question étant toujours l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

L’observatoire syrien des droits de l’homme, c’est une dénomination qui sonne bien aux oreilles occidentales dont il est devenu la source d’information privilégiée voire unique. Il n’a pourtant rien à voir avec la respectable Ligue internationale des droits de l’homme. C’est en fait une émanation de l’Association des Frères musulmans et il est dirigé par des militants islamistes dont certains ont été autrefois condamnés pour activisme violent, en particulier son fondateur et premier Président, Monsieur Ryadh el-Maleh. L’Osdh s’est installé à la fin des années 80 à Londres sous la houlette bienveillante des services anglo-saxons et fonctionne en quasi-totalité sur fonds séoudiens et maintenant qataris.

Je ne prétends nullement que les informations émanant de l’OSDH soient fausses, mais, compte tenu de la genèse et de l’orientation partisane de cet organisme, je suis tout de même surpris que les médias occidentaux et en particulier français l’utilisent comme source unique sans jamais chercher à recouper ce qui en émane.

Second favori des médias et des politiques occidentaux, le Conseil National Syrien, créé en 2011 à Istanbul sur le modèle du CNT libyen et à l’initiative non de l’État turc mais du parti islamiste AKP. Censé fédérer toutes les forces d’opposition au régime, le CNS a rapidement annoncé la couleur. Au sens propre du terme…. Le drapeau national syrien est composé de trois bandes horizontales. L’une de couleur noire qui était la couleur de la dynastie des Abbassides qui a régné sur le monde arabe du 9è au 13è siècle. L’autre de couleur blanche pour rappeler la dynastie des Omeyyades qui a régné au 7è et 8è siècle. Enfin, la troisième, de couleur rouge, censée représenter les aspirations socialisantes du régime. Dès sa création, le CNS a remplacé la bande rouge par la bande verte de l’islamisme comme vous pouvez le constater lors des manifestations anti-régime où l’on entend plutôt hurler « Allahou akbar ! » que des slogans démocratiques.

Cela dit, la place prédominante faite aux Frères musulmans au sein du CNS par l’AKP turc et le Département d’État américain a fini par exaspérer à peu près tout le monde. La Syrie n’est pas la Libye et les minorités qui représentent un bon quart de la population entendent avoir leur mot à dire, même au sein de l’opposition. Lors d’une visite d’une délégation d’opposants kurdes syriens à Washington en avril dernier, les choses se sont très mal passées. Les Kurdes sont musulmans sunnites mais pas Arabes. Et en tant que non-arabes, ils sont voués à un statut d’infériorité par les Frères. Venus se plaindre auprès du Département d’État de leur marginalisation au sein du CNS, ils se sont entendus répondre qu’ils devaient se soumettre à l’autorité des Frères ou se débrouiller tout seuls. Rentrés à Istanbul très fâchés, ils se sont joints à d’autres opposants minoritaires pour démettre le président du CNS, Bourhan Ghalioun, totalement inféodé aux Frères, et le remplacer par un Kurde, Abdelbassett Saïda qui fera ce qu’il pourra – c’est à dire pas grand chose – pour ne perdre ni l’hospitalité des islamistes turcs, ni l’appui politique des néo-conservateurs Américains, ni, surtout, l’appui financier des Séoudiens et des Qataris.

Tout cela fait désordre, bien sûr, mais est surtout révélateur de l’orientation que les États islamistes appuyés par les néo-conservateurs américains entendent donner aux mouvements de contestation dans le monde arabe.

Ce ne sont évidemment pas ces constatations qui vont rassurer les minorités de Syrie et les inciter à la conciliation ou à la retenue. Les minorités de Syrie – en particulier, les Alaouites qui sont en possession des appareils de contrainte de l’État – sont des minorités inquiètes pour leur survie qu’elles défendront par la violence. Faire sortir le président syrien du jeu peut à la rigueur avoir une portée symbolique mais ne changera rien au problème. Ce n’est pas lui qui est visé, ce n’est pas lui qui est en cause, c’est l’ensemble de sa communauté qui se montrera encore plus violente et agressive si elle perd ses repères et ses chefs. Plus le temps passe, plus la communauté internationale entendra exercer des pressions sur les minorités menacées, plus les choses empireront sur le modèle de la guerre civile libanaise qui a ensanglanté ce pays de 1975 à 1990.

Il aurait peut être été possible à la communauté internationale de changer la donne il y a un an en exigeant du pouvoir syrien des réformes libérales en échange d’une protection internationale assurée aux minorités menacées. Et puisque l’Arabie et la Qatar – deux monarchies théocratiques se réclamant du wahhabisme – sont théoriquement nos amies et nos alliées, nous aurions pu leur demander de déclarer la fatwa d’Ibn Taymiyyah obsolète, nulle et non avenue afin de calmer le jeu. Il n’en a rien été. À ces minorités syriennes menacées, l’Occident, France en tête, n’a opposé que la condamnation sans appel et l’anathème parfois hystérique tout en provoquant partout – politiquement et parfois militairement – l’accession des intégristes islamistes au pouvoir et la suprématie des États théocratiques soutenant le salafisme politique.

Débarrassés des ténors sans doute peu vertueux du nationalisme arabe, de Saddam Hussein, de Ben Ali, de Moubarak, de Kadhafi, à l’abri des critiques de l’Irak, de l’Algérie et de la Syrie englués dans leurs conflits internes, les théocraties pétrolières n’ont eu aucun mal à prendre avec leurs pétrodollars le contrôle de la Ligue Arabe et d’en faire un instrument de pression sur la communauté internationale et l’ONU en faveur des mouvements politiques fondamentalistes qui confortent leur légitimité et les mettent à l’abri de toute forme de contestation démocratique.

Que les monarchies réactionnaires défendent leurs intérêts et que les forces politiques fondamentalistes cherchent à s’emparer d’un pouvoir qu’elles guignent depuis près d’un siècle n’a rien de particulièrement surprenant. Plus étrange apparaît en revanche l’empressement des Occidentaux à favoriser partout les entreprises intégristes encore moins démocratiques que les dictatures auxquelles elles se substituent et à vouer aux gémonies ceux qui leur résistent.

Prompt à condamner l’islamisme chez lui, l’Occident se retrouve à en encourager les manœuvres dans le monde arabe et musulman. La France, qui n’a pas hésité à engager toute sa force militaire pour éliminer Kadhafi au profit des djihadistes et à appeler la communauté internationale à en faire autant avec Bashar el-Assad, assiste, l’arme au pied, au dépeçage du Mali par des hordes criminelles qui se disent islamistes parce que leurs rivaux politiques ne le sont pas.

De même les médias et les politiques occidentaux ont assisté sans broncher à la répression sanglante par les chars séoudiens et émiratis des contestataires du Bahreïn, pays à majorité chiite gouverné par un autocrate réactionnaire sunnite. De même les massacres répétés de Chrétiens nigérians par les milices du Boko Haram ne suscitent guère l’intérêt des médias et encore moins la condamnation par nos politiques. Quant à l’enlèvement et la séquestration durable de quatre membres de la Cour Pénale Internationale par des « révolutionnaires » libyens, elle est traitée en mode mineur et passe à peu près inaperçue dans nos médias dont on imagine l’indignation explosive si cet enlèvement avait été le fait des autorités syriennes, algériennes ou de tel autre pays non encore « rentré dans le rang » des « démocratures », ces dictatures islamistes sorties des urnes.

À défaut de logique, la morale et la raison nous invitent tout de même à nous interroger sur cette curieuse schizophrénie de nos politiques et nos médias. L’avenir dira si notre fascination infantile pour le néo-populisme véhiculé par Internet et si les investissements massifs du Qatar et de l’Arabie dans nos économies en crise valaient notre complaisance face à la montée d’une barbarie dont nous aurions tort de croire que nous sommes à l’abri.

Alain Chouet, 27/06/2012

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Son site est une pépite pour ceux que ça intéresse – j’adore le “L’article XV de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen stipule que tout agent public doit rendre compte de sa gestion à ses mandants.”

Je lui ai fait pour ma part un petit mail de remerciement…

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Tu m’étonnes qu’il soit TRÈS énervé en ce moment – et qu’il vaut mieux qu’il n’y ait pas de commission d’enquête…

Ca va devenir intéressant quand certaines familles de victimes vont commencer à réagir…

Source: http://www.les-crises.fr/2012-analyse-de-la-situation-en-syrie-par-alain-chouet/


Attentats à Paris : cette guerre qui ne dit que trop son nom

Saturday 21 November 2015 at 17:50

Source : L’avenir.net, Thierry Dupiereux, 14-11-2015

La France en état d’urgence ou en état de guerre? Les apparences sont parfois trompeuses.-AFP

Le mot est écrit et prononcé à foison depuis hier soir. «Guerre » s’impose dans le vocabulaire post-attentat. Drôle de guerre en vérité qui recouvre beaucoup de choses au point de devenir une abstraction mise à toutes les sauces rhétoriques.

C’était assez prévisible. Suite aux attentats parisiens, les «philosophes people » que sont Bernard-Henri Levy et Michel Onfray ne pouvaient se priver de prêcher la bonne parole dans un tweet concis et percutant.

Pour BHL, le message tenait en quelques mots: «Charlie était un symbole. Là, c’est une guerre». Onfray, lui s’est montré plus disert, aux limites de ses 140 signes réglementaires: «Droite et gauche qui ont internationalement semé la guerre contre l’islam politique récoltent nationalement la guerre de l’islam politique ».

On connaît les bagarres «intellectuelles » qui opposent les deux hommes. On notera tout de même que dans ce cas-ci, tous les deux se sont mis à un certain diapason lexical où le mot «guerre » est lourd de sens.

« Les pires actes de violence en France depuis la Seconde Guerre mondiale ! »

 

Le terme de «guerre » a aussi été lâché par François Hollande. « Un acte de guerre » a-t-il déclaré. « Oui, nous sommes en guerre » a confirmé Manuel Valls aux journaux télé de 20h00. Dans la rue également, le mot circule, car c’est à de «véritables scènes de guerres » qu’ont été confrontés les Parisiens. Le Premier ministre britannique David Cameron n’a pas été en reste qualifiant les événements de la nuit dernière comme les «pires actes de violence en France depuis la Seconde Guerre mondiale ».

Côté belge on épinglera, le message de la présidente du Sénat, Christine Defraigne envoyé à son homologue français, Gérard Larcher où l’élue MR affirme que  «la Belgique se réveille, elle aussi, prête au combat, prête à soutenir, là où elle le peut, l’offensive lancée par sa voisine, littéralement sur pied de guerre ».

D’autres prononcent encore le mot, mais pour l’éluder. C’est le cas du chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy qui a estimé que nous n’étions pas «face à une guerre de religion, mais face à une lutte entre la civilisation et la barbarie ».

Tous ces exemples placent, au gré des discours, la guerre en tant que métaphore, état de fait, référence historique ou encore message politique. L’utilisation intensive du terme interpelle car dans une guerre, il y a généralement plusieurs camps, clairement identifiés. Ici ce n’est pas le cas et le mot guerre se trouve un peu vidé de sa substance.

« GUERRE n.f.: lutte armée entre États, considérée comme un phénomène historique et social . »

 

Faire la «guerre», bien, mais contre qui exactement? Hier, l’EI a présenté son attaque parisienne comme une riposte à la participation française contre Daech en Syrie. Après l’attentat, Bachar al-Assad, le président syrien, ennemi de Daech lui aussi, mais sévèrement critiqué par Paris, a pris le contre-pied de la compassion diplomatique généralisée en estimant que la France avait contribué à «l’expansion du terrorisme », un terrorisme contre lequel Bachar affirme aussi être en guerre. Les fronts de celles-ci sont définitivement loin d’être clairs.

La guerre contre le terrorisme en soi, n’existe pas. Ce mot dans son acceptation première est une «lutte armée entre états, considérée comme un phénomène historique et social » (Larousse). Il est à manier avec précaution parce qu’il induit certains effets collatéraux comme la suppression (momentanée) de certaines libertés, le renforcement des pouvoirs de l’exécutif, l’instauration de règles spéciales…

Ainsi lorsque François Hollande lâche que c’est un «acte de guerre », il n’est pas anodin que dans la foulée, les préfets évoquent des «couvre-feux » ou des «restrictions de libertés individuelles ». Il y a une suite logique, sémantique.

« On ne rend pas service à la population en utilisant ce terme »

 

La guerre contre le terrorisme  s’est substituée à la lutte antiterroriste comme cela avait été le cas sous l’administration Bush au lendemain des attentats contre les Twin Towers. C’est comme si le degré de riposte avait monté d’un cran et qu’on allait voir ce qu’on allait voir, laissant maladroitement et paradoxalement entendre que jusqu’ici, tout n’avait pas été fait pour enrayer le terrorisme.

Alors, contre-productive l’utilisation du mot guerre? Contacté ce samedi, Michel Liégeois, spécialiste en relations internationales et défense de l’UCL, n’est pas loin de le penser. «On ne rend pas service à la population en utilisant ce terme. C’est simplifier à outrance un conflit complexe asymétrique, multiforme avec un mot inapproprié. Disons qu’on en escompte peut-être une mobilisation générale derrière le chef de l’État».

Et si ce mot n’était finalement utilisé que de guerre lasse?

Source : L’avenir.net, Thierry Dupiereux, 14-11-2015

 

L’editorial du Guardian: Nous devons rester fermes après les attaques de Paris

Source : The Guardian, 16-11-2015

 

Vigile à Kathmandu, Nepal, au mémoire des victimes des attaques de Paris. Photograph: Sunil Sharma/Demotix/Corbis

Avant d’évoquer quoi que que soit d’autre, parlons des victimes. Au milieu du bruit qui suit un épouvantable acte de violence, au milieu du vacarme des débats et des argumentaires, il est facile de ne plus entendre la seule douleur de l’événement. Paris déplore la perte d’au moins 132 personnes qui, ce vendredi, se livraient à des activités inoffensives et heureuses: manger ensemble, regarder ensemble un match de football, écouter de la musique ensemble. Ils sont morts aujourd’hui, assassinés dans des circonstances absolument terrifiantes. Les survivants, les blessés, les Français tous ensemble, déjà blessés par les attaques meurtrières de Janvier, sont sous le choc. Dans leur perte, leur deuil, leur douleur, nous sommes avec eux.

Le Président Français a répondu aux tueries parisiennes en les qualifiant de déclaration de guerre. Cela semble incontestable. Parler des tirs et des explosions de vendredi soir comme de simples crimes, comme s’ils n’étaient qu’une suite de meurtres commis par des gangs urbains, passe à côté de quelque chose d’important. Ces meurtres ont été coordonnés, méticuleusement planifiés et, selon des témoins visuels, effectués avec une précision froide et militaire. François Hollande n’a pas, pour rien, parlé de confrontation avec « l’armée » d’EI (Etat islamique).

Et même si EI voulait réellement que cette nuit de massacre soit une déclaration de guerre, cela ne signifie pas que la France – ou le reste du monde-doive lui retourner le compliment. Parce que cela serait en effet un compliment. Déclarer la guerre à EI reviendrait à le flatter, lui accorder la dignité qu’il recherche avidement. Ce serait lui accorder le statut d’Etat, qu’EI revendique mais ne mérite pas. Cela reviendrait à confronter cette organisation meurtrière selon des termes qu’elle choisit elle-même, plutôt que selon nos propres termes.

De plus, ce type de rhétorique a un passé récent malheureux. En 2001, George W Bush a également étiqueté 9/11 comme une déclaration de guerre. Mais ce registre de guerre, autorisant implicitement son lot de mesures extrêmes, a conduit les USA et leurs alliés à prendre plusieurs décisions désastreuses.

Leur impact se ressent aujourd’hui encore, presque 15 ans plus tard. On peut inclure dans cette catégorie la chute orchestrée de l’Irak et l’incubation d’EI qui s’en est suivie.

Le vocabulaire de guerre posent un autre problème également: qui en est réellement partie prenante? M. Hollande parlait au nom de la France. Mais le massacre de Paris fut également perçu comme une attaque contre l’Europe, y compris contre les valeurs européennes. Il est clair qu’EI ne se confine pas à cette cible, car il attaque tous ceux qui tentent de faire barrage à son appel destructif à la haine sectaire. Jeudi dernier, une bombe a tué 43 personnes à Beyrouth. Le lendemain matin, un kamikaze a tué 18 personnes à Bagdad. Les deux attaques ont été attribuées à EI. Et il y a à peine quinze jours, un avion russe transportant 224 personnes a été détruit en vol dans le ciel égyptien, à nouveau, apparemment, un acte d’EI ou de ses affiliés. Et il ne faut pas oublier que les victimes les plus nombreuses d’EI ne sont pas des Occidentaux mais les musulmans qui ont la malchance de vivre dans giron mortel de ce groupe au Moyen-Orient.

Alors comment faut-il répondre? Il y a déjà eu un appel, qui ne fera sans doute que s’amplifier, à changer certains aspects de la démocratie, et tout particulièrement de la vie européenne, qui nous rendent vulnérables aux attaques. Il est naturel et humain qu’en présence d’une menace, on veuille fermer les frontières, interrompre la vague de réfugiés, et renforcer les pouvoirs de ceux qui nous protégeraient.

Dans ce climat, il peut être impopulaire d’appeler à la réflexion et l’examen. Mais si l’on a le sentiment que les valeurs de l’Europe sont en danger, alors la dernière façon de protéger ces valeurs seraient de les démanteler. Le message moral pour que l’Europe soit un lieu de refuge doit rester inchangé malgré ce qui s’est passé vendredi. L’allégation selon laquelle l’un de meurtriers serait venu en Europedéguisé en réfugié est éminemment suspecte, la prétendue preuve qu’un passeport syrien a été retrouvé reste hautement discutable. Beaucoup de ceux qui fuient la Syrie le font pour fuir EI. A tout prendre, ces réfugiés pourraient potentiellement représenter un atout majeur dans la lutte contre ce groupe meurtrier.

En Grande Bretagne, certains verront dans la nouvelle loi de Theresa May, édictant de nouveaux pouvoirs d’investigation, une mesure encore plus urgente désormais, après le drame à Paris. Mais jusqu’à ce qu’il soit démontré que la surveillance de masse aurait pu faire la différence dans le scénario mortifère qui vient de ce produire, cet argument doit rester là où il est. Notre point de vue de départ demeure que la surveillance de masse, celle de chacun d’entre nous, n’est ni nécessaire ni efficace. Quand les agences de renseignement recherchent une aiguille dans une botte de foin, rajouter du foin n’est pas la solution. Lorsqu’elles ont besoin d’enquêter sur un individu ou un groupe, elles doivent s’assurer d’avoir au préalable – et normalement elles l’obtiennent- l’autorisation légale de le faire. Par ailleurs, s’il était besoin de le répéter, les sociétés européennes ne défendent pas leurs valeurs lorsqu’elles se retournent contre leurs citoyens musulmans – au contraire, elles violent ces valeurs.

Ce qui nous ramène à la Syrie. La défaite d’EI en Syrie ne fera pas totalement disparaître la menace de la violence djihadiste, mais elle constitue une étape indispensable pour avancer vers cet objectif. Cela nécessite sûrement une action militaire, mais cela ne signifie pas que l’Occident doive prendre en charge tous les combats. La reconquête de Sinjar au Nord de l’Irak, où EI a dû reculer vendredi dernier, est à ce propos pleine d’enseignements. La combinaison d’avions militaires américains dans le ciel et de combattants kurdes au sol s’est révélée décisive. Mais le cœur de la réponse doit aussi être diplomatique.

Les pourparlers de Vienne samedi dernier ont rassemblé des protagonistes disparates, notamment la Russie, les USA, l’Iran et l’Arabie Saoudite. Il se peut qu’aujourd’hui – dans la mesure où la Russie réalise que son soutien acharné à Bashar al-Assad se paie d’un lourd tribut – ces pays arrivent à se montrer enfin à la hauteur. Le moment est peut-être venu d’aligner des intérêts auparavants conflictuels. Nous exhortons les autorités de tous ces pays à saisir ce moment – au nom de la Syrie, au nom des innocents morts à Paris, au nom de notre avenir commun.

Source : The Guardian, 16-11-2015

 

ATTAQUES DE PARIS : FAUT-IL PARLER DE “GUERRE” ?

La presse étrangère plus prudente que les médias français

Source : Suite de l’article à lire sur Arrêt sur images, Vincent Coquaz, 16-11-2015

Peut-on vraiment parler de “déclaration de guerre” comme l’a fait François Hollande pour qualifier la série d’attentats du vendredi 13 novembre à Paris et Saint-Denis ? Et peut-on qualifier de “scènes de guerre” ou même de “situation de guerre“, comme on a pu le lire dans la plupart des médias, ces attaques qui ont causé la mort d’au moins 129 personnes ? Contrairement aux médias français, la presse étrangère (et une poignée de spécialistes français) s’interrogent depuis vendredi.
Un acte de guerre.” C’est en ces termes que François Hollande a qualifié les attaques de Paris et de Saint-Denis du vendredi 13 novembre 2015, qui ont fait au moins 129 morts, lors de sa première allocution. “Nous sommes en guerre“, insistait-il aujourd’hui, devant le Congrès réuni à Versailles. “Oui nous sommes en guerre, et nous frapperons cet ennemi, Daesh“, insistait Manuel Valls le lendemain. Un terme repris par certains dirigeants étrangers, dont Jan Jambon ministre de l’intérieur belge. Et un terme repris surtout sans distance par la quasi-totalité de la presse française.

Pourtant, certains experts, du djihadisme ou des terrains de guerre, s’interrogent depuis vendredi sur la pertinence de ce terme. Le mot “guerre” pose par exemple problème au photographe de l’AFP, Dominique Faget, l’un des premiers journalistes sur place vendredi soir et qui a photographié pendant plusieurs heures “les rescapés et les victimes qui ont réussi à s’enfuir du Bataclan“.
 
Source : Suite de l’article à lire sur Arrêt sur images, Vincent Coquaz, 16-11-2015

Source: http://www.les-crises.fr/attentats-a-paris-cette-guerre-qui-ne-dit-que-trop-son-nom-par-thierry-dupiereux/


Ex-directeur de la DGSE : On a catégoriquement refusé l’aide des services secrets syriens !

Saturday 21 November 2015 at 10:13

Pour ceux qui ne veulent pas voir, Alain Chouet confirme ainsi en quasi-totalité les informations de Bernard Squarcini (qu’auraient proposé les services syriens, si ce n’est des informations sur nos djihadistes ?). Vous imaginez bien la profondeur du scandale d’État pour que tous ces agents secrets parlent et dézinguent de facto autant nos politiques (ah non, c’est vrai qu’il y en a qui croient que c’est un vaste complot…).

Bien entendu, il y a des contreparties dans ce genre de cas, mais rouvrir une ambassade à Damas et cesser d’appeler à l’assassinant de Bachar al-Assad était ils un grand prix ? L’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, la Croatie, l’Estonie… tous le payent, il n’y a que nous qui avons des “croisés” comme dirigeants, qui ont oublié que leur première mission, c’est de protéger leurs concitoyens…

Source : Michel Delean. À lire en intégralité sur Mediapart - le 20 novembre 2015.

Ancien haut responsable de l’espionnage français, Alain Chouet pointe les failles des services de renseignement intérieurs et extérieurs au lendemain des attentats du 13 novembre. Il plaide pour un investissement dans le renseignement humain, dans la police, la gendarmerie et l’armée. Alain Chouet a effectué toute sa carrière au sein de la DGSE (l’espionnage français), dont il a été le chef du service de renseignement de sécurité de 2000 à 2002, après avoir été en poste notamment à Beyrouth, Damas et Rabat. Il est l’auteur de plusieurs livres sur le monde arabe et sur le terrorisme.

[...]

Manquons-nous de renseignements en provenance de pays déstabilisés ou en guerre comme la Syrie, l’Irak, la Libye ?

Énormément, oui. La France a rompu tous les liens de la DGSE avec les services syriens. Or les services secrets sont faits pour dîner avec le diable, sinon ils ne servent à rien. Que le pouvoir politique ait voulu rompre avec le régime syrien, c’est une décision qu’il a toute légitimité pour prendre. Mais le rôle des services spéciaux est de permettre – si besoin est – de maintenir un canal discret de communication. Quand, récemment, les services syriens ont tenté de rétablir un canal discret via d’anciens responsables des services français [il s’agit notamment de Bernard Squarcini, l’ancien patron de la DCRI – ndlr], il leur a été opposé un refus catégorique. Que ce soit à droite ou à gauche, il y a une méconnaissance de ce qu’est un service spécial. Notre métier est de garder le contact avec des gens infréquentables. Nous ne sommes ni des juges, ni des flics, ni des diplomates, qu’on nous laisse parler aux agents syriens ne serait pas une reconnaissance politique du régime de Bachar. Avec la Libye et l’Irak, on a aussi perdu quelques bons clients ces dernières années. Ce n’était pas toujours blanc de poil, mais on avait l’habitude de travailler avec eux contre la violence islamiste. On savait que sur une liste de 50 islamistes qu’ils nous envoyaient, il y avait en fait cinq opposants à leur régime. On en tenait compte. Aujourd’hui, on est aveugles, on n’a plus rien qui vienne de ces trois pays. Et dans les zones grises où il n’y a plus vraiment de pouvoir d’État, au Sahel ou ailleurs, il est difficile d’envoyer un blond aux yeux bleus se trimballer, ou de recruter des agents sur place, avec des groupes islamo-mafieux très dangereux qui tuent sans hésiter. [...]

Existe-t-il des pays qui ne jouent pas le jeu, ou qui ont d’autres logiques que la nôtre vis-à-vis des djihadistes ?

Oui, il y a les sponsors idéologiques et financiers du terrorisme. Les pétromonarchies du Golfe, qui essayent par tous les moyens – et en particulier par la diffusion de l’idéologie salafiste – d’empêcher la constitution d’un axe chiite du Liban jusqu’à l’Iran, qui ont un problème de légitimité musulmane, et qui veulent empêcher toute dérive démocratique. L’Arabie saoudite, par exemple, s’emploie depuis 30 ans à distiller le message salafiste et wahhabite en Europe, à travers des écoles et des fondations, et le résultat est là aujourd’hui. Il y a trente ans, les musulmans de France ne savaient pas ce qu’était le wahhabisme. Cela étant, l’Iran a pratiqué le terrorisme d’État dans les années 1980 et y a renoncé.

Pour conclure, vous militez pour moins de collecte de données, et plus de moyens humains au sein des services français.

Aux États-Unis, le dragage massif de données n’a pas permis d’éviter les attentats de Boston, et même pas les mitraillages hebdomadaires sur les campus qui avaient été annoncés par leurs auteurs sur les réseaux sociaux. On n’a vraiment pas intérêt à mettre tous nos œufs dans le panier des écoutes massives. Il nous faut des ressources humaines et opérationnelles. Pour le prix d’un satellite d’écoute, on peut embaucher des centaines de personnes. Mais ça demande du temps, et de la volonté politique. À la fin des années 1990, une fois passés les attentats de 1995 qui étaient liés à la situation algérienne, on est venu me dire que mon service coûtait cher et qu’il ne servait pas à grand-chose puisque rien ne se passait. Bercy rechignait à budgétiser les postes. À la DGSE aujourd’hui, il doit y avoir 4 500 à 5 000 personnes, dont 1 000 qui font de l’administratif. Le problème n’est pas tant les effectifs que la qualité et l’utilisation des effectifs, comme à la DGSI. J’ajoute qu’à la gendarmerie, il y a 80 000 personnes qui, à une époque, quadrillaient le territoire et parlaient à tout le monde. On les a reconvertis en percepteurs d’impôts et pères Fouettard sur le bord des routes, au lieu de créer un corps spécifique, une police des routes. Du coup, le maillage territorial du renseignement et la défense opérationnelle du territoire ont été affaiblis.

Source : Michel Delean. À lire en intégralité sur Mediapart - le 20 novembre 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/ex-directeur-de-la-dgse-on-a-categoriquement-refuse-laide-des-services-secrets-syriens/


Ce n’est pas ainsi que l’on détruira l’État islamique, par Nafeez Ahmed

Saturday 21 November 2015 at 04:00

Un article pour alimenter le débat et vos réflexions…

Source : Nafeez Ahmed, pour Middle East Eye, le 5 février 2015.

La façade religieuse est simplement un aspect de la propagande de l’Etat islamique, l’idéologie mobilisatrice qui fournit un vernis de légitimité à son existence

Hier, dans le Daily Mail, le journaliste britannique Piers Morgan a exprimé sa « rage incontrôlable » après avoir visionné la vidéo du pilote jordanien, Muaz al-Kasasbeh, se faire brûler vif par l’Etat islamique (EI), enfermé dans une cage.

« Si certains musulmans ont encore le moindre doute quant à savoir si c’est le bon moment pour se lever et crier ‘’PAS EN MON NOM ou PAS AU NOM DE MA RELIGION !’’, alors je leur suggère de regarder la vidéo du lieutenant al-Kasabeh [sic] en train de se faire brûler vif.

VOUS auriez pu être à sa place.

Ceci est VOTRE guerre. »

Pathétiquement, ni lui ni les correcteurs du Daily Mail ne se sont donné la peine d’épeler correctement le nom d’al-Kasasbeh.

« Tout musulman qui ne se lève pas contre ces barbares », scandait son titre, « doit la regarder aussi ».

Piers Morgan a ensuite comparé les membres de l’Etat islamique aux Nazis en raison de leurs aspirations à exterminer un « grand nombre » de personnes, conquérir « le pouvoir en répandant la mort et le chaos », infliger « la torture physique et mentale et assassiner avec une dégénérescence telle que cela dépasse tout entendement ou raisonnement logique ».

La guerre contre l’Etat islamique sera remportée, a-t-il conclu, uniquement « lorsque le monde musulman se retournera contre l’Etat islamique en Irak et en Syrie, l’extirpant de ses sociétés et le traduisant en justice. Par voie légale ou par la force ». L’EI ne pourra être vaincu que lorsque « des centaines de millions de musulmans qui en ont assez de voir le nom et la réputation de l’islam profanés de cette manière » agiront « militairement, financièrement et politiquement » contre lui.

Quel est le rôle de la religion ?

La rage de Morgan est une réponse tout à fait appropriée à cette épouvantable atrocité. Moi aussi, je ressens cette rage. Mais malheureusement, ses recommandations sur la manière de vaincre l’Etat islamique sont tellement bercées d’illusions et de fantasmes qu’elles nous plongeraient dans une voie de non-retour débouchant sur une catastrophe prolongée.

C’est précisément le chemin que nous semblons emprunter.

La longue tirade enragée de Morgan est précisément la réponse mal conçue et réactionnaire que la vidéo de propagande répugnante de l’Etat islamique est censée provoquer : un appel insensé à la guerre.

C’est exactement le but recherché par l’Etat islamique.

En faisant porter à des millions de musulmans à travers la planète la responsabilité de vaincre l’Etat islamique, Piers Morgan commet l’erreur de présumer qu’il s’agit là d’une guerre de religion.

Mais la façade religieuse est simplement un élément de la propagande de l’Etat islamique, l’idéologie mobilisatrice qui fournit le vernis de légitimité à son existence, sa violence et son mépris de l’Etat de droit.

Le vernis des motivations religieuses de l’Etat islamique est si mince que le journaliste français Didier François, pris en otage par le groupe pendant dix mois, a confié après sa libération que ses ravisseurs étaient si indifférents à la religion qu’ils n’avaient même pas des copies du Coran en leur possession, et ne se sont jamais engagés dans des discussions religieuses.

« Il n’y avait jamais vraiment de discussions sur les textes, ce n’était pas des discussions religieuses », disait-il à CNN. « C’était des discussions politiques. Il s’agissait plus de marteler leur croyance que de nous enseigner le Coran. Car cela n’avait rien à voir avec le Coran. Ils n’avaient même pas de copie du Coran ; ils ne voulaient même pas nous en donner une ».

Cheikh Mani’i al-Mani’i, un prédicateur extrémiste saoudien qui, l’an dernier, avait déclaré sur Twitter avoir rejoint la « terre du djihad » et fait allégeance à l’Etat islamique, a fini par fuir à l’ambassade d’Arabie saoudite en Turquie. L’Etat islamique, a-t-il déclaré à la télévision saoudienne, promeut une religion qui « n’est pas l’islam que je connais ». L’Etat islamique fait étalage et impose un système de « charia » qui lui est propre, mais ses références aux textes islamiques sont avant tout caricaturales : la burqa noire, les lapidations et décapitations brutales, la réglementation rigide de la prière, l’excommunication de quiconque rejette sa légitimité, dépeint comme un infidèle méritant une exécution sommaire, et ainsi de suite.

Les jeunes partisans et djihadistes enrôlés dans l’Etat islamique sont rarement motivés par une quelconque exégèse détaillée des textes religieux, explique la revue Foreign Policy, mais plutôt par « la colère et les humiliations, petites et grandes », toutes sortes de griefs politiques et une vie sans espoir enlisée dans le chômage et la toxicomanie.

L’insinuation est évidente. Les musulmans du monde entier peuvent crier « pas en mon nom » à en perdre haleine. Ils le font en effet. Je suis l’un d’entre eux. Le problème est que l’Etat islamique n’en a que faire.

L’infrastructure de la terreur

Pour guérir une maladie, il faut d’abord la diagnostiquer correctement. Une maladie aussi incroyablement inquiétante et insidieuse que l’Etat islamique nécessite un processus de diagnostic à la hauteur.

Les idéologies pseudo-religieuses déformées ne peuvent pas conquérir de vastes étendues de terre et endoctriner brusquement des milliers de fantassins en s’appuyant  exclusivement sur le pouvoir d’une conviction fanatique. Car, pour que l’extrémisme violent puisse se traduire en terrorisme, une infrastructure matérielle est nécessaire : pas seulement les idées, mais la capacité de transmettre ces idées, la réceptivité à ces idées et, parallèlement, la formation et les réseaux organisationnels permettant d’agir sur ces idées.

Dans le cas de l’Etat islamique, l’idéologie islamiste est si éloignée de toute référence significative aux textes canoniques de l’islam que quiconque prétend que la principale approche pour vaincre cette entité relève du domaine des idées et des textes islamiques vit dans le monde des rêves.

Cela ne signifie pas que l’idéologie islamiste ne joue aucun rôle ici – mais il faut bien comprendre ce rôle avant d’en tirer des conclusions erronées et malavisées. L’idéologie islamiste est essentielle pour une seule raison : elle fournit à un mouvement sans aucun fondement dans l’islam les ressources culturelles et linguistiques permettant de fabriquer un semblant de légitimité religieuse exclusiviste à présenter à des personnes suffisamment stupides et en colère pour y croire. Le modus operandi de l’Etat islamique n’est aucunement lié à un discours théologique rationnel mais consiste à inculquer une obéissance aveugle et inconditionnelle à sa suprématie grâce à l’utilisation d’un symbolisme puissant, à la répétition et à la propagande perpétuelle, le tout accompagné de la promesse alléchante du salut sacré.

Ainsi, le mouvement attire des recrues dont la capacité de pensée rationnelle est déjà fermée, dont les circonstances personnelles les rendent sensibles à une telle propagande psychopathe, et qui ont une vision de la vie forgée par des expériences ayant donné lieu à des griefs qui normalisent la pratique de la violence extrême.

Bombardements venus du ciel

Il suffit de remonter d’une dizaine d’années en arrière pour trouver un début de réponse à ces questions. A l’époque, l’Irak de Saddam Hussein était une dictature sectaire brutale qui opprimait les minorités kurdes et chiites. Mais c’était aussi un Etat farouchement laïque et raisonnablement développé, avec une forte économie et l’un des meilleurs systèmes de santé et d’éducation au monde. Aucun signe d’al-Qaïda en vue, malgré les efforts des néoconservateurs post-11 septembre 2001 pour en concocter un.

Lors de la première guerre du Golfe, nous avons eu recours à des bombardements aériens aléatoires qui ont tué 200 000 Irakiens, en majorité des civils. Les pertes humaines incluaient les milliers de soldats à qui Bagdad avait ordonné de se retirer du Koweït, et qui ne représentaient aucune menace, obéissant à la résolution 660 des Nations unies du 2 août 1990. La Maison Blanche avait promis que les forces de la coalition n’attaqueraient pas les troupes irakiennes quittant le Koweït. Cependant, alors que celles-ci étaient sur le chemin du retour le long de l’autoroute à six voies entre le Koweït et l’Irak, elles ont été massivement décimées par les frappes aériennes.

Parmi les victimes figuraient d’innombrables réfugiés civils palestiniens et koweïtiens qui tentaient de fuir le siège imminent du Koweït. Tous ont été brûlés vifs, incinérés à l’intérieur de leur véhicule par les bombardements. Le convoi militaire était également parsemé de voitures civiles, d’autobus et de camions, dont beaucoup transportaient des familles palestiniennes et leurs biens. Du napalm, du phosphore et d’autres bombes incendiaires semblent avoir été utilisés dans ces bombardements.

La campagne de la coalition sous commandement américain a laissé l’Irak dans un état presque apocalyptique, selon les observateurs de l’ONU. Nous avons ciblé et détruit les centrales électriques, les installations de traitement de l’eau, les terminaux téléphoniques et radiophoniques, les installations de préparation et de stockage de nourriture, les chemins de fer, les dépôts de bus, les ponts, les puits et les raffineries de pétrole, les systèmes d’égouts, les usines d’automobiles et de textile, les écoles, les hôpitaux, les mosquées, les églises, les abris, les zones résidentielles, les hôtels, les boutiques, les sites historiques, les véhicules privés et les bureaux gouvernementaux civils. Jusqu’à 20 000 maisons et appartements ont été anéantis, avec les familles et les enfants à l’intérieur. Nous avons terrorisé une population entière. Nous l’avons fait en violation flagrante de la charte des Nations unies, des conventions de Genève, des lois de Nuremberg et d’autres lois de la guerre.

Un camp de concentration géant

Après la guerre, nous avons fait pression sur l’ONU afin d’imposer des sanctions économiques à l’Irak dans le but de priver le pays des soi-disant produits « à double usage » qui auraient pu aider à fabriquer les supposées armes de destruction massive. Cela comprenait les bicyclettes, les livres, les bols, les bougies, les tasses, les bureaux, les ventilateurs, les télécopieurs, la colle, les épingles à cheveux, l’encre, les bouilloires, les CD de musique, le papier, les trombones, les stylos, les photocopieurs, le cirage pour chaussure, les chaussures, les pelles, les chaussettes, les éponges, les cuillères, les téléphones, les mouchoirs et le papier toilette, les grille-pains, les brosses à dents, les aspirateurs, les portefeuilles, les montres, les pompes à eau, le bois, la laine et les objectifs de zoom des appareil photographiques. Ceci est une infime fraction de la quantité d’objets d’usage quotidien qui avaient été interdits.

Des documents déclassifiés provenant du Pentagone et de l’ONU montrent que nos gouvernements étaient pleinement conscients de la destruction complète de la vie civile par les sanctions. Dennis Halliday, alors assistant du secrétaire général de l’ONU et coordinateur de l’aide humanitaire à l’Irak, a finalement démissionné, écœuré par un programme qu’il présente comme « une politique qui correspond à la définition de génocide ». Plus précisément 1 700 000 civils irakiens sont morts à cause du régime de sanctions, la moitié d’entre eux étaient des enfants.

Pourtant, toujours aucun signe d’al-Qaïda.

Si nous vous tuons, c’est que vous êtes des insurgés

En 2003, nous avions envahi et occupé l’Irak pour détruire la menace des armes de destruction massive de Saddam Hussein – une menace que nos propres gouvernements avaient délibérément fabriquée pour justifier la guerre et permettre l’accès des marchés mondiaux au pétrole du Golfe. Les sources de renseignement et les divulgations de documents classifiés prouvent qu’il n’y avait pas eu d’« échec des services de renseignement » mais une tendance à « puiser sélectivement » dans un « matériau biaisé » faussement déguisé en « renseignements ».

Le film American Sniper voudrait vous faire croire que nos troupes se battaient contre un pays bondé de terroristes infâmes afin de protéger les vies américaines et occidentales. Des vétérans de la guerre en Irak plus courageux que le défunt Chris Kyle, protagoniste du film, ont témoigné sur les ordres qu’ils avaient reçus : établir des « zones de tir libre » dans des quartiers civils où l’accueil n’était soi-disant « pas amical » mais où n’étaient présents aucuns combattants ennemis, juste des civils ; tirer sur quiconque serait aperçu en train de creuser près d’une route ; imposer un couvre-feu sur les villes et tirer sur tout ce qui bouge dans l’obscurité ; utiliser des enfants irakiens comme boucliers humains ; tirer au hasard sur des voitures civiles, des maisons et des immeubles ; et la liste s’allonge, encore et encore.

Jason Wayne Lemue, un marine ayant servi à trois reprises en Irak, a déclaré que quiconque « portant une pelle, ou se tenant debout sur un toit utilisant un téléphone portable, ou se trouvant dehors après le couvre-feu, devait être tué. Je ne peux pas vous dire combien de personnes sont mortes de cette manière. Lors de ma troisième mission, on nous a dit de simplement tirer sur les gens, et que les officiers prendraient soin de nous ». Jason Moon, un autre vétéran de la guerre en Irak, explique le raisonnement derrière ces ordres : « Si vous tuez un civil, il devient un insurgé parce que vous faites rétroactivement de cette personne une menace ».

Beaucoup de débats ont eu lieu sur le nombre de victimes tombées après 2003, mais les médias ont largement occulté l’estimation scientifique du nombre de morts la plus crédible et vigoureuse, celle publiée par la revue PLOS Medicine. Cette étude a révélé qu’au moins un demi-million de civils irakiens avaient été tués sous l’impact direct et indirect de la guerre et de l’occupation anglo-américaines entre 2003 et 2011. Amy Hogopian, auteur principal de l’étude et professeur à l’université Washington de Seattle, considère qu’il s’agit là probablement d’« une estimation minimale ».

Au total, nous avons tué, au bas mot, 2,3 millions d’Irakiens et pratiquement détruit tout un pays. Le régime pseudo-démocratique que nous avons ensuite tenté d’imposer au milieu d’une insurrection croissante (prédite par nos propres agences de sécurité comme une conséquence directe au fait de mettre l’ensemble des 200 000 soldats de l’armée irakienne au chômage), s’est révélé être un autre cauchemar sectaire, coupable de marginaliser, persécuter et même assassiner la minorité sunnite.

Radicaliser par la torture

C’est peu de temps après l’invasion que nous avons commencé à avoir écho de rapports mentionnant une présence islamiste croissante en Irak, menée par al-Qaïda. Bon nombre des personnes recrutées à la direction d’al-Qaïda en Irak à cette époque étaient d’anciens généraux et officiers militaires baasistes. Parmi les recrues se trouvaient aussi ceux qui, par la suite, constitueraient la colonne vertébrale de l’Etat islamique – à l’instar d’Abou Bakr al-Baghdadi.

Al-Baghdadi a été détenu par les forces américaines à Camp Bucca en février 2004. A l’époque, un responsable du Pentagone l’avait décrit comme un simple « voyou des rues ». « Il nous aurait été difficile d’imaginer à l’époque, même à l’aide d’une boule de cristal, qu’il allait devenir le chef de l’Etat islamique ».

Camp Bucca, conjointement géré par les soldats américains et britanniques, aurait tout aussi bien pu être un camp de concentration nazi. Les détenus y ont enduré au quotidien des tortures physiques et psychologiques brutales et prolongées.

La torture infligée par les Américains aux détenus irakiens de Camp Bucca comprenait les crimes suivants : asséner des coups à répétition ; écarter les jambes d’un prisonnier pendant que des soldats se chargent de le frapper dans l’aine ; dénuder des détenus et les forcer à défiler, enchainés, devant des femmes soldats ; parsemer de scorpions le corps d’un prisonnier tandis que ses mains et ses jambes sont ligotées ; forcer les prisonniers à subir des interventions chirurgicales invasives sans anesthésie ; violer à maintes reprises, y compris par sodomie ; assassiner par armes à feu, en toute impunité ; forcer les détenus à dormir dehors dans le froid et sous la pluie, ou les punir pendant la journée sous la chaleur du soleil.

Or, la plupart des détenus de Camp Bucca n’étaient même pas des terroristes ou des insurgés. Un rapport confidentiel du Comité international de la Croix-Rouge divulgué en mai 2004 révélait que près de 90% des détenus de Camp Bucca avaient été arrêtés « par erreur ». Beaucoup étaient simplement des Irakiens qui s’opposaient à l’occupation.

Pas étonnant que James Skylar Gerrond, l’un des anciens commandants du camp, ait concédé : « A Camp Bucca, beaucoup d’entre nous craignaient qu’au lieu de simplement détenir les prisonniers, nous avions créé une cocotte minute pour extrémisme ». Il a indiqué que « tous, dans la chaîne de commandement » étaient « constamment inquiets » à ce sujet.

Ahmad al-Rubaie, un expert spécialisé dans les milices irakiennes, a noté que de nombreux détenus avaient débuté comme des « fervents adversaires d’al-Qaïda et ses partenaires, comme des défenseurs du nationalisme irakien et arabe – mais qu’une fois relâchés, ils étaient devenus des cheikhs djihadistes takfiris ». La direction de l’armée américaine avait prévu ce résultat. Selon Hamid al-Saadi, qui a siégé au comité des affaires des prisonniers de Camp Bucca de 2005 à 2007 : « Les Américains savaient qu’à leur sortie, les prisonniers de Camp Bucca planteraient à nouveau des engins explosifs improvisés et se vengeraient contre tout ce qui se trouverait sur leur passage ». En fait, le comité avait plaidé auprès des administrateurs du camp en faveur du maintien en captivité de ces détenus. En vain.

La piste financière

Le problème n’est pas seulement que nous avons torturé des individus comme al-Baghdadi au point de les transformer en sociopathes dépravés et déséquilibrés qui ont perfectionné leurs pratiques atroces jusqu’à en faire de véritables formes d’art venues de l’enfer. Le problème n’est pas seulement que les atrocités commises actuellement par l’Etat islamique, aussi horrifiantes soient-elles, sont dérisoires en comparaison à l’ampleur de l’extermination systématique et inhumaine d’hommes, de femmes et d’enfants innocents perpétrée par nos gouvernements en Irak.

Le problème est que nous avons aussi aidé à financer ce noyau d’al-Qaïda qui a engendré ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’Etat islamique. A quel moment cela a commencé, ce n’est pas clair. Cependant, en 2007, la preuve avait émergé de plusieurs sources du renseignement américain que les Etats-Unis coordonnaient le financement secret, sous contrôle saoudien, de groupes affiliés à al-Qaïda dans la région dans l’effort de contrer l’influence géopolitique iranienne et syrienne. Une grande partie de ce financement était mobilisée en Irak. Lorsque le soulèvement populaire a éclaté en Syrie, les rebelles formés et armés par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne étaient déjà actifs dans le pays. Dans les années qui ont suivi, les services de renseignement américains, britanniques, français et israéliens établirent une structure de commande confidentielle visant à coordonner le financement et l’entraînement par les Etats du Golfe des rebelles anti-Assad dans des camps de Jordanie et de Turquie, et dont une grande partie a bénéficié à des extrémistes islamistes affiliés à al-Qaïda et à l’Etat islamique.

Même l’aide qui, à l’origine, était destinée aux rebelles dits « modérés » avait fini dans les poches de l’Etat islamique après que des groupes désillusionnés avaient fait défection pour rejoindre les rangs des extrémistes, convaincus que l’Etat islamique était le seul capable de gagner la guerre. Nous avons même acheté du pétrole provenant des raffineries de l’Etat islamique en Syrie parce qu’à l’époque cela nous arrangeait.

En octobre de l’année dernière, lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, le vice-président américain Joe Biden faisait savoir que l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar et la Turquie, entre autres, versaient « des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d’armes » à « al-Nusra et al-Qaïda et aux éléments extrémistes des djihadistes », « dans le cadre d’une guerre par procuration entre sunnites et chiites ». Pourtant, cet entonnoir djihadiste avait été aménagé et surveillé précisément par des officiers du renseignement américain et britannique travaillant sur le terrain en Turquie et en Jordanie, assurant la coordination des ponts aériens et la sélection des recrues. Joe Biden a même admis qu’il était impossible concrètement d’identifier les rebelles « modérés » en Syrie.

Il n’est même pas certain que nos alliés aient mis fin au financement des djihadistes. Dans son témoignage devant le comité des services armés du Sénat en septembre 2014, alors que nous coordonnions avec nos alliés les frappes aériennes en Irak, le général Martin Dempsey avait été interpelé par le sénateur Lindsay Graham lui demandant s’il savait si « certains de nos principaux alliés arabes soutenaient l’Etat islamique ». Le général Dempsey avait répondu : « je sais que certains de nos principaux alliés arabes les financent ».

Même à ce jour, alors que nos politiciens pontifient (à juste titre) sur les barbaries de l’Etat islamique, ils restent étrangement silencieux sur la complicité de nos alliés dictatoriaux qui parrainent l’organisation, notamment la Turquie.

Ne vous y méprenez pas. L’Etat islamique n’est pas sorti de nulle part. Il n’est pas le produit de l’islam ou du « monde musulman » et de son retard intrinsèque. L’Etat islamique et ses valeurs nazies sont un produit de ce que nous avons fait subir à la région.

Pas en mon nom

Alors, qui est responsable de la montée en puissance de l’Etat islamique ? Tout le monde et personne à la fois.

Personne, car nous allons tous clamer notre innocence. L’islam n’a rien à voir avec cela. Deux milliards de musulmans, pour la grande majorité pacifiques, sont horrifiés par l’Etat islamique. L’Occident, lui, essayait simplement, tout simplement, de faire tomber le méprisable Assad. Nous, électeurs, ne pouvons contrôler les décisions insensées prises par nos gouvernements, que nous soutenons la moitié du temps sous l’influence de médias défaillants qui puisent leur inspiration dans les communiqués de presse des agences du ministère de la Défense. Les pays du Golfe, eux aussi, tentent simplement de vaincre Assad.

Tout le monde, car nous sommes tous coupables. L’islam a en effet été détourné à tort. Les musulmans du monde entier devraient reconnaître que l’attractivité que représente l’Etat islamique pour une minorité marginalisée signifie inévitablement que les musulmans n’ont pas réussi à articuler la beauté de l’islam de façon suffisamment convaincante dans nos communautés. Les opinions publiques occidentales n’ont pas réussi à contrôler leurs gouvernements lorsque, en notre nom, ils érodent les principes démocratiques et accélèrent le carnage à l’étranger. Et les foules des pays à majorité musulmane restent largement impuissantes à contrôler les tyrans du Moyen-Orient qui les oppriment avec l’aide occidentale, tout en parrainant les extrémistes.

La rage incontrôlable et les dénonciations rituelles n’auront pas raison de l’Etat islamique. Pour le vaincre, nous devons reconnaître que le monstre de Frankenstein n’est simplement à inculper ni à « l’Occident » ni aux « musulmans ». C’est une co-création des mondes occidentaux et musulmans, notamment des organismes de « sécurité » occidentaux et musulmans qui, à la recherche de prouesses géopolitiques, d’autoglorification et de profits communs, ont perdu tout repère moral.

Les citoyens de toute confession et les athées doivent s’unir pour rejeter la violence perpétrée en notre nom de toutes parts. Nous devons faire pression sur nos gouvernements afin qu’ils reconfigurent nos alliances avec les régimes brutaux qui soutiennent le terrorisme, mettent fin à notre dépendance abjecte et servile aux combustibles fossiles du Moyen-Orient, et coupent les liens et les investissements financiers à durée illimitée. Nos gouvernements doivent exercer des pressions diplomatiques, économiques et d’autres types afin de fermer les réseaux financiers qui soutiennent l’Etat islamique, incubés en secret par des pays comme la Turquie. Nous devons travailler avec la Russie pour parvenir à un accord visant à mettre un terme décisif à tout appui militaire et financier apporté aux acteurs régionaux de tous bords en vue de les forcer à cesser les hostilités et s’asseoir à la table des négociations.

Nous devons exercer une surveillance plus vigoureuse de nos services de renseignement et les obliger à rendre des comptes car le soutien clandestin qu’ils apportent aux miliciens à l’étranger a compromis la sécurité nationale et permis aux extrémistes de se déchaîner chez nous.

En tant que citoyens, nous devons nous mobiliser, non seulement pour dénoncer les atrocités commises par les gouvernements occidentaux, les dictatures qu’ils soutiennent et les terroristes islamistes causant des ravages dans diverses parties du monde, mais aussi pour œuvrer ensemble afin de générer de nouveaux discours de paix, de diversité et de coexistence inspirés par des valeurs religieuses et non-religieuses à la fois.

En fin de compte, nous devons réévaluer le rôle de l’Occident dans la région et, ce faisant, accepter que la seule manière de mettre fin à la capacité de l’Etat islamique de recruter des extrémistes est de redonner espoir : ce même espoir que nous avons anéanti avec d’insondables niveaux de violence que nous continuons de nier à ce jour. Redonner espoir signifie que les gouvernements occidentaux doivent abandonner leur géopolitique contreproductive, présenter des excuses sincères pour leur destruction injustifiée de l’Irak, et remplacer l’interminable approvisionnement en instruments de torture et de mort par une assistance significative pour rebâtir la vie, sous la forme de secours humanitaire et d’aide à la reconstruction et au développement économique.

Malheureusement, sans pression publique massive, il est peu probable que les gouvernements occidentaux agissent dans ce sens, tout comme les dictatures musulmanes que nos gouvernements courtisent et soutiennent se déroberont à toute réforme qui minerait les structures autoritaires du pouvoir.

Donc, oui, pas en mon nom. Si nous voulons détruire l’Etat islamique, nous devons transformer le système qui l’a fait naître.

Citoyennes et citoyens de la planète Terre : mettons-nous à l’ouvrage.

Source: http://www.les-crises.fr/ce-nest-pas-ainsi-que-lon-detruira-letat-islamique-par-nafeez-ahmed/


Bas les masques ! par Eric Dénécé

Saturday 21 November 2015 at 02:55

Source : Eric Dénécé, pour le Centre Français de Recherche sur le Renseignement, le 17 novembre 2015.

Les attentats sanglants qui viennent de frapper notre capitale – plus de 130 morts et de 400 blessés – sont le pire acte de violence survenu sur notre territoire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ils sont aussi, par leur ampleur, la troisième attaque en importance ayant touché le monde occidental après celles du 11 septembre 2001 et de Madrid.

Alors que les actes de ces dernières années semblaient être le fait d’amateurs plus ou moins habiles, les attaques du vendredi 13 novembre, par leur nombre, les cibles visées, leurs modes opératoires et leur coordination, traduisent une opération mieux planifiée.

Le gouvernement a immédiatement condamné ces actes barbares, promis que « la France serait impitoyable » et a confirmé aux citoyens que le pays était « en guerre »… sans toutefois préciser contre qui, ce qui traduit son embarras ou sa cécité.

La guerre… mais contre qui ?

Daesh est à l’origine de ces attentats, cela ne fait aucun doute. Mais qu’est-ce que Daesh ? Une organisation terroriste et criminelle d’inspiration wahhabite/salafiste, qui a réussi à s’approprier un territoire par les armes et à en faire un sanctuaire qui attire criminels, intégristes et malades mentaux de tout poil, souhaitant exprimer leurs multiples frustrations par la violence la plus abjecte au nom d’une pseudo-idéologie qui n’est qu’une insulte à l’islam.

Daesh n’est qu’une composante du courant minoritaire ultra-radical et rétrograde de l’islam[2] qui est le véritable ennemi. Il puise ses références dans les écrits d’Abdel Wahhab et des Frères musulmans. Le wahhabisme a donné naissance à l’Arabie saoudite, l’un des Etats les plus rétrogrades de la planète ; et l’idéologie néfaste des Frères musulmans est à l’origine de presque tous les groupes terroristes islamistes apparus depuis les années 1970, jusqu’à Al-Qaida et Daesh.

Ces extrémistes s’en prennent à tout le monde : à l’Occident bien sûr et à la France en particulier. Mais aussi aux Russes, aux Egyptiens, aux Pakistanais, aux Libanais, au Hezbollah, aux Iraniens, aux chrétiens, aux chiites… et aux sunnites qui n’adhèrent pas à leur conception de l’islam.

Toutefois, depuis quelques mois, Daesh souffre sous les bombardements de la coalition occidentale, des forces russes en Syrie et des assauts des Kurdes en Irak. Se trouvant menacé dans son sanctuaire, le groupe terroriste a décidé d’exporter le combat, comme l’illustrent les attentats récents au-dessus du Sinaï, à Beyrouth et à Paris. C’est malheureusement un classique qu’un groupe terroriste sous pression lance des opérations spectaculaires pour montrer qu’il conserve une forte capacité de nuisance et afin de rassurer ses partisans et ses sponsors. C’est pourquoi nous devons nous attendre à d’autres attentats car Daesh dispose de combattants déterminés à passer à l’action[3].

Par ailleurs, si Daesh parvient à maintenir son emprise sur l’Irak du Nord et l’Est de la Syrie, c’est parce qu’il bénéficie de nombreux soutiens, directs ou indirects, d’Etats qui partagent ou prônent ce même radicalisme religieux : l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, trois alliés majeurs de l’Occident, des Etats-Unis et de la France.

- L’Arabie saoudite est un royaume médiéval et intégriste dont les dirigeants laissent la majorité du peuple dans l’ignorance, avec pour toute éducation une lecture très orientée du Coran. Mais, Ryad dispose d’un pouvoir d’influence et de nuisance considérable grâce à l’argent du pétrole et s’en sert pour jouer au pyromane, en exportant le wahhabisme, qui est à l’origine du rejet dont souffrent de nombreux musulmans partout dans le monde. Il convient de rappeler que c’est grâce à l’appui de l’Arabie saoudite – puis à celui du Qatar – que depuis les années 1980 le terrorisme islamiste s’est répandu dans de très nombreux pays. C’est pourquoi Jamais Ryad n’a cherché à lutter contre Daesh. En revanche, le royaume a mobilisé ses forces et fait appel à ses alliés pour conduire une guerre d’agression au Yémen[4].

- Le Qatar n’est qu’un micro-Etat, insignifiant, sans passé et sans avenir, dont les souverains successifs ont pour seule qualité d’être nés propriétaires de ressources considérables d’hydrocarbures dont ils tirent des revenus énormes. Ce « pays » artificiel compte deux millions d’habitants, dont à peine plus de 10%s ont des Qataris.

La Turquie, quant à elle, est un grand Etat, héritière de l’Empire ottoman et membre de l’OTAN. Mais ce pays s’est profondément réislamisé depuis l’arrivée au pouvoir d’Erdogan, membre du bureau international des Frères musulmans, qui s’acharne à gommer toute trace de l’oeuvre de modernisation et de laïcisation du pays conduite par Mustapha Kemal. La Turquie se trouve donc impliquée, en partie au corps défendant de ses élites et d’une part de sa population, dans les rêves de grandeur islamiste de son leader qui se voit comme le nouveau sultan ottoman.

Ryad, Doha et à un moindre degré Ankara sont sans aucune ambigüité les inspirateurs et les soutiens des mouvements islamistes radicaux et terroristes actuels. Vouloir apporter une solution au problème sans dénoncer le rôle essentiel que jouent ces Etats est absolument vain. Ils continuent d’ailleurs de financer et d’armer les “rebelles” en Syrie, renforçant la capacité d’action des groupes djihadistes qui connaissent de sérieux problèmes depuis le début de l’intervention russe. C’est une fuite en avant irresponsable de la part de ces trois pays qui voient leur stratégie contrée par l’entrée en jeu de Moscou. Bachar El-Assad ne tombera pas et ils ne le supportent pas.

Ces Etats ont par ailleurs un autre point commun important : ce sont des alliés indéfectibles des Etats-Unis avec lesquels ils coordonnent le plus souvent leur stratégie régionale. Or, depuis les attentats du 11 septembre 2001, le jeu des Américains ne cesse d’être ambigu. Washington a désigné comme fauteurs de troubles l’Irak, l’Iran et plus récemment la Syrie, alors que Ben Laden et la majorité des terroristes du 9/11 étaient saoudiens. Puis, à l’occasion des pseudo « révolutions arabes » de 2011, les Etats-Unis ont soutenu, partout dans le monde arabe, les Frères musulmans, afin de les installer au pouvoir. Cette politique a initialement connu le succès en Tunisie et en Egypte – avant que la population ne désavoue ou ne renverse les gouvernements de la Confrérie, mais elle n’a pas fonctionné en Syrie. Cela n’est donc pas un déni de réalité mais une véritable stratégie d’alliance objective et machiavélique avec l’islam le plus radical qui soit. Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller pour la Sécurité nationale de Jimmy Carter déclarait encore récemment, à propos de Jabat Al-Nosrah, la branche d’Al-Qaida en Syrie : « si les Russes continuent à bombarder nos gars, il faut qu’Obama riposte » !

Paradoxalement, cette stratégie n’est dénoncée que par Donald Trump, candidat aux primaires du Parti républicain: « Si vous regardez la Libye, regardez ce que nous y avons fait, c’est le désordre. Si vous regardez Saddam Hussein avec l’Irak et ce que nous avons fait là-bas… C’est le désordre. Et ce sera la même chose en Syrie ».

Sans l’invasion catastrophique américaine en Irak et le soutien ou la passivité bienveillante de l’Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie, Daesh ne serait plus. Mais, tant que ce groupe bénéficiera de tels sponsors, il continuera d’exister. D’autant qu’il faut bien dire que la très faible combativité de l’armée irakienne ne permet pas d’espérer des opérations militaires d’envergure au sol, à court terme.

L’absurde position de la France

La politique adoptée par le président Hollande envers la Syrie a clairement accru la menace terroriste. Les centaines de jeunes français qui se sont laissé séduire par l’islam radical et sont partis combattre ont été indirectement encouragés à le faire grâce au battage médiatique délirant contre « Bachar, le boucher qui massacre son peuple ».

Nos services, bien que parfaitement conscients des réalités du terrain et des menaces, ont obéi à un gouvernement sous influence du Qatar et de l’Arabie saoudite. Ils ont entraîné et ravitaillé des combattants d’Al-Nosrah et de l’ASL et ont dû se résigner à ignorer les faits qu’ils observaient pour ne dire à nos autorités que les « vérités » qu’elles voulaient entendre. Aussi, sous le double effet de la rupture des relations avec les services syriens et des consignes de collaboration avec les Etats wahhabites/salafistes, le renforcement des moyens du renseignement depuis 2008 ne pouvait guère porter ses fruits, puisqu’il était demandé aux services d’agir dans la mauvaise direction.

Les « démocrates » que soutient notre pays sont d’ailleurs d’un genre nouveau. A l’image de Lamia Nahas, membre de la Coalition nationale de l’opposition syrienne – soutenue par la France, le Qatar, l’Arabie saoudite, les Etats-Unis et le Royaume Uni – qui a récemment publié un post édifiant sur sa page Facebook : «Chaque fois que les minorités déploient leur morgue à l’égard de la Syrie, ma conviction s’affirme davantage sur la nécessité de dresser un bûcher pour les carboniser tous. Je regrette Hitler qui a brûlé les Juifs de son temps ainsi que le sultan ottoman Abdel Hamid qui a exterminé les Arméniens de même que le héros des Arabes, Saddam Hussein, qui s’est comporté en homme à une époque où il n’en existait plus et dont il n’existera plus jamais après lui. » [5]. Que dire de plus !

Les attentats du 13 novembre à Paris montrent que, malgré notre soutien irresponsable à l’opposition djihadiste de Bachar El-Assad et notre silence sur la guerre d’agression de l’Arabie saoudite au Yémen, les terroristes ont tout de même frappé la France. C’est l’illustration horrible mais parfaite des errements complets de notre politique étrangère : notre alignement sur les pétromonarchies islamistes ne nous a même pas protégé des attentats. Pourtant, paradoxalement, nous n’avons conduit que des frappes aériennes symboliques contre les installations de Daesh en Syrie et en Irak.

Par ailleurs, nous nous berçons d’illusion quant à l’importance des investissements et des contrats des pays du Golfe pour notre économie. Comme l’a récemment démontré Loik Le Floch-Prigent, il convient « d’en finir une fois pour toutes avec ces mirages rapportés du désert »[6] qui amènent nos dirigeants à se prosterner à Ryad et à Doha. Au demeurant, cette « alliance » permet à nos « partenaires » de financer librement l’islam radical dans nos banlieues.

Quelle riposte ?

S’il ne fait aucun doute que nous ne devons ni légitimer ni apporter notre soutien à des dictatures ou des régimes autoritaires, opprimant leur population, il nous revient toutefois de ne pas provoquer leur remplacement par des régimes pire encore… Or, c’est ce que nous faisons depuis l’intervention en Libye ! Ainsi que l’a déclaré Jean-Pierre Chevènement sur public Sénat : « Je pense que Saddam Hussein, sur lequel nous aurions pu exercer une influence, a coûté peut-être 10 000 fois moins de victimes que les deux guerres qui ont été faites (…) l’ensemble aboutissant à la destruction de l’Etat irakien et à une guerre interconfessionnelle qui n’est pas terminée ». Entre deux maux, choisissons le moindre. Il est en effet toujours possible d’influer, même modérément, sur un régime, à la différence d’un groupe terroriste.

En réaction aux attentats, l’état d’urgence vient d’être décrété. C’est une bonne mesure. Toutefois, si elle donne des pouvoirs élargis aux forces de l’ordre, fort utiles pour démanteler des filières terroristes, cette décision leur impose aussi de nouvelles contraintes, alors même que policiers et gendarmes sont déjà débordés depuis de longs mois et ne peuvent répondre à toutes les missions. La lutte antiterroriste – et les tâches bureaucratiques l’accompagnant – sera la priorité et les effectifs affectés à la lutte contre le crime ou la délinquance devront abandonner leurs missions.

Concernant la riposte militaire à ces attaques, la menace des frappes aériennes n’a qu’une valeur symbolique – à l’image du bombardement de Raqqa -, car avec seulement une dizaine d’appareils engagés au-dessus de l’Irak et de la Syrie, notre force aérienne dispose de capacités d’action extrêmement réduites. Comme le fait remarquer très justement Jean-Marc Tanguy[7], les discours belliqueux risquent de buter assez vite sur la réalité : nos armées ne disposent que d’effectifs limités en raison de leur implication au Sahel et dans les rues de France, mais surtout parce que depuis plus de vingt ans, les gouvernements successifs n’ont cessé de réduire les budgets de Défense.

Les mesures grotesques proposées par les représentants de l’opposition (bracelets électroniques, appels irréalistes à une intervention sur le terrain contre Daesh, etc.) relèvent, pour leur part, d’une méconnaissance profonde des vrais problèmes, dans un climat d’hystérie collective. Rappelons qu’ils sont autant responsables que l’actuel gouvernement de la situation dans laquelle nous sommes.

Surtout, aucun de nos dirigeants politiques, de droite comme de gauche, n’a explicitement dénoncé la responsabilité des Etats étrangers sponsors du terrorisme. Nous sommes donc dans un déni total de réalité. C’est pourquoi, les mesures prises pour faire face à la menace seront nécessairement inappropriées.

Les mesures qui s’imposent

Reconsidérer notre politique étrangère et désigner clairement l’ennemi extérieur et ses soutiens. Nos choix internationaux ne cessent d’être erronés depuis notre retour dans l’OTAN. Nous en mesurons pleinement l’inefficacité. La France ne peut être ni l’auxiliaire des Etats-Unis, ni s’aligner sur les positions de l’Arabie saoudite et du Qatar. Une remise en cause de nos relations diplomatiques avec ces Etats est indispensable. Sans un changement majeur de notre politique étrangère, sans une distanciation nette vis-à-vis d’une politique américaine irresponsable et qui ne sert que ses seuls intérêts, il n’y aura aucune évolution possible. La situation nous impose un réalisme absolu. Dans la lutte actuelle, nos alliés objectifs sont clairement la Russie, l’Egypte, voire l’Iran et la Syrie, car nous avons tous un ennemi commun.

Désigner clairement l’ennemi intérieur. Ce n’est pas l’islam. Ce ne sont pas les musulmans. Ce sont les salafistes/wahhabites/Frères musulmans. Ils représentent une véritable cinquième colonne sur notre territoire, infiltrant la société française, notamment la population de confession musulmane. Nous devons les combattre avec la plus grande fermeté :

. en supprimant, fermant, interdisant toutes les mosquées, associations, centres, librairies… islamistes liées au salafisme, au wahhabisme et aux Frères musulmans ;

. en imposant l’interdiction des signes extérieurs du radicalisme en bonne intelligence avec nos compatriotes musulmans. Le niqab et la burqa sont des signes explicites d’affirmation de l’appartenance à ces mouvances fondamentalistes haineuses qui rejettent ouvertement nos valeurs. Comme l’a exprimé Tarik Oubrou, l’imam de Bordeaux, « Quand un habit devient ostentatoire, on n’est plus dans l’éthique, car se monter pour se montrer, c’est ridicule. L’habit ne fait pas le (la) musulmane[8] ».

Renforcer les moyens et les budgets des armées et des forces de l’ordre qui n’ont cessé d’être réduits depuis plus de vingt ans et dégager nos armées des tâches de sécurité intérieure de l’opération Sentinelle. Il est par ailleurs temps de reconsidérer le plan Vigipirate, sauf à inventer une dizaine de nouvelles nuances de rouge…

Appliquer les articles du code pénal et du code de sûreté militaire relatifs à la trahison et à l’intelligence avec l’ennemi[9].. En effet, ceux qui ont rejoint Daesh ou Al-Qaïda, ont participé à des actions armées – à l’étranger comme sur sur le sol national – et sont sans aucune ambigüité des traîtres. Ils doivent donc recevoir le traitement réservé aux traîtres[10]. Comment expliquer que l’adjudante de gendarmerie qui a aidé Coulibaly n’ait pas été accusée de trahison ? Si nous sommes en guerre – et comme elle est de surcroît militaire - elle aurait dû encourir la réclusion criminelle à perpétuité.

Toutefois, il est essentiel de garder de la mesure et de la retenue dans nos actions :

- en France, pour ne pas transformer le pays en Etat policier – à l’image des Etats-Unis et des excès du Patriot Act - et ne pas créer un climat de suspicion généralisée. Il est malheureusement à craindre que nos compatriotes musulmans soient traités d’apostats par les takfiris et soient victimes d’injustes amalgames de la part de Français extrémistes ou de citoyens poussés à bout par les provocations de radicaux. Ce sera là l’un des aspects les plus délicats à gérer.

- à l’étranger, en ne multipliant pas les interventions militaires, car on a vu que la Global War on Terror (GWOT) décrétée par les Américains n’a conduit nulle part, si ce n’est qu’à aggraver la situation.

Des voix s’élèvent pour dire qu’en ces instants d’horreur, l’unité nationale doit se faire. Cela est sage. Toutefois, le recueillement pour nos morts ne doit en aucun cas nous exonérer d’une introspection sur notre part de responsabilité dans ce drame, sauf à poursuivre la politique de l’autruche et à attendre passivement que d’autres attentats aient lieu. L’unité nationale affichée par les politiques n’est qu’un leurre. Elle est d’abord destinée à leur laisser le temps pour ne (presque) rien changer. Jouer les va-t-en-guerre sans nommer ceux qui sont à l’origine du phénomène djihadiste et vouloir demeurer alliés des Etats encourageant cette forme d’islam rétrograde et barbare relève de la compromission.

PS : Cet éditorial est publié simultanément sur les sites du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) et de l’Institut de veille et d’études des relations internationales et stratégiques (IVERIS, www.iveris.eu) dans le cadre du partenariat qui unit les deux centres.

Notes

Source: http://www.les-crises.fr/bas-les-masques-par-eric-denece/


Revue de presse internationale du 21/11/2015

Saturday 21 November 2015 at 00:01

La revue internationale, peu axée sur les attentats largement abordés sur le blog, et avec plusieurs articles en VF. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-21112015/


[À Schneidermann] Conspirations : un contrôle démocratique des médias reste à inventer !

Friday 20 November 2015 at 04:58

Daniel Schneidermann, www.arretsurimages.net, 19/11/2015

Conspirations : la bonne longueur de pincettes reste à inventer

Comment naissent les fameuses “théories du complot” ? Il suffit, ces jours-ci, de quelques allers et retours entre medias mainstream et réseaux sociaux, pour les voir naître sous nos yeux, pour les observer au berceau. Quand, demain, elles se seront fortifiées, seront devenues des convictions solidement ancrées, on pourra se souvenir avec émotion qu’on les a vues naître. Deux exemples.

Le cerveau des attaques est-il dans les cadavres ? A l’heure où écrit le matinaute, le procureur de Paris et le gouvernement refusent de confirmer la présence d’Abdelhamid Abaaoud, “cerveau” des attaques du 13 novembre, parmi les morts de l’appartement de Saint Denis, pris d’assaut par le RAID. Sur cette question que l’information continue a feuilletonnée toute la journée d’hier, la France se tait officiellement. Pourtant, un obscur organe conspirationniste étranger affirme, et à la Une s’il vous plait, que Abaaoud est bien mort dans l’assaut. Le nom de cet obscur organe ? Le Washington Post. Et le journal cite deux officiels européens, de deux pays différents, qui assurent avoir eux-mêmes reçu l’information de la mort d’Abaaoud des dirigeants français.

Deuxième exemple. Le directeur de Valeurs Actuelles, Yves de Kerdrel, assurait hier matin que son journal allait publier, aujourd’hui jeudi, une interview de l’ancien patron de la DCRI, Bernard Squarcini, selon laquelle le gouvernement français aurait refusé, en 2013, de recevoir des services de renseignement syriens une liste des djihadistes français en Syrie. L’extrait était aussitôt relevé et isolé par le blog d’Olivier Berruyer. Ce n’est évidemment rien de plus que la parole de Kerdrel, reprenant celle de Squarcini, toutes deux, pour de multiples raisons, à prendre avec des pincettes. Et même s’il était vrai qu’une telle démarche eût été faite auprès de Squarcini, cela ne préjugerait en rien de la valeur et de la fiabilité des renseignements ainsi recueillis.

Des pincettes, donc. Dans les deux cas, celui de Valeurs Actuelles et celui du Washington Post, ce ne sont que des allégations, non confirmées, et qui ne le seront peut-être jamais. Les préjugés que l’on peut avoir sur les deux journaux devraient certes servir de filtre dans l’analyse que l’on peut en faire, mais ne devraient pousser ni à la crédulité aveugle, ni au silence hautain. Et pourtant, sur chacune de ces deux informations, pas un mot dans la bruyante matinalerie radiophonique (je n’ai pas tout entendu non plus, hein. L’omniprésence auditive du matinaute a ses limites).

Ce qui crée les théories du complot, c’est exactement cela : l’incapacité des medias “officiels”, à commencer par les grandes radios, qui reçoivent chaque matin leur contingent de ministres, d’anciens ministres, et de futurs ministres, à se saisir de ces allégations flottantes avec la bonne distance. Leur incapacité à s’en emparer avec des pincettes de la bonne longueur, pour les présenter aux Excellences, à fins de confirmation, ou d’infirmation, ou de no comment, peu importe, mais qui permette au moins de les faire entrer dans le champ de l’investigation légitime.

Daniel Schneidermann

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Réponse à Daniel Schneidermann

Par Olivier Berruyer

Daniel,

Je vous remercie tout d’abord d’avoir été le seul média de premier plan à vous être intéressé à la bombe lâchée hier par Valeurs Actuelles sur le renseignement français : l’ancien chef de la DST indique que la Syrie a proposé une négociation pour fournir la liste des djihadistes français opérant en Syrie, et que Manuel Valls a refusé ne souhaitant pas négocier avec ce pays.

Cela ne fait que confirmer la sympathie que j’ai pour votre site et votre équipe, et je vous témoigne notre soutien dans le bras de fer qui vous oppose à Bercy, pour une pitoyable position de l’administration, qui n’hésite jamais à abandonner des créances envers les plus fortunés. Soutenons donc @si, d’utilité publique, et indispensable au débat démocratique…

Sinon, vous notez que j’ai repris cette information incroyable hier – enfin, incroyable uniquement pour ceux qui ignorent les hallucinantes dérives de la Diplomatie française dans la région. Je suis ce sujet depuis de longs mois sur mon site. En revanche, 48 heures après l’annonce et 24 heures après la sortie de l’interview, aucun grand média n’en parle.

[Edit : Précision pour clarifier] : Je partage votre conclusion, l’attitude des médias va créer de lourds problèmes. Mais je développerai différemment.

Je n’aurais cependant pas lié ceci, de prime abord ni exclusivement, aux « théories du complot », mais plutôt au discrédit absolu qui touche de plus en plus les médias mainstream - et pour cause.

Car enfin, de quoi parle-t-on ? Sur France Inter, le directeur d’un journal qui revient d’interviewer Bachar al-Assad indique que l’ancien directeur de la DST porte de graves accusations contre le Premier Ministre actuel (il est probable qu’Assad a dû leur donner des gros biscuits…).

Certes, le journal est Valeurs Actuelles – que je n’ai jamais acheté de ma vie, et dont certaines « unes » m’ont parfois fortement déplu. Ok. Mais ce n’est pas non plus un fanzine de lycée, c’est quand même un grand journal, d’opinions que je partage peu. Mais et alors ? On parle ici d’une simple interview. Elle existe ou elle n’existe pas. Peu importe le média.

Mais on tombe ici dans un cancer actuel de la pensée, très bien résumé par Jean-Claude Michéa :

« À présent domine en France une forme abâtardie de la pensée de Nietzche (il en aurait d’ailleurs été le premier horrifié) qui invite continuellement le lecteur à remplacer la question « Que dit-il ? » par « Qui parle ? » (Certains sites web se sont même spécialisés – sous le masque de « l’antifascisme » – dans cet exercice purement policier). À tel point qu’on peut se demander combien de critiques professionnels seraient encore capables, de nos jours, de juger la valeur philosophique ou littéraire d’un texte anonyme – autrement dit d’un texte dont il leur serait impossible, par définition, de prétendre connaitre à l’avance les sombres arrière-pensées. » [Jean-Claude Michéa, La gauche et le peuple, 2014]

On vient donc de rajouter hier le « Où parle-t-il ? ».

Pourquoi et comment ai-je repris ce texte hier ?

J’ai été peu surpris du fond de la chose. Comme je l’explique dans ce billet, Le Monde (c’est bon comme source ? :) ) indiquait déjà en 2014 qu’il y avait un très fort différend entre la DGSI et le gouvernement, en particulier avec M. Fabius. La DGSI voulait reprendre des échanges d’informations avec la Syrie interrompues par Sarkozy, et Fabius refusait – le BHLisme faisant des ravages chez nos dirigeants actuels :

« Pressée d’éviter que des djihadistes français partis en Syrie ne reviennent sur le sol national commettre des attentats, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a tenté, à la fin du premier trimestre 2014, de rétablir un lien direct avec les services de renseignement syriens afin d’obtenir des informations permettant d’anticiper les éventuelles menaces.

Le régime de Bachar Al-Assad a répondu à ce souhait en indiquant qu’il était prêt à coopérer dès lors que la France déciderait de rouvrir son ambassade en Syrie, fermée depuis le 6 mars 2012. Cette éventualité a été rejetée par François Hollande, qui reste très engagé contre le régime de Damas. […]

D’autres pays occidentaux, comme l’Allemagne, par exemple, ont poursuivi leurs relations avec les autorités syriennes, et notamment leurs services de renseignement. […]

Alors que le flux de départs djihadistes atteignait déjà des niveaux jugés très inquiétants par les autorités françaises, et plusieurs semaines avant que Mehdi Nemmouche ne soit arrêté, fin mai, à Marseille, les services de renseignement français se sont rendus à Damas.

Selon une source issue du renseignement français, « l’objectif était de renouer le dialogue, car le besoin de renseignement opérationnel est réel et pouvait au moins se faire sous forme d’échanges ». Mais le régime de Damas a conditionné son aide, toujours selon la même source, à un signe de reconnaissance de la France et« à l’arrêt des critiques publiques à son encontre du chef de l’Etat, François Hollande, et du ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius ».

Des exigences inacceptables pour Paris. […] Bernard Squarcini a confirmé au Monde avoir été approché pour tenter de faciliter la coopération entre Paris et Damas sur le terrain du renseignement. Il s’est refusé à fournir tout détail sur les autorités syriennes qui l’avaient sollicité ou sur les personnes à qui il a transmis le message. » [Le Monde, 6/10/2014]

Bref, on voit que l’affaire était sortie, mais que les médias ne se sont pas emparés de ce sujet afin que l’exécutif soit obligé de s’expliquer : on a une énorme quantité de français qui vont faire le djihad en Syrie, et on décide de cesser de coopérer avec les services de renseignement syriens, alors que tous les autres pays d’Europe continuent, ils ne sont pas fous, eux…

Il restait juste à savoir ce que Bernard Squarcini avait transmis et à qui. Mais comme il est évident que la Syrie a une liste des étrangers opérant sur son territoire, il est très logique qu’elle l’ait proposée. Et que cela soit remonté au Ministre de l’Intérieur Valls qui chapeaute la DGSI. Si cela est vrai, on comprend assez bien la rage que doit ressentir Squarcini au vu des conséquence de l’incompétence dans ce métier…

Soulignons qu’Assad a confirmé samedi presque tous les points – et ça fait mal :

« Comment voulez-vous qu’il y ait coopération à partir du moment où vous refusez tout autre contact, où il n’est pas question de rouvrir votre ambassade et encore moins de faire une déclaration reconnaissant l’actuel régime syrien comme légitime ? À partir du moment où Hollande et Fabius font de mon élimination une condition sine qua non, ils ne peuvent pas me demander d’échanger avec eux. En fait, leur contradiction profonde, c’est qu’ils combattent le terrorisme d’une main et le soutiennent d’une autre, en fournissant armes et matériel à une opposition qui n’a strictement rien de modéré et encore moins de laïc. Nous avons actuellement en Syrie 20 000 djihadistes étrangers qui combattent au sein de Dae’ch, d’Al-Nosra ou autre, et vous savez parfaitement bien qui les finance. » [Bachar al-Assad, Valeurs Actuelles, 19/11/2015]

Dernier point, Valls aurait refusé, mais là encore, c’est logique, c’était déjà dit dans l’article du Monde sur l’arbitrage qu’a réalisé Hollande entre la DGSI et Fabius, qui l’a emporté – bravo Hollande, pensez à écouter les types en charge de notre sécurité au prochain arbitrage, merci.

Pour que cela soit bien clair, rappelons le propos de notre intégriste en chef dans Paris-Match le 2 juillet 2015, après Charlie-Hebdo donc – on ne peut pas se louper, le titre suffit :

TOUT EST DIT. Il y a une autre priorité que la lutte contre le terrorisme : destituer Bachar al-Assad. En quoi est-ce notre intérêt, on ne le saura jamais. Tous ces gens-là se sont pris pour Dieu le père, façon époque coloniale dont ils n’ont pas compris qu’elle était révolue, et s’autorisent à décider qui doit diriger la Syrie. J’imagine en se basant sur les impressionnants succès précédents : Afghanistan, Irak, Egypte, Lybie.

Notons qu’il n’a pas choisi il est vrai, en soutenant l’Arabie Saoudite et le Qatar qui ont le mérite de cumuler les deux comme le rappelle notre grand juge antiterroriste,

“La France n’est pas crédible dans ses relations avec l’Arabie saoudite . Nous savons très bien que ce pays du Golfe a versé le poison dans le verre par la diffusion du wahhabisme. Les attentats de Paris en sont l’un des résultats. Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table.” [Marc Trévidic, Les Echos, 15/11/2015]

On sait pourquoi : Philippe de Villiers : “La classe politique est achetée par le Qatar et l’Arabie saoudite.”(Source : Le Point.fr)…

 

Et on se retrouve au final avec un type comme Assad, qui nous fait la leçon comme à des incompétents que nous sommes – enfin notre Diplomatie :

« En politique, il n’y a de place ni pour l’amitié ni pour les émotions. Il n’y a que les intérêts. […] la politique actuelle de la France n’est pas indépendante de celle des États-Unis. [...] Vous ne pouvez pas combattre le terrorisme en adoptant de mauvaises politiques qui soutiennent directement ou indirectement le terrorisme. [...] La France devrait aussi prendre ses distances vis-à-vis de la politique américaine de deux poids deux mesures. Ainsi, si MM. Hollande et Fabius veulent soutenir le peuple syrien, comme ils le prétendent, notamment en faveur de la démocratie, ils feraient mieux de soutenir d’abord le peuple saoudien. Si vous avez un problème concernant la démocratie avec l’État syrien, comment pouvez-vous établir de bonnes relations et des liens d’amitié avec les pires États du monde et les plus sous-développés, tels l’Arabie Saoudite et le Qatar ? Une telle contradiction manque de crédibilité. [...]

La politique adoptée par la France durant les cinq dernières années a-t-elle été bénéfique au peuple français ? Qu’a gagné le peuple français à une telle politique ? Je suis certain que la réponse serait : « Rien. » La preuve en est ce que j’ai dit il y a plusieurs années, à savoir que jouer avec la ligne de faille en Syrie, c’est jouer avec un séisme qui aura des répercussions dans le monde entier, notamment en Europe » [Bachar al-Assad, Valeurs Actuelles, 19/11/2015]

 

Daniel, dernier point, que je n’avais pas précisé. Après avoir vu les annonces de Squarcini, et n’étant pas “complotisme”, j’ai donc tendance à faire confiance à ce que dit l’ancien chef de la DST, je n’imagine un complot barbouzo-sarkozo-nimportnawaïque pour faire tomber le gouvernement, surtout quand ce qu’il dit est parfaitement logique vu les actions des quatre dernières années. Et donc, alerté (mais pas naïf), j’enquête. (vous savez, le truc qui se faisait systématiquement au XXe siècle chez les journalistes mainstream :) ) Après avoir vu les annonces de Squarcini, et avant de sortir mon billet, j’ai donc vérifié auprès de deux sources très fiables qui m’ont confirmé la véracité de l’information de Squarcini. (In-cro-ya-ble : un des plus hauts fonctionnaires français est honnête et pas à la tête d’un complot !) C’est pour cela que je n’ai pas mis de conditionnel dans le titre. Quand je peux, j’essaie de ne pas sortir n’importe quoi – cela évite les accusations de “complotisme”. Alors si je l’ai fait, j’imagine que des journalistes bien mieux introduits que moi dans ces milieux ont pu le faire aussi…  :)

Mais revenons à nos moutons : au nom de quoi AUCUN média n’a-t-il sorti cette bombe ?

Vous dites : « Ce n’est évidemment rien de plus que la parole de Kerdrel, reprenant celle de Squarcini, toutes deux, pour de multiples raisons, à prendre avec des pincettes. » Comme je n’ai pas vu de démenti de Sqarcini, oublions donc Kerdrel, ce n’est plus le problème.

L’ancien préfet de Marseille, ancien chef de la DST, responsable de la sécurité du pays pendant 4 ans, lance dans le contexte actuel une bombe gigantesque où il joue toute sa crédibilité et risque des poursuites en cas de mensonge, et la réponse c’est « à prendre avec des pincettes ». Et au nom de quoi ? En quoi est-il moins crédible que Fabius dont j’ai démontré, à mon niveau microscopique, qu’il avait menti plusieurs fois sur des choses très graves ?

D’ailleurs la presse n’a rien pris du tout, ni pincettes ni autres chose. Rien, nada, peau de lapin. On peut être prudent, certes, mais il faut alors enquêter, interroger Squarcini (pourquoi aucun grand média n’est allé le voir d’ailleurs depuis samedi ?), des sources à la DGSI, des politiques en off, etc. Non, rien. Information évacuée – cela laissait plus de place au témoignage de la concierge de la kamikaze ou à l’établissement de son arbre généalogique (il faudra aussi que quelqu’un se demande si donner autant de publicité à des barbares n’est pas un fol encouragement à pousser les prochains suicidaires à l’acte, pour avoir son quart d’heure de célébrité et à entrer dans l’histoire comme Kouachi, Merrah, Koulibali (mais pourquoi ai-je ces noms dans ma tête ?). Vous parlez du sourire, certes, mais c’est surtout la présence même de photo le problème pour moi, comme le souligne une victime)….

Ils sont forts à l’Obs…

On s’est beaucoup gaussé d’Eric Laurent cet été, qui, après une belle carrière très courageuse, a lamentablement fauté en demandant beaucoup d’argent pour ne pas écrire la vérité.  Quel magnifique ballet de pleureuses, hurlant à l’importance de l’intégrité journalistique ! J’ai failli en pleurer – par chance, j’ai pensé à Timisoara, les couveuses du Koweit, la guerre d’Irak, du Kosovo, à l’Ukraine… Mais je constate au final que tous les grands médias ont décidé de ne pas écrire une vérité qui dérange beaucoup (sauf les familles de victimes je pense) sans aucun bonus particulier, pour zéro euro…

Le pourquoi le justifiant, je l’ai vu dans les commentaires cet après-midi « Il est proche de Sarko », « C’est un coup politique ! ». Je ne relèverai pas que, s’il y a une personne à part Fabius qui a tout intérêt à ce qu’on ne soulève pas le problème des relations avec la Syrie et le Qatar, c’est bien Sarkozy… Non, je soulignerai que ce raisonnement, qui donc eut lieu dans nombre de médias a un nom : du complotisme délirant : une théorie abracadabrantesque, illogique, avancée sans la moindre preuve : « L’ancien chef de la DST vient porter des accusations gravissimes contre le Premier Ministre, fausses, sans preuve, juste pour aider Sarkozy ». Des preuves, ou alors parlez-en avec prudence et enquêtez ! C’est ce que j’ai fait.

 

Daniel, vous dites enfin « Et même s’il était vrai qu’une telle démarche eût été faite auprès de Squarcini, cela ne préjugerait en rien de la valeur et de la fiabilité des renseignements ainsi recueillis. » C’est sûr, on ne sait pas. Et on ne saura jamais. Est-il intéressant de coopérer avec la Syrie pour attraper des djihadistes français qui ont combattu en Syrie, that is the question… Ceci étant, si vous avez l’occasion, j’aimerais qu’on pose la question à des parents de victimes, à mon avis ils vont vite avoir leur petite idée… Mais bon, tout est fait pour que ça n’arrive pas à leurs oreilles. Mais « plus drôle » encore : comme on n’a pas rouvert l’ambassade à Damas, il est clair qu’on ne coopère toujours pas avec la Syrie, donc les listes et autres renseignements importants, on ne les a toujours pas… Sympa pour le prochain attentat… “Merci pour ce moment.”

Hélas, aujourd’hui, demander des comptes à un politique après le plus grave naufrage politique de la Ve République, c’est apparemment un peu comme roter à table chez le préfet : c’est trèèèès impoli.

Au nom de “l’union nationale” ? Mais au nom de quoi ? On est en “guerre contre le terrorisme”, on gagne autant de batailles qu’en mai 1940, et on nous explique qu’il ne faut rien dire, qu’on verra ça plus tard, vu qu’on est sous pression. Mais comme on sera toujours sous pression, c’est pas gagné, et cela revient à vouloir attendre la fin de la campagne de France de mai 1940 pour changer les généraux incompétents. Alors du coup, les incompétents prospèrent, et continuent à poursuivre leurs erreurs dramatiques, qui vont crescendo : 17 morts, puis 130.

Que Laurent Fabius n’ait pas eu la décence élémentaire de démissionner (mais les minitres décents, c’était avant), et qu’il soit encore ministre ce jour est une insulte à l’honneur et la probité – mais “ni coupable, ni responsable”. Et pire, sic e n’était que ça, sa seule présence est un lourd handicap pour une réorientation urgente de notre politique étrangère (c’est lui qui va négocier des informations avec Assad, dont il a quasiment appelé à l’assassinat ?).

Valls était au 20 heures ce soir, venu nous terroriser à coup d’attentat au gaz sarin comme à Tokyo – ce type est fou. Il n’y avait hélas pas de journaliste sur le plateau, il était seul avec Pujadas. Celui-ci ne lui a pas parlé de Squarcini. Merci pour lui. J’ai eu honte. Très honte.

Il fut un temps où les médias étaient un 4e pouvoir avec des journalistes courageux et intègres, mais c’était avant. Avant qu’ils soient rachetés par une poignée de milliardaires, bien loin des visions d’après-guerre, car à cette époque ils avaient bien compris – et surtout bien vécu – les dangers de ceci – le programme du Conseil National de la Résistance prévoyait s’assurer « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ».

Quant à Internet, c’était pour moi un 5e pouvoir destiné à s’assurer que le 4e faisait son travail. Je n’imaginais pas une seconde que, sur un cas aussi grave, le 4e pouvoir disparaitrait… Ce n’est pas à Internet de remplacer les médias : c’est aux médias de retrouver une intégrité, une indépendance, une pluralité, un contrôle démocratique, des sanctions, qui font cruellement défaut. Ce n’est pas normal que les gens se précipitent sur Internet en cas de problème (pas loin d’1 français adulte non grabataire sur 100 sur mon site ce week-end…), ils devraient trouver la plupart des réponses dans les médias !

Mais au final, quel a été le résultat ? Car comme il existe Internet, il a été possible de s’informer. Aujourd’hui, à part sur mon site. Qui l’a fait ?

Quelques millions de personnes ont donc eu l’information aujourd’hui. Puis ils ont regardé Pujadas. Que pensent-ils ce soir à votre avis ? Beau sujet de dissertation pour école de journalisme, non ?

Je vois que ce soir vient de sortir un étonnant papier de Métro, seul à en parler. Je pensais qu’un journaliste ça enquêtait,, pas que c’était l’avocat du pouvoir – et un mauvais en plus. Ils ont bossé, mais il est très drôle à analyser, il suinte la peur et la défense du pouvoir, sur le thème du « Sarko a fait comme Valls » – bel apport au « Tous pourris », bravo. Ils arrivent même à faire passer Assad pour un maitre-chanteur, alors que :

et le type OSE demander qu’on le reconnaisse comme un interlocuteur valable avant de nous donner des informations – “barbare” va…

Mais le pompon revient à Hollande qui a avoué avoir fourni des armes aux opposants d’Assad dont 90 % sont revenues aux islamistes d’après le Canard enchainé. Je rappelle que fournir des armes est illégal en Droit International, comme par exemple d’après la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les états conformément à la charte des nations unies du 24/10/1970

« Aucun Etat ni groupe d’Etats n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre Etat. En conséquence, non seulement l’intervention armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d’un Etat ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels, sont contraires au droit international. […] Chaque Etat a le devoir de s’abstenir d’organiser ou d’encourager l’organisation de forces irrégulières ou de bandes armées, notamment de bandes de mercenaires, en vue d’incursions sur le territoire d’un autre Etat. »

Il y a deux types de problèmes avec les complots : les gens qui en voient partout, et les gens qui n’en voient nulle part. Pour que les gens en voient moins, il serait intéressant que les États cessent de réaliser des complots – comme pour renverser Mossadegh, pour envahir l’Irak sous un faux prétexte, pour armer en douce des islamistes, etc. Pourquoi ne pas voter une loi en ce sens ? Cela redonnerait confiance aux citoyens, et vu que la quasi-totalité des complots se sont mal terminés, cela en limiterait le nombre… De la droiture morale, des principes respectables appliqués par le pouvoir, de la transparence, voilà de quoi faire reculer le complotisme…

« Je suis citoyen des États-Unis et j’ai une part de responsabilité dans ce que fait mon pays. J’aimerais le voir agir selon des critères moraux respectables. Cela n’a pas grande valeur morale de critiquer les crimes de quelqu’un d’autre – même s’il est nécessaire de le faire, et de dire la vérité. Je n’ai aucune influence sur la politique du Soudan, mais j’en ai, jusqu’à un certain point, sur la politique des États-Unis. » [Noam Chomsky, The Guardian, 2001]

Enfin, quel a été le seul parti politique à réagir aujourd’hui ?

Tiens, Europe 1 vient aussi de réagir ce soir, timidement :

Amusant :

Tu m’étonnes, tu penses que Squarcini ne sort pas comme ça sans avoir une preuve…

Et dites-moi, est-ce que, par hasard, “cela-ne-ferait-pas-le-jeu-de-l-extreme-droite”, un peu plus qu’Onfray vantant les mérites du pacifisme ?

Moi je veux bien qu’on laisse le bon sens, l’honneur, la droiture morale (enfin son affichage…), et surtout la sécurité réelle des Français au Front National, mais il faut alors arrêter de dénoncer sa montée, soyons cohérents svp…

 

Au final, et ayant vu comment beaucoup de personnes que je croise veulent fuir la réalité quand on leur montre, je repense, Daniel, à ce magnifique passage de l’excellente émission récente d’Arrêts sur Images avec Marc Ferro sur l’aveuglement, que j’incite les lecteurs à regarder en entier :

Quant à moi, demain matin, pour la première fois de ma vie, j’achèterai Valeurs actuelles, que je lirai ou pas, mais au moins aurais-je soutenu une fois un organe de presse qui m’aura montré qu’il pouvait s’attaquer au pouvoir, qu’il déteste certes, mais ce qu’aucun autre média n’aura fait.

 

Enfin, je ne saurais conclure ce billet en réponse à votre message classé avec le 11 septembre sans citer ceci.

Le 13 novembre est en train de devenir le “11 septembre français”.

Que le 11 septembre américain ait suscité parfois des théories du complot délirantes, c’est évident.

Que ceci ait empêché les médias de traiter sereinement, prudemment  le sujet, posant des questions importantes, est néanmoins inacceptable.

Il n’y a pas de “complotisme” : il y a des vrais complots et des faux complots. La presse doit enquêter et dénoncer les premiers et dégonfler les seconds en montrant leur absurdité. Pas se taire.

Cette vision a empêché de mettre fin aux causes profondes du terrorisme, et nous en payons le prix. Exemple.

Le rapport final de la commission d’enquête sur le 11 septembre, grandement critiqué, indique de façon stupéfiante à propos du financement :

« A ce jour, le gouvernement américain n’a pas été capable de déterminer l’origine de l’argent utilisé pour commettre les attentats du 11 septembre. Mais en définitive, c’est un point qui a une faible importance pratique…. »

“Peu d’importance pratique” à savoir comment a été financé le 11 septembre et par quels canaux précisément, heum heum…

Pourtant, l’ancien Président de la Commission du Renseignement du Sénat, qui a supervisé un autre rapport, sur les activités des services de renseignement lors du 11 septembre (partiellement classé), le Sénateur Bob Graham, s’est confié au Figaro en janvier 2015 :

« Ce rapport montre la participation directe du gouvernement saoudien dans le financement du 11 septembre. Nous savons au moins que plusieurs des 19 kamikazes ont reçu le soutien financier de plusieurs entités saoudiennes, y compris du gouvernement. Le fait de savoir si les autres ont aussi été soutenus par l’Arabie saoudite n’est pas clair, car cette information a été cachée au peuple américain. On nous dit que cela ne peut être fait pour des raisons de sécurité nationale, mais c’est exactement le contraire. Publier est important précisément pour notre sécurité nationale.

Les Saoudiens savent ce qu’ils ont fait, ils savent que nous savons. La vraie question est la manière dont ils interprètent notre réponse. Pour moi, nous avons montré que quoi qu’ils fassent, il y aurait impunité. Ils ont donc continué à soutenir Al-Qaïda, puis plus récemment dans l’appui économique et idéologique à l’État islamique. C’est notre refus de regarder en face la vérité qui a créé la nouvelle vague d’extrémisme qui a frappé Paris. » [Bob Graham, Le Figaro, 02/02/2015]

Une enquête dans nos médias à l’occasion ou on attend que les émirs wahhabites – car c’est avec eux que nous sommes véritablement en guerre – financent les prochains attentats ?

C’est en bonne voie, puisque dès le 17 novembre, Hollande a agi :

“Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table. ” [Marc Trévidic, Les Echos, 15/11/2015]

Tirerons-nous quelques leçons du 11 septembre ou commettrons-nous les mêmes erreurs ? A savoir :

Dernière question, à propos du traitement de l’attaque au gaz de la Ghouta, pour laquelle une chose est claire, c’est que rien n’est clair. Si on se rappelle, Hollande a, par souci de “transparence”, déclassifié le rapport d’analyse français, concluant à la culpabilité d’Assad (dont on se demande l’intérêt dans l’affaire) pour que l’opinion accepte que la France bombarde la Syrie en septembre 2013 (ce qui aurait ouvert les portes de Damas à l’État islamique). Bien. Le livre Les chemins de Damas, Le dossier noir de la relation franco-syrienne, par les journalistes français Georges Malbrunot et Christian Chesnot, donne de précieuses informations sur les coulisses de la relation entre Paris et Damas au cours des 40 dernières années. Il révèle que le ministère de la défense a supprimé du rapport rendu public d’importantes informations reçues, telles que :  “Il est possible que des bombardements classiques de l’armée syrienne sur un laboratoire clandestin des rebelles ait provoqué une fuite de gaz.” Mais cette conclusion a été “purement et simplement coupée” du texte du rapport final indique le livre. Le tout pour manipuler l’opinion. Manipuler l’opinion pour qu’elle accepte une guerre, vous appelez ça comment ? Le fait que les médias n’aient pas parlé de ce scandale sur des armes de destruction massive “à l’irakienne”, vous jugez ça comment ? Doit-on s’étonner que des gens deviennent complotistes” après ça ? Pire : que ce serait-il passé si le scandale mérité avait éclate ? Quelles conséquences, quelles démissions, quel changement d’attitude, quel imapct sur la chaine des événements ayant abouti au 13 novembre ? Le silence tue. Je suis heureux pour ma part d’en avoir parlé ; ça n’a rien changé, mais je me regarde sans problème dans la glace le matin (l’avantage de ne pas vouloir devenir Président de la république sans doute).

Si on ne veut pas avoir le même phénomène en France qu’aux États-Unis, les médias devront être irréprochables. Et chacun devrait agir comme s’il avait perdu un enfant vendredi dernier – j’agis en tous cas comme cela pour ma part. Les médias ont hélas déjà grandement compromis leur image par leur silence d’hier, laissant Valls oser tranquillement hier au 20 heures un :

C’est à ce moment-là que j’ai failli jeter ma télé par la fenêtre…

D’où ce billet en tout cas – qui évidemment me coupera probablement de toute exposition médiatique – mais cela n’a guère d’importance…

« Il existe deux ensembles de principes. Les principes de pouvoir et de privilège et les principes de vérité et de justice. Si vous courez après le pouvoir et les privilèges, ce sera toujours au détriment de la vérité et de la justice. » [Noam Chomsky]

Source: http://www.les-crises.fr/conspirations-un-controle-democratique-des-medias-reste-a-inventer/


Les très graves accusations d’Assad sur la responsabilité du gouvernement dans les attentats

Thursday 19 November 2015 at 20:42

Voici l’interview que Bachar al-Assad a donnée à Valeur Actuelles le 14 novembre. C’est effrayant.

BIEN SÛR, comme d’habitude, on lira tout ça avec recul et prudence, en ne gobant pas tout ce qui est dit, tout détenteur du pouvoir semant sa propagande. À chacun de réfléchir, et se faire sa propre opinion. Mais vous ne pouvez le faire qu’en entendant différents sons de cloche. C’est un peu comme quand la plupart des médias ne diffusent pas l’intégralité de la revendication de l’État Islamique, mais seulement des bribes – moi ça m’intéresse bigrement de savoir ce que ces barbares nous reprochent (en particulier « avoir pris la tête de la croisade » et « frapper les musulmans en terre du califat avec leurs avions » – puisqu’on a refusé d’aider Assad à faire le sale boulot à notre place…) et quelle propagande ils utilisent pour ne pas l’alimenter – la première image de leur vidéo de revendication des attentats n’est pas un Français qui prend un verre ou écoute un concert…

Comment souder la population avec Daech…

On évitera donc les fatwas visant à interdire d’écoute les propos des gens que nous n’aimons pas, véritable cancer de l’intelligence – sans doute ces belles âmes pensent-elle que, dépourvu de cerveau, vous ne pourrez pas faire la part des choses, et que, gentiment, vous goberez tout ce que dira votre Président, qui lui ne ment jamais… Il faut dire que ça marche souvent. Pour mémoire, Assad est le chef des troupes qui combattent sur le terrain Al-Qaïda, l’Armée Islamique et Daech… Et que l’armée syrienne a déjà perdu environ 90 000 soldats, dont on ne parle jamais… Le grave problème pour notre propagande, c’est que, quand on l’écoute, on voit bien qu’on a affaire un type qui est tout sauf fou…

Moi, j’aimerais beaucoup avoir un Président de la République dont les discours et agissements fassent qu’un homme comme Bachar al-Assad ne soit pas en mesure de pouvoir nous faire la leçon comme il la fait là, brillamment, en ayant parfaitement raison ! Je rêverais, que ce soit nous, par notre comportement honorable et respectable, qui puissions le faire, c’est difficile en ayant armé des islamistes et soutenu leurs financiers.

Comme disent les Russes, « Tout ce que les communismes disaient sur le communisme était faux. Mais tous ce que les communistes disaient sur le capitalisme était vrai ». Les pires saloperies que le gouvernement français a faites en Syrie – poursuivant une longue lignée, c’est souvent Bachar al-Assad qui vous en signalera l’existence, bien avant le Monde et Libération, s’ils le font un jour…

« Afin de faciliter l’action des forces libératrices [sic]… un effort spécial doit être fourni pour éliminer certains individus clés [et] procéder à des perturbations internes en Syrie. La CIA est préparée, et le SIS (MI6) tentera de provoquer des sabotages mineurs et des incidents [sic] en Syrie, en travaillant à l’aide de contacts avec des individus… un degré nécessaire de peur… des conflits frontaliers [mis en scène] fourniront un prétexte d’intervention… la CIA et SIS devraient utiliser… leurs capacités à la fois psychologiquement et d’action sur le terrain pour faire croître la tension ». [Rapport déclassifié des services secrets américains pour l’assassinat de trois officiels syriens, 1957]

Alors je ne demande qu’une seule chose, pour démêler le vrai du faux, une rigoureuse enquête publique et indépendante !

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“La France ne peut lutter contre les terroristes en conservant ses liens avec le Qatar et l’Arabie Saoudite qui les arment”

Source : Valeurs Actuelles, 19/11/2015 : Entretien exclusif avec Bachar al-Assad

Samedi 14 novembre, après s’être entretenu avec des parlementaires et des intellectuels français, le président syrien a accordé à “Valeurs actuelles” un entretien exclusif. Il expose en quoi la politique étrangère de la France, alignée sur celle des États· Unis, l’a menée dans une impasse, y compris dans son combat contre les terroristes de l’État islamique.

Valeurs Actuelles : Que diriez-vous des propos tenus par le président François Hollande : « Le président Assad est à l’origine du problème, il ne peut pas faire partie de la solution ». Considérez-vous qu’il s’agit d’une opinion générale ? Quelle serait votre réponse ?

BaA : Je répondrais tout d’abord par la question suivante : le peuple syrien a-t-il désigné le président Hollande pour être son porte-parole ? Accepteriez-vous, en tant que citoyen français, qu’une remarque pareille vienne d’un homme politique étranger, quel qu’il soit ? Ne serait-ce pas une offense au peuple français ? [...]

Incise : je redonne les résultats de ce sondage réalisé par le BBC en Syrie – à prendre avec recul, mais cela existe…

Assad disposerait d’un important soutien des 50 % de la population vivant sous son contrôle, ce qui peut sembler logique vu qu’il est le rempart contre Daech… Bref, “c’est compliqué”, alors l’ancienne puissance coloniale qui vient lui dire de partir…

La France devrait aussi prendre ses distances vis-à-vis de la politique américaine de deux poids deux mesures. Ainsi, si MM. Hollande et Fabius veulent soutenir le peuple syrien, comme ils le prétendent, notamment en faveur de la démocratie, ils feraient mieux de soutenir d’abord le peuple saoudien. Si vous avez un problème concernant la démocratie avec l’État syrien, comment pouvez-vous établir de bonnes relations et des liens d’amitié avec les pires États du monde et les plus sous-développés, tels l’Arabie Saoudite et le Qatar ? Une telle contradiction manque de crédibilité. [...] 

« La politique adoptée par la France durant les cinq dernières années a-t-elle été bénéfique au peuple français ? Qu’a gagné le peuple français à une telle politique ? » Je suis certain que la réponse serait: « Rien. » La preuve en est ce que j’ai dit il y a plusieurs années, à savoir que jouer avec la ligne de faille en Syrie, c’est jouer avec un séisme qui aura des répercussions dans le monde entier, notamment en Europe. [...]

Ce dont vous avez besoin, c’est d’abord de sérieux. Si le gouvernement français n’est pas sérieux dans son combat contre le terrorisme, nous ne perdrons pas notre temps à collaborer avec un pays, ou un gouvernement, ou une institution qui soutient le terrorisme.  [...]

En politique, il n’y a de place ni pour l’amitié ni pour les émotions. Il n’y a que les intérêts.  [...]

[Plus encore que l'Arabie Saoudite et le Qatar] C‘est la Turquie qui a joué le rôle le plus dangereux dans la situation, car la Turquie a offert toutes sortes de soutien à ces terroristes et à toutes leurs variantes. Certains pays soutiennent le Front al-Nosra, lié à al-Qaïda. D’autres soutiennent Dae’ch. La Turquie, elle, soutient les deux organisations, ainsi que d’autres en même temps. [...]

On parle bien du pays en négociation pour enter dans l’union européenne, où vient d’avoir lieu le G20 pour lutter contre le terrorisme ?

Vous ne pouvez pas combattre le terrorisme si vous n’entretenez pas des relations avec la force qui lutte contre Dae’ch et le terrorisme sur le terrain. Vous ne pouvez pas combattre le terrorisme en adoptant de mauvaises politiques qui soutiennent directement ou indirectement le terrorisme. Si vous ne disposez pas de tous ces facteurs, vous ne pourrez pas le faire. Et nous ne pensons pas que votre gouvernement l’a pu jusqu’à présent.

Propos recueillis par André Bercoff, Pierre-Alexandre Bouclay et Yves de Kerdrel

Interview (fleuve et impressionnante), que je vous recommande vivement, à lire en intégralité sur Valeurs Actuelles (Abonnement ici)

OB : On comprend pourquoi il faut impérativement “protéger” les Français de ce genre de propos et accusations, des fois que, sans tout gober, ils demandent des enquêtes sérieuses là-dessus…

Bien peu de médias ont réagi à tout ceci aujourd’hui, non plus… Triste époque.

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Ce qu’Assad a dit à nos députés

La rédaction de Valeurs actuelles était présente lors de la rencontre entre le président syrien et les parlementaires français. Récit.

“Hollande et Fabius combattent le terrorisme d’une main et le soutiennent d’une autre.”

Je pense à Manuel Valls qui vient de déclarer que les attentats en France s’organisaient, se préparaient et s’initiaient en Syrie. À la question de savoir s’il pouvait y avoir coopération entre notre pays et le sien concernant le renseignement et l’échange d’informations, il répond :

« Comment voulez-vous qu’il y ait coopération à partir du moment où vous refusez tout autre contact, où il n’est pas question de rouvrir votre ambassade et encore moins de faire une déclaration reconnaissant l’actuel régime syrien comme légitime ? À partir du moment où Hollande et Fabius font de mon élimination une condition sine qua non, ils ne peuvent pas me demander d’échanger avec eux. En fait, leur contradiction profonde, c’est qu’ils combattent le terrorisme d’une main et le soutiennent d’une autre, en fournissant armes et matériel à une opposition qui n’a strictement rien de modéré et encore moins de laïc. Nous avons actuellement en Syrie 20 000 djihadistes étrangers qui combattent au sein de Dae’ch, d’Al-Nosra ou autre, et vous savez parfaitement bien qui les finance. » [...]

L’Occident a combattu de toutes ses forces la nation arabe : aujourd’hui, elle a en face d’elle l’islamisme wahhabite et nous en payons tous le prix.»

André Bercoff

Je ne suis pas dans le secret des Dieux, mais en lisant ça, j’imagine que quelques confidences d’Assad ont dû conduire les journalistes de Valeurs Actuelles à aller fissa demander une interview à Squarcini, où l’ancien chef de la DST a confirmé que Manuel Valls a refusé de négocier avec Assad pour obtenir entre autres la liste des djihadistes français en Syrie… Qui sait quelles ont été les conséquences, et qu’est-ce qu’elles seront, vu qu’on ne négocie toujours pas avec lui…

Comme je disais, si on veut connaître les pires saloperies du gouvernement français…

 Indiscrétion à lire en intégralité sur Valeurs Actuelles (Abonnement ici)

Source: http://www.les-crises.fr/les-tres-graves-accusations-dassad-sur-la-responsabilite-du-gouvernement-dans-les-attentats/


[Scandale] “L’ex-chef de la DST : M. Valls a refusé la liste des djihadistes français pour des raisons idéologiques”

Thursday 19 November 2015 at 14:31

C’est très ému que j’écris ce billet.

Nous dénoncions ici en 2014 cet énorme scandale de la France reconnaissant un gouvernement en Ukraine comprenant plusieurs ministres d’extrême-droite et/ou néo-nazis - on s’étonne après que le pays se soit enflammé. Nous dénoncions ici ce parti et le danger qu’il représentait avec son idéologie ayant entraîné la mort de plus de 20 millions de Russes, nous retrouvant alors sous les accusations délirantes de “pro-Russes”, les médias restant silencieux voire étant eux-même accusateurs. Laurent Fabius venait tranquillement mentir sur France Inter “Le parti Svoboda est un parti plus à droite que les autres, [mais il n'est pas] d’extrême droite !” [Laurent Fabius, 11 mars 2014, France Inter]“. C’est en 2015 que l’AFP a incidemment reconnu la vérité : “Le parti Svoboda est un mouvement d’extrême droite autrefois [sic.] connu pour son antisémitisme [...] Oleg Tiagnybok, chef incontesté de Svoboda [...] s’est illustré dans le passé par des propos antisémites, [...] À la faveur du Maïdan, des membres de Svoboda ont obtenu divers postes ministériels dans le gouvernement.” (Source : TF1.fr ou ici). Fabius négocie ici avec Tiagnybok, décoré de la Croix d’Or des vétérans de la Waffen SS ukrainienne (belle fréquentation - ici aussi, ou là)…

Nous dénoncions ici en 2015 la folle politique française en Syrie, ayant choisi les islamistes contre Assad. François Hollande, a avoué en 2014 avoir armé des milices (islamistes) syrienne dès 2012, mentant en indiquant : “Nous avons commencé quand nous avons eu la certitude qu’elles iraient dans des mains sûres“. Alimenter en armes une guerre civile, chapeau – a fortiori quand on arme in fine al-Qaïda, l’Armée Islamique et Daech ! (il n’y a plus qu’eux qui combattent) Pas de bol, l’ancien chef de région de la CIA au Moyen-Orient, le grand espion Robert Baer, a indiqué “les États-Unis ont été incapables d’identifier le moindre groupe syrien dit « modéré » lorsque la guerre civile a débuté” (Source : L’Humanité). Laurent Fabius a même déclaré fin 2012 que “al-Nosra faisait du bon boulot sur le terrain” (Source : Le Monde), deux jours après que les États-Unis aient indiqué que cette milice qui avait revendiqué plusieurs attentats suicides était en fait un pseudonyme d’al-Qaïda. La presse reste inexplicablement très silencieuse sur tous ces points scandaleux.

Nous dénoncions hier les choix délirants du gouvernement ayant entraîné au final la mort de 130 personnes. Hollande and co ayant coupé tout contact avec le gouvernement syrien (hautement critiquable,certes, mais qui ne nous a jamais rien fait !), y compris entre services de renseignement qui luttent contre le terrorisme. Il est le seul gouvernement à avoir fait ça, les autres pays européens ne l’ont pas fait. Le Monde révélait en 2014 la colère de la DGSI (renseignement intérieur, ex-DST) face à cette politique suicidaire, où Fabius déclarait dans Paris Match : “On ne choisit pas entre Dictatures et Terroriste !“. Notons qu’il n’a pas choisi il est vrai, en soutenant l’Arabie Saoudite et le Qatar qui ont le mérite de cumuler les deux comme le rappelle notre grand juge antiterroriste,

“La France n’est pas crédible dans ses relations avec l’Arabie saoudite . Nous savons très bien que ce pays du Golfe a versé le poison dans le verre par la diffusion du wahhabisme. Les attentats de Paris en sont l’un des résultats. Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table.” [Marc Trévidic, Les Echos, 15/11/2015]

On sait pourquoi : Philippe de Villiers : “La classe politique est achetée par le Qatar et l’Arabie saoudite.”(Source : Le Point.fr)…

Il arrive un moment où une population (enfin, surtout la presse…) qui ne réagit pas face à ces délires totalement publics ne peut hélas plus être considérée comme totalement innocente, elle devient complice.

Et hier, l’ancien chef de la DST, la plus structure chargée de la lutte contre le terrorisme, a déclaré qu’Assad a proposé en 2013 de nous fournir la liste des djihadistes français opérant en Syrie dans le cadre d’une coopération, mais que Manuel Valls (alors ministre de l’Intérieur) a refusé pour raison “idéologique” – en totale cohérence avec la doctrine Hollande-Fabius. Assad l’a confirmé :

“À la question de savoir s’il pouvait y avoir coopération entre notre pays et le sien concernant le renseignement et l’échange d’informations, il répond : «Comment voulez-vous qu’il y ait coopération à partir du moment où vous refusez tout autre contact, où il n’est pas question de rouvrir votre ambassade et encore moins de faire une déclaration reconnaissant l’actuel régime syrien comme légitime ? À partir du moment où Hollande et Fabius font de mon élimination une condition sine qua non, ils ne peuvent pas me demander d’échanger avec eux. En fait, leur contradiction profonde, c’est qu’ils combattent le terrorisme d’une main et le soutiennent d’une autre, en fournissant armes et matériel à une opposition qui n’a strictement rien de modéré et encore moins de laic. Nous avons  actuellement en Syrie 20 000 djihadistes étrangers qui combattent au sein de Dae’ch, d’Al-Nosra ou autre, et vous savez parfaitement bien qui les finance.”  [Bachar al-Assad interrogé par André Bercoff, Valeurs Actuelles, 19/11/2015]

Résultat ? Hier comme ce matin, PAS UN MEDIA mainstream n’en parle. PAS UN à l’heure actuelle, 19/11 mi-journée, jour où le chef de la DST accuse gravement le Premier Ministre et le Ministre des Affaires Étrangères, juste des médias alternatifs.

Enfin, si, ils parlent de Valls, et j’imagine de la concierge de la kamaikaze ou de son enfance…

Je suis estomaqué de voir jusqu’où vont “les chiens de garde”. Qu’on ne me parle pas d’union nationale durant un État d’urgence, cette clique de pilotes irresponsables a crashé notre avion, 130 passagers sont morts, mais on demande à nous, survivants, de remonter dans un avion avec les mêmes pilotes au nom de l’union nationale avec la compagnie aérienne- non merci !

Relisez notre synthèse d’hier, où tout ceci était quasiment public en 2014 dans Le Monde et Marianne.

INCIDEMMENT, l’ambassade de France n’est pas rouverte à Damas, DONC, nous ne coopérons toujours pas avec Assad. DONC, nous n’avons toujours probablement toujours pas cette liste, qui contient peut-être l’identité de kamikazes actuellement tapis dans l’ombre. Peut-être, je ne’en sais rien. Mais c’est possible. QUI ENQUÊTE sur ça auprès de l’exécutif ? QUI lui demande des comptes ? Pourrait d’urgence offrir un séjour en France à Bob Woodward et Carl Bernstein, histoire qu’au moins DEUX journalistes courageux enquêtent sur l’exécutif, jouant leur rôle de 4e pouvoir – je suis d’accord pour cotiser…

Si nous ne réagissons pas, cela finira comme le 11 septembre aux États-Unis : une politique vouée à l’échec et amplifiant les problèmes, et AUCUN responsable sanctionné – et, dans le cas français, de nouveaux attentats…

Je rappelle donc que ce site n’a pas vocation à remplacer toute la presse française pour informer le pays sur les actions irresponsables de l’exécutif (Hollande comme Sarkozy, responsable du chaos Libyen et des premiers délires en Syrie – “Écouter Bernard-Henri Lévy nuit gravement à la santé de vos concitoyens”), et qu’il faut que la Presse et les Citoyens réagissent (re-tweetez ces articles, rédigez des commentaires sur les médias mainstream, etc).

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Quarcini : “M. Valls a refusé la liste des djihadistes français pour des raisons idéologiques”

Directeur central du renseignement intérieur de 2008 à 2012, l’ancien préfet se livre sur l’état actuel de la menace terroriste. Pour lui, des décisions immédiates doivent être prises après les attentats.

Propos recueillis par Louis de Raguenel, Valeurs Actuelles, 19/11/2015

[...]

Vous avez proposé à votre ancien service il y a deux ans de lui transmettre une liste des Français qui combattent en Syrie. Pourquoi a-t-il refusé ?

Il y a déjà deux ans, les services syriens m’avaient effectivement proposé une liste des Français combattant en Syrie. j’en avais parlé à mon ancien service qui en a rendu compte à Manuel Valls. La condition des Syriens était que la France accepte de coopérer à nouveau avec leurs services de renseignements. On m’a opposé un refus pour des raisons idéologiques. C’est dommage car la proposition était une bonne amorce pour renouer nos relations et surtout, pour connaître, identifier et surveiller tous ces Français qui transitent entre notre pays et la Syrie. Résultat : on ne sait rien d’eux et on perd beaucoup de temps en demandant des informations aux agences allemandes, qui sont toujours restées sur place, mais aussi jordaniennes, russes, américaines et turques. On n’est absolument plus dans le concret.

[..]

La période de l’après-guerre froide est finie. Nous sommes maintenant dans la terreur et le terrorisme de masse. C’est la guérilla qui arrive en France. Mais soyons réalistes, la solution n’est pas que policière; elle est également politique et diplomatique, en liaison avec nos traditionnels alliés, l’Europe ainsi que les pays arabes.

Propos recueillis par Louis de Raguenel, Valeurs Actuelles, 19/11/2015

Interview décapante à lire en intégralité ici sur Valeurs Actuelles (Abonnement ici)

Source: http://www.les-crises.fr/scandale-lex-chef-de-la-dst-m-valls-a-refuse-la-liste-des-djihadistes-francais-pour-des-raisons-ideologiques/


Eric Denécé : “Voulons-nous la paix chez nous, ou sommes-nous des gens vendus ?”

Thursday 19 November 2015 at 06:00

Il ne pratique pas la langue de bois notre 007…

Ancien officier des services de renseignement français et actuellement directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), Eric Denécé parle dans cet entretien des aspects qui ont favorisé le renforcement de la capacité de nuisance des terroristes. L’un de ces aspects, explique-il, est la politique française envers la Syrie.

Des extrémistes français se trouvent parmi Daech et Al Qaîda en Syrie et en Irak. Quelle menace pour la France ?

Eric Denécé : C’est une menace importante contre laquelle nous agissons trop timidement. Nos services n’ont pas reçus d’ordre des autorités pour agir contre ces ressortissants français qui sont au sens propre des criminels et des traîtres, collaborant avec des ennemis de la France, responsables d’attentats.

Il s’agit bien d’une intelligence avec l’ennemi et nous ne pouvons objectivement accepter que de tels individus reviennent en France commettre des actions ou répandre le fiel de leur idéologie haineuse.

Ne croyez-vous pas que la politique prônée par le président François Hollande envers la Syrie favorise la menace terroriste contre la France ?

rôôôôô on voit que la journaliste n’est pas française, malpolie va, tu ne travailleras jamais au Monde !

Elle y contribue indéniablement. Mais les attentats d’hier à Paris montrent que malgré notre soutien irresponsable à l’opposition djihadiste de Bachar El Assad et notre silence sur la guerre d’agression de l’Arabie saoudite au Yémen, les terroristes frappent quand même la France. C’est l’illustration horrible mais parfaite des errements complets de notre politique étrangère qui est sans vision, sans compréhension.

En soutenant, finançant et armant les «rebelles» en Syrie, certains États ne sont-ils pas en train de renforcer la capacité de nuisance des terroristes ?

Bien évidemment. En particulier l’assistance que continuent à prodiguer aux djihadistes syriens l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie ne vont faire que prolonger le conflit et renforcer ces groupes qui connaissent de sérieux problèmes depuis le début de l’intervention russe. C’est une fuite en avant irresponsable de la part de ces trois Etats qui voient leur stratégie contrée par l’entrée en jeu de Moscou.

Bachar ne tombera pas, et ça, ils ne le supportent pas. Le jeu des Américains est aussi particulièrement ambigu. Récemment encore, Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter disait, à propos de Jabhat Al-Nosrah « si les Russes continuent à bombarder nos gars, il faut qu’Obama riposte » !

Quelles conséquences sur la sécurité mondiale ?

Le risque principal est un durcissement de la position russe à l’encontre des acteurs régionaux, surtout si Moscou découvrait que des missiles antiaériens sont fournis délibérément aux Takfiris ou que le soutien aux islamistes radicaux du Caucase s’accroît.

Les États à l’origine de ce type d’action auraient alors du souci à se faire. Mais la vraie question est : comment réagirait ensuite les Américains. Pour le moment, les relations entre Moscou et Washington – malgré les discours destinés à l’opinion – sont moins antagonistes que les médias le disent. Le risque est donc pour l’instant mesuré.

L’ingérence militaire étrangère en Libye n’a-t-elle pas favorisé l’extension du terrorisme dans plusieurs pays, dont la France ?

Bien sûr, les erreurs n’ont pas commencé avec François Hollande, mais avec Nicolas Sarkozy et l’intervention en Libye, qui a crée le chaos en Afrique du Nord et au Sahel.

Rappelons également que l’Occident dans son ensemble, dont la France, a reconnu le régime illégitime si ce n’est illégal de Morsi et des Frères musulmans en Égypte et a initialement condamné l’intervention de l’armée pour les chasser du pouvoir.

Pour ce qui est de la guerre en Syrie, les projecteurs sont braqués sur les négociations de Vienne. Que peut-on attendre de cette rencontre ?

C’est difficile à dire, car plusieurs pays campent sur leurs positions. La France et le Royaume-Uni réclament toujours obstinément le départ de Bachar, et la Russie et l’Iran ne remettront jamais en cause leur soutien à Damas.

Les Américains eux-mêmes sont pessimistes à l’orée de ce nouveau round de discussions. Mais cela ne veut pas dire que des progrès vers une solution sont impossibles.

Sofiane Abi

Source : El Watan, 14/11/2015

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BFM :

Après les attentats de Paris, il est “inacceptable” d’exiger le départ du président syrien Bachar al-Assad comme “condition préalable à toute union contre le terrorisme”, a déclaré mercredi le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov lors d’une conférence de presse. “J’espère qu’il y aura un changement de position chez nos autres partenaires occidentaux, comme il y en a eu, malheureusement au prix de terribles actes terroristes, chez nos collègues occidentaux”, a déclaré Sergueï Lavrov en référence à la France touchée par une série d’attaques meurtrières. “Il est inacceptable d’exiger des conditions préalables à toute union contre le terrorisme“, a-t-il affirmé en référence aux Américains qui continuent de demander le départ du président syrien avant toute chose.

Vous remarquerez au passage le titre subtilement faux (c’est l’exigence du départ comme condition de négociation qui est jugé inacceptable) :

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“Eric Denécé : Bien sûr qu’il faut une unité nationale. Mais nos hommes politiques, de gauche comme de droite, portent une telle  responsabilité, à la fois dans les restrictions budgétaires dans le dédain de la sécurité, mais également dans une politique étrangère totalement irresponsable, en partenariat avec le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie, des pays qui nourrissent l’idéologie que est à la base même…

Journaliste : alors, on coupe nos liens avec ces pays du jour au lendemain, on arrête de leur vendre des avions…

Eric Denécé : oh, oui, sincèrement ! Mais qu’est-ce que nous voulons . Voulons-nous la paix chez nous, ou sommes-nous des gens vendus ? Pour cinq avions, sommes-nous prêts à laisser des régimes wahhabites financer des attentats sur notre sol ? Il y a des tas de preuves qui sont aujourd’hui balayées d’un revers de la main par nos politiques. Et ça n’a pas commencé avec le gouvernement socialiste, son prédécesseur faisait de même. Il y a une responsabilité réelle de la classe politique par les alliances, par les accords passés avec ces gens-là. On observe même aujourd’hui qu’un certain nombre de frappes sur le islamistes en Irak ne portent pas leurs fruits. Et on s’interroge. Depuis des années, on se dit : il y a des dizaines de milliers de combattants sur le terrain, il y a des centaines voire des milliers d’opérations aériennes qui ont été lancées, et quel est le résultat ? Nul ! Aujourd’hui un certains nombre d’informations commencent à sortir selon lesquelles dès qu’il y a des opérations communes de la coalition avec la participation de certains pays du golfe, les informations sont données à l’État islamique, ce qui réduit l’efficacité des frappes.”  [Eric Dénécé, C dans l'air, 18/11/2015]

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Laissons le mot de la fin au général Desportes :

Q : Les moyens du renseignement ont été fortement renforcés. Que peut-on faire de plus pour prévenir la menace ?

R : On n’empêchera jamais un fou d’Allah de sortir de sa voiture et de mitrailler des passants. Mais la France ne peut se permettre de baisser les bras. Sur le plan intérieur, le seul renseignement ne nous permettra pas de résoudre le problème. Il faut agir aussi sur les racines du terrorisme. Une partie de la population est en état de relégation et de désespérance. Tant que le terreau est favorable, les pousses prendront. La réponse est donc forcément longue et compliquée et nous ne serons pas à l’abri d’autres attentats importants. Il faut non pas des réponses ponctuelles mais des mesures prises par un homme d’État qui pense au-delà des échéances électorales de court terme.” [Général Desportes, La Croix, 16/11/15]

aussi chez l’Obs :

Comment faire quand personne n’est d’accord  ?

- Une réponse militaire n’est jamais qu’un pis-aller. Elle ne permet pas de régler tous les problèmes, mais elle doit permettre de créer une situation autorisant des solutions stratégiques et politiques. On ne viendra pas à bout de Daech sans vision commune entre les différents pays. Il faut à tout prix que la France, les Etats-Unis, la Turquie, Israël, mais aussi la Russie et l’Iran travaillent ensemble à élaborer une vision future du Moyen-Orient. Même si les positions sont éloignées, il faut trouver un compromis à partir duquel on va pouvoir établir une stratégie.

L’immense avantage de Daech sur nous, c’est qu’eux ont une stratégie, une vision, une ambition très claire, qu’ils poursuivent inexorablement alors que nous, en face, nous n’avons aucune stratégie, nous avons au mieux une tactique. Et c’est pourquoi depuis août 2014, nous n’avons cessé de perdre du terrain.

Selon vous, il faudrait donc s’allier avec Poutine, et soutenir Bachar al-Assad…

- Il faut hiérarchiser les problèmes. Daech, est aujourd’hui notre problème numéro un, beaucoup plus menaçant sur l’échelle des risques que le problème d’Assad. La priorité des Russes n’est pas de maintenir Assad. On l’oublie, mais Poutine a même envisagé de le destituer il y a deux ans. Mais quels choix avons-nous ? Il faut être pragmatique. Trois forces sont aujourd’hui en mesure de s’imposer en Syrie : le Front al-Nosra, un groupe salafiste allié à al-Qaïda ; Daech et Assad. Cette troisième option n’est pas satisfaisante, mais c’est la moins menaçante. Il faut être réaliste. Daech ne sera détruit que si on arrive à mettre en place une stratégie commune. Ce 13-Novembre est un brutal retour au réel.

Difficile pourtant de lutter pour la démocratie en s’alliant à ceux qui la bafouent quotidiennement ?

- Il n’y a que les nantis pour s’adonner à des leçons de morale. Assurer la sécurité intérieure doit être la priorité du gouvernement. En 1941, quand il a fallu s’allier avec Staline contre le péril nazi, on l’a fait sans se poser de question. Comme le disait Churchill, “les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts.”

Maintenant, il faut aussi faire évoluer notre stratégie militaire. Aucune guerre n’a été gagnée seulement avec des bombardements aériens. On ne peut pas raser les villes pour les libérer. Des combats au sol ne règleront pas un problème qui est avant tout politique. Dans le cadre d’une stratégie commune, il faudrait que tout le monde tire dans le même sens, que le président turc Erdogan mette fin, par exemple, aux trafics de pétrole à la frontière turco-syrienne, ce qui assècherait les finances de Daech. Là encore, il faut une stratégie globale, militaire, sociétale, et diplomatique.” [Général Desportes, L'Obs, 15/11/15]

Source: http://www.les-crises.fr/eric-denece-voulons-nous-la-paix-chez-nous-ou-sommes-nous-des-gens-vendus/