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[Actualité] Même après le 13 Novembre, tout le monde campe sur ses positions et rien ne bouge…

Sunday 22 November 2015 at 19:40

Source : L’Hebdo, le 22 novembre 2015.

Les dirigeants occidentaux sont convenus la semaine dernière, en marge du sommet du G20 en Turquie, de prolonger de six mois, jusqu’en juillet 2016, les sanctions contre la Russie. Elles avaient été décidées en raison de la politique du Kremlin envers l’Ukraine.

Cette décision a été prise alors que se multiplient les déclarations en faveur d’une coopération avec la Russie dans la lutte contre les djihadistes de l’Etat islamique, à la suite des attentats du 13 novembre à Paris.

La prolongation des sanctions a été décidée lors d’une réunion entre le président américain Barack Obama, la chancelière allemande Angela Merkel, le premier ministre britannique David Cameron, le président du Conseil italien Matteo Renzi et le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, a déclaré samedi un diplomate européen qui a requis l’anonymat.

Ces dirigeants ont notamment estimé qu’il fallait maintenir la pression sur la Russie avant les élections prévues par les séparatistes dans l’est de l’Ukraine en février prochain, a ajouté le diplomate.

“La seule chance d’avoir ce que nous voulons, c’est de jouer la carte des sanctions. Les sanctions financières doivent rester en place jusqu’au bout”, a-t-il ajouté.


Syrie : Obama n’envisage pas la fin de la guerre civile sans départ d’Assad

Source : Le Parisien, le 19 novembre 2015.

Manille (Philippines), jeudi 19 novembre. Barack Obama a confirmé sa ligne sur la Syrie : Bachar al-Assad ne peut participer à des élections libres dans son pays.

Manille (Philippines), jeudi 19 novembre. Barack Obama a confirmé sa ligne sur la Syrie : Bachar al-Assad ne peut participer à des élections libres dans son pays.

C’est un « no » à Vladimir Poutine. En déplacement à Manille (Philippines) pour un forum économique, le président américain Barack Obama a estimé ce jeudi qu’il ne pouvait y avoir d’issue à la guerre civile en Syrie si Bachar al-Assad restait au pouvoir.

Il a écarté ainsi des suggestions de dirigeants du Proche-Orient selon lesquelles le président syrien pourrait participer à de futures élections. « Je n’imagine pas une situation dans laquelle nous pouvons mettre fin à la guerre civile en Syrie, avec Assad qui resterait au pouvoir », a-t-il expliqué.

Les déclarations du président américain interviennent quelques jours après une rencontre avec Vladimir Poutine, principal soutien de la Syrie, qui semblait indiquer que les deux parties seraient proches d’un accord. Le président russe, qui cherche à maintenir la présence stratégique russe en Syrie, s’oppose vigoureusement au départ d’Assad. «Seuls ceux qui se sentent exceptionnels se permettent de se conduire d’une manière si éhontée, imposant aux autres leur volonté», avait-il déclaré vendredi dernier.

Malgré les rapprochements depuis le crash d’un avion russe dans le Sinaï et les attentats de Paris, entre la Russie, les États-Unis et la France, le sort du président syrien reste un point de discorde entre l’occident et les soutiens d’Assad, Moscou et Téhéran.

Mercredi, le patron de la Maison-Blanche estimait que la Russie avait été «un partenaire constructif à Vienne en essayant de créer une transition politique» en Syrie, en référence aux récents pourparlers internationaux qui se sont tenus en Autriche. «Mais il y a évidemment un piège, c’est que Moscou est toujours intéressé à ce qu’Assad reste au pouvoir».

Barack Obama a insisté sur le fait que les Syriens n’accepteraient pas qu’Assad reste au pouvoir après une guerre civile qui dure depuis plus de quatre ans et a fait plus de 250 000 morts, dont beaucoup du fait des exactions de son régime. « Même si je disais que c’est bien, je ne pense pas que cela fonctionnerait. On ne pourrait pas obtenir que la population syrienne — en majorité — soit d’accord avec une telle issue », a fait valoir Obama.

« Assad représente les intérêts d’une partie conséquente de la société syrienne, c’est pourquoi l’on n’arrivera pas à un règlement pacifique (du conflit) sans sa participation », lui a répondu le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, cité par les agences russes. « Nous sommes prêts à une coopération pratique avec les pays de la coalition et à travailler avec eux pour en définir les modalités, qui, bien sûr, respecteraient la souveraineté de la Syrie et les prérogatives du gouvernement syrien », a-t-il ajouté.


Etat d’urgence en Crimée après une coupure totale de l’électricité venant d’Ukraine

Le Monde.fr avec AFP

Les autorités de la république de Crimée ont annoncé, dans la nuit de samedi à dimanche 22 novembre, avoir instauré l’état d’urgence, peu après une coupure totale de l’électricité venant d’Ukraine. Des sources ukrainiennes ont affirmé que ces coupures étaient dues à un sabotage de lignes à haute tension, sans indiquer qui pourrait en être responsable. Sur les 2 millions d’habitants de la région, 1,6 million sont privés de courant.

A lire ici


USA: 1,3 milliard de dollars de bombes vendu à l’Arabie saoudite

Le gouvernement américain a autorisé la vente de plus de 17.000 munitions air-sol à l’armée de l’air saoudienne pour près d’1,3 milliard de dollars, a annoncé le département d’Etat aujourd’hui.

Le Congrès devrait donner son feu vert à cette vente, qui a lieu au moment où des avions de l’Arabie saoudite bombardent les rebelles Houthis au Yémen.

Source : Figaro, 16/11/2015

Yemen : 2200 morts fin septembre, 93 % de civils

Mais pourquoi-nous détestent-ils tant ?

Source: http://www.les-crises.fr/actualite-meme-apres-le-13-novembre-tout-le-monde-campe-sur-ses-positions-et-rien-ne-bouge/


L’Arabie saoudite : un Daesh qui a réussi

Sunday 22 November 2015 at 07:40

Source : Kamel Daoud, pour le New York Times, le 20 novembre 2015.

Daesh noir, Daesh blanc. Le premier égorge, tue, lapide, coupe les mains, détruit le patrimoine de l’humanité, et déteste l’archéologie, la femme et l’étranger non musulman. Le second est mieux habillé et plus propre, mais il fait la même chose. L’Etat islamique et l’Arabie saoudite. Dans sa lutte contre le terrorisme, l’Occident mène la guerre contre l’un tout en serrant la main de l’autre. Mécanique du déni, et de son prix. On veut sauver la fameuse alliance stratégique avec l’Arabie saoudite tout en oubliant que ce royaume repose sur une autre alliance, avec un clergé religieux qui produit, rend légitime, répand, prêche et défend le wahhabisme, islamisme ultra-puritain dont se nourrit Daesh.

Le wahhabisme, radicalisme messianique né au 18ème siècle, a l’idée de restaurer un califat fantasmé autour d’un désert, un livre sacré et deux lieux saints, la Mecque et Médine. C’est un puritanisme né dans le massacre et le sang, qui se traduit aujourd’hui par un lien surréaliste à la femme, une interdiction pour les non-musulmans d’entrer dans le territoire sacré, une loi religieuse rigoriste, et puis aussi un rapport maladif à l’image et à la représentation et donc l’art, ainsi que le corps, la nudité et la liberté. L’Arabie saoudite est un Daesh qui a réussi.

Le déni de l’Occident face à ce pays est frappant: on salue cette théocratie comme un allié et on fait mine de ne pas voir qu’elle est le principal mécène idéologique de la culture islamiste. Les nouvelles générations extrémistes du monde dit « arabe » ne sont pas nées djihadistes. Elles ont été biberonnées par la Fatwa Valley, espèce de Vatican islamiste avec une vaste industrie produisant théologiens, lois religieuses, livres et politiques éditoriales et médiatiques agressives.

On pourrait contrecarrer : Mais l’Arabie saoudite n’est-elle pas elle-même une cible potentielle de Daesh ? Si, mais insister sur ce point serait négliger le poids des liens entre la famille régnante et le clergé religieux qui assure sa stabilité — et aussi, de plus en plus, sa précarité. Le piège est total pour cette famille royale fragilisée par des règles de succession accentuant le renouvellement et qui se raccroche donc à une alliance ancestrale entre roi et prêcheur. Le clergé saoudien produit l’islamisme qui menace le pays mais qui assure aussi la légitimité du régime.

Il faut vivre dans le monde musulman pour comprendre l’immense pouvoir de transformation des chaines TV religieuses sur la société par le biais de ses maillons faibles : les ménages, les femmes, les milieux ruraux. La culture islamiste est aujourd’hui généralisée dans beaucoup de pays — Algérie, Maroc, Tunisie, Libye, Egypte, Mali, Mauritanie. On y retrouve des milliers de journaux et des chaines de télévision islamistes (comme Echourouk et Iqra), ainsi que des clergés qui imposent leur vision unique du monde, de la tradition et des vêtements à la fois dans l’espace public, sur les textes de lois et sur les rites d’une société qu’ils considèrent comme contaminée.

Il faut lire certains journaux islamistes et leurs réactions aux attaques de Paris. On y parle de l’Occident comme site de « pays impies »; les attentats sont la conséquence d’attaques contre l’Islam ; les musulmans et les arabes sont devenus les ennemis des laïcs et des juifs. On y joue sur l’affect de la question palestinienne, le viol de l’Irak et le souvenir du trauma colonial pour emballer les masses avec un discours messianique. Alors que ce discours impose son signifiant aux espaces sociaux, en haut, les pouvoirs politiques présentent leurs condoléances à la France et dénoncent un crime contre l’humanité. Une situation de schizophrénie totale, parallèle au déni de l’Occident face à l’Arabie Saoudite.

Ceci laisse sceptique sur les déclarations tonitruantes des démocraties occidentales quant à la nécessité de lutter contre le terrorisme. Cette soi-disant guerre est myope car elle s’attaque à l’effet plutôt qu’à la cause. Daesh étant une culture avant d’être une milice, comment empêcher les générations futures de basculer dans le djihadisme alors qu’on n’a pas épuisé l’effet de la Fatwa Valley, de ses clergés, de sa culture et de son immense industrie éditoriale?

Guérir le mal serait donc simple ? A peine. Le Daesh blanc de l’Arabie Saoudite reste un allié de l’Occident dans le jeu des échiquiers au Moyen-Orient. On le préfère à l’Iran, ce Daesh gris. Ceci est un piège, et il aboutit par le déni à un équilibre illusoire : On dénonce le djihadisme comme le mal du siècle mais on ne s’attarde pas sur ce qui l’a créé et le soutient. Cela permet de sauver la face, mais pas les vies.

Daesh a une mère : l’invasion de l’Irak. Mais il a aussi un père : l’Arabie saoudite et son industrie idéologique. Si l’intervention occidentale a donné des raisons aux désespérés dans le monde arabe, le royaume saoudien leur a donné croyances et convictions. Si on ne comprend pas cela, on perd la guerre même si on gagne des batailles. On tuera des djihadistes mais ils renaîtront dans de prochaines générations, et nourris des mêmes livres.

Les attaques à Paris remettent sur le comptoir cette contradiction. Mais comme après le 11 septembre, nous risquons de l’effacer des analyses et des consciences.

*** A propos de Kamal Daoud ***
Manquant d’une voix le Goncourt 2014, il est couronné du Prix Goncourt du premier roman 2015

Le 3 décembre 2014 dans l’émission de Laurent Ruquier On n’est pas couché sur France 2, il déclare à propos de son rapport à l’islam : « Je persiste à le croire : si on ne tranche pas dans le monde dit arabe la question de Dieu, on ne va pas réhabiliter l’homme, on ne va pas avancer, a-t-il dit. La question religieuse devient vitale dans le monde arabe. Il faut qu’on la tranche, il faut qu’on la réfléchisse pour pouvoir avancer. ». Quelques jours plus tard, cela lui vaut d’être frappé d’une fatwa par Abdelfattah Hamadache Zeraoui, un imam salafiste, qui a appelé le 16 décembre sur Facebook à son exécution écrivant que « si la charia islamique était appliquée en Algérie, la sanction serait la mort pour apostasie et hérésie ». Il précise « Il a mis le Coran en doute ainsi que l’islam sacré ; il a blessé les musulmans dans leur dignité et a fait des louanges à l’Occident et aux sionistes. Il s’est attaqué à la langue arabe [...]. Nous appelons le régime algérien à le condamner à mort publiquement, à cause de sa guerre contre Dieu, son Prophète, son livre, les musulmans et leurs pays. ». Il réitère par la suite ses menaces sur les chaînes de télé et les sites d’information des extensions TV des quotidiens arabophones réputés populistes Ennahar et Echourouk

Source: https://www.les-crises.fr/larabie-saoudite-un-daesh-qui-a-reussi/


[Débat] Géopolitique, Russie, Terrorisme, Finance – “Les vrais ennemis, ce sont l’Arabie et le Qatar !” (Gave)

Sunday 22 November 2015 at 05:00

Vidéo réalisée avant les attentats.

Participants : Charles Gave (Économiste, entrepreneur français), Artem Studennikov (Ministre Conseiller de l’Ambassade de Russie), Hervé de Carmoy (Ancien banquier, ancien vice-président de la commission Trilatérale Europe) et Olivier Berruyer (Actuaire / Les-crises.fr).

Source: http://www.les-crises.fr/thinkerview-geopolitique-russie-terrorisme-finance/


Revue de presse du 22/11/2015

Sunday 22 November 2015 at 03:30

Comme pour la revue internationale, peu d’articles en relation avec les attentats. Merci à nos contributeurs dont certains nous transmettent leur récolte chaque semaine depuis presque deux ans. Le nombre des lecteurs du blog a beaucoup augmenté, celui des veilleurs des revues de presse a diminué : si chacun prend son tour de garde, le travail sera moins lourd pour tous, nous vous invitons donc à nous rejoindre via le formulaire de contact du blog. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-22112015/


Monsieur Hollande, vous êtes tombé dans le piège ! Comme Bush, vous rendez le monde moins sûr !, par David Van Reybrouck

Sunday 22 November 2015 at 02:30

Source : Blog Mediapart, le 15 novembre 2015.

L’écrivain et historien belge David Van Reybrouck considère que François Hollande est tombé dans le piège des terroristes. « Vous avez accepté leur invitation au djihad avec enthousiasme. Mais cette réponse, que vous avez voulue ferme, fait courir le risque monstrueux d’accélérer encore la spirale de la violence. Je ne la trouve pas judicieuse. » 

Monsieur le Président,

Le choix extraordinairement irréfléchi de la terminologie que vous avez utilisée dans votre discours du samedi après-midi, où vous répétiez qu’il s’agissait d’un « crime de guerre » perpétré par « une armée terroriste » m’a interpellé. Vous avez dit littéralement :

« Ce qui s’est produit hier à Paris et à Saint-Denis près du Stade de France, est un acte de guerre, et face à la guerre, le pays doit prendre les décisions appropriées. C’est un acte de guerre qui a été commis par une armée terroriste, Daech, une armée de terroristes, contre la France, contre les valeurs que nous défendons partout dans le monde, contre ce que nous sommes, un pays libre qui parle à l’ensemble de la planète. C’est un acte de guerre qui a été préparé, organisé, planifié de l’extérieur et avec des complicités intérieures que l’enquête fera découvrir. C’est un acte de barbarie absolue. »

Si je souscris pleinement à la dernière phrase, force est de constater que le reste de votre discours est la répétition angoissante et presque mot à mot de celui que GW Bush a tenu devant le Congrès américain peu après les attentats du 11 septembre : « Des ennemis de la liberté ont commis un acte de guerre contre notre pays. »

Les conséquences de ces paroles historiques sont connues. Un chef d’État qui qualifie un événement d’acte de guerre se doit d’y réagir, et de rendre coup pour coup. Cela a conduit Bush à l’invasion de l’Afghanistan, ce qui était encore admissible parce que le régime avait offert asile à Al Qaeda – même l’ONU avait approuvé. A suivi alors l’invasion totalement démente de l’Irak, sans mandat de l’ONU, pour la seule raison que les É.-U. soupçonnaient que ce pays détenait des armes de destruction massive. À tort, s’est-il avéré, mais cette invasion a conduit à l’entière déstabilisation de la région, qui se prolonge jusqu’à aujourd’hui. Le départ des troupes américaines en 2011 a laissé le pays dans une vacance du pouvoir. Et c’est peu après, lorsque dans le sillage du Printemps arabe une guerre civile a éclaté dans le pays voisin, que l’on a pu constater à quel point l’invasion militaire américaine avait été pernicieuse. Dans le nord-ouest de l’Irak déraciné et l’est de la Syrie déchirée, entre l’armée gouvernementale et la Free Syrian Army, assez d’espace s’était manifestement créé pour que se lève un troisième grand acteur : DAECH.

Bref, sans l’invasion idiote de Bush en Irak, il n’y aurait jamais été question de DAECH. C’est par millions que nous avons manifesté contre cette guerre en 2003, moi aussi, la désapprobation était universelle. Et nous avions raison. Cela, pas parce que nous étions capables de prédire l’avenir, nous n’étions pas clairvoyants à ce point. Mais nous en sommes pleinement conscients aujourd’hui : ce qui s’est passé dans la nuit du vendredi à Paris est une conséquence indirecte de la rhétorique de guerre que votre collègue Bush a employée en septembre 2001.

Et pourtant, que faites-vous ? Comment réagissez-vous moins de 24 heures après les attentats ? En employant la même terminologie que votre homologue américain de l’époque ! Et sur le même ton, bonté divine !

Vous êtes tombé dans le piège, et vous l’avez fait les yeux grands ouverts. Vous êtes tombé dans le panneau, Monsieur le Président, parce que vous sentez dans votre cou le souffle de faucons comme Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen vous brûler la nuque. Et vous avez depuis si longtemps la réputation d’être un faible. Vous êtes tombé dans le panneau. Des élections se préparent en France, elles auront lieu les 6 et 13 décembre, ce ne sont que des élections régionales, mais après ces attentats, elles seront placées sous le signe de la sécurité nationale, à n’en point douter. Vous êtes tombé dans le panneau à pieds joints, parce que vous avez fait mot pour mot ce que les terroristes espéraient de vous : une déclaration de guerre. Vous avez accepté leur invitation au djihad avec enthousiasme. Mais cette réponse, que vous avez voulue ferme, fait courir le risque monstrueux d’accélérer encore la spirale de la violence. Je ne la trouve pas judicieuse.

Vous parlez d’une « armée terroriste ». Pour commencer, rien de tel n’existe. C’est unecontradictio in terminis. Une « armée terroriste », c’est un peu comme pratiquer un régime boulimique. Des pays et des groupes peuvent avoir des armées ; s’ils ne parviennent pas à en former, ils peuvent opter pour le terrorisme, c’est-à-dire pour des actions ponctuelles dont l’impact psychologue est maximal au lieu d’un déploiement structurel de forces militaires avec des ambitions géopolitiques.

Mais une armée, dites-vous ? Soyons clairs : jusqu’ici, nous ignorons si les auteurs des faits sont des combattants syriens revenus ou envoyés. Nous ne savons pas si les attentats ont été tramés dans le califat ou dans les banlieues et « quartiers ». Et bien que certains indices laissent supposer qu’il s’agit d’un plan global émanant de la Syrie (la quasi-simultanéité de l’attentat-suicide au Liban et de l’attaque éventuelle d’un avion russe), force est de constater que le communiqué de DAECH est venu bien tard, et qu’il ne contient pas d’autres éléments que ceux qui circulaient déjà sur internet. Ne serait-il pas question de coordination ou de récupération ?

Pour autant que l’on sache, il pourrait s’agir d’individus incontrôlés, sans doute pour la plupart des citoyens français revenus de Syrie : ils y ont appris à manier des armes et des explosifs, s’y sont immergés dans une idéologie totalitaire, cryptothéologique et s’y sont familiarisés aux opérations militaires. Ils sont devenus des monstres, tous tant qu’ils sont, mais ils ne sont pas une armée.

Le communiqué de DAECH glorifait les « lieux soigneusement choisis » des attentats, vos propres services soulignaient le professionnalisme de leurs auteurs : sur ce point, remarquons que vous parlez la même langue. Mais qu’en est-il, en réalité ? Les trois hommes qui se sont rendus au Stade de France où vous assistiez à un match amical de football contre l’Allemagne semblent plutôt être des amateurs. Ils voulaient sans doute pénétrer dans l’enceinte pour commettre un attentat contre vous, c’est fort possible. Mais celui qui se fait sauter à proximité d’un McDonald et n’entraîne qu’une victime dans la mort est un bien piètre terroriste. Qui ne fait que quatre morts avec trois attentats-suicides, alors qu’un peu plus tard une masse humaine de 80 000 personnes sort de l’enceinte, est un bon à rien. Qui veut décimer le public d’une salle avec quatre complices, mais ne bloque même pas la porte de sortie n’est pas un génie de la stratégie. Qui s’embarque dans une voiture et mitraille des citoyens innocents et sans armes attablés aux terrasses, n’est pas un militaire formé à la tactique, mais un lâche, un enfoiré, un individu totalement dévoyé qui a lié son sort à d’autres individus du même acabit. Une meute de loups solitaires, ça existe aussi.

Votre analyse d’une « armée terroriste » n’est pas correcte. Le terme que vous avez employé, « acte de guerre », est extraordinairement tendancieux, même si cette rhétorique belliqueuse a été reprise sans honte aucune par Mark Rutte aux Pays-Bas et Jan Jambon en Belgique.

Dans votre tentative d’apaiser la nation, vous rendez le monde moins sûr. Dans votre tentative d’utiliser un langage belliqueux, vous avez montré votre faiblesse. Il y a d’autres formes de fermeté que le langage guerrier. Après les attentats en Norvège, le Premier ministre Stoltenberg avait plaidé sans détours pour « plus de démocratie, plus d’ouverture, plus de tolérance ». Dans votre discours vous avez cité la liberté. Vous auriez dû aussi faire référence aux deux autres valeurs défendues par la République : l’égalité et la fraternité. Deux valeurs dont nous avons plus besoin en ce moment que de votre inquiétante rhétorique guerrière”.

David Van Reybrouck est l’auteur de “Congo, une histoire” chez Actes Sud, pour lequel il a obtenu le Prix Médicis Essai 2012.

Source: http://www.les-crises.fr/monsieur-hollande-vous-etes-tombe-dans-le-piege/


[2013] La France annonce qu’elle armera les rebelles syriens + exemple “d’Opposition modérée”

Sunday 22 November 2015 at 00:57

Mes bon amis, il faut quand même avoir l’envie d’informer au corps pour ne pas tout laisser tomber quand on voit des trucs comme ça…

14/03/2013 Syrie: France et Grande-Bretagne vont livrer des armes aux rebelles annonce Laurent Fabius

SYRIE – C’est la première fois que la France se positionne de manière aussi significative dans le conflit syrien.

La France, mais aussi la Grande-Bretagne, vont en effet demander d’avancer la prochaine réunion de l’Union européenne sur l’embargo sur les armes pour la Syrie et, à défaut d’unanimité, décideront d’en livrer à titre national aux rebelles.

Paris et Londres demandent “aux Européens, maintenant, de lever l’embargo pour que les résistants aient la possibilité de se défendre”, déclare le ministre. A défaut de l’unanimité requise à l’Union européenne pour lever cette mesure, les deux pays prendront la décision de livrer des armes, car la France “est une nation souveraine”, a précisé Laurent Fabius.

“Nous considérons que c’est un pas dans la bonne direction, a réagi le porte-parole de l’opposition syrienne, Walid al-Bounni. (…) Bachar al-Assad n’acceptera de solution politique (à la crise) que lorsqu’il saura qu’il a face à lui une force (armée) qui va le renverser”. “Tant que les Européens et les Américains n’arment pas la rébellion, ils sont en train de dire à Bachar al-Assad ‘continue de te battre’”, a-t-il estimé. Et “tant que les Iraniens et les Russes continuent de lui offrir leur soutien, il (Bachar al-Assad) restera convaincu qu’il va gagner”, a ajouté le porte-parole.

“Dans une violation flagrante du droit international, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a annoncé la volonté de son pays et celle de la Grande-Bretagne de fournir des armes aux groupes terroristes”, a de son côté vigoureusement réagit Damas, via l’agence officielle syrienne Sana.

Mardi, le Premier ministre britannique David Cameron avait déjà indiqué que son pays pourrait se désolidariser de l’embargo de l’UE en cours, en fournissant des armes à l’opposition syrienne pour lutter contre le président Bachar al-Assad.

La prochaine réunion de l’Union européenne sur l’examen de l’embargo sur les armes à destination de la Syrie est prévue fin mai. Mais le ministre français veut faire bouger les choses rapidement.

“Il faut aller très vite” et “nous allons demander avec les Britanniques que la réunion (…) soit avancée”, a-t-il dit, n’excluant pas qu’elle intervienne avant fin mars. “On ne peut pas accepter qu’il y ait ce déséquilibre actuel avec d’un côté l’Iran et la Russie qui livrent des armes à Bachar et de l’autre des résistants qui ne peuvent pas se défendre”, a fait valoir Laurent Fabius. “Lever l’embargo c’est un des seuls moyens qui restent pour faire bouger politiquement la situation”, a-t-il estimé.

Rappelons que le conflit en Syrie a fait, selon l’ONU, plus de 70.000 morts depuis son déclenchement le 15 mars 2011.

Source : Huffington Post, 14/03/2013

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L’embargo a finalement été levé…

Mais ce n’est pas important, Hollande a avoué que la France livrait des armes depuis mi 2012…

«Nous avons commencé quand nous avons eu la certitude qu’elles iraient dans des mains sûres»,

Pas de bol, l’ancien chef de région de la CIA au Moyen-Orient, le grand espion Robert Baer, a indiqué “les États-Unis ont été incapables d’identifier le moindre groupe syrien dit « modéré » lorsque la guerre civile a débuté” (Source : L’Humanité).

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En images chez nous :

Interview à la télé russe en 2013 d’un chef de l’Armée Syrienne Libre - voyons qui sont ces modérés à qui nous avons livré des armes :

Ici, un islamiste de la brigade salafiste Ahrar al-Sham avec un missile Milan français :

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“Amusant” sinon, décryptage d’un reportage de France 2 par un pro, partisan du gouvernement syrien… Ça vaut le coup :

 

Source: http://www.les-crises.fr/2013-la-france-annonce-quelle-armera-les-rebelles-syriens/


[Cadeaux ?] C’est bientôt Noël…

Sunday 22 November 2015 at 00:02

On m’a signalé ça il y a 2 semaines, ce qui m’avait fait sourire sur le moment, un peu moins maintenant…

[Texte édité] Disons qu’il y a des symboles et génération d’envies (la Kalash à 620 €, même si elle ne marche pas comme une vraie :) ) du désir sur laquelle on peut s’interroger, sans faire d’amalgame, évidemment, avec les tireurs sportifs…

En tous cas, je vous laisse réagir en commentaires de ce billet à prendre avec un peu de recul quand même et sans psychose svp… :)

Source.

Précision importante, pour acheter, il faut une licence de club de tir, et une autorisation de la préfecture, pas simples en ce moment…

Et les armes ne sont pas automatiques ici : il est bien plus simple d’aller voir des trafiquants pour avoir discrètement du matériel efficace…

Mais je répète, c’est un billet un sur le symbole, sur le désir, sur la pub, pas sur le risque d’une vraie Kalash dans la nature achetée légalement, c’est très peu vraisemblable.

Edit : j’espère avoir été plus clair. Merci pour les commentaires des tireurs, mais vous ne répondez pas finalement à la question qu’on peut se poser : A quoi ça sert de vendre des trucs comme ça ? 

Sinon Stock assez étonnant - mais qui n’a rien d’unique, c’est une armurerie, quoi…

C’est possible de payer en 4 fois sans frais ?

Source: http://www.les-crises.fr/cadeaux-cest-bientot-noel/


Recommandé [2012] Analyse de la situation en Syrie, par Alain Chouet

Saturday 21 November 2015 at 22:42

Billet publié initialement sur ce blog le 14/08/2012, le premier sur la Syrie sur ce blog.

Vous écoutez ce très haut fonctionnaire.

Vous comparez avec Fabius et les médias.

Vous avez envie de pleurer.

Solidarité avec la DGSI et la DGSE qui doivent souffrir de voir les conséquences de 3 ans de Fabius.

Conférence sur la Syrie par Alain CHOUET Invité de l’Association Régionale Nice Côte d’Azur de l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale), le 27 juin 2012, Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE, reconnu bien au-delà de l’Hexagone pour son expertise du monde arabomusulman, a livré aux auditeurs son sentiment au cours d’une conférence qui a connu un vif succès. 

NOS MINISTRES, JUPPÉ HIER, FABIUS AUJOURD’HUI SONT-ILS MAL RENSEIGNÉS, MAL CONSEILLÉS, OU NAïFS ?

Les pires conjectures formulées au premier semestre 2011 concernant les mouvements de révolte arabes deviennent aujourd’hui réalité. Je les avais largement exposées dans divers ouvrages et revues à contre courant d’une opinion occidentale généralement enthousiaste et surtout naïve. Car il fallait tout de même être naïf pour croire que, dans des pays soumis depuis un demi-siècle à des dictatures qui avaient éliminé toute forme d’opposition libérale et pluraliste, la démocratie et la liberté allaient jaillir comme le génie de la lampe par la seule vertu d’un Internet auquel n’a accès qu’une infime minorité de privilégiés de ces sociétés.

Une fois passé le bouillonnement libertaire et l’agitation des adeptes de Facebook, il a bien fallu se rendre à l’évidence. Le pouvoir est tombé dans les mains des seules forces politiques structurées qui avaient survécu aux dictatures nationalistes parce que soutenues financièrement par les pétromonarchies théocratiques dont elles partagent les valeurs et politiquement par les Occidentaux parce qu’elles constituaient un bouclier contre l’influence du bloc de l’Est : les forces religieuses fondamentalistes. Et le « printemps arabe » n’a mis que six mois à se transformer en « hiver islamiste ».

En Tunisie et en Égypte, les partis islamistes, Frères musulmans et extrémistes salafistes se partagent de confortables majorités dans les Parlements issus des révoltes populaires. Ils cogèrent la situation avec les commandements militaires dont ils sont bien contraints de respecter le rôle d’acteurs économiques dominants mais s’éloignent insidieusement des revendications populaires qui les ont amenés au pouvoir. Constants dans leur pratique du double langage, ils font exactement le contraire de ce qu’ils proclament. En, Égypte, après avoir affirmé sur la Place Tahrir au printemps 2011 qu’ils n’aspiraient nullement au pouvoir, ils revendiquent aujourd’hui la présidence de la République, la majorité parlementaire et l’intégralité du pouvoir politique.

En Tunisie, et après avoir officiellement renoncé à inclure la chari’a dans la constitution, ils organisent dans les provinces et les villes de moyenne importance, loin de l’attention des médias occidentaux, des comités de vigilance religieux pour faire appliquer des règlements inspirés de la chari’a. Ce mouvement gagne progressivement les villes de plus grande importance et même les capitales où se multiplient les mesures d’interdiction en tous genres, la censure des spectacles et de la presse, la mise sous le boisseau des libertés fondamentales et, bien sûr, des droits des femmes et des minorités non sunnites.

Et ces forces politiques réactionnaires n’ont rien à craindre des prochaines échéances électorales. Largement financées par l’Arabie et le Qatar pour lesquels elles constituent un gage de soumission dans le monde arabe, elles ont tous les moyens d’acheter les consciences et de se constituer la clientèle qui perpétuera leur domination face à un paysage politique démocratique morcelé, sans moyens, dont il sera facile de dénoncer l’inspiration étrangère et donc impie.

La Libye et le Yémen ont sombré dans la confusion. Après que les forces de l’OTAN, outrepassant largement le mandat qui leur avait été confié par l’ONU, ont détruit le régime du peu recommandable Colonel Kadhafi, le pays se retrouve livré aux appétits de bandes et tribus rivales bien décidées à défendre par les armes leur pré carré local et leur accès à la rente. L’éphémère « Conseil National de transition » porté aux nues par l’ineffable Bernard Henri Lévy est en train de se dissoudre sous les coups de boutoir de chefs de gangs islamistes, dont plusieurs anciens adeptes d’Al-Qaïda, soutenus et financés par le Qatar qui entend bien avoir son mot à dire dans tout règlement de la question et prendre sa part dans l’exploitation des ressources du pays en hydrocarbures.

Au Yémen, le départ sans gloire du Président Ali Abdallah Saleh rouvre la porte aux forces centrifuges qui n’ont pas cessé d’agiter ce pays dont l’unité proclamée en 1990 entre le nord et le sud n’a jamais été bien digérée, surtout par l’Arabie Séoudite qui s’inquiétait des foucades de ce turbulent voisin et n’a eu de cesse d’y alimenter la subversion fondamentaliste. Aujourd’hui, les chefs de tribus sunnites du sud et de l’est du pays, dont certains se réclament d’Al-Qaïda et tous du salafisme, entretiennent un désordre sans fin aux portes de la capitale, Sana’a, fief d’une classe politique traditionnelle zaydite – branche dissidente du chi’isme – insupportable pour la légitimité de la famille séoudienne.

Seul le régime syrien résiste à ce mouvement généralisé d’islamisation au prix d’une incompréhension généralisée et de l’opprobre internationale.

Avant de développer ce sujet, je crois devoir faire une mise au point puisque d’aucuns croient déceler dans mes propos et prises de positions des relents d’extrême droite et de complaisance pour les dictatures.

Je me rends régulièrement en Syrie depuis 1966 et y ai résidé pendant plusieurs années. Je ne prétends pas connaître intimement ce pays mais je pense quand même mieux le connaître que certains de ces journalistes qui en reviennent pleins de certitudes après un voyage de trois ou quatre jours.

Mes activités m’ont amené à devoir fréquenter à divers titres les responsables des services de sécurité civils et militaires syriens depuis la fin des années 70. J’ai pu constater qu’ils ne font ni dans la dentelle ni dans la poésie et se comportent avec une absolue sauvagerie. Ce n’est pas qu’ils ont une conception différente des droits de l’homme de la nôtre. C’est qu’ils n’ont aucune conception des droits de l’homme…

Leur histoire explique en grande partie cette absence. D’abord, ils puisent leur manière d’être dans quatre siècle d’occupation par les Turcs ottomans, grands experts du pal, de l’écorchage vif et du découpage raffiné. Ensuite, ils ont été créés sous la houlette des troupes coloniales françaises pendant le mandat de 1920 à 1943, et, dès l’indépendance du pays, conseillés techniquement par d’anciens nazis réfugiés, de 1945 jusqu’au milieu des années 50, et ensuite par des experts du KGB jusqu’en 1990. Tout ceci n’a guère contribué à développer chez eux le sens de la douceur, de la tolérance et du respect humain.

Quant au régime syrien lui-même, il ne fait aucun doute dans mon esprit que c’est un régime autoritaire, brutal et fermé. Mais le régime syrien n’est pas la dictature d’un homme seul, ni même d’une famille, comme l’étaient les régimes tunisien, égyptien, libyen ou irakien. Tout comme son père, Bashar el-Assad n’est que la partie visible d’un iceberg communautaire complexe et son éventuel départ ne changerait strictement rien à la réalité des rapports de pouvoir et de force dans le pays. Il y a derrière lui 2 millions d’Alaouites encore plus résolus que lui à se battre pour leur survie et plusieurs millions de minoritaires qui ont tout à perdre d’une mainmise islamiste sur le pouvoir, seule évolution politique que l’Occident semble encourager et promouvoir dans la région.

Quand je suis allé pour la première fois en Syrie en 1966, le pays était encore politiquement dominé par sa majorité musulmane sunnite qui en détenait tous les leviers économiques et sociaux. Et les bourgeois sunnites achetaient encore – parfois par contrat notarié – des jeunes gens et de jeunes filles de la communauté alaouite dont ils faisaient de véritables esclaves à vie, manouvriers agricoles ou du bâtiment pour les garçons, bonnes à tout faire pour les filles.

Les Alaouites sont une communauté sociale et religieuse persécutée depuis plus de mille ans. Je vous en donne ici une description rapide et schématique qui ferait sans doute hurler les experts mais le temps nous manque pour en faire un exposé exhaustif.

Issus au Xè siècle aux frontières de l’empire arabe et de l’empire byzantin d’une lointaine scission du chiisme, ils pratiquent une sorte de syncrétisme mystique compliqué entre des éléments du chiisme, des éléments de panthéisme hellénistique, de mazdéisme persan et de christianisme byzantin. Ils se désignent eux mêmes sous le nom d’Alaouites – c’est à dire de partisans d’Ali, le gendre du prophète – quand ils veulent qu’on les prenne pour des Musulmans et sous le nom de Nosaïris – du nom de Ibn Nosaïr, le mystique chiite qui a fondé leur courant – quand ils veulent se distinguer des Musulmans. Et – de fait – ils sont aussi éloignés de l’Islam que peuvent l’être les chamanistes de Sibérie.

Et cela ne leur a pas porté bonheur…. Pour toutes les religions monothéistes révélées, il n’y a pas pire crime que l’apostasie. Les Alaouites sont considérés par l’Islam sunnite comme les pires des apostats. Cela leur a valu au XIVè siècle une fatwa du jurisconsulte salafiste Ibn Taymiyya, l’ancêtre du wahhabisme actuel, prescrivant leur persécution systématique et leur génocide. Bien que Ibn Taymiyyah soit considéré comme un exégète non autorisé, sa fatwa n’a jamais été remise en cause et est toujours d’actualité, notamment chez les salafistes, les wahhabites et les Frères musulmans. Pourchassés et persécutés, les Alaouites ont dû se réfugier dans les montagnes côtières arides entre le Liban et l’actuelle Turquie tout en donnant à leurs croyances un côté hermétique et ésotérique, s’autorisant la dissimulation et le mensonge pour échapper à leur tortionnaires.

Il leur a fallu attendre le milieu du XXè siècle pour prendre leur revanche. Soumis aux occupations militaires étrangères depuis des siècles, les bourgeois musulmans sunnites de Syrie ont commis l’erreur classique des parvenus lors de l’indépendance de leur pays en 1943. Considérant que le métier des armes était peu rémunérateur et que l’institution militaire n’était qu’un médiocre instrument de promotion sociale, ils n’ont pas voulu y envoyer leurs fils. Résultat : ils ont laissé l’encadrement de l’armée de leur tout jeune pays aux pauvres, c’est à dire les minorités : Chrétiens, Ismaéliens, Druzes, Chiites et surtout Alaouites. Et quand vous donnez le contrôle des armes aux pauvres et aux persécutés, vous prenez le risque à peu près certain qu’ils s’en servent pour voler les riches et se venger d’eux. C’est bien ce qui s’est produit en Syrie à partir des années 60.

Dans les années 70, Hafez el-Assad, issu d’une des plus modestes familles de la communauté alaouite, devenu chef de l’armée de l’air puis ministre de la défense, s’est emparé du pouvoir par la force pour assurer la revanche et la protection de la minorité à laquelle sa famille appartient et des minorités alliées – Chrétiens et Druzes – qui l’ont assisté dans sa marche au pouvoir. Ils s’est ensuite employé méthodiquement à assurer à ces minorités – et en particulier à la sienne – le contrôle de tous les leviers politiques, économiques et sociaux du pays selon des moyens et méthodes autoritaires dont vous pourrez trouver la description détaillée dans un article paru il y maintenant près de vingt ans.

Face à la montée du fondamentalisme qui progresse à la faveur de tous les bouleversements actuels du monde arabe, son successeur Bachar al-Assad se retrouve comme les Juifs en Israël, le dos à la mer avec le seul choix de vaincre ou mourir. Les Alaouites ont été rejoints dans leur résistance par les autres minorités religieuses de Syrie, Druzes, Chi’ites, Ismaéliens et surtout par les Chrétiens de toutes obédiences instruits du sort de leurs frères d’Irak et des Coptes d’Égypte.

Car, contrairement à la litanie que colportent les bien-pensants qui affirment que « si l’on n’intervient pas en Syrie, le pays sombrera dans la guerre civile »…. eh bien non, le pays ne sombrera pas dans la guerre civile. La guerre civile, le pays est dedans depuis 1980 quand un commando de Frères musulmans s’est introduit dans l’école des cadets de l’armée de terre d’Alep, a soigneusement fait le tri des élèves officiers sunnites et des alaouites et a massacré 80 cadets alaouites au couteau et au fusil d’assaut en application de la fatwa d’Ibn Taymiyya. Les Frères l’ont payé cher en 1982 à Hama – fief de la confrérie – que l’oncle de l’actuel président a méthodiquement rasée en y faisant entre 10 et 20 000 morts. Mais les violences intercommunautaires n’ont jamais cessé depuis, même si le régime a tout fait pour les dissimuler.

Alors, proposer aux Alaouites et aux autres minorités non arabes ou non sunnites de Syrie d’accepter des réformes qui amèneraient les islamistes salafistes au pouvoir revient très exactement à proposer aux Afro-américains de revenir au statu quo antérieur à la guerre de Sécession. Ils se battront, et avec sauvagerie, contre une telle perspective.

Peu habitué à la communication, le régime syrien en a laissé le monopole à l’opposition. Mais pas à n’importe quelle opposition. Car il existe en Syrie d’authentiques démocrates libéraux ouverts sur le monde, qui s’accommodent mal de l’autoritarisme du régime et qui espéraient de Bashar el-Assad une ouverture politique. Ils n’ont obtenu de lui que des espaces de liberté économique en échange d’un renoncement à des revendications de réformes libérales parfaitement justifiées. Mais ceux-là, sont trop dispersés, sans moyens et sans soutiens. Ils n’ont pas la parole et sont considérés comme inaudibles par les médias occidentaux car, en majorité, ils ne sont pas de ceux qui réclament le lynchage médiatisé du « dictateur » comme cela a été fait en Libye.

Si vous vous vous informez sur la Syrie par les médias écrits et audiovisuels, en particulier en France, vous n’aurez pas manqué de constater que toutes les informations concernant la situation sont sourcées « Observatoire syrien des droits de l’homme » (OSDH) ou plus laconiquement « ONG », ce qui revient au même, l’ONG en question étant toujours l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

L’observatoire syrien des droits de l’homme, c’est une dénomination qui sonne bien aux oreilles occidentales dont il est devenu la source d’information privilégiée voire unique. Il n’a pourtant rien à voir avec la respectable Ligue internationale des droits de l’homme. C’est en fait une émanation de l’Association des Frères musulmans et il est dirigé par des militants islamistes dont certains ont été autrefois condamnés pour activisme violent, en particulier son fondateur et premier Président, Monsieur Ryadh el-Maleh. L’Osdh s’est installé à la fin des années 80 à Londres sous la houlette bienveillante des services anglo-saxons et fonctionne en quasi-totalité sur fonds séoudiens et maintenant qataris.

Je ne prétends nullement que les informations émanant de l’OSDH soient fausses, mais, compte tenu de la genèse et de l’orientation partisane de cet organisme, je suis tout de même surpris que les médias occidentaux et en particulier français l’utilisent comme source unique sans jamais chercher à recouper ce qui en émane.

Second favori des médias et des politiques occidentaux, le Conseil National Syrien, créé en 2011 à Istanbul sur le modèle du CNT libyen et à l’initiative non de l’État turc mais du parti islamiste AKP. Censé fédérer toutes les forces d’opposition au régime, le CNS a rapidement annoncé la couleur. Au sens propre du terme…. Le drapeau national syrien est composé de trois bandes horizontales. L’une de couleur noire qui était la couleur de la dynastie des Abbassides qui a régné sur le monde arabe du 9è au 13è siècle. L’autre de couleur blanche pour rappeler la dynastie des Omeyyades qui a régné au 7è et 8è siècle. Enfin, la troisième, de couleur rouge, censée représenter les aspirations socialisantes du régime. Dès sa création, le CNS a remplacé la bande rouge par la bande verte de l’islamisme comme vous pouvez le constater lors des manifestations anti-régime où l’on entend plutôt hurler « Allahou akbar ! » que des slogans démocratiques.

Cela dit, la place prédominante faite aux Frères musulmans au sein du CNS par l’AKP turc et le Département d’État américain a fini par exaspérer à peu près tout le monde. La Syrie n’est pas la Libye et les minorités qui représentent un bon quart de la population entendent avoir leur mot à dire, même au sein de l’opposition. Lors d’une visite d’une délégation d’opposants kurdes syriens à Washington en avril dernier, les choses se sont très mal passées. Les Kurdes sont musulmans sunnites mais pas Arabes. Et en tant que non-arabes, ils sont voués à un statut d’infériorité par les Frères. Venus se plaindre auprès du Département d’État de leur marginalisation au sein du CNS, ils se sont entendus répondre qu’ils devaient se soumettre à l’autorité des Frères ou se débrouiller tout seuls. Rentrés à Istanbul très fâchés, ils se sont joints à d’autres opposants minoritaires pour démettre le président du CNS, Bourhan Ghalioun, totalement inféodé aux Frères, et le remplacer par un Kurde, Abdelbassett Saïda qui fera ce qu’il pourra – c’est à dire pas grand chose – pour ne perdre ni l’hospitalité des islamistes turcs, ni l’appui politique des néo-conservateurs Américains, ni, surtout, l’appui financier des Séoudiens et des Qataris.

Tout cela fait désordre, bien sûr, mais est surtout révélateur de l’orientation que les États islamistes appuyés par les néo-conservateurs américains entendent donner aux mouvements de contestation dans le monde arabe.

Ce ne sont évidemment pas ces constatations qui vont rassurer les minorités de Syrie et les inciter à la conciliation ou à la retenue. Les minorités de Syrie – en particulier, les Alaouites qui sont en possession des appareils de contrainte de l’État – sont des minorités inquiètes pour leur survie qu’elles défendront par la violence. Faire sortir le président syrien du jeu peut à la rigueur avoir une portée symbolique mais ne changera rien au problème. Ce n’est pas lui qui est visé, ce n’est pas lui qui est en cause, c’est l’ensemble de sa communauté qui se montrera encore plus violente et agressive si elle perd ses repères et ses chefs. Plus le temps passe, plus la communauté internationale entendra exercer des pressions sur les minorités menacées, plus les choses empireront sur le modèle de la guerre civile libanaise qui a ensanglanté ce pays de 1975 à 1990.

Il aurait peut être été possible à la communauté internationale de changer la donne il y a un an en exigeant du pouvoir syrien des réformes libérales en échange d’une protection internationale assurée aux minorités menacées. Et puisque l’Arabie et la Qatar – deux monarchies théocratiques se réclamant du wahhabisme – sont théoriquement nos amies et nos alliées, nous aurions pu leur demander de déclarer la fatwa d’Ibn Taymiyyah obsolète, nulle et non avenue afin de calmer le jeu. Il n’en a rien été. À ces minorités syriennes menacées, l’Occident, France en tête, n’a opposé que la condamnation sans appel et l’anathème parfois hystérique tout en provoquant partout – politiquement et parfois militairement – l’accession des intégristes islamistes au pouvoir et la suprématie des États théocratiques soutenant le salafisme politique.

Débarrassés des ténors sans doute peu vertueux du nationalisme arabe, de Saddam Hussein, de Ben Ali, de Moubarak, de Kadhafi, à l’abri des critiques de l’Irak, de l’Algérie et de la Syrie englués dans leurs conflits internes, les théocraties pétrolières n’ont eu aucun mal à prendre avec leurs pétrodollars le contrôle de la Ligue Arabe et d’en faire un instrument de pression sur la communauté internationale et l’ONU en faveur des mouvements politiques fondamentalistes qui confortent leur légitimité et les mettent à l’abri de toute forme de contestation démocratique.

Que les monarchies réactionnaires défendent leurs intérêts et que les forces politiques fondamentalistes cherchent à s’emparer d’un pouvoir qu’elles guignent depuis près d’un siècle n’a rien de particulièrement surprenant. Plus étrange apparaît en revanche l’empressement des Occidentaux à favoriser partout les entreprises intégristes encore moins démocratiques que les dictatures auxquelles elles se substituent et à vouer aux gémonies ceux qui leur résistent.

Prompt à condamner l’islamisme chez lui, l’Occident se retrouve à en encourager les manœuvres dans le monde arabe et musulman. La France, qui n’a pas hésité à engager toute sa force militaire pour éliminer Kadhafi au profit des djihadistes et à appeler la communauté internationale à en faire autant avec Bashar el-Assad, assiste, l’arme au pied, au dépeçage du Mali par des hordes criminelles qui se disent islamistes parce que leurs rivaux politiques ne le sont pas.

De même les médias et les politiques occidentaux ont assisté sans broncher à la répression sanglante par les chars séoudiens et émiratis des contestataires du Bahreïn, pays à majorité chiite gouverné par un autocrate réactionnaire sunnite. De même les massacres répétés de Chrétiens nigérians par les milices du Boko Haram ne suscitent guère l’intérêt des médias et encore moins la condamnation par nos politiques. Quant à l’enlèvement et la séquestration durable de quatre membres de la Cour Pénale Internationale par des « révolutionnaires » libyens, elle est traitée en mode mineur et passe à peu près inaperçue dans nos médias dont on imagine l’indignation explosive si cet enlèvement avait été le fait des autorités syriennes, algériennes ou de tel autre pays non encore « rentré dans le rang » des « démocratures », ces dictatures islamistes sorties des urnes.

À défaut de logique, la morale et la raison nous invitent tout de même à nous interroger sur cette curieuse schizophrénie de nos politiques et nos médias. L’avenir dira si notre fascination infantile pour le néo-populisme véhiculé par Internet et si les investissements massifs du Qatar et de l’Arabie dans nos économies en crise valaient notre complaisance face à la montée d’une barbarie dont nous aurions tort de croire que nous sommes à l’abri.

Alain Chouet, 27/06/2012

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Son site est une pépite pour ceux que ça intéresse – j’adore le “L’article XV de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen stipule que tout agent public doit rendre compte de sa gestion à ses mandants.”

Je lui ai fait pour ma part un petit mail de remerciement…

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Tu m’étonnes qu’il soit TRÈS énervé en ce moment – et qu’il vaut mieux qu’il n’y ait pas de commission d’enquête…

Ca va devenir intéressant quand certaines familles de victimes vont commencer à réagir…

Source: http://www.les-crises.fr/2012-analyse-de-la-situation-en-syrie-par-alain-chouet/


Attentats à Paris : cette guerre qui ne dit que trop son nom

Saturday 21 November 2015 at 17:50

Source : L’avenir.net, Thierry Dupiereux, 14-11-2015

La France en état d’urgence ou en état de guerre? Les apparences sont parfois trompeuses.-AFP

Le mot est écrit et prononcé à foison depuis hier soir. «Guerre » s’impose dans le vocabulaire post-attentat. Drôle de guerre en vérité qui recouvre beaucoup de choses au point de devenir une abstraction mise à toutes les sauces rhétoriques.

C’était assez prévisible. Suite aux attentats parisiens, les «philosophes people » que sont Bernard-Henri Levy et Michel Onfray ne pouvaient se priver de prêcher la bonne parole dans un tweet concis et percutant.

Pour BHL, le message tenait en quelques mots: «Charlie était un symbole. Là, c’est une guerre». Onfray, lui s’est montré plus disert, aux limites de ses 140 signes réglementaires: «Droite et gauche qui ont internationalement semé la guerre contre l’islam politique récoltent nationalement la guerre de l’islam politique ».

On connaît les bagarres «intellectuelles » qui opposent les deux hommes. On notera tout de même que dans ce cas-ci, tous les deux se sont mis à un certain diapason lexical où le mot «guerre » est lourd de sens.

« Les pires actes de violence en France depuis la Seconde Guerre mondiale ! »

 

Le terme de «guerre » a aussi été lâché par François Hollande. « Un acte de guerre » a-t-il déclaré. « Oui, nous sommes en guerre » a confirmé Manuel Valls aux journaux télé de 20h00. Dans la rue également, le mot circule, car c’est à de «véritables scènes de guerres » qu’ont été confrontés les Parisiens. Le Premier ministre britannique David Cameron n’a pas été en reste qualifiant les événements de la nuit dernière comme les «pires actes de violence en France depuis la Seconde Guerre mondiale ».

Côté belge on épinglera, le message de la présidente du Sénat, Christine Defraigne envoyé à son homologue français, Gérard Larcher où l’élue MR affirme que  «la Belgique se réveille, elle aussi, prête au combat, prête à soutenir, là où elle le peut, l’offensive lancée par sa voisine, littéralement sur pied de guerre ».

D’autres prononcent encore le mot, mais pour l’éluder. C’est le cas du chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy qui a estimé que nous n’étions pas «face à une guerre de religion, mais face à une lutte entre la civilisation et la barbarie ».

Tous ces exemples placent, au gré des discours, la guerre en tant que métaphore, état de fait, référence historique ou encore message politique. L’utilisation intensive du terme interpelle car dans une guerre, il y a généralement plusieurs camps, clairement identifiés. Ici ce n’est pas le cas et le mot guerre se trouve un peu vidé de sa substance.

« GUERRE n.f.: lutte armée entre États, considérée comme un phénomène historique et social . »

 

Faire la «guerre», bien, mais contre qui exactement? Hier, l’EI a présenté son attaque parisienne comme une riposte à la participation française contre Daech en Syrie. Après l’attentat, Bachar al-Assad, le président syrien, ennemi de Daech lui aussi, mais sévèrement critiqué par Paris, a pris le contre-pied de la compassion diplomatique généralisée en estimant que la France avait contribué à «l’expansion du terrorisme », un terrorisme contre lequel Bachar affirme aussi être en guerre. Les fronts de celles-ci sont définitivement loin d’être clairs.

La guerre contre le terrorisme en soi, n’existe pas. Ce mot dans son acceptation première est une «lutte armée entre états, considérée comme un phénomène historique et social » (Larousse). Il est à manier avec précaution parce qu’il induit certains effets collatéraux comme la suppression (momentanée) de certaines libertés, le renforcement des pouvoirs de l’exécutif, l’instauration de règles spéciales…

Ainsi lorsque François Hollande lâche que c’est un «acte de guerre », il n’est pas anodin que dans la foulée, les préfets évoquent des «couvre-feux » ou des «restrictions de libertés individuelles ». Il y a une suite logique, sémantique.

« On ne rend pas service à la population en utilisant ce terme »

 

La guerre contre le terrorisme  s’est substituée à la lutte antiterroriste comme cela avait été le cas sous l’administration Bush au lendemain des attentats contre les Twin Towers. C’est comme si le degré de riposte avait monté d’un cran et qu’on allait voir ce qu’on allait voir, laissant maladroitement et paradoxalement entendre que jusqu’ici, tout n’avait pas été fait pour enrayer le terrorisme.

Alors, contre-productive l’utilisation du mot guerre? Contacté ce samedi, Michel Liégeois, spécialiste en relations internationales et défense de l’UCL, n’est pas loin de le penser. «On ne rend pas service à la population en utilisant ce terme. C’est simplifier à outrance un conflit complexe asymétrique, multiforme avec un mot inapproprié. Disons qu’on en escompte peut-être une mobilisation générale derrière le chef de l’État».

Et si ce mot n’était finalement utilisé que de guerre lasse?

Source : L’avenir.net, Thierry Dupiereux, 14-11-2015

 

L’editorial du Guardian: Nous devons rester fermes après les attaques de Paris

Source : The Guardian, 16-11-2015

 

Vigile à Kathmandu, Nepal, au mémoire des victimes des attaques de Paris. Photograph: Sunil Sharma/Demotix/Corbis

Avant d’évoquer quoi que que soit d’autre, parlons des victimes. Au milieu du bruit qui suit un épouvantable acte de violence, au milieu du vacarme des débats et des argumentaires, il est facile de ne plus entendre la seule douleur de l’événement. Paris déplore la perte d’au moins 132 personnes qui, ce vendredi, se livraient à des activités inoffensives et heureuses: manger ensemble, regarder ensemble un match de football, écouter de la musique ensemble. Ils sont morts aujourd’hui, assassinés dans des circonstances absolument terrifiantes. Les survivants, les blessés, les Français tous ensemble, déjà blessés par les attaques meurtrières de Janvier, sont sous le choc. Dans leur perte, leur deuil, leur douleur, nous sommes avec eux.

Le Président Français a répondu aux tueries parisiennes en les qualifiant de déclaration de guerre. Cela semble incontestable. Parler des tirs et des explosions de vendredi soir comme de simples crimes, comme s’ils n’étaient qu’une suite de meurtres commis par des gangs urbains, passe à côté de quelque chose d’important. Ces meurtres ont été coordonnés, méticuleusement planifiés et, selon des témoins visuels, effectués avec une précision froide et militaire. François Hollande n’a pas, pour rien, parlé de confrontation avec « l’armée » d’EI (Etat islamique).

Et même si EI voulait réellement que cette nuit de massacre soit une déclaration de guerre, cela ne signifie pas que la France – ou le reste du monde-doive lui retourner le compliment. Parce que cela serait en effet un compliment. Déclarer la guerre à EI reviendrait à le flatter, lui accorder la dignité qu’il recherche avidement. Ce serait lui accorder le statut d’Etat, qu’EI revendique mais ne mérite pas. Cela reviendrait à confronter cette organisation meurtrière selon des termes qu’elle choisit elle-même, plutôt que selon nos propres termes.

De plus, ce type de rhétorique a un passé récent malheureux. En 2001, George W Bush a également étiqueté 9/11 comme une déclaration de guerre. Mais ce registre de guerre, autorisant implicitement son lot de mesures extrêmes, a conduit les USA et leurs alliés à prendre plusieurs décisions désastreuses.

Leur impact se ressent aujourd’hui encore, presque 15 ans plus tard. On peut inclure dans cette catégorie la chute orchestrée de l’Irak et l’incubation d’EI qui s’en est suivie.

Le vocabulaire de guerre posent un autre problème également: qui en est réellement partie prenante? M. Hollande parlait au nom de la France. Mais le massacre de Paris fut également perçu comme une attaque contre l’Europe, y compris contre les valeurs européennes. Il est clair qu’EI ne se confine pas à cette cible, car il attaque tous ceux qui tentent de faire barrage à son appel destructif à la haine sectaire. Jeudi dernier, une bombe a tué 43 personnes à Beyrouth. Le lendemain matin, un kamikaze a tué 18 personnes à Bagdad. Les deux attaques ont été attribuées à EI. Et il y a à peine quinze jours, un avion russe transportant 224 personnes a été détruit en vol dans le ciel égyptien, à nouveau, apparemment, un acte d’EI ou de ses affiliés. Et il ne faut pas oublier que les victimes les plus nombreuses d’EI ne sont pas des Occidentaux mais les musulmans qui ont la malchance de vivre dans giron mortel de ce groupe au Moyen-Orient.

Alors comment faut-il répondre? Il y a déjà eu un appel, qui ne fera sans doute que s’amplifier, à changer certains aspects de la démocratie, et tout particulièrement de la vie européenne, qui nous rendent vulnérables aux attaques. Il est naturel et humain qu’en présence d’une menace, on veuille fermer les frontières, interrompre la vague de réfugiés, et renforcer les pouvoirs de ceux qui nous protégeraient.

Dans ce climat, il peut être impopulaire d’appeler à la réflexion et l’examen. Mais si l’on a le sentiment que les valeurs de l’Europe sont en danger, alors la dernière façon de protéger ces valeurs seraient de les démanteler. Le message moral pour que l’Europe soit un lieu de refuge doit rester inchangé malgré ce qui s’est passé vendredi. L’allégation selon laquelle l’un de meurtriers serait venu en Europedéguisé en réfugié est éminemment suspecte, la prétendue preuve qu’un passeport syrien a été retrouvé reste hautement discutable. Beaucoup de ceux qui fuient la Syrie le font pour fuir EI. A tout prendre, ces réfugiés pourraient potentiellement représenter un atout majeur dans la lutte contre ce groupe meurtrier.

En Grande Bretagne, certains verront dans la nouvelle loi de Theresa May, édictant de nouveaux pouvoirs d’investigation, une mesure encore plus urgente désormais, après le drame à Paris. Mais jusqu’à ce qu’il soit démontré que la surveillance de masse aurait pu faire la différence dans le scénario mortifère qui vient de ce produire, cet argument doit rester là où il est. Notre point de vue de départ demeure que la surveillance de masse, celle de chacun d’entre nous, n’est ni nécessaire ni efficace. Quand les agences de renseignement recherchent une aiguille dans une botte de foin, rajouter du foin n’est pas la solution. Lorsqu’elles ont besoin d’enquêter sur un individu ou un groupe, elles doivent s’assurer d’avoir au préalable – et normalement elles l’obtiennent- l’autorisation légale de le faire. Par ailleurs, s’il était besoin de le répéter, les sociétés européennes ne défendent pas leurs valeurs lorsqu’elles se retournent contre leurs citoyens musulmans – au contraire, elles violent ces valeurs.

Ce qui nous ramène à la Syrie. La défaite d’EI en Syrie ne fera pas totalement disparaître la menace de la violence djihadiste, mais elle constitue une étape indispensable pour avancer vers cet objectif. Cela nécessite sûrement une action militaire, mais cela ne signifie pas que l’Occident doive prendre en charge tous les combats. La reconquête de Sinjar au Nord de l’Irak, où EI a dû reculer vendredi dernier, est à ce propos pleine d’enseignements. La combinaison d’avions militaires américains dans le ciel et de combattants kurdes au sol s’est révélée décisive. Mais le cœur de la réponse doit aussi être diplomatique.

Les pourparlers de Vienne samedi dernier ont rassemblé des protagonistes disparates, notamment la Russie, les USA, l’Iran et l’Arabie Saoudite. Il se peut qu’aujourd’hui – dans la mesure où la Russie réalise que son soutien acharné à Bashar al-Assad se paie d’un lourd tribut – ces pays arrivent à se montrer enfin à la hauteur. Le moment est peut-être venu d’aligner des intérêts auparavants conflictuels. Nous exhortons les autorités de tous ces pays à saisir ce moment – au nom de la Syrie, au nom des innocents morts à Paris, au nom de notre avenir commun.

Source : The Guardian, 16-11-2015

 

ATTAQUES DE PARIS : FAUT-IL PARLER DE “GUERRE” ?

La presse étrangère plus prudente que les médias français

Source : Suite de l’article à lire sur Arrêt sur images, Vincent Coquaz, 16-11-2015

Peut-on vraiment parler de “déclaration de guerre” comme l’a fait François Hollande pour qualifier la série d’attentats du vendredi 13 novembre à Paris et Saint-Denis ? Et peut-on qualifier de “scènes de guerre” ou même de “situation de guerre“, comme on a pu le lire dans la plupart des médias, ces attaques qui ont causé la mort d’au moins 129 personnes ? Contrairement aux médias français, la presse étrangère (et une poignée de spécialistes français) s’interrogent depuis vendredi.
Un acte de guerre.” C’est en ces termes que François Hollande a qualifié les attaques de Paris et de Saint-Denis du vendredi 13 novembre 2015, qui ont fait au moins 129 morts, lors de sa première allocution. “Nous sommes en guerre“, insistait-il aujourd’hui, devant le Congrès réuni à Versailles. “Oui nous sommes en guerre, et nous frapperons cet ennemi, Daesh“, insistait Manuel Valls le lendemain. Un terme repris par certains dirigeants étrangers, dont Jan Jambon ministre de l’intérieur belge. Et un terme repris surtout sans distance par la quasi-totalité de la presse française.

Pourtant, certains experts, du djihadisme ou des terrains de guerre, s’interrogent depuis vendredi sur la pertinence de ce terme. Le mot “guerre” pose par exemple problème au photographe de l’AFP, Dominique Faget, l’un des premiers journalistes sur place vendredi soir et qui a photographié pendant plusieurs heures “les rescapés et les victimes qui ont réussi à s’enfuir du Bataclan“.
 
Source : Suite de l’article à lire sur Arrêt sur images, Vincent Coquaz, 16-11-2015

Source: http://www.les-crises.fr/attentats-a-paris-cette-guerre-qui-ne-dit-que-trop-son-nom-par-thierry-dupiereux/


Ex-directeur de la DGSE : On a catégoriquement refusé l’aide des services secrets syriens !

Saturday 21 November 2015 at 10:13

Pour ceux qui ne veulent pas voir, Alain Chouet confirme ainsi en quasi-totalité les informations de Bernard Squarcini (qu’auraient proposé les services syriens, si ce n’est des informations sur nos djihadistes ?). Vous imaginez bien la profondeur du scandale d’État pour que tous ces agents secrets parlent et dézinguent de facto autant nos politiques (ah non, c’est vrai qu’il y en a qui croient que c’est un vaste complot…).

Bien entendu, il y a des contreparties dans ce genre de cas, mais rouvrir une ambassade à Damas et cesser d’appeler à l’assassinant de Bachar al-Assad était ils un grand prix ? L’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, la Croatie, l’Estonie… tous le payent, il n’y a que nous qui avons des “croisés” comme dirigeants, qui ont oublié que leur première mission, c’est de protéger leurs concitoyens…

Source : Michel Delean. À lire en intégralité sur Mediapart - le 20 novembre 2015.

Ancien haut responsable de l’espionnage français, Alain Chouet pointe les failles des services de renseignement intérieurs et extérieurs au lendemain des attentats du 13 novembre. Il plaide pour un investissement dans le renseignement humain, dans la police, la gendarmerie et l’armée. Alain Chouet a effectué toute sa carrière au sein de la DGSE (l’espionnage français), dont il a été le chef du service de renseignement de sécurité de 2000 à 2002, après avoir été en poste notamment à Beyrouth, Damas et Rabat. Il est l’auteur de plusieurs livres sur le monde arabe et sur le terrorisme.

[...]

Manquons-nous de renseignements en provenance de pays déstabilisés ou en guerre comme la Syrie, l’Irak, la Libye ?

Énormément, oui. La France a rompu tous les liens de la DGSE avec les services syriens. Or les services secrets sont faits pour dîner avec le diable, sinon ils ne servent à rien. Que le pouvoir politique ait voulu rompre avec le régime syrien, c’est une décision qu’il a toute légitimité pour prendre. Mais le rôle des services spéciaux est de permettre – si besoin est – de maintenir un canal discret de communication. Quand, récemment, les services syriens ont tenté de rétablir un canal discret via d’anciens responsables des services français [il s’agit notamment de Bernard Squarcini, l’ancien patron de la DCRI – ndlr], il leur a été opposé un refus catégorique. Que ce soit à droite ou à gauche, il y a une méconnaissance de ce qu’est un service spécial. Notre métier est de garder le contact avec des gens infréquentables. Nous ne sommes ni des juges, ni des flics, ni des diplomates, qu’on nous laisse parler aux agents syriens ne serait pas une reconnaissance politique du régime de Bachar. Avec la Libye et l’Irak, on a aussi perdu quelques bons clients ces dernières années. Ce n’était pas toujours blanc de poil, mais on avait l’habitude de travailler avec eux contre la violence islamiste. On savait que sur une liste de 50 islamistes qu’ils nous envoyaient, il y avait en fait cinq opposants à leur régime. On en tenait compte. Aujourd’hui, on est aveugles, on n’a plus rien qui vienne de ces trois pays. Et dans les zones grises où il n’y a plus vraiment de pouvoir d’État, au Sahel ou ailleurs, il est difficile d’envoyer un blond aux yeux bleus se trimballer, ou de recruter des agents sur place, avec des groupes islamo-mafieux très dangereux qui tuent sans hésiter. [...]

Existe-t-il des pays qui ne jouent pas le jeu, ou qui ont d’autres logiques que la nôtre vis-à-vis des djihadistes ?

Oui, il y a les sponsors idéologiques et financiers du terrorisme. Les pétromonarchies du Golfe, qui essayent par tous les moyens – et en particulier par la diffusion de l’idéologie salafiste – d’empêcher la constitution d’un axe chiite du Liban jusqu’à l’Iran, qui ont un problème de légitimité musulmane, et qui veulent empêcher toute dérive démocratique. L’Arabie saoudite, par exemple, s’emploie depuis 30 ans à distiller le message salafiste et wahhabite en Europe, à travers des écoles et des fondations, et le résultat est là aujourd’hui. Il y a trente ans, les musulmans de France ne savaient pas ce qu’était le wahhabisme. Cela étant, l’Iran a pratiqué le terrorisme d’État dans les années 1980 et y a renoncé.

Pour conclure, vous militez pour moins de collecte de données, et plus de moyens humains au sein des services français.

Aux États-Unis, le dragage massif de données n’a pas permis d’éviter les attentats de Boston, et même pas les mitraillages hebdomadaires sur les campus qui avaient été annoncés par leurs auteurs sur les réseaux sociaux. On n’a vraiment pas intérêt à mettre tous nos œufs dans le panier des écoutes massives. Il nous faut des ressources humaines et opérationnelles. Pour le prix d’un satellite d’écoute, on peut embaucher des centaines de personnes. Mais ça demande du temps, et de la volonté politique. À la fin des années 1990, une fois passés les attentats de 1995 qui étaient liés à la situation algérienne, on est venu me dire que mon service coûtait cher et qu’il ne servait pas à grand-chose puisque rien ne se passait. Bercy rechignait à budgétiser les postes. À la DGSE aujourd’hui, il doit y avoir 4 500 à 5 000 personnes, dont 1 000 qui font de l’administratif. Le problème n’est pas tant les effectifs que la qualité et l’utilisation des effectifs, comme à la DGSI. J’ajoute qu’à la gendarmerie, il y a 80 000 personnes qui, à une époque, quadrillaient le territoire et parlaient à tout le monde. On les a reconvertis en percepteurs d’impôts et pères Fouettard sur le bord des routes, au lieu de créer un corps spécifique, une police des routes. Du coup, le maillage territorial du renseignement et la défense opérationnelle du territoire ont été affaiblis.

Source : Michel Delean. À lire en intégralité sur Mediapart - le 20 novembre 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/ex-directeur-de-la-dgse-on-a-categoriquement-refuse-laide-des-services-secrets-syriens/