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Qui est à blâmer pour le gâchis syrien ? Poutine ! Par Robert Parry

Sunday 25 October 2015 at 01:24

Source : Consortium News, le 13/09/2015

Exclusif : Un nouveau “groupe de réflexion” officiel de Washington est en train d’accuser le président de Russie, Poutine, d’être responsable de la crise syrienne, alors que ce sont les néoconservateurs et le président George W. Bush qui ont commencé à mettre le désordre actuel au Moyen-Orient en envahissant l’Irak, les Saoudiens qui ont financé Al-Qaïda, et les Israéliens qui ont comploté pour un « changement de régime », dit Robert Parry.

Par Robert Parry

Le sénateur Lindsey Graham s’est peut-être trompé sur à peu près tout ce qui concerne le Moyen-Orient, mais au moins il a l’honnêteté de dire aux Américains que la direction prise actuellement par la guerre en Syrie et en Irak exigera une ré-invasion de la région par les États-Unis et une occupation militaire pour une durée indéterminée de la Syrie, drainant la richesse américaine, tuant d’innombrables Syriens et Irakiens, et condamnant des milliers, sinon des dizaines de milliers de soldats américains.

La sombre prévision de Graham d’une guerre sans fin influera peut-être sur les intentions de vote pour sa personne que pour moins de un pour cent, signe que même les républicains aux discours violents ne sont pas désireux de revivre la guerre désastreuse en Irak. En ce qui concerne le désordre en Syrie, il y a, bien sûr, d’autres options, telles que la coopération avec la Russie et l’Iran pour résister aux conquêtes de l’État Islamique et de Al-Qaïda et un accord de partage du pouvoir négocié à Damas. Mais ces idées pratiques sont encore exclues.

Le “groupe de réflexion” officiel de Washington maintient toujours que le président syrien Bashar al-Assad “doit partir”, que les diplomates américains devraient simplement poser un ultimatum pour un “changement de régime”, ne pas s’engager dans un compromis sérieux, et que le gouvernement américain doit faire obstruction à l’aide de la Russie et de l’Iran, même au risque de faire s’effondrer le régime laïc d’Assad en ouvrant la porte à une victoire d’Al-Qaïda et de l’État Islamique.

Bien sûr, si cette victoire se produit, beaucoup de doigts accusateurs se lèveront, partageant le blâme entre le président Barack Obama, pour n’avoir pas été assez « dur », et le président russe Vladimir Poutine, qui, pour tout problème géopolitique, est devenu une sorte d’aimant attirant les accusations. Ce vendredi, lors d’un discours à Fort Meade dans le Maryland, Obama a carrément fait une déclaration publique attribuant les torts à Poutine.

Obama a accusé Poutine de ne pas s’être joint au mouvement pour imposer le « changement de régime » en Syrie que désirent les États-Unis. Mais le “Assad doit partir !” d’Obama comporte ses propres risques, comme cela devrait être évident à la suite des expériences américaines en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Ukraine. Evincer un « méchant » désigné ne conduit pas nécessairement à ce que ce soit un « bon gars » qui prenne la suite.

Le plus souvent, ce “changement de régime” produit un chaos sanglant dans le pays cible avec des extrémistes qui comblent le vide. L’idée que ces transitions peuvent être manipulées avec précision est une fiction arrogante qui est peut-être populaire dans les conférences des groupes de réflexion à Washington, mais la manœuvre ne fonctionne pas aussi bien sur le terrain.

Et, dans la construction du procès fait à Assad, il y a eu un élément de « communications stratégiques » – la nouvelle formule du gouvernement américain pour désigner un mélange d’opérations psychologiques, de propagande et de relations publiques. Le truc est d’user et d’abuser de l’information pour contrôler ce que perçoivent les Américains et la population mondiale afin de promouvoir les objectifs stratégiques de Washington.

Donc, même s’il est sûrement vrai que les forces de sécurité syriennes ont parfois riposté violemment dans cette guerre civile brutale, une partie de ce qu’on en a rapporté a été exagérée, comme les accusations à présent discréditées selon lesquelles les forces d’Assad auraient lancé une attaque au gaz sarin dans la banlieue de Damas le 21 août 2013. Les preuves amènent maintenant à la conclusion que ce sont les extrémistes islamistes qui ont mené une opération sous faux drapeau dans le but de leurrer Obama pour qu’il bombarde l’armée syrienne, une tromperie qui a presque fonctionné. [Voir Consortiumnews.com "The Collapsing Syria-Sarin Case."]

Encore bien avant, des observations indépendantes de la façon dont la crise syrienne s’est développée en 2011 révèlent que les extrémistes sunnites faisaient partie de la coalition de l’opposition depuis le début, tuant policiers et soldats syriens. Que cette violence, à son tour, a provoqué des représailles du gouvernement qui ont aggravé les divisions en Syrie en exploitant les ressentiments de la part de la majorité sunnite, qui s’était depuis longtemps sentie marginalisée dans un pays où alaouites, chiites, chrétiens et laïcs sont mieux représentées dans le régime d’Assad. [Voir "Origines cachées de la guerre civile en Syrie." de Consortiumnews.com]

Une solution évidente

La solution manifeste serait un arrangement de partage du pouvoir qui donne aux sunnites plus d’influence, mais ne nécessite pas immédiatement d’exiger d’Assad, qui est considéré comme le protecteur des minorités, de démissionner comme condition préalable. Si Obama optait pour cette approche, de nombreux opposants politiques sunnites d’Assad employés par les États-Unis pourraient être conviés à accepter un tel arrangement ou à perdre leur financement. Beaucoup si ce n’est tous rentreraient dans le rang. Mais cela nécessite qu’Obama abandonne son mantra “Assad doit partir !”.

Ainsi, alors que la voix officielle de Washington continue à tenir des propos durs contre Assad et Poutine, la situation militaire en Syrie continue de se détériorer avec l’État Islamique et la filiale d’Al-Qaïda, le Front al-Nosra, qui gagnent du terrain, aidés par un soutien financier et militaire des “alliés” régionaux des États-Unis, dont la Turquie, l’Arabie Saoudite, le Qatar et d’autres états du Golfe persique sunnite. Israël a également fourni une aide au Front al-Nosra, prenant soin des soldats blessés le long des hauteurs du Golan et bombardant les forces pro-gouvernementales à l’intérieur de la Syrie.

Le président Obama peut avoir l’impression que ses négociations avec l’Iran pour restreindre son programme nucléaire – alors que les dirigeants israéliens et les néoconservateurs américains sont favorables à une campagne de bombardement-boum-boum – l’ont mis dans l’obligation d’apaiser Israël et l’Arabie Saoudite, y compris dans le soutien qu’apportent ces deux pays au « changement de régime » qu’ils désirent en Syrie, et en tolérant l’invasion menée par l’Arabie au Yémen. [Voir Consortiumnews.com "On Syria, Incoherence Squared."]

On m’a dit en privé qu’Obama a été d’accord avec le soutien accru de Poutine au régime d’Assad – et peut-être même l’a encouragé, réalisant que c’est là le seul véritable espoir d’éviter une victoire sunnite extrémiste. Mais publiquement Obama sent qu’il ne peut pas approuver cette démarche rationnelle. Aussi, Obama, qui est devenu très expérimenté dans l’art de parler de plusieurs voix, a rejoint le camp du dénigrement de la Russie – se partageant la scène avec les suspects habituels, ce qui comprend la page éditoriale du New York Times.

Dans un éditorial en première page samedi, intitulé “Manœuvres militaires risquées de la Russie en Syrie”, le Times écorchait vif la Russie et Poutine, leur reprochant d’essayer de sauver le gouvernement d’Assad. Bien que Assad ait gagné dans une élection multi-parti qui s’est tenue en 2014 dans les régions de la Syrie où un vote était possible, le Times juge qu’il est un “dictateur impitoyable”, et semble se délecter du fait que “son emprise sur le pays aille en s’affaiblissant”.

Puis le Times reprend l’affirmation du “groupe de réflexion” rejetant sur Poutine la responsabilité de la crise syrienne. “La Russie a été depuis longtemps le principal soutien de M. Assad, le protégeant des critiques et des sanctions au Conseil de sécurité des Nations-Unis et fournissant des armes à son armée”, affirme le Times. “Mais la dernière aide apportée peut augmenter l’engagement de la Russie dans le conflit jusqu’à un nouveau et plus dangereux niveau.”

Citant l’arrivée signalée d’une équipe russe de précurseurs, le Times a écrit : “Les Américains disent que les intentions des Russes ne sont pas claires. Mais ils sont si inquiets que le secrétaire d’état John Kerry a appelé le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov deux fois ce mois-ci pour le prévenir d’une possible “confrontation” avec les États-Unis, si l’accroissement des forces russes conduisaient à des opérations offensives russes en soutien aux forces de M. Assad pouvant atteindre les formateurs américains ou leurs alliés.

“Les États-Unis mènent des frappes aériennes en Syrie contre l’État Islamique, qui cherche à établir un califat en Syrie et en Irak, et cherchent aussi à entraîner et armer des groupes d’opposition modérée pouvant sécuriser le terrain pris aux extrémistes.”

Double standard, au carré

En d’autres termes, dans le monde bizarre de l’opinion de l’élite américaine, la Russie s’engage dans des actions “dangereuses” quand elle porte assistance à un gouvernement reconnu internationalement en lutte contre une menace terroriste, mais il est parfaitement normal que les États-Unis s’engagent dans des actions militaires unilatérales à l’intérieur même du territoire Syrien sans l’accord de son gouvernement.

Dans ce contexte des USA prenant ombrage de l’aide apportée par la Russie au gouvernement syrien, on doit aussi remarquer qu’il est habituel pour le gouvernement étatsunien de fournir une aide militaire à des régimes partout dans le monde, y compris des conseillers militaires au régime assiégé qu’ont créé les États-Unis en Irak et des armes sophistiquées à des pays qui mènent des attaques au-delà de leurs propres frontières, comme Israël et l’Arabie Saoudite.

Clairement le Times croit que ce qui est bon pour les oies américaines n’est pas bon pour les jars russes. Et en effet, si l’aide russe au gouvernement syrien conduit à une “confrontation” avec les forces américaines ou alliées, c’est la Russie qui doit en être blâmée, bien que ses forces soient là avec la permission du gouvernement, et pas celles des États-Unis et de ses alliés.

Le Times défend aussi les bizarres efforts faits la semaine dernière par le Département d’État pour mettre en place un blocus aérien destiné à empêcher les Russes de réapprovisionner l’armée syrienne. Le Times déclare :

“Les Etats-Unis ont demandé aux pays dans le couloir aérien entre la Russie et la Syrie de fermer leur espace aérien aux vols russes, sauf si Moscou peut prouver qu’ils ne sont pas utilisés pour le réapprovisionnement de l’armée du régime d’Assad. La Bulgarie l’a fait, mais la Grèce, autre membre de l’OTAN, et l’Irak, qui dépend des États-Unis s’il veut être sauvé de l’État Islamique, jusqu’à présent ne l’ont pas fait. Les dirigeants du monde doivent profiter de l’Assemblée générale des Nations Unies ce mois-ci pour faire connaître clairement les dangers qu’un engagement croissant des Russes poserait aux efforts visant à mettre fin aux combats.”

Étant donné le bilan tragique du New York Times et d’autres organes de presse ayant promu les plans désastreux de “changement de régime”, dont l’invasion de l’Irak par George W. Bush en 2003 et la campagne de bombardement de la Libye par Obama en 2011, vous penserez peut-être que les rédacteurs devraient comprendre que les plans les mieux conçus par les guerriers d’opérette finissent souvent par mal tourner.

Et, dans le cas qui nous occupe, le calcul fait que destituer Assad pour le remplacer par quelque homme politique agréé-par-les-penseurs-de-Washington résoudrait d’une façon ou d’une autre les problèmes syriens peut très bien finir par la chute du gouvernement largement laïc de Damas et l’arrivée des coupeurs de têtes de l’État Islamique et des bandes de comploteurs terroristes d’Al-Qaïda.

Avec le pavillon noir de l’État Islamique flottant sur l’ancienne cité de Damas, la sinistre prédiction du sénateur Graham, une invasion militaire de la Syrie suivie d’une occupation pour un temps indéterminé, pourrait bien s’avérer prophétique, au moment où les États-Unis entrent dans la phase finale de leur transformation, passant d’une république de citoyens à un État impérial autoritaire.

Source : Consortium News, le 13/09/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/qui-est-a-blamer-pour-le-gachis-syrien-poutine-par-robert-parry/


Pascal Boniface : pourquoi je suis attaqué…

Sunday 25 October 2015 at 00:19

Source : Association France Palestine, le 24 septembre 2015.

Géopolitologue de formation, directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques, Pascal Boniface est l’auteur de nombreux ouvrages de politique internationale. Défenseur des droits des Palestiniens, il est au cœur de polémiques depuis sa publication en 2011 des Intellectuels faussaires, où il dénonce, notamment, Bernard Henri-Lévy, Caroline Fourest ou Philippe Val. Il publia également en 2014 La France malade du conflit israélo-palestinien, avant de revenir en 2015 avec Les Pompiers pyromanes. C’est l’invité de l’AFPS.

Les Intellectuels faussaires (2011), Les Intellectuels Intègres (2013), Les Pompiers pyromanes (2015), et entre temps, La France malade du conflit israélo-palestinien (2014). Dans quelle mesure la Palestine joue-t-elle un rôle déterminant dans les catégories mises en avant dans vos livres, intègres ou faussaires ?

Le conflit israélo-palestinien est très paradoxal. Ca n’est pas un conflit majeur, comparé à d’autres, en terme de nombre de morts, même si l’été dernier a été particulièrement meurtrier. Il occupe une place centrale sur l’échiquier politique et sociétal français parce qu’il est celui qui déclenche le plus de passion, celui qui fait que des gens ne vont plus se parler, celui qui amène le plus d’irrationalité. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un clivage entre intègre et faussaire, mais ce que j’observe c’est que beaucoup de gens n’osent pas prendre position sur le conflit israélo-palestinien de peur d’être pris à partie, de peur, s’ils s’engagent dans une voie critique du gouvernement israélien, d’être accusé d’antisémitisme, ce qui est l’une des accusations les plus lourdes à supporter en France.

D’ailleurs, je croise tellement d’universitaires ou de journalistes, sans parler de responsables politiques, qui me disent : « Je pense comme toi sur le conflit israélo-palestinien, mais jamais je n’oserais m’exprimer en public ». Ca veut bien dire qu’il existe des pressions directes ou indirectes, ou de l’autocensure. En tout cas, je note qu’il y a un climat plus lourd sur ce conflit.

Récemment, sur Beur FM, vous accusiez très clairement Bernard Henri-Lévy et ses réseaux d’essayer de vous mettre au placard médiatique. Sur quoi appuyez-vous votre plainte ? Et surtout, pensez-vous que vos positions sur la Palestine en sont à l’origine ?

C’est un ensemble en réalité, et pas spécifiquement Bernard Henri-Lévy. Ce qui m’étonne aujourd’hui, c’est que les mêmes qui me disent « Je suis Charlie », veulent empêcher d’autres de s’exprimer. Il y a tout de même une profonde contradiction entre le fait de vouloir plaider pour la liberté d’expression, en tant que valeur fondamentale de la République, tout en empêchant ceux qui ne sont pas en accord avec vous de s’exprimer. Effectivement, certains médias m’accueillent, et d’autres me bannissent. . Or, on ne trouvera dans aucun de mes écrits, aucune de mes interventions, une phrase pouvant être qualifiée d’antisémite. Ce sont des procès calomnieux qui me sont faits, et notamment dans les milieux de gauche, puisqu’il devient de plus en plus complexe de se dire de gauche tout en soutenant un gouvernement d’extrême droite en Israël. Et pour cela, ils refusent le débat politique car ils savent que dans le combat contre l’antisémitisme, je suis un allié, mais dans la protection de l’actuel gouvernement israélien, je suis un homme à abattre. Vous comprendrez donc qu’ils placent le second objectif devant le premier.

Justement, vous avez quitté le Parti Socialiste en 2003. Il est aujourd’hui au pouvoir. Comment visualisez-vous son évolution, sur le Proche-Orient, depuis que vous l’avez quitté ?

Il y a une évolution. Le fait que le groupe socialiste à l’Assemblée Nationale ait porté le projet de reconnaissance de l’Etat de Palestine, et que seulement quelques individus, très minoritaires dans leur parti, n’aient pas soutenu l’initiative, cela aurait été inimaginable il y a encore une dizaine d’années. Cependant, le PS reste divisé sur l’attitude à adopter sur le conflit israélo-palestinien, avec d’un côté des gens très engagés en faveur de la défense d’Israël, et d’un autre ceux qui sont, je dirais, modérément engagés en faveur des Palestiniens. Mais la majorité des députés et des sénateurs socialistes ont bien voté la résolution.

Cela est lié d’abord à une nouvelle génération d’adhérents, et à une évolution claire de la société française. L’idée qui prétend qu’un petit pays démocratique au Proche-Orient est menacé par des dictatures l’entourant ne tient plus, et surtout, la réalité de l’occupation et ses conséquences sautent chaque jour de plus en plus aux yeux.

Le CRIF est fréquemment accusé d’influencer les principaux partis français sur le Proche-Orient, mais aussi de bloquer les médias dans leur couverture du conflit. En tant qu’intervenant dans certaines émissions médiatiques, quel est votre avis ?

Il ne faut pas tomber dans le complotisme, et d’ailleurs celles et ceux qui sont en faveur de l’auto-détermination du peuple palestinien doivent être intraitables sur l’antisémitisme et les théories du « complot juif ». Mais en même temps, le CRIF est une réalité. Cette organisation fait sa politique et dit publiquement avoir deux objectifs : lutter contre l’antisémitisme et défendre le gouvernement israélien. Ne surestimons pas le poids du CRIF dans notre société. Je pense d’ailleurs que l’autocensure est bien plus présente que la censure. Il y a une peur fantasmée de journalistes, personnalités ou politiques sur les conséquences que l’on pourrait avoir si on adoptait pour la Palestine un langage quelque peu différent. Il faut essayer de dialoguer avec le CRIF, certains d’ailleurs sont ouverts au débat, d’autres non, signe de l’hétérogénéité de ses membres. Mais, certains membres du CRIF privilégient la protection du gouvernement israélien à la lutte contre l’antisémitisme.

J’ai pu observer sur les réseaux proches de la mouvance Soral-Dieudonné, des attaques virulentes à votre encontre. Dans le même temps, des individus, comme Patrick Klugman récemment, vous placent dans le même camp politique que Soral et Dieudonné. Comment tenir sur cette ligne de crête ?

Pour ceux qui, comme Patrick Klugman, mettent la défense du gouvernement israélien au premier plan de leurs priorités, je dois poser un problème. D’ailleurs, il dénonce mon « obsession israélienne », alors que si l’on suit mes publications et travaux, c’est évident qu’Israël m’intéresse moins que lui. Ce que vous dîtes est vrai, pour Klugman je suis un antisémite, pour Soral je suis vendu aux Juifs. C’est une facilité de dire que lorsque l’on est attaqué par deux extrêmes on est dans la vérité, et je n’aurai pas cette facilité là, mais j’assume clairement les deux. Je n’accepte pas les thèses de Soral qui parlent des Juifs de manière générale, qui les essentialisent alors même qu’il y a une grande diversité d’opinions chez les Juifs sur ces questions qui nous intéressent. Je le répète, il faut être intraitable vis-à-vis de l’antisémitisme, mais dans le même temps ne pas céder sur notre soutien au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, y compris les Palestiniens.

J’entends bien votre réponse, mais les attaques à votre encontre vont parfois jusqu’à des accusations d’être un agent de l’étranger, vendu aux russes ou aux qataris. Beaucoup d’individus cèderaient fassent à une telle virulence. La ligne de crête est périlleuse, non ?

Je n’ai pas trop le choix. Je suis tellement attaqué que si je cédais d’un pouce sur telle ou telle question je donnerais raison à mes accusateurs. Je suis assez tranquille car je sais que ceux qui sont de bonne foi voient ma ligne politique constante, et les positions que je prends depuis une vingtaine d’années sur les questions géopolitiques peuvent être jugées cohérentes. Je suis sur une ligne gaullo-miterrandienne en politique étrangère, qui ne varie pas et qui peut expliquer toutes mes positions de l’Ukraine à la Chine en passant par l’Amérique Latine, l’Afrique, le Proche-Orient et les relations aux Etats-Unis. Souvent, je constate que les gens qui m’adressent les attaques les plus violentes refusent de débattre avec moi, j’imagine que cela vient d’un manque d’arguments de leur part. Leur dernière arme c’est la calomnie. J’ai ainsi été vendu aux Arabes, aux Chinois, aux Russes, aux Turcs. Or, je crois, et l’histoire le prouve puisque les faits sont bien documentés, que mes prises de positions ont valu de nombreux déboires à ma personne et à l’IRIS. Certes, je passe dans les médias et l’IRIS a survécu, mais je sais qu’elle aurait été dans une pérennité financière sans commune mesure si j’avais été plus prudent dans l’expression de mes opinions. Sauf que je n’ai pas choisi ce métier pour me censurer, et il est un peu tard, selon moi, pour devenir courtisan.

Vous semblez d’ailleurs moins présent dans les médias comparés à quelques années auparavant…

Je suis toujours invité à C dans l’air, sur France 5, mais c’est vrai qu’auparavant je publiais assez facilement des tribunes dans Libération, Le Monde, et même Le Figaro, et aujourd’hui c’est refusé quasi systématiquement. Les réseaux sociaux permettent un petit peu de compenser, mais cela reste limité. J’étais par exemple fréquemment invité à France Inter, et puis cela a cessé avec l’arrivée de Philippe Val, et ça continue maintenant encore. France Culture est aussi compliquée. D’ailleurs, pour les trois ouvrages que vous avez évoqués au départ, j’ai eu du mal à les faire publier. Certains éditeurs qui m’avaient approché pour que je travaille avec eux ont refusé ces manuscrits. Symbole de la fermeture de nos milieux éditoriaux, où on revendique l’espace de liberté, dire « Je suis Charlie », mais dans le même temps ils ont peur. Certains me l’ont dit très clairement : « vous attaquez des gens qui sont vindicatifs et qui risquent de nous provoquer des ennuis si on vous publie ».

N’y a-t-il pas un paradoxe, puisque depuis le début de l’entretien nous avons évoqué les évolutions de la société française, sur la Palestine ou d’autres questions, et là on constate avec vos propos, à l’inverse, un renfermement dans certains milieux ?

Justement, c’est contradictoire et complémentaire. C’est parce que la société change que le combat devient plus essentiel. Défendre la cause d’Israël était plus simple il y a trente ans que maintenant. Affirmer qu’Israël est un petit Etat tolérant, démocratique, ouvert, est plus compliqué aujourd’hui. Du coup, les plus ardents défenseurs d’Israël se crispent, et on ressent une sorte de terrorisme intellectuel, qui peut devenir très dangereux à terme. L’accusation d’antisémitisme est brandie de façon quasi automatique par certains dès que l’on émet des critiques à l’égard d’Israël, ce qui tétanise de nombreuses personnes. Mais dans le même temps, cela crée une colère et une rancœur qui alimentent un phénomène que les amis du gouvernement israélien prétendent vouloir combattre. C’est odieux d’accuser d’antisémitisme des gens qui ne font que prôner le respect de valeurs universelles.

En tant que directeur de l’IRIS, comment analysez-vous le traitement de la question palestinienne dans le monde universitaire français ?

Il est éclaté. Ca n’est pas un espace très contraint. Evidemment, quiconque entame une carrière de chercheur sur la Palestine peut avoir des craintes pour sa carrière, s’inquiéter des nombreux obstacles qu’il risque d’avoir sur sa route. Cependant, ce n’est pas dans le monde universitaire que la contrainte est la plus importante. Vous avez de nombreux enseignants et universitaires qui prennent explicitement positions pour les droits du peuple palestinien, et inversement. La diversité des opinions est tout de même respectée.

Source: http://www.les-crises.fr/pascal-boniface-pourquoi-je-suis-attaque/


Exclusif : 50 agents de renseignement disent que leurs rapports sur ISIS ont été trafiqués

Saturday 24 October 2015 at 01:26

Source : The Daily Beast,

Dans le milieu des professionnels du renseignement, qui sont payés pour donner leur vraie évaluation de la guerre avec ISIS et qui constatent que leurs rapports sont transformés en discours lénifiants, on parle de “révolte”.

Plus de 50 analystes du renseignement travaillant pour le Central Command militaire des États-Unis se sont officiellement plaints de ce que leurs rapports sur ISIS et la branche d’al-Qaïda en Syrie étaient altérés de façon inappropriée par de hauts responsables. Le Daily Beast l’a appris.

Les plaintes ont incité l’inspecteur général du Pentagone à ouvrir une enquête sur les manipulations supposées des rapports du renseignement. Le fait que tant de gens se soient plaints suggère l’existence de problèmes systémiques et profonds dans la façon qu’a le commandement militaire en charge de la guerre contre l’État Islamique autoproclamé d’évaluer les renseignements.

« Le cancer était au niveau des hauts responsables des services de renseignement », a dit un officier de la défense.

Deux analystes en chef du CENTCOM [Commandement central, NdT] ont adressé en juillet une plainte écrite à l’inspecteur général du département de la défense affirmant que les rapports, dont certains ont servi à informer le président Obama, donnaient des groupes terroristes une image plus faible que ce qu’en pensaient les analystes. Les analystes affirment que le rapport a été modifié par les gros bonnets du CENTCOM pour le mettre en accord avec la thèse des pouvoirs publics selon laquelle les ÉU sont en train de gagner la bataille contre ISIS et al-Nosra, la branche d’al-Quaïda en Syrie.

La plainte a été confirmée par 50 autres analystes, dont certains s’étaient déjà plaints depuis des mois de la politisation des rapports du renseignement. Ceci selon les déclarations faites au Daily Beast sous couvert d’anonymat par 11 personnes connaissant bien les détails du rapport.

Ces accusations suggèrent qu’un grand nombre d’agents surveillant le fonctionnement interne des groupes terroristes pensent que leurs rapports ont été modifiés pour l’adapter à une présentation destinée au public. Ces affirmations font écho aux accusations selon lesquelles de hauts responsables politiques avaient soigneusement choisi les renseignements recueillis sur le programme supposé d’armes de destruction massives en Irak en 2002 et 2003.

Les deux signataires de la plainte ont été présentés comme ceux qui l’ont officiellement déposée, et les autres analystes sont prêts à étayer leurs affirmations par des exemples concrets.

Certains des analystes du CENTCOM ont parlé du noyau déjà nombreux de ceux qui protestent comme d’une “révolte” des professionnels du renseignement qui sont payés pour donner une vraie évaluation, fondée sur des faits, et non influencée par la politique nationale. Les analystes ont accusé les chefs de haut niveau, y compris le directeur du renseignement et son adjoint au CENTCOM, de modifier leur exposé pour être plus en accord avec l’affirmation du gouvernement Obama selon laquelle la lutte contre l’État Islamique et al-Qaïda fait des progrès. Les analystes ont une vision plus pessimiste des efforts militaires faits pour détruire ces groupes.

Le grand nombre d’analystes qui se sont plaints à l’inspection générale du Pentagone n’avait pas été divulgué auparavant. Certains d’entre eux sont affectés au CENTCOM, le commandement pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, mais sont officiellement employés par l’Agence de Renseignement de la Défense.

La plainte prétend que dans certains cas des éléments essentiels des rapports ont été retirés, avec pour conséquence un document qui ne représentait plus correctement les conclusions des analystes, nous disent des sources qui la connaissent bien. Mais elle va aussi au-delà d’une accusation de manipulation des rapports et elle accuse certains hauts dirigeants du CENTCOM de créer un cadre de travail non professionnel. Une personne qui a connaissance du contenu de la plainte envoyée à l’inspecteur général a déclaré qu’on y trouvait le mot “stalinisme” pour décrire l’atmosphère imposée par les superviseurs des analyses du CENTCOM.

Beaucoup ont décrit un climat où les analystes sentent qu’ils ne peuvent pas donner d’estimation sincère de la situation en Irak et en Libye. Certains avaient l’impression que des commandants cherchaient à protéger leur avancement dans la carrière en enjolivant les nouvelles de la guerre.

Certains rapports élaborés par les analystes qui étaient trop négatifs dans leur évaluation de la guerre ont été enterrés ou n’ont pas été diffusés aux échelons élevés, déclarent plusieurs analystes. Et d’autres, sentant le climat où ils baignaient, s’autocensuraient de sorte que leurs rapports confirment les opinions déjà en place.

“Alors que nous ne pouvons commenter les détails de l’enquête citée dans l’article, nous pouvons parler de la procédure. La communauté du renseignement fournit systématiquement un large éventail d’appréciations subjectives de l’état présent de la sécurité. Ces rapports et les analyses qu’ils fournissent sont absolument vitaux pour nous, étant donné la complexité incroyable des nombreux conflits multi-fronts en cours en Irak et en Syrie.” a déclaré le colonel de l’US Air Force Patrick Ryder, porte-parole du CENTCOM. “Les hauts responsables civils et le commandement militaire examinent ces évaluations pendant la phase de planification et de prise de décision, ainsi que les renseignements venus dune variété d’autres sources, comme les idées fournies par des commandants sur le terrain et d’autres conseillers clés, la masse de renseignements collectés, et ceux résultant de l’expérience passée.”

Deux des officiels qui se sont confiés au Daily Beast affirmèrent que les analystes ont commencé à se plaindre au mois d’octobre dans une tentative de règlement du problème en interne, et  ne se tournèrent vers l’inspecteur général que quand ils eurent échoué. Quelques-uns de ceux qui portèrent plainte furent poussés à prendre leur retraite, d’après un officiel proche du rapport du Daily Beast. Certains ont accepté de partir.

Ces derniers mois, des membres de l’administration Obama ont tenté de peindre la lutte contre ISIS en rose – malgré la prise par “l’armée de la terreur” de villes importantes comme Mossoul et Falloujah.

“ISIS est en train de perdre” a dit en juillet John Allen, le général des “Marines” à la retraite chargé de la coordination de la campagne ISIS.

“J’ai confiance qu’à la longue, nous allons battre, que nous allons vraiment endommager et finalement détruire ISIL”, a dit le secrétaire d’État John Kerry, en mars, utilisant l’acronyme préféré du gouvernement pour désigner ce groupe.

Le Président Obama a dit en mai “Non, je ne crois pas que nous soyons en train de perdre.”

Cependant, un groupe toujours plus nombreux d’analystes maintenaient leurs protestations. Certains, à CENTCOM depuis plus de dix ans, gardaient des cicatrices de l’escalade vers la guerre en Irak en 2003, quand des rapports écrits à la va-vite suggéraient que l’Irak possédait des armes de destruction massive, alors que ce n’était pas le cas, justifiant ainsi l’administration Bush pour partir en guerre.

Selon un officiel de la défense, “ils étaient frustrés parce qu’à ce moment-là, ils n’ont pas fait ce qu’il fallait” et n’ont pas exprimé leurs doutes sur le programme d’armement de l’Irak.

Source : The Daily Beast, le 09/09/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/exclusif-50-agents-de-renseignement-disent-que-leurs-rapports-sur-isis-ont-ete-trafiques/


L’urbanisme et la loi Macron, par Olivier Soria

Saturday 24 October 2015 at 00:01

Par Olivier Soria, Professeur de droit à KEDGE, pour le site www.les-crises.fr

Loi du 12 août 2015 Loi n°2015-990 du 6.8.15 : JO du 7.8.15  (art. 111 / CU : L.480-13)


Le Code de l’urbanisme réglemente les conditions de l’action en démolition consécutive à l’annulation d’une autorisation de construire par le juge administratif (CU : L.480-13). Jusqu’à présent, il prévoyait que, lorsqu’une construction était édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne pouvait être condamné par le juge judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis avait été annulé par la juridiction administrative.Or, lorsqu’une autorisation d’urbanisme était contestée, l’existence d’un recours en annulation était susceptible de faire craindre une démolition ultérieure à l’ensemble des acteurs de la construction. Bien que juridiquement rien ne s’oppose à la poursuite des travaux, le contentieux contre les autorisations de construire avait un effet paralysant, et ce, quelle que soit la nature du projet (construction d’une maison individuelle ou opération immobilière comprenant plusieurs logements). D’ailleurs, les banques n’autorisaient le déclenchement des prêts que sous la condition que le permis soit purgé de ses voies de recours.Dorénavant cet article n’autorise une action en démolition à la suite de l’annulation d’un permis de construire que sur certaines zones à risques ou particulièrement sensibles du point de vue patrimonial ou environnemental. Désormais, l’article L.480-13 du CU liste les zones concernées de manière exhaustive.Ainsi, cette liste comprend notamment :

  • certains espaces vulnérables : les réserves naturelles et leur périmètre de protection (Code de l’environnement : L.332-1), la bande littorale de cent mètres (CU : L.146-4, III), les espaces, paysages et milieux du patrimoine naturel et culturel montagnard (CU : L.145-3, II) ou encore les sites désignés Natura 2000 (Code de l’environnement : L.414-1).
  • un ensemble de sites sensibles : les zones figurant dans les Plans de Prévention des Risques Technologies (PPRT) dans lesquelles les aménagements, constructions ou extensions sont interdits ou subordonnés au respect de certaines prescriptions (Code de l’environnement : L.515-16, I), ou encore les périmètres des servitudes relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) lorsque les servitudes instituées comportent une limitation ou une suppression du droit d’implanter des constructions ou des ouvrages (Code de l’environnement : L.515-8).
  • certaines zones ou périmètres de protection au titre de la préservation du patrimoine architectural et urbain : les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (Code du patrimoine : L.642-1), ou encore les périmètres de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques (Code du patrimoine : L.621-30, alinéas 4 et 5).

L’action en démolition doit toujours être engagée dans un délai, au plus tard de deux ans suivant la décision devenue définitive de la juridiction administrative annulant le permis de construire.

En fait, le problème qui se posait pour le gouvernement était comment assurer les investissements des promoteurs sans pour autant mettre en cause le pouvoir des Maires dans le cadre de l’élaboration des SCOT et des PLU ?

En réalité si nous regardons de plus près, toutes les zones de protection spéciales, comme les EBC (Espace boisé à conserver), les zones Natura 2000 ou encore les zones agricoles et naturelles etc restent protégées, seules les zones U ou AU sont concernées par cette réforme. En effet, ces zones sont des espaces dévolus à la construction ou à des futures constructions et ne sont plus protégées, sauf, celles concernant le patrimoine architectural et urbain. Dès lors, un promoteur qui ferait construire un immeuble non conforme à la réglementation de la zone, par exemple une hauteur de façade, ou encore un éco-quartier ne verra plus son immeuble démoli, malgré l’annulation de son permis de construire. De même, un particulier pourra déposer un permis bidon, avoir l’autorisation de sa Mairie et construire tout autre chose, par exemple augmenter les surfaces de construction, faire des lots dans sa propriété, alors que c’est interdit par une réglementation de zonage, même mieux construire un immeuble dans une zone consacrée à l’habitat individuel et avoir un certificat de conformité avec le permis, si la Mairie ne fait pas d’objection dans un délai de 3 mois. Comme les Mairies n’ont pas le temps et le personnel pour vérifier la conformité, le projet deviendra légal. Impressionnant, d’un point de vue juridique c’est tout simplement un déni de justice. C’est-à-dire que quelle que soit la décision de justice, elle ne s’appliquera pas, et c’est un gouvernement dit « socialiste » qui fait voter cette loi, sans que le C. Constitutionnel ait à redire de quoi que ce soit sur la constitutionnalité d’une telle mesure ??? On mesure sur cet exemple les limites d’un C. Constitutionnel bien plus politique que juridique.

Certes les possibilités des requérants qui souhaiteraient interrompre la construction demeurent sur le papier puisqu’ils peuvent toujours agir par voie de référé suspension. Dès lors qu’elle a un intérêt à agir, toute personne peut déposer dans les deux mois suivant la délivrance et l’affichage du permis de construire, un référé suspension devant le juge des référés. Ce dernier statue dans un délai de quinze jours. Cependant, c’est oublier la pratique jurisprudentielle des tribunaux à leur sujet. En effet, il faut soit démontrer l’urgence, soit préciser qu’il y a une violation manifeste du droit. Dans la réalité, très rare sont les décisions de référé suspendant l’action. De plus, la pratique des tribunaux judiciaires de condamner à la démolition d’un immeuble est très rare en France. En général, et tous les défenseurs de la nature le savent, une fois la bâtisse construite, elle n’est quasiment jamais détruite. Nous avons de quoi nous inquiéter pour l’avenir de notre cadre urbain, car cette réforme est la porte ouverte à de nombreux abus de la part des promoteurs  qui aboutiront à une explosion des contentieux privés pour troubles anormaux du voisinage…Cela pourrait induire de même une augmentation des demandes d’indemnités de la part des requérants au titre de l’article L.480-13 du CU en lieu et place de la démolition. Ces indemnités pourraient être reportées sur les maires auteurs des autorisations d’urbanisme.

Enfin pour finir et constater le grand n’importe quoi, il suffit d’aller faire un tour sur les questions écrites déposées par les députés. C’est éloquent, personne ne sait comment appliquer cette loi. De nombreux députés s’inquiètent qu’en cas de construction sans permis de construire, le Maire en temps normal a la possibilité de régulariser après coup le permis de construire et ceci au mépris des règles d’urbanisme, mais un particulier ou une association pouvaient demander la démolition de l’immeuble devant les tribunaux, qu’en sera-t-il demain ?

Hé bien nous pouvons en douter…

Source: http://www.les-crises.fr/lurbanisme-et-la-loi-macron/


Le Pentagone vient de dépenser 41 millions de dollars pour entraîner « quatre ou cinq » combattants syriens, par Paul McLeary

Friday 23 October 2015 at 02:27

 

Mercredi, un officier militaire haut gradé a révélé que, après avoir dépensé 41 millions de dollars plus tôt dans l’année pour entraîner et équiper un petit groupe de 60 combattants, seuls « quatre ou cinq » combattants syriens entraînés par les États-Unis restaient sur le terrain pour combattre l’État islamique.

Après des mois d’entraînement par les forces spéciales américaines sur des bases turques, ceux qu’on appelle les combattants de la « Nouvelle Armée Syrienne » ont été renvoyés en Syrie en juillet, a déclaré le général Lloyd Austin, chef du commandement central des États-Unis. En quelques jours, ils ont presque tous été anéantis après une attaque d’Al-Nosra, un groupe affilié à Al-Qaïda, qui a capturé, tué, ou dispersé la majorité des troupes soutenues par les États-Unis.

Le programme d’entraînement et d’équipement de 500 millions de dollars a été vendu au Congrès fin 2014 et visait à former 5 400 combattants syriens avant la fin de l’année. Mercredi, Austin et la “sous-secrétaire à la politique de Défense”, Christine Wormuth, ont tous les deux admis que ces chiffres ne seront pas atteints.

Interrogé à plusieurs reprises au sujet de la taille actuelle du programme, Wormuth a dit que “entre 100 et 120″ combattants supplémentaires sont en train d’être formés en Turquie.

La commission sénatoriale n’était pas contente.

« Regardons les choses en face, c’est une plaisanterie », a dit Kelly Ayotte, sénatrice du New Hampshire (républicaine), réagissant à l’annonce du nombre de Syriens encore au combat.

“Ainsi, alors que nous envisagions 5 400 combattants pour la fin de l’année, ils se comptent sur les doigts de la main“, a dit la sénatrice Claire McCaskill (démocrate, Missouri).

« C’est tout simplement un échec complet », s’est lamenté le sénateur Jeff Sessions (républicain, Alabama).

Cependant, le programme d’entraînement et d’équipement est peut-être sur le point de subir quelques grands changements. La Maison-Blanche et le Pentagone se préparent à se rencontrer dans les jours qui viennent pour discuter d’un éventail d’options pour une révision du programme, selon une information exclusive rapportée mardi par la revue Foreign Policy. L’idée serait d’attacher aux larges groupes de forces établies en Syrie du Nord un petit nombre de combattants entraînés faisant la liaison avec les avions militaires des États-Unis qui les survolent.

Mais aucun calendrier n’est joint à cet effort de réorganisation du programme, originellement financé en décembre par le Congrès grâce à un budget de guerre complémentaire.

Crédit Photo : Ahmet Sik/Getty Images

Source : Foreign Policy, le 16/09/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Pour ceux qui croient à une blague, l’audition est visualisable ici, et la transcription est dessous :

Deb Fischer
General Austin, when Senator Carter was here before this committee in July, he testified there were only about 60 Syrian fighters that had been trained…
We’ve heard reports about the attacks on those individuals when they were reinserted back into Syria. Can you tell us what the total number of trained…

Lloyd J. Austin III
It’s a small number. The ones that are in the fight is we’re talking, four or five.

Kelly Ayotte

Because as I see it right now this four or five U.S. trained fighters — let’s not kid ourselves, that’s a joke. And so if they are the only force on…

Claire McCaskill
At what point in time and what is the discussion on going about the $600 million you are requesting for next year? That seems very unrealistic to me…

Christine E. Wormuth
Senator McCaskill, it’s between 100 and 120 basically.

Claire McCaskill
OK. So we’re counting on our fingers and toes at this point when we had envisioned 5400 by the end of the year and I — I’m just worried that this is…

Jeff Sessions
We have to acknowledge that this is a total failure. It’s just a failure. I wish it weren’t so, but that’s the fact. It’s time to — way past time to…

Source: http://www.les-crises.fr/le-pentagone-vient-de-depenser-41-millions-de-dollars-pour-entrainer-quatre-ou-cinq-combattants-syriens/


Le Qatar finance la révolte syrienne avec du cash et des armes, par Roula Khalaf et Abigail Fielding Smith

Friday 23 October 2015 at 01:10

Article d’archive, toujours intéressant à rappeler :)

Source : Financial Times, le 16/05/2013

Par Roula Khalaf et Abigail Fielding Smith

L’État gazier du Qatar a dépensé jusqu’à 3 milliards de dollars ces deux dernières années au profit de la rébellion syrienne, soit bien plus qu’aucun autre gouvernement, bien que l’Arabie Saoudite soit en train de devenir le principal fournisseur d’armes des rebelles.

Le coût de cette intervention représente pour le Qatar une fraction de ses investissements à l’international. Mais ce soutien financier qatari à une révolution qui s’est transformée en guerre civile féroce ne doit pas masquer le soutien occidental à l’opposition.

De nombreux entretiens avec des leaders de la rébellion vivant à l’étranger ou en Syrie ainsi qu’avec des officiels occidentaux, relatés par le Financial Times ces dernières semaines, révèlent dans le détail le rôle du Qatar dans le conflit syrien, et donnent lieu à une polémique grandissante.

Ce petit État à l’appétit gargantuesque est le plus gros mécène de l’opposition politique syrienne, fournissant même de généreuses primes aux déserteurs (estimées à 50 000 $ par an par déserteur et sa famille) sans compter l’énorme dépense dédiée au soutien humanitaire.

En septembre, de nombreux rebelles de la région d’Alep reçurent ainsi un bonus de 150 $ de la part du Qatar. D’après des sources proches du gouvernement qatari, la dépense totale approcherait plutôt les trois milliards, alors que les sources diplomatiques l’estiment, elles, à un milliard de dollars.

Pour le Qatar, qui détient la troisième réserve de gaz au monde, cette intervention fait partie d’une agressive quête de reconnaissance mondiale et n’est que le dernier épisode en date afin de s’imposer en tant qu’acteur majeur de la région, après son soutien aux rebelles libyens qui renversèrent Kadhafi en 2011.

D’après le Stockholm International Peace Research Institute qui surveille les transferts d’armes, le Qatar a effectué les plus importantes livraisons d’armes en Syrie, soit 70 vols d’avions cargos militaires à proximité de la Turquie entre avril 2012 et mars 2015.

Si le Qatar s’est d’abord voulu pragmatique et opportuniste plus que dogmatique, cet État s’est néanmoins retrouvé engagé entre des politiques exclusives qui ont provoqué les critiques envers les qataris. “Vous ne pouvez pas vous payer une révolution”, assure un homme d’affaires de l’opposition.

Le soutien du Qatar aux groupes islamistes dans le monde arabe, en désaccord avec ses pairs des pays du Golfe, alimente aussi sa rivalité avec l’Arabie Saoudite. L’émir régnant Hamad bin Khalifa al-Tani voudrait être le Nasser d’un monde arabe islamique, affirme un politicien arabe, évoquant feu le leader égyptien du panarabisme.

L’intervention du Qatar suscite une attention croissante. Des rivaux régionaux lui reprochent de vouloir simplement s’acheter de l’influence en finançant de la puissance de feu, quitte à atomiser l’opposition syrienne. Toujours et encore pour concurrencer l’Arabie Saoudite en tant que soutien plus volontaire des rebelles syriens, quitte à renchérir en terme d’engagement.

De récentes tensions au sein de l’opposition à l’occasion des élections pour choisir un Premier ministre par intérim qui emporterait le soutien des Frères Musulmans de Syrie avaient conduit l’Arabie Saoudite à resserrer ses relations avec l’opposition syrienne, une position auparavant abandonnée aux mains des Qataris.

La relégation du Qatar à la deuxième place en tant que fournisseur d’armes répond à l’inquiétude formulée par l’Ouest et d’autres pays du Golfe selon laquelle ces armes pourraient finir dans les mains d’Al-Nosra, groupe proche d’Al-Qaida.

Des diplomates assurent que le Qatar peine à assurer une distribution d’armes constante et stable, alors que les Saoudiens en ont été capables grâce à leurs réseaux plus développés.

Une route d’acheminement d’armes à travers la Jordanie vers le sud de la Syrie a été ouverte ces derniers mois (printemps 2013). Le gouvernement jordanien, terrifié à l’idée de voir les djihadistes contrôler le voisinage de son royaume, a été réticent à autoriser ces livraisons par les Saoudiens.

Le fait que l’Ouest répugne à intervenir plus radicalement en Syrie contraint les opposants à Bachar al-Assad à être dépendants du soutien qatari, saoudien et turc, même si depuis l’an dernier les Émirats Arabes Unis et la Jordanie constituent aussi des partenaires, même mineurs.

Le ministre qatari des affaires étrangères, Khalid al-Attiyah, qui dirige l’intervention en Syrie, assure qu’il n’y a pas de rivalité avec l’Arabie Saoudite et nie toutes allégations quant à l’atomisation de l’opposition syrienne et quant à l’affaiblissement des institutions de l’opposition émergeantes dus à sa politique d’aide aux rebelles.

Dans un entretien avec le Financial Times, il assure que chaque initiative qatarie s’est faite en collaboration avec le mouvement Amis de la Syrie et les pays occidentaux. “Notre problème au Qatar est que nous n’avons pas de plans secrets et donc on nous en attribue toujours à notre place”, dit-il.

Source : Financial Times, le 16/05/2013

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-qatar-finance-la-revolte-syrienne-avec-du-cash-et-des-armes/


L’identité du mystérieux fournisseur d’armes et d’argent aux mercenaires syriens “rebelles” révélée

Friday 23 October 2015 at 00:04

Un article ancien, mais toujours utile…

Source : Zero Hedge, le 16/05/2013

Auparavant, nous avions expliqué très clairement que lorsqu’on regarde la réalité sous-jacente aux intérêts nationaux responsables de la détérioration de la situation en Syrie, qui pourrait évoluer en une guerre sans retenue faisant des centaines de milliers de morts, il est toujours et seulement question de gaz, enfin de gazoducs pour être exact. Spécialement ceux impliquant le minuscule mais super-riche État du Qatar.

Inutile de dire que le discours officiel ne mentionne pas cette motivation cachée et la machine de la propagande habituelle, spécialement celle des puissances soutenant les “rebelles” syriens qui incluent Israël, les États-Unis et les États arabes, essaie de générer un soutien populaire et démocratique en dépeignant Assad comme un dictateur brutal utilisant des armes chimiques, dans la même veine que le scénario, tenté et réussi, déjà utilisé une fois en Irak.

D’un autre côté, il y a la Russie (et à un moindre degré la Chine : au sujet des intérêts stratégiques de la Chine sur les oléoducs du Proche-Orient lire ici) dépeinte comme étant le principal soutien du “diabolique” régime d’Assad et impatiente de préserver le statu quo sans intervention militaire. De telles tentatives pourraient être vaines, surtout avec l’arrivée mentionnée précédemment de marines américains en Israël, et l’arrivée imminente de la flotte russe du Pacifique à Chypre (qui est à un jet de pierre de la Syrie) qui pourrait précipiter une action militaire plus tôt que nous ne l’avions prévu.

Cependant, une question est restée en suspens jusqu’à présent, et qui est très sensible maintenant que les États-Unis sont sur le point de voter un soutien armé aux rebelles syriens : qui a armé lesdits groupes de miliciens d’Al-Qaïda jusqu’à aujourd’hui ? Maintenant, grâce au Financial Times, nous avons la réponse (loin d’être surprenante), ce qui nous ramène à notre thèse du départ et prouve que, comme si souvent au Proche-Orient, tout est , encore une fois, une question de ressources naturelles.

Du Financial Times :

Le minuscule État pétrolier du Qatar a dépensé jusqu’à 3 milliards de dollars ces deux dernières années pour soutenir la rébellion en Syrie, loin devant les autres gouvernements, mais est maintenant talonné par l’Arabie Saoudite comme premier fournisseur d’armes aux rebelles.

Le coût de l’intervention du Qatar, son dernier soutien en date à une révolution arabe, ne représente qu’une fraction de son portefeuille d’investissement international. Mais son soutien à une révolution qui a viré à la guerre civile violente éclipse l’appui occidental à l’opposition.

Dans des dizaines d’entretiens avec le Financial Times menés ces dernières semaines, les chefs rebelles tant en Syrie qu’à l’étranger, aussi bien que des officiels locaux ou occidentaux, ont détaillé le rôle du Qatar en Syrie, objet d’une polémique grandissante.

De même que l’Égypte et la Libye ont leurs mercenaires financés par la CIA combattant le régime, le Qatar finance sa propre force de mercenaires.

Le petit État à l’appétit gargantuesque est le plus gros donateur de l’opposition, fournissant des aides généreuses aux déserteurs (une estimation les évalue à 50 000 dollars par an pour un déserteur et sa famille) et a fourni une importante aide humanitaire.

En septembre, de nombreux rebelles de la province syrienne d’Alep ont reçu du Qatar, à titre gracieux, un salaire mensuel de 150 dollars. Des proches du gouvernement qatari ont affirmé que les dépenses totales ont atteint la somme de trois milliards de dollars, alors que des sources diplomatiques et des rebelles les estiment à au plus un milliard.

Pour le Qatar, qui possède les troisièmes plus importantes réserves de gaz au monde, son intervention en Syrie fait partie de sa quête agressive d’une reconnaissance internationale et n’est que l’ultime chapitre de sa tentative de s’affirmer comme un acteur majeur de la région, après son aide aux rebelles libyens contre Mouammar Kadhafi en 2011.

Ce n’est malheureusement pas même la moitié de l’histoire. Rappel de l’article Qatar : riche en pétrole et dangereux, publié il y a un an qui prédisait tout ceci :

Pourquoi le Qatar voudrait-il s’impliquer en Syrie alors qu’il n’y a que très peu investi ? Une carte montre que le royaume est prisonnier d’une petite enclave sur la côte du Golfe Persique.

Il est dépendant de l’exportation de gaz naturel liquéfié, parce que l’Arabie Saoudite restreint ses possibilités de construction de gazoducs vers des marchés lointains. En 2009, le raccordement d’un pipeline vers l’Europe à travers l’Arabie Saoudite et la Turquie au pipeline Nabucco avait été envisagé, mais l’Arabie Saoudite, rendue furieuse par son plus petit mais bien plus bruyant frère, a entravé toute expansion par les terres.

Étant déjà le plus gros producteur de gaz liquéfié, le Qatar n’en augmentera pas sa production. Le marché arrive à saturation avec huit nouvelles installations en Australie qui seront opérationnelles entre 2014 et 2020.

Un marché du pétrole nord-américain saturé, et un marché asiatique bien plus compétitif, ne lui laissent que le marché européen. La découverte en 2009 de nouveaux champs gaziers près d’Israël, du Liban, de Chypre et de la Syrie ouvre de nouvelles possibilités pour contourner la barrière saoudienne et sécuriser une nouvelle source de revenus. Des conduites sont déjà en place en Turquie pour recevoir le gaz. Seulement al-Assad est en travers du chemin.

Le Qatar et les Turcs aimeraient supprimer le régime d’al-Assad et installer la branche syrienne des frères musulmans. C’est le mouvement politique le mieux organisé dans le chaos actuel et capable de bloquer les efforts de l’Arabie Saoudite pour installer un régime wahhabite plus fanatique. Une fois la confrérie installée au pouvoir, les nombreuses connections de l’Emir avec d’autres groupes de frères dans toute la région lui permettraient facilement de trouver à Damas une oreille attentive et une main ouverte.

Un centre de contrôle a été installé dans la ville turque d’Adana, près de la frontière syrienne, pour diriger les rebelles contre al-Assad. Le vice-ministre des affaires étrangères saoudien, le prince Abdulaziz ben Abdullah al Saoud, a demandé que les Turcs établissent un centre d’opérations conjoint turco-saoudo-qatari. Une source du Golfe a affirmé à Reuters : “Les Turcs ont aimé l’idée d’avoir la base installée à Adana afin de pouvoir superviser ses opérations.”

Les combats dureront probablement encore de nombreux mois, mais le Qatar voit à long terme. Au final, il y aura de gros contrats de reconstruction et de développement des champs gaziers. Dans tous les cas, al-Assad doit partir. Ce n’est en rien une attaque personnelle, ce n’est strictement qu’une affaire de préservation de la tranquillité et du bien-être futurs du Qatar.

Quelques données supplémentaires sur l’importance stratégique de cet élément clé pour l’alimentation du gazoduc Nabucco, et pourquoi la Syrie pose tant de problèmes à tant de puissances. D’un article de 2009 :

Le Qatar a proposé un gazoduc du Golfe Persique à la Turquie, indiquant par là que l’émirat envisage une extension de ses exportations depuis le plus grand champ gazier du monde, après avoir achevé un ambitieux programme faisant plus que doubler sa capacité de production de gaz naturel liquéfié (GNL).

“Nous avons hâte d’avoir un gazoduc du Qatar à la Turquie”, a dit la semaine dernière le Cheik Hamad ben Khalifa Al Thani, le dirigeant du Qatar, après des pourparlers avec le président turc Abdullah Gul et le premier ministre Recep Tayyip Erdogan à Bodrum, la cité balnéaire de l’Ouest de la Turquie. “Nous avons discuté de ce sujet dans le cadre de la coopération dans le domaine de l’énergie. Un groupe de travail sera mis en place à ce sujet, qui amènera des résultats concrets le plus rapidement possible”, a-t-il dit, d’après l’agence de presse turque Anatolia.

D’autres comptes rendus dans la presse turque ont affirmé que deux États étudiaient la possibilité pour le Qatar d’alimenter en gaz le gazoduc stratégique projeté Nabucco, qui devrait transporter le gaz d’Asie centrale et du Moyen-Orient vers l’Europe, en contournant la Russie. Un gazoduc Qatar-Turquie pourrait être raccordé au Nabucco à son point de départ envisagé à l’est de la Turquie. Le mois dernier, M. Erdogan et les premiers ministres de quatre pays européens ont signé une autorisation de passage du Nabucco, permettant de finaliser la décision d’investissement l’année prochaine, selon le projet de réduction de la dépendance européenne au gaz russe.

“Pour atteindre cet objectif, je pense qu’un gazoduc reliant la Turquie et le Qatar résoudrait le problème une fois pour toutes”, a ajouté M. Erdogan, cité dans plusieurs journaux. Les reportages indiquent deux différentes routes possibles. L’une partirait du Qatar et traverserait l’Arabie Saoudite, le Koweit et l’Irak puis la Turquie. L’autre traverserait l’Arabie Saoudite, la Jordanie, la Syrie puis la Turquie. On ne sait pas très bien si la seconde option prévoit une connexion au gazoduc Pan-Arabe, qui transporte le gaz égyptien vers la Syrie en traversant la Jordanie. Ce gazoduc, dont une extension est prévue vers la Turquie, a aussi été proposé comme source de gaz pour Nabucco.

Appuyé sur la production massive de North Fields dans le Golfe, le Qatar est arrivé en position d’être le leader mondial de l’exportation de GNL. Position qu’il est en train de renforcer par un programme dont l’objectif est de porter la capacité de production annuelle de GNL à 77 millions de tonnes à la fin de l’année prochaine, contre 31 millions de tonnes l’année passée. Cependant, en 2005, l’émirat a mis en place un moratoire sur le plan de développement de North Field pour procéder à une étude des capacités du gisement. L’interdiction avait été prolongée de deux ans jusqu’en 2013.

Pour expliciter, le problème dont on parle se tient dans la partie verte du gazoduc envisagé : comme expliqué ci-dessus, il ne peut tout simplement pas voir le jour tant que la Russie est alignée avec Assad.

 

Donc, voilà : le Qatar faisant tout ce qu’il peut pour promouvoir un bain de sang, la mort et la destruction, non pas en utilisant des rebelles syriens, mais des mercenaires, des professionnels grassement payés pour combattre et tuer des membres d’un régime élu (aussi impopulaire qu’il puisse être), et pour quoi ? Pour que les émirs du Qatar, d’une richesse inimaginable, puissent devenir encore plus riches. Certes, la Russie n’est pas sans reproche : tout ce qu’elle veut est préserver son influence stratégique sur l’Europe en étant le plus gros fournisseur de gaz naturel par le moyen de ses propres gazoducs. Si Nabucco devait voir le jour, Gazprom serait très, très en colère et gagnerait beaucoup moins d’argent !

Quant aux rebelles syriens, qui d’autre les aide ? Ben tiens, les États-Unis et Israël évidemment. Et avec la pratique du coup d’état des Frères Musulmans déjà testée en Égypte, ce n’est qu’une question de temps.

D’après l’Institut de recherche sur la paix de Stockholm, qui suit les transferts d’armes, les plus importantes livraisons d’armes à la Syrie sont le fait du Qatar, qui a à son actif plus de 70 vols de cargaisons militaires vers la Turquie voisine entre avril 2012 et le mois de mars de cette année.

Peut-être est-ce au tour de Poutine de dire à John Kerry qu’il préfèrerait que le Qatar “ne fournisse pas d’aide aux mercenaires syriens” ?

Ce qui est pire, et déjà connu, c’est que sans se poser de questions, les États-Unis – ce croisé toujours vigilant contre al-Qaïda – sont aussi en fait en train de soutenir l’organisation terroriste :

La relégation du Qatar à la seconde place pour les fournitures d’armes fait suite à des inquiétudes de plus en plus grandes de l’Ouest et d’autres pays arabes, car les armes livrées pourraient tomber entre les mains d’un groupe lié à al-Qaïda, Jabhat al-Nosra.

Mais le Qatar pourrait bien avoir eu les yeux plus gros que le ventre, même avec le soutien militaire déclaré d’Israël, et celui implicite des États-Unis. Parce que plus le Qatar se rapproche de son objectif d’établir son propre état marionnette en Syrie, plus l’Arabie saoudite se rapproche du point où elle sera marginalisée :

Mais quoique son approche soit conduite plus par pragmatisme et opportunisme que par idéologie, le Qatar s’est retrouvé englué dans les divisions politiques de la région, déclenchant une vague de critiques acerbes. “Vous ne pouvez pas acheter une révolution”, déclare un homme d’affaires de l’opposition.

Le soutien du Qatar à des groupes islamistes dans le monde arabe, en désaccord avec ses pairs du Golfe, a attisé sa rivalité avec l’Arabie saoudite. L’émir qui dirige le Qatar, Hamad ben Khalifa al-Thani, “veut être le (Gamal) Abdel Nasser du monde islamique”, nous dit un homme politique arabe, faisant allusion au fougueux président défunt et leader fervent du pan-arabisme.

L’intervention du Qatar est de plus en plus sous le feu des projecteurs. Ses rivaux régionaux prétendent qu’il utilise sa puissance de feu financière pour s’acheter une influence future et qu’il a fini par faire voler en éclats l’opposition syrienne. Dans ce climat général, l’Arabie saoudite, qui jusque là avait été plus prudente dans son soutien aux rebelles syriens, a intensifié son engagement.

Les tensions récentes à l’occasion de l’élection d’un premier ministre par intérim de l’opposition et qui a gagné le soutien des Frères Musulmans syriens a aussi conduit l’Arabie saoudite à resserrer ses liens avec l’opposition politique, un travail qu’elle avait largement laissé aux mains du Qatar.

Ce que veut l’Arabie saoudite n’est pas de laisser le peuple syrien seul, mais d’installer son propre gouvernement fantoche de façon à pouvoir dicter en toute liberté ses conditions sur le GNL au Qatar et par suite à l’Europe.

Khalid al-Attiyah, le ministre d’état des affaires étrangères du Qatar, qui gère la politique syrienne, a rejeté les propos évoquant une rivalité avec l’Arabie saoudite, et nié que le soutien du Qatar aux rebelles ait fait voler en éclats l’opposition syrienne et affaibli les institutions naissantes.

Dans un entretien avec le Financial Times, il a déclaré que tout ce qu’a entrepris le Qatar l’a été en conjonction avec le groupe des nations arabes et occidentales des Amis de la Syrie, et pas tout seul. “Notre problème au Qatar est que nous n’avons pas d’agenda caché, alors les gens commencent à vous en attribuer un“, dit-il.

Malheureusement, pour ce qui est des États-Unis (et évidemment d’Israël), il y a effectivement un agenda très caché : un qui prévoit de mentir à son peuple sur une intervention future, et de fabriquer des histoires d’armes chimiques et de régime sanguinaire voulant absolument massacrer tout homme, femme et enfant appartenant à “la courageuse résistance”. Ce qu’ils ne mentionnent absolument pas est que tous ces “rebelles” ne sont que des mercenaires payés de l’émir du Qatar, dont l’unique intérêt est d’accroître encore plus sa fortune, même si ceci signifie la mort de milliers de Syriens.

Une lecture plus fine des événements en Syrie révèle une encore plus grande complexité : une situation où le Qatar est en compétition avec la Syrie, tous deux utilisant cette dernière comme pion dans le grand jeu d’échecs des ressources naturelles, avec Israël et les États-Unis du côté des pétrodollars, tandis que la Russie et dans une moindre mesure la Chine forment le contrepoids en refusant de les laisser renverser le gouvernement local, ce qui donnerait encore plus d’influence géopolitique aux États du Golfe.

Jusqu’à aujourd’hui, nous aurions pu penser que si les choses se gâtaient, la Russie allait fléchir. Cependant, avec l’arrivée d’une flotte de sous-marins à Chypre, le jeu est tout simplement devenu très sérieux. Après tout, les intérêts vitaux de Gazprom – peut-être la plus importante “compagnie” du monde – sont soudainement en jeu.

Finalement, on se demande bien de quoi le président Obama et le premier ministre turc Erdogan ont vraiment pu parler en coulisses.

Source : Zero Hedge, le 16/05/2013

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

 

Source: http://www.les-crises.fr/lidentite-du-mysterieux-fournisseur-darmes-et-dargent-aux-mercenaires-syriens-rebelles-revelee/


La Russie doit travailler avec les États-Unis en Syrie, et non pas contre eux, par Zbigniew Brzezinski

Thursday 22 October 2015 at 03:38

Source : The Financial Times, le 29/09/2015

Nous devrions persuader Moscou d’agir en collaboration avec nous pour résoudre le problème syrien, écrit Zbigniew Brzezinski

Un chasseur russe atterrit en Syrie, le 1er octobre ©Reuters

Nous savons tous comment la Première Guerre mondiale a commencé. Des actes de violence individuels répétés ont déclenché des opérations militaires majeures, opérations qui manquaient autant d’une orientation stratégique globale que d’objectifs clairs. Le reste est de l’histoire : quatre ans de boucherie pour des buts définis largement après les faits par les puissances victorieuses.

Il est encore temps d’éviter une désastreuse reproduction de ce scénario, qui cette fois-ci déstabiliserait le Moyen-Orient et tout spécialement la Syrie. J’ai soutenu Barack Obama dans sa décision initiale de ne pas utiliser la force pour résoudre la tragédie syrienne. L’utilisation des forces américaines pour évincer Bachar el-Assad – si ardemment défendue par certains de nos amis au Moyen-Orient – n’a pas de sens en l’absence d’un véritable consensus national en sa faveur, que ce soit en Syrie, ou aux États-Unis.

OB : soulignons ici sa real-politic bienvenue…

En outre, que cela nous plaise ou non, M. Assad n’était ni enclin à obtempérer aux demandes pressantes de Washington lui demandant de quitter le pouvoir, ni intimidé par nos efforts confus visant à organiser une véritable résistance démocratique face à son régime.

Cependant, une avancée a depuis lors été effectuée dans les négociations nucléaires très difficiles avec l’Iran, pour lesquelles les États-Unis et la Russie ont coopéré avec d’autres grandes puissances afin de surmonter les obstacles. On aurait donc pu croire que la prochaine étape à franchir pour arriver à une résolution du problème syrien pouvait impliquer un nouvel effort commun, cette fois avec l’aide des acteurs si importants que sont la Chine et la Russie.

Au lieu de cela, Moscou a choisi l’intervention militaire, sans aucune coopération politique ou tactique avec les États-Unis – la principale puissance étrangère engagée directement, mais si peu efficacement, à destituer Mr Assad. Dans ce but, il a lancé des attaques aériennes contre des éléments syriens qui sont soutenus, formés et équipés par les Américains,

OB : dont des membres d’Al-Qaïda Syrie, hein…

infligeant des dégâts et faisant des victimes.

OB : c’est le but des Russes en effet, ce qui change…

(donc une mobylette et deux pelleteuses, dont une a survécu – coriace la pelleteuse syrienne…)

Au mieux, c’était une illustration de l’incompétence militaire russe ; au pire, la preuve d’une volonté dangereuse de mettre en évidence l’impuissance politique américaine.

1 Les Russes reconnaissent toujours Assad comme le président légitime Syrien

2 Assad appelle les Russes à l’aide face à une rébellion islamiste armée

3 Les russes bombardent les islamistes, armés par les États-Unis

Faut être Américain pour voir une preuve de l’incompétence militaire russe, mais bon…

Dans les deux cas, l’avenir de la région et la crédibilité des ÉU aux yeux des pays du Moyen-Orient sont tous deux en jeu. Dans ce contexte évoluant très rapidement les États-Unis n’ont qu’une seule option valable pour protéger leurs intérêts dans la région : demander à Moscou de cesser les actions militaires qui les touchent directement. La Russie a le droit de soutenir M. Assad, si elle le souhaite – mais toute répétition de ces attaques pourrait provoquer des représailles.

Al-Qaïda Syrie = un intérêt militaire américain dans la région, ok.

La Russie peut soutenir M. Assad, mais sans attaquer les rebelles qui le combattent. Elle peut donc envoyer à Assad autant de SMS de soutien qu’elle le souhaite, CQFD.

Les présences navales et aériennes russes en Syrie sont fragiles, géographiquement isolées par rapport à leur patrie. Elles pourraient être rendues inoffensives si elles persistaient à provoquer les ÉU.

Bombarder Al-Qaïda Syrie = provoquer les États-Unis, ok

Mais, mieux encore, on pourrait persuader la Russie d’agir en collaboration avec les ÉU pour une résolution de ce problème régional qui dépasse largement les intérêts d’un seul État.

Si cela devait arriver, même une collaboration politique et militaire ÉU-Russie limitée sur le Moyen-Orient pourrait favoriser un développement géopolitique positif supplémentaire : l’engagement constructif de la Chine à contenir les dangers d’un embrasement général du Moyen-Orient. Pékin a un enjeu économique important dans la prévention d’un plus grand conflit au Moyen-Orient. La Chine aurait intérêt non seulement à éviter la propagation de ce chaos, mais aussi à accroître son influence régionale.

La France et la Grande-Bretagne ne peuvent plus jouer de rôle décisif au Moyen-Orient.

RIP François Hollande

Les ÉU, eux, trouvent qu’il est difficile de le jouer seuls. La région elle-même est divisée selon des lignes de fracture confessionnelles, ethniques et territoriales, et elle s’enfonce dans une violence de plus en plus grande. Cela demande une assistance étrangère mais pas sous une nouvelle forme de domination néocoloniale.

“L’assistance étrangère” a déjà bien aidé à l’enfoncement dans la violence ne fait…

La puissance américaine, utilisée intelligemment et de manière décisive pour la mise en place d’une nouvelle formule pour la stabilisation de la région, est nécessaire.

Comme en Irak et en Libye…

La Chine préfèrerait sans doute rester sur la touche. Il se peut qu’elle attende le bon moment pour tirer les marrons du feu. Mais le chaos régional pourrait facilement se propager vers le nord, submergeant ensuite l’Asie centrale et du nord-est. La Russie et la Chine pourraient alors être affectées. Mais les intérêts américains et des amis de l’Amérique – pour ne pas parler de la stabilité régionale – souffriraient également. Il est temps, donc, d’une stratégie audacieuse.

L’auteur est l’ancien conseiller sur la sécurité nationale de Jimmy Carter, ancien président des États-Unis d’Amérique

Source : The Financial Times, le 29/09/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

 

Source: http://www.les-crises.fr/la-russie-doit-travailler-avec-les-etats-unis-en-syrie-et-non-pas-contre-eux/


Syrie : Comment les médias français intoxiquent l’opinion publique [ I ]

Thursday 22 October 2015 at 02:00

Une série très fouillée de François Belliot.

Je rappelle : il ne faut pas tout prendre pour argent comptant, et faire preuve d’esprit critique, mais bon, la comparaison avec la sous-qualité d’un article du Monde fait quand même bien de la peine…

Source : François Belliot, pour Arrêt sur info.ch, le 25 janvier 2015.

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Ce texte, écrit en 2013, inaugure une suite de chroniques, de l’écrivain François Belliot [à paraître sur Arrêt sur Info*], consacrées au décryptage de la propagande répandue par les « grands » médias français au sujet de la guerre en Syrie.

I – Un débat truqué à l’Institut du Monde arabe

Introduction *

Depuis bientôt deux ans les événements de Syrie sont couverts de façon unilatérale et caricaturale dans les médias traditionnels français (cette remarque peut être étendue à tous les pays situés dans la zone OTAN ou celle du Conseil de coopération du Golfe). Pour ceux-ci, nous aurions affaire, en Syrie comme en Libye, à « un dictateur sanguinaire qui massacre son propre peuple ». Face à lui, une opposition courageuse, démunie, et pacifique qui, dans le sillage du « printemps arabe », voudrait s’émanciper en vain d’une ignoble tutelle. Les dizaines de milliers de morts depuis le début de la crise seraient, dans des proportions écrasantes, dues aux exactions des troupes loyales au régime baathiste. Voilà à peu près ce que l’on entend, quotidiennement, depuis 2 ans, martelé sur TF1, Le Monde, France Inter, Le Point, Libération, Le Figaro, etc.

Cette propagande n’est pas seulement une propagande « d’État », dans le sens où seul l’État en serait le responsable et l’auteur, mais une propagande dans laquelle viennent s’imbriquer l’État (en particulier par la voix du ministre des Affaires étrangères), la totalité des médias possédés par des grands groupes privés, et des institutions de l’État, enfin des associations qui vont servir de force militante pour organiser des « événements », en profitant largement de millions d’euros venus d’on ne sait où. Tout ce monde-là fonctionne main dans la main et agit comme un rouleau compresseur, pour imposer dans l’opinion une version officielle mensongère et rendre inaudible tout point de vue contestataire.

Nous allons analyser et décrypter cette propagande répandue par les médias traditionnels français au sujet de la guerre en Syrie dans une suite de chroniques que nous inaugurons ici par un compte rendu détaillé d’un débat sur la Syrie tenu à l’institut du monde arabe le 24 février 2013. Ce débat était à l’évidence truqué dans les grandes largeurs, et, comme nous allons le voir, ceux qui y ont participé ont proféré les mensonges les plus incroyables.

Compte-rendu du débat du 24 février 2013

Dimanche 24 février, l’Institut du Monde arabe (IMA) organisait une « journée de solidarité avec le peuple syrien ». Divers événements se sont ainsi succédé pendant 12 heures entre midi et minuit : concerts, expositions, présentations d’ouvrages, et débats. L’initiative venait du nouveau président de l’institut, Jack Lang, et était co-organisée par I télé et le quotidien Le Monde.

Si l’intitulé de la « journée » pouvait laisser présager un traitement neutre de la crise syrienne, dans les faits c’était, comme nous allons le voir clairement une journée de soutien à « l’opposition armée syrienne » appelant à la chute du régime de Bachar el-Assad.
C’est flagrant si l’on ne considère que le moment fort de la journée, qui consistait en un « débat » sur le « devenir de la Syrie ». Il a eu lieu de 14 h à 16 h 30 dans la salle du Haut-Conseil. Il était animé par Abderrahim Hafidi, animateur de l’émission « Islam » sur France 2. Les caméras de télévision étaient nombreuses, parmi lesquelles : France 24, TV5, et bien sûr, I télé.

Dix personnalités et intellectuels avaient été conviés à ce « débat », parmi lesquels, clou de l’aréopage, « l’ambassadeur représentant » de la « Coalition nationale syrienne » à Paris, Monzer Makhous. Tous les intervenants étaient des adversaires résolus du régime syrien et du président Bachar el-Assad, et entièrement acquis à la version de la crise syrienne quotidiennement martelée dans tous les grands médias depuis deux ans.

Nous avons assisté à ce débat. Nous étions curieux de voir jusqu’à quel point les organisateurs et les intervenants étaient capables de pousser la mascarade. Tout habitués que nous soyons aux mensonges de la version officielle, à la violence verbale de ceux qui dénoncent le régime syrien et son président Bachar el-Assad, nous pouvons dire que ce dimanche 24 février, tous les records ont été battus en terme de mauvaise foi, de mensonges, d’amalgames, et de violence verbale.

Le débat fut lancé par une courte allocution de Jack Lang, dans laquelle il remercia les équipes de l’IMA, et les associations de soutien qui s’étaient beaucoup mobilisées pour cet événement. M. Hafidi ensuite introduisit le « débat ».

Je diviserai le compte-rendu de ce débat en deux parties. Dans la première je résume brièvement chacune des interventions en en soulignant les points les plus marquants. Dans la seconde j’entre dans le détail des mensonges les plus énormes avancés par les intervenants, et des conditions douteuses dans lesquelles ce débat a été organisé et mené.

Abderrahim Hafidi, présentateur de l’émission « Islam » sur France 2

Abderrahim Hafidi

Abderrahim Hafidi, journaliste français d’origine marocaine. 

L’animateur de ce « débat », sans doute pour respecter la neutralité de sa position, dénonça les « châtiments barbares d’un gouvernement qui n’a ni cœur ni miséricorde. » Il appela à la conscience internationale. Il invoqua la mémoire d’Albert Camus. Il soutint qu’il fallait « combattre pour la liberté du peuple syrien ». Il se félicita de la présence de journalistes du Monde et de Libération à cet événement.

Il présenta les divers intervenants, et annonça que leurs interventions seraient suivies d’un échange avec le public. Pour introduire le débat, il dit qu’ils avaient trouvé opportun de commencer par la lecture d’un poème.

Le poème, intitulé « La dame de Damas », de Jean-Pierre Filiu, fut lu avec emphase par une chanteuse/poétesse nommé Sapho. C’était un réquisitoire sans concession contre le régime d’el-Assad. N’entrant dans le détail d’aucun fait ni d’aucun argument, mais plein de pathos et de cris de rage, ce poème émut considérablement le public qui applaudit longuement. En terme de conditionnement par l’émotion il était difficile faire mieux. M. Hafidi passa ensuite la parole aux autres intervenants.

Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po

Jean-Pierre Filiu fut

Diplomate, Jean-Pierre Filiu fut premier conseiller de l’ambassade de France à Damas de 1996 à 1999. 

L’auteur du poème fut le premier à prendre la parole. Présenté comme un « spécialiste », il était visiblement encore dans son poème. Son intervention fut la dénonciation en prose de ce qu’il avait écrit en vers. Il s’indigna de ce que le « barbare Bachar » fût « toujours à l’ONU ». « Ce qui tue les Syriens, c’est Bachar », affirma-t-il. Nous avions là affaire à « un régime infâme », « qui tue, abat, viole son peuple ». Il appela de ses vœux la comparution de Bachar el-Assad devant la Cour pénale internationale (CPI). Il conclut en avançant que « les personnes qui se battent ont le droit d’être armés. » Cette intervention ne contenait presqu’aucun fait et transpirait l’indignation violente à chaque mot.

Monzer Makhous, « ambassadeur représentant de la Coalition nationale syrienne »

Monzer Makhous

Monzer Makhous, géologue syrien, spécialiste du pétrole.

Beaucoup des personnes qui s’étaient déplacées étaient curieuses, en particulier, de voir et entendre cette figure du déjà célèbre Conseil national syrien. Pour le coup je crois que tout le monde fut déçu. Il est impossible de résumer son intervention qu’il fit dans un français extrêmement incertain et dans des phrases peu construites. C’étaient des blocs de mots qui s’enchaînaient ; parfois sans liens logiques. Il fustigea l’ONU, remarquant que les deux résolutions proposées avaient certes été votées par deux membres de Conseil de sécurité, mais que l’immense majorité des autres pays avaient voté contre (135 contre 9 pour l’une). En conséquence de quoi on pouvait déduire que le Conseil de sécurité ne valait rien. Il évoqua un attentat dans lequel étaient morts de nombreux enfants, l’imputant au régime. Sur la question des groupes terroristes islamistes semant la terreur, il avança que le régime était le premier responsable du terrorisme, qu’il avait tout fait pour le faire émerger, afin de se donner un prétexte pour réprimer. Il conclut en rendant hommage à Omar Aziz, mort selon lui « sous la torture » du régime d’Assad la semaine dernière.
Des membres arabophones de la Coordination font remarquer que l’homme s’exprime aussi mal en arabe qu’en français, et que sa conversation dans cette langue est tout aussi approximative et incohérente. Voilà le genre d’homme qu’on trouve dans le Conseil de transition syrien.

Ziyad Majed, professeur à l’université américaine de Paris

Ziyad Majed

Ziyad Majed est un universitaire libanais .

Pour M. Majed, au diapason du premier orateur (et de l’animateur), le régime syrien fait preuve d’un « imaginaire criminel rare », et est animé du « plaisir sadique de punir des esclaves ». On ne s’inquiète pas assez du « possible usage de l’arme chimique ». Chaque mois le régime est réduit à recourir à « une stratégie plus violente ». Nous avons là affaire à un « régime barbare qui n’hésite pas à massacrer son peuple ». Au départ, prétend-il, il n’y avait pas de terrorisme. Pendant 6 mois les manifestations ont été pacifiques. Il devenait urgent, à présent, d’armer l’opposition. Gravement, il rappela que dans ces circonstances, « ce sont les journalistes qui ont la lourde responsabilité d’informer ».

Ziyad Majed fut le seul des 10 intervenants à s’expliquer sur l’absence de points de vue contradictoires à ce colloque. « À l’époque de l’apartheid, aurait-on accepté que dans un débat la parole soit donné à des tenants du suprématisme blanc ? » Ou quelque chose comme ça… comparaison d’autant plus ignoble qu’il ne jugea pas utile d’expliquer la pertinence de ce parallèle. Le public était ainsi amené, insidieusement, à considérer les contestataires de la version officielle de la crise syrienne comme des racistes tenants d’une idéologie inacceptable.

C’est du reste d’une ineptie totale de faire ce genre de rapprochements entre des affaires qui n’ont strictement rien à voir entre elles.

Jack Ralite, ancien ministre

Jack Ralite

Jack Ralite, ancien ministre communiste (1981-84).

Comme les deux intervenants précédents, Jack Ralite alla de sa diatribe contre Bachar el-Assad, un « bourreau haineux », « un dictateur massacreur qui tue son peuple ». Il se risqua à interpréter la présence de djihadistes sur le sol syrien : c’était une « histoire que certains grossissaient ». Il remercia l’engagement résolu de l’Institut du Monde arabe et se félicita de l’avancée de la mobilisation française. Son intervention fut la plus creuse car il n’avança strictement aucun fait, et pour se donner du crédit multiplia les références pédantes à des sources livresques complètement hors-sujet. Nous eûmes ainsi droit à des citations de Camus, de René Char, de Hölderlin, de Boulez, de Bukowski, d’Aragon, de Ricoeur. L’homme parlait avec emphase et semblait heureux d’étaler sa culture.

Remarquons que dans cette liste se trouvent des résistants comme René Char, dont il a souillé la mémoire (peut-être sans s’en rendre compte, mais le mal est fait) en les citant dans ce genre de contexte.

Basma Kodmani, politologue

Basma Kodmani

Basma Kodmani.

L’intervention de Bassma Kodmani fut des plus étranges. Elle se lança dans un très curieux développement sur des conversations qu’elle avait eues avec des jeunes de la rébellion. Elle était émerveillée par ceux qui découvraient la liberté, qui enfin pouvaient commencer à respirer. Ces jeunes gens avaient vu des choses affreuses, et passaient rapidement du rire aux larmes et inversement. Il fallait voir comme ces jeunes chantaient avec cœur, s’émut-elle. La révolution permettait aux Syriens, selon elle, enfin de se parler. Elle rapporta l’anecdote d’un Syrien qui s’émerveillait d’avoir, pour la première fois de sa vie, rencontré un chrétien. Dans le propos de Mme Kodmani, pas le moindre fait, pas le moindre argument, juste ces histoires de jeunes qui passent du rire aux larmes. En revanche elle jouait à fond sur l’émotion.

En présentant Bassma Kodmani, M. Hafidi aurait pu mentionner les informations suivantes : Bassma Kodmani a fait toute sa carrière aux États-Unis. Elle n’a aucun ancrage sur le terrain. Elle a travaillé pour la NED, a été directrice de la branche régionale de la Ford Foundation au Caire, et assisté à plusieurs forums du Club de Bilderberg. Co-fondatrice du conseil national de transition syrien (jusqu’à sa démission en aout 2012), elle est considérée par le reste de l’opposition comme « la principale représentante des intérêts des États-Unis ».

Jean-Pierre Perrin, grand reporter pour Libération

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Jean-Pierre Perrin, journaliste à Libération.

Il commença par se présenter comme quelqu’un ayant « écrit sur la Syrie depuis 20 ans ». Il revint d’abord longtemps sur les événements de Hama de 1982, qui vit entre 15 000 et 25 000 Syriens tués [1]. À l’époque, rapporte-t-il, ces événements n’eurent pas le moindre écho, et l’homme en était désespéré. Il rapporta quelques anecdotes poignantes de témoins de ces massacres dont il avait recueilli le témoignage, il y a une quinzaine d’années. Quant à la situation actuelle, il voulut souligner la place très particulière de la torture en Syrie. « On torture dans tous les pays arabes, affirma-t-il, mais en Syrie on torture pour torturer ». Cela témoigne d’une « forme de perversité assez extraordinaire ». On a pu observer selon lui que les services, souvent, se livraient entre eux à des « compétitions » pour savoir lequel était capable d’atteindre le plus haut degré de cruauté dans la torture. Il signala qu’au début de la crise, des enfants avaient été torturés.

Il rappela l’anecdote d’une personne lui ayant affirmé avoir été torturée dans les années 80… parce qu’elle parlait le français dans la rue. Ceux qui croient que le français et son apprentissage sont interdits en Syrie, peuvent chaque jour le constater en visionnant le journal d’informations quotidien en français sur la chaîne gouvernementale.

Cette anecdote est aussi grotesque que celle du jeune Syrien qui était heureux de rencontrer (enfin) un chrétien pour la première fois de sa vie. Il conclut son intervention en indiquant qu’au vu de la gravité de la torture en Syrie, il adoptait moins une posture de « journaliste », qu’une posture « humaniste ». Il aurait pu aussi s’excuser de s’être trompé de sujet en parlant essentiellement des événements de Hama (et en oubliant de préciser que la réaction du régime en 1982 répondait en partie à une série d’attaques terroristes de mercenaires infiltrés depuis la Jordanie et l’Irak, dans un contexte comparable à maintenant).

Fabrice Weismann, conseiller à la direction des opérations de MSF

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Fabrice Weismann coordinateur de CRASH, la Fondation de Médecins sans frontières.

De toutes les interventions, celle de M. Weismann fut la plus factuelle et la plus mesurée. Il commença par préciser qu’il ne pouvait parler que « des zones contrôlées par l’opposition ». Le problème de ces zones, c’est que le gouvernement syrien a le monopole de l’aide humanitaire. Il est d’autant plus difficile d’acheminer l’aide dans ces zones que les opposants refusent souvent de recevoir une aide émanant du camp qu’ils combattent.

Dans ces zones, il y a de nombreux blessés, et on compte 3 blessés sérieux pour un mort. Les soins sont difficiles à prodiguer car selon lui l’armée syrienne (ce qui pour M. Weismann constitue sa spécialité), cible dans ses bombardements les hôpitaux et les dispensaires.
S’il imputait cette situation à Bachar el-Assad il fustigea aussi la communauté internationale, qui pour lui se rendait coupable d’une démission humanitaire.

Cette intervention, exprimée sur un ton dépassionné et tout en nuances, est la seule qui apporta quelques informations authentiques au public. Il faut tout de même souligner le caractère grotesque de ce qu’il considère comme la spécialité de Bachar el-Assad : qui pourrait croire qu’un État détruise volontairement et systématiquement des infrastructures vitales qu’il a lui-même construites ?

Christophe Ayad, journaliste au Monde

Christophe Ayad

Christophe Ayad, journaliste au Monde.

Le journaliste a commencé par rapporter une anecdote : à son retour en France, il s’entretient avec un commerçant qu’il connaît bien, et ce dernier se plaint de ce que la situation en Syrie ne serait plus couverte par les médias. À ce moment-là, le journaliste est saisi d’états d’âme, et se demande si, avec ses collègues, ils n’auraient pas fait leur travail sur la Syrie, s’ils n’auraient pas, finalement, assez insisté, n’auraient pas assez été relayés. Ce témoignage anonyme et non averti n’a absolument aucune valeur, et il faut un culot formidable pour avancer que « les-horreurs-du-régime-de-Bachar el-Assad » ne seraient pas assez couvertes par les grands médias, que les citoyens français n’en seraient pas assez informés.

Il a trouvé une nouvelle spécialité du régime syrien (une de plus !) : le fait de tirer avec des scuds sur les quartiers résidentiels, parfois très peuplés de civils. Il rapporta que 15 enfants auraient ainsi été tués par le régime. Il conclut son intervention en saluant la mémoire d’Olivier Voisin, photographe récemment mort sur le terrain dont il lut la dernière lettre envoyée à sa compagne. De la part d’un journaliste on se serait attendu à une vue d’ensemble de la situation, mais l’homme s’est concentré sur des anecdotes, vagues, des faits non étayés, des témoignages sans intérêt. Dans l’ensemble, il a essayé, comme Jean-Pierre Filiu (quoique sur un ton plus mesuré), de jouer sur l’émotion plus que sur la raison.

Une conclusion en chanson

Le « débat » avait commencé par un poème, il se termina par un poème et une chanson récitée par Sapho. Le poème de son cru était ampoulé et n’avait qu’un rapport lointain avec la crise syrienne. La chanson consistait en un début de vers arabes qui ne furent pas traduits et que personne ne comprit. De l’émotion, encore de l’émotion, et toujours de l’émotion…

Critique des aspects les plus choquants du « débat »

Faire un sort à tous les mensonges et approximations contenues dans ces dix interventions demanderait plusieurs dizaines de pages. Nous nous contenterons donc de souligner les principaux biais, en évoquant au passage quelques curiosités comme la nomination de Jack Lang à la tête de l’Institut du Monde arabe.

Des interventions qui vont toutes dans le même sens, et qui jouent sur l’émotion

C’est le principe de toute propagande de faire appel aux émotions plutôt qu’à la raison. En submergeant un auditoire ou un lectorat d’émotions, on éteint sa capacité de réflexion. Si en plus on joint à l’émotion la répétition, on obtient un effet puissant sur les citoyens non avertis.

Les intervenants ont systématiquement joué sur l’émotion lors de leurs interventions, et ils ont joué notamment sur la peur et l’indignation : ils ont rapporté ainsi plusieurs anecdotes d’enfants ou de groupes d’enfants tués et torturés. Ils ont systématiquement rendu coupable de ces exactions les troupes régulières du régime syrien, en apportant des éléments de preuve très vagues, ou pas de preuve du tout.

La propagande fonctionne avec des formules simples et bouleversantes. C’est ainsi qu’a été utilisée par presque tous les intervenants l’éculée mais très efficace formule de « l’horrible dictateur qui massacre son propre peuple ». Le même procédé a été utilisé par les grands médias pour préparer l’opinion au renversement de Kadhafi et de Saddam Husseïn. C’est un grand classique qui marche toujours aussi bien pour préparer l’opinion à accepter la nécessité de la guerre.

La propagande fonctionne par la répétition des mêmes formules. Vu l’extrême similitude de la plupart des interventions (et leur pauvreté), le nombre d’intervenants aurait pu aisément être réduit de 10 à 3. Tous ont effet recouru à la même rhétorique simpliste, faite de formules chocs. Les auditeurs présents dans la salle ont entendu à de nombreuses reprises les mêmes slogans simplistes incitant à l’indignation contre Bachar el-Assad et « son » régime.

Il est significatif que ce débat qui n’en était pas un ait été introduit par un poème et clos par un poème et une chanson, qui jouaient sur l’émotion et n’entraient que de façon très superficielle dans les faits et les arguments. Clairement nous ne nous situions pas dans le domaine de la géopolitique, de l’histoire, et du journalisme, mais dans celui de la poésie, du chant, et de la propagande.

La propagande doit aller dans une direction unique. Aucune voix discordante ne doit se faire entendre. C’est pourquoi aucun contestataire de la version officielle ne devait être invité ou autorisé à prendre la parole.

Était-ce vraiment un débat ?

Sur le fascicule de présentation de la journée de soutien, il était mentionné que la table ronde devant se tenir de 14 h à 16 h 30 était un « débat ». Cet intitulé est mensonge, ce pourquoi nous l’avons mis entre guillemets depuis le début de ce compte-rendu. Les 10 intervenants, comme on l’a vu, ont débité, parfois au mot près le même discours et ne se sont jamais opposés sur le moindre point. Si, selon M. Perrin, les bourreaux syriens rivalisaient d’imagination dans la pratique de la torture, eux se livraient entre eux à une autre compétition, dont l’enjeu était de savoir qui allait trouver les mots les plus durs et les plus sales pour dénoncer « le régime d’Assad ».

Nous avons été choqués par ailleurs par la conclusion de ce « débat ». L’animateur de la table ronde, M. Hafidi, avait annoncé au départ une demi-heure d’échange entre les conférenciers et le public à la fin des prises de parole. Nous attendions ce moment avec impatience, espérant pouvoir équilibrer les propos, tant la somme de mensonges proférés par les conférenciers était monstrueuse. Las, sans donner la moindre explication, l’animateur annonça qu’il n’y aurait finalement pas d’échange. Le mot « débat » se trouvait ainsi complètement vidé de sa substance, et la supercherie apparaissait dans toute sa lumière.

Terminons sur un point sur un détail : une femme contestant la version officielle voulut prendre la parole. Non seulement elle n’eut pas de micro, mais elle fut ignorée et sifflée, procédé que nous avons eu souvent l’occasion de constater dans ce genre de « débat ». Non seulement il est très difficile de pouvoir exprimer un point de vue différent, mais on encourt des sifflets, des propos insultants, et parfois des intimidations physiques. Cela reflète sans doute l’idée que les partisans en France de la « rébellion » se font de la liberté d’expression qu’ils veulent apporter au peuple syrien.

Rappelons enfin la comparaison avancée par l’un des intervenants pour justifier l’absence de voix discordante dans cet aréopage : contester la version officielle équivaudrait à défendre le régime d’apartheid en Afrique du sud. Comparaison lancée comme un pavé, sans argumentation, et qui ne peut donc être regardée que comme une grave insulte. Comparaison honteuse pour son auteur, Ziyad Majed, mais qui reflète bien la mentalité des participants.

L’hypothèse de l’instrumentation du terrorisme par le « régime »

Pour cet argument on peut parler de fable incroyable. Le nombre de morts chaque jour en Syrie avancé par l’OSDH ne donne pas de détails sur l’identité des victimes. Or dans les faits, les forces de l’ordre et l’armée essuient de lourdes pertes imputables à des groupes armés. Ils comptaient pour un tiers des victimes à un moment. Les membres de l’armée par ailleurs capturés par les mercenaires sont systématiquement torturés et assassinés. Comment le régime pourrait-il forger des groupes terroristes de toutes pièces, qu’il chargerait d’attaquer sa propre armée ? Cela démoraliserait l’armée, engendrerait une terrible crise de confiance ; les soldats déserteraient en masse. Par ailleurs ces mercenaires visaient particulièrement, au début du conflit, les chrétiens et les alaouites, réputés proches du régime. Pourquoi ce régime sèmerait-il la terreur et la désolation dans des populations qui le soutiennent ? Le simple bon sens doit nous amener à considérer l’hypothèse de l’instrumentation du terrorisme par le régime comme un énorme mensonge.

Mensonge qui du reste n’a rien de gratuit : Pendant longtemps les grands médias ont nié la présence de terroristes djihadistes sur le sol syrien. La situation néanmoins traînant en longueur, et les preuves de leur présence et de leurs exactions se multipliant, il devint à un moment impossible pour les grands médias de nier l’évidence. Comme cela n’allait cependant pas dans le sens de la version officielle initiale, il fallait accommoder cette reconnaissance d’une explication convenable. C’est ainsi qu’après avoir nié leur existence, les grands médias ont été contraints de modifier cette interprétation complotiste et mensongère. Du négationnisme ils sont passés au conspirationnisme.

Nous rappelons que le journal Le Monde avait avancé ce genre d’explication à propos de l’attentat qui avait décapité l’état-major syrien, le 18 juillet 2012. Bachar el-Assad aurait voulu en cette occasion effectuer une purge pour mieux asseoir une autorité qui lui échappait. Interprétation absurde, tirée par les cheveux, mais qui se comprend fort bien si le mot d’ordre obligatoire est de dire que le mal, tout le mal¸ ne peut venir que de « Bachar-el-Assad-et-de-son-régime-ignoble-qui-massacre-son-propre-peuple ». C’est bien digne de cet outil idéologique mondialiste qu’est devenu le journal Le Monde avec les années.

L’hypothèse de l’irruption tardive du terrorisme en Syrie

On n’insistera pas assez sur la gravité de ce mensonge. Voici quelques faits cités par Bahar Kimyongür dans son livre Syriana publié fin 2011 aux éditions Investig’action. Tous ces faits (qui ne sont qu’un échantillon), sont survenus dans la période où les intervenants du débat prétendent qu’il y avait uniquement des manifestants pacifiques.

• Le 17 avril, huit membres des forces de sécurité sont égorgés dans une petite commune de la banlieue de Deraa.
• Le 8 mai, dix policiers sont froidement égorgés à leur tour à Homs
• Le 19 avril, plusieurs officiers sont sauvagement massacrés. Trois enfants d’un général syrien sont achevés au sabre.
• Le 7 juin, 120 militaires et policiers sont attaqués dans leur caserne à Jisr el-Choughour à la frontière turco syrienne et décapités après avoir été tués. Al Jazeera et BBC ont préféré parler de 120 manifestants pacifistes tués par les forces de sécurité ! D’autres ont essayé de faire croire à la fable d’une mutinerie écrasée par leurs supérieurs hiérarchiques.
• Le 21 juillet, 13 soldats ont été tués et 100 autres blessés lors d’affrontements avec des groupes armés dans la ville de Homs. » (p 120-121).

Nous nous contenterons de rappeler, pour clore cette liste macabre, cet épisode particulièrement atroce survenu dès le début des événements. Nous sommes le 2 avril 2011. Nidal Jannoud (alaouite), le gardien du club des officiers de la ville de Banyas, sur la côte méditerranéenne, se fait arrêter par des hommes en armes en se rendant au marché. Les terroristes prenant souvent soin (sans doute par amour des Droits de l’homme), de filmer les boucheries qu’ils perpètrent, nous avons la vidéo de son lynchage. On voit ainsi qu’après l’avoir torturé, après lui avoir affreusement lacéré le visage, les rebelles le criblent de balles à l’arme automatique. Les 20 coupables seront retrouvés, condamnés, et avoueront (les traces vidéo étant irréfutables). On saura par la suite, que l’un des participants au lynchage était l’un des meneurs d’une manifestation « pacifique » appelant à la chute du régime dans la même ville. 6 jours plus tard, 9 soldats syriens à Banyas périront dans une embuscade tendue par un groupe armé.

De telles histoires sont malheureusement trop nombreuses pour être toutes rapportées. Elles attestent sans doute possible l’action violente et cruelle de groupes armés sur le sol syrien dès le début des événements. Nous ne pouvons imaginer que des « spécialistes » comme les personnes présentes à l’IMA puissent être passées à côté. Ce serait faire insulte à leurs « diplômes » et à leurs employeurs (le quotidien Le Monde par exemple) Elles connaissent cette réalité, mais ont choisi de la dissimuler aux citoyens qui s’étaient déplacés lors de cette journée. Cette posture est d’autant plus choquante quand on constate la barbarie dont font montre les mercenaires étrangers pour torturer et assassiner leurs victimes.

L’hypothèse de l’emploi d’armes chimiques

NB : Quand j’ai finalisé ce compte-rendu, le massacre de la Ghouta du 21 août 2013 n’avait pas encore été perpétré, raison pour laquelle je n’en parle pas ici. Je reviendrai longuement sur cet épisode dans une chronique ultérieure.

Cet argument était attendu et a été de nouveau lancé par Ziyad Majed. Des armes chimiques pourraient être utilisées en Syrie. En effet, l’hypothèse est redoutable, et elle s’est réalisée… Le 19 mars dernier, un missile chimique a été tiré sur le village de Khan el-Aklass dans la banlieue d’Alep. Ce village, occupé depuis un mois par le Front al-Nosra, venait d’être repris d’être repris par l’armée syrienne. Le missile a fait trente victimes (femmes, enfants, vieillards, soldats), et en a intoxiqué une centaine d’autres. Les villageois ont unanimement dénoncé la provenance du missile : une zone contrôlée par le Front al-Nosra.

De manière tout à fait remarquable, cette information a été très peu relayée dans les grands médias. L’impossibilité de donner une version officielle crédible en est sans doute la cause. « Assad envoie des missiles chimiques sur les villages que son armée libère d’une organisation terroriste (le Front al-Nosra), il tue ainsi des civils qu’auparavant il protège… » Si c’était le cas ce serait vraiment ignoble, mais il faut être un demeuré ou un menteur pour croire un instant à un tel scénario, d’autant plus improbable que M. el-Assad sait que l’usage de ce genre d’armes amènera mécaniquement une opération décisive de renversement.

Le silence des médias sur ce point s’explique sans doute par le fait qu’ils sentent qu’ils ne peuvent pas mettre ce crime sur le dos d’el-Assad, que ce serait trop énorme à faire gober. En conséquence, au lieu de lancer le battage médiatique habituel, ils en parlent très brièvement, sans entrer dans le détail, et en renvoyant les deux parties dos à dos sans explication.

On voit bien avec cet exemple horrible, que pour les médias et le gouvernement français (M. Hollande et M. Fabius en tête), le problème ce n’est pas l’usage des armes chimiques en soi, mais uniquement celui qui y a recours. Si des « rebelles » utilisent des armes chimiques, ce n’est finalement pas si grave que cela. Si le régime de Bachar en utilise, en revanche, là une ligne rouge est franchie, et il faut faire 15 unes de suite dans la totalité des grands quotidiens subventionnés par l’État.

De comparaisons infâmes avec l’apartheid aux dénonciations infondées du possible usage de l’arme chimique, on voit que certains ne reculent devant rien dans ce mensonge organisé qu’est la couverture des événements de Syrie par les médias français.

Jack Lang, l’organisateur de cette journée

On peut s’interroger sur la personne qui a organisé cette journée de soutien à la rébellion et d’appel au renversement du régime syrien n’est autre que le récemment nommé directeur de l’Institut du Monde arabe, Jack Lang. Si Jack Lang a une incontestable expérience de l’État et des activités culturelles, son CV ne montre aucune expérience du monde arabe. C’est apparemment une région qu’il connaît très mal, et il ne parle même pas la langue qui donne son nom à l’institut. C’est donc un homme dépourvu de toute légitimité intellectuelle qui a organisé cette journée de solidarité avec le peuple syrien.

Cette initiative peut s’interpréter de plusieurs façons, par exemple :

1) Comme il ne connaît pas la situation en Syrie, qu’il ne connaît rien de l’histoire de la Syrie, qu’il en ignore la complexité, qu’il n’en connaît pas la langue, qu’il doit s’occuper de mille autres affaires concernant d’autres pays, il n’a pas eu le temps de s’informer correctement sur la réalité de la situation sur place, et est vulnérable à la propagande de médias comme Le Monde ou I télé, qui présentent les événements de Syrie de la même façon unilatérale et diabolisante.

2) En tant que membre du Parti socialiste, et soutien du gouvernement actuel (qui ne diffère en rien du précédent sur le sujet de la crise syrienne), il peut à l’occasion servir de courroie de transmission pour relayer sa propagande. Cette journée ne serait donc pas une initiative personnelle mais une initiative gouvernementale.

Il est certain dans tous les cas que la nomination d’une personnalité aussi illégitime a de quoi semer les doutes les plus profonds dans les esprits.

Une comparaison éclairante : le colloque organisé à l’Assemblée nationale le 20 février 2013 par l’Académie de géopolitique de Paris

Pour comprendre l’étendue de la fraude que représente ce « débat », il peut être utile de faire la comparaison avec d’autres événements du même genre. Quatre jours avant, le 20 février, nous avons assisté à un colloque sur la « Crise en Syrie : défi à la diplomatie mondiale ».

Ce colloque était organisé par l’Académie de géopolitique de Paris, et se tenait dans une annexe de l’Assemblée Nationale. Instructif et de haute volée, ce colloque se distinguait du faux débat de l’Institut du Monde arabe sur de nombreux points :
Les participants critiquaient majoritairement (tout ou partie) la version officielle martelée par les grands médias. L’animateur du colloque, le président de l’Académie de Géopolitique, a adopté une posture neutre du début à la fin du débat.

Aucune télévision n’était présente, ou n’a jugé utile de relater (ou de s’associer à) l’événement, qui n’a donc eu qu’un écho insignifiant dans l’opinion. Bassam Tahhan, le huitième intervenant de ce colloque, a révélé qu’il était interdit d’antenne sur France 24 (qui couvrait le « débat » le dimanche à l’IMA) depuis deux ans car son opinion n’allait pas dans le sens de la propagande du gouvernement français.

Certains intervenants ont joué sur l’émotion, mais dans l’ensemble ils se sont concentrés sur les faits et les arguments. Ils appelaient plus à la raison qu’à l’émotion. Ils ont remis la crise syrienne dans une perspective historique, informant que la situation actuelle prenait racine dans les années 20, ce qui n’a été signalé par aucun des intervenants de l’IMA.

À chaque fin de tour de parole, toutes les personnes présentes dans la salle pouvaient poser des questions, sans la moindre censure. Les intervenants se sont contestés sur des points généraux ou de détail, parfois avec vigueur. On ne ressentait pas cette impression comme à l’IMA d’être devant un groupe de clones invités pour matraquer sans arguments les mêmes slogans simplistes et incitant à la haine.

Le rôle des médias a été unanimement critiqué, alors qu’à l’IMA les intervenants leur rendaient hommage.

Bref, la véritable « Journée de solidarité avec le peuple syrien », et son fameux « débat » n’ont pas eu lieu le 24 février 3013 à l’Institut du Monde arabe, mais à l’Assemblée nationale, à la faveur du colloque organisé par l’Académie géopolitique de Paris, dont aucun média n’a rendu compte.

Conclusion

Nous pouvons, de ce résumé et de cette somme de remarques, tirer un certain nombre de conclusions :

Cet ensemble d’interventions ne peut en aucune façon être qualifié de « débat », et cet intitulé est donc mensonger.

L’intitulé de la « Journée » elle-même (« Journée de solidarité avec le peuple syrien »), qui semble neutre, est mensonger. Le titre : « Journée d’appel à la chute du régime de Bachar el-Assad » aurait beaucoup mieux convenu.

En appelant unanimement à armer « l’opposition », les intervenants acceptent le risque que ces armes tombent entre les mains de mercenaires sans pitié qui multiplient les attentats terroristes et les massacres. Ils prennent ainsi le risque de se rendre complices de crimes contre l’humanité. Ils ont menti en prétendant que les premiers mois de la crise il n’y avait que des manifestations pacifiques. Ils ont raconté n’importe quoi en avançant que le seul terrorisme en Syrie était le fait du gouvernement syrien.

Jack Lang n’a pas la moindre légitimité pour diriger l’Institut du Monde arabe, et doit être considéré dans cette affaire comme une simple courroie de transmission de la propagande gouvernementale.

L’IMA étant financé sur des fonds publics, très majoritairement français, l’organisation de cet événement s’apparente à un détournement de fonds publics à des fins de propagande.

L’argument avancé pour expliquer l’absence de contradicteurs dans ce débat (la comparaison avec le débat sur l’apartheid), est infâme et dénuée de fondement.

Ce « débat » révèle avec éclat, de nouveau, que les grands médias ont pour but, avant tout, non pas d’informer mais de relayer la propagande gouvernementale et de justifier des guerres injustes. Pour l’occasion ils sont allés encore plus loin : non seulement ils ont massivement couvert l’événement, mais ils s’y sont pour certains associés (I télé, Le Monde). Il est vrai maintenant, qu’à l’instar de l’IMA, le journal Le Monde n’est pas indépendant puisqu’il est financé à hauteur de 17 millions d’euros par an par l’État [chiffre de 2013]. Son rôle, en tant que « journal de référence » de la pensée unique, est de relayer la propagande du gouvernement en mentant au besoin à ses lecteurs. La preuve n’est malheureusement plus à faire.

Ce « débat » révèle que non seulement « l’État » tient les médias dans sa main, mais qu’il n’hésite pas à nommer des relais à la tête d’instituts financés sur des fonds publics, détournant ainsi l’argent public à des fins de propagande. Du reste, peut-on parler d’ « État », existe-t-il encore un État en France ? C’est la question que l’on peut se poser en constatant l’alignement systématique des gouvernements de gauche comme de droite sur des positons atlantistes et européistes.

Plus généralement, les médias appliquent à la lettre la consigne de ne relayer qu’une seule opinion sur la crise syrienne.

On peut conclure ce compte-rendu en affirmant que ce débat constitue une opération de manipulation de l’opinion publique. Son financement par des fonds publics rend l’opération d’autant plus scandaleuse. Il est une nouvelle preuve de la dissolution irrésistible de l’État français, de son inféodation à des intérêts étrangers et d’une compromission de plus en plus évidente des médias comme Le Monde ou I télé.

(À suivre … La prochaine chronique portera sur la couverture médiatique du point de vue des Chrétiens de Syrie)

François Belliot | 25 janvier 2015

Note

[1] Le bombardement de Hama marque la fin de la répression contre le coup d’État manqué des Frères musulmans. On parlait à l’époque de 8 000 morts.

Source: http://www.les-crises.fr/syrie-comment-les-medias-francais-intoxiquent-lopinion-publique-i/


Arabie saoudite : les indécents cocoricos de la France par Pascal Riché

Thursday 22 October 2015 at 00:10

Publié le 13-10-2015 à 18h23

Source : L’Obs

Pourquoi la France se targue-t-elle de vendre des armes à un pays qui piétine les droits de l’homme et participe à une guerre au Yémen?

Manuel Valls, à son arrivée en Arabie Saoudite le 12 octobre 2015 (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Manuel Valls est heureux : lors de son voyage en Arabie Saoudite, pétromonarchie, régime barbare, la France a signé pour 10 milliards d’euros de contrats. C’est le Premier ministre qui l’a tweeté lui-même, marquant sa joie par un point d’exclamation et soulignant son implication personnelle par l’ajout de ses initiales :

France-Arabie Saoudite : 10 milliards € de contrats ! Le Gouvernement mobilisé pour nos entreprises et l’emploi. MV”

OB : on dirait presque du Jean Jaurès, non ?

Ces accords, précise Matignon, touchent à divers secteurs : infrastructures, santé, satellites, agro-alimentaire, maritime, mais aussi armement. Cette fois, ce sont 30 patrouilleurs rapides qui feront l’objet d’une commande à la fin de l’année.

Vous vous demandez peut-être s’il est bien judicieux d’aller vendre des armes sophistiquées ou des satellites à un pays qui piétine les droits de l’homme, emprisonne les opposants politiques, coupe des têtes au sabre, dénie aux femmes de nombreux droits (y compris celui de conduire une automobile) et sponsorise l’islamisme radical dans le monde entier. Une “source diplomatique”, dans “le Journal du Dimanche” avance une réponse à vos interrogations  :

Si vous décidez de mettre fin à toute relation commerciale, vous antagonisez et vous rompez le dialogue. Un lien solide permet au contraire d’accompagner le pays dans d’autres directions au niveau politique.”

Idée brillante ! Voilà une piste pour régler les conflits en cours : ainsi, on pourrait vendre des armes à Bachar et-Assad pour cesser “d’antagoniser”. Ou bien à Daech, tiens : cela ne permettrait-il pas, par  un “dialogue” avec ces fous sanguinaires, de les “accompagner dans d’autres directions politiques” ?

Pas de débat en France

Vers quelle “autre direction politique” cette géniale source diplomatique entend-elle conduire l’Arabie Saoudite, pays dont la conception de la société n’a rien à envier à celle des Talibans ? Je te vends trois avions de chasse, à condition que ce soit des femmes qui les pilotent ? Tiens, voici un lot de mitrailleuses, mais attention, seulement si tu autorises l’ouverture d’une boîte gay à Riyad ?

Au Canada, la question des ventes d’armes à l’Arabie Saoudite fait débat. Mais en France, c’est le silence. Beaucoup d’emplois sont en jeu…

Et pourtant, les armes qu’on vend à l’Arabie Saoudite ne servent pas qu’à faire des tours de parade. Le royaume participe activement à une guerre, au Yémen contre des rebelles chiites, les Houthis. Une sale guerre : les forces de la coalition conduite par Riyad n’hésitent pas à bombarder des villes et des villages, des maisons, des écoles. Des milliers de civils sont morts depuis mars. Amnesty international est allé voir les résultats de 13 frappes près de Sa’ada : la moitié des morts sont des enfants.


Selon l’organisation, la coalition utilise des armes interdites : des bombes à sous-munitions. Elle appelle à suspendre la livraison d’armes aux Saoudiens et à ouvrir une enquête sur les violations des lois internationales.

Mais la France est sourde à cet appel. Elle préfère pousser sur Twitter des cocoricos indécents.

Pascal Riché

Source: http://www.les-crises.fr/arabie-saoudite-les-indecents-cocoricos-de-la-france-par-pascal-riche/