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La Russie doit travailler avec les États-Unis en Syrie, et non pas contre eux, par Zbigniew Brzezinski

Thursday 22 October 2015 at 03:38

Source : The Financial Times, le 29/09/2015

Nous devrions persuader Moscou d’agir en collaboration avec nous pour résoudre le problème syrien, écrit Zbigniew Brzezinski

Un chasseur russe atterrit en Syrie, le 1er octobre ©Reuters

Nous savons tous comment la Première Guerre mondiale a commencé. Des actes de violence individuels répétés ont déclenché des opérations militaires majeures, opérations qui manquaient autant d’une orientation stratégique globale que d’objectifs clairs. Le reste est de l’histoire : quatre ans de boucherie pour des buts définis largement après les faits par les puissances victorieuses.

Il est encore temps d’éviter une désastreuse reproduction de ce scénario, qui cette fois-ci déstabiliserait le Moyen-Orient et tout spécialement la Syrie. J’ai soutenu Barack Obama dans sa décision initiale de ne pas utiliser la force pour résoudre la tragédie syrienne. L’utilisation des forces américaines pour évincer Bachar el-Assad – si ardemment défendue par certains de nos amis au Moyen-Orient – n’a pas de sens en l’absence d’un véritable consensus national en sa faveur, que ce soit en Syrie, ou aux États-Unis.

OB : soulignons ici sa real-politic bienvenue…

En outre, que cela nous plaise ou non, M. Assad n’était ni enclin à obtempérer aux demandes pressantes de Washington lui demandant de quitter le pouvoir, ni intimidé par nos efforts confus visant à organiser une véritable résistance démocratique face à son régime.

Cependant, une avancée a depuis lors été effectuée dans les négociations nucléaires très difficiles avec l’Iran, pour lesquelles les États-Unis et la Russie ont coopéré avec d’autres grandes puissances afin de surmonter les obstacles. On aurait donc pu croire que la prochaine étape à franchir pour arriver à une résolution du problème syrien pouvait impliquer un nouvel effort commun, cette fois avec l’aide des acteurs si importants que sont la Chine et la Russie.

Au lieu de cela, Moscou a choisi l’intervention militaire, sans aucune coopération politique ou tactique avec les États-Unis – la principale puissance étrangère engagée directement, mais si peu efficacement, à destituer Mr Assad. Dans ce but, il a lancé des attaques aériennes contre des éléments syriens qui sont soutenus, formés et équipés par les Américains,

OB : dont des membres d’Al-Qaïda Syrie, hein…

infligeant des dégâts et faisant des victimes.

OB : c’est le but des Russes en effet, ce qui change…

(donc une mobylette et deux pelleteuses, dont une a survécu – coriace la pelleteuse syrienne…)

Au mieux, c’était une illustration de l’incompétence militaire russe ; au pire, la preuve d’une volonté dangereuse de mettre en évidence l’impuissance politique américaine.

1 Les Russes reconnaissent toujours Assad comme le président légitime Syrien

2 Assad appelle les Russes à l’aide face à une rébellion islamiste armée

3 Les russes bombardent les islamistes, armés par les États-Unis

Faut être Américain pour voir une preuve de l’incompétence militaire russe, mais bon…

Dans les deux cas, l’avenir de la région et la crédibilité des ÉU aux yeux des pays du Moyen-Orient sont tous deux en jeu. Dans ce contexte évoluant très rapidement les États-Unis n’ont qu’une seule option valable pour protéger leurs intérêts dans la région : demander à Moscou de cesser les actions militaires qui les touchent directement. La Russie a le droit de soutenir M. Assad, si elle le souhaite – mais toute répétition de ces attaques pourrait provoquer des représailles.

Al-Qaïda Syrie = un intérêt militaire américain dans la région, ok.

La Russie peut soutenir M. Assad, mais sans attaquer les rebelles qui le combattent. Elle peut donc envoyer à Assad autant de SMS de soutien qu’elle le souhaite, CQFD.

Les présences navales et aériennes russes en Syrie sont fragiles, géographiquement isolées par rapport à leur patrie. Elles pourraient être rendues inoffensives si elles persistaient à provoquer les ÉU.

Bombarder Al-Qaïda Syrie = provoquer les États-Unis, ok

Mais, mieux encore, on pourrait persuader la Russie d’agir en collaboration avec les ÉU pour une résolution de ce problème régional qui dépasse largement les intérêts d’un seul État.

Si cela devait arriver, même une collaboration politique et militaire ÉU-Russie limitée sur le Moyen-Orient pourrait favoriser un développement géopolitique positif supplémentaire : l’engagement constructif de la Chine à contenir les dangers d’un embrasement général du Moyen-Orient. Pékin a un enjeu économique important dans la prévention d’un plus grand conflit au Moyen-Orient. La Chine aurait intérêt non seulement à éviter la propagation de ce chaos, mais aussi à accroître son influence régionale.

La France et la Grande-Bretagne ne peuvent plus jouer de rôle décisif au Moyen-Orient.

RIP François Hollande

Les ÉU, eux, trouvent qu’il est difficile de le jouer seuls. La région elle-même est divisée selon des lignes de fracture confessionnelles, ethniques et territoriales, et elle s’enfonce dans une violence de plus en plus grande. Cela demande une assistance étrangère mais pas sous une nouvelle forme de domination néocoloniale.

“L’assistance étrangère” a déjà bien aidé à l’enfoncement dans la violence ne fait…

La puissance américaine, utilisée intelligemment et de manière décisive pour la mise en place d’une nouvelle formule pour la stabilisation de la région, est nécessaire.

Comme en Irak et en Libye…

La Chine préfèrerait sans doute rester sur la touche. Il se peut qu’elle attende le bon moment pour tirer les marrons du feu. Mais le chaos régional pourrait facilement se propager vers le nord, submergeant ensuite l’Asie centrale et du nord-est. La Russie et la Chine pourraient alors être affectées. Mais les intérêts américains et des amis de l’Amérique – pour ne pas parler de la stabilité régionale – souffriraient également. Il est temps, donc, d’une stratégie audacieuse.

L’auteur est l’ancien conseiller sur la sécurité nationale de Jimmy Carter, ancien président des États-Unis d’Amérique

Source : The Financial Times, le 29/09/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

 

Source: http://www.les-crises.fr/la-russie-doit-travailler-avec-les-etats-unis-en-syrie-et-non-pas-contre-eux/


Syrie : Comment les médias français intoxiquent l’opinion publique [ I ]

Thursday 22 October 2015 at 02:00

Une série très fouillée de François Belliot.

Je rappelle : il ne faut pas tout prendre pour argent comptant, et faire preuve d’esprit critique, mais bon, la comparaison avec la sous-qualité d’un article du Monde fait quand même bien de la peine…

Source : François Belliot, pour Arrêt sur info.ch, le 25 janvier 2015.

téléchargement (13)

Ce texte, écrit en 2013, inaugure une suite de chroniques, de l’écrivain François Belliot [à paraître sur Arrêt sur Info*], consacrées au décryptage de la propagande répandue par les « grands » médias français au sujet de la guerre en Syrie.

I – Un débat truqué à l’Institut du Monde arabe

Introduction *

Depuis bientôt deux ans les événements de Syrie sont couverts de façon unilatérale et caricaturale dans les médias traditionnels français (cette remarque peut être étendue à tous les pays situés dans la zone OTAN ou celle du Conseil de coopération du Golfe). Pour ceux-ci, nous aurions affaire, en Syrie comme en Libye, à « un dictateur sanguinaire qui massacre son propre peuple ». Face à lui, une opposition courageuse, démunie, et pacifique qui, dans le sillage du « printemps arabe », voudrait s’émanciper en vain d’une ignoble tutelle. Les dizaines de milliers de morts depuis le début de la crise seraient, dans des proportions écrasantes, dues aux exactions des troupes loyales au régime baathiste. Voilà à peu près ce que l’on entend, quotidiennement, depuis 2 ans, martelé sur TF1, Le Monde, France Inter, Le Point, Libération, Le Figaro, etc.

Cette propagande n’est pas seulement une propagande « d’État », dans le sens où seul l’État en serait le responsable et l’auteur, mais une propagande dans laquelle viennent s’imbriquer l’État (en particulier par la voix du ministre des Affaires étrangères), la totalité des médias possédés par des grands groupes privés, et des institutions de l’État, enfin des associations qui vont servir de force militante pour organiser des « événements », en profitant largement de millions d’euros venus d’on ne sait où. Tout ce monde-là fonctionne main dans la main et agit comme un rouleau compresseur, pour imposer dans l’opinion une version officielle mensongère et rendre inaudible tout point de vue contestataire.

Nous allons analyser et décrypter cette propagande répandue par les médias traditionnels français au sujet de la guerre en Syrie dans une suite de chroniques que nous inaugurons ici par un compte rendu détaillé d’un débat sur la Syrie tenu à l’institut du monde arabe le 24 février 2013. Ce débat était à l’évidence truqué dans les grandes largeurs, et, comme nous allons le voir, ceux qui y ont participé ont proféré les mensonges les plus incroyables.

Compte-rendu du débat du 24 février 2013

Dimanche 24 février, l’Institut du Monde arabe (IMA) organisait une « journée de solidarité avec le peuple syrien ». Divers événements se sont ainsi succédé pendant 12 heures entre midi et minuit : concerts, expositions, présentations d’ouvrages, et débats. L’initiative venait du nouveau président de l’institut, Jack Lang, et était co-organisée par I télé et le quotidien Le Monde.

Si l’intitulé de la « journée » pouvait laisser présager un traitement neutre de la crise syrienne, dans les faits c’était, comme nous allons le voir clairement une journée de soutien à « l’opposition armée syrienne » appelant à la chute du régime de Bachar el-Assad.
C’est flagrant si l’on ne considère que le moment fort de la journée, qui consistait en un « débat » sur le « devenir de la Syrie ». Il a eu lieu de 14 h à 16 h 30 dans la salle du Haut-Conseil. Il était animé par Abderrahim Hafidi, animateur de l’émission « Islam » sur France 2. Les caméras de télévision étaient nombreuses, parmi lesquelles : France 24, TV5, et bien sûr, I télé.

Dix personnalités et intellectuels avaient été conviés à ce « débat », parmi lesquels, clou de l’aréopage, « l’ambassadeur représentant » de la « Coalition nationale syrienne » à Paris, Monzer Makhous. Tous les intervenants étaient des adversaires résolus du régime syrien et du président Bachar el-Assad, et entièrement acquis à la version de la crise syrienne quotidiennement martelée dans tous les grands médias depuis deux ans.

Nous avons assisté à ce débat. Nous étions curieux de voir jusqu’à quel point les organisateurs et les intervenants étaient capables de pousser la mascarade. Tout habitués que nous soyons aux mensonges de la version officielle, à la violence verbale de ceux qui dénoncent le régime syrien et son président Bachar el-Assad, nous pouvons dire que ce dimanche 24 février, tous les records ont été battus en terme de mauvaise foi, de mensonges, d’amalgames, et de violence verbale.

Le débat fut lancé par une courte allocution de Jack Lang, dans laquelle il remercia les équipes de l’IMA, et les associations de soutien qui s’étaient beaucoup mobilisées pour cet événement. M. Hafidi ensuite introduisit le « débat ».

Je diviserai le compte-rendu de ce débat en deux parties. Dans la première je résume brièvement chacune des interventions en en soulignant les points les plus marquants. Dans la seconde j’entre dans le détail des mensonges les plus énormes avancés par les intervenants, et des conditions douteuses dans lesquelles ce débat a été organisé et mené.

Abderrahim Hafidi, présentateur de l’émission « Islam » sur France 2

Abderrahim Hafidi

Abderrahim Hafidi, journaliste français d’origine marocaine. 

L’animateur de ce « débat », sans doute pour respecter la neutralité de sa position, dénonça les « châtiments barbares d’un gouvernement qui n’a ni cœur ni miséricorde. » Il appela à la conscience internationale. Il invoqua la mémoire d’Albert Camus. Il soutint qu’il fallait « combattre pour la liberté du peuple syrien ». Il se félicita de la présence de journalistes du Monde et de Libération à cet événement.

Il présenta les divers intervenants, et annonça que leurs interventions seraient suivies d’un échange avec le public. Pour introduire le débat, il dit qu’ils avaient trouvé opportun de commencer par la lecture d’un poème.

Le poème, intitulé « La dame de Damas », de Jean-Pierre Filiu, fut lu avec emphase par une chanteuse/poétesse nommé Sapho. C’était un réquisitoire sans concession contre le régime d’el-Assad. N’entrant dans le détail d’aucun fait ni d’aucun argument, mais plein de pathos et de cris de rage, ce poème émut considérablement le public qui applaudit longuement. En terme de conditionnement par l’émotion il était difficile faire mieux. M. Hafidi passa ensuite la parole aux autres intervenants.

Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po

Jean-Pierre Filiu fut

Diplomate, Jean-Pierre Filiu fut premier conseiller de l’ambassade de France à Damas de 1996 à 1999. 

L’auteur du poème fut le premier à prendre la parole. Présenté comme un « spécialiste », il était visiblement encore dans son poème. Son intervention fut la dénonciation en prose de ce qu’il avait écrit en vers. Il s’indigna de ce que le « barbare Bachar » fût « toujours à l’ONU ». « Ce qui tue les Syriens, c’est Bachar », affirma-t-il. Nous avions là affaire à « un régime infâme », « qui tue, abat, viole son peuple ». Il appela de ses vœux la comparution de Bachar el-Assad devant la Cour pénale internationale (CPI). Il conclut en avançant que « les personnes qui se battent ont le droit d’être armés. » Cette intervention ne contenait presqu’aucun fait et transpirait l’indignation violente à chaque mot.

Monzer Makhous, « ambassadeur représentant de la Coalition nationale syrienne »

Monzer Makhous

Monzer Makhous, géologue syrien, spécialiste du pétrole.

Beaucoup des personnes qui s’étaient déplacées étaient curieuses, en particulier, de voir et entendre cette figure du déjà célèbre Conseil national syrien. Pour le coup je crois que tout le monde fut déçu. Il est impossible de résumer son intervention qu’il fit dans un français extrêmement incertain et dans des phrases peu construites. C’étaient des blocs de mots qui s’enchaînaient ; parfois sans liens logiques. Il fustigea l’ONU, remarquant que les deux résolutions proposées avaient certes été votées par deux membres de Conseil de sécurité, mais que l’immense majorité des autres pays avaient voté contre (135 contre 9 pour l’une). En conséquence de quoi on pouvait déduire que le Conseil de sécurité ne valait rien. Il évoqua un attentat dans lequel étaient morts de nombreux enfants, l’imputant au régime. Sur la question des groupes terroristes islamistes semant la terreur, il avança que le régime était le premier responsable du terrorisme, qu’il avait tout fait pour le faire émerger, afin de se donner un prétexte pour réprimer. Il conclut en rendant hommage à Omar Aziz, mort selon lui « sous la torture » du régime d’Assad la semaine dernière.
Des membres arabophones de la Coordination font remarquer que l’homme s’exprime aussi mal en arabe qu’en français, et que sa conversation dans cette langue est tout aussi approximative et incohérente. Voilà le genre d’homme qu’on trouve dans le Conseil de transition syrien.

Ziyad Majed, professeur à l’université américaine de Paris

Ziyad Majed

Ziyad Majed est un universitaire libanais .

Pour M. Majed, au diapason du premier orateur (et de l’animateur), le régime syrien fait preuve d’un « imaginaire criminel rare », et est animé du « plaisir sadique de punir des esclaves ». On ne s’inquiète pas assez du « possible usage de l’arme chimique ». Chaque mois le régime est réduit à recourir à « une stratégie plus violente ». Nous avons là affaire à un « régime barbare qui n’hésite pas à massacrer son peuple ». Au départ, prétend-il, il n’y avait pas de terrorisme. Pendant 6 mois les manifestations ont été pacifiques. Il devenait urgent, à présent, d’armer l’opposition. Gravement, il rappela que dans ces circonstances, « ce sont les journalistes qui ont la lourde responsabilité d’informer ».

Ziyad Majed fut le seul des 10 intervenants à s’expliquer sur l’absence de points de vue contradictoires à ce colloque. « À l’époque de l’apartheid, aurait-on accepté que dans un débat la parole soit donné à des tenants du suprématisme blanc ? » Ou quelque chose comme ça… comparaison d’autant plus ignoble qu’il ne jugea pas utile d’expliquer la pertinence de ce parallèle. Le public était ainsi amené, insidieusement, à considérer les contestataires de la version officielle de la crise syrienne comme des racistes tenants d’une idéologie inacceptable.

C’est du reste d’une ineptie totale de faire ce genre de rapprochements entre des affaires qui n’ont strictement rien à voir entre elles.

Jack Ralite, ancien ministre

Jack Ralite

Jack Ralite, ancien ministre communiste (1981-84).

Comme les deux intervenants précédents, Jack Ralite alla de sa diatribe contre Bachar el-Assad, un « bourreau haineux », « un dictateur massacreur qui tue son peuple ». Il se risqua à interpréter la présence de djihadistes sur le sol syrien : c’était une « histoire que certains grossissaient ». Il remercia l’engagement résolu de l’Institut du Monde arabe et se félicita de l’avancée de la mobilisation française. Son intervention fut la plus creuse car il n’avança strictement aucun fait, et pour se donner du crédit multiplia les références pédantes à des sources livresques complètement hors-sujet. Nous eûmes ainsi droit à des citations de Camus, de René Char, de Hölderlin, de Boulez, de Bukowski, d’Aragon, de Ricoeur. L’homme parlait avec emphase et semblait heureux d’étaler sa culture.

Remarquons que dans cette liste se trouvent des résistants comme René Char, dont il a souillé la mémoire (peut-être sans s’en rendre compte, mais le mal est fait) en les citant dans ce genre de contexte.

Basma Kodmani, politologue

Basma Kodmani

Basma Kodmani.

L’intervention de Bassma Kodmani fut des plus étranges. Elle se lança dans un très curieux développement sur des conversations qu’elle avait eues avec des jeunes de la rébellion. Elle était émerveillée par ceux qui découvraient la liberté, qui enfin pouvaient commencer à respirer. Ces jeunes gens avaient vu des choses affreuses, et passaient rapidement du rire aux larmes et inversement. Il fallait voir comme ces jeunes chantaient avec cœur, s’émut-elle. La révolution permettait aux Syriens, selon elle, enfin de se parler. Elle rapporta l’anecdote d’un Syrien qui s’émerveillait d’avoir, pour la première fois de sa vie, rencontré un chrétien. Dans le propos de Mme Kodmani, pas le moindre fait, pas le moindre argument, juste ces histoires de jeunes qui passent du rire aux larmes. En revanche elle jouait à fond sur l’émotion.

En présentant Bassma Kodmani, M. Hafidi aurait pu mentionner les informations suivantes : Bassma Kodmani a fait toute sa carrière aux États-Unis. Elle n’a aucun ancrage sur le terrain. Elle a travaillé pour la NED, a été directrice de la branche régionale de la Ford Foundation au Caire, et assisté à plusieurs forums du Club de Bilderberg. Co-fondatrice du conseil national de transition syrien (jusqu’à sa démission en aout 2012), elle est considérée par le reste de l’opposition comme « la principale représentante des intérêts des États-Unis ».

Jean-Pierre Perrin, grand reporter pour Libération

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Jean-Pierre Perrin, journaliste à Libération.

Il commença par se présenter comme quelqu’un ayant « écrit sur la Syrie depuis 20 ans ». Il revint d’abord longtemps sur les événements de Hama de 1982, qui vit entre 15 000 et 25 000 Syriens tués [1]. À l’époque, rapporte-t-il, ces événements n’eurent pas le moindre écho, et l’homme en était désespéré. Il rapporta quelques anecdotes poignantes de témoins de ces massacres dont il avait recueilli le témoignage, il y a une quinzaine d’années. Quant à la situation actuelle, il voulut souligner la place très particulière de la torture en Syrie. « On torture dans tous les pays arabes, affirma-t-il, mais en Syrie on torture pour torturer ». Cela témoigne d’une « forme de perversité assez extraordinaire ». On a pu observer selon lui que les services, souvent, se livraient entre eux à des « compétitions » pour savoir lequel était capable d’atteindre le plus haut degré de cruauté dans la torture. Il signala qu’au début de la crise, des enfants avaient été torturés.

Il rappela l’anecdote d’une personne lui ayant affirmé avoir été torturée dans les années 80… parce qu’elle parlait le français dans la rue. Ceux qui croient que le français et son apprentissage sont interdits en Syrie, peuvent chaque jour le constater en visionnant le journal d’informations quotidien en français sur la chaîne gouvernementale.

Cette anecdote est aussi grotesque que celle du jeune Syrien qui était heureux de rencontrer (enfin) un chrétien pour la première fois de sa vie. Il conclut son intervention en indiquant qu’au vu de la gravité de la torture en Syrie, il adoptait moins une posture de « journaliste », qu’une posture « humaniste ». Il aurait pu aussi s’excuser de s’être trompé de sujet en parlant essentiellement des événements de Hama (et en oubliant de préciser que la réaction du régime en 1982 répondait en partie à une série d’attaques terroristes de mercenaires infiltrés depuis la Jordanie et l’Irak, dans un contexte comparable à maintenant).

Fabrice Weismann, conseiller à la direction des opérations de MSF

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Fabrice Weismann coordinateur de CRASH, la Fondation de Médecins sans frontières.

De toutes les interventions, celle de M. Weismann fut la plus factuelle et la plus mesurée. Il commença par préciser qu’il ne pouvait parler que « des zones contrôlées par l’opposition ». Le problème de ces zones, c’est que le gouvernement syrien a le monopole de l’aide humanitaire. Il est d’autant plus difficile d’acheminer l’aide dans ces zones que les opposants refusent souvent de recevoir une aide émanant du camp qu’ils combattent.

Dans ces zones, il y a de nombreux blessés, et on compte 3 blessés sérieux pour un mort. Les soins sont difficiles à prodiguer car selon lui l’armée syrienne (ce qui pour M. Weismann constitue sa spécialité), cible dans ses bombardements les hôpitaux et les dispensaires.
S’il imputait cette situation à Bachar el-Assad il fustigea aussi la communauté internationale, qui pour lui se rendait coupable d’une démission humanitaire.

Cette intervention, exprimée sur un ton dépassionné et tout en nuances, est la seule qui apporta quelques informations authentiques au public. Il faut tout de même souligner le caractère grotesque de ce qu’il considère comme la spécialité de Bachar el-Assad : qui pourrait croire qu’un État détruise volontairement et systématiquement des infrastructures vitales qu’il a lui-même construites ?

Christophe Ayad, journaliste au Monde

Christophe Ayad

Christophe Ayad, journaliste au Monde.

Le journaliste a commencé par rapporter une anecdote : à son retour en France, il s’entretient avec un commerçant qu’il connaît bien, et ce dernier se plaint de ce que la situation en Syrie ne serait plus couverte par les médias. À ce moment-là, le journaliste est saisi d’états d’âme, et se demande si, avec ses collègues, ils n’auraient pas fait leur travail sur la Syrie, s’ils n’auraient pas, finalement, assez insisté, n’auraient pas assez été relayés. Ce témoignage anonyme et non averti n’a absolument aucune valeur, et il faut un culot formidable pour avancer que « les-horreurs-du-régime-de-Bachar el-Assad » ne seraient pas assez couvertes par les grands médias, que les citoyens français n’en seraient pas assez informés.

Il a trouvé une nouvelle spécialité du régime syrien (une de plus !) : le fait de tirer avec des scuds sur les quartiers résidentiels, parfois très peuplés de civils. Il rapporta que 15 enfants auraient ainsi été tués par le régime. Il conclut son intervention en saluant la mémoire d’Olivier Voisin, photographe récemment mort sur le terrain dont il lut la dernière lettre envoyée à sa compagne. De la part d’un journaliste on se serait attendu à une vue d’ensemble de la situation, mais l’homme s’est concentré sur des anecdotes, vagues, des faits non étayés, des témoignages sans intérêt. Dans l’ensemble, il a essayé, comme Jean-Pierre Filiu (quoique sur un ton plus mesuré), de jouer sur l’émotion plus que sur la raison.

Une conclusion en chanson

Le « débat » avait commencé par un poème, il se termina par un poème et une chanson récitée par Sapho. Le poème de son cru était ampoulé et n’avait qu’un rapport lointain avec la crise syrienne. La chanson consistait en un début de vers arabes qui ne furent pas traduits et que personne ne comprit. De l’émotion, encore de l’émotion, et toujours de l’émotion…

Critique des aspects les plus choquants du « débat »

Faire un sort à tous les mensonges et approximations contenues dans ces dix interventions demanderait plusieurs dizaines de pages. Nous nous contenterons donc de souligner les principaux biais, en évoquant au passage quelques curiosités comme la nomination de Jack Lang à la tête de l’Institut du Monde arabe.

Des interventions qui vont toutes dans le même sens, et qui jouent sur l’émotion

C’est le principe de toute propagande de faire appel aux émotions plutôt qu’à la raison. En submergeant un auditoire ou un lectorat d’émotions, on éteint sa capacité de réflexion. Si en plus on joint à l’émotion la répétition, on obtient un effet puissant sur les citoyens non avertis.

Les intervenants ont systématiquement joué sur l’émotion lors de leurs interventions, et ils ont joué notamment sur la peur et l’indignation : ils ont rapporté ainsi plusieurs anecdotes d’enfants ou de groupes d’enfants tués et torturés. Ils ont systématiquement rendu coupable de ces exactions les troupes régulières du régime syrien, en apportant des éléments de preuve très vagues, ou pas de preuve du tout.

La propagande fonctionne avec des formules simples et bouleversantes. C’est ainsi qu’a été utilisée par presque tous les intervenants l’éculée mais très efficace formule de « l’horrible dictateur qui massacre son propre peuple ». Le même procédé a été utilisé par les grands médias pour préparer l’opinion au renversement de Kadhafi et de Saddam Husseïn. C’est un grand classique qui marche toujours aussi bien pour préparer l’opinion à accepter la nécessité de la guerre.

La propagande fonctionne par la répétition des mêmes formules. Vu l’extrême similitude de la plupart des interventions (et leur pauvreté), le nombre d’intervenants aurait pu aisément être réduit de 10 à 3. Tous ont effet recouru à la même rhétorique simpliste, faite de formules chocs. Les auditeurs présents dans la salle ont entendu à de nombreuses reprises les mêmes slogans simplistes incitant à l’indignation contre Bachar el-Assad et « son » régime.

Il est significatif que ce débat qui n’en était pas un ait été introduit par un poème et clos par un poème et une chanson, qui jouaient sur l’émotion et n’entraient que de façon très superficielle dans les faits et les arguments. Clairement nous ne nous situions pas dans le domaine de la géopolitique, de l’histoire, et du journalisme, mais dans celui de la poésie, du chant, et de la propagande.

La propagande doit aller dans une direction unique. Aucune voix discordante ne doit se faire entendre. C’est pourquoi aucun contestataire de la version officielle ne devait être invité ou autorisé à prendre la parole.

Était-ce vraiment un débat ?

Sur le fascicule de présentation de la journée de soutien, il était mentionné que la table ronde devant se tenir de 14 h à 16 h 30 était un « débat ». Cet intitulé est mensonge, ce pourquoi nous l’avons mis entre guillemets depuis le début de ce compte-rendu. Les 10 intervenants, comme on l’a vu, ont débité, parfois au mot près le même discours et ne se sont jamais opposés sur le moindre point. Si, selon M. Perrin, les bourreaux syriens rivalisaient d’imagination dans la pratique de la torture, eux se livraient entre eux à une autre compétition, dont l’enjeu était de savoir qui allait trouver les mots les plus durs et les plus sales pour dénoncer « le régime d’Assad ».

Nous avons été choqués par ailleurs par la conclusion de ce « débat ». L’animateur de la table ronde, M. Hafidi, avait annoncé au départ une demi-heure d’échange entre les conférenciers et le public à la fin des prises de parole. Nous attendions ce moment avec impatience, espérant pouvoir équilibrer les propos, tant la somme de mensonges proférés par les conférenciers était monstrueuse. Las, sans donner la moindre explication, l’animateur annonça qu’il n’y aurait finalement pas d’échange. Le mot « débat » se trouvait ainsi complètement vidé de sa substance, et la supercherie apparaissait dans toute sa lumière.

Terminons sur un point sur un détail : une femme contestant la version officielle voulut prendre la parole. Non seulement elle n’eut pas de micro, mais elle fut ignorée et sifflée, procédé que nous avons eu souvent l’occasion de constater dans ce genre de « débat ». Non seulement il est très difficile de pouvoir exprimer un point de vue différent, mais on encourt des sifflets, des propos insultants, et parfois des intimidations physiques. Cela reflète sans doute l’idée que les partisans en France de la « rébellion » se font de la liberté d’expression qu’ils veulent apporter au peuple syrien.

Rappelons enfin la comparaison avancée par l’un des intervenants pour justifier l’absence de voix discordante dans cet aréopage : contester la version officielle équivaudrait à défendre le régime d’apartheid en Afrique du sud. Comparaison lancée comme un pavé, sans argumentation, et qui ne peut donc être regardée que comme une grave insulte. Comparaison honteuse pour son auteur, Ziyad Majed, mais qui reflète bien la mentalité des participants.

L’hypothèse de l’instrumentation du terrorisme par le « régime »

Pour cet argument on peut parler de fable incroyable. Le nombre de morts chaque jour en Syrie avancé par l’OSDH ne donne pas de détails sur l’identité des victimes. Or dans les faits, les forces de l’ordre et l’armée essuient de lourdes pertes imputables à des groupes armés. Ils comptaient pour un tiers des victimes à un moment. Les membres de l’armée par ailleurs capturés par les mercenaires sont systématiquement torturés et assassinés. Comment le régime pourrait-il forger des groupes terroristes de toutes pièces, qu’il chargerait d’attaquer sa propre armée ? Cela démoraliserait l’armée, engendrerait une terrible crise de confiance ; les soldats déserteraient en masse. Par ailleurs ces mercenaires visaient particulièrement, au début du conflit, les chrétiens et les alaouites, réputés proches du régime. Pourquoi ce régime sèmerait-il la terreur et la désolation dans des populations qui le soutiennent ? Le simple bon sens doit nous amener à considérer l’hypothèse de l’instrumentation du terrorisme par le régime comme un énorme mensonge.

Mensonge qui du reste n’a rien de gratuit : Pendant longtemps les grands médias ont nié la présence de terroristes djihadistes sur le sol syrien. La situation néanmoins traînant en longueur, et les preuves de leur présence et de leurs exactions se multipliant, il devint à un moment impossible pour les grands médias de nier l’évidence. Comme cela n’allait cependant pas dans le sens de la version officielle initiale, il fallait accommoder cette reconnaissance d’une explication convenable. C’est ainsi qu’après avoir nié leur existence, les grands médias ont été contraints de modifier cette interprétation complotiste et mensongère. Du négationnisme ils sont passés au conspirationnisme.

Nous rappelons que le journal Le Monde avait avancé ce genre d’explication à propos de l’attentat qui avait décapité l’état-major syrien, le 18 juillet 2012. Bachar el-Assad aurait voulu en cette occasion effectuer une purge pour mieux asseoir une autorité qui lui échappait. Interprétation absurde, tirée par les cheveux, mais qui se comprend fort bien si le mot d’ordre obligatoire est de dire que le mal, tout le mal¸ ne peut venir que de « Bachar-el-Assad-et-de-son-régime-ignoble-qui-massacre-son-propre-peuple ». C’est bien digne de cet outil idéologique mondialiste qu’est devenu le journal Le Monde avec les années.

L’hypothèse de l’irruption tardive du terrorisme en Syrie

On n’insistera pas assez sur la gravité de ce mensonge. Voici quelques faits cités par Bahar Kimyongür dans son livre Syriana publié fin 2011 aux éditions Investig’action. Tous ces faits (qui ne sont qu’un échantillon), sont survenus dans la période où les intervenants du débat prétendent qu’il y avait uniquement des manifestants pacifiques.

• Le 17 avril, huit membres des forces de sécurité sont égorgés dans une petite commune de la banlieue de Deraa.
• Le 8 mai, dix policiers sont froidement égorgés à leur tour à Homs
• Le 19 avril, plusieurs officiers sont sauvagement massacrés. Trois enfants d’un général syrien sont achevés au sabre.
• Le 7 juin, 120 militaires et policiers sont attaqués dans leur caserne à Jisr el-Choughour à la frontière turco syrienne et décapités après avoir été tués. Al Jazeera et BBC ont préféré parler de 120 manifestants pacifistes tués par les forces de sécurité ! D’autres ont essayé de faire croire à la fable d’une mutinerie écrasée par leurs supérieurs hiérarchiques.
• Le 21 juillet, 13 soldats ont été tués et 100 autres blessés lors d’affrontements avec des groupes armés dans la ville de Homs. » (p 120-121).

Nous nous contenterons de rappeler, pour clore cette liste macabre, cet épisode particulièrement atroce survenu dès le début des événements. Nous sommes le 2 avril 2011. Nidal Jannoud (alaouite), le gardien du club des officiers de la ville de Banyas, sur la côte méditerranéenne, se fait arrêter par des hommes en armes en se rendant au marché. Les terroristes prenant souvent soin (sans doute par amour des Droits de l’homme), de filmer les boucheries qu’ils perpètrent, nous avons la vidéo de son lynchage. On voit ainsi qu’après l’avoir torturé, après lui avoir affreusement lacéré le visage, les rebelles le criblent de balles à l’arme automatique. Les 20 coupables seront retrouvés, condamnés, et avoueront (les traces vidéo étant irréfutables). On saura par la suite, que l’un des participants au lynchage était l’un des meneurs d’une manifestation « pacifique » appelant à la chute du régime dans la même ville. 6 jours plus tard, 9 soldats syriens à Banyas périront dans une embuscade tendue par un groupe armé.

De telles histoires sont malheureusement trop nombreuses pour être toutes rapportées. Elles attestent sans doute possible l’action violente et cruelle de groupes armés sur le sol syrien dès le début des événements. Nous ne pouvons imaginer que des « spécialistes » comme les personnes présentes à l’IMA puissent être passées à côté. Ce serait faire insulte à leurs « diplômes » et à leurs employeurs (le quotidien Le Monde par exemple) Elles connaissent cette réalité, mais ont choisi de la dissimuler aux citoyens qui s’étaient déplacés lors de cette journée. Cette posture est d’autant plus choquante quand on constate la barbarie dont font montre les mercenaires étrangers pour torturer et assassiner leurs victimes.

L’hypothèse de l’emploi d’armes chimiques

NB : Quand j’ai finalisé ce compte-rendu, le massacre de la Ghouta du 21 août 2013 n’avait pas encore été perpétré, raison pour laquelle je n’en parle pas ici. Je reviendrai longuement sur cet épisode dans une chronique ultérieure.

Cet argument était attendu et a été de nouveau lancé par Ziyad Majed. Des armes chimiques pourraient être utilisées en Syrie. En effet, l’hypothèse est redoutable, et elle s’est réalisée… Le 19 mars dernier, un missile chimique a été tiré sur le village de Khan el-Aklass dans la banlieue d’Alep. Ce village, occupé depuis un mois par le Front al-Nosra, venait d’être repris d’être repris par l’armée syrienne. Le missile a fait trente victimes (femmes, enfants, vieillards, soldats), et en a intoxiqué une centaine d’autres. Les villageois ont unanimement dénoncé la provenance du missile : une zone contrôlée par le Front al-Nosra.

De manière tout à fait remarquable, cette information a été très peu relayée dans les grands médias. L’impossibilité de donner une version officielle crédible en est sans doute la cause. « Assad envoie des missiles chimiques sur les villages que son armée libère d’une organisation terroriste (le Front al-Nosra), il tue ainsi des civils qu’auparavant il protège… » Si c’était le cas ce serait vraiment ignoble, mais il faut être un demeuré ou un menteur pour croire un instant à un tel scénario, d’autant plus improbable que M. el-Assad sait que l’usage de ce genre d’armes amènera mécaniquement une opération décisive de renversement.

Le silence des médias sur ce point s’explique sans doute par le fait qu’ils sentent qu’ils ne peuvent pas mettre ce crime sur le dos d’el-Assad, que ce serait trop énorme à faire gober. En conséquence, au lieu de lancer le battage médiatique habituel, ils en parlent très brièvement, sans entrer dans le détail, et en renvoyant les deux parties dos à dos sans explication.

On voit bien avec cet exemple horrible, que pour les médias et le gouvernement français (M. Hollande et M. Fabius en tête), le problème ce n’est pas l’usage des armes chimiques en soi, mais uniquement celui qui y a recours. Si des « rebelles » utilisent des armes chimiques, ce n’est finalement pas si grave que cela. Si le régime de Bachar en utilise, en revanche, là une ligne rouge est franchie, et il faut faire 15 unes de suite dans la totalité des grands quotidiens subventionnés par l’État.

De comparaisons infâmes avec l’apartheid aux dénonciations infondées du possible usage de l’arme chimique, on voit que certains ne reculent devant rien dans ce mensonge organisé qu’est la couverture des événements de Syrie par les médias français.

Jack Lang, l’organisateur de cette journée

On peut s’interroger sur la personne qui a organisé cette journée de soutien à la rébellion et d’appel au renversement du régime syrien n’est autre que le récemment nommé directeur de l’Institut du Monde arabe, Jack Lang. Si Jack Lang a une incontestable expérience de l’État et des activités culturelles, son CV ne montre aucune expérience du monde arabe. C’est apparemment une région qu’il connaît très mal, et il ne parle même pas la langue qui donne son nom à l’institut. C’est donc un homme dépourvu de toute légitimité intellectuelle qui a organisé cette journée de solidarité avec le peuple syrien.

Cette initiative peut s’interpréter de plusieurs façons, par exemple :

1) Comme il ne connaît pas la situation en Syrie, qu’il ne connaît rien de l’histoire de la Syrie, qu’il en ignore la complexité, qu’il n’en connaît pas la langue, qu’il doit s’occuper de mille autres affaires concernant d’autres pays, il n’a pas eu le temps de s’informer correctement sur la réalité de la situation sur place, et est vulnérable à la propagande de médias comme Le Monde ou I télé, qui présentent les événements de Syrie de la même façon unilatérale et diabolisante.

2) En tant que membre du Parti socialiste, et soutien du gouvernement actuel (qui ne diffère en rien du précédent sur le sujet de la crise syrienne), il peut à l’occasion servir de courroie de transmission pour relayer sa propagande. Cette journée ne serait donc pas une initiative personnelle mais une initiative gouvernementale.

Il est certain dans tous les cas que la nomination d’une personnalité aussi illégitime a de quoi semer les doutes les plus profonds dans les esprits.

Une comparaison éclairante : le colloque organisé à l’Assemblée nationale le 20 février 2013 par l’Académie de géopolitique de Paris

Pour comprendre l’étendue de la fraude que représente ce « débat », il peut être utile de faire la comparaison avec d’autres événements du même genre. Quatre jours avant, le 20 février, nous avons assisté à un colloque sur la « Crise en Syrie : défi à la diplomatie mondiale ».

Ce colloque était organisé par l’Académie de géopolitique de Paris, et se tenait dans une annexe de l’Assemblée Nationale. Instructif et de haute volée, ce colloque se distinguait du faux débat de l’Institut du Monde arabe sur de nombreux points :
Les participants critiquaient majoritairement (tout ou partie) la version officielle martelée par les grands médias. L’animateur du colloque, le président de l’Académie de Géopolitique, a adopté une posture neutre du début à la fin du débat.

Aucune télévision n’était présente, ou n’a jugé utile de relater (ou de s’associer à) l’événement, qui n’a donc eu qu’un écho insignifiant dans l’opinion. Bassam Tahhan, le huitième intervenant de ce colloque, a révélé qu’il était interdit d’antenne sur France 24 (qui couvrait le « débat » le dimanche à l’IMA) depuis deux ans car son opinion n’allait pas dans le sens de la propagande du gouvernement français.

Certains intervenants ont joué sur l’émotion, mais dans l’ensemble ils se sont concentrés sur les faits et les arguments. Ils appelaient plus à la raison qu’à l’émotion. Ils ont remis la crise syrienne dans une perspective historique, informant que la situation actuelle prenait racine dans les années 20, ce qui n’a été signalé par aucun des intervenants de l’IMA.

À chaque fin de tour de parole, toutes les personnes présentes dans la salle pouvaient poser des questions, sans la moindre censure. Les intervenants se sont contestés sur des points généraux ou de détail, parfois avec vigueur. On ne ressentait pas cette impression comme à l’IMA d’être devant un groupe de clones invités pour matraquer sans arguments les mêmes slogans simplistes et incitant à la haine.

Le rôle des médias a été unanimement critiqué, alors qu’à l’IMA les intervenants leur rendaient hommage.

Bref, la véritable « Journée de solidarité avec le peuple syrien », et son fameux « débat » n’ont pas eu lieu le 24 février 3013 à l’Institut du Monde arabe, mais à l’Assemblée nationale, à la faveur du colloque organisé par l’Académie géopolitique de Paris, dont aucun média n’a rendu compte.

Conclusion

Nous pouvons, de ce résumé et de cette somme de remarques, tirer un certain nombre de conclusions :

Cet ensemble d’interventions ne peut en aucune façon être qualifié de « débat », et cet intitulé est donc mensonger.

L’intitulé de la « Journée » elle-même (« Journée de solidarité avec le peuple syrien »), qui semble neutre, est mensonger. Le titre : « Journée d’appel à la chute du régime de Bachar el-Assad » aurait beaucoup mieux convenu.

En appelant unanimement à armer « l’opposition », les intervenants acceptent le risque que ces armes tombent entre les mains de mercenaires sans pitié qui multiplient les attentats terroristes et les massacres. Ils prennent ainsi le risque de se rendre complices de crimes contre l’humanité. Ils ont menti en prétendant que les premiers mois de la crise il n’y avait que des manifestations pacifiques. Ils ont raconté n’importe quoi en avançant que le seul terrorisme en Syrie était le fait du gouvernement syrien.

Jack Lang n’a pas la moindre légitimité pour diriger l’Institut du Monde arabe, et doit être considéré dans cette affaire comme une simple courroie de transmission de la propagande gouvernementale.

L’IMA étant financé sur des fonds publics, très majoritairement français, l’organisation de cet événement s’apparente à un détournement de fonds publics à des fins de propagande.

L’argument avancé pour expliquer l’absence de contradicteurs dans ce débat (la comparaison avec le débat sur l’apartheid), est infâme et dénuée de fondement.

Ce « débat » révèle avec éclat, de nouveau, que les grands médias ont pour but, avant tout, non pas d’informer mais de relayer la propagande gouvernementale et de justifier des guerres injustes. Pour l’occasion ils sont allés encore plus loin : non seulement ils ont massivement couvert l’événement, mais ils s’y sont pour certains associés (I télé, Le Monde). Il est vrai maintenant, qu’à l’instar de l’IMA, le journal Le Monde n’est pas indépendant puisqu’il est financé à hauteur de 17 millions d’euros par an par l’État [chiffre de 2013]. Son rôle, en tant que « journal de référence » de la pensée unique, est de relayer la propagande du gouvernement en mentant au besoin à ses lecteurs. La preuve n’est malheureusement plus à faire.

Ce « débat » révèle que non seulement « l’État » tient les médias dans sa main, mais qu’il n’hésite pas à nommer des relais à la tête d’instituts financés sur des fonds publics, détournant ainsi l’argent public à des fins de propagande. Du reste, peut-on parler d’ « État », existe-t-il encore un État en France ? C’est la question que l’on peut se poser en constatant l’alignement systématique des gouvernements de gauche comme de droite sur des positons atlantistes et européistes.

Plus généralement, les médias appliquent à la lettre la consigne de ne relayer qu’une seule opinion sur la crise syrienne.

On peut conclure ce compte-rendu en affirmant que ce débat constitue une opération de manipulation de l’opinion publique. Son financement par des fonds publics rend l’opération d’autant plus scandaleuse. Il est une nouvelle preuve de la dissolution irrésistible de l’État français, de son inféodation à des intérêts étrangers et d’une compromission de plus en plus évidente des médias comme Le Monde ou I télé.

(À suivre … La prochaine chronique portera sur la couverture médiatique du point de vue des Chrétiens de Syrie)

François Belliot | 25 janvier 2015

Note

[1] Le bombardement de Hama marque la fin de la répression contre le coup d’État manqué des Frères musulmans. On parlait à l’époque de 8 000 morts.

Source: http://www.les-crises.fr/syrie-comment-les-medias-francais-intoxiquent-lopinion-publique-i/


Arabie saoudite : les indécents cocoricos de la France par Pascal Riché

Thursday 22 October 2015 at 00:10

Publié le 13-10-2015 à 18h23

Source : L’Obs

Pourquoi la France se targue-t-elle de vendre des armes à un pays qui piétine les droits de l’homme et participe à une guerre au Yémen?

Manuel Valls, à son arrivée en Arabie Saoudite le 12 octobre 2015 (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Manuel Valls est heureux : lors de son voyage en Arabie Saoudite, pétromonarchie, régime barbare, la France a signé pour 10 milliards d’euros de contrats. C’est le Premier ministre qui l’a tweeté lui-même, marquant sa joie par un point d’exclamation et soulignant son implication personnelle par l’ajout de ses initiales :

France-Arabie Saoudite : 10 milliards € de contrats ! Le Gouvernement mobilisé pour nos entreprises et l’emploi. MV”

OB : on dirait presque du Jean Jaurès, non ?

Ces accords, précise Matignon, touchent à divers secteurs : infrastructures, santé, satellites, agro-alimentaire, maritime, mais aussi armement. Cette fois, ce sont 30 patrouilleurs rapides qui feront l’objet d’une commande à la fin de l’année.

Vous vous demandez peut-être s’il est bien judicieux d’aller vendre des armes sophistiquées ou des satellites à un pays qui piétine les droits de l’homme, emprisonne les opposants politiques, coupe des têtes au sabre, dénie aux femmes de nombreux droits (y compris celui de conduire une automobile) et sponsorise l’islamisme radical dans le monde entier. Une “source diplomatique”, dans “le Journal du Dimanche” avance une réponse à vos interrogations  :

Si vous décidez de mettre fin à toute relation commerciale, vous antagonisez et vous rompez le dialogue. Un lien solide permet au contraire d’accompagner le pays dans d’autres directions au niveau politique.”

Idée brillante ! Voilà une piste pour régler les conflits en cours : ainsi, on pourrait vendre des armes à Bachar et-Assad pour cesser “d’antagoniser”. Ou bien à Daech, tiens : cela ne permettrait-il pas, par  un “dialogue” avec ces fous sanguinaires, de les “accompagner dans d’autres directions politiques” ?

Pas de débat en France

Vers quelle “autre direction politique” cette géniale source diplomatique entend-elle conduire l’Arabie Saoudite, pays dont la conception de la société n’a rien à envier à celle des Talibans ? Je te vends trois avions de chasse, à condition que ce soit des femmes qui les pilotent ? Tiens, voici un lot de mitrailleuses, mais attention, seulement si tu autorises l’ouverture d’une boîte gay à Riyad ?

Au Canada, la question des ventes d’armes à l’Arabie Saoudite fait débat. Mais en France, c’est le silence. Beaucoup d’emplois sont en jeu…

Et pourtant, les armes qu’on vend à l’Arabie Saoudite ne servent pas qu’à faire des tours de parade. Le royaume participe activement à une guerre, au Yémen contre des rebelles chiites, les Houthis. Une sale guerre : les forces de la coalition conduite par Riyad n’hésitent pas à bombarder des villes et des villages, des maisons, des écoles. Des milliers de civils sont morts depuis mars. Amnesty international est allé voir les résultats de 13 frappes près de Sa’ada : la moitié des morts sont des enfants.


Selon l’organisation, la coalition utilise des armes interdites : des bombes à sous-munitions. Elle appelle à suspendre la livraison d’armes aux Saoudiens et à ouvrir une enquête sur les violations des lois internationales.

Mais la France est sourde à cet appel. Elle préfère pousser sur Twitter des cocoricos indécents.

Pascal Riché

Source: http://www.les-crises.fr/arabie-saoudite-les-indecents-cocoricos-de-la-france-par-pascal-riche/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Béchade, Hollande)

Wednesday 21 October 2015 at 01:32

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: “On ne peut pas croire à ce 3,9% qui est bidouillé” – 19/10

Olivier Delamarche VS Laurent Berrebi (1/2): Chine: “Le ralentissement se poursuit mais il n’y a pas de rupture” – 19/10

Olivier Delamarche VS Laurent Berrebi (2/2): “D’un point de vue fondamental, la phase haussière en zone euro va se poursuivre” – 19/10

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade: “Les QE ne relancent ni l’économie, ni l’inflation” -14/10

Philippe Béchade VS Philippe Lessieur (1/2): “Les QE ne relancent ni l’économie ni l’inflation “- 14/10

Philippe Béchade VS Philippe Lessieur (2/2): Quelles sont les valeurs à privilégier face à la déflation ? – 14/10

Les indés de la finance: “L’accélération de l’inflation aux Etats-Unis vient uniquement de la hausse de 0,4% du loyer en septembre”, Philippe Béchade – 16/10

III. Hollande

Echange entre François Hollande et Sébastien Benoît (CGT).


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-bechade-hollande/


Le prétexte de l’État islamique et les guerres qui viennent en Libye par Ramzy Baroud

Wednesday 21 October 2015 at 00:30

Source : Foreign Policy Journal,

Que la Libye soit bombardée par les Arabes ou par les puissances occidentales, la crise qui y sévit va probablement s’intensifier, voire empirer, comme l’histoire l’a amplement démontré.

Une autre guerre se prépare en Libye : reste à savoir « comment » et « quand » ? Alors que la perspective d’une autre épreuve de force militaire a peu de chance de délivrer la Libye des bouleversements sécuritaires et conflits politiques qu’elle connaît actuellement, elle pourrait changer la nature du conflit dans ce pays arabe riche, mais divisé.

Un important pré-requis à la guerre est de trouver un ennemi ou, si nécessaire, d’en inventer un. Le soi-disant « État Islamique » (Daech), quoique ne représentant pas vraiment une composante importante de la politique divisée du pays, est probablement destiné à devenir cet adversaire.

La Libye est actuellement clivée : politiquement, entre deux gouvernements, et géographiquement, entre moult armées, milices, tribus et mercenaires. C’est un État défaillant par excellence, bien qu’une telle désignation ne fasse pas justice à la complexité du cas libyen ni aux causes profondes de cet échec.

Maintenant que Daech a quasiment conquis la ville de Syrte, jadis une place forte de l’ancien chef libyen, Mouammar Kadhafi, et le bastion de la tribu al-Qadhadhfa, la scène devient plus sombre que jamais. L’opinion reçue est que l’avènement du groupe opportuniste et sanguinaire est un évènement naturel étant donné le vide sécuritaire résultant des conflits politiques et militaires. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

Plusieurs évènements majeurs ont conduit à la présente impasse et au pur chaos en Libye. L’un fut l’intervention militaire de l’OTAN qui fut promue, à l’époque, comme une façon d’aider les Libyens dans leur soulèvement contre leur chef de longue date, Kadhafi. La mauvaise lecture intentionnelle de la résolution 1973 de l’ONU par l’OTAN s’est traduite par l’opération “protecteur unifié” qui a renversé Kadhafi, tué des milliers de personnes et confié le pays aux mains de nombreuses milices qui étaient collectivement qualifiées, à l’époque, de “rebelles”.

Le caractère d’urgence que l’OTAN a attribué à sa guerre – dont le but était, prétendument, de prévenir un possible génocide – a laissé de nombreuses personnes des médias soit solidaires, soit silencieuses. Peu d’entre elles osèrent parler franchement :

“Alors que le mandat de l’ONU confié à l’OTAN était de protéger les civils, l’alliance a, en pratique, perverti cette mission. Jetant tout son poids derrière l’une des parties au cours d’une guerre civile dont l’objectif était d’évincer le régime de Kadhafi, elle devint la force aérienne des milices rebelles au sol”, écrivit Seumas Milne dans The Guardian en mai 2012.

“Ainsi, alors que le nombre de morts était peut-être entre 1000 et 2000 lorsque l’OTAN est intervenue en mars, en octobre il était estimé par le CNT (Conseil National de Transition) à 30 000, y compris des milliers de civils.”

Les élections furent un autre événement important. Les Libyens ont voté en 2014, engendrant une étrange réalité politique où deux ‘gouvernements’ clament être les représentants légitimes du peuple libyen : un à Tobrouk et Beida, et l’autre à Tripoli. Chaque ‘gouvernement’ dispose de ses propres branches militaires, alliances tribales et bienfaiteurs régionaux. De plus, chacun d’entre eux est impatient de revendiquer une part plus importante de l’énorme richesse pétrolière du pays et l’accès aux ports, développant ainsi sa propre économie.

Tout ce que ces gouvernements sont arrivés à accomplir, cependant, est une paralysie politique et militaire interrompue par des batailles mineures ou majeures et un massacre occasionnel. C’est-à-dire, jusqu’à ce que Daech apparaisse sur la scène.

L’avènement soudain de « Daech » fut bien commode. Au départ, la menace « Daech » apparut comme une allégation exagérée des voisins arabes de la Libye pour justifier leur propre intervention militaire. Puis, elle fut établie par des vidéos montrant des « géants » de Daech modifiés visuellement en train de trancher la gorge de pauvres travailleurs égyptiens sur une mystérieuse plage. Puis, peu de choses s’étant passées entre-temps, les combattants de Daech commencèrent à prendre le contrôle de villes entières, déclenchant des appels de chefs libyens à intervenir militairement.

Mais la prise de contrôle de Syrte par « Daech » ne peut pas être expliquée avec une telle désinvolture comme le simple fait d’un groupe militant cherchant à faire des incursions dans un pays divisé politiquement. Cette prise de contrôle soudaine a eu lieu dans un contexte politique spécifique qui peut expliquer la montée en puissance de « Daech » de façon plus convaincante.

En mai, la 166e Brigade de l’Aube libyenne [groupes armés liés au Nouveau Congrès Général national, NdT] (affiliée à des groupes qui contrôlent actuellement Tripoli) se retira de Syrte sans grande explication.

« Un mystère continue d’entourer le retrait soudain de la brigade », écrivit Kamel Abdallah dans Al-Ahram Weekly. « Les officiels n’ont toujours pas présenté leur compte-rendu, nonobstant le fait que cette action ait aidé les forces de Daech » à se procurer une mainmise incontestée sur la ville. »

Alors que des combattants salafistes et des membres armés de la tribu al-Qadhadhfa ont agi pour mettre un terme aux avancées de « Daech » (avec de terribles massacres signalés, mais pas encore vérifiés), les deux gouvernements libyens doivent encore agir de façon tangible contre « Daech». Même le général Khalifa Heftar, farouchement pro-guerre et anti-islamistes, et sa soi-disant « Armée Nationale Libyenne » n’ont pas accompli un grand effort pour combattre « Daech», dont l’emprise s’étend aussi à d’autres parties de la Libye.

À la place, pendant que « Daech» avance et consolide son emprise sur Syrte et ailleurs, le Premier ministre Abdoullah Al-Thinni basé à Tobrouk a exhorté les « nations arabes sœurs » à venir en aide à la Libye et à conduire des attaques aériennes sur Syrte. Il a également exhorté les pays arabes à faire pression sur l’ONU pour mettre un terme à l’embargo sur l’armement à destination de la Libye, qui est déjà saturée d’armes qui sont souvent livrées illégalement depuis diverses sources arabes de la région.

Le gouvernement de Tripoli appelle également à agir contre « Daech », mais les deux gouvernements, qui n’ont pas réussi à dresser une feuille de route politique pour l’unité, refusent toujours de travailler ensemble.

L’appel à une intervention arabe dans l’état de pagaille sécuritaire de la Libye est motivé politiquement, bien sûr, car Al-Thinni espère que les attaques aériennes mettraient ses forces en position d’étendre leur contrôle sur le pays, en plus de renforcer la position politique de son gouvernement dans tout accord futur négocié sous l’égide de l’ONU.

Mais une autre guerre se prépare ailleurs, cette fois impliquant les suspects habituels de l’OTAN. Les intrigues occidentales, cependant, sont bien plus sophistiquées que les desseins politiques d’Al-Thinni. Le London Times a signalé le 1er août que « des centaines de troupes britanniques sont alignées pour se rendre en Libye dans le cadre d’une nouvelle mission internationale majeure », laquelle inclura également « du personnel militaire d’Italie, de France, d’Espagne, d’Allemagne et des États-Unis… dans une opération qui semble conçue pour être activée une fois que les factions rivales en conflit en Libye se mettront d’accord pour former un seul gouvernement d’unité nationale. »

Ceux impliqués dans l’opération qui pourrait, selon une source du gouvernement britannique, se matérialiser “vers la fin août”, sont des pays avec des intérêts économiques sur place et sont les mêmes protagonistes que ceux qui étaient derrière la guerre en Libye en 2011.

Commentant le rapport, Jean Shaoul écrivit : “On s’attend à ce que l’Italie, l’ancienne puissance coloniale en Libye, fournisse le plus gros contingent de troupes terrestres. La France a des liens coloniaux et commerciaux avec les voisins de la Libye, la Tunisie, le Mali et l’Algérie. L’Espagne conserve des avant-postes au nord du Maroc et l’autre puissance majeure impliquée, l’Allemagne, cherche une fois encore à accéder aux ressources et aux marchés africains.”

Il devient de plus en plus clair que la Libye, jadis une nation souveraine et relativement prospère, se mue en un terrain de jeux pour une partie de géopolitique géante et de gros intérêts et ambitions économiques. Malheureusement, les Libyens sont ceux-là mêmes qui ont rendu possible la division de leur propre pays, les pouvoirs arabes et occidentaux complotant pour s’assurer une part plus importante de la richesse économique et de la valeur stratégique de la Libye.

La prise de contrôle de Syrte par Daech est présentée comme un tournant décisif qui, à nouveau, génère de l’hystérie guerrière – semblable à celui qui précéda l’intervention militaire de l’OTAN en 2011. Que la Libye soit bombardée par les Arabes ou par les puissances occidentales, la crise qui y sévit va probablement s’intensifier, voire empirer, comme l’Histoire l’a amplement démontré.

Source : Foreign Policy Journal, le 27/08/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-pretexte-de-letat-islamique-et-les-guerres-qui-viennent-en-libye-par-ramzy-baroud/


Obama a fait de Poutine le dirigeant le plus puissant de la planète, par Benny Avni

Wednesday 21 October 2015 at 00:20

Source : New York Post, le 29/09/2015

Barack Obama tend la main à Vladimir Poutine lors de leur rencontre pendant l’Assemblée générale des Nations Unies. Photo: Reuters Credit photo : Reuters

Lundi, le relais a officiellement été transmis au nouveau superpouvoir mondial – et Vladimir Poutine s’est empressé de s’en emparer.

Le président Obama (vous vous souvenez de lui ?) avait fait siens les idéaux portés par les fondateurs des Nations Unies il y a 70 ans, à savoir que la diplomatie et “l’ordre international” finiront forcément par s’imposer, tandis que la puissance et la force perdront.

Vladimir Poutine a lui aussi invoqué les lois qui régissent l’ONU (telles qu’il les interprète), mais il a aussi saisi l’occasion d’annoncer dans son discours la création d’une “large coalition internationale” destinée à combattre ISIS en Syrie et en Irak.

Selon ses propres mots, “Similaire à la coalition anti-Hitler, elle pourrait réunir un large éventail de forces armées”, afin de combattre “ceux qui, à l’instar des Nazis, semèrent le mal et la haine de l’humanité.”

Quant à savoir qui serait à la tête de cette nouvelle coalition, voici un indice : Moscou a toujours célébré la victoire des Alliés lors de la Seconde Guerre mondiale comme étant le résultat d’un effort collectif dû à l’action de la Russie.

Oh, et si quelqu’un demande quels sont les acteurs syriens sur lesquels la coalition pourra compter comme alliés, Poutine l’a clairement annoncé : “Seules les forces armées du président Assad et de la milice kurde combattent l’État islamique.”

Cela, bien sûr, n’est pas le point de vue d’Obama. Le président américain s’est déclaré opposé à la “logique de soutien des tyrans”. Après tout, Assad “largue des barils d’explosifs sur des enfants innocents.”

Mais Poutine a des troupes en Syrie, il arme Assad jusqu’aux dents, et il a signé un accord d’échange de renseignements sur l’État Islamique avec Assad, l’Iran et les dirigeants de l’Irak (ceux-là mêmes que l’Amérique a mis par la force au pouvoir).

Et après avoir rencontré lundi Obama pour la première fois en deux ans, il a vaguement évoqué de futures “attaques aériennes conjointes contre l’EI”. Mais aucun accord sur Assad n’a pu être trouvé au cours des 90 minutes qu’a duré l’entretien.

Par ailleurs, si Obama a lui-même un quelconque plan réaliste concernant la Syrie – au-delà d’un miracle consistant à ce qu’Assad quitte le pays tout en combattant ISIS – il ne l’a pas présenté durant son discours à l’ONU, ni à aucun autre moment.

Au lieu de cela, il a vertement tancé un Poutine “isolé” pour avoir usé de la force pour annexer la Crimée et d’autres parties de l’Ukraine. “Pensez donc, si la Russie avait pris le chemin de la véritable diplomatie”, a déclaré Obama, “ce serait mieux pour l’Ukraine, mais aussi pour la Russie, et mieux pour le Monde.”

Là encore, imaginons que l’éloquence d’Obama soit soutenue par l’OTAN menée par l’Amérique. Serait-il alors aussi facile pour Poutine d’avaler l’Ukraine et de s’emparer de la Syrie? C’est peu probable.

Mais même alors qu’il réprimandait la Russie, la Chine et même l’Iran de s’accrocher aux politiques du passé, c’était en fait Obama qui quelquefois prenait des accents passéistes.

Son hommage aux Nations Unies rappelle les images des films des années 50 la représentant comme le lieu où les problèmes sont effectivement résolus. En fait, au long des décennies (et plus encore ces six dernières années), les Nations Unies sont devenues tellement paralysées qu’elles ne peuvent plus arbitrer les problèmes de sécurité mondiale.

Le discours d’Obama était, comme toujours, plein de promesses. Son changement d’approche du “nous avons le pouvoir” vers “nous avons le droit de notre côté” et le recours à la diplomatie ont mené à l’ouverture de l’Amérique vers Cuba et à un accord essentiel sur le nucléaire avec l’Iran. Mais on en attend encore des résultats positifs. “Si l’accord est mis en œuvre”, a t-il dit au sujet de l’Iran, “notre monde sera plus sûr”. C’est un gros “si”.

Par contraste, le déploiement par Poutine de forces en Syrie et l’armement d’Assad constituent des faits tangibles. Ils lui ont également permis d’être propulsé au sommet par sa prise d’initiatives sur le principal conflit mondial actuel.

Même si Obama a reçu moins d’ovations durant son discours de lundi que lors des années précédentes, il reste encore apprécié au niveau de l’organisation mondiale. Cependant, ceux qui comptent, ceux qu’il tançait dans son discours – Poutine, Assad, le chinois Xi Jinping et même le président iranien Hassan Rouhani – ne se trouvaient pas sur leur siège pour l’écouter.

Car aussi forts que soient les mots d’Obama, ils sont rarement suivis d’effets.

Poutine? Personne ne l’a applaudi. Il cherche moins à être apprécié que craint. Là encore, ses mots cherchent, au plus, à justifier l’usage de l’action militaire.

C’est ainsi que Poutine s’est emparé du leadership détenu par l’Amérique.

Et cela, pour reprendre les termes d’Obama, est mauvais pour la Syrie où la guerre continuera tant qu’Assad restera au pouvoir. C’est mauvais pour l’Europe et les pays limitrophes de la Syrie qui ne savent que faire des réfugiés de guerre.

Et c’est mauvais pour l’Amérique. Car, tôt ou tard, après plus de sang versé et dans des circonstances bien pires qu’à présent, notre prochain président aura la responsabilité de reprendre le sceptre des mains de Poutine, ce qui pourrait s’avérer délicat.

Source : New York Post, le 29/09/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/obama-a-fait-de-poutine-le-dirigeant-le-plus-puissant-de-la-planete-par-benny-avni/


Revue de presse internationale du 21/10/2015

Wednesday 21 October 2015 at 00:01

Encore plusieurs traductions dans cette revue internationale. Merci à nos butineurs pour les articles et bonne lecture !

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-21102015/


[Sondage] Ce que pensent les Syriens…

Tuesday 20 October 2015 at 00:25

Ce billet fait suite à cette introduction sur la complexité de la guerre civile syrienne, que nous commandons de lire avant ce billet pour mieux interpréter les réponses…

La BBC a commandité au sondeur international ORB un excellent sondage réalisé auprès de 1 365 Syriens en juillet 2015, afin de mieux cerner leur opinion.

Cela donne évidemment une excellente vision de la complexité de la situation. Raison probable pour laquelle la plupart des médias n’en ont pas parlé. :)

Même la BBC, qui a évidemment fait un billet dessus, n’a pas mis en avant certains points très intéressants – et dérangeants.

Bien entendu, on restera prudent sur un sondage réalisé dans un pays en guerre civile, mais la taille de l’échantillon commence à être suffisante pour donner de solides tendances (Lien ORB).

Les résultats bruts du sondage sont ici. Au vu de l’aridité, nous avons réalisé quelques graphiques de synthèse…

La répartition de la population

Le sondage se déroulant dans l’ensemble du pays, voilà comment se répartit la population syrienne en fonction de qui contrôle la région du sondé :

À propos des frappes

On voit qu’en moyenne, les avis sont très partagés.

Évidemment, ils le sont moins en fonction des zones…

Conclusion : les gens ne souhaitent pas se prendre des bombes sur la tête…

Les avis sur les belligérants

Plus intéressant, voici ce que pensent les Syriens de l’influence de différents acteurs de la guerre civile :

On note qu’aucun acteur ne recueille une bonne opinion majoritaire dans la population, mais que c’est Bachar el-Assad qui en a le plus

Affinons par zone géographique :

On a ici les réponses des sondés qui sont uniquement dans les zones contrôlées par le gouvernement.

On voit que dans ces zones, Bachar el-Assad frôle les 75 % de popularité. Les gens le voient évidemment comme un rempart contre les islamistes.

Les autres acteurs, hors Iran, sont-très mal perçus.

Passons maintenant des les zones contrôlées par l’opposition :

On voit ici que :

Passons dans les territoires tenus par l’État islamique :

On voit ici que :

La peur des sondés y est peut-être pour quelque chose, mais un tel niveau n’est pas anodin…

Passons dans les zones tenues par l’Armée syrienne libre :

On voit ici que :

 

En synthèse, on peut présenter ces mêmes résultats différemment. On avait précédemment la perception de tous les acteurs dans une seule zone, on a ici l’inverse, la perception d’un seul acteurs dans toutes les zones. Commençons par Bachar el-Assad :

on voit bien que le pays est très divisé à son égard. De même pour l’État islamique :

L’État islamique bénéficie ainsi d’un fort soutien chez lui.

Pour al-Qaïda :

Il est intéressant de voir que le front al-Nosra, branche d’al-Qaïda en Syrie a un soutien majoritaire dans la moitié du pays qui n’est plus contrôlée par Bachar el-Assad…

La coalition nationale syrienne (tenue majoritairement par les Frères musulmans, et que la France a reconnu comme représentante officielle du peuple syrien) :

Bien joué, elle n’est soutenue majoritairement nulle part… C’est mieux pour l’Armée syrienne libre (mais qui est actuellement en déroute) :

On constate que les pseudo-forces “démocratiques”, largement tenues par des islamistes conservateurs, sont violemment rejetées dans la moitié du pays qui dépend encore du gouvernement d’Assad.

Vivre en Syrie…

Seules les zones gouvernementales regrettent leur vie d’avant, 40 % des personnes dans les zones de l’État islamique semblant préférer leur vie présente. 

Aucune zone ne trouve majoritairement que la vie présente est mieux qu’avant.

Que faire ?

La majorité des Syriens demande une solution politique, mais un tiers soutien les combats :

Les deux-tiers des Syriens pensent possible de vivre ensemble à nouveau.

 

Et la majorité ne veut pas d’une partition du pays, un quart le souhaitant (surtout les Kurdes). (PS : graphe édité)

L’État islamique

Voici la vision dans le pays sur les origines de l’État islamique :

On voit que pour 80 % des Syriens, l’État islamique est essentiellement une création des États-Unis et de l’étranger. Voici le détail de la réponse par zone :

Cette vision est partagée dans toutes les zones…

On appréhende ainsi mieux a complexité de la situation syrienne, et on comprend mieux pourquoi cette guerre civile dure autant et est aussi violente, chaque belligérant ayant en gros le soutien de la population dans la zone qu’il contrôle…

P.S. voici pour information le résultat du sondage effectué en Irak, dont les résultats sont bien plus positifs (66 % pensent que le pays va dans la bonne direction, et 90 % qu’une solution politique peut être trouvée)…

Source: http://www.les-crises.fr/sondage-ce-que-pensent-les-syriens/


Actu’Ukraine 20/10/2015

Tuesday 20 October 2015 at 00:01

ACTU’UKRAINE DU 12 AU 18 OCTOBRE 2015

LUNDI 12 OCTOBRE 2015

Porochenko annonce la reprise possible des combats contre les “marionnettes de Poutine”

Devant une assemblée de militaires, Porochenko déclare “Nous sommes conscients que le combat pourrait reprendre à tout moment (Мы осознаем, что боевые действия могут возобновиться в любой момент)” “Je ne fais absolument pas confiance à Poutine. Je ne fais absolument pas confiance à ses marionnettes (Я абсолютно не доверяю Путину. Я абсолютно не доверяю его марионеткам).”

Saakachvili coincé entre les extrémistes et les habitants

Dans le cadre de la lutte anti-corruption, le gouverneur d’Odessa, Mikhail Saakachvili se fait filmer sur la plage de Kryjanovka (Крыжановка) en lisant une liste d’infractions concernant des attributions de terrains. Mais les habitants contestent cette liste qui serait basée sur de fausses informations. Au bout de trois minutes, Saakachvili se met en colère et s’en va. La vidéo montre qu’il est accompagné de Maria Gaïdar (Гайдар), ancienne journaliste de la radio “Echo de Moscou”, qui est maintenant vice-présidente de l’administration régionale d’Odessa, bien qu’elle n’y ait jamais vécu. Une douzaine d’extrémistes sont présents. On reconnaît certains qui ont participé à plusieurs intimidations du tribunal d’Odessa. On remarque que Saakachvili porte une parka sur laquelle sont collés plusieurs insignes écrits en caractères latins, y compris le mot “Ukraine”.

Retard dans les échanges de prisonniers

Vladislav Deïnevo (Дейнего), représentant de la LNR à Minsk, se plaint de ce que les autorités ukrainiennes voudraient faire un échange de prisonniers un pour un au lieu de tous pour tous comme c’est prévu dans les accords de Minsk (rusvesna.su).

Blocus énergétique de la Crimée


Sur les trois lignes à haute tension qui alimentent la Crimée en électricité, une ne fonctionne déjà plus depuis le 11 octobre. Les autres lignes continuent à fournir le courant. Izet Gdanov, porte-parole de l’initiative populaire pour le blocus de la Crimée, déclare au média “Crimée. Réalités” : “Il ne faut pas fournir de marchandises aux occupants. Mais l’électricité, c’est aussi une marchandise. En accord avec les normes de l’ONU, il faut que les occupants rendent le territoire qu’ils ont pris. Nous, de notre côté, nous allons travailler à le “désoccuper” (ru.krymr.com). Le lendemain, Lenur Isliamov, coordinateur du blocus, annonce que la fourniture d’électricité à la Crimée est déjà réduite de moitié (5.ua, pravada.com.ua).

 

MARDI 13 OCTOBRE 2015

Renforcement des positions militaires ukrainiennes au Donbass

Les Forces armées ukrainiennes renforcent leurs positions, communique Oukraïnskaïa Pravda, citant le service de presse de l’OAT (“Opération Anti Terroriste”) (pravad.com.ua, facebook ATO).

Sur la chaîne ukrainienne 112, le député Taras Tchornovil déclare qu’il faut “enrôler les Ukrainiens qui travaillent en Russie” (dnr-news.com).

Refus d’enregistrer les candidats du “Bloc de l’opposition” aux élections régionales de l’oblast de Kharkov

A Kharkov/Kharkiv, cela fait trois fois que la commission des opérations électorales refuse l’enregistrement les candidats du “Bloc d’opposition”, sous prétexte de défaut de présentation de certains documents dans le délai imparti (pravda.com.ua).

Nouvelle stratégie d’éducation de la jeunesse 

Photo publiée sur le site officiel du président ukrainien pour illustrer l’article sur la nouvelle Stratégie d’éducation des enfants et de la jeunesse.

Le président Porochenko signe le décret N 550/2015 intitulé “La Stratégie d’éducation national-patriotique “Стратегія національно-патріотичного виховання” des enfants et de la jeunesse pour 2016-2020″ (president.gov.ua). Dans le texte il est indiqué que la constitution des valeurs et de la conscience civique chez les enfants et la jeunesse doit être réalisée en s’appuyant sur les exemples de la lutte héroïque du peuple ukrainien : au Moyen-Age contre Moscou, les luttes des cosaques zaporogues, les mouvements paysans contre les bolcheviques, l’Armée Insurrectionnelle Ukrainienne (UPA alliée au Nazis et responsable de massacres en Volhynie), les révolutionnaires de Maidan 2004 et de Maidan 2013-2014, et les combats contre les terroristes des régions du Donbass.

Crash du MH17. Publication du rapport néerlandais

Image extraite du film du bureau d’enquête néerlandais, à 11’49. En haut, le trait jaune représente la trajectoire de l’avion. FDR signifie Flight Data Recorder. Le cylindre blanc presque vertical représente la fin de la trajectoire supposée du missile. La zone en rouge représente le lieu d’où le missile aurait été lancé.

Le rapport final sur le crash du MH17 est rendu public (onderzoeksraad.nl). Il se présente sous la forme de plusieurs documents PDF, dont le plus gros fait 279 pages, et d’un film de 19 minutes reconstituant les événements.

Le rapport néerlandais contient des informations intéressantes : Le vol de l’avion est décrit assez précisément. Le détour qu’il a fait par rapport au plan de vol n’est que de 6,5 miles. Le plan de vol de ce jour-là et des jours précédents ne suit pas la route directe, ce qui avait fait penser à un écart beaucoup plus important. Le rapport explique que le survol de la Crimée était interdite à la suite des exigences de Kiev, et que l’espace entre la Crimée et Donetsk était exclue à cause des orages. L’avion aurait pu monter au-dessus des nuages, cela lui aurait fait consommer du carburant supplémentaire. Sa réserve était suffisante, mais des raisons économiques ont certainement poussé l’équipage à contourner les nuages par le nord plutôt que par le haut. L’arme du crime a été retrouvée. Il s’agit d’une ogive 9N314 d’un missile BUK 9M38M1 comme l’avait déjà dit la société Almaz Antey en voyant les fragments en forme de noeud papillon qui sont si caractéristiques. Ce modèle fut vendu à l’Ukraine autrefois. Il n’est théoriquement plus en service en Russie. Les enquêteurs accusent l’Ukraine de ne pas avoir fermé l’espace aérien au-dessus de la zone de combat, alors que les rebelles avait déjà réussi à abattre 8 hélicoptères et 8 avions dont deux volais à plus de 6000 mètres d’altitude.

Le point le plus discutable du rapport est la zone de lancement du missile indiquée par les enquêteurs (elle se trouve dans la République populaire de Donetsk, mais les enquêteurs font semblant de ne pas le savoir, voulant rester sur le plan technique). Elle figure, à la fois à la page 144 du rapport et à la 11e minute 49 du film de la reconstitution des événements. La détermination de cette zone se base sur l’estimation de l’angle du missile avec l’avion au moment de l’impact, sachant que ce type de missile ne peut pas dévier de plus de 4 degrés une fois qu’il est parti. L’angle annoncé dans le rapport est de 17 degrés, ce qui correspond à l’hypothèse d’un missile lancé depuis l’agglomération de Snejnoe/Snizhne comme l’avait annoncé le ministère de l’intérieur Ukrainien dès le lendemain de la catastrophe. Cependant, le rapport se contredit en indiquant un angle de 27 degrés à la page 34 de l’importante annexe “Appendix Y TNO report”, qui donne les résultats du simulateur informatique néerlandais. Le rapport se contredit dans plusieurs autres endroits su sujet de cet angle (wikialbert.fr). La contradiction la plus flagrante apparaît dans l’image, ci-dessus, extraite du film de la reconstitution des événements. Si l’on prolonge la trace blanche du missile, on n’atteint pas la zone rouge de Snejnoe/Snizhne contrôlée par les séparatistes, mais une zone plus à l’ouest qui était peut-être contrôlée par les forces gouvernementales (cela dépend de la distance pour laquelle, on ne peut avoir qu’une fourchette).

Crash du MH17. Conférence de presse de la société russe d’armement, Almaz-Antey

Les Russes ont procédé à une reconstitution grandeur nature, que les enquêteurs ont refusé de prendre en compte pour le moment.

Le même jour, la société russe Almaz-Antey, s’est exprimée lors d’une nouvelle conférence de presse. Le but principal était de démontrer que le simulateur russe serait supérieur au simulateur néerlandais. D’abord, cette société connait mieux les missiles qu’elle a fabriqués que les enquêteurs néerlandais. Ensuite, le simulateur russe est validé par des expériences réelles. Le 31 juillet 2015, les Russes ont même procédé à une reconstitution grandeur nature, avec la partie avant d’un véritable avion et un véritable missile. Cette expérience réelle a confirmée les résultats du simulateur russe qui donnent un angle de 33,5 degrés. Malheureusement, les enquêteurs néerlandais ont refusé de prendre en compte la reconstitution, peut-être parce que le rapport était déjà terminé depuis le mois de juin 2015 et envoyé aux différents pays pour la relecture avant publication.

 

MERCREDI 14 OCTOBRE 2015

Jour de la fête du défenseur de la patrie

Quatre heures de vidéo où l’on ne voit pratiquement que les partis extrémistes, Svoboda et Praviy Sector qui célèbrent cette fête.

Depuis un décret du président ukrainien, la fête du défenseur de la patrie n’est plus célébrée le 23 février, comme c’est le cas en Russie et dans les autres républiques de l’ex-URSS. La nouvelle date est ce 14 octobre, qui correspond aussi à l’anniversaire de la formation de l’Armée Insurrectionnelle Ukrainienne (UPA).


A Kiev, la “Marche des héros” est organisée par les activistes des partis radicaux Svoboda et Pravyi Sector (novosti.dn.ua, vesti-ukr.com). Les manifestants portent des bannières “Ukraine avant tout”, “Occupants de Moscou dehors”, des pancartes qui réclament la libération des prisonniers présentés comme “politiques” et “défenseurs de la constitution ukrainienne”. Parmi les portraits de ces prisonniers on peut apercevoir les suspects de l’assassinat de l’écrivain Oles Bouzina et ceux de la manifestation sanglante devant le parlement en août 2015.

A cette occasion la griffe du loup du groupe paramilitaire Azov a été composée sur la place centrale de Kharkov/Kharkiv avec des lumières (politnavigator.net). Rappelons que ce symbole est repris de celui de la fameuse division SS, “Das Reich”, qui a perpétué le massacre d’Oradour sur Glane et a fusillé 56 otages dans les fossés du château de Vincennes lors de la libération de Paris. Cette célébration nocturne rappelle les défilés aux flambeaux, dont celui de Lviv en septembre 2014 (youtube).

 

JEUDI 15 OCTOBRE 2015

Manifestation à Marioupol

Les ouvriers qui ont reconstruit un pont ferroviaire attendent depuis neuf mois d’être payés. Une communication écrite à la main et signée par les protestataires déclare : “Aux dirigeants de Metinvest ! Nous, les constructeurs, avons réparé une ligne de chemin de fer indispensable au niveau d’un pont qui avait sauté. Nous avons travaillé sans prendre de week-ends, 24 h. sur 24 et les jours fériés. Nous avons terminé ce travail en avance, le 06/01/2015. Cela fait plus de neuf mois que “Azovstal” ne nous paie pas notre salaire. Si nous ne sommes pas payés, nous prendrons le droit de bloquer cette voie ferrée.”(http://www.0629.com.ua/news/993533).

Le drapeau ukrainien flotte au-dessus (d’une image) du Kremlin

“Le drapeau d’Ukraine sur la tour principale du Kremlin symbolise notre rêve et notre victoire sur l’agresseur”, a annoncé G. Korban, le leader du parti UKROP financé par Kolomoski. “Je crois qu’un jour nous pourrons arborer le drapeau ukrainien sur une vraie tour du Kremlin, et pas seulement sur la photo”, a ajouté la jeune femme, combattante d’ATO, qui a été choisie pour poser le drapeau (obozrevatel.com).

 

VENDREDI 16 OCTOBRE 2015

Les retraites impayées par Kiev dans le Donbass

Les autorités de Kiev sont dans l’obligation de reprendre le payement des retraites et des allocations dans la zone du conflit (segodnya.ua). A la suite de  l’arrêté N 595 du cabinet des ministres du 7 novembre 2014, Ukraine ne versait plus les retraites et les allocations dans la zone du conflit, laissant plusieurs centaines de milliers de retraités sans moyens de subsistance. 16 habitants de Donetsk et Lougansk ont porté plainte contre le cabinet de ministres en demandant de reconnaître cet arrêté illégitime, contredisant à l’article 92 de la Constitution ukrainienne. Le 11 février 2015 le tribunal administratif régional a décidé d’abroger le paragraphe selon lequel le financement des institutions budgétaires et le payement des prestation sociales ont été suspendus. La Cour administrative d’appel a laissé ce verdict inchangé, ainsi que la Cour administrative suprême le 16 octobre 2015. L’avocat de la partie plaignante a souligné que, même s’ils existent les difficultés techniques (en Ukraine souvent les retraites sont touchées en liquide à la Poste), les versements peuvent être tout de même effectués sur les comptes personnels.

Porochenko pourrait révoquer des députés

Porochenko vient de charger Vladimir Groïssman, président du parlement et de la commission constitutionnelle, de réfléchir à la possibilité de révoquer les députés après le vote des électeurs (pravda.com.ua). Il a ainsi répondu à la pétition électronique no 22/000039-еп, déposée le 29/08/2015 à l’initiative d’Arsen Volodimirovitch Gouzhba (president.gov.ua). Porochenko a déjà la possibilité de révoquer en cas d’urgence les élus membres des conseils locaux, ainsi que les dirigeants locaux.

Lutte contre la cybercriminalité

Le ministre de l’intérieur ukrainien, Arsen Avakov, a annoncé la création d’une cyberpolice chargée de la lutte contre les arnaques dirigées contre le circuit de l’argent : ses cibles sont le kimming, le cash-trepping, le cadring, le phishing, le commerce sur internet, mais aussi la cybercriminalité dans le domaine intellectuel, etc. Cette police sera constituée d’ici le 5 novembre 2015 (ru.golos.ua).

L’Ukraine entre au conseil de sécurité de l’ONU

Chaque année, 5 des 10 sièges des membres non permanents du conseil de l’ONU sont renouvelés. L’Ukraine a été élue pour l’une des places par 177 voix sur 193 pour un mandat de deux ans (lemonde.fr).

Micro-trottoir sur la place Maidan à Kiev

 

SAMEDI 17 OCTOBRE 2015

Investissements allemands

Angela Merkel a promis des investissements allemands en Ukraine, à condition que le pays lutte contre la corruption (reuters.com, pravda.com.ua). La chancelière allemande déclare : “Il ne faut pas que les oligarques jouent un rôle dominant, il faut absolument offrir aux gens des conditions claires, il faut combattre la corruption”. Elle recevra à Berlin, le premier Ministre ukrainien Arseni Yatseniouk vendredi prochain.

Arrestation d’un dirigeant soupçonné de fraude

Le directeur général d’une grande entreprise charbonnière, “Krasnolimanskaïa”, a été arrêté pour deux mois sur requête du parquet de Kramatorsk, en zone gouvernementale de l’oblast de Donetsk (.epravda.com.ua). Le tribunal lui a imposé une caution d’environ 20 millions de hryvnias. Il est soupçonné de détournement de biens pour un montant de presque 300 millions de hryvnias.

 

DIMANCHE 18 OCTOBRE 2015

Deux éditeurs occidentaux placent la Crimée hors d’Ukraine

La Crimée perd sa couleur dans l’édition 2016 de l’Atlas socio-économique des pays du monde, édité par Larousse. Elle n’est plus considérée comme faisant partie de l’Ukraine (geopolis.francetvinfo.fr).

Un manuel anglais pour les collégiens va plus loin en donnant à la Crimée la même couleur que celle de la Fédération de Russie, dans la 4e édition de Geography for Key Stage 3 publié par Oxford University Press (fr.sputniknews.com). Les ambassades d’Ukraine en France et en Angleterre ont aussitôt envoyé des courriers de regrets aux éditeurs. Par ailleurs, l’amendement du 2 octobre 2015 du protocole de Minsk n’impose pas des élections en Crimée organisées par Kiev, ce qui équivaut à une reconnaissance de fait de la séparation de la presqu’île.

 

Source: http://www.les-crises.fr/actuukraine-2002015/


Mieux comprendre la complexité de la guerre civile syrienne

Monday 19 October 2015 at 00:01

Ce billet vise à vous procurer de nombreuses informations “pas (trop) vues dans les médias” pour mieux comprendre le bourbier syrien.

Je suggère aux plus intéressés de se référer d’abord à l’Histoire de la Syrie, puis à celle de la guerre civile syrienne – nous ne reviendrons pas sur leurs sources (ce dernier billet est très bien fait).

I. Les forces en présence

(Source : Wikipedia)

1. Le gouvernement

Ses forces comprennent l’armée syrienne (320 000 hommes au début du conflit, dont la moitié a aujourd’hui déserté, principalement des sunnites, qui n’y ont jamais occupé de postes à responsabilité), des milices pro-gouvernementales non officielles (généralement issues de la communauté alaouite), quelques milliers de soldats iraniens (la Syrie et l’Iran sont alliés depuis des décennies), des troupes du Hezbollah (la milice libanaise chiite pro-iranienne) et des combattants irakiens chiites.

Cela représente environ 180 000 hommes dans l’armée, plus environ 80 000 miliciens, plus 20 000 autres.

De nombreux cas d’exactions on été rapportés.

2. L’opposition politique

Le Conseil national syrien est une autorité politique de transition créée fin 2011 à Istanbul, en Turquie, pour coordonner l’opposition au régime de Bachar el-Assad. Composé de 400 membres et dominé par les sunnites, le CNS rassemble plus de 30 organisations d’opposants dont les Frères musulmans (qui y sont majoritaires), des libéraux mais aussi des partis kurdes et assyriens. Le 11 novembre 2012, le CNS adhère à la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution dont il reste la principale composante.

La Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution (ou Coalition nationale syrienne), est une autorité politique de transition créée fin 2012 à Doha, au Qatar. Siégeant au Caire, plus large que le CNS, bien financée et bien reconnue au niveau international, la Coalition engage « les parties signataires à œuvrer pour la chute du régime”. La France fait partie des premiers pays à l’avoir reconnue (début 2012, avec principalement les États-Unis, l’Angleterre et l’Espagne) comme représentant légal du peuple syrien.

Denise Natali, professeur à la National Defense University, estime que la Coalition représente mieux les intérêts de ses soutiens étrangers que ceux des Syriens de l’intérieur, et ne se distingue du CNS que par une allégeance au Qatar et aux autres États du Golfe Persique plutôt qu’à la Turquie.

Selon Raphaël Lefèvre, doctorant en relations internationales à l’université de Cambridge, leur sens politique, leurs alliances et leur discipline, ont « donné aux Frères musulmans un rôle majeur, notamment au sein de l’opposition en exil, dans le Conseil national syrien (CNS) et, aujourd’hui, au sein de la coalition nationale. Alliés objectifs des djihadistes, les Frères musulmans, sans avoir nommément de brigades engagées en Syrie, y auraient également acquis un poids militaire en finançant, armant et entraînant plusieurs groupes dans les régions d’Idleb et d’Alep. Ils sont soutenus par le Qatar, mais surtout par la Turquie.

Pour Fabrice Balanche, directeur du groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient et professeur à l’université Lumière Lyon 2, « la coalition [est] dominée par les Frères musulmans, il n’est guère surprenant de voir à sa tête un de leurs compagnons de route (Mouaz al-Khatib), proche de leur idéologie, qui défend lui aussi l’islam politique ». Haytham Manaa, président du Comité national pour le changement démocratique, rejoint cette analyse et affirme : « Ce modéré, bien qu’il se dise indépendant, ne peut aller dans le sens contraire voulu par les conservateurs islamistes qui ont la mainmise sur cette coalition ».

3. L’Armée syrienne libre (ASL)

Créée mi-2011, l’Armée syrienne libre était la principale force armée opposée au régime de Bachar el-Assad et à l’armée régulière au début de la guerre civile syrienne, avant d’être surpassée par les factions djihadistes et salafistes. Constituée d’anciens officiers de l’armée syrienne, elle se caractérise, pour l’essentiel, par son nationalisme arabe et son objectif démocratique.

En novembre 2011, l’ASL reconnaît l’autorité du Conseil national syrien (CNS) puis à la mi-décembre 2011, un camp de l’ASL est installé en Turquie. Son accès est strictement contrôlé par les Forces armées turques. En 2012, elle annonce son soutien à la nouvelle Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution.

Le 1er avril 2012, le Conseil national syrien (CNS), lui-même financé par des pays étrangers, annonce qu’il va payer les salaires des membres de l’ASL.

Au printemps 2013, l’ASL gagne du terrain au sud de la Syrie. L’ASL réclame alors des missiles antiaériens à courte portée, des missiles antichars, des mortiers, des munitions, des gilets pare-balles, des masques à gaz et une zone d’exclusion aérienne. Elle affirme peu après avoir obtenu satisfaction en ayant reçu de l’étranger des quantités d’armes « modernes » susceptibles de « changer le cours de la bataille » : il s’agit d’armes antiaériennes et antichars ainsi que de munitions.

En août 2013, Le Figaro révèle que « les premiers contingents syriens formés à la guérilla par les Américains en Jordanie seraient entrés en action depuis la mi-août dans le sud de la Syrie, dans la région de Deraa. Un premier groupe de 300 hommes, sans doute épaulés par des commandos israéliens et jordaniens, ainsi que par des hommes de la CIA, aurait franchi la frontière le 17 août. Un second les aurait rejoints le 19 ».

En septembre 2013, des groupes appartenant à l’ASL affirment, de concert avec treize des groupes rebelles islamistes les plus puissants en Syrie et dont l’ASL était proche, qu’aucune organisation basée à l’étranger, y compris la Coalition nationale, ne saurait les représenter : ils forment alors une alliance avec les djihadistes du Front al-Nosra. De nouveaux groupes de l’ASL font défection en octobre.

En décembre 2013, l’ASL perd le contrôle de ses bureaux, à Bab Al-Hawa, près de la frontière turque, ainsi que de plusieurs entrepôts. Ces sites, qui abritent du matériel fourni par des pays alliés (notamment par les États-Unis), passent sous le contrôle du Front islamique.

En juin 2014, le gouvernement de la Coalition nationale syrienne dissout le Conseil supérieur militaire de l’Armée syrienne libre et défère ses membres devant le comité de contrôle financier et administratif du gouvernement pour qu’ils fassent l’objet d’une enquête.

Les groupes djihadistes Front al-Nosra et Ahrar al-Sham prêtent main forte aux rebelles de l’ASL contre les troupes du régime syrien et se sont avérés d’une grande utilité pour ces derniers lors de la bataille d’Alep.

Le financement et l’armement extérieurs de l’ASL semblent venir principalement de pays du Golfe arabique comme l’Arabie saoudite, le Qatar, d’autres pays comme la Turquie et quelques pays occidentaux. Elle dispose également de l’aide d’agents de la CIA opérant à partir de la Turquie.

En avril 2013, le secrétaire d’État John Kerry annonce le doublement de l’assistance directe aux rebelles syriens et la livraison d’équipements militaires défensifs, le montant total de l’aide américaine atteignant ainsi 250 millions de dollars. En juin 2014, Barack Obama annonce son intention de débloquer 500 millions de dollars pour « entraîner et équiper » l’opposition modérée armée en Syrie, après enquête sur les groupes bénéficiaires.

En septembre 2013, François Hollande annonce que la France va finalement fournir des armes à l’ASL « dans un cadre contrôlé » et « élargi avec un ensemble de pays ». En décembre 2013, la France indique que contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni, elle maintient « ses livraisons d’aide militaire non létale » à la suite de la perte des bureaux et de plusieurs entrepôts de l’ASL. Plusieurs livraisons ont ainsi eu lieu au cours de l’année 2013, comprenant notamment des mitrailleuses de calibre 12,7 mm, des lance-roquettes, des gilets pare-balles, des jumelles de vision nocturne et des moyens de communication. Les livraisons sont toujours en cours à l’été 2014.

Des combattants ont été à plusieurs reprises convaincus de crimes de guerre.

En mars 2013, le chercheur suédois Aron Lund publie un article dans lequel il proclame que l’Armée syrienne libre n’existe pas en tant que telle, mais fut à l’origine « a branding operation » (une opération de nom de marque), avançant que la plupart des brigades se sont réclamées de l’ASL sans être réellement sous son commandement et que le nom d’Armée syrienne libre sert davantage à distinguer les brigades non-idéologiques des groupes djihadistes. Il affirme par ailleurs que les premiers commandants étaient sous tutelle turque, sans possibilité de fonctionner en toute autonomie.

Selon l’universitaire Thomas Pierret : « Le problème est que la situation est très variable d’une région à l’autre : dans certaines zones, l’ASL est une coquille vide, dans d’autres, comme à Damas, elle est structurée et serait sûrement en capacité de prendre la main si la situation le permettait ».  Malik al-Kurdi, le second du général Riad el Asaad, déclare en août 2013 :

« L’ASL n’est plus qu’un nom. Certaines katibas [unités de combattants] s’en revendiquent, mais cela ne veut pas dire qu’elles suivent l’état-major. [...] les groupes, même sous la bannière de l’ASL, font ce que bon leur chante. En outre, beaucoup d’entre eux quittent publiquement ou non l’ASL pour rallier les groupes dits islamistes »

En décembre 2013, l’universitaire Fabrice Balanche indique : « L’ASL n’a jamais vraiment existé. Il y a eu un état-major composé d’une cinquantaine de généraux déserteurs, majoritairement réfugiés en Turquie. On parlait d’armée organisée, ce n’était rien de tout cela, c’était du vent ». En février 2014, Le Monde affirme : « Plusieurs brigades, islamistes et non islamistes, continuent [...] de se réclamer de l’ASL, qui désigne désormais plus la rébellion qu’une coalition bien structurée ». Pour Frédéric Pichon, chercheur et spécialiste de la Syrie, l’ASL n’existe pas et a toujours entretenu des liens étroits avec salafistes et djihadistes ; il précise qu’elle collabore également avec Al Qaïda.

Les effectifs de l’ASL (principalement des civils ayant pris les armes) sont estimés à :

4. Le Front islamique

Le Front islamique est formé en novembre 2013 à la suite de l’alliance de groupes rebelles islamistes. Sa création aurait été financée par la Turquie, le Qatar et l’Arabie saoudite. Le mouvement rassemble des brigades salafistes ou proches des Frères musulmans.

Dans une déclaration publiée lors de sa création, le Front islamique annonce que son objectif est de créer un état islamique dirigé par une choura et établir la charia comme base du droit. Il affirme que dans cet état, les minorités religieuses et ethniques seraient protégées. Il rejette la démocratie et le nationalisme kurde.

Rassemblant 50 000 à 80 000 hommes, le Front islamique est alors le plus important groupe rebelle de Syrie.

5. Le Front al-Nosra / L’armée de la conquête

Le Front Al-Nosra (Jabhat an-Nuṣrah li-Ahl ash-Shām : « Front pour la victoire du peuple du Levant »), est un groupe salafiste djihadiste affilié à Al-Qaïda.

Le Front al-Nosra est initialement une extension en Syrie de l’État islamique d’Irak, mais il s’en sépare en 2013. Depuis janvier 2014, les deux groupes sont en conflit direct.

Le 9 avril 2013, Abou Bakr al-Baghdadi, chef de l’État islamique d’Irak (EII), révèle le parrainage du Front al-Nosra par son organisation, caché jusqu’ici pour des raisons stratégiques et de sécurité. En novembre 2013, Ayman al-Zaouahiri, émir d’Al-Qaïda, annonce finalement que le Front Al-Nosra est bien la seule branche d’Al-Qaïda en Syrie.

Les relations d’al-Nosra avec les autres parties prenantes de la rébellion sont fluctuantes. Le groupe combat généralement aux côtés du Front islamique, de l’ASL et des autres groupes rebelles. Mais sa volonté d’imposer la charia lui a attiré l’hostilité d’une partie des Syriens et d’autres organisations rebelles, qui dénoncent son origine étrangère et estiment qu’elle « a volé la révolution syrienne », pillé des entreprises et imposé son intolérance religieuse.

Le Front est responsable de nombreux attentats-suicides, dont plusieurs explosions meurtrières à Damas en 2011 et 2012.

Les estimations des effectifs du Front al-Nosra varient de 6 000 à 15 000 hommes, incluant des combattants étrangers.

En novembre 2012, Laurent Fabius déclara qu’Al-Nosra “faisait du bon boulot”. Voici l’article savoureux (Source : Le Monde, 13/12/2012, réservé aux abonnés) :

C’est cependant sur le terrain diplomatique que l’opposition syrienne a engrangé cette semaine les résultats les plus probants. Réunis à Marrakech, mercredi, le groupe des “Amis de la Syrie“, qui rassemble plus d’une centaine de pays occidentaux et arabes, organisations internationales et représentants de l’opposition syrienne, a formellement reconnu la Coalition nationale de l’opposition syrienne comme “seule représentante” des Syriens, à la suite de la France, du Royaume-Uni, et des États-Unis.

Présent à Marrakech, le ministre français des Affaires Étrangères, Laurent Fabius, s’est félicité de cette décision : “Créée il y a un mois, la Coalition nationale syrienne, qui réunit l’opposition et que la France a été la première à reconnaître, est aujourd’hui reconnue par plus de cent pays comme la seule représentante légitime du peuple syrien. C’est très important pour le peuple syrien.” “En plus, il y a toute une série de décisions qui ont été prises sur le plan humanitaire avec des apports de fonds importants, notamment de l’Arabie saoudite, qui a offert 100 millions de dollars pour aider la population syrienne“, a précisé le ministre.

Nous avons eu le témoignage du nouveau président de la Coalition nationale syrienne, qui a beaucoup insisté sur le fait que, dans le futur gouvernement, toutes les communautés syriennes, majoritaires ou minoritaires, seront respectées, a ajouté M. Fabius. C’est un jour important. Il reste encore beaucoup de souffrance et beaucoup de travail pour que M. Bachar Al-Assad “dégage”, comme on dit maintenant. Je pense que c’est un jour d’espoir pour le peuple syrien.”

En revanche, la décision des Etats-Unis de placer Jabhat Al-Nosra, un groupe djihadiste combattant aux côtés des rebelles, sur leur liste des organisations terroristes, a été vivement critiquée par des soutiens de l’opposition. M. Fabius a ainsi estimé, mercredi, que “tous les Arabes étaient vent debout” contre la position américaine, “parce que, sur le terrain, ils font un bon boulot“. “C’était très net, et le président de la Coalition était aussi sur cette ligne“, a ajouté le ministre.

(si quelqu’un peut compléter Wikipedia svp, merci)

(Eh oui, quand les Américains placent un groupe sur la liste des groupes terroristes, l’américanolâtre Fabius critique et préfère écouter ses nouveaux amis syriens – un peu Frères Musulmans sur les bords… Ami lecteur membre des renseignements extérieurs, je compatis, mais ne te suicide pas tout de suite !)

Le 24 mars 2015, le Front al-Nosra, Ahrar al-Sham et d’autres groupes rebelles se rassemblent dans une alliance appelée l’Armée de la conquête, forte d’environ 30 000 hommes, soutenue par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, et active principalement dans le gouvernorat d’Idleb. D’après le chercheur Fabrice Balanche, 20 à 25 % de la population syrienne vit alors sur les territoires tenus par le Front al-Nosra et ses alliés.

Le 27 mai 2015, Abou Mohammad Al-Joulani, le chef du Front al-Nosra, accorde une interview à Al Jazeera. Il affirme que le seul objectif de son groupe est la chute du régime de Bachar el-Assad, il dément l’existence du groupe Khorassan et affirme qu’Ayman al-Zaouahiri a donné des ordres pour ne pas lancer d’attaque contre l’Occident depuis la Syrie. Il confirme d’ailleurs son allégeance à ce dernier, voulant ainsi mettre fin aux rumeurs sur une éventuelle rupture entre le Front al-Nosra et Al-Qaïda central.  Selon les analystes, le Front al-Nosra cherche alors à donner à l’Occident une image plus présentable et se faire passer comme une force politique légitime en Syrie, notamment en se distinguant de l’extrémisme de l’État islamique vis-à-vis des minorités religieuses chrétiennes et alaouites.

En septembre 2015, « l’Armée de la conquête », composée du Front al-Nosra et du groupe islamiste Ahrar al-Sham, est touchée par des frappes russes dans les provinces d’Idlib, de Hama, et de Homs.

6. L’État islamique

Né en 2006 en Irak, l’État islamique est une organisation salafiste djihadiste, dirigée par Abou Bakr al-Baghdadi, proclamé calife le 29 juin 2014. Le groupe apparaît en Syrie le 9 avril 2013 sous le nom d’État islamique en Irak et au Levant et prend le nom d’État islamique lorsqu’il proclame l’instauration du califat, mais ses adversaires lui donnent le surnom de « Daech ».

Considéré comme moins corrompu que les autres groupes djihadistes, l’EIIL est aussi le plus extrémiste, il est craint pour sa violence, son intransigeance et son indifférence aux notions occidentales de droits humains. Très impliqué sur les réseaux sociaux, il attire un grand nombre de djihadistes étrangers venus de tout le monde musulman et même d’Occident.

Cependant sa radicalité et ses ambitions lui attirent rapidement l’hostilité des autres groupes rebelles. En janvier 2014, le Front islamique, l’Armée syrienne libre et le Front al-Nosra et plusieurs autres groupes rebelles lui déclarent la guerre.

En 2013 et 2014, les effectifs en Syrie de État islamique sont estimés de 5 000 à 13 000 hommes. Ils augmentent sensiblement à la suite de la proclamation du califat. En 2015, les estimations vont de 20 000 à 80 000 combattants, tant en Syrie qu’en Irak et sans compter le ralliement de nombreux groupes djihadistes à travers tout le monde musulman.

7. Les Kurdes

Les populations kurdes de Syrie occupent, le long de la frontière turque, trois enclaves séparées qui constituent le prolongement naturel des territoires kurdes de Turquie et d’Irak. Historiquement discriminés par le régime et ancrés à une solide identité culturelle, les Kurdes de Syrie ont profité des désordres de la guerre civile pour prendre le contrôle de ces zones qui composent le « Kurdistan syrien »

Le Kurdistan syrien, appelé le Rojava, passe aux mains du Parti de l’union démocratique (PYD), la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Il dispose d’une branche armée, les Unités de protection du peuple (YPG).

Les relations des Kurdes avec les autres parties prenantes au conflit sont fluctuantes : plutôt proches de l’ASL, les YPG entrent en conflit avec des brigades islamistes en juillet 2013. Jouant leur propre carte, les rebelles kurdes concluent parfois des alliances ponctuelles et opportunistes, tantôt avec les forces loyalistes, tantôt avec les rebelles. Hostile au régime de Bachar el-Assad, dont ils souhaitent la chute, les Kurdes du PYD affrontent cependant rarement les forces loyalistes avec lesquelles elles cohabitent dans certaines villes. Les YPG livrent l’essentiel de leurs combats contre les forces djihadistes, et principalement l’État islamique.

En 2015, les effectifs des YPG sont estimés entre 35 000 et 65 000 combattants, dont environ 40% de femmes.

8. Synthèse

On a donc en présence à l’automne 2015 :

Les pertes sont estimées à l’automne 2015 :

P.S. Pour les passionnés, une synthèse plus détaillée ici.

II. Cartes

 1. Le pays

La Syrie comptait 18 millions d’habitants en 2004. Actuellement, la population serait de 23 millions, y compris les 2 millions de réfugiés à l’extérieur. La population se concentre sur 60% du territoire, les 40% restants n’étant pas propice à l’habitat permanent en raison de l’aridité. La densité dans la zone habitée dépasse les 200 habitants par km², dans la région côtière nous atteignons les 400 habitants par km². Environ 60% de la population réside en zone urbaine (avant la crise).

La Syrie est peuplée par différentes communautés ethniques et confessionnelles. , avec environ 70 % d’Arabes sunnites, 20 % d’Arabes alaouites, 4 % de Kurdes sunnites, 6 % de chrétiens.

La région côtière est dominée par la communauté alaouite (70% des provinces de Lattaquié et Tartous), les sunnites (20%) et les chrétiens (10%) y sont surtout concentrés dans les villes.

Lire cet article pour plus de précisions.

2. Les combats

Voici l’évolution des zones de pouvoir dans le pays :

En 2012 :

En 2013 :

En 2014 :

En 2015 :

(Mises à jour ici et ici)

3. Autres cartes

Et en bonus, l’Irak :

L’État islamique en gris :

Une comparaison :

Les frappes russes :

qui semblent avoir été un peu plus efficaces que les dernières américaines…

On se demande bien pourquoi… :)

(donc une mobylette et deux pelleteuses, dont une a survécu – coriace la pelleteuse syrienne…)

Nous verrons dans le prochain billet ce que pense la population de tout ceci…

Source: http://www.les-crises.fr/mieux-comprendre-la-complexite-de-la-guerre-civile-syrienne/