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La Chine et la Russie mettent en scène leur lune de miel

Sunday 4 October 2015 at 01:24

Un petit reminder en passant – la conséquence de notre haute diplomatie…

Source : Olivier Bories, pour L’Obs, le 2 septembre 2015.

Pour commémorer les 70 ans de la capitulation japonaise dans la Seconde Guerre mondiale, la Chine organise un gigantesque défilé militaire à Pékin. La présence de Vladimir Poutine est l’occasion pour les deux régimes de vanter l’axe sino-russe.

Le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping, le 8 mai 2015 au Kremlin. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / POOL / AFP

Le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping, le 8 mai 2015 au Kremlin. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / POOL / AFP

Ces mercredi 2 et jeudi 3 septembre, les célébrations chinoises des 70 ans de la Victoire du peuple chinois contre l’agression japonaise comptent un invité de marque. Non il ne s’agit pas d’Omar el-Béchir, le président du Soudan, au ban de la communauté internationale et recherché par la Cour Pénale Internationale pour génocide, qui sera pourtant bien présent. Non, symbole de la fierté et de la puissance retrouvées de la Chine, l’immense défilé militaire sur la place Tiananmen va surtout se dérouler sous les yeux de celui que la Chine présente comme son meilleur allié : Vladimir Poutine, le président de la Russie.

Le président Poutine sera sans doute l’invité le plus honorable du peuple chinois lors de ces célébrations. Il sera accueilli avec le plus haut niveau d’hospitalité.”

Cette pompeuse citation du vice-ministre chinois des Affaires étrangères Chen Gopin est ainsi rapportée par le média officiel russe Sputnik News. Depuis l’accession au pouvoir de Xi Jinping en Chine, les deux hommes s’échangent amabilités et gestes de courtoisie. En 2013, pour son premier voyage officiel hors de Chine, c’est en Russie que Xi Jinping s’était rendu. Les rencontres bilatérales se sont ensuite multipliées entre les deux hommes, bien plus qu’avec tous les autres chefs d’Etat. Au point que Vladimir Poutine a qualifié récemment les relations sino-russes comme ayant “probablement atteint leur plus haut niveau dans l’histoire”.

Une relation au beau fixe

Après mars 2014 et l’annexion de la Crimée, la Chine a encore gagné en importance pour la Russie. Isolée sur la scène internationale, frappée de sanctions économiques, Vladimir Poutine a choisi de se tourner vers l’Asie. Les deux pays y voient l’occasion de défendre un monde multipolaire, où l’Occident doit céder son pouvoir aux pays émergents, et en particulier aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Le 9 mai dernier, le dirigeant chinois avait ainsi participé au défilé militaire russe pour commémorer les 70 ans de la capitulation de l’Allemagne. La plupart des dirigeants occidentaux avaient eux décliné l’invitation, ne voulant pas cautionner une démonstration de force russe.

Cette relance de l’axe sino-russe ne consiste pas qu’en de bonnes paroles. Sur le plan économique, de nombreux chantiers ont été lancés. Un contrat gazier géant d’une valeur de 400 milliards de dollars sur trente ans a par exemple été signé en mai 2014. Des investisseurs chinois vont également participer à la construction de ligne de train à grande vitesse entre Moscou et Kazan dans le centre de la Russie. Les échanges commerciaux ont beaucoup progressé ces dernières années, à tel point que la Chine est devenue le deuxième partenaire commercial de la Russie après l’Union Européenne. A l’issue des cérémonies à Pékin, 22 contrats bilatéraux supplémentaires seront signés.

Des réticences chinoises

Pourtant, cette lune de miel entre la Chine et la Russie n’est pas aussi idyllique qu’elle n’y paraît, notamment en raison de son déséquilibre : les Russes ont plus besoin des Chinois que l’inverse. Le contrat gazier, pilier de la stratégie de pivot vers l’Est, est loin d’avoir trouvé une application concrète. La Chine se montre en effet peu pressée d’avancer les dizaines de milliards nécessaires pour mener à bien les travaux. De plus, les dirigeants chinois ne semblent pas intéressés par le projet russe d’un second trajet de gazoduc rejoignant directement la Sibérie occidentale. Le sujet ne sera d’ailleurs probablement pas discuté lors de cette rencontre, admet l’ambassadeur russe en Chine Andreï Denissov.

Enfin, la situation économique des deux pays inquiète. Alors que le yuan chinois a récemment montré sa faiblesse avec des dévaluations successives, l’économie russe se porte mal. Dépendante du prix des hydrocarbures, la Russie s’enfonce dans une profonde récession. Effet secondaire de cette situation, le commerce sino-russe a plongé de 29% sur la première moitié de l’année, selon les calculs de l’agence Bloomberg. Pour la première fois depuis cinq ans, la Russie ne fait ainsi plus partie des 15 premiers partenaires commerciaux de la Chine. Autant de nouvelles qui peuvent gâcher la grande fête de Pékin.

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Intervention de l’ambassadeur de Russie en France 
au colloque «Chine – Russie: quelles stratégies? »

28 août 2015

Monsieur le Premier-ministre, Mesdames et messieurs,

Je trouve profondément symbolique que ce colloque se tienne au “Futuroscope” – ce parc du Futur. Car parler de la Russie et de la Chine, c’est parler,  non seulement du présent, mais aussi de l’avenir – de l’ordre mondial de demain.

Nous comprenons tous que la portée des relations russo-chinoises dépasse largement le cadre bilatéral. Elles constituent un facteur puissant de formation d’un monde multipolaire.

Oui, notre monde est en passe de devenir multipolaire. C’est un processus objectif et irréversible. On peut toujours essayer de le ralentir, mais personne n’est désormais en mesure de l’arrêter.

De fait, dans l’ambition d’assurer leur hégémonie, de maintenir la domination unipolaire, les Etats-Unis suivent le cap de l’endiguement de nouveaux pôles d’influence – avant tout la Russie et la Chine.

A l’égard de la Russie, cette politique d’endiguement prend une forme ouvertement agressive. On inflige à mon pays des sanctions chaque fois nouvelles – et ce, sans plus aucun lien avec la situation en Ukraine. Des bases militaires américaines et de l’otan poussent sur ses frontières tels des champignons, on y construit le bouclier antimissile américain. On lui livre une guerre médiatique, psychologique et économique.

Pour la Chine, cette même politique d’endiguement revêt un caractère latent, voilé. C’était d’ailleurs pareil pour la Russie, jusqu’à ce que la crise en Ukraine ne fasse tomber les masques.

La tactique utilisée est pourtant la même. Pour justifier cette politique d’endiguement, on impose à l’opinion publique toutes sortes de mythes – sur la “menace” russe ou chinoise ou sur “l’antagonisme idéologique” entre l’est et l’ouest.

Mais en réalité, ni ces menaces imaginaires, ni l’antagonisme idéologique, propres à l’époque de la guerre froide, n’existent. Il n’y a que l’ambition américaine de domination universelle. De la géopolitique à l’état pur.

Il faut bien comprendre que, malgré toute la diversité des systèmes politiques ou des valeurs, la multipolarité moderne n’est pas de nature idéologique. Au contraire, elle résulte en grande mesure du fait que le modèle du développement capitaliste né en Europe Occidentale et aux Etats-Unis s’est enraciné dans d’autres régions du monde.

Tout espoir de bloquer l’émergence d’un monde multipolaire est illusoire. Toute tentative d’empêcher ce processus porte un grave préjudice au système de  sécurité universelle et sape le développement économique global.

On a beau s’y accrocher, le modèle unipolaire restera immanquablement dans le passé. Il ne correspond plus au monde moderne, qui est bien trop varié et bien trop complexe. Aucun pays, aucun groupe, aussi puissant soit-il, n’est capable aujourd’hui de résoudre les problèmes universels à lui-seul.

De plus, les Etats-Unis ont échoué dans le rôle de leader universel dont ils se réclamaient. Ils se sont comportés tel un éléphant dans un magasin de porcelaine. Ils ont piétiné le droit international – en Yougoslavie, en Irak, en Lybie ou au Yémen. Ils ont poussé le Moyen Orient dans le bourbier du chaos et des guerres civiles, ils ont libéré de sa bouteille l’esprit de l’islamisme radical. Ils ont trahi la confiance de leurs alliés les plus proches, car eux-mêmes ne faisaient confiance à personne, les considérant comme des Etats satellites ou des vassaux, d’où l’espionnage et l’ingérence dans les affaires intérieures, y compris par l’application extraterritoriale des décisions de justice américaine.

Pour beaucoup d’Occidentaux l’émergence d’un nouveau monde multipolaire apparait comme chaotique, mais c’est parce que les vielles méthodes unipolaires de prise de décisions et de règlement des conflits ne fonctionnent plus. Nos partenaires occidentaux n’ont toujours pas appris, ou ne veulent tous simplement pas apprendre à travailler d’une façon nouvelle – par le compromis. Ainsi ils associent la fin de l’ordre unipolaire à la fin de l’ordre tout court, à l’arrivée du chaos universel.

Je tiens à souligner que la Russie, aussi bien que la Chine, j’en suis certain, sont sincèrement intéressés à développer avec les États-Unis, qui étaient et restent une grande puissance mondiale, des relations étroites et mutuellement avantageuses. Pourtant, le vrai partenariat ne serait possible que lorsque Washington et les milieux atlantistes d’Europe abandonneront l’idée de leur exclusivité et leur droit à la domination globale.

Le monde multipolaire – c’est une lourde responsabilité.

Car il peut devenir un monde de confrontation de blocs, de lutte pour les sphères d’influence, d’hostilité.

Mais il peut aussi bien être un monde de coopération et d’intégration. Telle est la philosophie des nouveaux formats universels initiés par la Russie et la Chine. Je parle des BRICS et de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai). L’égalité des membres, la culture du compromis, toute décision comme dénominateur commun des intérêts nationaux de chacun, voici ce qui distingue ces forums du fonctionnement d’alliances économiques ou politico-militaires traditionnels avec leur subordination et leur discipline de bloc.

Les états des BRICS ou de l’OCS se rassemblent non pas “contre” quelqu’un, mais pour un ordre mondial plus juste et plus démocratique, qui serait fondé sur le droit international et le rôle central de l’ONU. Nos pays mettent au centre de leurs préoccupations le principe de sécurité égale et indivisible à tous les niveaux – aussi bien global que régional. Cela signifie que la sécurité des uns ne doit pas être assurée en dépit de celle des autres. Cette vision du monde est aux antipodes de la mentalité des blocs propre à l’OTAN.

En juillet dernier la ville d’Oufa a accueilli les Sommets des BRICS et de l’OCS sous la présidence de la Fédération de Russie. Ces rencontres, qui ont réuni les représentants de plus d’une moitié de la population globale, n’ont pas seulement détrôné le mythe de “l’isolement de la Russie”, n’ont pas seulement confirmé la similitude des approches des pays-membres aux grands problèmes politiques et économiques du monde. Elles ont avant tout démontré, une fois de plus, la viabilité du modèle de prise de décisions collectives qui, j’en suis fermement persuadé, sera la base du monde multipolaire.

Les relations russo-chinoises se présentent aujourd’hui comme “un partenariat tous azimuts et une coopération stratégique”. C’est bien cette définition qui figure dans la déclaration commune des deux chefs d’états adoptée en mai 2014, lors de la visite du Président Poutine à Pékin.

Nous évitons sciemment le terme “allié” ou “alliance” car ils reflètent la logique des blocs, incluent l’idée d’identification “friend-or-foe” – ami/ennemi. Encore une fois: les relations Moscou-Pékin ne sont pas “contre” qui que ce soit. Car ni la Russie, ni la Chine (du moins, pour autant que je sache) ne revendiquent la domination globale. Notre coopération se développe sur une base pragmatique, tenant compte des intérêts des deux peuples et des réalités du monde multipolaire en gestation.

Il faut reconnaître pourtant que les intérêts russes et chinois ne coïncident pas forcement. Nous pouvons avoir une vision différente sur certains problèmes internationaux. Il existe entre nous une concurrence rude en ce qui concerne les marchés régionaux. Les Chinois, il faut le reconnaître franchement, sont des partenaires difficiles et des négociateurs redoutables lorsqu’ils défendent leurs priorités. Mais les principes de base de nos relations – l’égalité et le respect de chacun, permettent toujours de trouver des solutions mutuellement acceptables.

Entre la Russie et la Chine il n’y a pas, et j’espère qu’il n’y aura jamais, de lutte pour les sphères d’influences – comme celui que les Etats-Unis et l’Union Européenne nous ont imposé ces dernières années, notamment sous la forme du “Partenariat oriental”.

C’est l’Union Européenne qui a placé l’Ukraine devant le choix – “être avec nous ou avec la Russie”. Ce choix artificiel qui a fracturé le pays et l’a poussé dans une guerre civile qui dure toujours. Ni la Russie ni la Chine n’ont jamais imposé à leurs voisins ce choix – être “avec” ou “contre” nous.

Au contraire, en dépit de leur concurrence économique (qui est naturelle), nos deux pays voient le continent eurasien comme un espace de coopération prometteuse, capable d’assurer la synergie des ressources humaines et en matières premières, des potentiels économiques, industriels et scientifiques de différents pays.

L’Union économique eurasienne et l’initiative chinoise de la “Ceinture économique de la Route de la Soie” nous paraissent parfaitement complémentaires et ouvrent d’excellentes opportunités pour la Chine comme pour la Russie. En tant qu’espace économique commun, donc – sans frontières douanières, l’Union économique Eurasienne offre de façon objective le meilleur tracé possible pour cette nouvelle “Route de la soie”.

La concurrence russo-chinoise pour les marchés de l’Asie Centrale ne change rien sur la donne principale: nos deux pays ont un intérêt commun – la prospérité de cette région. Le “Grand Jeu” pour l’Asie Centrale, que menaient au XIX-ème siècle la Russie et la Grande Bretagne, n’a pas sa place dans les relations entre Moscou et Pékin. Au contraire, nous cherchons à joindre nos efforts et nos capacités dans la réalisation de grands projets économiques et industriels, et aussi pour contrer la menace de l’islamisme radical qui vient du Sud. Autrement dit – plus nos pays-voisins seront (..) riches et stables, mieux ce sera pour la Russie et pour la Chine.

En même temps, la Russie a des raisons de croire que l’idée de déstabiliser l’Asie Centrale selon le scénario moyen-oriental – c’est-à-dire sur le fond de discours sur les ”transformations démocratiques” et sous les drapeaux de l’islamisme radical, – peut être envisagée aux Etats-Unis comme une des “options” en vue d’affaiblir la Russie et la Chine, de créer sur leurs frontières des foyers permanents de tension, de semer la discorde entre eux. Nous devrons, ensemble, contrecarrer ces tentatives.

Aujourd’hui, l’économie russe traverse une période difficile, due à la baisse du prix du pétrole et aux sanctions occidentales, et l’économie chinoise tourne elle-aussi au ralenti. Apparemment, la tâche de renforcer les liens commerciaux et d’investissements entre nos pays revêt dans ces conditions une importance particulière.

La multipolarité possède des dimensions différentes – politique, économico- financière et culturelle.

La Russie et la Chine attachent une attention particulière à la réforme du système monétaire global. Il nous parait évident que le monopole du dollar constitue désormais une source de risques de plus en plus importants, qui sont de nature non seulement financière, mais aussi politique. L’affaire de “BNP-Paribas” – est un exemple par excellence de où peut mener un tel monopole, qui va de pair avec l’application extraterritoriale de la justice américaine. Cela vaut la peine de rappeler que la France avait proclamé la réforme du système monétaire global comme une des priorités de sa présidence au G-20 en 2011. Pourtant, rien n’a bougé depuis.

Moscou et Pékin comptent élargir progressivement l’utilisation de leurs monnaies nationales dans les échanges commerciaux bilatérales ainsi que dans le commerce régional. A cet égard, les décisions des BRICS sur la création d’un pool de réserves monétaires propres et de la Nouvelle banque de développement, constituent un pas important vers une nouvelle architecture monétaire internationale. Il est important qu’une grande partie des projets de la Nouvelle banque de développement soit financée en monnaies nationales. La Russie a rejoins également La Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (Asian Infrastructure Investment Bank) créée sur l’initiative de la Chine.

Ces nouvelles institutions ne représentent pas une alternative au FMI ou à la Banque mondiale, mais un complément nécessaire et attendu aux institutions de Bretton Woods, qui ne répondent plus aux besoins de l’économie mondiale. Nous estimons que le FMI et la BM ont besoin d’être réformés – ils ne doivent plus rester les outils politiques de Washington.

Autre domaine prioritaire de coopération entre la Russie et la Chine qui contribue à un ordre mondial plus juste et plus sûr : les technologies informatiques. Les Etats-Unis abusent de leur monopole dans ce secteur, ce qui engendre des risques pour la sécurité et la souveraineté de nos pays. Ce n’est pas par hasard que la déclaration finale du sommet d’Oufa évoque la nécessité de créer un mécanisme de gestion d’Internet “basé sur un processus transparent, qui ne serait pas soumis à l’effet des décisions unilatérales”.

D’une manière générale, les sanctions occidentales à l’encontre de la Russie – sont un signal lancé à tous les pays, qui devraient réfléchir sur leur indépendance financière, technologique et informatique face aux Etats-Unis qui usent sans scrupules de leur supériorité pour exercer la pression politique et le chantage.

Ces derniers temps, on entend souvent que la Russie s’est détournée de l’Europe pour se tourner vers la Chine.

C’est faux. La Russie ne se détourne de personne, encore moins de l’Europe. De Saint-Pétersbourg à Vladivostok, la Russie était, reste et restera une partie inaliénable et importante de la civilisation et de la culture européennes. On ne peut pas se détourner de soi-même.

En même temps la Russie est une puissance Eurasienne. Il est donc logique et important qu’elle ait de bonnes relations avec ses voisins à l’Est comme à l’Ouest. Regardez nos armoiries – L’aigle bicéphale qui y est représenté regarde bien des deux cotés.

Il faut reconnaître pourtant que le grand potentiel de nos relations avec la Chine est longtemps resté inexploité. Quoique le besoin de se tourner vers l’Asie-Pacifique était évident bien avant la crise actuelle dans nos relations avec l’Occident, jusqu’à ces derniers temps une partie majeure de nos liens économiques, commerciales et en matière d’investissements était orientée vers l’Union Européenne. Apparemment, avions nous trop confiance en nos partenaires européens, et espérions naïvement avancer vers un espace économique et humain communs. Les sanctions se sont révélées être une douche froide, confirmant une fois de plus la vielle sagesse populaire – il ne faut pas mettre tous ses œufs dans un même panier.

La Russie a pris le cap de diversification de ses liens économiques, mais elle ne se détourne néanmoins pas de l’Union Européenne. Au contraire, c’est l’Europe, docile à une volonté étrangère, qui cherche en dépit de ses propres intérêts à se démarquer de la Russie. Ce qui pousse naturellement notre pays à chercher des partenaires et des débouchées dans d’autres régions du monde.

Ceux qui veulent “l’isolement” de la Russie paraissent avoir oublié que nous ne sommes plus au XIX-ème siècle, et que depuis longtemps, la “communauté mondiale” ne se limite plus à l’Europe et à l’Amérique du Nord. La nature a horreur du vide. D’autres pays, dont la Chine, n’attendaient que cela pour élargir leur présence sur le marché russe et prendre la place occupée jadis per nos partenaires occidentaux, au détriment de ces derniers.

En tout cas, la coopération avec la Chine ne contredit pas mais complète nos liens traditionnels avec l’Union Européenne. C’est un complément nécessaire, attendu, et riche en perspectives en matière d’échanges commerciaux et technologiques, d’investissement et de développement des territoires.

La question de savoir si la Russie doit choisir dans ses relations l’axe européen ou asiatique est purement artificielle. La France – doit-elle choisir entre l’Espagne et l’Allemagne?

Autre idée préconçue – se retournant vers la Chine, la Russie est condamnée au rôle auxiliaire de son fournisseur de matières premières.

Jusque là nous avons vécu une expérience de rapprochement avec l’Union Européenne qui effectivement réduisait la Russie au rôle de fournisseur de l’Occident. Apparemment c’était la seule place qu’on nous réservait.

Certes, nous allons utiliser toutes les opportunités qu’offre le marché chinois pour le commerce de matières premières et d’hydrocarbures. Un accord a été signé sur la construction du gazoduc “la Force de la Sibérie” (ainsi est nommé le tracé oriental), et des négociations sont en cour pour le gazoduc “Altaï” (ainsi est nommé le tracé occidental). Il s’agit de dizaines de milliard de mètres cubes de gaze.

Ces projets d’envergures permettent à la Russie de diversifier les débouchées de ses hydrocarbures, ce qui n’est pas sans importance, surtout sur fond d’appels politisés à renoncer à notre gaz, qui résonnent de plus en plus fort en Union Européenne. En limitant la coopération énergétique avec notre pays, l’UE se tire une balle dans le pied et scie la branche sur laquelle elle est assise. Elle réduit ainsi elle-même sa compétitivité.

Néanmoins, – et c’est capital, – la coopération russo-chinoise ne se limite pas au commerce des matières premières. Elle s’étend aussi sur les secteurs et les industries de pointe. La Russie garde et renforce ses positions sur le marché chinois notamment en ce qui concerne la coopération militaire et le commerce d’armes modernes, mais aussi dans le secteur nucléaire, dans l’industrie aérienne (avions et hélicoptères), la pétrochimie, les transports… Autre volet important – la coopération spatiale. Ainsi, nous travaillons sur l’inter-connectivité de nos systèmes de navigation par satellite GLONASS et “Beidou”

Mais le principal – est que notre partenariat avec la Chine s’appuie sur le respect mutuel des intérêts de chacun, tandis que l’Union Européenne cherchait toujours à nous imposer des conditions unilatérales, en dépit des intérêts de la Russie mais “en application du règlement européen”. La troisième directive énergétique en est un exemple par excellence.

Notre colloque porte dans son nom la question “quelles stratégies?”. Et bien, les stratégies, on pourrait en inventer de toutes sortes, mais le critère de leur efficacité restera toujours le même – le réalisme.

Certains préfèrent vivre dans un monde imaginaire – se croire exceptionnels; inventer des mythes sur les “menaces” russes et chinoises; alimenter en armes et en argent l’inexistante “opposition modérée” en Syrie; croire que des tribus moyenâgeuses peuvent en un jour se transformer en démocraties de type occidental; se persuader que les Criméens ont voté leur réunification avec la Russie sous la menace des armes… Mais le monde réel revient toujours et le dégrisement peut être amer. Le carrosse de Cendrillon se change en citrouille, les “opposants modérés” en djihadistes, les “démocrates ukrainiens” en nationalistes agressifs…

Sauf qu’en se battant contre des moulins à vent, on risque de laisser passer les vraies menaces. Je suis persuadé que la stratégie de la communauté internationale doit consister à se mobiliser pour résoudre les vrais problèmes et faire face aux réelles menaces, dont la plus dangereuse est aujourd’hui l’islamisme radical.

Alexandre Orlov

Source: http://www.les-crises.fr/la-chine-et-la-russie-mettent-en-scene-leur-lune-de-miel/


Mafia d’État en Grande-Bretagne, par George Monbiot

Saturday 3 October 2015 at 01:17

Source : Monbiot, le 08/09/2015

Quelle est la frontière entre les affaires légales et le crime organisé ?

Par George Monbiot, publié dans le Guardian du 9 septembre 2015

Être raisonnable en réponse au déraisonnable : c’est ce que l’on dit aux électeurs dans le scrutin au parti Travailliste. Adaptez-vous, calmez-vous, calculez bien, parce que sinon vous n’avez plus rien d’autre à faire que de vous isoler de la réalité. Vous pouvez être tentés d’accepter. Si c’est le cas, veuillez jeter un œil sur la réalité à laquelle vous devez vous soumettre.

D’une manière inconnue depuis la Première Guerre mondiale, les relations économiques dans ce pays sont de plus en plus gravées dans le marbre. Ce n’est pas seulement que les très riches ne tombent plus jamais ou que les très pauvres ne s’élèvent plus jamais. C’est que le système lui-même est protégé contre le risque. À travers sauvetage des banques, assouplissements quantitatifs et réticence à augmenter les taux d’intérêt, l’investissement spéculatif a été si bien protégé que, comme le dit Larry Elliot, les marchés financiers sont “l’un des derniers bastions du socialisme existant sur terre”.

Services publics, infrastructures, le tissu économique même de la nation : tout est converti en investissements sans risque. L’épuration sociale est en train de transformer le centre de Londres en une zone économique vouée à la spéculation immobilière. Par dix voies différentes, la politique du gouvernement converge vers cet objectif. La limitation des aides sociales et la taxe sur les logements sous-occupés chassent les pauvres de leurs maisons. La vente forcée d’habitations à loyer modéré de haute valeur crée un nouveau fonds de biens immobiliers. Un marché locatif privé non plafonné et à peine régulé transforme ces investissements en or. Le gel des méthodes de calcul des impôts locaux depuis 1991, l’augmentation des seuils de l’impôt sur les successions et 14 milliards de livres par an d’exemption pour les propriétaires ont contribué à garantir une rentabilité prodigieuse.

Et pour ceux qui souhaitent simplement ne pas valoriser leurs investissements, le gouvernement peut les aider aussi dans ce cas, en assurant qu’il n’y a pas de pénalité à laisser les immeubles vides. Le résultat est qu’une grande quantité de logements n’est plus disponible sur le marché. La terre agricole est devenue un placement encore meilleur pour l’argent de la City : avec les gains produits par le capital, l’héritage et les exemptions d’impôt, ainsi que les subventions agricoles, son prix a quadruplé en 12 ans.

La propriété au sein de ce pays est un refuge pour les revenus du crime international. Le chef de l’Agence Nationale Criminelle, Donald Toon, note que le marché immobilier de Londres a été faussé par l’argent blanchi. Les prix ont été artificiellement gonflés par les criminels étrangers  qui viennent mettre en garde leurs avoirs ici en Grande-Bretagne.

C’est à peine surprenant, étant donné le peu de surveillance. Private Eye a fait une carte des terres britanniques appartenant à des sociétés basées dans des paradis fiscaux. La surface avoisine les 1,2 million d’acres [environ 600 000 ha, NdT], dont beaucoup de biens immobiliers de première catégorie. Parmi les bénéficiaires on trouve des oligarques russes, des cheiks et leurs pétrodollars, des aristocrates britanniques et des propriétaires de journaux. C’est pour ces gens qu’est faite la politique du gouvernement, et plus faible est la réglementation du système qui les enrichit, plus ils sont contents.

Le marché immobilier spéculatif n’est que l’un des courants de l’énorme flux de capitaux qui déferle en Grande-Bretagne, ceux qui ne sont pas au milieu du fleuve en voyant à peine la couleur. Le secteur financier exploite à son profit un étonnant privilège politique : la City de Londres est la seule juridiction du Royaume-Uni non totalement soumise à l’autorité du Parlement. En fait, la relation avec le Parlement semble fonctionner à l’envers. Derrière la tribune de la Chambre des Communes est assis le Remembrancer, dont le travail est de s’assurer que les intérêts de la City soient préservés par les élus. (Une campagne pour annuler ce privilège – Don’t Forget the Remembrancer – sera lancée bientôt.) La City a un pied dans l’eau : c’est un état semi-offshore, un peu comme les dépendances de la Couronne britannique et les territoires d’outre-mer, paradis fiscaux légitimés par le Conseil Privée. Le secret financier appliqué en Grande-Bretagne sape les bases imposables tout en fournissant aux gangsters, kleptocrates et barons de la drogue un moyen de s’introduire dans l’économie légale.

Même les institutions financières les plus orthodoxes ont une longue histoire de pratiques financières scandaleuses : scandale des plans de retraites individuels, fraude aux hypothèques liées à des assurances-vie, escroqueries à l’assurance, manipulations du Libor. Un ancien ministre du dernier gouvernement, Lord Green, dirigeait HSBC pendant qu’elle était occupée à blanchir l’argent de la drogue, pratiquait l’évasion fiscale systématique et fournissait des services aux banques de l’Arabie saoudite et du Bangladesh liées au financement du terrorisme. Parfois le Royaume-Uni me semble être devenu vraiment un État mafieux.

Au congrès du parti Conservateur du mois prochain, les chefs d’entreprise paieront 2500 livres pour rencontrer un ministre. Sans aucun doute, parce qu’on nous assure qu’il n’y a pas de lien entre un financement et une politique, ils vont passer la journée à discuter du temps qu’il fait et des derniers films qu’ils ont vu. Si l’on avait remarqué de tels arrangements dans un pays étranger, on aurait pu être porté à y voir de la corruption. Mais cela ne peut pas être le cas ici, parce que l’invitation précise que “les charges correspondant à un dîner et une journée d’affaires sont considérées comme des transactions commerciales et donc ne constituent pas un financement politique.”

Le gouvernement insiste également pour dire qu’il n’existe aucun lien entre les dons politiques et les sièges à la Chambre des Lords. Mais une étude de chercheurs de l’université d’Oxford a conclu que la probabilité de voir tant de gros donateurs arriver là par hasard est de 1,36 fois dix puissance moins 38 : “en gros l’équivalent de gagner le gros lot 5 fois de suite à la loterie nationale.” Pourquoi le système des Lords n’a-t-il jamais été réformé ? Parce qu’il permet au pouvoir ploutocratique de supplanter la démocratie. Les riches et les pauvres sont maintenus à leur place.

Etant gouverné soit directement par les gens qui nous volent, soit par des gens qui travaillent pour le compte de ceux-ci, nous ne pouvons être surpris de découvrir que tous les services publics ont été réorganisés au profit du capital privé. Ni de découvrir que les gouvernements favorisent, sans l’accord du public, la négociation de traités tels que le TTIP et le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), lesquels sapent la souveraineté à la fois du Parlement et des lois. La remarque d’Esope selon laquelle “Nous pendons les voleurs de poules et nommons les grands escrocs aux fonctions publiques” est toujours vraie, sauf que la pendaison a été remplacée par le châtiment de la communauté.

Où que vous mettiez le nez dans la vie publique britannique, il y a quelque chose qui pue : je pourrais remplir d’exemples cet article . Mais alors que chaque pore transpire la corruption, notre rôle, nous dit-on, se limite à cirer les chaussures du corps politique.

Ne pas combattre ce système c’est y collaborer. Qui à gauche voudrait rester sur la touche tant que cette mise en pièces continue ? Qui voudrait voter pour autre chose qu’un grand coup de balai ?

Source : Monbiot, le 08/09/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/mafia-detat-en-grande-bretagne-par-george-monbiot/


France 2 en campagne contre le Code du travail et l’impôt progressif par Samuel Gontier

Saturday 3 October 2015 at 00:02

Source : Telerama, 09/09/2015, par Samuel Gontier

Nouvel exploit de David Pujadas, mardi soir au 20 heures. Il sort de sous la table « notre fameux Code du travail, si lourd avec ses près d’un kilo et demi », le brandit devant la caméra et le pose violemment devant lui pour en faire sentir tout le poids. Quelle audace ! L’utilisation de cet accessoire entièrement analogique contraste avec la surenchère d’effets numériques dans les nouveaux JT de TF1 et de M6.

Le Code du travail est l’ennemi de David Pujadas et de la rédaction de France 2, cela explique sa présence sur le plateau. Déjà, le titre du 20 heures omettait de lui accorder une majuscule : « Travail : la fin du code ? » Puis le présentateur annonçait la « réforme du droit du travail : le gouvernement va faire primer la négociation sur la loi ». Et clamait son unique préoccupation : « Le Code du travail va-t-il mincir ? »

Cette obsession ne date pas d’hier. Le 20 heures de France 2 a l’habitude de s’appesantir sur le poids et l’épaisseur du Code du travail, dont des piles entières illustrent de nombreux sujets consacrés à son indispensable cure d’amaigrissement. Le JT reprend ainsi l’image de la couverture du livre de l’économiste libérale Agnès Verdier-Molinié, à qui la chaîne a déjà déroulé un tapis aussi rouge que la couverture dudit Code.

Le JT de France 2 reprend surtout les arguments et les chiffres répétés par le Medef… et unanimement invalidés, du Monde à Slate en passant par Mediapart et même Le Figaro. Des décryptages où l’on apprend que l’édition Dalloz (en général prise comme référence) ne comporte pas seulement les articles de loi mais aussi des pages et des pages de « notes de rédaction » et de « notes jurisprudentielles », ce qui explique son surpoids. Où l’on découvre également que les Allemands sont aussi obèses que les Français, avec leurs trois mille pages.

Tous ces démentis à la propagande patronale ne font pas plier David Pujadas et la rédaction du 20 heures, derniers à rester fidèles au Medef. Après un sujet expliquant que le gouvernement envisage de « bouleverser la hiérarchie existante en faisant primer la négociation sur la loi », Jean-Paul Chapel détaille en plateau certains changements concrets que la réforme entraînerait. C’est à ce moment que le présentateur brandit son pavé.
« Jean-Paul, petite question complémentaire, est-ce que cela va alléger ceci : notre fameux Code du travail, si lourd avec ses près d’un kilo et demi. » « Non, David. » Malheur de malheur ! « Ce Code, il sera toujours aussi lourd avec ses quelque trois mille pages. » Trois mille pages ? C’est monstrueux ! « Merci Jean-Paul, trois mille pages, ça fait effectivement beaucoup de lecture », conclut David en tapotant son pavé. Jean-Pierre Pernaut n’aurait pas dit mieux.

Après le ras-le-bol législatif, le ras-le-bol fiscal. Ça ne suffit pas à France 2 de régler son compte au Code du travail, elle s’en prend quelques minutes plus tard à l’impôt sur le revenu, dénonçant un prélèvement profondément injuste. « La baisse des impôts, suite, attaque David Pujadas. On apprend que la diminution annoncée va réduire d’un million le nombre de contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu. On est donc largement à moins d’un Français sur deux. » Cela signifie que plus de la moitié des contribuables (les plus pauvres) ne bénéficiera pas de la baisse d’impôts annoncée par François Hollande, qui profitera seulement aux 50 % les plus riches. Mais, pour France 2, c’est l’exonération d’impôt sur le revenu qui est scandaleuse. Il faut faire payer les pauvres ! Démonstration avec « la réalité derrière les chiffres » (dixit David Pujadas), illustrée par une séquence animée.

« L’impôt sur le revenu, démarre la voix off, c’était 75 milliards d’euros de recettes pour l’Etat en 2014. Pour le payer, a priori, 37 millions de contribuables. Mais tous ne le payent pas. » Oui, plus d’un sur deux, et c’est scandaleux. « L’impôt sur le revenu, un impôt progressif qui se découpe en tranche, poursuit la voix off. Plus on gagne, plus on est taxé. » Dégueulasse. Ce sont toujours les mêmes qui paient. « Au final, c’est une minorité de contribuables qui paye le plus. » C’est insensé de s’en prendre ainsi aux minorités. « Les Français qui déclarent plus de 47 000 euros ne représentent que 10 % des contribuables. Mais ces 10 % s’acquittent à eux seuls de 70 % de l’impôt sur le revenu. » C’est de la spoliation pure et simple. Et pendant ce temps-là, 50 % de privilégiés ne payent rien !

« Depuis trois ans, ses recettes [de l’impôt sur le revenu] sont en hausse pour l’Etat, plus 10 milliards d’euros entre 2012 et 2014. » D’où le légitime ras-le-bol fiscal. Et la voix off de conclure : « L’impôt sur le revenu ne représente que 8 % des 957 milliards d’euros de prélèvements obligatoires. 75 milliards, c’est donc peu… et beaucoup à la fois. » En effet… Mais d’où viennent les 92 %, les 882 autres milliards d’euros encaissés par l’Etat (et la Sécurité sociale) ?

France 2 ne le dit pas, elle serait obligée d’admettre que les privilégiés qui sont exonérés d’impôt sur le revenu acquittent tout de même la TVA en faisant leurs courses, la taxe sur les produits pétroliers en faisant le plein, la CSG s’ils travaillent, etc. Autant de prélèvements non progressifs auxquels les exonérés d’impôt sur le revenu contribuent beaucoup plus fortement (proportionnellement à leurs revenus) que les martyrs de l’impôt sur le revenu, plus riches. Mais c’est à ces derniers que France 2 s’intéresse exclusivement.

 

« Alors, la pression fiscale est-elle toujours au cœur des préoccupations ? » De David Pujadas, c’est certain. « Un ministre avait utilisé l’expression de ras-le-bol fiscal. » Je m’attends à ce que le présentateur sorte une matraque de sous la table pour illustrer le « matraquage fiscal », voire un canon de 75 ou un chasseur-bombardier pour rappeler « le tir de barrage » ou « le pilonnage fiscal » évoqués par le personnel politique. Mais David Pujadas préfère dégainer un micro-trottoir pudiquement rebaptisé « carnet de route ». « A Lagny-sur-Marne, carnet de route dans la classe moyenne confrontée aux impôts. »

Le reporter, une nouvelle fois très incarné, a fait la sortie des écoles pour rencontrer « des familles plutôt aisées plus touchées par les hausses d’impôt que par les baisses.… En terme d’impôt, ces dernières années, vous avez senti une baisse ? », demande-t-il à une dame. « Non, que des hausses. » « Parce que z’êtes pas dans la cible des baisses, peut-être ? » « Ah non, on n’en fait jamais partie. » Quand on vous dit que ce sont toujours les mêmes qui paient. « Et ici, on le dit sans détour. Beaucoup de ces parents qui gagnent bien leur vie jugent l’impôt inégalitaire. »

 

Courageux, le reporter se fait l’avocat du diable, c’est-à-dire de l’Etat rapace. « En même temps, j’ai envie de vous dire, on vit dans un pays où grâce aux impôts qu’on paye on a beaucoup de choses, non ? » « C’est vrai, reconnaît un parent d’élève. Mais chacun devrait payer, même un euro, ce serait un impôt plus juste. » « Un euro symbolique, ce serait bien ? » « Oui, ce serait bien, approuve l’homme. Moi, j’ai rien, on me donne pas d’aide, j’ai absolument rien. » Pas comme ces privilégiés qui, non contents de ne pas payer un euro d’impôt, se gavent d’allocations.

« Ce discours, tout le monde ne le partage pas, notamment chez les commerçants », nuance le reporter, qui poursuit son micro-trottoir, pardon, son carnet de route, dans une boulangerie. « Je trouve normal de payer des impôts parce qu’on a des routes, des écoles, des structures qui n’existent pas dans tous les pays. » Un boulanger collectiviste ? « C’est normal de contribuer à tout ce qui permet de vivre décemment en France. » Il faudrait l’envoyer pétrir son pain dans un kolkhoze. Peut-être n’est il pas informé du dernier attentat fiscal en date : à Lagny, « les impôts locaux vont exploser de 15 % ». Décidément, tout explose : les impôts locaux, l’impôt sur le revenu, le poids du Code du travail… Heureusement que France 2 est là pour déminer le terrain.

Source: http://www.les-crises.fr/france-2-en-campagne-contre-le-code-du-travail-et-limpot-progressif-par-samuel-gontier/


Où est notre Jeremy Corbyn? Par Chris Hedges

Friday 2 October 2015 at 03:01

POSTED BY: LEPARTAGE 19 SEPTEMBRE 2015

Source : http://partage-le.com/2015/09/ou-est-notre-jeremy-corbyn-chris-hedges/

Traduction: Héléna Delaunay

Article original publié en anglais sur le site de truthdig.com, le 13 septembre 2015.
Christopher Lynn Hedges (né le 18 septembre 1956 à Saint-Johnsbury, au Vermont) est un journaliste et auteur américain. Récipiendaire d’un prix Pulitzer, Chris Hedges fut correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans. Reconnu pour ses articles d’analyse sociale et politique de la situation américaine, ses écrits paraissent maintenant dans la presse indépendante, dont Harper’s, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Il est éditorialiste du lundi pour le site Truthdig.com.

La politique de Jeremy Corbyn, qui a remporté samedi une victoire écrasante à la tête du Parti travailliste qui avait essuyé une défaite électorale en mai dernier, fait partie de la révolte globale contre la tyrannie corporatiste. Sa longue carrière avait été marquée par une mise à l’écart au sein même de la classe politique de son pays. Mais n’ayant jamais renoncé aux idéaux socialistes qui définissaient le vieux Parti travailliste, il est sorti intact du tas de fumier que représente le néolibéralisme. Son intégrité, ainsi que son audace, offrent une leçon à ceux qui, aux États-Unis, se définissent comme appartenant à la gauche, font de beaux discours, cherchent à composer avec les élites au pouvoir — plus particulièrement avec le Parti démocrate — et sont totalement dépourvus de courage.

Je n’apporterai mon soutien ni à un homme politique qui liquide les palestiniens et se plie aux exigences du lobby israélien ni à un homme politique qui refuse de s’opposer au complexe militaro-industriel ou à la suprématie blanche et à l’injustice raciale. La question palestinienne n’est pas une question accessoire. Elle fait partie intégrante des efforts des états-uniens visant à démanteler notre machine de guerre, la politique néolibérale qui utilise principalement le langage de l’austérité et de la violence pour s’adresser au reste du monde, et l’influence corrosive de l’argent dans le système politique du pays. Si vous tenez tête aux maîtres de la guerre et au lobby israélien, il vous faudra probablement tenir tête à tous les autres pouvoirs néolibéraux et corporatistes qui cannibalisent les États-Unis. C’est en cela que consiste l’aptitude à diriger. Cela consiste à avoir une vision. Et cela consiste à se battre pour cette vision.

Corbyn, qui soutient les négociations avec le Hamas et avec Hezbollah et qui a une fois invité des membres de ces deux organisations à visiter le Parlement, a appelé à traduire en justice les dirigeants d’Israël pour crimes de guerre contre les palestiniens. Il a exprimé son soutien au mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) à l’encontre d’Israël et à l’appel pour un embargo sur les armes contre ce même pays. Il souhaite abolir le Prevention of Terrorism Act (acte de prévention du terrorisme), équivalent britannique du Patriot Act aux États-Unis et qui a été utilisé pour stigmatiser et harceler les musulmans. Il veut que le Royaume-Uni se retire de l’OTAN. Il a déclaré qu’il ne concevait aucune situation nécessitant l’envoi de troupes britanniques à l’étranger. Il s’est opposé farouchement à l’invasion et à l’occupation de l’Irak et a été l’un des instigateurs de l’organisation « Stop the War Coalition ». Il a dénoncé les États-Unis pour ce qu’il a appelé l’assassinat de Oussama ben Laden, alléguant que le leader d’Al-Qaïda aurait dû être capturé et jugé, et il s’en est pris au gouvernement britannique pour avoir utilisé des drones militaires pour tuer deux djihadistes britanniques en Syrie, au mois d’août. Il prône le désarmement nucléaire unilatéral et a exhorté à la suppression de « Trident », le programme de dissuasion nucléaire de son pays. Il s’oppose à toute intervention militaire en Syrie et veut exercer une pression sur « nos prétendus alliés de la région » —comprenez l’Arabie Saoudite — qui soutiennent l’État islamique. Il a appelé à des pourparlers avec les dirigeants de factions guerrières en Irak et en Afghanistan en vue de mettre un terme aux conflits.

« Aucune solution aux meurtres et aux violations des droits humains {au Moyen-Orient] ne réside dans un recours à une intervention militaire supplémentaire de la part de l’occident », a écrit Corbyn. Il faudra finir par trouver une solution politique dans la région mais ce ne sont pas les bombardements par les forces de l’OTAN qui pourront y parvenir. Le drame des meurtres et de la progression d’ISIS au cours de ces dernières semaines est encore un autre résultat de la guerre contre le terrorisme déclenchée par le duo Bush-Blair et qui se poursuit depuis 2001. Les victimes de ces guerres sont les réfugiés et ceux qui sont chassés de leurs maisons ainsi que les milliers de civils anonymes qui ont péri et continueront de périr dans la région. Les « vainqueurs » sont inévitablement les fabricants d’armes et ceux qui profitent des ressources naturelles de la région.

Et il ne s’agit là que de sa politique extérieure.

Corbyn dit qu’il encouragera des hausses d’impôts importantes pour les riches ainsi que la suppression des allègements fiscaux accordés aux entreprises. Il envisage d’imposer des mesures de sauvegarde pour protéger les bénéficiaires de prestations sociales et d’instituer un « salaire maximum » pour les dirigeants d’entreprises afin de lutter contre « des niveaux d’inégalité grotesques ». Il souhaite la mise en place d’un encadrement généralisé des loyers afin de mettre un terme au « nettoyage social », selon ses propres termes, produit par la gentrification. Il a demandé instamment à la Banque d’Angleterre de procéder à un assouplissement monétaire pour le peuple qu’il nomme « People’s Quantitative Easing », exigeant qu’elle investisse des milliards dans des projets destinés aux logements, à l’énergie et à d’autres infrastructures. Il soutient la création d’un sanctuaire dans l’ Antarctique pour empêcher l’extraction minière et le forage pétrolier. Il s’oppose au fracking. Il prévoit des investissements publics pour la construction des systèmes d’énergies renouvelables solaires et éoliennes, et une « réglementation mondiale » pour entraver l’exportation de carbone. Enfin, il envisage de mettre fin aux mesures de privatisation de certains services du système de santé universel de son pays, connu sous le nom de « National Health Service ».

Tandis que les travaillistes prenaient un virage à droite et subissaient la domination de l’argent corporatiste et du néolibéralisme sous les gouvernements Tony Blair et Gordon Brown – un processus qui a également concerné le Parti démocrate sous les mandats de Bill Clinton et de Barack Obama – Corbyn devenait un rebelle au sein de son propre parti. Entre 1997 et 2000, en tant que membre du Parlement, où il siège depuis 1983, il a voté contre des projets de loi ou a contesté des positions défendues par le gouvernement du « nouveau » Parti travailliste plus de 500 fois. Blair, qui déteste Corbyn, a prévenu que si le parti soutient Corbyn lors des prochaines élections générales (qui sont prévues pour 2020 mais peuvent se tenir à tout moment si un vote de non-confiance au Parlement a lieu), il risquera d’être anéanti lors du scrutin. Corbyn a réagi en suggérant que Blair devrait être poursuivi en tant que criminel de guerre pour son rôle dans l’invasion de l’Irak en 2003.

Corbyn, au cours de la quarantaine d’années qu’il a passée en marge de l’establishment politique britannique, a appelé à l’abolition de la monarchie britannique et a décrit Karl Marx comme « une figure fascinante qui a beaucoup observé et dont on peut apprendre beaucoup de choses ». Il veut nationaliser les compagnies de production d’énergie et renationaliser la poste et les chemins de fer. « Sans exception, la majorité des infrastructures britanniques d’électricité, de gaz, d’eau et de chemin de fer ont été construites par le biais d’investissements publics à la fin de la deuxième guerre mondiale et ont toutes été privatisées à des prix défiant toute concurrence par les gouvernements conservateurs de Thatcher et de [John] Major au profit d’investisseurs avides ». a-t-il écrit dans une colonne du journal « The Morning Star ».

Il a soulevé la possibilité d’un retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne, citant l’attaque draconienne orchestrée par l’UE contre le peuple grec au nom de l’austérité. « Observons les choses sous un autre angle », a déclaré Corbyn. « Si on permet à des forces qui n’ont pas à répondre de leurs actes de détruire une économie comme celle de la Grèce, quand tout l’argent de ce plan de sauvetage ne va pas au peuple grec mais à plusieurs banques à travers l’Europe, alors je pense que nous devons réfléchir très sérieusement au rôle joué par l’UE et au rôle que nous jouons dans tout cela ».

Corbyn a proposé la création d’un Service National de l’éducation qui fournirait, grâce à l’augmentation des taxes sur les entreprises, une éducation universelle gratuite de la garderie jusqu’à l’université, en passant par les écoles professionnelles et la formation pour adultes. Il souhaite supprimer l’équivalent britannique des écoles privées sous contrat et mettre fin à l’octroi d’exonération d’impôt consenti aux écoles privées destinées aux élites. Il voudrait rétablir les subventions d’état dans le domaine des arts. Il a publié une déclaration en août ayant pour titre « Les arts sont pour tous et non pour quelques uns ; il y a de la créativité dans chacun d’entre nous. » Elle vaut la peine d’être lue.

La communauté artistique aux États-Unis, comme celle de Grande-Bretagne, est en grande détresse. Les acteurs, les danseurs, les musiciens, les sculpteurs, les chanteurs, les peintres, les écrivains, les poètes et même les journalistes ne parviennent pas à gagner leur vie. Ils disposent de peu d’espaces pour se produire ou pour publier une nouvelle œuvre. Les théâtres déjà implantés offrent des spectacles de mauvais goût ou des pièces qui sont des divertissements vides de sens plutôt que de l’art. La guerre contre les arts a contribué dans une large mesure au nivellement par le bas de la population des États-Unis. Elle nous coupe de notre patrimoine artistique et intellectuel, contribuant ainsi à notre amnésie historique et culturelle. En parallèle, la suppression des matières artistiques des programmes scolaires, maintenant dominés par des compétences professionnelles et des tests standardisés, a consolidé un système dans lequel on a enseigné ce qu’il faut penser et non comment il fat penser. L’expression libre et la créativité, disciplines qui rendent possibles la connaissance de soi, la transcendance et l’aptitude au respect, sont des anathèmes aux yeux de l’état capitaliste. Le dogme imposé du néolibéralisme ne doit pas être remis en question.

« Sous l’apparence d’un programme d’austérité à caractère politique, ce gouvernement a détruit le financement des arts avec des projets qui devaient justifier de plus en plus souvent leurs contributions artistiques et sociales dans l’approche réductrice et implacablement instrumentaliste de l’administration Thatcher », a écrit Corbyn dans sa déclaration du mois d’août. Au cours des années 80, Thatcher qui était alors premier ministre, a cherché à affaiblir la communauté artistique, en tentant de réduire au silence les provocateurs et en favorisant le populisme. Les méthodes actuelles de mesure des valeurs du Trésor (inspirées de pratiques utilisées dans le marché immobilier et ailleurs) pour tenter de trouver des mécanismes appropriés au calcul de la valeur des visites des galeries d’art ou de l’opéra, constituent une voie dangereuse vers la commercialisation impitoyable de chaque sphère de notre existence. Il en a résulté des coupes dans le budget du « Arts Council » (organisme public chargé de la promotion des arts et de la culture) qui ont atteint 82 millions de livres en l’espace de 5 ans et la fermeture de la grande majorité des organisations artistiques subventionnées, en particulier en dehors de Londres. »

Il continue:

Au-delà des bénéfices sociaux et économiques évidents des arts, on retrouve leur contribution importante à nos communautés, à l’éducation et au processus démocratique. Des études ont démontré l’impact bénéfique de l’étude du théâtre dans les écoles sur la capacité des adolescents à communiquer, apprendre, et se tolérer les uns les autres, ainsi que sur la probabilité qu’ils votent. La hausse de l’implication des jeunes dans le processus politique est une chose qu’il faut encourager et célébrer. De plus, la contribution et la critique de notre société et de la démocratie que le théâtre a la capacité d’offrir doit être protégée. Pour citer David Lan, « la dissidence est nécessaire à la démocratie, et les gouvernements démocratiques ont intérêt à préserver les sites où la dissidence peut s’exprimer ».

Corbyn dit qu’il annulerait les coupes budgétaires gouvernementales qui ont éventré la BBC. Il comprend que la destruction de la radiodiffusion publique, qui est conçue pour fournir une tribune aux voix et aux artistes que l’argent corporatiste ne contrôle pas, signifie l’avènement d’un système de propagande dominé par les corporations, comme celui qui contrôle la majorité des ondes états-uniennes.

« Je crois fermement au principe de la radiodiffusion publique et je ne voudrais pas qu’on suive la voie tracée par les États-Unis, où PBS a été évidée, incapable de fournir un contenu assez large pour pouvoir affronter les radiodiffuseurs privés, et où Fox News a, par conséquent, acquis une position dominante et donne le la dans le domaine de l’actualité », a-t-il écrit. « Je veux voir le parti travailliste au cœur des campagnes de protection de la BBC et de ses droits de licence. Lorsque nous [les travaillistes] retourneront au pouvoir, nous devons entièrement financer la radiodiffusion publique sous toutes ses formes, et reconnaitre le rôle crucial qu’a joué la BBC dans la mise en place et le soutien d’arts nationaux de classe mondiale, du théâtre, et du divertissement ».

Corbyn est devenu végétarien à l’âge de 20 ans après avoir travaillé dans une exploitation porcine et avoir été témoin de l’abus, de la torture et du massacre de ces animaux. Il soutient les droits des animaux. Il ne possède pas de voiture, se déplace presque partout en vélo et est notoirement frugal, est habituellement le moins dépensier de tous les membres du parlement. Son romancier préféré est l’écrivain nigérian Chinua Achebe, qui a écrit « Things Fall Apart » (« le monde s’effondre »), une exploration de la force destructrice du colonialisme. Corbyn parle couramment l’espagnol et vient d’une famille de gauche. (Ses parents se sont rencontrés lors d’un rassemblement en soutien aux républicains qui combattaient les fascistes de Franco durant la guerre civile espagnole).

Il est très conscient du problème de la violence masculine contre les femmes. Il bloquerait la fermeture des centres pour femmes victimes de violences domestiques, combattrait la discrimination contre les femmes sur leur lieu de travail et soutiendrait les lois contre le harcèlement sexuel et l’agression sexuelle. Il explique que son cabinet serait composé à 50% de femmes.

L’ascension de Corbyn à la tête du parti travailliste a d’ores et déjà déclenché un lynchage contre lui de la part des forces de l’ordre politique néolibéral. Ces forces sont déterminées à l’empêcher de devenir premier ministre. Les élites enracinées dans son propre parti — dont un certain nombre ont déjà démissionné de postes de directions, en signe de protestation contre l’élection de Corbyn — chercheront à lui faire ce que les démocrates firent en 1972 à George McGivern après qu’il ait obtenu la nomination à la tête du parti. La rhétorique de la peur a déjà commencé. Le premier ministre David Cameron a tweeté dimanche: « le parti travailliste est maintenant une menace pour notre sécurité nationale, notre sécurité économique et la sécurité de votre famille ». Cette bataille sera rude.

Corbyn, à l’instar de Syriza en Grèce et Podemos en Espagne, fait partie de la nouvelle résistance populaire qui émerge des ruines du néolibéralisme et de la globalisation pour combattre le système bancaire international et l’impérialisme américain. Il nous reste à organiser cette bataille efficacement aux États-Unis. Mais parce que nous vivons au cœur de l’empire, une responsabilité particulière nous incombe pour défier la machine, maintenue en place par l’establishment du Parti démocrate, défier l’industrie de la guerre, Wall Street et le lobby israélien. Nous devons nous aussi œuvrer à construire une nation socialiste. Notre victoire n’est pas assurée, mais ce combat est le seul espoir qui nous reste pour nous sauver des forces prédatrices déterminées à détruire la démocratie et l’écosystème dont nos vies dépendent. Si les forces auxquelles nous sommes confrontés triomphent, notre avenir sera compromis.

Chris Hedges

Source: http://www.les-crises.fr/ou-est-notre-jeremy-corbyn-par-chris-hedges/


Jeremy Corbyn : tremblement de terre ou suicide politique ? Par Caroline Fourest

Friday 2 October 2015 at 01:30

Encore du Très grand journalisme à la Fourest, sur le “sévice public”

Le Monde selon Caroline Fourest

Emission du 14.09.2015 – 07:19

Source : France culture,

- Journaliste : Bonjour Caroline, cette semaine vous revenez sur les engagements moins connus et parfois troubles de Jeremy Corbyn, élu à la tête du Parti Travailliste anglais à près de 60% ce week-end. Une nouvelle saluée par une grande partie de la gauche radicale européenne, d’autres y voient un suicide politique.

- Caroline Fourest : Tout dépend en fait de l’angle sous lequel on regarde Jeremy Corbyn. Si on le regarde sous l’angle économique uniquement, sa victoire signifie incontestablement qu’il existe encore une gauche capable de défendre l’état providence en Angleterre. Corbyn est fermement opposé aux politiques d’austérité, il prône même la renationalisation dans des secteurs comme l’énergie ou les chemins de fer. C’est très rafraichissant après tant d’années de dérégulation et de privatisation, que ce soit sous Margaret Thatcher ou sous Tony blair. Pour la gauche radicale, l’élection de Corbyn signifie donc la mort du « blairisme ». Le signe qu’après Syriza et Podemos, il est possible de rêver à une Grande-Bretagne qui ne pense pas qu’à torpiller l’Europe politique et favorise au contraire une vraie politique de relance européenne et ce serait réjouissant si c’était le cas.

Le problème, c’est que l’élection de Jeremy Corbyn ne va pas que tuer le « blairisme », elle risque aussi de plonger la gauche anglaise dans un très long, très long coma. Car avec lui à la tête des travaillistes, sitôt son vrai visage mieux connu, et bien les conservateurs ont de quoi régner très longtemps sur le 10 Downing Street.

- Journaliste : Vous pensez donc, Caroline, que l’enthousiasme pour Jeremy Corbyn ne va pas durer.

- Caroline Fourest : Non, les conservateurs se frottent déjà les mains à l’idée de l’affronter tellement l’homme a accumulé les prises de position douteuses au fil des années. Alors je ne parle encore une fois pas du tout de ses prises de position économiques, c’est une politique alternative et ambitieuse qui mérite d’être débattue, qui mérite même d’être défendue mais je parle de ses positions en matière de politique internationale, de liberté d’expression ou de terrorisme.

Des associations s’inquiètent par exemple de ses fréquentations complotistes et antisémites, comme cet écrivain niant la Shoah qui l’a financé, ou ceux qu’il appelle ses amis, des cadres du Hamas et du Hezbollah, avec qui il partage de nombreuses tribunes en expliquant à chaque fois que c’est un plaisir et un honneur. L’entourage de Corbyn s’est défendu en expliquant qu’il n’était pas bien au courant pour les convictions négationnistes de son ami écrivain et qu’il appelle un peu facilement tout le monde ses « amis ». Il soutient néanmoins l’association Kedge, créée par des islamistes ou des pro-islamistes, pour soutenir les victimes de l’anti-terrorisme – oui vous avez bien entendu, les victimes de l’anti-terrorisme et non du terrorisme, c’est une question de priorités. Il donne aussi volontiers des interviews à la télévision iranienne et à Russia Today, la chaine de propagande du régime russe, celle qu’il préfère, il la décrit comme « la chaine la plus objective du paysage audiovisuel » ce qui en dit long sur sa vision du monde. Il a également manifesté contre la publication des dessins de Mahomet en 2006 en compagnie d’intégristes anglais à côté de qui nos islamistes à nous ont l’air de soixante-huitards débridés et bien sûr il est tout à fait désolé pour ce qui s’est passé le sept janvier. Reste que Corbyn est un pur produit de cette gauche radicale flirtant volontiers avec les pires extrémistes de la planète par anti-américanisme primaire. Cela n’a peut-être pas joué un rôle au moment de l’élection interne aux travaillistes mais ça lui sera certainement fatal devant l’opinion publique anglaise lors d’une élection nationale.

- Journaliste : Vous ne pensez donc pas, Caroline, que Jeremy Corbyn a des chances de devenir premier ministre ?

- Caroline Fourest : Lui-même en doute et pour certains de ses sympathisants ce n’est d’ailleurs pas si grave. Quand est gauchiste dans l’âme et non progressiste, le but n’est pas de convaincre le plus grand nombre d’adhérer au progrès mais d’avoir raison seul contre tous et de pouvoir ainsi conserver sa pureté. Et dans ce domaine, ceux qui défendent une gauche radicale au niveau économique mais alliés aux intégristes ou aux tyrans au niveau international peuvent être tout à fait rassurés. Tant que la gauche radicale européenne ne saura pas proposer une alternative économique sans se défaire de cette forme d’indulgence, d’aveuglement envers les intégristes et les dictateurs, elle n’aura mais alors aucune chance de se salir les mains. Malgré la crise, malgré tout ce qui lui souffle dans les voiles, elle n’attirera pas la gauche qui sait douter, dans une décennie marquée par la menace terroriste, elle travaillera uniquement à faire monter l’extrême droite sans avoir aucune chance de peser réellement sur le sort de l’Europe.

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CORBYN ET SES “AMIS INTÉGRISTES” : FOUREST OU L’ART DU RACCOURCI

Par Justine Brabant ; Source : ArretSurImages, Le 15/09/2015

Coupable d’amitiés sulfureuses, Corbyn ? L’élection de Jeremy Corbyn à la tête du parti travailliste britannique a fait réagir, en France, l’essayiste Caroline Fourest, qui y a consacré sa chronique hebdomadaire sur France Culture lundi 14 septembre. Sa thèse : si son programme économique est défendable, le nouveau patron des travaillistes défend en revanche, sur le plan de la politique extérieure, des positions sulfureuses. Problème : les arguments avancés par Fourest pour appuyer sa thèse relèvent au mieux du raccourci maladroit, au pire du mensonge.

Un programme économique “très rafraîchissant” et même “défendable“, mais des “prises de position douteuses” en matière de politique internationale : lundi 14 septembre, Caroline Fourest a entrepris de dévoiler “le vrai visage” de Jeremy Corbyn, nouveau patron des travaillistes britanniques. Les exemples qu’elle cite ont de quoi interpeller, en effet :

Dans la foulée, Fourest poste une version écrite – plus étoffée – de son billet sur son blog. Son titre est clair : “Les amis intégristes de Jeremy Corbyn“. Intrigué par ce député dont le média “préféré” serait Russia Today, @si est parti à la recherche des sources de Fourest. Le résultat : pour quasiment chaque cas cité, l’essayiste déforme ou surinterprète les faits.

Affirmation n°1 : “C’est chez ses amis de la Mosquée de Finsbury, l’une des plus radicales d’Europe, reprise tout récemment aux djihadistes par les Frères musulmans, que Jérémy Corbyn a ses bureaux… Un “endroit merveilleux” à l’entendre.

• Corbyn n’a pas “ses bureaux” à la mosquée de Finsbury Park. Ses bureaux se trouvent au 86 Durham Road, indique son site, et pour cause : il est député du district d’Islington (qui comprend le quartier de Finsbury), et habite dans le quartier.

Fourest a raison… à 0,5 mile près :
les bureaux de Corbyn, à gauche ; la mosquée de Finsbury Park, à droite.

Source probable de la (grosse) confusion de Fourest : il lui est bien arrivé de “rencontrer des fidèles musulmans” à la mosquée, ou de participer aux journées portes ouvertes de celle-ci (activités mentionnées dans son agenda ici ou encore ici), qui est aussi un centre social et culturel où se tiennent des conférences, des séances de natation, de football, de gymnastique, ou encore des cours d’informatique. Le site de la mosquée indiquesimplement que Corbyn y tient souvent des “rencontres“.

Rencontrer des administrés dans une mosquée : une pratique surprenante vue de France, mais relativement fréquente outre-Manche. En quelques clics, @si a ainsi pu retrouver la trace de rencontres– régulières ou non– dans des mosquées (mais aussi dans des Eglises) par le député travailliste Jon Ashworth à Leicester, par la députée libérale-démocrate Lynne Featherstone à la Fatih Mosque de Londres, ou encore par le député conservateur David Lidington à Aylesbury. D’autres institutions britanniques utilisent les lieux de culte pour tenir des réunions et des permanences, dont la police.

• La mosquée de Finsbury Park est-elle “la plus radicale d’Europe“ ? C’était effectivement sa réputation à la fin des années 1990, lorsque l’imam radical Abu Hamza y prêchait. Mais depuis 2005, elle a changé de conseil d’administration, d’équipe et d’imams. À en croire la presse britannique, l’opération d’ouverture est plutôt réussie. Le Guardian assurait ainsi en juillet 2015 que la mosquée, “liée au prêcheur radical Abu Hamza à la fin des années 1990“, avait “lors de la dernière décennie cherché à en finir avec son passé extrémiste“. The Independent estimait de son côté, en mai 2014, que “cela fait neuf ans que le bâtiment a été repris et ses franges extrémistes détruites de l’intérieur“.

Affirmation n°2 : “Toujours au chapitre des positions douteuses, Corbyn donne volontiers des interviews à la télévision iranienne et à Russia Today, la chaîne de propagande du régime russe, celle qu’il préfère. Il l’a même décrite comme la chaîne la plus “objective” du paysage audiovisuel. Ce qui en dit long sur sa vision du monde.

En 2011, alors que le mariage royal sature les médias, occultant la révolution libyenne, Corbyn répond à un Twittos qui se plaint que “les infos vont être inregardables pour le reste de la semaine“ : “Essayez Russia Today. Sans mariage royal, et plus objective sur la Libye que la plupart“. Sous la plume de Fourest, une chaîne “plus objective sur la Libye que la plupart” des autres médias devient donc “la chaîne la plus objective du paysage audiovisuel“.

Affirmation n°3 : “Il soutient aussi l’association CAGE, créée par des islamistes pour soutenir les victimes de l’antiterrorisme. Oui, vous avez bien entendu les victimes de l’anti-terrorisme et non du terrorisme. Question de priorité.”

Seule forme de soutien apporté à CAGE par Corbyn : le 3 octobre 2014, le député a co-signé une lettre publiée dans le Guardian qui se félicite de la libération de Moazzam Begg, ancien prisonnier de Guantanamo et directeur de CAGE. Ce dernier venait d’être détenu sept mois par la justice britannique pour “délits de terrorisme liés à la Syrie“, avant d’être blanchi. Le texte, également signé par la députée du parti Vert britannique Caroline Lucas, s’inquiète des arrestations, détentions et accusations de terrorisme qui touchent des travailleurs de CAGE et d’autres organisation humanitaires musulmanes.

Affirmation n°4 : “Il y a ceux qu’il appelle “ses amis”: des cadres du Hamas et du Hezbollah, avec qui il partage de nombreuses tribunes en expliquant que c’est un plaisir et un honneur.

Corbyn a bien utilisé le mot “amis” lors d’une réunion publique, en 2009, pour désigner des représentants du Hezbollah et du Fatah. Mais il ne parle pas de “ses” amis, à la première personne du singulier, mais de “nos” amis, au pluriel. (Dans la suite de son discours, il utilise “friends” sans pronom). Le contexte ? Il participe à une réunion sur le Moyen-Orient, à la veille d’une rencontre sur le même sujet au parlement britannique, où des représentants du Hezbollah sont présents :

Corbyn a depuis assuré qu’il s’agissait de “langage diplomatique dans un contexte de dialogue“. Peut-être Corbyn est-il allé trop loin dans la diplomatie en présentant le Hamas comme une “organisation qui œuvre pour le bien des Palestiniens“, la “paix à long terme” et la “justice sociale“. Mais Fourest oublie de préciser que le député, interrogé ensuite à la télévision britannique, s’est affirmé “en désaccord” avec le Hamas :

@si n’a pu retrouver trace des autres “nombreuses tribunes” où il aurait dit son plaisir de siéger avec le Hamas ou le Hezbollah. D’où Fourest tient-elle cela ? Peut-être de la même réunion, au début de laquelle il dit “son plaisir et son honneur” d’organiser le lendemain un débat au parlement avec les mêmes représentants du Hamas. Un peu court pour évoquer de “nombreuses” tribunes.

Affirmation n°5 : ”En 2006, il manifestait contre la publication des dessins sur Mahomet. En compagnie d’intégristes anglais et à côté de qui nos islamistes à nous ont l’air de soixante-huitards débridés. À part ça, il est tout à fait désolé pour ce qui s’est passé le 7 janvier.”

Difficile de connaître le détail des manifestations auxquelles Corbyn a participé, et a fortiori l’identité de tous ceux aux côtés de qui il a marché. On retrouve toutefois trace de sa présence à un rassemblement anti-caricatures en 2006 grâce à un compte-rendu de la BBC. Un repaire d’intégristes ? Ce n’est pas exactement l’impression qu’a eu le reporter présent sur place, qui débute ainsi son article : “Il y avait des craintes que le rassemblement ne soit interrompu par des extrémistes, mais cela a finalement été un après-midi sans problèmes“. Il poursuit : “L’événement avait pour but d’expliquer l’opinion des musulmans modérés vis-à-vis des caricatures publiées dans un journal danois, qui ont conduit à des manifestations à travers le monde. Les organisateurs ont expliqué qu’ils voulaient dissocier la majorité de la communauté musulmane d’une « minorité d’extrémistes ».

Quant à Corbyn, il y a pris la parole pour demander que “les gens se montrent l’un l’autre du respect pour leur communauté, leur foi, et leur religion“. Les “soixante-huitards débridés” n’ont qu’à bien se tenir.

Affirmation n°6 (absente de la version écrite de sa chronique, mais présente dans sa chronique sur France Culture) :Certaines associations s’inquiètent par exemple des fréquentations complotistes et antisémites, comme cet écrivain, niant la shoah, qu’il a financé“.

La chroniqueuse fait ici référence à une polémique lancée le mois dernier par des médias conservateurs britanniques. Ceux-ci ont accusé Corbyn d’avoir été associé dans le passé à Paul Eisen, un négationniste anglais. En cause, un don de Corbyn à l’association Deir Yassin Remembered, fondée par Eisen et qui commémore le massacre de civils palestiniens en 1948, ainsi que la présence du travailliste à des commémorations du massacre organisées par la même association.

Suite à ces révélations, faites par Eisen lui-même, Corbyn s’est défendu en expliquant qu’Eisen ne tenait pas de propos négationnistes à l’époque des faits, rapporte le Guardian. “Il y a quinze ans, Eisen n’était pas négationniste. S’il l’était, je n’aurais eu absolument aucun lien avec lui. J’étais ému par le drame de ces personnes qui ont perdu leur village de Deir Yassin. […] Je n’ai plus aucun contact avec Paul Eisen et Deir Yassin Remembered, explique ainsi le travailliste. Le négationnisme est abominable. L’holocauste est une des parties les plus abominables de notre histoire. Les Juifs tués par les nazis sont les personnes qui ont le plus souffert au 20e siècle.”

Plus aucun contact” avec un homme qui a tenu des propos “abominables“ : encore des propos de Corbyn qui ont manifestement échappé à la chroniqueuse de France Culture, qui qualifie dans la suite de sa chronique Eisen “d’ami” du nouveau patron des travaillistes.

La chroniqueuse de France Culture avait déjà été épinglée par le CSA en 2014, pour avoir affirmé, sur la foi de sources peu fiables, que des para-militaires pro-Russes, en Ukraine, avaient ”arraché les globes oculaires” de militaires ukrainiens.

(avec Vincent Coquaz et François Rose)

FOUREST/CORBYN : UNE RÉPONSE (ENCORE) UN PEU RAPIDE ?

suivi du 19/09/2015 par Vincent Coquaz ; Source : arretsurimages

Corbyn et Fourest, acte 2, scène 1. Suite à notre article sur les nombreux raccourcis et approximations de Caroline Fourest sur le travailliste anglais Jeremy Corbyn, la journaliste a publié un “droit de réponse” sur son blog. Sans doute parce que dès le lendemain, Le Monde confirmait la version d’@si, estimant que “sans doute emportée par sa volonté de démontrer et de susciter l’indignation“, Fourest ne semblait “pas avoir vérifié toutes ses informations, ne cite pas ses sources, et projette ses propres hantises sur la réalité britannique“. “Est-il permis d’avoir vu juste sur Jeremy Corbyn ?” s’interrogeait-elle hier, ajoutant un soupçon d’éléments nouveaux et pas mal de confusion.

Dans sa  réponse à notre article et à celui du Monde, Caroline Fourest fait d’abord mine de confirmer un des points les plus problématiques de sa démonstration : le fait que, selon elle, Corbyn aurait “ses bureaux” dans la mosquée “radicale” de Finsbury. Mais, sur son blog cette fois, elle fait surtout un pas en arrière. Il n’est ainsi plus question que Corbyn ait “ses bureaux dans la mosquée“, comme elle l’indiquait sur France Culture. Désormais, Fourest estime que Jeremy Corbyn “possède des bureaux, une permanence électorale, à la Mosquée“. Comme le précisait déjà @si, il est abusif de dire qu’il possède des bureaux puisque Fourest fait en fait référence à une pratique courante des députés britanniques : des rencontres avec les électeurs organisées dans différents lieux de leur circonscription, y compris des lieux de culte (mosquées mais aussi églises par exemple). Quant à savoir s’il s’agit d’une mosquée intégriste, pour faire simple : selon la presse britannique, elle l’a été mais ne l’est plus.

Aucune réponse en revanche sur les cinq autres approximations de sa chronique qu’@si avait relevées (dont une citation fausse sur Russia Today ou des accusations de manifestation aux côtés d’islamistes). Peu importe, Fourest poursuit : “S’il avait su enquêter sur les liens existant entre Jeremy Corbyn et des intégristes, au lieu d’enquêter sur mes informations, [le journaliste du Monde] aurait pu trouver bien d’autres casseroles traînant aux basques du nouveau leader travailliste“.

La chroniqueuse cite ici, à raison, la participation de Corbyn, le 9 mai 2014, à une commémoration de la “victoire de la révolution islamique d’Iran” (la vidéo est disponible ici, en anglais, à partir d’1h15) organisée par le Centre Islamique d’Angleterre (organisation chiite). Invité par une association musulmane à Londres, Corbyn a rappelé lors de ce “séminaire” son engagement contre la prolifération nucléaire “quel que soit le pays“, son opposition aux guerres d’Afghanistan, d’Irak et de Libye qui ont, selon lui “déstabilisé” la région. Il y appelle également à la fin des sanctions contre l’Iran et au rétablissement de relations diplomatiques normales.

A noter que Corbyn ne fait qu’une timide référence aux droits de l’homme, en expliquant qu’il a assisté à des réunions du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève et qu’il s’en est entretenu avec les autorités iraniennes. Point particulièrement incriminant pour Corbyn (que Fourest ne relève pas, décidément) : c’est un ancien travailliste exclu de son parti pour antisémitisme un an plus tôt, Nazir Ahmed, qui donnait la conférence juste avant celle de Corbyn lors de l’évènement.

CORBYN ET AL JAZEERA

Mais même dans un droit de réponse censé clarifier les choses, Fourest relaie – une nouvelle fois – des informations approximatives et partielles. Selon elle, Corbyn aurait ainsi reçu “5000 livres de Press TV“, une chaîne publique iranienne anglophone, et “autant d’Al Jazeera“. La preuve (toujours selon elle) ? Un document que les députés sont obligés de rendre public, où ils consignent les paiements et les dépenses liées à leur mandat (on le retrouve sur le site du parlement ici).

Problème : le document en question ne permet pas de dire que Corbyn a touché 5000£ des deux chaînes citées… mais simplement qu’il a touché un montant inférieur à cette somme. Il suffit pour cela de prendre une autre déclaration, et l’on remarque que le “Up to 5 000£” (littéralement “jusqu’à 5000£”) que renseigne Corbyn ne correspond pas une somme réellement touchée, mais à une fourchette de rémunération, la plus basse en l’occurrence. En effet, d’autres députés ont indiqués ”Up to 5000£” pour des sommes bien inférieures (400£ à 1200£). Surtout, la catégorie où Corbyn a renseigné ces “gains” sert à indiquer des “sources de rémunération qui ne sont couvertes par aucune autre catégorie“, et peut donc inclure des formes très diverses de paiement. Pour connaître tant le montant que les raisons de ces sommes perçues via des médias étrangers, il faudrait donc demander plus de précision à Corbyn. Chose que, à notre connaissance, Fourest n’a jamais faite. Et si c’était au tour de Corbyn, de publier son droit de réponse ?

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Petit résumé de la vision de Corbyn et de ces “affaires”

Par Bertrand R., pour le site www.les-crises.fr

L’arrivée à la tête du parti travailliste britannique de Jeremy Corbyn, représentant historique de l’aile gauche du parti, a été pour le moins une surprise, tant elle était peu envisageable il y a encore quelques mois*. Déclaré candidat début juin, sur un programme anti-austérité, beaucoup de commentateurs pensaient qu’il ne parviendrait simplement pas à recueillir les 35 soutiens officiels de députés du parti, indispensables pour acter sa candidature.

Son ascension dans les sondages, tout au long de l’été, a été accompagnée de nombreuses attaques portées sur son programme (« manquant de crédibilité » pour Andy Burnham, l’un de ses adversaire pour l’investiture du parti), qui commencent d’ailleurs, comme on l’a vu sur ce site, à trouver des relais dans les médias en France chez les gardiens de l’orthodoxie économique http://www.les-crises.fr/il-est-peu-probable-que-jeremy-corbyn-puisse-devenir-un-veritable-chef-qui-rassemble-lelectorat/ . Mais ces attaques, nous allons le voir, ne sont pas restées sur le terrain politique, elles se sont même largement concentrées durant l’été sur la personne même de M. Corbyn dans une partie de la presse d’outre-Manche.

Avant d’en aborder le contenu en détail, il faut revenir clairement sur le programme en 10 points qu’il a défendu lors de l’élection, et sur lequel se sont portés 59, 5 % des suffrages du parti.

 En politique intérieure :

En ce qui concerne l’économie, c’est un partisan affirmé de la croissance économique, il prône la fin de l’austérité, la réévaluation des impôts pour les plus riches, le maintien et le renforcement de la protection sociale héritée de l’après Seconde Guerre Mondiale. Il est favorable au rééquilibrage du déficit du pays, mais pas au travers de coupes drastiques dans les budgets publics, comme le prodigue actuellement David Cameron. Côté législation du travail, il a dit réfléchir à l’idée de la fixation d’un « salaire maximum » dans les entreprises. Un séisme dans le pays de la City !

Plus surprenant, en ce qui concerne le domaine monétaire, il propose une poursuite de la pratique désormais répandue du QE (Quantitative Easing, ou impression de monnaie), mais veut la transformer en un « QE du peuple », dont l’objectif ne serait plus le financement des grands établissements financiers par le rachat public de créances, mais le financement de logements, transports, énergie et projets numériques à grande échelle. La volonté d’améliorer l’offre de logements décents est d’ailleurs au cœur de son programme, qui fixe un objectif dans ce sens pour 2025, avec des proposition précises, comme la mise en place de zones à loyer contrôlé, y compris dans le centre de Londres (Corbyn y est député depuis 1983).

Dans le secteur de la Santé, Corbyn compte essentiellement revenir sur les mesures de privatisation dans les services hospitaliers mises en place par T. Blair et G. Brown, qu’il qualifie de « foutoir ».

Les fameux contrats « zero heure » du gouvernement Cameron seraient supprimés, la négociation collective dans les entreprises privilégiée (il faut rappeler que le fonctionnement du New Labour reste très lié aux syndicats, dans la tradition de ce parti).

Avec le transport et l’énergie, on entre dans le vif du sujet, car Corbyn propose purement et simplement de re-nationaliser ces 2 secteurs, ce qui serait inédit en Grande-Bretagne depuis les années d’immédiat après-guerre, qui furent d’ailleurs celles du premier gouvernement travailliste majoritaire de l’histoire du Royaume-Uni.

L’Education constitue encore un point essentiel, tourné dans la même optique, avec une réévaluation des bourses sur critères sociaux, la suppression des frais d’inscription pour les étudiants, le financement de formations pour adultes… L’idée d’une « protection universelle de l’Enfant » est aussi évoquée, bien que peu détaillée. http://www.bbc.com/news/uk-politics-33772024

Militant de la première heure de la cause LGBT (dès les années 1980 en fait, il a accompagné des mouvements tels que LGSM, association Lesbienne-Gay qui soutenait les mineurs lors des grèves de l’hiver 1984 – 1985), son action est longtemps restée marginale dans son propre parti : il a été le seul député travailliste à voter pour un amendement des Libéraux-Démocrates rendant illégal toute discrimination basée sur l’orientation sexuelle en 1998). https://en.wikipedia.org/wiki/Jeremy_Corbyn#LGBT_rights

Et pour terminer avec les mesures de politique intérieure, il est intéressant de noter que Jeremy Corbyn ne cache pas ses sympathies républicaines, mais qu’il ne compte pas mettre le sujet sur la table pour le moment (« ce n’est pas un combat que je compte mener, ce n’est pas celui qui m’intéresse »). http://www.bbc.com/news/uk-politics-33772024

 Politique étrangère

Une orientation « radicalement différente » serait donnée à la politique internationale, basée entre autre sur sur la recherche de solutions politiques et non militaires, et une volonté de discussion avec la mise autour de la table de tous les acteurs, en particulier au Moyen Orient, évoquant le Hamas et le Hezbollah comme des interlocuteurs parmi d’autres dans d’éventuelles négociations (on verra plus loin que ceci a été largement utilisé pour tenter de le décrédibiliser). Ce pragmatisme affiché en terme de relations internationales ne l’a cependant pas empêché de déclarer être favorable à des « conséquences diplomatiques et économiques » à l’encontre de pays qui s’opposeraient à la mise en place de droits LGBT sur leur sol.

M. Corbyn a clairement exprimé son opinion sur l’intervention de son pays en Irak en 2003 aux côtés des Américains : “Il est grand temps que le Labour présente ses excuses au peuple britannique pour l’avoir entraîné dans la guerre en Irak sur la base d’une tromperie et au peuple irakien pour les souffrances que nous avons contribué à causer”.

Il s’oppose donc de fait aux frappes aériennes sur la Syrie et l’Irak, et préconise même une sortie du Royaume-Uni de l’OTAN.

Il s’est pour l’instant peu étendu sur sa vision de la place du Royaume-Uni dans l’UE, faisant simplement connaître son souhait d’une « meilleure Europe ». Il n’a pas de position connue pour l’instant  sur le référendum de 2017 qui décidera s’il y aura ou non un Brexit. http://www.challenges.fr/europe/20150906.CHA9054/election-labour-les-principaux-points-du-programme-de-jeremy-corbyn.html

Il est opposé à la poursuite des négociations conduites par la Commission européenne sur le futur Traité de Libre-échange Transatlantique (TAFTA). Concernant la vague migratoire que connaît l’Europe, il est de ceux qui ont applaudi l’Allemagne lorsqu’elle a ouvert ses frontières, et s’est déclaré favorable à un accueil comparable en Grande-Bretagne.

Son programme prévoyait en outre que budget de la Défense britannique serait revu à la baisse, et que le système de missiles nucléaires Trident, pivot de la stratégie nucléaire britannique, ne serait pas renouvelé et modernisé comme cela est programmé pour 2016. Jeremy Cobyn est en effet très engagé dans la Campagne pour le Désarmement Nucléaire (CND), organisation qui prône un désarmement complet et volontaire des puissances nucléaires de la planète.

Il fait enfin part d’une volonté d’ « action sur le changement climatique », mais le grand flou laissé dans ce domaine peut laisser suggérer que cette question n’arrive certainement pas au premier rang des préoccupation du nouveau leader travailliste. http://www.jeremyforlabour.com/jeremy_corbyn_launches_standing_to_deliver

Un programme, donc, résolument ancré à gauche, et qui a séduit des militants bien décidés à tourner la page du blairisme, la candidate représentant ce courant étant arrivée dernière lors de l’élection du 12 septembre dernier, avec seulement 4,5% des suffrages. http://www.theguardian.com/politics/2015/sep/12/jeremy-corbyn-wins-labour-party-leadership-election

L’orientation anti-libérale portée par Corbyn dans sa campagne et ses nombreuses références à l’histoire du Labour (avant les années Blair-Brown) a déclenché des attaques en règle sur la faisabilité de ses propositions, et lorsque ce n’est pas Tony Blair qui prédit avec son élection un « anéantissement »http://www.theguardian.com/commentisfree/2015/aug/12/even-if-hate-me-dont-take-labour-over-cliff-edge-tony-blair

du parti, d’autres lui reprochent d’avoir un programme destiné à renvoyer le Labour dans les années 1980. Ce à quoi il répond qu’il préférerait retourner une décennie avant, au moment des gouvernements travaillistes de Wilson, puis Callaghan.

http://www.bbc.com/news/uk-politics-33772024

Bien que ces saillies tentant de mettre en doute ses capacités à gouverner aient été particulièrement virulentes, elles sont pourtant peu de chose par rapport à la violente campagne qui a été menée contre sa personne même, en particulier par le Daily Mail, qui a consacré en août sa « Une »** aux prétendus liens « de longue date » du futur leader travailliste avec Paul Eisen, négationniste convaincu, utilisant ces thèses pour soutenir la cause pro-Palestinienne, avec notamment l’association Der Yassin Remember***. Dans l’article correspondant, le président de l’association des députés des Juifs britanniques faisait dès lors remarquer combien il « serait » alarmant « si » J. Corby avait effectivement des liens avec Eisen. Or cette information n’était basée que… sur un post de blog du même Paul Eisen, datant de 9 semaines, affirmant que le candidat travailliste l’avait soutenu financièrement, ainsi que son association DYR, à l’occasion de conférences données 15 ans auparavant, et auxquels J. Corbyn aurait été assidu. La réponse de l’équipe de campagne de Corbyn était mentionnée dans la dernière partie de l’article : « Paul Eisen n’est pas une personne avec laquelle le bureau de M. Corbyn est en relation […] P. Eisen soutien manifestement des vues extrêmes qui n’appartiennent qu’à lui, auxquelles Jeremy s’oppose et desquelles il se dissocie entièrement. » Toute cette histoire finit par révéler sa véritable nature : une tentative de compromission de celui qui est alors déjà, en tant que favori des sondages pour l’investiture travailliste, d’un potentiel futur Premier Ministre, trop porté à remettre en question l’habituel soutien britannique à l’Etat hébreux. Le rédacteur de l’article, J. Wallis Simon, proche du lobby israélien, est d’ailleurs un spécialiste du battage médiatique dirigé contre les personnalités critiques envers la politique israélienne.

https://www.middleeastmonitor.com/blogs/politics/20306-the-anti-corbyn-campaign-becomes-a-parody-of-itself

Cette attaque suggérant des penchants antisémites chez J. Corbyn n’était pas isolée, mais faisait suite à la diffusion en juin d’un extrait video https://www.youtube.com/watch?v=pGj1PheWiFQ

dans lequel il appelait ses « amis » du Hamas et du Hezbollah à discuter avec Israël. Puis c’est une rencontre avec Raed Salah, prêcheur islamique intégriste et citoyen israélien, invité par Corbyn au Parlement en 2012, qui a été utilisée par le Daily Mail pour alimenter les accusations de liens avec les complotistes (Salah défend l’idée que les Israéliens sont responsables des attentats du 11 septembre 2001). http://www.dailymail.co.uk/news/article-3191679/Jeremy-Corbyn-caught-video-calling-Muslim-hate-preacher-honoured-citizen-inviting-tea-terrace-House-Commons.html

La campagne sur ce thème a atteint son paroxysme lorsque le journal The Jewish Chronicle, reprenant toutes les accusations précédentes, le convainc tout simplement d’association avec « les négationnistes, les terroristes et certains antisémites d’extrême droite », dans un éditorial exprimant alors « de profondes inquiétudes à la perspective de l’élection de M. Corbyn en tant que leader du Labour ».http://www.thejc.com/news/uk-news/142144/the-key-questions-jeremy-corbyn-must-answer

La charge est relayée à l’international, par exemple par le magazine en ligne The Times of Israel,  outil notoire de promotion du soft power israélien à travers le Monde.

http://fr.timesofisrael.com/corbyn-critique-pour-ses-liens-avec-des-antisemites-et-des-extremistes/

Un démenti formel de J. Corbyn a été publié sous forme d’interview vidéo quelques jours plus tard par la chaîne Channel 4 News, où celui-ci dénonce des attaques « malveillantes et erronées »http://www.theguardian.com/politics/2015/aug/18/jeremy-corbyn-antisemitism-claims-ludicrous-and-wrong, niant les accusations de compromission avec Paul Eisen, disant regretter de lui avoir donné de l’argent s’il se trouvait déjà être négationniste à l’époque. Il s’y exprime en outre sur R. Salah, racontant l’avoir rencontré en toute légalité, rappelant que l’Etat israélien l’avait autorisé à se rendre à Londres, et aurait eu avec lui une longue conversation, où il n’aurait pas une fois été question d’antisémitisme. Refusant de reconnaître des « erreurs de jugement », comme on l’y pressait pourtant, il a cherché à couper court aux accusations en concluant que « toutes les formes de racisme sont mauvaises, la nécessité de parler avec les  peuples pour parvenir à un processus de paix est à n’en pas douter une bonne chose »http://www.huffingtonpost.co.uk/2015/08/17/jeremy-corbyn-rejects-association-holocaust-denier_n_8000722.html

La suite est connue : Corbyn, déjà favori des sondages, soutenu par la majorité des syndicats, est élu à la tête du Labour. Toute cette affaire, désormais quelque peu retombée en Grande-Bretagne, en particulier depuis que des voix se sont fait entendre pour dénoncer des attaques malhonnêtes https://electronicintifada.net/blogs/asa-winstanley/4-reasons-anti-semitism-attacks-jeremy-corbyn-are-dishonest, est finalement resté cantonnée aux journaux à sensation et aux organes des lobbies pro-israéliens, ses opposant à la candidature du parti n’ayant pas osé les utiliser contre lui.

Cependant, depuis son élection, une partie des allégations montées en épingle trouvent un certain écho en France, qui en reprennent le contenu et cherchent à distiller à nouveau dans l’opinion ces soupçons d’antisémitisme. http://www.huffingtonpost.fr/2015/08/14/jeremy-corbyn-socialiste-uk-parti-travailliste-tony-blair_n_7987672.html

http://www.huffingtonpost.fr/caroline-fourest/les-amis-integristes-de-jeremy-corbyn-_b_8133200.html

Jeremy Corbyn n’est décidément pas prêt de se débarrasser de cette image qu’on veut lui attribuer sans cesse et qui, tel un vieux chewing gum, se recolle à chaque pas sous sa chaussure…

* sa cote chez les bookmakers était de 200 contre 1 lau moment où il s’est déclaré candidat

** sobrement intitulée « Corbyn et le négationniste »
*** village arabe de Palestine où environ 120 personnes ont été massacrées par des miliciens Juifs lors de la guerre israélo-arabe de 1948.

Source: http://www.les-crises.fr/jeremy-corbyn-tremblement-de-terre-ou-suicide-politique-par-caroline-fourest/


De la “force légale” à la “légalité de la force”, par Dedefensa

Friday 2 October 2015 at 00:05

Source : DeDefensa, 1/10/15

Les Russes ont commencé à intervenir en Syrie quelques heures après que les dernières dispositions légales aient été prises pour mettre leur intervention dans le cadre légal qui convient. Parmi les éléments qui caractérisent leur intervention, celui-là est pour l’instant l’un des plus intéressants, parce que d’une part il réhabilite les formes légales d’un conflit que les interventions des USA depuis deux décennies nous avaient fait oublier, parce que d’autre part il fait comprendre aux observateurs qu’avec les Russes, “la guerre c’est vraiment la guerre”, – ce qui peut nous mener loin…

Sur le premier aspect, on citera d’une façon assez substantielle l’article de Nicolas Gros-Verheyde (sur Bruxelles2 le 1er octobre 2015). Ce site n’a pas l’habitude de montrer une extrême tendresse pour la cause russe, et son analyse est d’autant plus intéressante dans la mesure où elle met en évidence ces facteurs de procédure qui rendent compte à la fois d’un souci de légalisme international, à la fois d’une affirmation politique et d’une extrême rapidité d’action. C’est la marque d’un pouvoir fort mais d’un pouvoir souverain dans le sens du respect des règles principielles pour encadrer les actions internationales, – ce qui rejoint effectivement une conception “à la française” comme dit l’auteur, – c’est-à-dire, plus précisément à notre sens, une “façon gaullienne” de la pratique de l’action internationale dans les situations d’urgence. (On parle de cet outil de pouvoir superbe forgé par de Gaulle, que Hollande, après Sarko, ne cesse de gâcher dans des interventions incohérentes et catastrophiques.)

« “Basé sur l’article 102.1 (d) de la Constitution russe, Vladimir Poutine a soumis une proposition au Conseil de la Fédération pour lui demander d’autoriser l’utilisation du contingent des Forces armées russes de l’extérieur du pays, sur la base des principes et normes du droit international généralement reconnus” indique le communiqué de presse du Kremlin, publié mercredi (30 septembre) au matin. Autorisation accordée dans la foulée. La suite n’a pas traîné. Dans un schéma organisationnel assez semblable à celui existant en France, le chef de l’Etat, qui est le commandant suprême des forces armées, ordonnait de commencer “l’opération aérienne pour viser des cibles des terroristes de l’ISIL sur le territoire syrien”.

» Et dans l’après-midi, le ministère russe de la Défense annonçait avoir réalisé plusieurs frappes sur des cibles des “dépôts d’armes et de munitions, de fuels, des centres de communication, du matériel militaire des terroristes de l’ISIS”. Une annonce faite sur twitter, sur Facebook, sur Youtube, etc. en utilisant donc tous les canaux modernes des médias sociaux, dans un exercice plutôt rare pour l’armée russe de ‘transparence’ (= propagande) militaire… »

Ensuite, Gros-Verheyde passe en revue les réactions des pays du bloc BAO, aux USA, en Europe, etc., et les contestations et accusations diverses sur les cibles visées, les effets obtenus, etc., en ne dissimulant pas qu’il s’agit là du terrain favori de la guerre de communication. Puis il enchaîne en revenant à nouveau sur le cadre légaliste qui a habillé ces frappes russes, cette fois sur le plan international, ce qui implique pour la Russie une position extrêmement forte permettant de parler à la fois de “force légale” et de “légalité de la force”. La “force légale” ou “force légale en substance”, ce serait pour nous une force qui a pour elle d’être légale en substance parce qu’elle représente un intérêt souverain et qu’elle a la légitimité de la constitution à partir d’un ensemble souverain ; la “légalité de la force”, ou “légalité de l’emploi de la force”, ce serait pour nous l’emploi d’une “force légale en substance” à cause de circonstances données qui permettent d’inscrire cet emploi dans le cadre légal où il dit s’exercer.

« Dans un jeu où la propagande est intense de part et d’autre, l’essentiel n’est pas vraiment là. Car cette frappe russe a, avant tout, un objectif politique. Elle permet à la Russie de récupérer ses galons de force avec qui il faut compter et discuter en Syrie, non pas juste parce qu’elle a un siège au Conseil de sécurité des Nations-Unies mais parce qu’elle est sur place militairement et que son intervention ne peut se discuter d’un point de vue juridique. D’un point de vue du droit international, la position russe semble en tout assez fondée. Ils interviennent à la demande du gouvernement légal de la Syrie. Imparable !  Ce que ne peuvent pas se revendiquer les occidentaux qui agissent dans la marge de la légalité… »

Voilà pour les conditions légales de l’intervention russe, qui ont pour effet de rendre cette intervention, d’une certaine façon, solennelle et affirmée. Il ne s’agit plus d’une expédition, d’une “covert action”, d’une opération de police, voir même d’une “frappe préventive”/“guerre préventive”, d’un acte de “légitime défense”, etc., – c’est-dire tous ces concepts nébuleux et incertains utilisés par les USA et, depuis quelques années, les pays du bloc BAO dans leur ensemble, dans leurs diverses interventions. Il s’agit d’une véritable “déclaration de guerre” dans les formes les plus affirmées, au nom de certains principes que les Russes s’emploient eux-mêmes à mettre en évidence. Le résultat disons politique sinon géopolitique est d’habiller de facto cette opération d’une affirmation de puissance qui frappe même ceux qui sont généralement dans un état d’esprit assez mal disposé vis-à-vis de la Russie.

Nous signalions et analysions déjà, le 14 septembre 2015, un aspect de l’analyse prospective du site DEBKAFiles. Le 30 septembre, ce site proche des services de sécurité israéliens confirme le sens général de son analyse, avec un pessimisme affirmé pour ce qui concerne la position US et les difficultés à venir pour Israël, avec surtout l’affirmation exprimée de nouveau, cette fois évènements à l’appui, que l’on entre dans une époque nouvelle marquée par la domination russe au Moyen-Orient.

« That Russia launched its first air strikes in Syria Wednesday, Sept. 30 was confirmed by the Russian Defense Ministry in Moscow and criticized by US officials. Moscow stressed that it acted in support of Bashar Assadfgd’s war on the Islamic State, assisted by other foreign powers including Iran and Iraq working together from an allied command center in Baghdad. Its targets were described as stores, ammunition dumps and vehicles, located according to US sources around Homs and Hama. The Russian communiqués did not indicate which organizations were bombed.

» The Russian aerial offensive marks a turning point in Middle East affairs. Russia is emerging strongly as the number one power in the region. The governments which hitherto coordinated their military polices with the US, like those of Israel, Jordan and Turkey will have to reassess their orientation and affinities in a hurry. For Israel it is the end of years of freedom for its air force to strike its enemies from the skies of Syria or Lebanon. It also marks the end of any plans Turkey and Jordan may have entertained for setting up buffer and no-fly zones in Syria to protect their borders.

» Washington quickly criticized the air strikes, but said Moscow’s moves would not change the US-led air campaign targeting the Islamic State in Syria. That remains to be seen »

Cette vision extrêmement pessimiste pour les USA, qui tend à faire de l’action de la Russie un acte général d’affirmation de la puissance russe dans la zone du Moyen-Orient, devient en effet aux USA, pour les critiques de l’administration Obama, un acte d’affirmation hégémonique de la Russie dans une zone laissée vide par la démission des USA. Cette attaque contre Obama est classique de la part d’une ultra-droite qui domine les réseaux d’influence aux USA et met continuellement le président en position de faiblesse, mais elle a cette fois des fondements qui lui font rendre un son proche de la vérité de la situation. On peut lire par exemple la substance de l’analyse du New York Post faite par Sputnik-français, à l’issue de la réunion des Nations-Unies lundi, et alors que les Russes préparaient leurs premières frappes en Syrie…

« Le New York Post, l’un des plus anciens journaux américains, a qualifié la Russie d’unique superpuissance mondiale. Lundi, note-t-il, le relais a été remis à l’unique superpuissance mondiale, et Vladimir Poutine l’a volontiers accepté. “Le président Obama (vous souvenez-vous de lui?) a décidé que les idéaux chantés par les fondateurs de l’Onu seront valables pendant encore longtemps alors que la puissance et la force perdront. Poutine a lui aussi a fait appel aux lois de l’Onu (comme il les comprend) et a utilisé son discours pour annoncer la formation d’une “large coalition internationale” pour lutter contre l’EI en Irak et en Syrie. [...]

» Le New York Post estime que l’intervention d’Obama n’était que des paroles en l’air, alors que Poutine a tout de suite confirmé son discours par des actes, en accordant une aide militaire à la Syrie en y envoyant ses forces aériennes. Le discours d’Obama est “comme d’habitude” plein de promesses mais ne garantit pas de résultats positifs. “Au contraire, le déploiement des forces armées par Poutine en Syrie et le fait d’armer Assad crée des faits sur le terrain. Ceux-ci l’ont propulsé vers le sommet, car Poutine a pris l’initiative du règlement du problème mondial actuel le plus aigu,” note le NYP.

Enfin, tout cela est couronné par le constat de plus en plus souvent fait de l’importance des forces mises en jeu par la Russie, mais aussi par la Chine puisque la participation chinoise se confirme, et d’une façon générale par la capacité d’organisation qui a été déployée, notamment avec la mise en place d’un centre commun de coordination et de renseignement Irak-Iran-Russie-Syrie à Bagdad (à la grande fureur des USA, certes, en raison de la participation centrale de l’Irak). Cela conduit des commentateurs US à observer que, désormais, les circonstances (et le président Obama avec son cortège d’erreurs, pour les groupes de pressions de l’ultra-droite) font que la puissance militaire US commence à paraître dépassée. C’est le cas de James Lewis, du CSIS, qui écrit dans The Amercican Thinker le 29 septembre :

« The Russians and Chinese have limited force-projection capabilities, but put them both together, combined with Iranian Revolutionary Guards, Hezb’allah, and Assad’s troops, and you get the kind of force projection only the U.S. has possessed in the past half-century. This is a major surprise strategic move, coordinated by Putin while talking peace at the U.N. Obama has been snookered again. »

… Et le 30 septembre, Lewis à nouveau , cette fois prenant directement à partie Obama et la soi-disant “Gauche” du “parti unique”, ce qui est constitue un des échanges habituels de la bataille interne de Washington D.C., laquelle n’empêche nullement d’observer que nous parlons d’une vérité de situation actant effectivement la désertion américaniste par le désordre, de la région stratégique du Moyen-Orient : « Under Obama and the Left, America has retreated from the world. We have abandoned our allies, all the way from Japan and South Korea to Saudi Arabia and Israel… [...] As long as Obama is in power, things are likely to get worse for America… [...] By sacrificing sixty years of Pax Americana the Left has taking a wild, historic gamble. The Left hates the American ideal, and expects to benefit from Obama’s dictatorial shenanigans. It’s a paradox that Vladimir Putin, who saw the Soviet model crumble, is now allied with the last powerful church in the world to become the rising new hegemon… »

Quoi qu’il en soit, nous y voici. Après plusieurs semaines de supputations, vraies et fausses nouvelles, déclarations diverses, la Russie est entrée dans le jeu au Moyen-Orient, avec détermination, effectivement appuyée sur une base légale très solide et une structure de décision politique exemplaire, effectivement décidée à mener ce jeu. La Russie dispose de tous les outils politiques structurels dont le bloc BAO, engourdi par des années d’actions interlopes et de déterminisme-narrativiste, est aujourd’hui complètement privé. Contrairement à tout un courant d’analyse, nous n’estimerons certainement pas que l’action de la Russie est à prétention hégémonique, ni même à prétention d’affirmation de puissance, mais qu’elle constitue d’abord une action pour tenter de rétablir un ordre principiel dans une région où le désordre grandissant menace évidemment son flanc Sud. De ce point de vue, également, il est logique de penser que la Russie agit “à la française”, mais bien entendu dans sa version gaullienne, c’est-à-dire en recherchant les équilibres selon les lignes principielles souveraines et légitimes, pour tenter de restaurer un ordre international qui assure la sécurité à chacun.

Il y a bien entendu très loin de la coupe aux lèvres. Le désordre est aujourd’hui immense, et il grandit à une vitesse absolument sensationnelle, comme s’il était devenu la substance même, ou l’essence en forme de contre-essence des relations internationales. En théorie et au vue des conditions actuelles, il ne serait certainement pas impossible que la Russie parvînt à restaurer un semblant d’ordre, dans telle ou telle région, à s’établir effectivement comme une puissance tutélaire. Le problème annexe est bien entendu qu’elle est bien seule pour faire cet exercice, même si elle est aidée par la Chine, l’Iran, etc. Le problème central est bien entendu que le désordre en cours n’est pas un accident, c’est une condition même de la vie internationale qui est devenue une matière crisique en fusion constante ; nombre de pays qui ont exercé des responsabilités dans ce sens (dans le sens de l’ordre des relations internationales), ont abdiqué ces responsabilités ; la plus grande puissance parmi tous ces pays, et d’une façon générale dans la situation du monde, refuse absolument de reconnaître son déclin et préfère régulièrement revenir en action avec un peu plus de désordre dans sa politique, pour ne pas se savoir supplantée bien qu’elle soit en passe de l’être si ce n’est déjà fait … Mais on pourrait poursuivre longtemps cette complainte des différents facteurs qui constituent l’immense désordre universel que l’on connaît.

Tout cela rend l’action de la Russie aussi incertaine sur le terme qu’elle est pourtant justifiée et semble devoir obtenir des résultats notables au départ. Ce n’est pas qu’on puisse craindre une “défaite“ de la Russie, car la Russie n’est pas prête à accepter cela, alors qu’elle est prête au contraire à s’impliquer dans un conflit puisqu’il s’agit finalement de préserver sa sécurité nationale ; ce n’est même pas qu’on puisse craindre un “enlisement” du type-Afghanistan, car l’on peut croire Poutine assez habile pour écarter ce type de risque. Il s’agit d’une incertitude d’au-delà de la stratégie et d’au-delà de la géopolitique, d’au-delà des habituelles prospectives en forme de “victoire” et de “défaite”, et une incertitude qui ne concerne pas seulement la Russie, pas seulement le Moyen-Orient, mais toute notre civilisation, le Système, notre Grand tout…

Finalement, à cause du sérieux de la forme de l’intervention et de la résolution des Russes telle qu’on l’a décrite, le véritable apport de l’événement est de rappeler à tous les acteurs que, derrière la comédie constante de la communication et de  tout ce qui l’accompagne, de la narrative au déterminisme-narrativiste, il existe des vérités de situation qui ont la dureté de la pierre. On sent cela dans le caractère de l’intervention russe qui a commencé hier. En d’autres mots, l’intervention de la Russie nous rappelle que la situation du monde est extraordinairement tragique, que cette tragédie ne peut être réduite à une narrative ni traitée par le narrativisme de communication médiatique ni par les geignements de la société civile comme l’on fait dans les talk-shows télévisés, que notre situation crisique ne cesse de peser sur tous nos actes et nécessiterait, comme simple mesure de survie, une certaine action de coordination et de solidarité pour tenter simplement d’atténuer la vigueur des chocs qui se pressent dans notre avenir le plus proche. Là non plus, l’optimisme ne règne pas.

Source: http://www.les-crises.fr/de-la-force-legale-a-la-legalite-de-la-force-par-dedefensa/


[Psychiatrie] Scénario catastrophe : la Troisième Guerre mondiale a peut-être commencé aujourd’hui, par Vincent Jauvert

Thursday 1 October 2015 at 11:21

Sans grand commentaire.

Pour mémoire, les USA avaient lâché 5 000 bombes sur l’Etat islamique en janvier, là la Russie en a lâché une poignée, mais “c’est le drame”. 5 poids 5 mesures, comme d’hab…

Source : nouvelobs.com, 30/09/2015 

La Russie a conduit ses premières frappes en Syrie le mercredi 30 septembre 2015. (Capture d’écran/RTBF)

L’Histoire retiendra peut-être, à Dieu ne plaise, que le troisième conflit mondial a débuté, à bas bruit, mercredi 30 septembre 2015.

En 1914, tout a commencé un 28 juin par l’assassinat à Sarajevo de l’archiduc d’Autriche. A l’époque, évidemment, personne n’avait imaginé que cet attentat, perpétré loin des grandes capitales, allait conduire à la boucherie de la Grande Guerre. C’est le jeu des alliances et l’irresponsabilité des “somnambules” qui gouvernaient alors les grandes puissances qui ont entraîné le monde vers l’abîme.

Pourquoi une comparaison avec aujourd’hui ? On a appris, ce 30 septembre, deux nouvelles apparemment peu graves mais qui, combinées, pourraient être la double étincelle d’une déflagration que beaucoup redoutent depuis quelque temps. De quoi s’agit-il ?

1 Iran-Arabie, le ton monte très vite

D’abord, l’Arabie saoudite aurait arraisonné aujourd’hui deux navires battant pavillon de son ennemi intime, l’Iran. Les bateaux étaient, semble-t-il, remplis d’armes à destination des rebelles outhistes du Yémen que Riyad combat militairement. Cet arraisonnement est à l’évidence un acte hostile, si ce n’est de guerre.

Il se produit dans une atmosphère particulièrement tendue entre les deux pôles de l’Islam. Téhéran a violemment reproché aux Saoud, gardiens autoproclamés des Lieux Saints, de ne pas assurer la sécurité de base des pèlerinsà la Mecque. Une accusation gravissime en ces périodes d’affrontements entre Chiites et Sunnites.

2 Poutine est entré en guerre en Syrie

Ce n’est pas tout. Ce mercredi 30 septembre, Vladimir Poutine a fait voter par son parlement fantoche une loi l’autorisant à mener une opération armée en Syrie. Son aviation a déjà commencé à bombarder à Homs.

Comme Hollande quoi…

Or, on sait que, sur le terrain, les Russes seront alliés au régime de Bachar et, surtout, aux Iraniens.

Et alors ? On veut détruire l’Etat islamique ou juste faire des moulinets à la télévision ?

Tandis qu’en face, Occidentaux et pays sunnites du Golfe mènent leurs propres opérations.

Contre le gouvernement légitime reconnu internationalement, donc ?

Les deux coalitions, qui ont, sur plusieurs points, des objectifs totalement opposés,

Ah bon ? Lesquels, ça devient intéressant…

risquent de se retrouver face à face. Il semble, d’ailleurs, que les bombardements russes de ce jour aient déjà touché une position de rebelles soutenus par les États-Unis

Contre le gouvernement légitime reconnu internationalement, donc ? Et ce sont quels rebelles ? Al Nostra (affilié à Al Qaeda) ?

- une information qui n’est pas encore confirmée.

Ah t’en sais rien, mais dis le toujours, on ne sait jamais, dans le doute…

Hubris et bras de fer

Quoi qu’il en soit, la crainte est donc de voir le Kremlin, tout à son affirmation extérieure pour faire oublier la déroute économique interne,

comme nous au  Mali ?

et Téhéran, pris par l’hubris qui a suivi l‘accord nucléaire de juillet,

ah que le journaliste néoconservateur n’aime pas quand on évite la guerre, grrrrrrrr

Parler d’hubris pour l’Iran, c’est du grand Orwell quand même…

de tester au maximum la volonté de l’autre camp. Et de voir les Saoudiens, effrayés par la montée de l’ennemi mortel chiite,

pourquoi on ne parle pas “d’ennemi mortel sunnite” pour nos alliés (les pétromonarchies moyenâgeuses), qui soutiennent le terrorisme… ?

entraîner ses alliés, dont la France, dans un bras de fer sans fin, qui pourrait gravement dégénérer.

grave…

Évidemment, ce scénario catastrophe n’est pas sûr.

ah que le journaliste néoconservateur n’aime pas quand on évite la guerre, grrrrrrrr

Il n’est pas écrit que les gouvernants actuels soient des “somnambules”, qu’ils n’empêcheront pas le conflit militaire de s’étendre au delà de la Syrie et de l’Irak. Mais certains acteurs de cette partie sont tellement à cran qu’on ne peut l’exclure tout à fait.

Faut consulter, vieux…

Vincent Jauvert

…”journaliste” fantoche du XXIe siècle

Source: http://www.les-crises.fr/psychiatrie-scenario-catastrophe-vincent-jauvert/


Congo : comment 6 millions de morts peuvent-ils être placés sous silence médiatique ?

Thursday 1 October 2015 at 02:42

Pour mémoire, puisque je sens les médias assez prompts à réagir à la misère humaine désormais (enfin, uniquement dans l’Ouest de la Syrie apparemment…)

Un génocide est en cours, plus de 6 millions de personnes (dont la pour la moitié des enfants de moins de 5 ans !) ont été massacrées dans l’indifférence générale et avec l’appui des Etats-Unis et de l’Europe ! Des centaines de milliers de femmes et de filles ont été violées et mutilées par les armées d’occupation. Et tout cela pour une raison principale : s’emparer des richesses minières exceptionnelles dont recèle le sous-sol du pays…

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : 6 MILLIONS DE MORTS, LE GÉNOCIDE ZAPPÉ PAR LES MÉDIAS

En plein centre de l’Afrique, le Congo est un pays riche, rempli de matières premières (diamants, or, étain, gaz, pétrole, uranium, coltan…), de forêts, d’eau, de femmes et d’hommes, d’une multitude de tribus rassemblées sous une nation dessinée par les colons, et qui ne correspond historiquement à pas grand-chose. Suite au génocide au Rwanda, les pays voisins ont de plus profité du flou politique et institutionnel au Congo (limitrophe du Rwanda) pour attaquer de toutes parts ce gigantesque pays rempli de trésors.

Et les Occidentaux dans tout cela ? La culpabilité des dirigeants américains et européens quant au génocide au Rwanda les a poussé à mener une politique pro-Rwanda, laissant les rebelles rwandais passés du côté congolais libre de faire ce qu’ils voulaient, aidés par des alliés ougandais et du Burundi…

Mais surtout, les nombreuses richesses naturelles en RDC sont vitales pour les économies occidentales, notamment pour les secteurs automobile, aéronautique, spatial, les hautes technologies et l’Électronique, la joaillerie… Le coltan surtout (dont le Congo détient au moins 60% des ressources mondiales) est essentiel dans la fabrication des composants électroniques que l’on retrouve dans les TV, les ordinateurs, les smartphones mais aussi certaines armes comme les missiles ! La RDC subit aussi des déforestations massives. Les principaux importateurs ? USA, Europe, Chine. Pas étonnant.

Mais puisque l’intrusion guerrière semble interne à l’Afrique, personne ne peut accuser les USA et les autres puissances occidentales de profiter des ressources et des richesses du Congo en intervenant directement. Non, c’est encore plus pratique de laisser les peuples se descendre entre eux. Parallèlement, les USA soutiennent les dictatures qui se succèdent au Congo et les milices rwandaises et ougandaises. Joyeux.

Pauvreté entretenue et conditions de vie abjectes, viols incessants (et un taux de SIDA atteignant les 20% de la population dans les provinces de l’est), déplacements de population, outrages, épidémies… : une stratégie de déshumanisation est en place afin de rendre les victimes impuissantes, une situation terrible sur laquelle il n’y a pas de mots assez durs.

« Tant que l’opinion publique abdique, le Congolais reste le « nègre » de l’Afrique »
Baloji, Tout ceci ne vous rendra pas le Congo

Les dirigeants occidentaux sont-ils assoiffés de richesses au point de laisser perpétrer un nouveau génocide ? Oui, au point de laisser perpétrer et même couvrir un nouveau génocide. Avec des armes, des entrainements militaires venant de nos élites. Une chose : ce qui se passe au Congo, des affaires politiques et économiques au génocide, n’est pas déterminé par les Congolais seuls, mais aussi par les puissances carnassières, avides de richesses et sans considération pour les peuples.

La situation au Congo sera résolue par les Congolais eux-mêmes. Mais la communauté internationale doit instamment cesser de soutenir Rwandais, Ougandais et toutes les milices perpétuant cet état de guerre insupportable leur permettant de mettre la mains sur les richesses d’un pays sans avoir de compte à rendre personne.

6 millions de morts. Dont la moitié d’enfants en bas âge. Le monde dit « libre » – nous – doit impérativement regarder en face ce que sa « liberté » laisse faire. Pourquoi tant de violence et si peu de bruit de la part des médias ?  

Est-ce inintéressant pour le Français moyen ? N’est-ce pas assez sensationnel, ce massacre qui se compte en millions de personnes ? Est-ce trop loin de « chez nous », appliquent-ils une fois encore cette odieuse « Loi de proximité » ? Pourquoi aucune réaction, aucun impact dans l’imaginaire collectif, ni indignation, ni colère, ni émotion ?

Notre devoir en tant que citoyens du monde est donc de faire passer le message. Que le monde sache. Avant que le monde bouge. Il y a des coupables en Europe comme il y en a en Afrique. Le silence des puissants tue autant que le bruit des mitraillettes. Mettons tous les assassins face à leurs responsabilités.

 

Le Conflit au Congo: La Vérité Dévoilée – Crisis In The Congo: Uncovering The Truth

Par Friends of the Congo

Reportage de 26′ sur la situation du Congo. Attention ce documentaire comporte des images difficiles à supporter.

A ÉCOUTER ICI  

Comment 6 millions de morts peuvent ils être placés sous silence médiatique ?

Sur les cendres du génocide rwandais, la seconde guerre du Congo éclate en 1998 dans la région des grands lacs à l’Est du Congo. 9 pays Africains sont impliqués. l’Angola, le Zimbabwe, la Namibie au sud,  le Rwanda l’Ouganda, le Burundi, le Congo, le Tchad, le Soudan au nord. Une trentaine de milices locales sévit sur le terrain.

Cette guerre du Congo est marquée par les séquelles du génocide rwandais, la faiblesse de l’Etat Congolais, la vitalité militaire du nouveau Rwanda, la surpopulation de la région des grands lacs, la perméabilité des vieilles frontières coloniales, l’accentuation des tensions ethniques due à la pauvreté, la présence de richesses naturelles, la militarisation de l’économie informelle, la demande mondiale de matières premières minérales, la demande locale d’armes et l’impuissance des Nations Unies.

Le bilan est lourd : 6 millions de morts, près de 4 millions de déplacés, des camps de réfugiés saturés et des centaines de milliers de personnes appauvries. 

Les populations ne meurent pas sous le coup de mortiers. Elles meurent majoritairement de maladies, et de famine. Les armes de guerre sont le viol et la destruction du tissu social.

Pour l’exploitation du coltan, on épuise les populations locales, on les appauvrit, on les viole, on les incite à partir. On détruit les infrastructures sanitaires et la moindre pathologie devient mortelle.

Le coltan est un gravier noir dans la boue au poids économique  très lourd. 80% des réserves mondiales sont ici. Le coltan contient du tantale et toute la planète en veut. Il s’agit d’un élement chimique adaptés au superalliage dans l’industrie de l’aérospatiale et aux condensateurs dans le domaine de l’électronique. Indspensable pour la construction de tablettes et smartphones. 

La ruée vers le coltan est menéen par les grandes multinationales lointaines, les mafieux, les dictateurs des pays voisins.

Les agriculteurs des deux Kivu se retrouvent persécutés, chassés.  La militarisation de l’économie engendre la commercialisation de la violence. Des milices proposent leurs services pour terroriser, torturer, violer. La haine etnhique est érigé en vitrine pour justifier les agissements, mais ce n’est qu’un drapeau. La réalité est tout autre. La violence sert ici la concurrence commerciale.

Et l’historien David Van Reybrouck dans un opus remarquable consacré au sujet “Congo” chez Actes Sud, décrit les mécanismes de la région et s’étonne que les 6 millions de morts ne soulèvent aucune couverture médiatique et ne provoquent une indignation populaire.

Elle a disparu de l’actualité mondiale car passait pour inexplicable et confuse.Pour couvrir les guerres, le journalisme a recours à un cadre de référence morale. Dans cette guerre du Congo, il n’y a pas un camp de gentils.” 

Et quand régulièrement un reportage vient décrypter cette guerre, il reste sans écho. Aucune réaction de l’opinion, silence de la communauté internationale. Tout le monde s’en fout et s’en accommode.

(non, ça ne fera jamais la Une de Libé, ne rêvez pas…)

Source: http://www.les-crises.fr/congo-comment-6-millions-de-morts-peuvent-ils-etre-places-sous-silence-mediatique/


L’interview de Vladimir Poutine sur CBS

Thursday 1 October 2015 at 01:08

Je vous recommande de regardez cette vidéo… (à analyser avec recul, comme d’hab, ça reste un chef d’État, donc méfiance :) )

Mais au visionnage, on comprend assez bien pourquoi nos médias se gardent bien de le diffuser tel quel, et pourquoi les chiens de garde hurleront au pro-russisme dès qu’on donnera cette information brute – pensez, vous êtes tellement bête que vous risqueriez de tomber dans le piège de l’affreuse “propagande russe” (pléonasme d’ailleurs, la propagande est toujours russe ; nous, nos médias nous donnent la Vérité)

Au passage, vous avez déjà vu un journaliste poser ce genre de questions à Hollande ou Obama, vous ? A quand Hollande sur RT ?

P.S. j’aurais besoin dans les prochains jours des personnes ayant du temps et une bonne orthographe pouvant retranscrire par écrit des discours audio en français. Me contacter, merci…

Source : Russia Today France, le 28 septembre 2015.

Le président russe Vladimir Poutine a accordé une interview au journaliste américain Charlie Rose pour les chaînes CBS et PBS à la veille de la 70ème Assemblée Générale de l’ONU. RT revient sur les meilleurs extraits de cette interview.

Sur son soutien de Bashar al-Assad…

«Vous dites sans cesse, avec une persévérance qui pourrait être mieux utilisée, que l’armée syrienne se bat contre son propre peuple. Mais regardez qui contrôle 60% du territoire syrien ! Où est cette opposition modérée ? 60% du territoire syrien est contrôlé soit par Daesh, soit par d’autres organisations terroristes, telles que le Front al-Nosra ou d’autres encore, reconnues comme organisations terroristes par les États-Unis entre autres États, ainsi que par l’ONU».

Plus de 2 000 combattants de l’ex-URSS se trouvent sur le sol syrien. La menace de les voir revenir en Russie existe. Alors, au lieu d’attendre leur retour, il vaut mieux aider Assad à les combattre sur le territoire de la Syrie. Voilà la motivation principale de notre soutien au président syrien.

Daesh en Syrie.

Daesh en Syrie.

Sur les rapports de la présence des forces armées russes en Syrie…

«La Russie ne participera à aucune opération militaire sur le territoire de la Syrie ou sur celui d’autres États. En tout cas, nous ne l’envisageons pas aujourd’hui».

Donetsk, l'Est de l'Ukraine.

Donetsk, l’Est de l’Ukraine.

Sur la crise ukrainienne…

«Qu’est-ce que je trouve absolument inacceptable pour nous ? Que des questions, y compris des questions controversées, relevant de la politique interne des anciennes républiques de l’URSS soient réglées par des révolutions dites «de couleur», par le renversement des pouvoirs en place par des moyens non-constitutionnels. Ça c’est absolument inacceptable».

Respecter la souveraineté veut dire ne pas admettre de coups d’état, d’actions anticonstitutionnelles et de renversement illégal d’un pouvoir légitime…

«Nous sommes en contact et en relation avec des milliers de personnes en Ukraine. Et nous savons qui, où et quand a rencontré et a travaillé avec ces gens qui ont renversé Ianoukovitch. Nous savons quel soutien leur a été accordé, combien ils ont été payés et comment ils ont été entrainés».

Kiev, février 2014

Kiev, février 2014

«Proprement dit, nos partenaires américains ne s’en cachent plus».

Sur l’expansion de l’OTAN…

«N’oublions pas que des armes nucléaires tactiques américaines s’y trouvent. Qu’est-ce que cela signifie ? Que vous auriez occupé l’Allemagne ou bien auriez décidé de ne pas en finir avec l’occupation de l’Allemagne après la Deuxième Guerre mondiale en transformant tout simplement les forces d’occupation en forces armées de l’OTAN ?»

Des militaires amériсains passent devant le village roumain de Malu

Des militaires amériсains passent devant le village roumain de Malu

Sur la démocratie occidentale…

«Prenons l’exemple des Etats-Unis. Combien de temps a pris le processus de développement de la démocratie ? Il dure depuis la création des États-Unis. Et à présent, vous croyez que tout a été fait du point de vue de la démocratie ? Si tout avait déjà été fait, le problème de Ferguson n’aurait pas eu lieu, n’est-ce pas ? Il n’y aurait pas d’autre problème de ce genre. Il n’y aurait pas d’arbitraire policier.»

(Kevin Lamarque / Reuters)

Je suis fier de la Russie. Il y a de quoi être fier. Mais nous ne sommes pas obsédés par l’idée d’imposer un leadership russe sur la scène internationale.

Sur son homologue américain…

«Je ne me considère pas en droit de juger le président des Etats-Unis. C’est l’affaire du peuple américain».

Nous nous écoutons les uns les autres, quand cela ne contredit pas nos propres idées de ce que nous devrions ou ne devrions pas faire.

Sur sa propre image…

«Je suppose que la plupart des gens me font confiance, s’ils votent pour moi lors des élections. Et c’est ce qu’il y a de plus important. Cela représente une énorme responsabilité, une responsabilité colossale. Je suis reconnaissant au peuple pour cette confiance, mais bien sûr, je ressens une énorme responsabilité pour ce que je fais et pour le résultat de mon travail».

Source: http://www.les-crises.fr/linterview-de-vladimir-poutine-sur-cbs/


Proposition de loi Lienemann/Sas contre les conflits d’intérêts

Wednesday 30 September 2015 at 02:59

Il n’est pas impossible que je ne sois pas totalement étranger à ceci… Il faut bien essayer d’agir un peu…  ;)

Comme je suis ne général dur avec nos élus, je salue aujourd’hui les parlementaires qui ont déposé et qui soutiennent cette saine proposition, et d’abord à Marie-Noëlle Lienemann et Eva Sas.

Bien entendu, la proposition a bien entendu une très faible probabilité d’être votée.

N’hésitez pas à contacter votre député préféré, surtout s’il est de la majorité.… (un mail c’est bien, liste ici, mais un coup de fil à la permanence c’est bien mieux… Vous leur demandez juste s’il votera la proposition de loi Lienemann / Sas sur les conflits d’intérêt, et pourquoi – ça suffira… Au bout de 5 coups de fil, il va être bien gêné… Ca marche comme ça.)

Source : Site web de Marie-Noëlle Lienemann, le 29 septembre 2015.

MNL_cfce_presse_PPL_conflits_interets_29-09-2015

Communiqué de presse commun d’Eva Sas et Marie-Noëlle Lienemann

Eva Sas, Députée de l’Essonne, Vice-présidente de la Commission des finances, Marie-Noëlle Lienemann, ancienne ministre et Sénatrice de Paris, et plusieurs de leurs collègues déposent une Proposition de loi visant à lutter contre les conflits d’intérêts. Son principe est simple : ne peuvent être nommés par le Président de la République dans les instances de contrôle et de régulation que des personnes n’ayant pas exercé de fonctions dans des entreprises contrôlées par cette instance, dans les cinq années précédant la nomination.

Pour Eva Sas, « Il y a, aujourd’hui, une grave crise de confiance des citoyens envers les décideurs publics en général. Notre objectif est de renouer cette confiance. C’est pourquoi, au travers de cette proposition de loi, nous souhaitons que, pour les nominations dans les instances de contrôle et de régulation, soit appliqué le principe de précaution et que l’on suive des règles claires et transparentes, ce qui est tout à fait simple et faisable. Ainsi, il s’agira d’éviter tous les doutes et d’avoir une certaine étanchéité entre le secteur privé et les instances de régulation en charge de les contrôler. C’est simple, c’est possible et c’est nécessaire pour restaurer la confiance des citoyens dans l’action publique. »

« Au-delà des débats qui ont lieu actuellement sur des nominations, il est essentiel que les règles législatives renforcent clairement la lutte contre les risques de conflits d’intérêt. Il en va de la crédibilité de l’action publique auprès de nos concitoyens et de la défense scrupuleuse de l’intérêt général par les hauts responsables des institutions publiques de notre pays. Il faut restaurer une indépendance absolue des décideurs et régulateurs publics, c’est vrai dans tous les domaines mais tout particulièrement dans le secteur financier. » conclut Marie-Noëlle Lienemann.

Cette Proposition de loi est soutenue par de nombreux économistes comme Xavier Timbeau, Directeur principal à l’OFCE, et Jean-Paul Pollin, Professeur d’économie à l’Université d’Orléans, qui a insisté sur la nécessaire transparence du processus de décision au-delà même des règles qui doivent la régir. Il a également rappelé que faire l’ENA, polytechnique et l’inspection des finances ne fait pas un économiste et qu’à prendre tout le temps les mêmes profils pour la haute fonction publique, ces responsables finissent par avoir une pensée identique.

Cette proposition sera déposée simultanément à l’Assemblée Nationale et au Sénat. A l’Assemblée, elle sera déposée dans les même termes d’une part par Eva Sas et des députés écologistes, et par Barbara Romagnan et Suzanne Tallard et des députés socialistes. Au Sénat, elle sera déposée par Marie-Noëlle Lienemann et des sénateurs socialistes et Jean Désessard et des sénateurs EELV.

Premiers signataires à l’Assemblée Nationale :

Premier signataires au Sénat :


Le texte

Proposition de Loi Lienemann-Sas sur les Conflits d’Intérêts

Source: http://www.les-crises.fr/proposition-de-loi-lienemannsas-contre-les-conflits-dinterets/