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[Journalisme ?] La fabrique du silence

Thursday 3 September 2015 at 02:15

La propagande, c’est évidemment des messages plus ou moins mensongers, mais c’est aussi une stratégie d’imposition du silence sur les éléments dérangeants. En voici un bel exemple…

Et c’est particulièrement dangereux chez nous, parce qu’un lecteur allemand des années 40 ou un lecteur soviétique des années 1970 savait bien qu’il ne pouvait pas trop compter sur sa presse, alors que ce n’est pas le cas en France…

Dernier point, sur ma vision, puisqu’on me demande souvent : il est à mon sens très peu utile de faire de la “politique” – au sens de vouloir défendre des options politiques alternatives, genre sortir de l’euro, de l’UE… – dans un tel contexte. Le premier combat à mener est un combat pour le droit à une information de qualité, honnête, pluraliste, donc digne d’une démocratie. Le reste viendra ensuite…

P.S. article pour TD en école de journalisme (naaaaon, je plaisante…)

“La vérité, c’est que la population occidentale s’est habituée à penser que ses médias sont dignes d’une grande démocratie. Même si nous savons que ce n’est pas le cas, nous persistons inconsciemment à croire que leur couverture de l’actualité est supérieure à ce qui se fait dans les autres régions du monde. [...] Permettez-moi d ‘affirmer que la télévision et les journaux chinois sont beaucoup plus critiques du système économique et politique de leur pays que nos chaînes le sont du nôtre. [...]

Les Occidentaux font preuve d’une crédulité ahurissante à l’égard de la propagande. Ayant grandi en Europe de l’Est, je suis à même de savoir qu’on ne croyait en rien les discours officiels du gouvernement. C’est pourquoi, d’une certaine façon les gens étaient très conscients de ce qui se passait dans le monde et dans leur pays. [...] Pour avoir vécu sur tous les continents, je peux affirmer que les “Occidentaux” forment le groupe le plus endoctriné, le moins bien informé et le moins critique de la Terre, à quelques exceptions près, bien sûr, comme l’Arabie saoudite. Mais ils sont convaincus du contraire : ils se croient les mieux informés, les plus “libres”.” [André Vltchek, L'occident terroriste avec Noam Chomsky, 2015]

Nos médias : la fabrique du silence

Voyons comment nos médias ont rapporté l’incroyable discours de Varoufakis à Frangy, véritable bombe, dont rien que les titres auraient mérité de sacrés débats (si évidemment on était en Démocratie) :

Festival !

Le Monde

Titre : Montebourg-Varoufakis, deux révoltés de la politique européenne à « Frangy-en-Grèce »

1ère phrase :

“Un groupe de musique répète sous le chapiteau planté en plein milieu du stade communal. “

Du lourd donc. Eh, on ne déplace pas pour rien l’envoyé spécial du “journal de référence” (arf)

Pour le reste : le journal parle de la rencontre avec Mélenchon à Paris le matin, puis de la réunion à Frangy, mais celle de 2014 !

Alors on va faire un peu de quantitatif, à la Chomsky.

L’article fait 1230 mots ; on commence à parler de Frangy 2015 à partir du 415e – au 2e tiers de l’article donc.

Enfin, “commence….” :

Le millésime 2015 de Frangy n’est pas à la fête. La pluie, qui tombe drue toute une partie de la journée, y est sans doute pour beaucoup

Du très très lourd donc… Le Monde, “station météo de la veille de référence.”

Et ça continue :

Les rangs militants sont aussi plus clairsemés que lors des rendez-vous précédents. Plusieurs élus socialistes du département n’ont pas fait le déplacement, refusant de participer à une réunion qui cible largement le gouvernement et l’exécutif français. Les « frondeurs » du PS ne sont pas venus non plus, sans doute embarrassés pour beaucoup de s’afficher avec M. Varoufakis, qui multiplie désormais les critiques contre le premier ministre grec, Alexis Tsipras.

Parmi les proches de M. Montebourg qui sont venus l’entourer figurent le sénateur socialiste de Saône-et-Loire Jérôme Durain, la députée PS de Moselle Aurélie Filippetti, ou le député MRC Jean-Luc Laurent. « Il y a une ligne gouvernementale qui existe, celle de François Hollande et de Manuel Valls, mais il n’est pas interdit de réfléchir à d’autres idées alternatives, c’est le rôle de Frangy, qui a toujours été un lieu de débats », explique M. Durain. Cécile Untermaier, la députée PS du cru, doit faire face à une situation délicate, devant à la fois marcher avec M. Montebourg, sans pour autant critiquer trop violemment le gouvernement. « François Hollande a eu raison de tenir bon » dans la négociation européenne, tente-t-elle d’expliquer à la tribune, provoquant les huées de la foule…

Passionnant tout ça, surtout dans un article de 1 200 mots…

Mais il y a mieux :

Non loin du stand où sont mis en vente les derniers ouvrages de MM. Montebourg et Varoufakis, un groupe de militants de la Convention pour la VIe République débat de la situation européenne. Le ton général est largement antiallemand. « La politique de Schäuble est inadmissible, d’ailleurs sa mère s’appelait Göhring, ça en dit long », s’emporte une femme contre le ministre des finances du gouvernement d’Angela Merkel, avant de proposer que « l’Allemagne sorte de l’Europe »« Il ne faut pas tout mélanger, notre problème ce n’est pas l’Allemagne, mais la droite allemande. Il y a Die Linke et une partie du SPD qui sont très fréquentables », tente de lui répondre son voisin plus mesuré.

Tactique simple : on trouve une crétine, et on rapporte ses propos dans le Monde donc, ce qui disqualifie assez facilement la réunion… Par chance, il n’y a en effet jamais de blaireaux dans le public dans les meetings PS et UMP.

On est déjà au 760e mot, le dernier tiers de l’article sur Frangy 2015 approche, on n’a toujours pas parlé des discours… – c’est un métier journaliste au Monde

830e mot : victoire, on parle de Varoufakis :

Le Grec [sic.] regrette, lui aussi, « l’impuissance » et « les silences » de la France lors des négociations au sein de l’Eurogroupe ces derniers mois. Ses mots sont durs contre le pouvoir français : « Cela me rappelle ce que m’a dit un jour à Paris Michel Sapin : La France n’est plus ce qu’elle était », raconte-t-il à propos du ministre des finances du gouvernement Valls. [...]

L’un comme l’autre fustigent l’absence, selon eux, de démocratie dans le fonctionnement des institutions européennes. [...] « Je suis là parce que notre printemps d’Athènes a été écrasé tout comme le printemps de Prague. Ce n’était pas par des chars, mais par des banques », ajoute M. Varoufakis. [...]

Mais le réseau des « progressistes européens » qu’appelle de ses vœux M. Varoufakis n’est guère plus détaillé.

Voilà, c’est tout… 130 mots dont 40 de Varoufakis sur 1 230 , pour un discours qui en faisait 10 600 – c’est un métier, journaliste au Monde

On dira que le journaliste a été plus honnête que la moyenne, et qu’il a repris la phrase la plus dure de Varoufakis. C’est vrai. Mais enfin, présentée comme ça, sans contexte, une phrase aussi dure a clairement tendance à ridiculiser son auteur.

Un peu comme certains grands sites, qui laisseront passer en commentaire d’incroyables “M. le journaliste est un crétin.” mais pas des commentaires polis mais argumentés expliquant et sourçant les erreurs dudit journaliste… Bref de la fausse liberté d’expression, dont l’outrance ne met pas en danger le média.

Au 1 090e mot, fin de l’analyse des discours. On passe au sérieux :

« Montebourg président ! », scandent quelques militants au passage du candidat à la primaire socialiste de 2011.

c’est un métier journaliste au Monde

Bravo donc à Bastien Bonnefous !

Libération

(bon, on va faire plus simple pour les autres… Mais c’est à peu près pareil.)

A Frangy, Montebourg et Varoufakis accueillis comme des rock-stars

1/ ça a l’air gentil, mais traiter des hommes politiques de “rock-stars” c’est évidemment les dé-crédibiliser dans leur fonction politique.

2/ la preuve en titre, les gens sont “éberlués”

Dictionnaire Larousse, être éberlué : Manifester un vif étonnement ; être ébahi

(on ne saura pas trop pourquoi mais passons…)

3/ mais bon, on ne saura pas si Frangy, c’était un flop ou si les gens étaient “en nombre” (mais tout va bien, c’étaient des “curieux” comme pour le tour de France, pas des militants / citoyens engagés)

Et ça continue…

Première phrase : “Accueillis comme des rock-stars. Sous une cohue invraisemblable de caméras et de photographes…”

Il faudra qu’on m’explique pourquoi, c’est la norme pour tout évènement qui intéresse la presse – c’est vrai que c’est une folie, mais c’est toujours comme ça pour tous… Ce n’était rien comparé à Valls arrivant à La Rochelle… Continuons :

Sous le regard éberlué des curieux venus en nombre, les «deux enfants terribles de l’Europe» ont mis une vingtaine de minutes pour parcourir une centaine de mètres et rejoindre la mairie, où l’édile de Frangy les attendait pour un «accueil républicain».

Eh oui, ce sont des enfants on vous le dit… Et terribles en plus…

Enfin, le scoop :

Plus tôt dans la journée les deux trublions ont été rejoints par Aurélie Filipetti, pour aller manger sous le chapiteau.

Du très  lourd… Les rock-stars enfants terribles sont aussi des trublions…

Dictionnaire Larousse, trublion : Individu qui sème délibérément le trouble, le désordre.

Il me semble que c’est justement la définition de l’action de l’Union européenne en Grèce, mais passons… Suite :

Denis Lamard, président de l’association des Amis de la rose a ensuite remis deux bouteilles de rouge et de blanc à Yanis Varoufakis, ainsi qu’un tablier et un jean «made in France». Avant que tous se lancent dans le rituel du ban bourguignon.

Du très très lourd on vous a dit…

L’article étant écrit à 14h00, avant le discours, on a une suite le soir du même envoyé spécial :

Fête de la rose : Frangy en Grèce

Accueillis comme des rock stars. Sous une cohue de caméras et de photographes, Arnaud Montebourg et Yánis Varoufákis ont fait leur apparition à midi, dimanche, dans la petite bourgade de Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire). Sous le regard des curieux venus en nombre, les deux anciens ministres ont mis plus de vingt minutes pour rejoindre la mairie, où l’édile de Frangy les attendait pour un «accueil républicain».

C’est toujours important de passer la deuxième couche rapidement…

Avec l’ancien ministre grec, Montebourg trouve un allié de poids dans sa lutte contre l’austérité. Les deux prônent une réorientation de la politique économique européenne. C’était le sens des discours tenus dans l’après-midi. Montebourg a tapé fort sur les institutions européennes

suivent quelques mots de Montebourg, avec surtout un important ” Mais malgré sa véhémence et son discours de plus en plus eurosceptique, il ne franchit jamais le pas d’une sortie de l’euro” (OUF !!!), et…

Rien.

RIEN ! Le journaliste ne parle même pas du discours de Varoufakis !!! Juste “une réorientation de la politique économique européenne.” – 7 mots encore mieux résumé que par le Monde ! Pour le prochain discours, je propose “il a parlé” – dur de faire en 2 mots sinon…

Bref, article incroyable…

C’est AUSSI un métier, journaliste à Libération. Bravo donc à Jérémie Lamothe !

P.S. on a aussi dans ce journal un remarquable :

Frangy : Montebourg «rock star» ou marchand de meubles

mais c’est juste une reprise de l’AFP…

P.P.S. : mais aussi un très beau Varoufakis, un «dandy un peu irresponsable» pour Le Guen

 

A écouter, c’est court :


Varoufakis, un «dandy un peu irresponsable…

«Je constate avec effarement de voir la gauche radicale courir après une sorte de dandy un peu irresponsable de l’économie grecque. […] Aujourd’hui, on vient soutenir celui qui fragilise Monsieur Tsipras, qui fragilise le redressement de la Grèce.» [Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement]

Dictionnaire Berruyer, irresponsable : 1. personne ne défendant pas le néo-libéralisme 2. Par extension, toute personne non aimée par le gouvernement. Synonyme : dictateur.

 

P.P.P.S. incise quand même, spécial Montebourg :

«Il y a eu un échec des stratégies d’austérité mise en place par la Commission européenne et quelques Etats, notamment l’Allemagne, a critiqué Arnaud Montebourg. Il n’y a pas une démocratie de l’Europe, il y a une Euro-oligarchie. Nous devons maintenant créer l’Euro-démocratie.»

Meuh non, comme il n’y aura jamais d’Euro-démocratie, ce qu’un enfant de 15 ans comprend, il faut détruire l’Euro-Oligarchie, et surtout l’instrument politique qui permet son existence et son influence…

«Aucun pays n’est porteur de l’intérêt général européen, a prévenu Arnaud Montebourg. L’Allemagne défend son intérêt national, nous n’avons pas le même. Il va falloir mettre tout ça sur la table à un moment donné.»

Idem. Tu mets tout ça sur la table, tu constates comme tu le dis qu’on a des intérêts nationaux divergents pour plein de raisons, tu remballes donc ce qu’il y a sur la table, vous vous claquez la bise, et vous vous quittez bon amis, chacun défendant son intérêt national de son côté comme 180 autres pays – ce qui est le rôle d’un politique…

Le Figaro

Un beau : Montebourg et Varoufakis, deux trublions en vedette à Frangy

Une analyse plus équilibrée, et un peu plus d’informations dans le Figaro :

La réunion du duo Montebourg – Varoufakis provoque des remous chez les socialistes. «Que les vedettes soient deux ministres virés de leurs gouvernements respectifs me pose question. Si c’est pour écouter le discours ultracritique de quelqu’un qui avait annoncé qu’il s’est retiré de la politique, très peu pour moi», dénonce dans Le Parisien le député PS de Saône-et-Loire Christophe Sirugue. «Les hauts responsables socialistes sont de plus en plus fades et ternes. Il n‘aiment pas ceux qui obligent à réfléchir et qui sont des poils à gratter», répond un proche d’Arnaud Montebourg, Patrice Prat. «Des personnalités fortes peuvent déranger car elles nous obligent à sortir de notre torpeur estivale», ajoute le député du Gard, estimant que Yanis Varoufakis est «une belle source d’inspiration pour réorienter l’Europe».

«Cela m’intéresse de savoir ce qu’une personne comme lui a à nous dire», estime de son côté Jérôme Durain, un autre fidèle soutien d’Arnaud Montebourg. Le sénateur de Saône-et-Loire préfère de son côté mettre en avant «le lieu de débat politique» offert par Frangy. «Sur le plan de sauvetage de la Grèce ou sur le fonctionnement de l’Eurogroupe, il y a des sujets de fonds». «Il n’est pas illégitime d’inviter Yanis Varoufakis. Ce sera un moment utile pour relancer le débat sur l’Europe», abonde le député frondeur de la Nièvre Christian Paul. L’ex-premier signataire de la motion B ne sera toutefois pas présent à Frangy dimanche, contrairement à son collègue Pouria Amirshahi, à Aurélie Filippetti, au président du MRC Jean-Luc Laurent et au porte-parole d’EELV Julien Bayou.

Pour ce premier billet, Julien Chabrout s’en sort mieux que les 2 précédents.

Pour le papier sur les discours, c’est Solenn de Royer qui s’y colle : Montebourg et Varoufakis, deux rock stars contre l’austérité européenne

Si François Hollande était sorcier, c’est un sort qu’il aurait pu jeter. Car, pour la fracassante rentrée politique de son ancien ministre et principal détracteur, Arnaud Montebourg, c’est une pluie battante qui s’est invitée dimanche, à Frangy-en-Bresse, gâchant en partie la journée. [...]

Assurément, c’est le rendez-vous de deux trublions, deux frondeurs, farouches adversaires de l’austérité. [...]

Dimanche, les deux hommes, qui se sont vus avec leurs compagnes cet été en Grèce, ont été accueillis comme des rock stars

Bon, ça commence mal…Mais on a un joli :

Montebourg explique qu’il est «fier» d’accueillir Varoufakis – lui, tout de noir vêtu - «qui s’est battu contre l’austérité». «Son témoignage de ce qui s’est passé à l’intérieur de l’Eurogroupe est fondamental pour nous. C’est un message à tous les dirigeants européens.»

Ah oui, en effet, évidemment que Varoufakis avait des choses importantes à dire ! C’est bien de piquer la curiosité du lecteur !

Après le traditionnel banquet (poulet de Bresse), agrémenté d’un ban bourguignon raté et d’un vibrant sirtaki, Montebourg et Varoufakis ont plaidé pour une réorientation de la politique économique en Europe

Grrrr…

L’enfant terrible d’Athènes, qui a évoqué son souhait de fonder un mouvement progressiste européen, s’est montré plus virulent à la tribune, accusant les créanciers de la Grèce d’avoir réprimé le «printemps d’Athènes», comme jadis le printemps de Prague. «Ce n’était pas avec des chars mais avec des banques.» Il a raconté les coulisses des négociations bruxelloises, sous le joug du «docteur Schäuble» et il s’en est pris au ministre français, Michel Sapin, à qui il a reproché son «silence assourdissant» à plusieurs moments clés des négociations. « Cela correspondait finalement à ce que Michel m’avait dit à Paris: “la France n’est plus ce qu’elle était” .»

Bon, elle a recopié le Monde apparemment… :)

Et c’est tout… :(

L’Obs

Varoufakis superstar à “Frangy-en-Grèce”

Première phrase : “Sur les tables de la Fête de la Rose à Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire), la “cuvée de l’Europe” a remplacé la “cuvée du redressement” ”

Suivent :

Aujourd’hui, la star s’appelait bien Varoufakis

Tout de noir vêtu, du costume cintré aux chaussures Doc Martens, le Grec que l’on dirait tout droit sorti d’une superproduction hollywoodienne fait la promotion de ses idées tous azimuts.

A Frangy, il a répété ses mantras pour le plus grand bonheur des supporteurs montebourgeois.

(Dictionnaire Larousse, mantra : Dans l’hindouisme et le bouddhisme, syllabe ou phrase sacrée dotée d’un pouvoir spirituel. (???))

C’est à la tribune qu’il s’est lâché, assurant que la Grèce avait toujours proposé à ses partenaires européens “des changements structurels en profondeur” lors de chaque réunion, distillant nombre d’anecdotes sur la fermeté allemande où l’impuissance française, comme ce constat qu’aurait dressé Michel Sapin devant lui : “La France n’est plus ce qu’elle était.”

Selon lui, ce n’est rien moins que la démocratie qu’on assassine.

Notre printemps d’Athènes a été écrasé comme le printemps de Prague, pas avec des chars mais par des banques”, a-t-il attaqué.

Avant d’ironiser : “Si les élections ne changent rien, pourquoi ne pas inscrire dans les traités une clause qui dirait que la démocratie est suspendue ?”

Débarqué mais pas désarmé, Varoufakis propose ses solutions. Sur la forme, une coalition des progressistes européens. Sur le fond, un plan d’aide pan-européen. L’auditoire n’en saura pour l’instant pas beaucoup plus mais, malgré la pluie et une traduction approximative, a applaudi chaque ébauche de proposition, chaque amorce de proposition. Ce dimanche, Montebourg l’a martelé, sourire aux lèvres, on était à “Frangy-en-Grèce”.

Bon, un peu mieux pour ce Julien Martin quand même…

Cette fois, c’est une «cuvée Europe Frangy 2015» qui est en vente sous les stands : 8 euros la bouteille, 40 euros la caisse de six.

Europe 1

Reportage photo du Lab Politique d’Europe 1.

Petite phrase piquante pas vue ailleurs :

Yanis Varoufakis, lui, se déclare en faveur d’une “alliance des Européens à travers tout le spectre politique”, “tant qu’ils partagent une idée radicale, c’est-à-dire la démocratie”. Et Montebourg de lancer : “Quand des institutions ne sont pas démocratiques, la démocratie ne risque pas de triompher. C’est le cas de la zone Euro. On vote, mais ça ne sert à rien. [...]

Vous votez pour la gauche française et vous vous retrouvez avec le programme de la droite allemande au pouvoir.”

et petite info cachée :

On apprend aussi (rapport à la suite) :

Le début du discours de ce dernier est toutefois *légèrement* perturbé par un problème technique, le volume sonore de la traduction n’étant pas assez fort. Dans l’assistance, certains s’époumonnent pour demander un réglage. Un petit moment de solitude interrompu grâce à l’intervention héroïque de Superman

Bon, Europe 1 sans grand intérêt (désolé Etienne Baldit), pas d’info sur le discours à part ça…

Oups, si, j’oubliais :

(y’a pas que la pelouse Adrien, le journalisme, la Démocratie et, accessoirement, moi, aussi…)

Le Point

À “Frangy-en-Grèce”, Varoufakis érigé en symbole de “liberté”, heureusement vite cadré par : “Les deux agitateurs anti-austérité se sont retrouvés sur les terres d’Arnaud Montebourg, martelant encore qu’une autre politique est possible.” (les fous !)

Hmmm, agitateur, c’est nouveau ça…

Début : “La fameuse « cuvée du redressement », dont Arnaud Montebourg voulait envoyer « une bonne bouteille au président » l’année dernière, est remplacée par « la cuvée de l’Europe ». Le soleil, qui tapait fort sur les convives, s’est retranché derrière des nuages gris. La pluie tombe par intermittence sur le stade de foot de Frangy-en-Bresse, où sont installés des stands vendant des produits « made in France »

Puis

“Les deux trublions se succèdent à la tribune, livrant une charge anti-austérité – Montebourg nuance le cas français, parlant « d’austérité light ». Mais Varoufakis sort l’artillerie lourde. Le Grec raconte longuement les négociations au Conseil européen avec la troïka sur le sort de la Grèce et résume ainsi ce qui s’est soldé par un accord : « Notre printemps d’Athènes a été écrasé comme le Printemps de Prague, pas avec des chars mais avec des banques. » Fustigeant l’inaction de la France, il livre cette confidence du ministre des Finances français Michel Sapin : « La France n’est plus ce qu’elle était. »”

Moi, il faudrait qu’on m’explique qui a demandé aux journalistes d’utiliser “trublions” pour parler de deux importants ex-ministres. Parce que là, ce n’est pas naturel… Ou sur qui ils copient… Parce que là, contrairement à l’habituelle recopie AFP, on a affaire à plusieurs envoyés sur place – et qui en rajoutent par rapport aux dépêches.

Bon, ok, là ça ressemble au papier du Monde… On a même droit au…

Les oreilles des dirigeants allemands ont dû siffler d’autant plus que la présence de Varoufakis a attiré des militants radicaux, bien au-delà du Parti socialiste. Résultats, à Frangy-en-Bresse, ce dimanche matin, au cours d’un débat organisé entre militants sur le thème « Quelle boussole politique pour les jeunes Européens aujourd’hui ? » une femme s’est emparée du micro pour déclarer : « La politique de Schäuble est inadmissible. Sa mère s’appelait Göhring (Gertrud Göhring, NDLR), ça en dit long. » La même d’enchaîner : « On parle de la Grèce, mais je propose que ce soit l’Allemagne qui sorte de l’Union européenne. » « Il ne faut pas tout mélanger, notre problème ce n’est pas l’Allemagne, mais la droite allemande », a dû recadrer l’animateur du débat.

=> brrrrr, c’étaient même des ouvriers si ça se trouve, pouarff

Bon, bref, pas très glorieux pour Charlotte Chaffanjon…

L’Express

MAIS j’ai gardé le meilleur pour la fin (il faut bien récompenser les 4 lecteurs intégraux de ce billet !). LA, pour être exacte : Marie Simon, envoyée spéciale de l’Express, qui nous a pondu ce bijou de journalisme du XXIe siècle :

“Frangy-en-Grèce”: le tandem Montebourg-Varoufakis peine à enthousiasmer ; A Frangy-en-Bresse, hellénisée en l’honneur de Yanis Varoufakis invité par Arnaud Montebourg, les deux “ex” ont appelé à l’édification d’une “nouvelle Europe” plus démocratique. Sans déchaîner les foules, et sous la pluie

Amusant, je ne classe pourtant pas dans la gauche radicale, mais il n’a cependant pas peiné du tout à m’enthousiasmer ce type…

Début :

“Plus fort! Non, moins fort! On n’entend rien!” Les quelque 1000 personnes réunies sur la pelouse détrempée située derrière la mairie de Frangy-en-Bresse, ce dimanche après-midi, n’ont pas compris un mot du discours de Yanis Varoufakis, emmêlé dans la traduction simultanée. Du moins au début. Il a fallu que son hôte, Arnaud Montebourg, intervienne pour mettre fin à ce moment de flottement. Brièvement, l’ex-ministre des Finances grec, s’exprimant en anglais, a dû se demander ce qu’il faisait là. Lost in translation…

A l’image de ce petit accroc sans conséquence,

Et ça continue :

Yanis Varoufakis a porté ses coups habituels. Contre le système bancaire, justement, mais aussi la zone euro, le “Docteur Schaüble”, son ancien homologue allemand dont il dénonce l’intransigeance. “Le printemps d’Athènes a été écrasé comme le printemps de Prague. Pas besoin d’envoyer des chars quand on a les banques…”, accuse-t-il encore, mettant Paris en garde. La France, qui “n’est plus ce qu’elle était”, est leur “prochaine cible”.

Encore un beau résumé – c’est vrai qu’il est lourdingue Varoufakis à vouloir défendre son pays qui crève…

Varoufakis trop professoral, Montebourg trop seul?
Mais le show annoncé n’a pas eu lieu. Les médias internationaux censés les suivre jusqu’au fin fond de la Bourgogne étaient discrets (ou absents), lors de ce rendez-vous champêtre. Peut-être Yanis Varoufakis avait-il déjà tout dit dans Le Monde Diplomatique, sur France 2, dans Le Monde, L’Obs, ou dans le Journal du Dimanche… Peut-être aussi le professeur d’économie d’Austin (Texas) préfère-t-il lancer ses piques sur son blog que depuis une tribune. Qui plus est quand la traduction simultanée ne l’aide guère. Arnaud Montebourg, lui, maîtrise l’art oratoire et sa parole est plus rare

T’ain, elle a fait Sciences-po Paris la fille, et voilà comment elle traite un très important discours !

Alors c’est vrai qu’il y a plus sexy comme discours, mais ceux-ci peuvent également avoir leur intérêt, plus que n’importe quel discours d’Hollande par exemple… Mais il est vrai que c’est bête, ce n’est pas avec ces discours qui font appel à l’intelligence et aux valeurs qu’on finit Président, et qu’on couche avec des journalistes…

Sinon pour les journalistes présents, vu sur Europe 1 donc :

La big loose quoi…

Yanis Varoufakis et Arnaud Montebourg n’ont rien promis. Mais leurs solutions, trop abstraites ou académiques sans doute, ont laissé l’auditoire dans l’attente.

Le “printemps de Frangy”, que le Grec appelait de ses voeux, n’a pas eu lieu.

Chapeau donc à Marie Simon !

Bonus :

(Et pareil, j’schuis sûr qu’il y a des ouvriers en jogging là-dedans… Alors oui, cool, on sent tout le mépris de la journaliste parisienne, inconsciente en plus de l’importance profonde de certains propos. Elle a peut-être une grand-mère journaliste qui se foutait bien de la gueule d’un colonel qui parlait sans arrêt dans le vide du problème des chars en 1937… )

Épilogue

Le très grand philosophe Bertrand Russell (dont nous reparlerons bientôt, père spirituel de Noam Chomsky, donc mon grand-père spirituel :) ) a joliment dit :

« Les hommes naissent ignorants et non stupides. C’est l’éducation qui les rend stupides. » [Bertrand Russell, (1872-1970)]

Je rajouterais : “ainsi que le journalisme moderne” – il me semble qu’on en a une jolie preuve ici…

Par chance, il faut des millions pour créer un journal, et je ne connais pas de milliardaire amoureux de la recherche de la Vérité… ;)

“Journaliste, je dépends de ceux qui possèdent les journaux. Attendre des représentants du capital qu’ils vous fournissent gracieusement des armes – c’est-à-dire en l’occurrence des journaux – pour s’élever contre une forme de société qui leur convient, et une morale qui est la leur, cela porte un nom : l’imbécillité. Mais la plupart de ceux qui travaillent dans les grands journaux sont, en gros, d’accord avec cette société et cette morale. Ils ne sont pas achetés ; ils sont acquis. La nuance est importante. Ceux qui ne sont pas achetés peuvent, en théorie, créer d’autres organes pour exprimer leurs vues. En pratique, les fonds nécessaires à la création d’une telle entreprise ne se trouvent pas dans les poches des révolutionnaires”. [Françoise Giroud]

 

P.S. Billet dédié à Noam Chomsky, qui a ouvert la voie… Ainsi qu’à la joyeuse équipe d’Acrimed, qui fait cet épuisant boulot (7 heures environ pour ces 2 billets pour info) au quotidien…

Source: http://www.les-crises.fr/journalisme-la-fabrique-du-silence/


Irène Frachon et les trente mousquetaires contre la “propagande” de Servier

Wednesday 2 September 2015 at 04:00

Parce que la propagande, ça ne touche pas que l’économie et la géopolitique…

Notre système est une publicité pour la nationalisation d’une partie de certains secteurs…

Au passage, je cherche une étude (ou livre ?) de Jean de Kervasdoué qui montre (évidement) que les labo pharmaceutiques développent des produits là où il y a des marchés rentables, et pas là où il y a des besoins… Merci !

Source : Anne Crignon, pour L’Obs, le 26 août 2015.

La pneumologue à l’origine de l’affaire du Mediator rappelle au corps médical le comportement inacceptable de Servier, resté leur interlocuteur “comme si de rien n’était”.

Michel Serres, Didier Sicard et Axel Kahn font partie des signataires de l'appel d'Irène Frachon. (AFP / MONTAGE OBS)

Michel Serres, Didier Sicard et Axel Kahn font partie des signataires de l’appel d’Irène Frachon. (AFP / MONTAGE OBS)

Le manifeste des Trente : c’est le nom du site que lance ce soir, mercredi 26 août, le docteur Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest à l’origine de l’affaire Mediator. Trente médecins, philosophes et autorités morales se joignent à elle pour “rappeler au laboratoire Servier et à la profession médicale leurs obligations légales et morales”.

Des leaders d’opinion comme André Grimadi, ancien chef du service de diabétologie à la Pitié-Salpêtrière ou le généticien Axel Kahn ; d’autres comme Christian Lehmann, médecin-bloggeur estimé, Michel Serres le philosophe, Roland Gori le psychanalyste ou Didier Sicard, spécialiste d’éthique médicale. Il y a aussi Eric Giacometti, auteur de polars avec Eric Ravenne, mais qui avant de quitter la presse fut l’un des rares journalistes français à enquêter dans l’ombre de l’industrie pharmaceutique et rendre publiques dans “Le Parisien”, des années avant “l’affaire”, d’effrayantes informations sur la maison Servier. Quant à Dominique Dupagne, généraliste et fondateur du très fréquentable site d’informations de santé indépendant Atoute.org, il est pour l’occasion “Monsieur web” parmi les trente mousquetaires d’Irène Frachon.

Les signataires en appellent à Hippocrate. Non à l’habituel Primum non nocere (Avant tout, ne pas nuire) mais au serment suivant, inscrit au fronton du manifeste : “J’interviendrai pour protéger les personnes si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité.” Ils incitent les partenaires de Servier, autrement dit les médecins et les sociétés savantes, à s’interroger sur le bien fondé de leurs collaborations.

Contre la “propagande” de Servier

Annette Beaumanoir, l’une des Trente, explique :

Pour avoir dirigé pendant 25 ans un service hospitalier j’ai pu mesurer l’impact de la  ’propagande’ (c’est le mot qui convient)  exercée sur le personnel  médical par les firmes pharmaceutiques.”

Elle poursuit :

Cette pratique commerciale, souvent déguisée en participation à l’éducation des médecins, obéit à des techniques publicitaires éprouvées dont l’influence sur leurs décisions thérapeutiques échappe à certains médecins, qui collaborent (j’en ai été rarement mais trop souvent) sans s’en rendre compte des procédés qu’ils condamnent.

J’approuve donc les termes du manifeste que j’ai signé en m’adressant mentalement à des  collègues et  amis dont je connais la probité et que je me désole de voir inconsciemment écornée par un manque de sévérité vis-à-vis de Servier.”

Les malades du Mediator sont depuis cinq ans traités avec une désinvolture sidérante, sur fond de ce que le docteur Frachon appelle “un déni du crime”.Ils sont maltraités par le fabricant dans leur démarche indemnitaire tandis que lui, comme avant l’affaire, demeure un sponsor majeur. Régulièrement, la presse reçoit des communiqués vantant la signature de partenariats avec des chercheurs étrangers. Un non-averti prendrait presque l’industriel pour un humaniste.

C’est au début de l’été, faisant suite à une nouvelle dérobade, que le docteur Frachon a eu l’idée de lancer ce manifeste. Servier a en effet refusé d’indemniser une patiente pourtant identifiée par le collège d’experts adossé à l’Oniam, comme ayant subi plusieurs opérations du cœur pour une valvulopatie au Mediator. Cette femme est irrémédiablement handicapée, essoufflée à vie. Le fabricant invoque “le manque de temps” pour examiner son dossier. L’ONIAM, organisme d’état chargé d’indemniser les victimes,  devrait, c’est  le principe, être ensuite remboursé par Servier. Et  voici qu’il  se heurte à son tour à une machine de guerre.  Pour le docteur Frachon, c’est la goutte d’eau.

Les victimes, leurs familles, leurs médecins-traitant, leurs défenseurs, des journalistes aussi, observent que la justice dans l’affaire Mediator est un fiasco. Les Trente dénoncent une “guérilla juridique qui désespère les malades dont certains sont mourants”. Faire traîner une procédure est facile quand on est riche à milliards et qu’on peut s’offrir les meilleurs avocats du moment, comme maître Temime, qui multiplient les actes de procédure pour asphyxier l’instruction. Ces juristes-là savent pousser légalement jusqu’à l’absurde les moyens existant pour gagner du temps. Les avocats de Servier ont si bien travaillé que la justice est bloquée.

Comme si de rien n’était

En dépit de tout cela, le corps médical se comporte envers le laboratoire comme si de rien n’était, comme si rien n’était arrivé. C’est là le cœur du manifeste. Les éléments sont pourtant nombreux pour affirmer que le fabricant avait conscience de laisser en circulation une molécule-soeur de ces amphétamines coupe-faim retirées du marché dans les années 90 pour cause de toxicité cardiaque. C’est ce que montre un article de “Pratiques ou les cahiers de la médecine utopique” paru l’hiver 1977 dans lequel le rédacteur parle – déjà – de dissimulation.

A se demander si cette étrange indulgence du milieu à l’égard de Servier ne serait pas, là encore, une histoire d’argent. Fondée par huit ingénieurs soucieux de rendre public le montant des sommes versées  par l’industrie pharmaceutique aux médecins, l’association Regards citoyens a recensé “les cadeaux et contrats” des praticiens entre janvier 2012 et juin 2014.

Le géant suisse Novartis (58 milliards de chiffre d’affaires) arrive premier avec la somme de 18,29 millions d’euros. Et qui est en deuxième position ? Le petit français Servier (4 milliards d’euros) avec 13,22 millions. A titre de comparaison, Sanofi, le numéro un français du médicament avec un chiffre d’affaires de plus de 33 milliards ne verse “que” 7 millions d’euros. Servier donne des millions aux médecins tandis qu’il renâcle à payer pour les cœurs abîmés des patients  Est-ce acceptable ?


La preuve des mensonges de Servier

Source : Anne Crignon, pour L’Obs, le 4 novembre 2011.

Dès 1977, la revue médicale “Pratiques” dénonçait l’escroquerie sur la nature du Mediator. Comment Servier pouvait-il ignorer ce que des médecins écrivaient déjà noir sur blanc ? Par Anne Crignon.

Molécule du Mediator dans "Pratiques" de février 1977. (Scan "Pratiques" - DR)

Molécule du Mediator dans “Pratiques” de février 1977. (Scan “Pratiques” – DR)

A l’hiver 1977, ”Pratiques ou les cahiers de la médecine utopique“, la revue du Syndicat de la médecine générale, publie un article de trois pages sur une pilule inconnue nommée Mediator, présentée  comme une nouveauté. Nouveau, ce médicament ? Pas vraiment, à en croire les rédacteurs de “Pratiques” qui – déjà – flairent l’arnaque.

“Mediator nous a demandé dix ans de recherche”, annonce le laboratoire Servier. A d’autres,  répliquent en substance les médecins de la revue : “Pourquoi Servier ne nous dit-il pas que son Mediator est, sur le plan chimique, un dérivé de l’amphétamine et un dérivé d’un autre produit de son laboratoire, l’anorexigène Pondéral ?”,  écrivent-ils. En d’autres mots, c’est un coupe-faim, et non pas un simple antidiabétique, dénoncent-ils plus de trente ans avant qu’éclate le scandale Servier.

L’article de la revue “Pratiques” de février 1977 intitulé : “les laboratoires Servier pour le Médiator” :

Et c’est cette vérité, dissimulée pendant trente ans, qui sera rétablie en 2008 par Irène Frachon au CHU de Brest, et ce malgré les mensonges réitérés du fabriquant.

Exhumée par Irène Frachon, la parenté entre la structure chimique de l'amphétamine et celle du Mediator.

Exhumée par Irène Frachon, la parenté entre la structure chimique de l’amphétamine et celle du Mediator. (Irène Franchon – DR)

Tout aussi stupéfiante, la clairvoyance du rédacteur de “Pratiques” qui redoute des complications sanitaires à venir : “Pour un  produit à vocation internationale qui se veut être prescrit des années en continu, écrit-il, il est indispensable que les prescripteurs soient prévenus de ce tout petit détail [le Mediator est une amphétamine et un coupe-faim: NDLR]. Pour mieux surveiller les réactions des malades par exemple. Les laboratoires Servier sont trop expérimentés en matière de lancement de produit pour ne pas y avoir pensé.  Alors… dissimulation volontaire ?”

Ainsi, la question à laquelle s’efforcent de répondre aujourd’hui trois juges d’instruction parisiens est posée dès 1977 par la revue on ne peut plus sérieuse d’un syndicat de généralistes.

Concernant la valeur thérapeutique du Mediator, “Pratiques” est tout aussi  sceptique. Le journal  incite les généralistes à ne pas se laisser embobiner par le baratin de Servier et ses longs argumentaires étayés de références biochimiques. “Ca fait sérieux ça fait honnête, poursuit le rédacteur. Mais il ne faut pas se laisser impressionner par la grandeur des mots. Les malades ne sont pas traités par des démonstrations chimiques, sur leur luxueux papier mais par des produits efficaces. “La revue estime que les généralistes ne disposent pas d’éléments nécessaires pour savoir si le médicament est efficace ou non. Et surtout, ils se méfient beaucoup d’un laboratoire  “champion de la promotion médicale,  c’est à dire de la publicité, de la relance postale, des courriers luxueux sur papier glacé, de la visite médicale”. Servier est – déjà – en 1975 au premier rang parmi les laboratoires pour le budget alloué aux visiteurs médicaux. Et l’article de “Pratiques” s’achève ainsi : “Et dans quelques années,  quand on commencera à avoir un petit bout de vérité, ça en fera des millions de boites de Médiator vendues. Et avec cet argent, les laboratoires Servier auront bien vécu.” CQFD.

Source: http://www.les-crises.fr/irene-frachon-et-les-trente-mousquetaires-contre-la-propagande-de-servier/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Gysi)

Wednesday 2 September 2015 at 00:32

Je profite de leur retour pour remercier Maxime pour le travail qu’il effectue sur les Miscellanées – sans lui je les aurais probablement arrêtées…

P.S. perso [Pas possible aujourd'hui]

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche : La seule inquiétude de Delamarche : le niveau de bêtise atteint par la banque centrale chinoise

Olivier Delamarche VS Marc Riez (1/2): Les marchés doivent-ils craindre le ralentissement de l’économie chinoise ? – 31/08

Olivier Delamarche VS Marc Riez (2/2): L’économie américaine doit-elle craindre le ralentissement économique chinois ? – 31/08

II. Philippe Béchade

La minute de Béchade: La période qu’on vit est pratiquement inédite

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (1/2): Comment expliquer la nervosité des marchés ? – 26/08

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (2/2): Quels seraient les impacts du relevement des taux américains sur les marchés mondiaux ? – 26/08

III. Jacques Sapir

Jacques Sapir VS Bruno Fine (1/2): Les marchés s’orientent-ils vers une tendance baissière durable ?- 01/09

Jacques Sapir VS Bruno Fine (2/2): Les politiques des banques centrales sont-elles toujours efficaces ? – 01/09

IV. Gregor Gysi

Grèce : Le chef de la gauche allemande dénonce le pillage de l’État Grec par l’Allemagne

Extraits de l’intervention de Gregor Gysi, chef de Die Linke (La gauche) devant le Bundestag le 18 août 2015, où il fustige le pillage de la Grèce par le gouvernement allemand, à commencer par la vente des 14 aéroports régionaux bradés à une société publique allemande pour un prix démesurément bas.


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

Vous noterez au passage que les médias parlent bien plus volontiers de “migrants” que de “réfugiés”, “familles” etc., formule bien plus déshumanisant – je pense que les médias n’ont pas osé utiliser “voyageurs” ou “globe-trotters”… Quand des personnes fuient l’Ukraine, je ne lis jamais que ce sont des “migrants”…

 

 

Quelqu’un a t il déjà lu “francophobe” pour un européiste ?

 

 

 

 

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-gysi/


Emeutes près du parlement à Kiev, au moins un policier mort et une centaine de blessés

Tuesday 1 September 2015 at 10:42

Tout va bien !

Vous aurez noté la relative discrétion de nos médias – pourtant ces images ne vous rappellent rien… ?

Source : Russia Today France, le 31 août 2015.

Les émeutes à Kiev

Les émeutes à Kiev en aout 2015 

Note Olivier Berruyer : bon, ok, ce sont les mêmes personnes qu’en février 2014 :

maidan euromaidan kiev ukraine protester manifestants fascistes néonazis nazis

MAIS ATTENTION, CELA N’A STRICTEMENT RIEN A VOIR - et ceux qui disent (et pensent !!!) le contraire sont des agents de la propagande russe “de sinistre mémoire des heures les plus sombres de notre histoire”

Au moins un mort et plus de 122 blessés suite aux affrontements entre forces de l’ordre ukrainiennes et nationalistes s’opposant à la loi prévoyant plus d’autonomie pour les républiques autoproclamées dans l’Est de l’Ukraine déchiré par la guerre.

17h39 GMT : La Russie s’est dite inquiète par l’explosion de la violence entre la police et les manifestants dans la capitale ukrainienne lundi, mais considère l’incident à Kiev comme «ses affaires internes», selon le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. «Bien sûr, nous condamnons de telles explosions de violence et les qualifions d’inacceptables. En tout cas, ce qui se passe en Ukraine est du ressort de leurs affaires internes», a-t-il déclaré aux journalistes.

17h17 GMT : L’Union européenne est préoccupée par l’aggravation de la situation à Kiev et a appelé toutes les parties «au calme» et «au dialogue», a souligné le service de presse de la Commission européenne en commentant les affrontements près du parlement ukrainien. De plus, le chef de la diplomatie européenne Fédérica Mogherini a émis le souhait que la violence à Kiev ne sape pas «la mise en œuvre des accords de Minsk».

17h07 GMT : Le président ukrainien Petro Porochenko a confirmé lors de la conférence de presse que le projet de modification de la Constitution du pays n’envisage pas de donner un statut particulier pour les régions de Donetsk et de Lougansk.

«Le projet de modification de la Constitution ne prévoit pas de statut spécial pour le Donbass. Je pense que c’est juste un cliché, devenu un instrument électoral pour certaines forces politiques, un outil de promotion nuisible contre les modifications de la Constitution, contre le président», a dit Porochenko lors de son discours au peuple ukrainien dans l’après-midi.

17h03 GMT : Le nom du journaliste français qui a été blessé lors des affrontements entre nationalistes et forces de l’ordre a été révélé : il s’agit d’Antoine Delaunay, photographe-pigiste indépendant. Il travaillait jusque-là dans le Donbass et était venu prendre des photos de la manifestation, mais au bout de 10 minutes il a reçu une pierre au visage.

17h03 GMT : Le premier-ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a estimé que les manifestants sont venus ne pas pour protéger la Constitution, mais pour la détruire et détruire l’Ukraine. «Ils sont pires que les bandits russes et les terroristes de l’Est du pays. Ces derniers ne font que faire semblant de lutter pour l’Ukraine», a-t-il déclaré.

16h22 GMT : Le site du ministère ukrainien de la Santé a rapporté que 21 personnes ont reçu des blessures par balle lors des émeutes à Kiev.

15h20 GMT : L’OSCE exprime son inquiétude suite à la blessure des journalistes durant les émeutes près du parlement ukrainien et appelle à ouvrir immédiatement une enquête sur cet incident, a déclaré le représentant autorisé de l’organisation sur les questions de la liberté des médias Dunja Mijatovic.

15h03 GMT : Le parquet de Kiev a ouvert une enquête à la suite des affrontements pour quatre motifs : assassinat, violences, émeutes massives et trouble à l’ordre public, annonce RIA Novosti. Plus tôt, le député du parlement Anton Guerachtchenko a déclaré que le ministère ukrainien de l’Intérieur a ouvert une enquête pénale, qualifiant l’explosion près de la Rada d’«acte terroriste».

14h28 GMT : Arsen Avakov, ministre ukrainien de l’Intérieur a accusé le parti «Svoboda» et son dirigeant Oleg Tiagnibok d’être à l’origine des affrontements près de la Rada ukrainienne lundi. «J’accuse Tiagnibok et Svoboda. C’est un crime, pas une ligne politique», a-t-il souligné en qualifiant les manifestants de «bandits».

14h16 GMT : Deux journalistes français ont été blessés lors des affrontements près du parlement ukrainien, a annoncé le ministre ukrainien de l’Intérieur Arsen Avakov cité par RIA Novosti. Ces deux journalistes couvraient les événements pour une chaîne de télévision et se trouvent pour l’instant à l’hôpital, a indiqué Arsen Avakov lors d’une conférence de presse.

Le maire de Kiev Vladimir Klitchko a annoncé que les affrontements entre la police et les manifestants ont fait des morts parmi les forces de l’ordre. Dans le même temps, le ministre ukrainien de l’Intérieur Arsen Avakov a déclaré qu’environ 122 personnes ont été blessés.

Attention : les images de cette vidéo peuvent heurter la sensibilité de certains spectateurs.

«J’ai reçu l’information qu’il y a des morts parmi les jeunes gens qui maintiennent la sécurité à Kiev, dans un bataillon de la Garde nationale. De jeunes gens ont péri», a annoncé Klitchko aux journalistes.

Une explosion s’est produite près du batiment du parlement : «Une grenade de combat a été lancée en direction des forces spéciales ukrainiennes. Certains agents de la Garde nationale ont été gravement blessés. Leur vie est en danger», a écrit Anton Guerachtchenko, un conseilleur du ministère ukrainien de l’Intérieur sur sa page Facebook.

Capture d'écran de la page Facebook https://www.facebook.com/anton.gerashchenko.7?ref=br_rs

Capture d’écran de la page Facebook https://www.facebook.com/anton.gerashchenko.7?ref=br_rs

La police de Kiev a annoncé que l’homme qui l’avait lancée a été interpellé.

Des tweets des journalistes et des témoins sur place rapportent que le groupe radical Secteur droit a violemment attaqué les policiers, tentant de s’emparer de leurs boucliers. Les manifestants ont agressé la police à l’aide de longs bâtons et ont jeté au moins une grenade fumigène, a rapporté RIA Novosti.

La loi controversée

La loi qui a été adoptée en première lecture par le parlement ukrainien et qui a provoqué ce mécontentement des nationalistes prévoit, entre autres, plus d’autonomie pour les régions du pays dans le domaine des finances, ainsi que la possibilité d’établir un «ordre spécial d’autogestion locale» dans les régions de Donetsk et de Lougansk.

Cette réforme constitutionnelle a été proposée par le président ukrainien Petro Porochenko dans le but de régler le conflit dans l’est du pays, conformément aux accords de Minsk qui prévoient l’élargissement de l’autonomie des régions en proie aux affrontements entre les forces gouvernementales et les milices populaires. Ces derniers ne sont pourtant pas satisfaits par la réforme proposée par Porochenko, ceux-ci voyant dans les accords de Minsk une autonomie encore plus importante pour eux.

Cependant, les républiques autoproclamées de l’Est de l’Ukraine estiment que la question de la décentralisation débattue au parlement ukrainien a peu à voir avec les réformes prévues par les accords de Minsk, a déclaré Denis Pouchiline, le représentant de la République autoproclamée de Donetsk au sommet au format Normandie à Minsk.

«La loi débatue au parlement ukrainien ressemble à une série de mesures sur la mise en œuvre des accords de Minsk. Ce n’est pas la réalisation des mesures, mais son interprétation libre», a souligné Pouchiline, en ajoutant que cette loi ne satisfait pas la République autoproclamée de Donetsk car «on a une nette compréhension de la façon dont la réforme doit être effectuée et à quoi doit ressembler la loi», selon laquelle la république doit pouvoir organiser ses propres élections.

Mais il y a un autre acteur dans le débat qui ne souhaite pas du tout donner de statut spécial au Donbass, la zone historique qui comprend les régions de Donetsk et de Lougansk : les partis nationalistes ukrainiens. Sans que le statut spécial ne soit même discuté au parlement, les manifestants qui sont descendus dans les rues de la capitale ukrainienne étaient prêts à en découdre, la possibilité d’une autonomie accrue du Donbass étant inenvisageable à leurs yeux.

Source: http://www.les-crises.fr/emeutes-pres-du-parlement-a-kiev-au-moins-un-policier-mort-et-une-centaine-de-blesses/


Revue de presse du 01/09/2015

Tuesday 1 September 2015 at 00:01

Dans la revue cette semaine, le pétrole à toutes les sauces, la démocratie là où on l’attend et où on ne l’attend pas, des stratégies monétaires et financières, les Mistral et les légumes… Merci à nos contributeurs et bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-01092015/


Le trou noir financier : Origine et destinée, par Dmitry Orlov

Monday 31 August 2015 at 00:16

Il y a quelque temps, j’ai eu le plaisir d’entendre Sergey Glazyev – économiste, homme politique, membre de l’Académie des sciences, conseiller du Président Poutine – dire quelque chose qui confirme complètement ma propre pensée. Il a dit que tous ceux qui connaissent les mathématiques peuvent voir que les États-Unis sont au bord de l’effondrement parce que leur dette a augmenté de façon exponentielle.

Ce ne sont pas des mots qu’un Américain ou un homme politique européen peut proférer en public, et peut-être même pas chuchoter à leur moitié sous la couette, parce que les oreilles indiscrètes américaines pourraient les entendre. Puis l’homme politique en question obtiendrait le traitement de Dominique Strauss-Kahn (dont la carrière illustre s’est terminée lors d’une visite aux États-Unis, où il a été faussement accusé de viol et arrêté). Et donc aucun politicien européen (et à fortiori américain) ne peut énoncer une évidence, peu importe sa force.

Les Russes ne l’ont que trop bien compris à ce jour. Oui, le maintien d’un dialogue et de relations cordiales avec les Européens est important. Mais il est bien entendu que les Européens ne sont qu’un tas de marionnettes américaines sans volonté ou capacité de prise de décision autonome. Alors pourquoi ne pas parler aux Américains directement? Hélas, les Américains sont aussi des marionnettes. Les fonctionnaires et les politiciens américains sont définitivement des marionnettes, contrôlées par les lobbyistes des entreprises et des oligarques œuvrant dans l’ombre. Mais voici une nouvelle sensationnelle : ce sont, eux aussi, des marionnettes contrôlées par les simples impératifs de rentabilité et de préservation de la richesse. En fait, toute la hiérarchie est un jeu de marionnettes. Et ce qui sous-tend l’ensemble est un trou noir financier gigantesque en constante expansion.

Aimez-vous votre trou noir? Si vous n’êtes pas sûr de l’aimer, laissez-moi vous poser quelques autres questions. Aimez-vous le fait que vos cartes de crédit fonctionnent toujours, ou que vous pouvez toujours garder de l’argent à la banque et même obtenir de l’argent à un distributeur de billets ou recevoir – ou espérer recevoir – éventuellement une pension? Aimez-vous le fait que vous pouvez obtenir des choses utiles comme de la nourriture, du gaz, des billets d’avions, contre de simples morceaux de papier imprimés avec des images d’hommes blancs morts? Aimez-vous le fait que vous avez accès à Internet, que les lumières sont allumées et qu’il y a de l’eau au robinet? Eh bien, si vous aimez ces choses, alors vous devez aussi aimer le trou noir financier, car c’est lui qui rend toutes ces choses possibles malgré la faillite de votre pays. Peut-être que c’est une relation d’amour-haine : vous aimez être en mesure de prétendre que tout va bien, même si vous savez que ce n’est pas le cas, et vous souhaitez profiter un peu plus du business as usual avant que l’enfer ne s’abatte sur nous, que ce soit pour quelques jours ou pour un an ou deux; mais vous détestez le fait que finalement le trou noir vous aspirera, après quoi les choses vont définitivement… couler.

Aux États-Unis, jusqu’à présent, le trou noir suce la moelle des familles individuelles (bien qu’il suce aussi parfois des villes entières, comme Detroit, Michigan, ou Bakersfield, Californie, ou Camden, New Jersey). Avec l’aide du racket à l’hypothèque frauduleuse[subprimes, NdT], il suce aussi les maisons, et les recrache rechargées de mauvaises dettes. Avec l’aide de l’industrie médicale, il suce les personnes malades et les recrache ruinées. Avec l’aide du racket de l’enseignement supérieur, il aspire l’espoir des jeunes, et les recrache diplômés mais avec des diplômes sans valeur et aux prises avec une dette étudiante vertigineuse. Avec l’aide du complexe militaro-industriel, il aspire à peu près tout et recrache des cadavres, des invalides, des dommages environnementaux, des terroristes et une instabilité mondiale, etc…

Mais le trou noir peut également aspirer des pays entiers. Actuellement, il est occupé à essayer de sucer la Grèce, mais c’est un moment difficile, parce que la Grèce est, malgré tout, une démocratie. Cela met les marionnettes du trou noir dans un drôle d’état à l’heure actuelle, et elles commencent à réclamer unchangement de régime en Grèce, pour que la Grèce soit obligée de capituler devant le trou noir affamé.

La façon dont le trou noir aspire des pays entiers se présente comme suit. Si le trou noir n’a pas pu aspirer depuis quelques temps, il a faim et met les marchés financiers en chute libre. Les instruments financiers des pays qui se trouvent être les plus loin du trou noir, sur la périphérie, tombent plus vite. A la recherche d’un refuge sûr, l’argent sort violemment de ces pays vers les pays du centre qui sont regroupés, serrés autour du trou noir : les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et quelques autres. Le trou noir engloutit cet argent, mais il a encore faim [l’appétit vient en mangeant…, NdT]. Et comme les pays de la périphérie sont maintenant financièrement trop faible pour résister, ils peuvent facilement être transformés en fourrage à trou noir. Cela se fait par la vente à la découpe du pays avec une dette extérieure qui ne pourra jamais être remboursée, puis en forçant à continuer à payer cette dette en en faisant une condition impérative pour maintenir la bouée de sauvetage financière, qui garde les banques ouvertes, les distributeurs automatiques de billets remplis, les lumières allumées, etc…[tout ce que vous avez aimé précédemment, NdT]. Pour être en mesure d’effectuer les paiements, le pays est contraint de démanteler son économie et sa société à travers l’imposition de l’austérité, de tout privatiser, en vue d’en faire des garanties pour plus de prêts, et d’abandonner sa souveraineté à des organisations transnationales, comme le FMI et la BCE, qui sont directement impliquées dans les soins et l’alimentation du trou noir.

Vous pourriez demander : qui est responsable de tout cela ? Si tout est le fait du trou noir, des marionnettes payées pour le soigner et l’engraisser, et de ses malheureuses victimes, alors qui prend les décisions? Eh bien, il se trouve que le trou noir a des émotions. Mais il est aussi très, très stupide. Il impose sa volonté en détruisant l’esprit de ses marionnettes – en les rendant incapables de comprendre certaines choses. Cependant, la bêtise est une épée à double tranchant, et en renforçant sa volonté de cette manière, le trou noir contrecarre également son propre but.

Par exemple, il y a quelque temps, le trou noir est tombé sur un gros morceau qu’il voulait aspirer, mais il n’a pas pu. Le morceau s’appelle Fédération de Russie. Il contrôle un territoire énorme, plein de toutes sortes de ressources naturelles que le trou noir aimerait transformer en garanties de prêt pour les aspirer. Le problème est qu’il est plein de Russes, qui sont un peuple auquel il est difficile de faire face quand on est une marionnette du trou noir. Ils ne cessent de dire aux marionnettes de garder leurs orteils de l’autre côté de la ligne rouge, là-bas, et si elles ne le font pas, ils ont tendance à enlever le cran de sûreté de leurs fusils, mettant fin à toute nouvelle discussion.

Cette situation appelle à la négociation, mais le trou noir, qui, comme je l’ai mentionné, est très, très stupide, n’a qu’une seule tactique de négociation. Il pose ses exigences, et attend de l’autre qu’il capitule. Si cela ne fonctionne pas, il applique une pression : impose des sanctions, attaque la monnaie, complique les transactions financières, bloque les actifs du pays à l’étranger, ainsi de suite – et attend que l’autre côté capitule. Et si cela ne fonctionne pas non plus, alors le pays est bombardé et mis en pièce par l’Otan ou, si l’Otan ne veut pas venir, par les États-Unis seuls. Cela fonctionne en général, mais pas dans le cas de la Russie. Mais le trou noir, si vous vous souvenez, est très, très stupide. Il continue à essayer par tous les moyens. Cette méthode déforme l’esprit de ses marionnettes, jusqu’au point où elles ne comprennent plus du tout ce qui se passe.

Par exemple, tout le monde sait maintenant que les pressions sur la Russie ne fonctionnent pas : selon la troisième loi de Newton, toute action entraîne une réaction égale et opposée, et la Russie est assez forte pour que la poussée ne provoque pas de déplacement du tout – mais cause seulement des dommages à ceux qui poussent. C’est comme essayer de changer l’orbite de la Terre en sautant d’une chaise tout en gardant les jambes raides, ce qui est juste un bon stratagème pour nécessiter des soins médicaux. En fait, les Russes sont plutôt reconnaissants pour les sanctions, parce que maintenant, ils ont une bonne raison de devenir enfin sérieux dans leurs investissements pour le développement économique national et pour l’autosuffisance. Mais les marionnettes, ayant eu l’esprit tordu par le trou noir, ne peuvent pas voir qu’en continuant à pousser, elles détruisent leurs propres économies dans le processus. Mais comme les sanctions ne fonctionnent pas [il faut les continuer, NdT], il est temps de passer à l’option militaire. Cela nécessite de concocter un casus belli, une raison d’aller à la guerre. Le trou noir hallucine : la Russie a envahi la Crimée! C’est sûr, mais il y a quelques centaines d’années de cela, puis elle est demeurée russe jusque là, et plus récemment, sur la base d’un accord international, mais qu’importe! (Oh, et juridiquement la Crimée n’a jamais réellement fait partie de l’Ukraine parce que Nikita Khrouchtchev a bâclé la paperasse de la donation.) OK, qu’à cela ne tienne, mais alors la Russie a envahi l’Ukraine! – tous les jours contenant la lettre D, comme day, mais la Russie est très sournoise et retire ses troupes avant que quiconque puisse prendre une seule photo d’eux là-bas. OK, soit, mais alors la Russie est prête à envahir l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie et peut-être aussi la Pologne. Envahir comment? Tu veux dire comme prendre un bus pour le festival de musique de Jurmala [ville lettone, NdT]? Considérez que c’est fait, mais le festival est déjà terminé et les envahisseurs fans de musique sont de retour à la maison. OK, cela se tient. Mais les marionnettes continuent à crier à l’agression russe! Encore et encore. Ce sont les dommages au cerveau causés par la proximité du trou noir.

Regardez ce pauvre gars, par exemple. Il continue en aboyant, Agression russe! Agression russe!, tout en essayant de s’apaiser par la caresse de la croupe de son veau d’or. Que Dieu lui vienne en aide!

Retour à la réalité : les pauvres marionnettes sont incapables de comprendre qu’il n’y a aucune option militaire quand on s’attaque à la Russie. Il s’agit d’une puissance nucléaire avec un excellent moyen de dissuasion stratégique, un territoire bien défendu, et aucune intention agressive contre quiconque. Mais les marionnettes, avec leurs esprits malades, ne peuvent pas le voir, et donc elles empilent différentes sortes de vieilleries militaires obsolètes le long des frontières de la Russie, et en sont même à menacer de positionner en Europe des missiles nucléaires Pershing de moyenne portée totalement obsolètes. Ils sont obsolètes parce que les Russes ont maintenant le système S-500 pour les abattre tous. L’option militaire ne peut tout simplement pas fonctionner, mais ne le dites pas aux marionnettes qui ne peuvent pas absorber de telles informations sans subir d’autres dommages neurologiques.

Retour à la Grèce : la Grèce est minuscule, certainement pas la puissante Russie, mais elle a néanmoins refusé de capituler devant les exigences du trou noir. On lui a demandé de détruire complètement sa société et son économie comme condition pour maintenir les bouées de sauvetage financier du FMI et de la BCE. Ce qui est gênant pour le trou noir et ses marionnettes, c’est que la Grèce n’est pas un pays obscur du tiers-monde peuplé par des gens à la peau foncée dont vous ne voudriez pas pour marier votre fille, mais une nation européenne qui est le berceau de la civilisation et de la démocratie européennes. La Grèce a réussi à élire un gouvernement qui a tenté de négocier de bonne foi, mais les marionnettes ne négocient pas, elles exigent, menacent et causent des dommages jusqu’à ce qu’elles obtiennent gain de cause ou jusqu’à ce que leurs têtes explosent.

Ça va être intéressant à regarder. Si le trou noir ne réussit pas à sucer la Grèce, alors quel pays sera le prochain? L’Italie, l’Espagne ou le Portugal? Et, comme ce processus continue, à quel moment y aura-t-il assez de gens pour dire que ça suffit? Parce que quand ils le feront, le trou noir va se ratatiner. Ce n’est pas un vrai trou noir qui est constitué de matière si dense que son champ gravitationnel piège même la lumière. C’est un faux trou noir, composé de la cupidité combinée de tout le monde. Il est basé sur la cupidité et la peur tout autour de lui, et il se maintient en se nourrissant de la peur. S’il peut continuer à sucer les personnes, les familles et des pays entiers, il peut garder l’avidité de son noyau vivant, mais s’il ne le peut pas, alors l’avidité va se changer en peur, et le trou noir va imploser et mourir. Et je souhaite que quand il mourra toutes ses marionnettes avec leurs lésions cérébrales se réveillent, réalisent à quel point elles se sont trompées, et aillent chercher quelque chose d’utile à faire, comme élever des moutons, cultiver des légumes, ramasser des palourdes …

Traduit par Hervé, relu par jj pour le Saker Francophone.

Source : Dmitri Orlov, pour Club Orlov, le 30 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/le-trou-noir-financier-origine-et-destinee-par-dmitry-orlov/


Associated Press va se servir de robots pour écrire certains articles sur les entreprises

Sunday 30 August 2015 at 00:06

L’avenir du journalisme… :)

par Andrew Beaujon

L’agence Associated Press annoncera lundi qu’elle prévoit d’utiliser une technologie d’automatisation fournie par l’entreprise Automated Insights pour produire des dépêches sur les rapports d’activité. Avec ce logiciel, « au lieu de fournir 300 articles manuellement, nous pouvons en fournir automatiquement chaque trimestre jusqu’à 4 400 au sujet d’entreprises de l’ensemble des États-Unis », écrit Lou Ferrara, directeur de la rédaction d’AP, dans une série de questions-réponses.

Cela n’implique pas de suppression d’emplois ou une couverture moins large, selon Ferrara : « La seule chose que nous faisons, c’est doubler la mise sur le travail journalistique que nous réalisons sur les rapports d’activité et la couverture des sociétés. » À la place, écrit Ferrara, « nos journalistes se concentreront sur la rédaction d’articles sur la signification de ces chiffres et sur ce qui se dit pendant la conférence le jour de leur publication. Ils vont identifier des tendances et dénicher des informations exclusives que nous pourrons publier au moment des rapports d’activité. »

Les données des articles viendront de Zacks Investment Research. Associated Press utilise l’automatisation pour produire une « grosse part » de sa couverture sportive depuis des années, écrit Ferrara. En mai, Associated Press a annoncé avoir accepté de vendre sa participation dans STATS LLC, qui produit des données sportives. AP a participé à une phase de financement récente d’Automated Insights.

« Nous avons renversé le modèle standard de création de contenu », a déclaré le PDG d’Automated Insights, Robbie Allen, dans une interview avec Sam Kirkland du Poynter en début d’année. « Le mode standard de création de contenu, c’est de se dire “J’espère qu’un million de personnes vont le lire.” Notre modèle est à l’opposé. Nous voulons créer un million de brèves, avec un individu qui lirait chaque copie. »

Les informations paraîtront en juillet. Elle contiendront la mention suivante : « produit automatiquement avec du matériel fourni par Zacks, » a déclaré Ferrara.


Source : Poynter

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

 

Source: http://www.les-crises.fr/associated-press-va-se-servir-de-robots-pour-ecrire-certains-articles-sur-les-entreprises/


Confessions d’un assassin économique, par John Perkins

Saturday 29 August 2015 at 01:27

Nous vous proposons deux vidéos à propos du livre de John Perkins, Les confessions d’un assassin économique, sorti en 2004. La deuxième vidéo va un peu plus loin que la première sur le sujet.


Confessions d’un assassin economique John Perkins


Confessions d’un assassin financier – John…

Nous vous proposons avec un cela un article à propos de son livre, puis un second relatant une interview de Perkins à propos de la situation grecque actuelle.

CONFESSIONS D’UN “ASSASSIN FINANCIER”

Source : Blog Médiapart, le 23 septembre 2010.

En 2006 est paru un article du Dr Andreas Mylaeus sur la sortie de l’autobiographie d’un homme, John Perkins (Confessions d’un assassin financier_alTERRE, 2005), dont je remercie Mr SALVON, Chef des Travaux, de m’avoir mis sur la piste :

Dans cette autobiographie captivante, l’auteur raconte comment, ancien serviteur empressé de l’«empire global», il est devenu un défenseur des droits de l’homme et des peuples opprimés.

Recruté en tant qu’agent infiltré en 1971, à l’âge de 26 ans, par laNational Security Agency (NSA) américaine et salarié par la société-conseil internationale Chas. T. Main, il a voyagé de par le monde: Indonésie, Panama, Equateur, Colombie, Arabie saoudite, Iran et autres pays d’importance stratégique.

Sa mission était de mettre en œuvre des mesures politiques à l’aide d’études de faisabilité et de projections de croissance économique en apparence scientifiquement fondées mais manipulées, cela afin de promouvoir les intérêts de ce qu’il appelle la «corporatocratie» (coalition de gouvernements, de banques et d’entreprises) américaine et internationale, sous prétexte de lutte contre la pauvreté. Mesures politiques qui ont monté beaucoup de peuples contre les Etats-Unis et ont, entre autres, finalement abouti aux événements du 11 septembre 2001.

Le récit de Perkins nous montre jusqu’où lui et ses collègues – qui se nomment eux-mêmes des «assassins financiers» (economic hit men) – étaient prêts à aller. Il explique par exemple comment il a contribué à réaliser des plans secrets qui ont amené des pays du tiers-monde fortement endettés à se soumettre aux intérêts militaires, politiques et économiques de «l’empire global» ou fait revenir des milliards de pétrodollars d’Arabie Saoudite dans l’économie des Etats-Unis.

Il met au jour les mécanismes du contrôle impérial cachés derrière plusieurs événements dramatiques de l’histoire récente comme la chute du shah d’Iran, la mort du président de l’Equateur Jaime Roldos, le 24 mai 1981, et du président du Panama Omar Torrijos, le 31 juillet 1981, les invasions, par les Etats-Unis, du Panama le 20 décembre 1989 et de l’Irak durant les premiers mois de 1991.

Formation des «assassins financiers»

«Les «assassins financiers» sont des professionnels grassement payés qui escroquent des billions de dollars à divers pays du globe. Ils dirigent l’argent de la Banque mondiale, de l’Agence américaine du développement international et d’autres organisations «humanitaires» vers les coffres de grandes compagnies et vers les poches de quelques familles richissimes qui contrôlent les ressources naturelles de la planète. Leurs armes principales sont les rapports financiers frauduleux, les élections truquées, les pots-de-vin, l’extorsion, le sexe et le meurtre. Ils jouent un jeu vieux comme le monde mais qui a atteint des proportions terrifiantes en cette époque de mondialisation.»

En 1971, alors qu’il avait 26 ans et après son recrutement par la NSA, Perkins est devenu, sous la houlette d’une formatrice, un assassin financier. Ses missions étaient, entre autres, les suivantes:

«Premièrement il devait justifier d’énormes prêts internationaux dont l’argent [provenant des pays en voie de développement qui recevaient des prêts] serait redirigé vers MAIN et d’autres compagnies américaines (comme Bechtel, Halliburton, Stone & Webster et Brown & Root) par le biais de grands projets de construction et d’ingénierie. Deuxièmement, il devait mener à la banqueroute les Etats qui recevaient ces prêts (après qu’ils avaient payé MAIN et les autres entreprises américaines, évidemment) de sorte qu’ils seraient à jamais redevables à leurs créanciers et constitueraient donc des cibles faciles quand on aurait besoin d’obtenir leurs faveurs sous la forme de bases militaires, de votes aux Nations unies ou de l’accès au pétrole et à d’autres ressources naturelles.»

Exemple de l’Equateur

Depuis que les assassins financiers ont introduit en Equateur les «bienfaits» de l’économie moderne, des banques et de l’ingénierie, le pays se porte beaucoup plus mal. Depuis 1970, donc durant la période dite par euphémisme celle du boom pétrolier, le niveau de pauvreté officiel est passé de 50% à 70%, le sous-emploi, c’est-à-dire le chômage, de 15% à 70% et la dette publique de 240 millions à 16 milliards de dollars. En même temps, la part des ressources nationales allouée aux plus pauvres est passée de 20% à 6%. Et l’Equateur n’est pas une exception. Presque tous les pays que les assassins financiers ont placés sous la «protection» de l’empire global ont connu un sort analogue. La dette du tiers-monde est maintenant de deux billions et demi de dollars et sa gestion, en 2004, coûte environ 375 milliards par an, soit plus que les dépenses totales du tiers-monde en matière de santé et d’éducation, et vingt fois plus que ce que les pays en voie de développement reçoivent au titre de l’aide au développement.

La subtilité des moyens utilisés pour créer cet empire moderne aurait fait rougir de honte les centurions romains, les conquistadors espagnols et les puissances coloniales européennes des XVIIIe et XIXe siècles. Les assassins financiers sont rusés, ils ont su tirer les leçons de l’histoire.

Aujourd’hui, on ne porte plus ni armure ni costume distinctif. Dans des pays comme l’Equateur, le Nigeria ou l’Indonésie, ils sont vêtus comme les enseignants ou les boutiquiers. A Washington et à Paris, ils se confondent avec les bureaucrates et les banquiers. Ils ont l’air modeste et normaux. Ils visitent les sites des projets et se promènent dans les villages appauvris.

Ils professent l’altruisme et parlent aux journaux locaux de leurs merveilleuses réalisations humanitaires. Ils arrosent de leurs bilans et de leurs projections financières les commissions gouvernementales et donnent des cours sur les miracles de la macroéconomie à la Harvard Business School.

Ils avancent à découvert et on les accepte tels qu’ils sont. C’est ainsi que le système fonctionne. Ils commettent rarement des actes illégaux, car le système lui-même repose sur le subterfuge et est légal par définition.

Les étapes de l’escalade

Cependant – et c’est là une restriction importante – s’ils échouent, des individus plus sinistres encore entrent en scène, ceux que les assassins financiers appellent les «chacals», qui sont les héritiers directs des empires de jadis. Ils sont toujours présents, tapis dans l’ombre. Quand ils sortent, des chefs d’Etat sont renversés ou meurent dans des «accidents». Et si par hasard les chacals échouent, comme en Afghanistan ou en Irak, les vieux modèles resurgissent: de jeunes Américains sont envoyés au combat, pour tuer et pour mourir.

Depuis la fin des années 60, l’exploitation pétrolière du bassin équatorien a conduit au bradage des ressources nationales. Le petit cercle de familles qui dirigeaient l’Equateur était tombé dans le piège des banques internationales. Ces familles ont fait contracter à leur pays d’énormes dettes suite aux promesses de futurs revenus pétroliers.

Jaime Roldos, avocat et professeur d’université d’environ 30 ans fut élu président de l’Equateur en 1979 parce qu’il croyait au droit des pauvres et à la responsabilité des politiciens quant à l’exploitation des ressources. Il n’était pas communiste mais défendait le droit de son pays à décider de son destin. Il n’était lié ni à la Russie ni à la Chine et il n’était pas – comme Allende – membre de l’internationale socialiste. Il était nationaliste mais pas anti-américain. Il n’était tout simplement pas corrompu.

Au début de 1981, le gouvernement Roldos présenta au Congrès équatorien sa nouvelle loi sur les hydrocarbures. Si celle-ci était appliquée, elle réformerait les relations de l’Equateur avec les compagnies pétrolières. Selon certains critères, elle était considérée comme révolutionnaire. Son influence s’étendrait bien au-delà de l’Equateur, à une grande partie de l’Amérique latine et ailleurs dans le monde.

Quelques semaines après avoir présenté son projet de loi au Congrès, Roldos mourut dans un accident d’hélicoptère le 24 mai 1981. Pour Perkins, il ne fait aucun doute que la mort de Roldos n’était pas un accident. Elle présentait tous les signes d’un assassinat orchestré par la CIA et il était évident que l’on voulait ainsi transmettre au monde le message selon lequel l’empire global ne tolérait pas des exemples que pourraient suivre d’autres pays aimant la liberté.

L’exemple de Panama

Panama est un autre exemple de cette politique. Bien que l’importance du canal, à cause des dimensions des bateaux modernes, eût diminué et que Panama ne possédât pas de richesses minières, l’empire global ne pouvait pas tolérer que ce pays de deux millions d’habitants prenne en main son propre destin. Le président Omar Torrijos fut assassiné parce qu’il voulait diminuer l’influence de la corporatocratie et devenir ainsi un exemple pour d’autres pays comme l’Equateur et le Venezuela.

Le processus démocratique initié par Roldos, Torrijos et d’autres donnait trop de pouvoir aux peuples concernés face à l’empire global. C’est pourquoi deux présidents sont morts et ce qu’ils avaient commencé a été anéanti.

Pendant trois décennies, des milliers d’hommes et de femmes ont contribué à créer la situation précaire dans laquelle se trouve l’Equateur au début du troisième millénaire.

Certains avaient, tout comme Perkins, agi sciemment, mais la plupart avaient simplement mis en œuvre ce qu’on leur avait appris dans les écoles de commerce, d’ingénierie et de droit ou avaient suivi l’exemple de gens comme Perkins, qui faisaient la démonstration du système par leur propre cupidité et par les récompenses ou punitions destinées à le perpétuer.

Les récompenses consistaient en rémunérations, primes, pensions et polices d’assurance; les menaces résidaient dans la pression exercée par les groupes sociaux sur les individus et dans les inquiétudes quant à l’avenir de leurs enfants, notamment à leur éducation.

Fragilité du système monétaire soutenu par le dollar

En dernière analyse, selon Perkins, l’empire global dépend largement du fait que le dollar est la principale monnaie internationale. Ainsi les Etats-Unis prêtent de l’argent à des pays comme l’Equateur tout en sachant très bien que ces derniers ne pourront jamais le rembourser. En fait, ils ne veulent pas qu’ils paient leurs dettes, puisque c’est ce non-paiement qui leur procure une influence sur ces pays.

Dans des conditions normales, les Etats-Unis risqueraient de finir par épuiser leurs propres fonds, car aucun créancier ne peut se permettre d’avoir trop de débiteurs qui ne le remboursent pas. Mais nous ne sommes pas dans des conditions normales. Les Etats-Unis émettent des billets qui ne sont pas couverts par de l’or. En fait, cette monnaie n’est couverte que par la confiance internationale dans l’économie américaine et dans la capacité des Etats-Unis à gérer les forces et les ressources de l’empire global – si nécessaire, par la force – de façon à ce qu’elles servent leurs intérêts.

Tant que le monde acceptera le dollar comme monnaie internationale, l’énorme dette publique des Etats-Unis ne posera aucun problème sérieux à la corporatocratie.

Toutefois si jamais une autre monnaie venait remplacer le dollar et que certains créanciers des Etats-Unis (le Japon ou la Chine, par exemple) décidaient de réclamer leur dû, la situation changerait dramatiquement. Les Etats-Unis se trouveraient soudain dans une situation très précaire.

Perkins pense que la véritable histoire de l’empire global a d’une manière générale quelque chose à voir avec nous-mêmes. Et cela explique évidemment pourquoi nous avons autant de peine à aborder l’histoire véritable. Nous préférons croire au mythe selon lequel la société humaine, après des milliers d’années d’évolution, a finalement créé un système économique idéal plutôt que de reconnaître qu’il s’agit d’une idée fausse érigée en parole d’évangile.

Nous nous sommes mis en tête que toute croissance économique bénéficiait à l’humanité et que plus cette croissance était importante, plus les bénéfices en étaient répandus.

Et pour finir, nous nous sommes persuadés que le corollaire de cette idée était valable et moralement juste, c’est-à-dire que les gens qui excellent à stimuler la croissance économique doivent être félicités et récompensés, alors que ceux qui sont nés en marge de l’opulence sont disponibles pour être exploités.

Non aux théories du complot

Il serait commode de rejeter la faute sur un complot, mais nous ne le pouvons pas. L’empire global dépend de l’efficacité des grandes banques, des grands groupes et des gouvernements – de la corporatocratie – mais il n’y a pas de conspiration.

La corporatocratie, c’est nous-mêmes qui en permettons l’existence et c’est pourquoi la plupart d’entre nous avons du mal à nous y opposer. Nous préférons imaginer des conspirateurs tapis dans l’ombre parce que nous travaillons presque tous pour l’une de ces banques, de ces sociétés ou l’un de ces gouvernements ou en dépendons pour les biens et services qu’ils produisent et commercialisent. Comment mordre la main qui nous nourrit?

Perkins compare la situation actuelle à celle des colons américains qui, contre la théorie du mercantilisme, se sont décidés pour l’indépendance et se sont opposés à l’Empire britannique.

On les avait pourtant convaincus qu’il valait mieux pour tout le monde que l’ensemble des ressources soient acheminées vers le roi d’Angleterre. Ils ont finalement compris que ce système ne faisait qu’enrichir les riches au détriment des pauvres.

Pour une humanité qui va sur la Lune, qui a démantelé le système soviétique, qui vend des produits tels que Nike, McDonald’s ouCoca-Cola aux pauvres du monde entier comme autant de symboles du progrès et qui est capable de créer dans le monde entier des infrastructures pour ces entreprises, il ne devrait pas être difficile de résoudre les problèmes qui se présentent.

Ce ne sont pas les réseaux internationaux de communication et de distribution qui manquent. Ce qu’il nous faut, c’est une révolution de l’éducation qui nous amène, nous et nos enfants, à penser de manière indépendante, à mettre en question les explications toutes faites et à oser sortir des chemins battus de la pensée et de l’action pour nous mettre ensemble et créer des alternatives au système actuel.

Est-ce encore possible?


Un assassin financier parle : John Perkins explique comment la Grèce a été victime des «assassins financiers»

Source : Le Saker Francophone, le 2 juillet 2015.

Cet article, publié en septembre 2014, a été exhumé le 2 juillet par ZeroHedge, puis repris le lendemain par le Saker original. Il garde toute son actualité – même après la victoire du non au référendum grec le 5 juillet 2015.

Le Saker francophone

Par Michael Nevradakis – Le 11 septembre 2014 – Source Truthout

John Perkins, auteur des Confessions of an Economic Hit Man [Confessions d’un assassin financier], explique comment la Grèce et d’autres pays de l’eurozone sont devenus les nouvelles victimes des assassins financiers.

John PerkinsJohn Perkins est un habitué des confessions. Son célèbre livre, Confessions of an Economic Hit Man, a révélé comment les organisations internationales, telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, tout en prétendant publiquement sauverles pays et les économies en souffrance, leurrent plutôt leurs gouvernements en les appâtant : en promettant une croissance surprenante, de superbes infrastructures et un avenir de prospérité économique – tout ce qui arriverait si ces pays empruntaient des sommes énormes à ces organisations. Loin d’atteindre une croissance économique galopante et le succès, ces pays au contraire s’effondrent sous le poids de dettes écrasantes et insoutenables.

C’est ici que les assassins financiers entrent en scène : des hommes apparemment ordinaires, dont la situation est ordinaire, se rendent dans ces pays et y imposent les sévères politiques d’austérité prescrites par le FMI et la Banque mondiale commesolutions aux difficultés économiques qu’ils connaissent maintenant. Les hommes comme Perkins ont été formés à presser chaque dernière goutte de richesse et de ressources de ces économies malades, et continuent à le faire à ce jour. Dans cette interview, diffusée sur Dialogos Radio, Perkins explique comment la Grèce et l’eurozone sont devenus les nouvelles victimes de ces assassins économiques.

Michael Nevradakis – Dans votre livre, vous décrivez comment vous avez été pendant de nombreuses années ce qu’on appelle un assassin financier. Qui sont ces tueurs à gage économiques et que font-ils?

John Perkins – Pour l’essentiel, mon boulot consistait à identifier les pays détenant des ressources qui intéressent nos multinationales, et qui pouvaient être des choses comme du pétrole, ou des marchés prometteurs, des systèmes de transport. Il y a tant de choses différentes. Une fois que nous avions identifié ces pays, nous organisions des prêts énormes pour eux, mais l’argent n’arriverait jamais réellement à ces pays; au contraire, il irait à nos propres multinationales pour réaliser des projets d’infrastructures dans ces pays, des choses comme des centrales électriques et des autoroutes qui bénéficiaient à un petit nombre de gens riches ainsi qu’à nos propres entreprises. Mais pas à la majorité des gens qui ne pouvaient se permettre d’acheter ces choses, et pourtant ce sont eux qui ployaient sous le fardeau d’une dette énorme, très semblable à celle de la Grèce actuellement, une dette phénoménale.

Et une fois [qu’ils étaient] liés par cette dette, nous revenions, sous la forme du FMI – et dans le cas de la Grèce aujourd’hui, c’est le FMI et l’Union européenne – et posions des exigences énormes au pays : augmenter les impôts, réduire les dépenses, vendre les services publics aux entreprises privées, des choses comme les compagnies d’électricité et les systèmes de distribution de l’eau, les transports, les privatiser, et devenir au fond un esclave pour nous, pour les sociétés, pour le FMI, dans votre cas pour l’Union européenne. Fondamentalement, des organisations comme la Banque mondiale, le FMI, l’UE sont les outils des grandes sociétés multinationales, ce que j’appelle lacorporatocratie.

– Avant de considérer le cas spécifique de la Grèce, parlons un peu plus de la manière dont opèrent ces tueurs à gage économiques et ces organisations, comme le FMI. Vous avez expliqué, bien sûr, comment elles entrent dans ces pays et travaillent pour les endetter massivement, avec l’argent qui entre puis repart directement. Vous avez aussi mentionné dans votre livre ces pronostics de croissance optimistes, qui sont vendus aux hommes politiques de ces pays, mais qui n’ont en réalité aucun rapport avec la réalité.

– Exactement. Nous avons montré que si ces investissements étaient placés dans des choses comme les systèmes d’énergie électrique, l’économie croîtrait dans des proportions phénoménales. Le nœud du problème est toutefois que lorsque vous investissez dans ces grandes infrastructures, la plus grande partie de cette croissance reflète le fait que le riche devient plus riche et encore plus riche ; elle ne reflète pas la situation de la majorité du peuple, et nous le voyons aux États-Unis aujourd’hui.

Par exemple, là où nous pouvions montrer une croissance économique, la croissance du PIB, le chômage peut en même temps augmenter ou rester au même niveau, et les saisies de maisons peuvent augmenter ou rester stables. Ces chiffres tendent à refléter la position des très riches, puisqu’ils possèdent un énorme pourcentage de l’économie, statistiquement parlant. Néanmoins, nous devions démontrer que lorsque vous investissez dans ces projets d’infrastructures, votre économie se développe, et nous voulions encore prouver que sa croissance serait beaucoup plus rapide que prévue, et c’était seulement utilisé pour justifier ces prêts épouvantables et incroyablement affaiblissants.

– Y a-t-il des points communs entre les pays généralement ciblés ? Sont-ils, par exemple, riches en ressources ou jouissent-ils de quelque autre importance stratégique pour les pouvoirs en place ?

–  Oui, tous. Les ressources peuvent prendre différentes formes : certaines sont matérielles, comme les minéraux ou le pétrole ; une autre est l’emplacement stratégique ; une autre encore est un grand marché ou un faible coût du travail. Ainsi, différents pays ont des obligations différentes. Je pense que ce que nous voyons en Europe aujourd’hui n’est pas différent, et cela inclut la Grèce.

– Que se passe-t-il lorsque ces pays ciblés sont endettés ? Comment ces grandes puissances, ces tueurs économiques, ces organisations internationales reviennent-elles et obtiennent-elles leurlivre de chair des pays qui sont lourdement endettés ?

– En insistant pour que les pays adoptent des politiques qui vendront leurs entreprises étatiques de service public aux grandes sociétés. L’eau et les systèmes d’épuration, peut-être les écoles, les transports, même les prisons. Privatiser, privatiser. Permettez-nous de construire des bases militaires sur votre sol. Beaucoup de choses peuvent être faites, mais à la base, ils deviennent les serviteurs de ce que j’appelle la corporatocratie. Vous devez vous rappeler qu’aujourd’hui, nous avons un Empire mondial, et ce n’est pas un empire américain. Ce n’est pas un empire national. Il n’aide pas beaucoup le peuple américain. C’est un empire industriel, et les grandes entreprises gouvernent. Elles contrôlent la politique des États-Unis et, dans une large mesure, elles contrôlent une grande partie des politiques de pays comme la Chine, partout dans le monde.

– John, considérons maintenant le cas spécifique de la Grèce ; bien sûr vous avez dit que vous croyiez que ce pays est devenu la victime de tueurs économiques et de ces organisations internationales… Quelle a été votre réaction quand vous avez entendu parler pour la première fois de la crise en Grèce et des mesures à mettre en œuvre dans le pays ?

– Je suis la situation de la Grèce depuis longtemps. J’ai été à la télévision grecque. Une société de production grecque a réalisé un documentaire intitulé Apology of an Economic Hit Man [Confessions d’un tueur économique] et j’ai aussi passé beaucoup de temps en Islande et en Irlande. J’ai été invité en Islande pour aider à encourager les gens à voter pour un référendum visant à ne pas rembourser leurs dettes, et je l’ai fait et j’ai encouragé les gens à ne pas le faire, et le résultat, c’est que l’Islande se porte plutôt bien maintenant économiquement, comparée au reste de l’Europe. L’Irlande, d’autre part : j’ai essayé de faire la même chose là-bas, mais les Irlandais ont manifestement voté contre le référendum, malgré qu’il y avait de nombreux rapports faisant état d’une importante corruption.

Dans le cas de la Grèce, ma réaction a été : «La Grèce est touchée». Il n’y a aucun doute à ce sujet. Bien sûr, la Grèce a commis des erreurs, vos dirigeants ont fait quelques erreurs, mais le peuple n’en a vraiment pas fait, et maintenant on demande aux gens de payer pour les erreurs commises par leurs dirigeants, souvent de mèche avec les grandes banques. Donc des gens font d’énormes quantités d’argent de ces prétendues erreurs, et maintenant, on demande au peuple qui n’en a pas fait d’en payer le prix. C’est une constante dans le monde entier : nous l’avons vu en Amérique latine. Nous l’avons vu en Asie. Nous l’avons vu dans tellement d’endroits dans le monde.

– Cela m’amène directement à la question suivante : d’après mes observations, en Grèce au moins, la crise a été accompagnée par une montée de l’auto-accusation ou du dégoût de soi ; il y a ce sentiment en Grèce partagé par beaucoup de gens que le pays a échoué, que les gens ont échoué… Il n’y a quasiment plus de protestation en Grèce, et évidemment il y a une énorme fuite des cerveaux – beaucoup de gens quittent le pays. Cela vous semble-t-il familier lorsque l’on compare à d’autres pays dans lesquels vous avez une expérience personnelle ?

– Bien sûr, cela fait partie du jeu : convaincre les gens qu’ils ont tort, qu’ils sont inférieurs. La corporatocratie est incroyablement bonne là-dedans, par exemple la guerre au Vietnam, pour convaincre le monde que les Nord-Vietnamiens étaient mauvais ; aujourd’hui, ce sont les musulmans. C’est une politique antagoniste : nous sommes bons. Nous avons raison. Nous faisons tout juste. Vous avez tort. Et dans ce cas, toute cette énergie a été dirigée contre le peuple grec pour dire : «Vous êtes paresseux, vous n’avez pas fait pas ce qu’il fallait, vous n’avez pas mené les bonnes politiques», alors qu’en réalité, c’est contre la communauté financière, qui a encouragé la Grèce à prendre cette voie, qu’il faut porter une énorme montagne d’accusations. Et je voudrais dire qu’il se passe quelque chose de très semblable aux États-Unis, où les gens sont amenés à croire qu’ils étaient stupides parce que leurs maisons ont été saisies, qu’ils ont acheté les mauvaises maisons, qu’ils ont dépensé au-delà de leurs moyens.

Le fait est que leurs banquiers leur ont dit de le faire, et dans le monde entier, nous en sommes venus à faire confiance à des banquiers – ou nous avions l’habitude de le faire. Aux États-Unis, nous n’avons jamais cru qu’un banquier nous dirait d’acheter une maison à 300 000 dollars. Nous pensions que c’était dans l’intérêt des banques de ne pas la saisir. Mais cela a changé il y a quelques années, et les banquiers ont dit aux gens qui savaient ne pouvoir se permettre qu’une maison à 300 000 dollars d’en acheter une à 500 000 dollars.

«Serrez-vous la ceinture, dans quelques années, cette maison vaudra plus d’un million de dollars ; vous gagnerez beaucoup d’argent»… En fait, la valeur des maisons a baissé, le marché s’est effondré, les banques ont saisi ces maisons, les ont transformées et les ont revendues. Double coup dur. On a dit aux gens : «Vous avez été stupides, vous avez été cupides, pourquoi avez-vous acheté une maison si chère ?» Mais en réalité, ce sont les banquiers qui leur ont dit de le faire, et nous avons été éduqués à croire que nous pouvons faire confiance à nos banquiers. Quelque chose de très semblable à grande échelle est arrivé dans tellement de pays dans le monde, y compris en Grèce.

– En Grèce, les grands partis traditionnels sont, évidemment, majoritairement en faveur des dures mesures d’austérité qui ont été imposées, mais nous voyons aussi que les grands intérêts économiques et des médias les soutiennent massivement. Cela vous surprend-il au moins un peu ?

– Non, cela ne me surprend pas, et pourtant c’est ridicule, parce que l’austérité ne fonctionne pas. Nous l’avons prouvé encore et encore, et peut-être la plus grande preuve est l’inverse, aux États-Unis pendant la Grande dépression, lorsque le président Roosevelt a lancé toutes ces politiques pour remettre les gens au travail, pour injecter de l’argent dans l’économie. C’est cela qui fonctionne. Nous savons que l’austérité ne marche pas dans ces situations.

Nous devons aussi comprendre que, par exemple aux États-Unis, au cours des 40 dernières années, la classe moyenne a décliné en terme de pouvoir d’achat réel, tandis que la croissance économique a augmenté. En fait, c’est précisément ce qui est arrivé dans le monde entier. A l’échelle mondiale, la classe moyenne décline. Les grandes entreprises doivent reconnaître – elles ne l’ont pas encore fait, mais elles doivent le reconnaître – que cela ne sert les intérêts de personne à long terme, que la classe moyenne est le marché. Et si la classe moyenne continue à décliner, que ce soit en Grèce ou aux États-Unis, ou mondialement, ce sont les entreprises qui en paieront le prix pour finir ; elles n’auront plus de consommateurs. Henry Ford a dit un jour: «Je veux payer tous mes ouvriers suffisamment afin qu’ils puissent sortir et acheter des voitures Ford.» C’est une très bonne politique. C’est sage. Ces programmes d’austérité vont dans le sens contraire et c’est une politique stupide.

– Dans votre livre, écrit en 2004, vous avez exprimé l’espoir que l’euro servirait de contrepoids à l’hégémonie américaine mondiale, à l’hégémonie du dollar US. Vous étiez-vous jamais attendu à voir dans l’Union européenne ce que nous voyons aujourd’hui, avec l’austérité qui ne sévit pas seulement en Grèce, mais aussi en Espagne, au Portugal, en Irlande, en Italie et dans plusieurs autres pays ?

– Ce que je n’avais pas réalisé durant toute cette période est à quel point lacorporatocratie ne veut pas d’Europe unie. Nous devons comprendre cela. Ils peuvent être assez satisfaits avec l’euro, avec une monnaie – ils sont satisfaits à un certain point qu’elle soit unique, de façon à ce que les marchés soient ouverts – mais ils ne veulent pas de règles et de régulations standardisées. Avouons-le, les grandes sociétés, lacorporatocratie, tirent un avantage du fait que certains pays en Europe ont des lois fiscales beaucoup plus clémentes, certains ont des lois sociales et environnementales beaucoup plus indulgentes, et elles peuvent les monter les uns contre les autres.

Que se passerait-il pour les grandes sociétés si elles n’avaient pas leurs paradis fiscaux dans des endroits comme Malte ou ailleurs? Je pense que nous devons reconnaître ce que la corporatocratie a vu en premier, l’euro solide, une Union européenne qui semblait une très bonne chose ; mais lorsque celle-ci a évolué, ils ont aussi vu que ce qui allait arriver étaient ces lois sociales et environnementales et que les régulations seraient standardisées. Ils ne le voulaient pas, donc dans une certaine mesure, ce qui s’est passé en Europe est arrivé parce que la corporatocratie veut que l’Europe échoue, au moins à un certain niveau.

– Vous avez écrit sur les exemples de l’Équateur et d’autre pays, qui après l’effondrement des prix du pétrole à la fin des années 1980, se sont retrouvés avec des dettes énormes et ce qui a conduit, bien sûr, à des mesures d’austérité massives… Tout cela sonne de manière très semblable à ce que nous voyons aujourd’hui en Grèce. Comment les peuples de l’Équateur et d’autres pays qui se sont retrouvés dans des situations similaires ont-ils finalement résisté ?

– L’Équateur a élu un président assez remarquable, Rafael Correa, qui a un doctorat en économie d’une université états-unienne. Il comprend le système, et il a compris que l’Équateur acceptait de rembourser ses dettes lorsque j’étais un assassin économique et que le pays était dirigé par une junte militaire qui était sous le contrôle de la CIA et des États-Unis. Il a compris que la junte acceptait ces dettes immenses, et endettait profondément l’Équateur. Lorsque Rafael Correa a été démocratiquement élu, il a dit immédiatement : «Nous ne payerons pas ces dettes, le peuple ne les a pas approuvées ; peut-être le FMI devrait-il les payer, ou peut-être la junte, qui bien sûr avait disparu depuis longtemps – enfuie à Miami ou ailleurs – peut-être John Perkins et les autres tueurs à gage financiers devraient-ils payer les dettes, mais le peuple ne devrait pas les payer.»

Et depuis lors, il a renégocié et fait baisser les dettes, en disant: «Nous pourrions être disposés à en payer certaines.» C’était un geste très intelligent. Il reflétait différentes choses qui avaient été faites à différents moments dans différents endroits, comme le Brésil et l’Argentine et, plus récemment, en suivant le modèle de l’Islande, avec beaucoup de succès. Je dois dire que Correa a connu quelques véritables revers depuis lors… Lui, comme tant d’autres présidents, doit être conscient que si vous vous opposez trop fortement au système, si les assassins économiques ne sont pas contents, s’ils ne parviennent pas à leurs fins, alors les chacals arriveront et vous assassineront ou vous renverseront par un coup d’État. Il y a eu une tentative de coup d’État contre lui ; il y a eu un coup d’État réussi dans un pays pas très éloigné du sien, le Honduras, parce que ces présidents se sont dressés contre le système.

Nous devons prendre conscience que ces présidents sont dans des positions très très vulnérables; et à la fin, nous, les gens, nous devons les soutenir, parce que les dirigeants peuvent faire seulement un certain nombre de choses. Aujourd’hui, en de nombreux endroits, les dirigeants ne sont pas seulement vulnérables ; il n’est plus nécessaire d’utiliser une balle pour faire tomber un dirigeant. Un scandale – un scandale sexuel, un scandale de drogue – peut le faire. Nous avons vu ce qui est arrivé à Bill Clinton, à Strauss-Kahn au FMI ; nous avons vu cela se passer un grand nombre de fois. Ces dirigeants sont tout à faits conscients qu’ils sont dans des positions très vulnérables : s’ils s’opposent ou vont trop fermement à l’encontre du statu quo, ils seront éliminés, d’une manière ou d’une autre. Ils en sont conscients et il incombe aux peuples de se dresser vraiment pour nos propres droits.

Vous avez mentionné l’exemple récent de l’Islande… A part le référendum qui a eu lieu, quelles autres mesures le pays a-t-il adopté pour sortir de cette spirale de l’austérité et pour retourner à la croissance et à une perspective beaucoup plus positive pour le pays ?

– L’Islande a investi dans des programmes pour remettre les gens au travail et a aussi traîné en justice quelques-uns des banquiers qui ont causé les problèmes, ce qui a beaucoup amélioré la situation pour les gens, moralement parlant. Donc l’Islande a lancé certains programmes qui disent : «Non, nous n’irons pas dans l’austérité, nous ne rembourserons pas ces prêts ; nous mettrons de l’argent dans des mesures permettant aux gens de retourner travailler», et en fin de compte, c’est ce qui stimule l’économie, des gens qui travaillent. Si vous avez un taux de chômage élevé, comme la Grèce aujourd’hui, un chômage extrêmement élevé, le pays sera toujours en difficulté. Vous devez donc faire baisser le chômage, vous devez embaucher des gens. C’est si important que les gens puissent de nouveau travailler. Votre chômage atteint environ 28% ; il est stupéfiant et le revenu disponible a chuté de 40% et il va continuer à baisser si vous avez un taux de chômage élevé. Donc la chose importante pour une économie est de faire augmenter le taux d’emploi et, en retour, d’obtenir un revenu disponible tel que les gens investiront dans votre pays et dans des biens et des services.

– Pour conclure, quel message voudriez-vous partager avec le peuple grec, puisqu’ils continuent à expérimenter et à vivre les conséquences terribles des politiques d’austérité appliquées dans le pays ces trois dernières années ?

– Je m’appuierai sur l’histoire de la Grèce. Vous êtes un pays fier, fort, un pays de guerriers. Le mythe du guerrier vient en quelque sorte de la Grèce, tout comme la démocratie ! Et réaliser que le marché est une démocratie aujourd’hui, et comment nous dépensons notre argent et que nous exerçons ce droit en votant. La plupart des démocraties politiques sont corrompues, y compris celle des États-Unis. La démocratie ne travaille pas vraiment sur une base gouvernementale parce que les grandes sociétés s’en occupent. Mais elle travaille sur la base du marché. J’encouragerais le peuple grec à faire front : ne payez pas ces dettes, organisez vos propres référendums, refusez de les payer, descendez dans la rue et mettez-vous en grève.

Et donc je voudrais encourager le peuple grec à continuer à le faire. N’acceptez pas les critiques soutenant que c’est de votre faute, que vous êtes à blâmer, que vous avez mérité de subir l’austérité, l’austérité, l’austérité. Cela ne marche que pour les gens riches ; cela ne marche pas pour la personne moyenne de la classe moyenne. Reconstruisez cette classe moyenne ; ramenez l’emploi ; ramenez un revenu disponible pour les citoyens moyens en Grèce. Luttez pour cela, faites-le advenir ; défendez vos droits ; respectez votre Histoire de combattants et de leaders dans la démocratie, et montrez-le au monde !

Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone.

Source: http://www.les-crises.fr/confessions-dun-assassin-economique-par-john-perkins/


Goldman embauche un ancien secrétaire général de l’OTAN pour sécuriser un investissement de 1,5 milliards de dollars au Danemark

Saturday 29 August 2015 at 00:15

Source : Bloomberg, le 05/08/2015

par Peter Levring

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ancien premier ministre du Danemark et ancien secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen. Photographe: Jock Fistick/Blommberg

Le groupe Goldman Sachs Inc. vient d’engager Anders Fogh Rasmussen, ancien premier ministre du Danemark et ex-secrétaire général de l’OTAN, pour l’aider à surmonter les obstacles politiques que la banque a rencontrés depuis qu’elle a investi dans un établissement public l’année dernière.

Rasmussen, qui a gouverné le Danemark de 2001 à 2009 et a quitté l’OTAN l’an dernier, a été recruté comme consultant à la Banque de Wall Street tandis que le gouvernement se prépare à rendre publique une série de documents confidentiels à la suite de l’entrée de Goldman au capital de Dong Energy SA.

Michael Ulveman, qui travaille avec Rasmussen dans leur nouveau cabinet de conseil, a confirmé la nomination après son annonce par le journal local Berlingske. Le porte-parole de Goldman, Sebastian Howell, s’est refusé à tout commentaire.

Le ministre des finances Claus Hjort Frederiksen a indiqué cette semaine qu’il autorisait la diffusion de documents sur la privatisation de Dong que son prédécesseur, Bjarne Corydon, avait trouvé trop sensibles pour être partagés avec une commission parlementaire chargée de surveiller la vente. Le service de banque d’affaires de Goldman a payé environ 1,5 milliard de dollars en 2014 pour une participation de 18% au capital de Dong. Les fonds de pension ATP et PFA SA ont également investi dans le service public au cours de ce même accord.

L’accord a créé des dissensions au sein de l’ancienne coalition formée par les socio-démocrates, débouchant sur le départ d’un membre junior, le Parti Populaire Socialiste. Le gouvernement a été débarqué à la suite des élections de juin, ouvrant la voie à un gouvernement libéral conduit par Lars Loekke Rasmussen. Il a servi en tant que ministre des finances sous Fogh Rasmussen et a également été premier ministre de 2009 à 2011.

Un nouvel accord ?

René Christensen, un porte-parole du Parti Populaire Danois, qui a fait pression pour que les documents soient publiés, a déclaré qu’il n’y avait pas de risque que leur contenu déclenche des revendications politiques en vue de la négociation d’un nouvel accord.

« Il n’est pas vraiment question de modifier l’accord », a déclaré par téléphone Christensen. « Le problème est d’avoir eu un ministre des finances qui a annoncé qu’il ne pouvait pas faire confiance à la commission. » Les législateurs danois méritent de savoir « ce qu’il y avait de tellement important à propos de cet accord pour que nous n’ayons pas été autorisés à le voir plus en détail », a-t-il révélé.

Selon des propos de Martin Hintze, associé de Goldman siégeant au conseil d’administration de Dong, cités par le Berlingsk, la banque n’a aucune objection à ce que les documents soient rendus publics.

PFA, le plus gros fonds de pension commercial du Danemark, a annoncé mercredi qu’il ne voyait aucune raison de garder les documents secrets.

« Comme nous l’avons dit par le passé, nous estimons qu’en principe il n’est pas approprié de divulguer le contenu d’un ensemble confidentiel de négociations ni celui d’une entente confidentielle . », disait Anders Damgaard, un dirigeant de PFA, dans une déclaration. « Mais nous ne voyons pas d’inconvénient à ce que l’accord soit présenté au comité des finances. »

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/goldman-embauche-un-ancien-secretaire-general-de-lotan-pour-securiser-un-investissement-de-15-milliards-de-dollars-au-danemark/


Michel Collon : Le véritable but de la « thérapie de choc » en Grèce

Friday 28 August 2015 at 00:10

Source : Russia Today France, le 20 juillet 2015.

La chancelière allemande Angela Merkel

La chancelière allemande Angela Merkel

12,5 millions d’Allemands vivent sous le seuil de pauvreté. Malgré ce bilan pitoyable, Angela Merkel prétend imposer le «modèle allemand» au monde entier. Michel Collon analyse pour RT France l’exemple de l’Allemagne.

En vérité, le modèle allemand ne fonctionne pas. Et c’est logique : si vous baissez les salaires, si vous multipliez les jobs hyper-précaires (on a même vu des gens payés un euro de l’heure !), bref si vous gonflez les bénéfices des multinationales en ruinant les travailleurs, avec quoi vont-ils acheter ? A qui ces mêmes multinationales peuvent-elles vendre s’il n’y a plus de pouvoir d’achat ? Les seuls à profiter du modèle allemand, ce sont les actionnaires des multinationales exportatrices : Siemens, Thyssen, Mercedes, BASF. Le 1%.

Malgré cette faillite, Merkel et les multinationales allemandes exercent à présent des chantages odieux pour faire baisser davantage encore le niveau de vie des travailleurs grecs. Pourtant, ceux-ci ont déjà perdu énormément : salaires -37%, retraites -48%, consommation -33%. Et tous les experts un peu réfléchis le disent : cette «thérapie de choc» made in Berlin aggravera la crise économique grecque et diminuera la capacité du pays à s’en sortir.

Tout cela pour, nous dit-on, «aider les Grecs à rembourser leur dette». Faux, pour trois raisons :

Le véritable but de cette thérapie de choc n’est pas d’aider les Grecs, mais de les mettre à genoux. Avec trois objectifs cachés :

Après les Grecs, notre tour viendra. Il est temps de déclencher une protestation des citoyens européens, à la base, pour soutenir les Grecs. J’y reviendrai.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

Source: http://www.les-crises.fr/michel-collon-le-veritable-but-de-la-therapie-de-choc-en-grece/