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L’appareil qui nous délivrera des smartphones

Monday 7 August 2017 at 22:53

La plupart d’entre-nous avons désormais toujours un smartphone en poche. Lorsque nous devons patienter, ne fût-ce que quelques secondes, il est socialement admis de sortir son téléphone et d’y consacrer son attention. Pire, il est de plus en plus fréquent de voir des gens en pleines conversations être en même temps sur leur téléphone. Des familles entières se promènent, chacun sur son smartphone.

Selon moi, on ne sortira pas de cette dynamique en se forçant à moins utiliser les téléphones ou en se culpabilisant. Il est déjà trop tard. Mais un nouveau type d’appareil pourrait changer la donne. Je l’appelle le « Zen Device ». Et je pense que l’innovation viendra des fabricants de liseuses, pas des fabricants de téléphones.

Le téléphone, roi des micro-tâches

Faire des choses plutôt que s’ennuyer, pourquoi pas ? Surtout que nos téléphones nous permettent de nous connecter à une quantité impressionnante de culture, de réflexions, de contenus, de nous mettre en contact avec nos amis.

Le problème, c’est que lorsque nous avons quelques minutes voire quelques secondes d’ennui, nous ne savons pas combien de temps cet ennui va durer. Nous ne pouvons pas nous lancer dans une tâche qui demande un petit peu de concentration comme répondre à un email ou lire un article de plusieurs centaines de mots sur un sujet intéressant.

Pour éviter d’être interrompu dans une de ces tâches, nous nous cantonnons à des micro-tâches, des tâches qui nous apportent une brève satisfaction même après quelques secondes : consulter Facebook, liker un tweet, poster une photo, envoyer un smiley dans une conversation, parcourir un flux d’images rigolotes, etc. Même les jeux vidéos, riches et profonds sur consoles ou PC, se jouent en quelques secondes sur smartphones.

Inutile de dire que, même mises bout à bout, ces micro-tâches n’apportent absolument rien. Pire, elles rendent accro à ces petits shoots hormonaux. Même avec du temps devant nous, nous avons désormais souvent tendance à favoriser ces micro-tâches et parcourir le flux Facebook au lieu de terminer la lecture de cet excellent article.

Les liseuses, un nouveau type de compagnon électronique

C’est peut-être la raison pour laquelle ma liseuse électronique est rapidement devenue l’objet le plus important pour moi, celui que j’emporte toujours avec moi. Car avec une liseuse, je sais qu’il n’est pas possible de réaliser des micro-tâches, seulement des tâches profondes. Bien sûr, ce n’est qu’un seul type de tâche profonde, la lecture, mais c’est déjà énorme.

Véritable talisman, mon livre électronique contient toute ma bibliothèque. Lorsque je suis en voyage, je caresse parfois d’un geste de la main la couverture de cuir qui me rappelle que j’ai avec moi toutes la connaissance dont je pourrais rêver, quand bien même j’échouerai pour plusieurs années sur une île déserte (avec une prise de courant pour recharger, faut pas déconner).

Sans notifications, sans connexion permanente, sans écran lumineux, sans mouvement rapide, les liseuses apportent un côté zen particulièrement bienvenu dans notre monde trépidant.

Mais ne pourrait-on pas les améliorer pour en faire le compagnon idéal de ma thébaïde ? Et si les liseuses devenaient des objets haut-de-gamme favorisant la concentration, nous permettant d’acheter des téléphones bon-marché qu’on se plairait à oublier complètement en partant en balade ?

Faisons l’exercice de construire ce Zen Device.

Une machine pour favoriser la lecture

Contrairement à ce qu’essayent de nous vendre les plus grands fabricants de liseuses comme Amazon et Kobo, lire ce n’est pas « acheter des livres ». Le Zen Device ne met donc pas en permanence en avant une librairie ou des formules d’abonnement.

Un service web permet de charger n’importe quel fichier Epub. Ceux-ci peuvent être lu sur le Zen Device mais également en ligne, la position de lecture étant synchronisée. L’utilisateur pourra ajouter des catalogues ou des librairies selon ses goûts, le projet Gutenberg étant un bon catalogue par défaut.

À l’heure du web, réduire la lecture aux seuls livres me semble criminel. Le Zen Device (et toute liseuse digne de ce nom) se doit de permettre la lecture d’articles sauvegardés sur Pocket ou Wallabag. La nouvelle littérature émerge sur des plateformes comme Wattpad, Scribay voire Medium. Comment se fait-il qu’aucune liseuse n’y donne à ma connaissance accès ?

Le Zen Device facilite également l’usage du Wiktionnaire et de Wikipédia. Son rétroéclairage peut être réduit fortement afin de ne pas être comme un phare lors des séances de lecture nocturne.

Un remplaçant au carnet de note

La seule et unique raison pour laquelle je ne peux pas me passer de mon smartphone, même la nuit, c’est qu’il a remplacé mon carnet de note, que ce soit manuscrites avec le stylet ou audio avec la fonction dictaphone.

Mais noter des rêves ou des nouvelles idées n’aurait-il pas plus de sens sur un Zen Device que sur un Micro-Task-Hyper-Distracting-Phone ?

C’est pourquoi le Zen Device de mes rêves dispose d’un stylet, permettant des notes manuscrites sur une page blanche et d’une fonction dictaphone. Cela me permettrait enfin de me défaire de ma dépendance à Samsung et ses Galaxy Note, seuls téléphones offrant une expérience stylet suffisamment qualitative pour l’écriture manuscrite.

Les notes peuvent être soit complètement indépendantes, soit liées à la lecture en cours si un extrait a été surligné. Ces notes seraient synchronisées avec un service en ligne, Evernote, Dropbox ou autre. De cette manière, il serait particulièrement aisé de savoir que lorsque j’ai eu telle idée, j’étais à la page 184 de tel bouquin, d’assembler des notes et de faire émerger de vraies idées. Un outil absolument révolutionnaire !

Outre les notes manuscrites et audio, il pourrait être possible d’utiliser un clavier. Mais toute personne ayant utilisé une liseuse sait à quel point l’expérience de clavier virtuel est frustrante sur écran e-ink. Le Zen Device permettra donc de brancher un clavier Bluetooth. Et supporter la disposition BÉPO.

Fonctionnel sans notifications

En évoluant, un Zen Device pourrait même avoir de plus en plus de fonctionnalités mais avec une contrainte majeur : pas de haut-parleur ni de notification.

On pourrait imaginer un accès à son calendrier afin de voir le plan de la journée, écouter de la musique ou des audio livres avec des écouteurs (jack ou bluetooth), un appareil photo permettant de scanner du texte avec reconnaissance de caractère, un accès à Open Street Map permettant de s’orienter (mais peut-être sans avoir besoin d’un calcul d’itinéraire).

On peut imaginer tout un écosystème d’apps qui seraient soumises à plusieurs contraintes : ne pas pouvoir tourner en arrière-plan, en pas envoyer de notifications, fonctionner sur un écran e-ink.

Zen mais sans oublier le côté social et le prix libre

Non, le Zen Device ne permettra pas d’aller sur Facebook. Mais il y’aurait du sens à intégrer certains types de réseaux sociaux comme SensCritique ou Babelio. De cette manière, le Zen Device aurait la liste de mes envies de lecture pour me suggérer mon prochain livre et me permettrait de garder un journal de mes lectures, potentiellement public.

En fait, on pourrait même imaginer un tout nouveau type de réseau social qui ne serait pas uniquement basé sur le « J’aime » mais sur des interactions plus fines comme « Je valide et recommande », « Cela m’interpelle, est-ce sérieux ? » ou « Cette lecture est inintéressante ».

Lorsqu’un lecteur recommande une lecture, une toute petite somme est versée à l’auteur mais un pourcentage va aux recommandeurs grâce à qui le lecteur a découvert cet article.

Mais là on s’éloigne un peu du Zen Device en lui-même…

Le Zen Device existe-t-il ?

Tout cela parait un bien beau rêve mais, techniquement, rien de ce que je décris n’est impossible.

Kobo offre une intégration avec Pocket sur ses liseuses, Bookeen envisagerait sérieusement d’offrir une intégration Wallabag et Tolino permet de gérer en ligne sa bibliothèque de fichiers Epub avec synchronisation de la position de lecture. Tolino embarque une excellente intégration au Wiktionnaire.

De son côté, la liseuse PocketBook Ultra offre un appareil photo et une prise audio pour écouter des audio-books. Il ne devrait pas être sorcier de rajouter un micro pour avoir une fonction dictaphone.

Au niveau du stylet, Sony offre une feuille A4 virtuelle permettant d’annoter des PDF. Mais le plus intéressant est la tablette Remarkable. Malheureusement, la partie « lecture » est peu développée sur le site web et l’engin ne dispose pas du moindre éclairage, le rendant parfaitement inadapté pour la prise de note de nuit ou l’écriture de rêves. De plus, sa grande taille le rend peu pratique à emporter.

Le projet NoteSlate aurait quand à lui pu être une première version du Zen Device, c’est d’ailleurs pourquoi j’ai choisi de l’utiliser comme illustration à ce post. Mais le site annonçant un lancement en Mars 2017 n’a plus été mis à jour depuis janvier. De nombreuses pré-commandes ont été placées et, depuis, silence radio si ce ne sont quelques tweets de marketing. Ce n’est pas de très bonne augure pour la suite.

Un changement de paradigme pour les concepteurs de liseuses.

Bref, comme vous pouvez le constater, le Zen Device ne relève pas de la pure science-fiction. Technologiquement, rien d’impossible. Alors, y’a-t-il un marché ? Personnellement je suis près à payer le prix d’un téléphone très haut de gamme pour un tel engin car je trouve dommage de payer une fortune pour mes micro-tâches/distractions et 150€ pour mon outil le plus important, ma liseuse…

Mais je constate que, tôt ou tard, tous les fabricants de liseuses finissent par vouloir reproduire Amazon. Vendre des livres virtuels selon l’idée très 20ème siècle de « librairie » est plus rentable que de vendre des appareils. Du coup, au fil des mises à jours et des partenariats, les liseuses se transforment en « appareil vous encourageant à acheter des livres ». Tout le contraire d’un Zen Device…

Oui, je pense qu’il est possible de concevoir un nouveau type d’appareil qui nous délivrera de notre dépendance à Facebook/Twitter/Snapshat/WhatsApp. Qui nous permettra de profiter du moment présent tout en nous permettant d’enrichir nos connaissances et notre patrimoine intellectuel.

Mais pour cela, il faudra soit un nouvel acteur, soit un fabricant de liseuses qui prendra le risque de ne pas vouloir être un énième sous-Amazon. Alors, si vous êtes dans la conception de liseuses, que l’idée du Zen Device vous intéresse, n’hésitez pas à me contacter.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Source: https://ploum.net/lappareil-qui-nous-delivrera-des-smartphones/


Les 4 manières de dépenser de l’argent

Friday 16 June 2017 at 11:37

Pourquoi les abus financiers des politiciens sont inévitables dans une démocratie représentative

À chaque fois que quelqu’un se décide à creuser les dépenses du monde politique, des scandales éclatent. La conclusion facile est que les politiciens sont tous pourris, qu’il faut voter pour ceux qui ne le sont pas. Ou qui promettent de ne pas l’être.

Pourtant, depuis que la démocratie représentative existe, cela n’a jamais fonctionné. Et si c’était le système lui-même qui rendait impossible une gestion saine de l’argent public ?

Selon Milton Friedman, il n’y a que 4 façons de dépenser de l’argent : dépenser son argent pour soi, son argent pour les autres, l’argent des autres pour soi, l’argent des autres pour les autres.

Son argent pour soi

Lorsqu’on dépense l’argent qu’on a gagné, on optimise toujours le rendement pour obtenir le plus possible en dépensant le moins possible. Vous réfléchissez à deux fois avant de faire de grosses dépenses, vous comparez les offres, vous planifiez, vous calculez l’amortissement même de manière intuitive.

Si vous dépensez de l’argent inutilement, vous vous en voudrez, vous vous sentirez soit coupable de négligence, soit floué par d’autres.

Son argent pour les autres

Si l’intention de dépenser pour d’autres est toujours bonne, vous ne prêterez généralement pas toujours attention à la valeur que les autres recevront. Vous fixez généralement le budget qui vous semble socialement acceptable pour ne pas paraître pour un radin et vous dépensez ce budget de manière assez arbitraire.

Il y’a de grandes chances que votre cadeau ne plaise pas autant qu’il vous a couté, qu’il ne réponde pas à un besoin important ou immédiat voire, même, qu’il finisse directement à la poubelle.

Économiquement, les cadeaux et les surprises sont rarement une bonne idée. Néanmoins, comme vous tentez généralement de ne pas dépasser un budget donné, les dommages économiques sont faibles. Et, parfois, un cadeau fait extrêmement plaisir. Idée : offrez un ForeverGift !

L’argent d’autrui pour soi

Lorsqu’on peut dépenser sans compter, par exemple lorsque votre entreprise couvre tous vos frais de voyages ou que vous avez une carte essence, l’optimisation économique devient catastrophique.

En fait, ce cas de figure relève même généralement de l’anti-optimisation. Vous allez sans remords choisir un vol qui vous permet de dormir une heure plus tard même s’il est plus cher de plusieurs centaines d’euros que le vol matinal. Dans les cas extrêmes, vous allez tenter de dépenser le plus possible, même inutilement, pour avoir l’impression d’obtenir plus que votre salaire nominal.

Cette anti-optimisation peut être compensée par plusieurs facteurs : un sentiment de devoir moral vis-à-vis de l’entreprise, surtout dans les petites structures, ou une surveillance des notes de frais voire un plafond.

Le plafond peut cependant avoir un effet inverse. Si un employé bénéficie d’une carte essence avec une limite, par exemple de 2000 litres par an, il va avoir tendance à rouler plus ou à partir en vacances avec la voiture pour utiliser les 2000 litres auxquels il estime avoir droit.

C’est la raison pour laquelle cette situation économique est très rare et devrait être évitée à tout pris.

L’argent d’autrui pour les autres

Par définition, les instances politiques sont dans ce dernier cas de figures. Les politiciens sont en effet à la tête d’une énorme manne d’argent récoltée de diverses manières chez les citoyens. Et ils doivent décider comment les dépenser. Voir comment augmenter encore plus la manne, par exemple avec de nouveaux impôts.

Comme je l’ai expliqué dans un précédent billet, gagner de l’argent est l’objectif par défaut de tout être humain dans notre société.

Les politiciens vont donc tout naturellement tenter de bénéficier par tous les moyens possibles de la manne d’argent dont ils sont responsables. Chez les plus honnêtes, cela se fera inconsciemment mais cela se fera quand même, de manière indirecte. Pour les plus discrets, le politicien pourra par exemple accorder des marchés publics sans recevoir aucun bénéfice immédiat mais en se créant un réseau de relation lui permettant de siéger par après dans de juteux conseils d’administration. Pour les plus cyniques, de véritables systèmes seront mis en place, ce que j’appelle des boucles d’évaporation, permettant de transférer, le plus souvent légalement, l’argent public vers les poches privées.

Tout cela étant complètement opaque et noyé dans la bureaucratie, il est généralement impossible pour le citoyen de faire le lien entre l’euro qu’il a payé en impôt et l’euro versé de manière scandaleuse à certains politiciens. Surtout que la notion de “scandaleux” est subjective. À partir de quand un salaire devient-il scandaleux ? À partir de combien d’administrateurs une intercommunale devient-elle une machine à payer les amis et à évaporer l’argent public ? À partir de quel degré de connaissance un politicien ne peut-il plus engager sa famille et ses amis ou les faire bénéficier d’un contrat public ?

Les politiciens sont nos employés à qui nous fournissons une carte de crédit illimitée, sans aucun contrôle et avec le pouvoir d’émettre de nouvelles cartes pour leurs amis.

Que faire ?

Il ne faut donc pas s’empresser de voter pour ceux qui se promettent moins pourris que les autres. S’ils ne le sont pas encore, cela ne devrait tarder. Le pouvoir corrompt. Fréquenter des riches et d’autres politiciens qui font tous la même chose n’aide pas à garder la tête froide. Ces comportements deviennent la norme et les limites fixées par la loi ne sont, tout comme la carte essence sus-citée, plus des limites mais des dûs auxquels ils estiment avoir légitimement le droit. En cas de scandale, ils ne comprendront même pas ce qu’on leur reproche en se réfugiant derrière le « C’est légal ». Ce que nous pensons être une corruption du système n’en est en fait que son aboutissement mécanique le plus logique !

La première étape d’une solution consiste par exiger la transparence totale des dépenses publiques. Le citoyen devrait être en mesure de suivre les flux financiers de chaque centime public jusqu’au moment où il arrive dans une poche privée. L’argent public versé à chaque mandataire devrait être public. S’engager en politique se ferait avec la connaissance qu’une partie de notre vie privée devient transparente et que toutes les rémunérations seront désormais publiques, sans aucune concession.

Cela demande beaucoup d’effort de simplification mais, avec un peu de volonté, c’est aujourd’hui tout à fait possible. Les budgets secrets devraient être dûment budgétisé et justifié afin que le public puisse au moins suivre leur évolution au cours du temps.

Curieusement, cela n’est sur le programme d’aucun politicien…

 

Billet rédigé en collaboration avec Mathieu Jamar. Photo par feedee P.

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Source: https://ploum.net/les-4-manieres-de-depenser-de-largent/


J’ai testé les matelas web

Tuesday 30 May 2017 at 09:51

Comparatif des matelas Tediber, Eve, Ilobed et Casper

UPDATE 24 novembre 2017 : ajout du matelas Casper.

Lorsqu’il est devenu urgent de changer de matelas, plutôt que de me rendre dans un magasin de literie, je me suis tout naturellement tourné vers le web, curieux de voir ce qui se faisait en la matière.

J’y ai découvert que le matelas était un domaine grouillant d’activités avec des startups comme Tediber, Eve, Ilobed et Oscarsleep. Mais quel est le rapport entre un matelas et Internet ? Quel avantage à acheter un matelas sur le web ?

Rassurez-vous, pas de matelas connecté ! La particularité de ces startups matelas c’est qu’elles partagent un concept similaire, lancé par Tuft & Needle en 2012 et popularisé par Casper, deux startups américaines. Un modèle de matelas unique livré roulé sous vide, une période d’essai de 100 jours et un remboursement intégral en cas de non-satisfaction.

Contrairement à un matelas de magasin, vous pouvez donc réellement dormir pendant 100 nuits avant de faire votre choix ! Les matelas retournés sont donnés à des associations.

Chaque startup ne propose qu’un seul type de matelas mais en différentes tailles. L’idée est venue au créateur de Casper en réalisant que, dans les hôtels, on dort généralement très bien alors qu’on ne vous demande jamais le type de matelas que vous préférez. Il serait donc possible de créer un matelas « universel ».

Bref, une fois encore Internet prouve que l’on peut innover sans nécessairement faire de la haute technologie ou du tout connecté. Il n’y a même pas d’app mais seulement un concept commercial que je me devais de tester.

UPDATE : lors de la rédaction initiale de ce billet, Casper n’était pas disponible en France. C’est désormais le cas (même s’ils ne sont pas disponibles en Belgique). Ils m’ont donc envoyé un matelas gratuit pour que je les rajoute à cet article.

Tediber, le bleu nuit

Ne sachant que choisir, les caractéristiques techniques étant très similaires, je me suis tourné vers Twitter où les community managers de Tediber et Eve se sont affrontés un dimanche soir afin de me convaincre.

Ne pouvant tester le matelas, j’ai été séduit par l’image de Tediber : technique mais très classe avec un doux mélange blanc/bleu foncé évoquant pour moi l’apaisement et le sommeil. Le site, très simple et fonctionnel, met en avant le matelas et ses qualités.

Sur Twitter, le community manager de Tediber était très factuel, décrivant son produit. Le compte Eve, par contre, avait tendance à comparer voir à dénigrer les concurrents.

J’ai donc opté pour un matelas Tediber et, autant le dire tout de suite, le produit est magnifique.

La grande force de Tediber, c’est sa housse qui est tout simplement sublime. Du côté du sommier, le matelas est équipée d’une couche antidérapante particulièrement résistante. Du côté du dormeur, le matelas est d’une douceur incomparable et fait regretter d’avoir un drap de lit.

Le matelas est particulièrement moelleux et donne une douce impression de chaleur lorsqu’on s’y enfonce. Ce test ayant été réalisé en hiver, je suis curieux de savoir comment se comporte le matelas lors de fortes chaleurs.

Car, malheureusement, j’ai du renvoyer le matelas Tediber, aussi parfait soit-il. La raison ? Ma compagne, enceinte à l’époque, et moi-même étions aspirés par le centre où notre poids créait une légère dépression.

Peut-être est-ce dû à la taille choisie (140cm de large) ? Quoiqu’il en soit, je décide, un peu à contre-cœur, de renvoyer le matelas Tediber.

La communication, le retour et le remboursement se passent très bien.

Eve, le jaune

Mon second choix se porte en toute logique vers Eve. Comme je partage mon expérience sur Facebook, plusieurs d’entre vous se disent intéressés par un retour d’expérience, que vous êtes justement en train de lire. Je demande alors à Eve s’ils sont disposés à me faire une réduction en échange de mon test.

Ils acceptent de me faire le tarif “membre du personnel” (-30%) et je commande mon matelas Eve.

Contrairement à Tediber, Eve est une déception.

La housse glisse semble faite dans un tissu bon-marché, le jaune est absolument criard. Le matelas est bien moins moelleux que le Tediber mais, au moins, il ne se creuse pas au centre. Pour mon goût, il est soit trop mou, soit trop dur. Je n’arrive pas à trouver les mots mais je ne m’y sens pas bien. Ma compagne avoue avoir le même ressenti, elle qui préfère un matelas ferme.

Deux problèmes m’irritent particulièrement : le matelas glisse sur le sommier et la surface de la housse possède un relief en nid d’abeille que je trouve insupportable, malgré la présence d’une alèse et d’un drap de lit. (Eve m’affirme avoir réglé ces deux problèmes qui étaient des critiques récurrentes)

Bref, je n’aime pas le matelas Eve. Rien que l’idée d’utiliser du jaune pour symboliser le sommeil, quelle horreur !

Je décide de le remballer avec l’alèse que j’avais également commandée. Mais il m’est notifié que l’alèse ne dispose que de 30 jours d’essais, non 100 (la demande de retour ayant été fait aux alentours du 35ème jour). C’est un peu ballot…

Si la communication, le retour et le remboursement se passent bien, je garde un mauvais sentiment de cette expérience. Je n’aime pas les couleurs, le site un peu confus qui insiste plus sur des photos de modèles dénudés que sur le matelas, sur l’approche à la limite de la grosse boite industrielle, un matelas qui est plus beau en photo qu’en vrai. Notons que le site a été récemment simplifié et que les photos se centrent désormais sur le matelas.

Ilobed, le blanc

En désespoir de cause, je me tourne vers Ilobed, le dernier acteur qui n’avait pas participé à la guerre des community managers sur Twitter.

Et pour cause : contrairement aux deux précédents, Ilobed est auto-financé et est beaucoup plus petit. Je suis en contact direct avec Clément, fondateur d’Ilobed, qui répond gentiment à toutes mes questions et me propose 150€ de réduction lorsque je lui annonce écrire cet article. J’avais eu peu d’interaction sur Twitter car lui ne peut se permettre de passer son dimanche sur les réseaux sociaux et c’est très bien comme ça !

C’est également Clément qui me téléphone directement lorsqu’il réalise que ma commande est en Belgique dans une zone où un éventuel retour risque d’être difficile voire impossible. Il préfère me prévenir pour discuter avec moi et j’apprécie la démarche.

Ilobed mise sur le plus simple, moins cher. Le matelas est plus fin car, selon Clément, l’épaisseur n’est qu’un phénomène de mode. La housse est toute blanche, avec un motif agréable.

Des trois, Ilobed est certainement le plus ferme. Et nous y dormons désormais très bien.

Seul gros bémol : il glisse presqu’autant que le matelas Eve. J’ai fini par acheter sur Amazon un sous-matelas antidérapant à 20€ qui a fait des miracles mais c’est dommage. Sans compter que c’est le seul matelas pour lequel l’envers et l’endroit ne sont pas clairs du tout ! Une couche anti-dérapante résoudrait ces deux problèmes.

Le matelas Ilobed n’est clairement pas Tediber, il n’est pas enthousiasmant, il n’est pas moelleux. Mais sa sobriété est peut-être justement son meilleur atout. Et c’est celui que nous avons décidé de garder.

Oscarsleep, le gris foncé

Je me dois de citer Oscarsleep, l’acteur belge du marché du matelas francophone. Oscarsleep était plus cher et proposait un matelas retournables (on peut dormir sur les deux faces). Comme ils n’ont jamais répondu à mes requêtes, je ne l’ai pas testé. Je note cependant que le prix a baissé et que le matelas s’est aligné sur la technologie des 3 autres avec une couche à mémoire de forme du côté du dormeur.

J’avoue, je serais très curieux de l’essayer pour compléter ce test.

Casper, le gris chiné

Lors de la rédaction initiale de ce billet, Casper n’était pas disponible en Europe. Les choses évoluent et Casper s’est lancé sur le marché français (malheureusement, pas le belge). Ils m’ont contacté pour me proposer de tester gratuitement un matelas et une alèse. J’accepte.

Au niveau expérience utilisateur, on sent l’expérience de Casper et on se rapproche presque de Tediber : packaging soigné, petit mot de bienvenue. Ironiquement, j’utilise le cutter Tediber pour déballer le matelas. Bref, Tediber garde une petite longueur d’avance.

La housse de matelas est elle-même presqu’au niveau de Tediber: dessus très moelleux, anti-dérapant dessous, impression de solidité. Ici encore, Tediber me semble avoir encore une toute petite avance à une exception: le matelas Casper est équipé de poignées !  C’est une invention simple mais géniale. Après avoir déplacé un matelas Casper, les autres matelas semblent tellement peu pratiques.

L’alèse est excessivement chère: 100€. Mais, contrairement à Eve, la qualité est au rendez-vous ! L’alèse reproduit exactement la housse de matelas qui est douce et moelleuse. De plus, après avoir testé, son étanchéité est sans faille. Sans compter que, contrairement à Eve, l’alèse est également testable pendant 100 jours.

Mais venons-en au principal: qu’en est-il du confort ? Le matelas Casper est bien plus dur et bien moins moelleux que le Tediber. Mais, du coup, il offre une réelle impression de soutien. Même à deux, il n’y a aucun creux vers le centre, aucun sentiment de s’enfoncer un peu trop (problème du Tediber et du Eve). Au niveau rigidité, le Casper et le Ilobed sont très comparables mais Casper l’emporte par ses fonctionnalités supplémentaires : housse moelleuse, alèse, antidérapant (le gros soucis d’Ilobed) et poignées.

Si j’avoue particulièrement apprécier le matelas Casper, j’ai cependant quelques doutes sur l’éthique de l’entreprise. Aux États-Unis, Casper aurait fait pression sur des blogueurs critiquant négativement le matelas et, en France, Casper a publié un « publi-reportage » sur Numerama, pratique que je n’apprécie pas (les lecteurs de Numérama semble d’ailleurs d’accord avec moi).

(contrairement à ce que j’avais annoncé par erreur, je ne touche aucune commission de Casper)

Conclusion

Un matelas est quelque chose de très subjectif et je sais que des centaines de personnes adorent leur matelas Eve. Mais je déteste quand ce genre de comparatif se termine par une conclusion qui n’en est pas une, disant que toutes les solutions ont plein de qualités et ne prenant pas un parti ferme.

Du coup, ma conclusion est simple : si le budget n’est pas un problème pour vous, que vous souhaitez du moelleux, testez Tediber. C’est un matelas enthousiasmant. Si vous avez été déçu par Tediber ou que vous souhaitez de la fermeté, testez Casper, c’est un matelas qui fait plaisir à déballer et à tester. Par contre, si vous cherchez un meilleur rapport qualité prix, un matelas ferme et simple, adoptez Ilobed. Si l’éthique est un critêre important, j’ai le sentiment qu’Ilobed est également le meilleur choix. Pour l’alèse, aucun doute : Casper l’emporte haut la main (mais au prix fort). À titre personnel, j’ai longuement hésité entre le Casper et Ilobed. Le Casper a gagné pour sa couche antidérapante. Et puis, comme j’ai une commission, j’ai tout intérêt à vous vendre du Casper 😉

Mais le plus important dans cette expérience n’est pas tellement le matelas que j’ai choisi. C’est la réalisation que plus jamais je ne retournerai dans un magasin de literie pour tester un matelas en trois minutes, tout habillé. Désormais, bénéficier de 100 nuits d’essai me semble indispensable avant d’acheter un matelas. Cela parait peut-être anecdotique mais ce genre d’innovations ne cesse de creuser l’écart entre le nouveau monde et les entreprises zombies.

Dans tous les cas, je vous souhaite une bonne nuit !

 

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Photo par Edgar Crook.

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Source: https://ploum.net/jai-teste-les-matelas-web/


La démocratie effraie-t-elle nos élus ?

Sunday 28 May 2017 at 18:18

Comment les élus d’Ottignies-Louvain-la-Neuve semblent vouloir tout faire pour saboter une consultation populaire d’origine citoyenne.

Le 11 juin, dans ma ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, se déroulera une consultation populaire. Chaque citoyen de 16 ans ou plus est appelé à se prononcer sur la question « Êtes-vous favorable à une extension du centre commercial ? ».

Demander aux citoyens de se prononcer sur l’avenir de leur ville, cela semble la base d’une société démocratique. Et pourtant, l’incroyable défi que représente cette simple consultation populaire m’emmène à une conclusion terrible mais limpide : les conseillers communaux d’Ottignies-Louvain-la-Neuve sont soit cruellement incompétents soit prêts à tout pour faire échouer cette consultation populaire.

L’histoire d’une initiative citoyenne

Selon le code belge de la démocratie locale, chaque commune est tenue d’organiser une consultation populaire si le projet est porté par au moins 10% des citoyens dans les communes de plus de 30.000 habitants (32.000 à Ottignies-Louvain-la-Neuve).

Peu connue, cette loi n’est que rarement utilisée. Le code de la démocratie locale limite d’ailleurs le nombre de consultation possible à 6 par législature de 6 ans avec minimum 6 mois entre chaque et aucune dans les 16 mois avant la prochaine élection communale.

Lorsque le centre commercial L’Esplanade, dont la construction avait déjà suscité de nombreux émois, a annoncé vouloir s’agrandir, un groupe motivé de citoyens s’est lancé dans la récolte de près de 3500 signatures, obligeant les édiles à organiser une consultation populaire.

Les citoyens enterrent le veau d’or lors de la parade des utopies.

Le bourgmestre Jean-Luc Roland, pourtant issu du parti Écolo, étant un grand défenseur du centre commercial, il y’a fort à parier que cette consultation fasse grincer des dents et que son organisation soit faite à contre-cœur. Je n’ai jamais compris cet engouement politique pour le centre commercial de la part d’un écologiste mais Monsieur Roland ne s’en cache pas.

L’histoire complète de cette consultation populaire est narrée avec force humour et détails par Stéphane Vanden Eede, conseiller CPAS Écolo de la ville.

Les oublis de la brochure officielle

Comme le stipule le code de la démocratie locale, la commune a fait parvenir aux habitants une brochure explicative détaillant l’enjeu et les modalités de la consultation populaire.

Surprise de taille : la brochure insiste plusieurs fois lourdement sur le fait que la participation à la consultation n’est pas obligatoire (contrairement aux élections).

Mais il n’est nul part indiqué que s’il n’y a pas au moins 10% de participation, les urnes ne seront même pas ouvertes ! Si 3200 citoyens de plus de 16 ans ne se déplacent pas, la consultation n’aura servi à rien. Au contraire, le message envoyé sera : « Nous, citoyens, ne voulons pas choisir ». Et oui, on compte bien 10% de la population, enfants compris, ce qui signifie que près de 15% des électeurs doivent participer.

Cette information me semble cruciale et je trouve particulièrement dommage qu’elle ait été omise de la brochure.

Moralité : quel que soit votre avis, allez voter à tout prix lors des consultations populaires et encouragez votre entourage à faire de même. Il est possible de donner procuration à un autre électeur si vous ne savez pas vous déplacer ce jour là. Le taux de participation est un élément crucial pour faire vivre le processus démocratique.

L’illisibilité du bulletin

La pétition signée par 3500 citoyens demandait une consultation populaire sur une question claire et précise :

« Aujourd’hui, le propriétaire de L’esplanade envisage d’agrandir sa surface commerciale. Êtes-vous favorable à une extension du centre commercial ? »

Cependant, un comité de conseillers communaux présidé par Michel Beaussart, échevin de la participation citoyenne, a décidé de rajouter 20 questions sur le bulletin de vote !

Ces 20 questions supplémentaires rendent le bulletin complètement illisible. La question principale, seule qui ait de l’importance, est reléguée sur un tout petit espace en haut à droit et il est facile de la manquer !

Les réactions de citoyens confrontés au bulletin de vote démontrent une confusion certaine : Quelle est la question principale qui a de la valeur ? Est-ce grave si certaines de mes réponses sont en contradiction l’une avec l’autre ? Comment seront dépouillées mes réponses ? À la phrase « Il n’y a pas de nécessité d’agrandir le centre commercial et d’augmenter l’offre commerciale. », je dois répondre oui ou non si je suis contre ?

Force est de constater que si on avait voulu embrouiller les citoyens, on ne s’y serait pas pris autrement. Je pense que si le taux de votes blancs à la première question est important, on pourra sans hésiter accuser la rédaction du bulletin. Ce long bulletin de vote risque également de ralentir le processus et de décourager d’éventuels votants en rallongeant inutilement les files.

L’impossibilité de dépouiller les bulletins

Toute personne un peu au fait de la sociologie vous le dira : rédiger une enquête d’opinion est un travail difficile. La méthodologie d’interprétation des résultats doit être étudiée, testée et validée.

Quand je vois un tel bulletin, je suis très curieux de savoir quel sera le protocole de dépouillement et d’interprétation des résultats.

Toutes les personnes que j’ai consulté m’ont confirmé l’amateurisme apparent de ce formulaire. Si 10.000 citoyens se rendent aux urnes et remplissent consciencieusement les 21 questions, la commune sera tout simplement assise sur une masse de données inexploitable.

Ces 20 questions ne servent donc à rien. Si ce n’est à rendre le bulletin particulièrement illisible, induire les électeurs en erreur et rallonger les files.

Un vote qui n’est plus secret

Mais là où l’incompétence est la plus tangible, c’est que ces 20 questions supplémentaires annulent l’anonymat du vote. Le code de la démocratie locale exige que le vote soit secret. Or, avec un tel bulletin, il ne l’est plus.

En effet, outre la question principale (la seule qui ait de la valeur), il y’a 2^20 bulletins possibles. Ce qui fait plus d’un million !

Il est possible pour une personne mal intentionnée de faire pression pour imposer un vote.

Exemple concret : un employeur annonce à ses 100 employés qu’il exige d’eux de voter pour l’agrandissement du centre commercial. À chaque employé, il donne une combinaison unique de réponses aux 20 questions. Par exemple « 9 oui – 1 non – 9 oui – 1 non ».

Le patron annonce alors que ses agents vont assister au dépouillement et guetter les bulletins qui suivront cette combinaison pour vérifier le vote des employés.

Si aucun bulletin ne répond à cette combinaison, l’employé est viré. Si le ou les bulletins correspondant sont tous contre l’extension, l’employé est viré.

Bien sûr, il est possible que plusieurs bulletins aient la même combinaison. Mais comme il y’a un million de combinaison pour maximum 10.000 ou 20.000 votants, la probabilité d’avoir la même combinaison est d’une pour cent ou une pour cinquante !

Sans compter que certaines combinaisons sont illogiques et que le patron peut accorder le bénéfice du doute si deux bulletins ont la même combinaison mais que l’un est pour et l’autre contre.

Le 11 juin, ne votez que pour la toute première question, bien cachée en haut à droite. Laissez les autres blanches !

Alors, incompétence ou malveillance ?

Sans être un expert en la matière et sans avoir suivi le dossier de près, j’ai relevé ces problèmes essentiels en quelques minutes à peine.

En conséquence, je suis forcé d’accuser publiquement Michel Beaussart, échevin de la participation citoyenne et tous les conseillers communaux qui ont validé ce bulletin d’être soit incompétents soit malveillants par rapport à l’organisation de cette consultation populaire.

Si Monsieur Beaussart me répond être de bonne foi, ce que je présume, il doit adresser les 3 points que j’ai soulevé, notamment en publiant un protocole validé d’interprétation des résultats.

Faute de réponse correcte, je pense que toute personne un peu soucieuse de la démocratie comprendra qu’il est indispensable de modifier d’urgence le bulletin de vote pour que celui-ci ne comporte que la question initialement demandée par la pétition.

En tant qu’échevin en charge, cette modification incombe à Monsieur Beaussart. Selon ma lecture amateur du code de la démocratie locale, rien ne s’oppose à la modification du bulletin de vote en dernière minute.

Un bulletin de vote difficilement lisible et ne permettant pas de garantir le secret du vote est un manquement gravissime au bon fonctionnement démocratique et devrait entraîner la nullité des résultats.

Si l’incompétence me semble dramatique, je peux reconnaître que l’erreur de bonne foi est humaine et excusable lorsqu’il y’a une volonté de réparer son erreur. Faute de cette volonté, les électeurs seront forcés de tirer la seule conclusion qui s’impose : il ne s’agit plus d’une erreur mais d’un acte délibéré de saboter le processus démocratique par ceux-là même qui ont été élus pour nous représenter. Ou, au mieux, le camouflage irresponsable d’une incompétence dangereuse.

Dans tous les cas, j’invite les électeurs à faire de cette consultation du 11 juin un véritable succès de participation, à ne répondre qu’à la première question et à se souvenir des réactions à cet argumentaire lorsqu’ils voteront en 2018. Et à se demander si le régime sous lequel nous vivons est bel et bien une démocratie.

Photo de couverture par Manu K.

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Source: https://ploum.net/la-democratie-effraie-t-elle-nos-elus/


L’humanité a-t-elle trouvé le sens de la vie ?

Sunday 14 May 2017 at 13:24

Quel est le sens de la vie ? Pourquoi y’a-t-il des êtres vivants dans l’univers plutôt que de la matière inerte ? Pour ceux d’entre vous qui se sont déjà posé ces questions, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle.

La bonne, c’est que la science a peut-être trouvé une réponse.

La mauvaise, c’est que cette réponse ne va pas vous plaire.

Les imperfections du big bang

Si le big bang avait été un événement parfait, l’univers serait aujourd’hui uniforme et lisse. Or, des imperfections se sont créées.

À cause des forces fondamentales, ces imperfections se sont agglomérées jusqu’à former des étoiles et des planètes faites de matière.

Si nous ne sommes pas aujourd’hui une simple soupe d’atomes parfaitement lisse mais bien des êtres solides sur une planète entourée de vide, c’est grâce à ces imperfections !

La loi de l’entropie

Grâce à la thermodynamique, nous avons compris que rien ne se perd et rien ne se crée. L’énergie d’un système est constante. Pour refroidir son intérieur, un frigo devra forcément chauffer à l’extérieur. L’énergie de l’univers est et restera donc constante.

Il n’en va pas de même de l’entropie !

Pour faire simple, l’entropie peut être vue comme une « qualité d’énergie ». Au plus l’entropie est haute, au moins l’énergie est utilisable.

Par exemple, si vous placez une tasse de thé bouillante dans une pièce très froide, l’entropie du système est faible. Au fil du temps, la tasse de thé va se refroidir, la pièce se réchauffer et l’entropie va augmenter pour devenir maximale lorsque la tasse et la pièce seront à même température. Ce phénomène très intuitif serait dû à l’intrication quantique et serait à la base de notre perception de l’écoulement du temps.

Pour un observateur extérieur, la quantité d’énergie dans la pièce n’a pas changé. La température moyenne de l’ensemble est toujours la même. Par contre, il y’a quand même eu une perte : l’énergie n’est plus exploitable.

Il aurait été possible, par exemple, d’utiliser le fait que la tasse dé thé réchauffe l’air ambiant pour actionner une turbine et générer de l’électricité. Ce n’est plus possible une fois que la tasse et la pièce sont à la même température.

Sans apport d’énergie externe, tout système va voir son entropie augmenter. Il en va donc de même pour l’univers : si l’univers ne se contracte pas sous son propre poids, les étoiles vont inéluctablement se refroidir et s’éteindre comme la tasse de thé. L’univers deviendra, inexorablement, un continuum parfait de température constante. En anglais, on parle de “Heat Death”, la mort de la chaleur.

L’apparition de la vie

La vie semble être une exception. Après tout, ne sommes-nous pas des organismes complexes et très ordonnés, ce qui suppose une entropie très faible ? Comment expliquer l’apparition de la vie, et donc d’éléments à entropie plus faible que leur environnement, dans un univers dont l’entropie est croissante ?

Jeremy England, un physicien du MIT, apporte une solution nouvelle et particulièrement originale : la vie serait la manière la plus efficace de dissiper la chaleur et donc d’augmenter l’entropie.

Sur une planète comme la terre, les atomes et les molécules sont bombardés en permanence par une énergie forte et utilisable : le soleil. Ceci engendre une situation d’entropie très faible.

Naturellement, les atomes vont alors s’organiser pour dissiper l’énergie. Physiquement, la manière la plus efficace de dissiper l’énergie reçue est de se reproduire. En se reproduisant, la matière crée de l’entropie.

La première molécule capable d’une telle prouesse, l’ARN, fut la première étape de la vie. Les mécanismes de sélection naturelle favorisant la reproduction ont alors fait le reste.

Selon Jeremy England, la vie serait mécaniquement inéluctable pour peu qu’il y aie suffisamment d’énergie.

L’humanité au service de l’entropie

Si la théorie d’England se confirme, cela serait une très mauvaise nouvelle pour l’humanité.

Car si le but de la vie est de maximiser l’entropie, alors ce que nous faisons avec la terre, la consommation à outrance, les guerres, les bombes nucléaires sont parfaitement logiques. Détruire l’univers le plus vite possible pour en faire une soupe d’atomes est le sens même de la vie !

Le seul dilemme auquel nous pourrions faire face serait alors : devons-nous détruire la terre immédiatement ou arriver à nous développer pour apporter la destruction dans le reste de l’univers ?

Quoi qu’il en soit, l’objectif ultime de la vie serait de rentre l’univers parfait, insipide, uniforme. De se détruire elle-même.

Ce qui est particulièrement angoissant c’est que, vu sous cet angle, l’humanité semble y arriver incroyablement bien ! Beaucoup trop bien

 

Photo par Bardia Photography.

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Le bouquet de fleurs

Sunday 30 April 2017 at 23:36

Parfois, au milieu du mépris de la cohue humaine, il parvenait à croiser un regard fuyant, à attirer une attention concentrée sur un téléphone, à briser pour quelques secondes le dédain empli de stress et d’angoisse des navetteurs préssés. Mais les rares réponses à son geste étaient invariables :
— Non !
— Merci, non. (accompagné d’un pincement des lèvres et d’un hochement de tête)
— Pas le temps !
— Pas de monnaie…

Il ne demandait pourtant pas d’argent ! Il ne demandait rien en échange de ses roses rouges. Sauf peut-être un sourire.

Pris d’une impulsion instinctive, il était descendu ce matin dans le métro, décidé à offrir un peu de gentillesse, un peu de bonheur sous forme d’un bouquet de fleur destiné au premier inconnu qui l’accepterait.

Alors que la nuée humaine peu à peu s’égayait et se dispersait dans les grands immeubles gris du quartier des affaires, il regarda tristement son bouquet.
— J’aurais essayé, murmura-t-il avant de confier les fleurs à la poubelle, cynique vase de métal.

Une larme perla au coin de sa paupière. Il l’effaça du revers de la main avant de s’asseoir à même les marches de béton. Il ferma les yeux, forçant son cœur à s’arrêter.
— Monsieur ! Monsieur !

Une main lui secouait l’épaule. Devant son regard fatigué se tenait un jeune agent de police, l’uniforme rutilant, la coupe de cheveux nette et fringuante.
— Monsieur, je vous ai observé avec votre bouquet de fleur…
— Oui ? fit-il, emplit d’espoir et de reconnaissance.
— Puis-je voir votre permis de colportage dans le métro ? Si vous n’en possédez pas, je serai obligé de vous verbaliser.

Courte histoire inspirée par ce tweet. Photo par Tiberiu Ana.

 

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Mastodon, le premier réseau social véritablement social ?

Wednesday 19 April 2017 at 00:10

Vous avez peut-être entendu parler de Mastodon, ce nouveau réseau social qui fait de la concurrence à Twitter. Ses avantages ? Une limite par post qui passe de 140 à 500 caractères et une approche orientée communauté et respect de l’autre là où Twitter a trop souvent été le terrain de cyber-harcèlements.

Mais une des particularités majeures de Mastodon est la décentralisation : ce n’est pas un seul et unique service appartenant à une entreprise mais bien un réseau, comme le mail.

Si chacun peut en théorie créer son instance Mastodon, la plupart d’entre nous rejoindrons des instances existantes. J’ai personnellement rejoint mamot.fr, l’instance gérée par La Quadrature du Net car j’ai confiance dans la pérennité de l’association, sa compétence technique et, surtout, je suis aligné avec ses valeurs de neutralité et de liberté d’expression. Je recommande également framapiaf.org, qui est administré par Framasoft.

Mais vous trouverez pléthore d’instances : depuis celles des partis pirate français et belge aux instances à thème. Il existe même des instances payantes et, pourquoi pas, il pourrait un jour y avoir des instances avec de la pub.

La beauté de tout ça réside bien entendu dans le choix. Les instances de La Quadrature du Net et de Framasoft sont ouvertes et libres, je conseille donc de faire un petit paiement libre récurrent à l’association de 2€, 5€ ou 10€ par mois, selon vos moyens.

Mastodon est décentralisé ? En fait, il faudrait plutôt parler de “distribué”. Il y’a 5 ans, je dénonçais les problèmes des solutions décentralisées/distribuées. Le principal étant qu’on est soumis au bon vouloir ou aux maladresses de l’administrateur de son instance.

Force est de constater que Mastodon n’a techniquement résolu aucun de ces problèmes. Mais semble créer une belle dynamique communautaire qui fait plaisir à voir. Contrairement à son ancêtre Identi.ca, les instances se sont rapidement multipliées. Les conversations se sont lancées et des usages ont spontanément apparu : accueillir les nouveaux, suivre ceux qui n’ont que peu de followers pour les motiver, discuter de manière transparente des bonnes pratiques à adopter, utilisation d’un CW, Content Warning, masquant les messages potentiellement inappropriés, débats sur les règles de modération.

Toute cette énergie donne l’impression d’un espace à part, d’une liberté de discussion éloignée de l’omniprésente et omnisciente surveillance publicitaire indissociable des outils Facebook, Twitter ou Google.

D’ailleurs, un utilisateur proposait qu’on ne parle pas d’utilisateurs (“users”) pour Mastodon mais bien de personnes (“people”).

Dans un précédent article, je soulignais que les réseaux sociaux sont les prémisses d’une conscience globale de l’humanité. Mais comme le souligne Neil Jomunsi, le media est une part indissociable du message que l’on développe. Veut-on réellement que l’humanité soit représentée par une plateforme publicitaire où l’on cherche à exploiter le temps de cerveau des utilisateurs ?

Mastodon est donc selon moi l’expression d’un réel besoin, d’un manque. Une partie de notre humanité est étouffée par la publicité, la consommation, le conformisme et cherche un espace où s’exprimer.

Mastodon serait-il donc le premier réseau social distribué populaire ? Saura-t-il convaincre les utilisateurs moins techniques et se démarquer pour ne pas être « un énième clone libre » (comme l’est malheureusement Diaspora pour Facebook) ?

Mastodon va-t-il durer ? Tant qu’il y’aura des volontaires pour faire tourner des instances, Mastodon continuera d’exister sans se soucier du cours de la bourse, des gouvernements, des lois d’un pays particuliers ou des desiderata d’investisseurs. On ne peut pas en dire autant de Facebook ou Twitter.

Mais, surtout, il souffle sur Mastodon un vent de fraîche utopie, un air de naïve liberté, un sentiment de collaborative humanité où la qualité des échanges supplante la course à l’audience. C’est bon et ça fait du bien.

N’hésitez pas à nous rejoindre, à lire le mode d’emploi de Funambuline et poster votre premier « toot » présentant vos intérêts. Si vous dîtes que vous venez de ma part ( @ploum@mamot.fr ), je vous « boosterais » (l’équivalent du retweet) et la communauté vous suggérera des personnes à suivre.

Au fond, peu importe que Mastodon soit un succès ou disparaisse dans quelques mois. Nous devons continuons à essayer, à tester, à expérimenter jusqu’à ce que cela fonctionne. Si ce n’est pas Diaspora ou Mastodon, ce sera le prochain. Notre conscience globale, notre expression et nos échanges méritent mieux que d’être de simple encarts entre deux publicités sur une plateforme soumise à des lois sur lesquelles nous n’avons aucune prise.

Mastodon est un réseau social. Twitter et Facebook sont des réseaux publicitaires. Ne nous y trompons plus.

 

Photo par Daniel Mennerich.

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Comment les réseaux sociaux ont transformé des attentats en merveilleux cadeau d’anniversaire

Sunday 26 March 2017 at 14:12

Certaines histoires commencent mal. Très mal. Mais, petit à petit, la vie se fraie un chemin à travers les pires situations pour s’épanouir en frêles et merveilleux bourgeons.

Cette histoire commence le 7 janvier 2015. Ce jour là, je croise Damien Van Achter, atterré par ce qui se passe à Paris. Il me parle de morts. Je ne comprends pas. J’ouvre alors Twitter et découvre l’ampleur des attentats contre Charlie Hebdo.

Je ne le sais pas encore mais ces attentats vont changer ma vie. En bien. En incroyablement, merveilleusement bien.

Sur le moment, choqué à mon tour, je me fends d’un tweet immédiat, instinctif. Étant moi-même parfois auteur d’humour de mauvais goût, je me sens attaqué dans mes valeurs.

Ce tweet sera retweeté plus de 10.000 fois, publié dans les médias, à la télévision, dans un livre papier et, surtout, sur Facebook où il sera mis en image par Pierre Berget, repartagé et lu par des centaines de milliers de personnes.

Parmi elles, une jeune femme. Intriguée, elle se mettra à lire mon blog et m’enverra un paiement libre. Après m’avoir croisé par hasard à l’inauguration du coworking Rue du Web, elle me contactera sur Facebook pour discuter certaines de nos idées respectives.

Deux ans plus tard, le 9 mars 2017, jour de mon 36ème anniversaire, cette jeune femme dont je suis éperdument amoureux a donné naissance à Miniploum, mon fils. Le plus beau des cadeaux d’anniversaire…

Je souris, je savoure la vie et je suis heureux. Ce bonheur, cet amour que j’ai la chance de vivre, ne le dois-je pas en partie aux réseaux sociaux qui ont transformé un ignoble attentat en une nouvelle vie ?

Rappelons-nous que chaque drame, chaque catastrophe porte en elle les germes de futurs bonheurs. Des bonheurs qui ne font peut-être pas toujours les grands titres de la presse, qui sont moins vendeurs mais qui sont les fondations de chacune de nos vies.

Souvenons-nous également que les outils, quels qu’ils soient, ne deviennent que ce que nous en faisons. Ils ne sont ni bons, ni mauvais. Il est de notre responsabilité d’en faire des sources de bonheur…

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Printeurs 44

Tuesday 28 February 2017 at 14:47

Ceci est le billet 44 sur 44 dans la série Printeurs

Nellio, Eva, Max et Junior sont dans la zone contrôlée par le conglomérat industriel.

Dans un silence religieux, nous descendons tous les quatre de la voiture. Tout autour de nous, des immeubles s’élancent dans une architecture torturée donnant une impression d’espace et de vide. Pas la moindre fissure, pas la moindre poussière. Même les plantes ornementales semblent se cantonner dans le rôle restreint et artificiel de nature morte. J’ai l’étrange impression d’être dans une simulation, un rendu 3D d’un projet d’architecture comme on en trouve sur les affiches jouxtant des terrains vagues d’où doivent, bientôt, naître de merveilleux projets immobiliers aux noms évocateurs.

Il me faut un certain temps avant de réaliser qu’aucune publicité n’est visible. Pourtant, les formes des bâtiments s’éloignent avec une certaine élégance d’un fonctionnalisme trop strict. Les murs s’élancent avec une certaine recherche esthétique où les motifs en fractale semblent occuper une place prépondérante.

Une brise un peu brusque dépose soudainement une fine feuille de plastique sur laquelle se distingue difficilement le logo d’une marque de chocolat.

La feuille se pose sur le trottoir et semble s’y enfoncer doucement, comme un fin navire de papier sombrant dans une écume solide.

Je pousse une exclamation de surprise. Junior s’accroupit.

— Du smart sand ! Tout le complexe est en smart sand !

D’un geste de la main, il donne quelques instructions à Max. Obtempérant, celui-ci donne un violent coup dans le mur de béton en utilisant une partie métallique de son corps. Le mur semble s’effriter légèrement. Un trou bien visible se dessine et le sable se met à couler avant de s’arrêter et, sous mes yeux ébahis, de se mettre à escalader le mur pour reboucher le trou. Quelques secondes s’écoulent et le mur semble comme neuf !

Je me tourne vers mes compagnons :

– Je croyais que ce smartsand n’était encore qu’à l’état de prototype. Mais si tout le complexe en est construit, cela a des implications profondes.

Junior me lance un regard étonné.

— C’est impressionnant mais je ne vois pas trop…
— Cela signifie que le bâtiment s’est imprimé tout seul. Un architecte a dessiné les plans et le bâtiment est sorti de terre sans aucune assistance humaine.
— Oui mais où est le problème ?
— Que tout ce complexe peut avoir existé depuis des années ou n’être qu’un leurre, créé de toutes pièces dans les dernières vingt-quatre heures.
— Quel genre de piège ? interroge Max.
— Le bâtiment peut se modifier en fonction de certains stimuli pré-programmés. Nous pouvons très bien nous retrouver enfermés.
— Nous le serions déjà, murmure Eva. Toute la route est dans la même matière et aurait pu nous engloutir.

Je me tourne vers elle.

— Eva, tu m’as dit que tu connaissais FatNerdz. C’est lui qui nous a emmené ici. Peut-on lui faire confiance ?

— Confiance ?

Elle bégaie légèrement, sa lèvre inférieure tremble.

— Il ne s’agit pas de confiance mais uniquement de logique. Tu n’es pas mort, Nellio. Cette seule information devrait te suffire.

Bravement, elle s’avance vers une porte vitrée et, sous mes yeux ahuris, passe simplement à travers comme s’il s’agissait d’un hologramme. Junior exulte !

– Wow ! Du smart glass ! Génial ! Il fond instantanément et se reforme. C’est impressionnant.

Sans hésiter, nous emboitons le pas à Eva. Après tout, nous sommes désormais sous le contrôle total du bâtiment. S’il doit nous arriver quelque chose, il est déjà trop tard.

En franchissant la porte, j’ai l’impression de passer sous une fine chute d’eau. Un léger contact qui s’estompe immédiatement.

Je rejoins Eva, talonné par Max et Junior. Je sens comme une légère vibration et un pincement au creux de l’estomac.

— Nous montons ! Le bâtiment nous pousse vers le haut sans avoir besoin d’un ascenseur. C’est aaaaaah…

Sans prendre la peine de finir sa phrase, Junior se met à hurler. Paniqué, il nous désigne à grand renfort de geste ses pieds. Où plutôt l’endroit où aurait du se trouver ses pieds. À lieu et place de ses chaussures, je vois deux tibias s’enfoncer parfaitement dans le sol.

— Tu t’enfonces ! crie Eva.
— Non, le sol monte mais sans lui, corrige Max de sa voix artificiellement calme et posée.
— Ce n’est vraiment pas le moment d’argumenter à ce sujet, fais-je en me ruant sur Junior.
— Merde ! Merde ! crie ce dernier. Je sens que ça monte.

En effet, le sol est désormais dans la partie supérieure de ses mollets.

— Mais c’est quoi ? Une sorte de sable mouvant ?
— Non, répond Eva. Le bâtiment sais exactement ce qu’il fait.

Comme en écho, une image se forme sur un mur. Une fiche d’identité apparaît avec une photo de Junior, en uniforme, un numéro de matricule et un ensemble de méta-données sur sa vie et sa carrière. En rouge clignote une ligne « Policier déserteur. Dangereux. Protection totale requise. »

Je sens la panique me gagner. Machinalement, je m’approche de Junior pour tenter de le tirer vers le haut. Il hurle de douleur. Sans dire un mot, nous nous affairons tous les trois mais sans succès. Le sol arrive désormais presqu’à la taille de Junior qui se calme subitement.

— Cela devait finir comme cela. Protection totale. Je suis donc à ce point dangereux que toute action est justifiée pour me mettre hors d’état de nuire.
— Il faut faire quelque chose, dis-je. Max, ne peux-tu pas tenter de creuser le béton et que nous le portons au-dessus de nous ?

Eva, qui s’est reculée, me regarde froidement.
— C’est inutile, Nellio. Nous sommes complètement sous l’emprise du bâtiment. Il n’y a rien à faire.
— Mais…

Je tourne la tête vers Junior. Celui-ci tente de me rendre un regard brave. Le sol a désormais dépassé son nombril. Sa respiration se fait plus difficile.

— Je le savais, murmure-t-il. J’étais en sursis. Je suis néanmoins fier. Mais il y’a une chose que je ne comprends pas. Pourquoi suis-je le seul ? Qu’avez-vous de différent ?

Eva s’accroupit pour se mettre à son niveau.
— Cet immeuble est confiant et n’utilise qu’une protection positive : seuls les cas confirmés sont éliminés. Les autres peuvent circuler sans autorisation particulière.
— Ça ne tient pas debout ! Pourquoi serais-je le seul listé ?

Eva réfléchit un instant avant de répondre.

— Parce que tu es un policier déserteur, tu as été repéré. Mais pour les bases de données civiles, Max et Nellio sont morts. Moi, je n’existe tout simplement pas. Ces deux cas ne rentrent probablement dans aucune des conditions du programme de l’immeuble et, par défaut, il prend le programme automatique du personnel autorisé. C’est une énorme faille de sécurité, le programmeur a du pondre ça avec les pieds mais son bug serait passé inaperçu si deux morts et un non-être ne s’étaient pas pointés.

Je pousse une exclamation de surprise mais je n’ai pas le temps d’aller plus loin que Junior pousse un cri. Il vient de constate que sa main droite, qu’il a bougé en parlant, a également commencé à s’enfoncer. Les doigts sont désormais pris dans le sol. Désespérément il tente de lever le bras gauche et de faire des mouvements pour se dégager. Son corps est désormais enfoncé au delà du plexus solaire. Il se débat laborieusement en poussant des petits cris.

— On ne peut pas rester là sans rien faire à le regarder crever d’une mort horrible ? fais-je en tentant de secouer les bras de Max et Eva.
— Visiblement si, répond laconiquement Max.
— Mais…

Paralysé par l’angoisse, j’observe le niveau du sol engloutir les épaules de mon ami, commencer à monter au niveau du cou. Il penche la tête en arrière dans un ultime espoir de gagner du temps. La pression sur ses poumons doit être énorme, il halète en poussant de petits cris aigus.

— Junior, fais-je. Je… Je… Tu es mon ami !

Le visage est désormais au niveau même du sol, comme un hideux bas-relief. Le smart sand commence à emplir la bouche de Junior dont les yeux reflètent une terreur pure, brute. Une terreur abjectes qui me figent et arrêtent les battements de mon cœur.

Le souffle coupé, je reste immobile, paralysé, les yeux rivés sur un sol propre et lisse.

 

Photo par Frans de Wit.

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Source: https://ploum.net/printeurs-44/


Les 3 piliers de la sécurité

Wednesday 22 February 2017 at 13:57

La sécurité est un terme sur toutes les lèvres mais bien peu sont en mesure de la définir et de la concevoir rationnellement.

Je vous propose la définition suivante :

« La sécurité est l’ensemble des actions et des mesures mises en œuvre par une collectivité pour s’assurer que ses membres respectent les règles de la collectivité. »

Remarquons que la sécurité individuelle n’est garantie que si elle est explicite dans les règles de la collectivité. Si les règles précisent qu’il est permis de tuer, par exemple des esclaves, ces individus ne sont pas en sécurité.

Ces actions et mesures se divisent en trois grandes catégories, que j’appelle les trois piliers de la sécurité : la morale, les conséquences et le coût.

Le pilier moral

Le premier pilier est l’ensemble des incitants moraux qui encouragent l’individu à respecter les règles de la société. Ce pilier agit donc au niveau individuel et se transmet par l’éducation et la propagande.

Un excellent exemple de l’utilisation du pilier moral est le « piratage de musique ». À coup de propagande, les grandes maisons de disque ont fait entrer dans la tête des gens que télécharger une chanson équivalait virtuellement à voler voire blesser un artiste.

Cette affirmation est rationnellement absurde mais l’éducation morale a été telle que, aujourd’hui encore, pirater de la musique est perçu comme immoral. De manière amusante, ce phénomène est bien moindre avec les logiciels ou les séries télé car le côté « artiste spolié » est beaucoup moins pregnant dans l’imaginaire collectif pour ce type d’œuvres.

Le pilier des conséquences

Le second pilier est un facteur résultant de la multiplication du risque d’être pris en train de briser les règles avec la conséquence prévue en cas de flagrant délit.

Par exemple, malgré de nombreuses tentatives d’utilisation du pilier moral à travers les campagnes de la sécurité routière, la plupart des conducteurs ne respectent pas les limites de vitesse.

Des amendes ont donc été mises en place, parfois très élevée. Mais ces amendes ne sont pas dissuasives si le conducteur a l’impression que le risque d’être pris est nul. 0 multiplié par une grosse amende fait toujours 0.

Des contrôles radars ont donc été mis en place, en tentant de les garder secrets et d’interdire les détecteurs de radar. Mais là encore, l’efficacité s’est révélée limitée, le risque étant toujours perçu comme faible et relevant du « pas de chance ».

Par contre, l’installation de radars automatiques avec de grands panneaux « attention radar » a eu un effet drastique sur ces endroits en particuliers. Les conducteurs ralentissent et respectent la limitation, même si c’est pour une durée limitée.

Le pilier du coût

Enfin, il existe des situation où l’on se fiche de la morale et des conséquences. Le dernier pilier sécuritaire consiste donc à augmenter le coût nécessaire à briser les règles.

Ce coût peut prendre différentes formes : le temps, l’argent, l’expertise, le matériel.

Par exemple, je sais qu’un voleur de vélo se fout du pilier moral. Il a également peu de chances d’être pincé et donc n’a pas peur du pilier des conséquences. Je peux cependant légèrement augmenter pour lui le risque d’être pris en faisant tatouer mon vélo, mais c’est faible.

Par contre, je peux rendre le vol de mon vélo le plus coûteux possible en utilisant un très bon cadenas.

Voler mon vélo nécessitera donc plus de temps et plus de matériel que si mon cadenas était basique.

Les serrures sur votre porte ne sont qu’une augmentation du coût nécessaire pour rentrer chez vous sans la clé. Ce coût sera soit du temps (s’il faut fracturer la porte), soit en expertise (un serrurier vous ouvrira votre porte en quelques secondes).

Le théâtre sécuritaire

Toutes les mesures de sécurité qui sont prises doivent agir sur l’un de ces trois piliers. Des mesures peuvent même avoir des effets sur plusieurs piliers. En augmentant le temps nécessaire à enfreindre une règle (pilier du coût), on augmentera également la perception du risque d’être attrapé (pilier des conséquences).

Cependant, il existe également des mesures qui ne rentrent dans aucune de ces catégories. Ces mesures ne sont donc pas des mesures visant à augmenter la sécurité.

Par exemple, les militaires patrouillant dans les rues pour lutter contre le risque qu’un fou terroriste se fasse sauter. Les militaires n’ont clairement pas une influence sur le pilier moral. Ils n’ont pas d’influence sur le pilier des conséquences (un kamikaze se fout des conséquences). Et ils n’ont pas non plus d’influence sur le coût. Si vous voulez vous faire sauter, la présence de militaires armés dans les parages ne change rien à vos plans !

Cette analyse est donc importante car elle permet de détecter les mesures de non-sécurité. Ces mesures ne sont donc pas sécuritaires mais ont d’autres motivations. À titre d’exemple, les militaires dans la rue servent à donner l’impression à la population que le gouvernement agit. En effet, la seule action pertinente contre le terrorisme est le renseignement et l’action discrète mais la population aura alors l’impression que le gouvernement ne fait rien.

On appelle « security theatre » les mesures qui ne renforcent pas la sécurité mais ne servent qu’à donner l’image d’une sécurité renforcée. Dans certains cas, ces mesures sont justifiées (elles rassurent), dans d’autres, elles sont nocives (elles entraînent un sentiment de peur irrationnelle, sont elles-mêmes source d’insécurité).

Autre exemple : aux États-Unis, plusieurs états républicains ont mis en place des mesures pour soi-disant se protéger des fraudes électorales. Problème : ces mesures sont absolument inefficaces, adressent un problème dont l’existence n’a jamais été démontré mais elles ont un effet immédiat. Elle rende le vote très difficile voire impossible pour une grande partie des minorités et des populations les plus pauvres qui ont tendance à voter démocrate. Sous couvert de la sécurité, on prend des mesures dont l’objectif réel est d’avantager un parti.

Identifier les abus de sécurité

Lorsque des mesures de sécurité sont mises en place et qu’elles n’agissent efficacement sur aucun des 3 piliers, il est nécessaire d’être vigilant : la motivation n’est pas la sécurité mais certainement autre chose.

Si l’on prend des mesures pour soi-disant garantir votre sécurité, posez-vous toujours les bonnes questions :

– Est-ce que le problème est quantifié en termes de gravité et de probabilité ?
– Les mesures proposées adressent-elles efficacement au moins un des trois piliers ?
– Le coût et les conséquences de ces mesures sont-elles en relation avec le risque dont elles protègent ?

Mais si on applique la rationalité à la sécurité, on arrive à la conclusion effarante que pour nous protéger, nous devrions prendre des mesures drastiques pour réguler la circulation automobile, la qualité de notre alimentation et de l’air que nous respirons. Au lieu de ça, nous laissons nos émotions être manipulées, nous envoyons des soldats risquer leur vie un peu partout dans le monde ou nous luttons contre les freins à disque sur les vélos.

Au fond, nous ne cherchons pas la sécurité, nous cherchons à être rassuré sans devoir rien changer à notre mode de vie. Quoi de plus approprié pour cela qu’un ennemi commun et un régime totalitaire pour nous empêcher de penser ?

 

Photo par CWCS Managed Hosting.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Source: https://ploum.net/les-3-piliers-de-la-securite/