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Printeurs 31

Monday 8 June 2015 at 18:40

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Ceci est le billet 31 sur 34 dans la série Printeurs

Depuis combien de temps suis-je enfermé sans bouger ? Depuis cet instant mythique que j’appelle naissance. Depuis combien de temps… Mais qu’est-ce que le temps si ce n’est une perception, une sensation, une douleur. Le temps, c’est la vie qui s’écoule goutte après goutte de notre corps. Le temps n’est que de la souffrance distillée, un tourment qui nous donne l’impression d’exister.

Les points blancs dansent devant mes yeux. La boule bleue grandit. Je suis seul face à l’univers. Enfin en sécurité. Pour la première fois de ma vie, j’ai la certitude que je ne vais pas recevoir de coups, que je ne vais pas me faire insulter. Étrange sensation. Je ferme les yeux. Lorsque je les réouvre, la boule bleue a envahi mon champs de vision. Je les referme. Des coups secouent mon corps, mon estomac se noue, un bruit furieux m’inonde et m’envahit tandis que je rôti sous l’effet d’une intense chaleur. Je ferme les yeux, je hurle et j’accueille la douleur comme une vieille amie trop longtemps absente. Mes yeux se révulsent et je disparait dans un torrent de noirceur infinie.

Le silence me réveille en sursaut. Tout mon corps semble peser une tonne et me tire vers le plancher. Avec difficulté, je m’extrait du vaisseau et me met à ramper sur le plancher. Éclairé par une blafarde lumière orangée, le hangar dans lequel je me trouve me semble gigantesque. Tournant la tête, je découvre une large ouverture donnant sur une boule lumineuse. Mon astéroïde ? Non, il n’est pas si rond. Sans doute un autre, rempli lui aussi d’usines, de travailleurs et de gardiens. Mais il ne fait aucun doute que mon vaisseau est arrivé par cette ouverture.

Je me débarrasse du scaphandre. Ma respiration est plus aisée mais je me sens tout de même particulièrement alourdi. Le silence m’étonne. Personne ne vient donc réceptionner la cargaison ? Après m’être trainé derrière une caisse, je me recroqueville, espérant pouvoir guetter sans être vu.

Les voix me réveillent. Une lumière vive et blessante inonde à présent le hangar. Deux hommes se rapprochent. Deux hommes grands, droits. Ils passent près de ma cachette et j’ai le temps d’examiner leur visage. Ils sont beaux. Leurs cheveux et leurs dents sont ordonnés. Ils marchent d’un pas énergique tout en discutant. Le plus âgé respire la confiance et l’expérience. Ses cheveux sont grisonnants et pourtant il parle et bouge comme un jeune homme. Leur accent m’est difficilement compréhensible, leur vocabulaire m’échappe le plus souvent. Mais je perçois l’essentiel de leur discussion.

— Tous ces travailleurs me semblent bien traités. Certes, leur travail est répétitif et peu épanouissant mais peut-être est-ce ce qui leur convient. Pourquoi veux-tu absolument les remplacer par des printeurs ?
— Ne soit pas naïf Nellio. Tous ces gens que tu as vu avec des belles casquettes bleues, des gants bleus et un tablier bleu ne font strictement rien. Ce sont des télé-pass à qui on fait croire qu’ils travaillent.
— Mais j’ai pourtant vu qu’ils vissaient des pièces, qu’ils assemblaient…
— Bien sûr. Un département assemble des pièces, un second les démonte et un troisième s’occupe du transport entre les deux premiers.
— Mais pourquoi ? Quel est le but ?
— Diminuer le nombre de télé-pass.
– C’est absurde !
— Pourquoi ? Les télé-pass veulent du travail. Les travailleurs veulent qu’il y ait moins de télé-pass qui soient payés à ne rien faire. Tout le monde est content.
— Mais dans ce cas, Georges, pourquoi avoir créé une fondation pour le bien-être des ouvriers ? Ne me dit pas que c’est juste pour ton image ?
— Il y a un peu de ça, c’est vrai. Le pouvoir a également besoin de contre-pouvoirs fantoches afin d’occuper les esprits et de dissuader les rebellions les plus profondes. Depuis que la religion est tombée en décrépitude, nous avons du nous rabattre sur les médias et les syndicats.
— Quoi ? Mais… Tu n’es donc qu’une ordure ?

Le jeune homme s’est arrêté et regarde le plus âgé avec une fureur à peine contenue. Je sens poindre une vague de violence, de haine. Intérieurement, je me réjouis du spectacle. Mais, à ma grande surprise, l’homme plus âgé lance un regard, un seul accompagné d’un sourire.

— Voyons Nellio. Tu te doutes bien que si je t’ai fait venir ici c’est que j’ai des motifs bien plus nobles.

Incroyable ! Cet homme semble également disposer du Pouvoir. Ou du moins d’une variante. Il est dangereux. Très dangereux !

— Ce que je viens de te dire est la version officielle, celle qui m’a permis d’arriver jusqu’ici sans éveiller les soupçons. Celle qui m’a permis de découvrir une horreur sans nom à laquelle le printeur peut mettre un terme.
— N’essaye pas de m’embrouiller Georges !
— Réfléchis Nellio, pourquoi t’ai-je amené ici si ce n’est pour te convaincre ? Où crois-tu que nous sommes ?
— On dirait une base souterraine pour les cargos spatiaux automatiques. Comme celui-ci. Une véritable pièce de musée qui doit dater de l’époque des mines spatiales.
— Tout juste !
— Enfant, je rêvais de voyager dans l’espace, de devenir astronaute, que ce soit comme mineur ou déboucheur de chiottes. Je ne savais pas encore que toute l’exploitation spatiale avait été abandonnée. Trop peu rentable.
— C’est effectivement ce qu’on peut lire sur les sites historiques. Une belle propagande.
— Car ce n’est pas le cas ?
— Regarde ce vaisseau, il est arrivé cette nuit.
— Quoi ? Mais…
— Il est chargé de marchandises.
— Hein ?

Les deux hommes sont entrés dans le vaisseau. Je tente de m’approcher mais leur voix ne me parvient plus. Qui sont-ils ? Et que font-ils ici ? Est-ce que le Pouvoir aura de l’effet sur eux ? Le plus vieux m’inquiète.

Ils ressortent, tenant à la main une poupée en plastique.
— Mais ces jouets sont complètement démodés. Plus aucun enfant n’en utilise de nos jours.
— Oui, ce vaisseau m’étonne. Il vient de coordonnées auxquelles nous n’avons plus fait de commandes depuis longtemps. Leurs produits ne se vendent plus.
— Que veux-tu dire George ? De quoi parles-tu ?
— Il me reste encore beaucoup à comprendre. Tout ce que je sais c’est que lorsqu’une usine a besoin d’un chargement d’un produit donné, elle remplit un vaisseau de rations alimentaires et l’expédie avec des cordonnées déterminées par le produit désiré. Au retour, le cargo est plein.
— Comment est-ce possible ? Qui remplit le cargo ?
— Je n’ai à ce jour aucune certitude mais toutes les hypothèses que je peux émettre sont toutes plus terribles les unes que les autres.
— Je sais ! Les prisonniers ! Je me souviens qu’il y a quelques années on a expédié les condamnés pour crimes graves dans les astéroïdes miniers désaffectés. Une forme de peine de mort moralement justifiable dans les médias qui avait fait scandale chez les étudiants.
— Ce n’est pas impossible mais ces prisonniers n’ont jamais été plus de quelques milliers, répartis dans toute la ceinture d’astéroïdes. Trop peu nombreux pour créer une industrie.
— Mais pourquoi ne pas faire travailler les télé-pass ? Et qui fabrique donc ces fichus jouets périmés ?
— Les télé-pass sont très protégés, ils ont de la famille, des amis. Et ils sont incompétents. Si nous les formons, il vont commencer à réfléchir, à déstabiliser le système. Si nous les exploitons, cela finirait par se savoir. C’est pourquoi je suis convaincu que ces fichus jouets, comme tu dis, sont produits par des humains qui souffrent, des humains exploités. Peut-être des enfants. Je suis persuadé que cette histoire d’astéroïde n’est qu’un écran de fumée qui sert à masquer un commerce peu avouable avec le sultanat islamiste.
— Quoi ? Tu voudrais dire que les musulmans…
— Quoi de plus logique ? Ils n’ont pas de scrupules, pas de sécurité sociale. Ils ont de la main d’œuvre et de la matière première. Par contre toute la région est un désert ultra-pollué par le pétrole et les retombées radioactives. Ils crèvent donc littéralement de faim.
— C’est… C’est affreux !
— Oui. C’est pourquoi le printeur est un outil primordial. Il nous permettra de mettre fin à cet odieux échange.
— Mais il faut le dénoncer tout de suite ! Il faut arrêter ça immédiatement.
— Nellio, tout ce que nous achetons, tout ce que nous utilisons provient de ces usines cachées. Tes vêtements, ton neurex, ton ordinateur. Sans eux, nous ne sommes plus rien. Sans eux, il deviendra évident que les télé-pass font un travail inutile. Toute notre société risque de s’écrouler ! Le chaos ! L’anarchie !

J’ai cru un moment qu’ils parlaient de l’astéroïde mais les phrases sont complexes, les mots étranges. Changeant d’appui pour mieux entendre, je heurte mon casque de la main. Ce dernier roule sur le sol en un bruit de tonnerre qui se répercute dans tout le hangar. Les deux hommes se figent et se tournent brutalement vers moi.

— Mais qu’est-ce que…
— Qui…

Je me redresse avec lourdeur et, tout en gardant mon regard fixé sur l’extrémité de mes orteils, articule une présentation improvisée :
— G89, à vos ordres chef !

 

Photo par Photophilde.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Source: https://ploum.net/printeurs-31/


Est-il encore nécessaire de manger ?

Tuesday 2 June 2015 at 18:53

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Une étude et une comparaison des différents substituts à la nourriture traditionnelle (de type Soylent) disponibles en Europe.

Il est amusant de constater que la moindre remise en question de votre alimentation transformera tout votre entourage en diététiciens expérimentés prêts à vous apprendre la vie. Vous tentez un régime vegan ? Tout le monde s’inquiétera soudainement pour votre apport en vitamine B12, même ceux qui n’en avaient jamais entendu parler et ne s’en étaient jamais tracassés. Vous suggérez un menu végétarien ? L’être humain est soudainement “naturellement carnivore”, ce qui devrait clore tout débat.

Bref, la bouffe c’est sacré, c’est une religion. Remettre en question une vie d’habitudes alimentaires, c’est se heurter à la barrière de la foi, c’est dresser contre vous les ayatollahs de la tradition.

Mais au fond, quel est le rôle premier de la nourriture ? Réponse : apporter à votre corps une série de nutriments.

Est-ce qu’on ne pourrait pas optimiser cela en apportant au corps directement les nutriments dont il a besoin plutôt que de passer par un processus extrêmement complexe qui comporte l’achat de matériaux nutritifs, leur conservation, leur préparation, leur ingestion suivant un rituel bien codifié et le nettoyage final de tous les outils mis en œuvre ?

Après tout, on le fait bien pour les animaux : mon vétérinaire m’a assuré que les croquettes contenaient tout ce dont mon chat a besoin. Depuis, je regarde mon chat avec envie. Pourquoi n’y a-t-il pas des croquettes pour les humains ?

C’est exactement le défi que s’est lancé Soylent, une startup américaine qui a pour but d’offrir une poudre à mélanger dans de l’eau qui contient exactement ce dont le corps a besoin. J’en vois certains d’entre vous bondir…

Mais on ne sait pas mesurer précisément ce dont notre corps a besoin. Nous sommes différents.

En effet. Mais est-ce que la nourriture traditionnelle est meilleure en ce sens ? Avez-vous la moindre idée des nutriments que vous avez avalés au cours des dernières 24h ? Pire, notre alimentation traditionnelle a tendance à nous apporter trop de certains types de nutriments, pas assez d’autres et également nous faire ingérer des substances non-nécessaires qui peuvent s’avérer nocives (les pesticides, certains conservateurs ou additifs, …).

Si vous avez commencé votre journée avec une tartine au choco, un café, pris un sandwich et un coca à midi avant de finir avec un spaghetti bolo, pouvez-vous réellement affirmer que votre alimentation a été plus saine qu’une personne qui a passé toute la journée avec du Soylent ? Est-ce réellement préférable de manger des céréales le matin, une salade à midi et un menu trois services au restaurant le soir ? La réponse objective est que vous n’en savez rien, vous vous fiez à vos sensations pour savoir ce qui est bon pour vous.

Mais le repas a également une fonction sociale !

Est-ce que vos trois repas par jour ont une fonction sociale ? Vraiment ? Si c’était le cas, les fast food, les sandwichs n’existeraient pas.

Historiquement, le fait de se nourrir prend tellement de temps qu’il est devenu traditionnel d’associer ce temps perdu avec d’autres fonctions : sociabiliser, se reposer le corps et l’esprit. Mais il n’existe aucune corrélation avec les repas autre que l’habitude. Dissocier les repas peut même être une excellente chose. Il m’arrive souvent d’être concentré et productif mais que mon corps aie faim. Cela me force à m’arrêter, à prendre une pause, cassant mon rythme. Plus tard, lorsque mon esprit sera fatigué, je culpabiliserai à l’idée de prendre une seconde pause.

Mais manger est un plaisir. La cuisine est un art.

Manger peut en effet être un plaisir pour certains. Il existe également des gens pour qui manger est tout simplement une corvée nécessaire à la vie. D’autres qui l’apprécient quand ils ont le temps mais qui ont d’autres priorités dans la vie. Si manger est un plaisir pour vous, pourquoi ne pas accepter que d’autres s’en passent ? Il existe des milliers de façons pour les humains d’exprimer leur art et chaque individu a le droit de choisir ce qui lui convient. Après tout, la fécondation in-vitro n’a jamais menacé votre sexualité.

Mais…

Bref, n’ayant jamais été particulièrement attiré par la nourriture, le concept de Soylent m’a tout de suite plu et j’ai décidé de le tester. Soylent n’est pas encore disponible en Europe mais la formule étant ouverte et libre, beaucoup de startups s’en sont inspiré. Pour vous, mes chers lecteurs, j’ai donc décidé de tester les alternatives européennes au Soylent.

Joylent (NL)

Joylent est actuellement le leader sur le marché européen et le premier que j’ai testé. Le produit se veut fun et se décline en 4 goûts : Fraise, Banane, Vanille et Chocolat.

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Une caisse de Joylent (photo issu du blog Joylentfor30days)

Utilisant de la protéine de lait comme base, le Joylent est légèrement écœurant. Le goût est fort sucré et les arômes font très artificiels. L’ingestion de Joylent doit donc se faire calmement et ne plaira pas à tout le monde. Ceci dit, on s’habitue assez vite.

L’effet est assez étrange : la faim ne semble pas tout à fait calmée mais on ne ressent aucun manque. Contrairement à un repas normal, pas de somnolence, pas de pic glycémique. Étonnamment, je n’ai constaté aucune fringale à l’heure du goûter. Lorsque la faim revient réellement, c’est généralement à l’heure du prochain repas.

Joylent est fourni par sac de 3 portions, ce qui n’est pas très pratique mais réduit sensiblement les déchets. Les livraisons sont rapides, le support est hyper réactif. Le repas coûte 2€.

À noter que Joylent travaille sur une version vegan sans produits laitiers.

Mana (CZ)

Mana est une alternative qui fait également beaucoup parler d’elle. À l’opposé de Joylent, Mana se veut sérieux, de qualité, garanti sans OGM. Mana n’est pas aromatisé et ne se base pas sur du lait. La poudre est donc entièrement vegan. Par contre, Mana doit être mélangé avec de l’huile, fournie en petites bouteilles. L’huile originale était un mélange d’huile végétale et d’huile de poisson. Elle est désormais entièrement végétale ce qui rend Mana compatible avec un régime vegan.

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Contrairement à Joylent, Mana n’est pas poudreux mais fait de “flocons” qui tombent dans le bas du verre. Le fond du verre donne l’impression de manger une sorte de porridge.

De toutes les solutions testées, Mana est la seule qui m’a donné un gros coup de barre digestif. J’ai du m’allonger et faire une sieste. À mon réveil, je crevais de faim. Expérience peu concluante donc.

UPDATE : Avec l’habitude et en ne tenant pas compte du dosage recommandé, Mana s’est révélé de plus en plus agréable. Une fois le bon dosage personnel trouvé, c’est celui qui nourrit et « cale » le plus longtemps. Son goût neutre se marie également parfaitement avec des fruits ou du chocolat, selon le goût. Bref, à tester.

Les commandes sont particulièrement longues à être livrées (plusieurs semaines). Les sachets contiennent trois portions et sont livrés avec des petits flacons d’huile gradués contenant également 3 portions. Le repas revient aux alentours de 3,5€.

Queal (NL)

Tout comme Joylent, Queal est néerlandais. Mais la ressemblance ne s’arrête pas là : Queal est vraiment très proche de Joylent. Une base de protéine de lait (donc non vegan) mais une plus grande variété de goûts.

Contrairement à Joylent, les goûts semblent moins artificiels. Certains sont même franchement bons (j’adore le chocolat-cacahuète) et il existe un goût “neutre” sans arôme ajouté qui est parfait pour mélanger avec les goûts plus prononcés.

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Il est nécessaire d’ajouter une cuillerée d’huile végétale. L’huile est fournie sous forme d’une unique bouteille qu’il faudra doser à l’œil. Un peu moins pratique donc.

Au niveau de l’effet, Queal me semble légèrement plus nourrissant que Joylent. De mon expérience, Queal est le plus adapté avant le sport : il n’alourdit pas, calme la faim et fournit de l’énergie pendant plusieurs heures. Un Queal à 14h pour remplacer mon repas de midi m’a permis de tenir sans effort, sans fringale et sans le moindre autre apport jusqu’à 8h du soir au cours d’une après-midi de vélo intense.

Queal est livré par sachet de 3 portions (2€ la portion) mais ces portions sont tellement larges que 3,5 portions me semble plus indiqué. Le support est réactif et la livraison rapide même si l’image générale est moins dynamique et plus orientée marketing que Joylent, qui se veut vraiment proche de ses consommateurs. Notons que Queal est également garanti sans OGM.

Jake (NL)

Toujours chez les Néerlandais, Jake obtient la palme du boulot sérieux : sachet individuel très pratique (mais du coup moins écologique), valeur nutritive détaillée sur le site et les sachets, un blog très informatif sur la nutrition, un compte Twitter réactif. Le tout étant 100% vegan à 3,5€ la portion.

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Le défaut ? Le goût. Il n’existe qu’une seule saveur : vanille. Et c’est assez infâme. Vous avez l’impression de boire du lait de soja vanillé ultra-sucré… en poudre. C’est à la limite gerbant. Et, malheureusement, c’est très peu nourrissant : après 2h, on crève de faim.

Jake est assurément la grosse déception de ce test.

Veetal (DE)

À l’opposé de Jake, le site de Veetal ne donne presqu’aucune information. Et la notice qui accompagne les sachets est entièrement en allemand. Certaines informations sont particulièrement bien cachées : Veetal n’est pas Vegan car il contient de la protéine de lait. Par contre, il est garanti sans OGM.

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Il est également nécessaire de rajouter de l’huile qui n’est pas fournie. Les sachets contiennent trois portions et reviennent à 3€ le repas.

Contrairement à Jake, le goût est une bonne surprise : c’est le seul produit de ce test qui fait ressortir une pointe de salé pas du tout désagréable. Le goût est neutre, un mélange équilibre de salé/sucré qui se laisse boire.

Les autres

Il existe bien d’autres variantes. Dans ma liste, j’ai également noté :

Conclusion

Ce qui m’a fortement marqué avec cette expérience c’est, comme annoncé, l’efficacité. Si, comme moi, vous n’êtes pas un maniaque du goût, un Joylent ou un Queal apporte la valeur nutritive d’un repas avec un temps de préparation de l’ordre de la minute !

La plus grande surprise a été de me rendre compte que je pouvais être productif l’après-midi, n’ayant pas le fameux coup de barre digestif. Je n’imaginais pas que la digestion consommait autant d’énergie chez moi.

Les jours où je consomme un Soylent-like à midi, je n’éprouve plus le besoin de me ruer sur l’armoire à chocolat à 4h. Je consomme également beaucoup moins de plats préparés, de sandwichs, de pizzas surgelées ou de cornets de pâtes. Ma compagne, qui est pourtant passionnée de cuisine, trouve cette alternative particulièrement pratique pour les jours où son business ne lui laisse pas le temps de manger correctement. Avant le sport, les Soylent-like se sont révélés une solution idéale et bon marché.

D’un point de vue productivité, tant intellectuelle que sportive, les Soylent-like sont une véritable révélation et m’apportent un nouveau confort de vie dont j’aurais désormais du mal à me passer.

Bien entendu, je continue à apprécier un restaurant ou un repas avec des amis ou de la famille. Mais je les perçois plutôt comme des événements exceptionnels. J’ai désormais plus l’envie de manger des bonnes choses plutôt qu’en grande quantité. L’envie de manger est moins présente et, étonnamment, après un gros gueuleton, je suis content de pouvoir faire une journée “diète Soylent” pour reposer mon système digestif.

Système digestif qui, entre nous, se porte d’ailleurs beaucoup mieux. J’ai des intestins particulièrement irritables et les soylents semblent une bénédiction pour eux. Même si, je vous préviens, la courte période d’adaptation à ce type de nourriture n’est pas sans une certaine propension aux flatulences.

Photo par l@mie. Cet article n’a reçu le soutien d’aucune des marques citées et a nécessité un investissement non négligeable afin de se procurer un échantillon représentatif. S’il vous l’avez trouvé intéressant, n’hésitez pas à y contribuer librement.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Source: https://ploum.net/est-il-encore-necessaire-de-manger/


Printeurs 30

Monday 1 June 2015 at 18:09

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Ceci est le billet 30 sur 33 dans la série Printeurs

Utilisant un avatar, Nellio est parvenu jusqu’au printeur dans son labo secret. Il a lancé l’impression de la mystérieuse carte mémoire. Mais les policiers, guidés par Georges Farreck, sont à la porte.

 

La porte du laboratoire vient de sauter. Paniqué, je me retourne. Le printeur est en pleine action: un vent terrible balaie la pièce, un bruit de tempête bourdonne à mes oreilles, le liquide d’impression bout.

Les cris des policiers me parviennent. Je risque un œil par dessus la montagne de débris qui me sert de barricade. Une fusée jaillit de mon bras et explose en flammes à leurs pieds.
— Mais…
— C’est moi, me rassure la voix de Junior. Je contrôle l’armement. Contente-toi de les regarder, je balance la purée. La majeure partie de ta défense est de toutes façons assurée par des algorithmes automatiques.

Un déluge de feu et de hurlements se déchaînent vers l’entrée du laboratoire. Je me sens totalement passif, déconnecté. Déboussolé, je tourne en vain la tête en tout sens. Des coups de feu jaillissent de mes mains, de mon torse et de ma tête mais je ne contrôle rien. Un uniforme de policier que je n’avais pas vu apparaît soudain face à moi. Il doit avoir rampé le long des murs. Mon coeur s’arrête un instant alors que je le vois lever une arme vers mon visage. J’observe trois brefs éclairs avant d’entendre trois détonations. Je ne sens rien. Sous le casque, le visage se décompose. Le visage d’une jeune femme d’une vingtaine d’années semblable à toutes les jeunes femmes que j’ai fréquenté.
— Merde ! Un avat…
Un trou rouge se dessine sur son front et, comme au ralenti, je vois ses yeux se révulser. Elle tente un dernier sursaut incrédule avant de s’affaisser à mes pieds, les bras étrangement désarticulés trempant dans la cuve du printeur. Ses yeux ouverts continuent à me fixer par delà la mort. Je l’ai tuée ! J’ai tué un humain ! Ou n’était-ce qu’un policier ? Est-ce bien moi le coupable ? Est-ce mon corps ? Et qui le contrôle ? Qui a pressé la détente ? Junior, l’algorithme ou mon propre subconscient ?

Une explosion violente retentit et la scène semble se figer. Un épais silence s’installe dans notre ancien laboratoire. Seul me parvient encore le clapotis du printeur.
— Première vague repoussée, m’annonce Junior. Ils se replient pour préparer la seconde vague. Cela peut prendre plusieurs heures. Tactique classique en cas de résistance imprévue. Ils pensent sans doute que nous sommes plusieurs, cela va nous donner l’opportunité de filer. Où en est l’impression ?

Je baisse les yeux. Dans la cuve de fortune, une masse rougeâtre et filandreuse a fait son apparition alors que le corps sans vie du policier semble se décomposer.
— Nom d’un processeur ! Un corps humain !
Le rouge des muscles se couvre rapidement d’une peau matte et foncée. Je manque de hurler.
— Eva !
Le son n’a pas finit de franchir mes temporaires lèvres de métal que ses yeux s’ouvrent. Durant une éternité, son regard semble fixer le plafond. Je n’ose effectuer le moindre mouvement, le temps s’est arrêté.

Et puis, brusquement, son visage émerge du liquide d’impression et se met à hurler. Un hurlement rauque, inhumain, un feulement, une agonie. Elle hurle en se débattant, se contorsionnant. Son corps nu glisse hors de la baignoire improvisée. Couchée sur le sol, elle semble reprendre son souffle avec difficulté. Du bout des doigts, elle touche sa peau, son avant bras, son visage. Et se remet à hurler.

Maladroitement, je m’approche d’elle et tente de la rassurer.
— Eva ! Eva ! C’est moi, Nellio !
Ses grands yeux effrayés croisent mon regard électronique. Je sens qu’elle essaie de me dire quelque chose mais ses lèvres ne sont qu’un cri de détresse infinie. La voix de Junior me parvient. Il semble sous le choc.
— Merde… Nellio… Ne me dis pas que…
— Si, c’est Eva. Elle s’est scannée pour sauver sa peau.
— Merde… Merde… Merde… C’est pas croyable ça !
— Mais ce n’était pas censé fonctionner pour les êtres vivants…
— Et bien si tu veux mon avis, ça n’a pas l’air de fonctionner super bien. Ou, en tout cas, c’est extrêmement douloureux.

Le laissant à son soliloque ponctué de « Merde ! », j’entoure Eva de mes bras. Arrachant un morceau de tissu quelconque des décombres, je protège ses épaules et la serre contre moi. Inlassablement, je murmure.
— Eva, c’est moi, Nellio !
Son long cri finit par se calmer et se transforme en hoquet saccadé. Sa respiration semble pénible, forcée. Elle tourne vers moi un visage inondé de larmes. Ses lèvres frémissantes tentent avec peine de former un mot. Elle déglutit, crache, tousse et articule finalement :
— Nel… lio ?
— Oui Eva, c’est moi !
Ses yeux se ferment et elle tombe, inerte, dans mes bras.
— Eva ? Eva ?
Je tente de la réveiller, de lui faire reprendre conscience. Une vague de panique m’envahit. Et si le printeur ne fonctionnait réellement pas pour les êtres vivants ?
— Eva ? Eva ?
Écartant ma main, je constate une petite plaie rouge sur son épaule, à l’endroit exact où je la tenais.
— Qu’est-ce que…
— Ne t’inquiète pas Nellio, je lui ai administré un sédatif. Il faut que nous sortions d’ici avant la deuxième vague.
— Quoi ? Un sédatif ? Mais tu l’as peut-être tuée espèce de salopard ! Tu ne sais rien de son corps et…
— Stop ! Tu arrêtes tout de suite ! On règlera nos comptes après. Pour le moment, nous avons un intérêt commun : ramener l’avatar et Eva en sécurité. Le reste peut attendre.

Je rêve ! Eva revient à la vie, ce type me la tue aussitôt et il voudrait que je lui obéisse ? Mais c’est quoi ce délire ?
— Salopard, tu es un traître, je le savais depuis le début, tu as…

Aucun son ne sort plus de mes lèvres. Autour de moi, tout est devenu soudainement sombre et calme. Je suis dans un hangar. Contre le mur qui me fait face je distingue vaguement un alignement de silhouettes immobiles. Des avatars ! J’ai beau essayer de tourner la tête, mon regard est définitivement fixe. Je veux avancer, bouger. Rien à faire, mon avatar semble déconnecté. Je crie mais aucun son ne me parvient. Un épais sentiment de claustrophobie m’étreint la poitrine. Eva et Junior me sont sorti de l’esprit, je ne pense qu’à une chose : bouger ou sortir de ce corps éteint !

Le temps lui-même semble avoir disparu. Je n’ai aucun moyen d’évaluer depuis quand je suis dans ce hangar. Même les battements de mon cœur ont disparu ! Suis-je fou ? Suis-je enfermé depuis des années ou seulement depuis quelques secondes ? Comment savoir ?

Un néon clignote brusquement. Une porte se referme. Des pas. Deux être humains se rapprochent. Ami ou ennemi ? Peu me chaut, il faut que je sorte d’ici.
— Aidez-moi ! Je suis ici ! Pitié !
Mais, bien entendu, je n’émet aucun son.

Les deux silhouettes se rapprochent et s’arrêtent en face de moi. Deux femmes en tenue de travail, casquettes vissées sur la tête. Je tente de concentrer mon regard sur elles, de leur faire comprendre que j’existe.
— C’est celui-ci ? fait la plus grande des deux en pointant mon voisin de droite.
— Oui, répond l’autre. Les capteurs visuels présentent des défaillances.
— Retire-les, on va voir ce qu’on peut faire à l’atelier ! Et remplace les capteurs par ceux de celui-ci ! C’est un modèle qui ne sort pas et qui sert pour les pièces détachée.

J’entends un grincement sur le sol. Du coin de l’œil, je les vois tirer une escabelle de métal vers moi. Le visage de la plus petite apparait soudainement dans mon champs de vision. Son nez frôle le mien. Elle tient un tournevis automatique qu’elle approche de mon œil. Je hurle, je me débats. La pointe du tournevis emplit mon champs de vision, un petit bruit de moteur suivi d’un grincement se fait entendre. Noir.

Je suis désormais plongé dans l’obscurité absolue. J’entends le couinement de l’escabelle qu’on déplace, le bruit de la visseuse.
— Voilà, au moins celui-ci est opérationnel.
— Parfait, portons le capteur à l’atelier.
Respirations. Rangement de matériel suivi de pas qui s’éloignent et de la porte qui se referme. Noir.

Je suis seul dans le noir absolu. J’aimerais pleurer, greloter ou même ressentir. Je n’ai que le noir…
— Eva…

 

Photo par 7th Army JMTC.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Les 10 millions de conducteurs du train magique tueur

Tuesday 19 May 2015 at 18:23

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Fermez les yeux.

Imaginez un long train contenant toutes les marchandises transportées durant une année en Europe. Ce train est magique : il part le 1er janvier, roule quelques millions de kilomètres sur une voie sans fin et, automatiquement, toutes les livraisons de l’année sont effectuées dans tous les magasins et usines du continent.

Maintenant imaginez qu’une personne soit couchée sur la voie et empêche le train de passer. Si le train freine, c’est toute l’économie de l’année qui est par terre. Le train doit-il s’arrêter pour sauver la vie de cet individu ? Ou bien, au contraire, la société doit-elle sacrifier une vie pour faire tourner l’économie ?

Aux États-Unis, avec 4000 personnes sur la voie, le train ne s’arrête pas. Et je pense que les chiffres seraient similaires partout dans le monde. 4000, c’est en effet le nombre de personnes tuées chaque année dans des accidents causés par des camions de transport (et, dans la plupart des cas, par une faute humaine du conducteur). Par comparaison, les attaques du 11 septembre qui ont chamboulé le monde et fait dépenser des trilliards en « mesures de sécurité » ont fait… 3000 victimes. Les camions de transport représente à eux-seuls plus d’un 11 septembre chaque année rien que sur le sol américain.

Et si nous avons été hypnotisé par les cadavres du onze septembre, nous ignorons superbement les milliers de morts de la route, les considérant comme d’anonymes tragédies individuelles. Peut-être que si, comme pour le onze septembre, on nous repassait en boucle les images des gens en train de mourir, nous aurions une autre perception de la conduite automobile ? Personnellement, c’est la raison pour laquelle je ne veux plus conduire.

Mais j’ai une bonne nouvelle pour vous : j’ai dernièrement eu l’occasion de m’asseoir au volant d’un camion moderne. Tout est désormais automatisé : le camion anticipe les freinages, surveille la conduite du conducteur, avertit des obstacles et ralentit. De quoi éviter bien des accidents et sauver des vies.

Mieux ! Ce mois de mai 2015 voit la mise en circulation aux États-Unis du premier camion entièrement autonome. Pas de conducteur, pas d’erreur. Comme l’a démontré la Google Car, le remplacement progressif des conducteurs par des intelligences artificielles va drastiquement réduire le nombre de victimes. En plus d’un millions de miles, les Google Cars n’ont en effet connu que 11 accidents mineurs, tous sans exception ayant été causés par une erreur humaine (dans 7 de ces accidents, la voiture s’est fait emboutir par l’arrière alors qu’elle était à l’arrêt).

Génial, non ?

Il y a juste un petit problème. Il y a 3,5 millions de conducteurs de camion aux États-Unis. Dans son excellent article que je vous encourage à lire, Scott Santens estime qu’avec les motels, les restoroutes et tous les services associés, la conduite de camion représente 10 millions d’emplois.

10 millions d’emplois qui vont devenir obsolètes. Ou plutôt qui le sont déjà vu que le camion automatique existe. Un camion qui pollue moins car il peut conduire de manière optimale. Un camion qui allège la route car il peut rouler 24h/24 et donc remplacer 3 camions qui sont forcés de faire des pauses régulières.

10 millions d’emplois qui seront réalisés de manière plus efficace, plus rapide et plus sûre par des intelligences artificielles. 10 millions d’emplois qui sont, chaque année, responsables de 4000 morts.

On pourrait se réjouir sans rien changer à la société. On sauve 4000 vies et on envoie 10 millions de personnes dans la misère. Le revenu actuellement perçu par ces 10 millions de personnes se partagera entre les quelques milliers de veinards qui auront acheté des camions automatiques. Ils vivront dans le luxe en le louant sans réellement rien faire de leur journée, accusant les anciens chauffeurs d’être des paresseux. C’est une possibilité.

On pourrait également lutter de toutes nos forces contre une innovation de toutes façons inéluctable, on pourrait prétendre que rien ne vaut un bon camion manuel conduit par un routier qui sent la sueur. On pourrait tenter de faire passer des lois pour interdire les camions automatiques, permettant à 10 millions de personnes de continuer à faire un travail inutile de creusage et rebouchage de trous tout en tuant 4000 personnes par an. C’est une autre possibilité.

Je vous laisse choisir la meilleure.

Ça y’est ? Vous avez choisi votre camp ?

Ne trainez pas car les camionneurs ne sont bien entendu qu’un exemple. Si votre gagne-pain actuel n’est pas encore obsolète aujourd’hui, cela ne va guère tarder. Tout ce qu’un humain peut faire, y compris créer ou inventer, peut ou pourra être réalisé demain par une intelligence artificielle. En mieux, plus rapide et moins cher.

Alors, dépêchez-vous de faire votre choix : allez-vous investir massivement en espérant être parmi les riches et que les pauvres crèveront de faim avant de vous couper la tête ? Allez-vous lutter de toutes vos forces pour empêcher le moindre progrès technologique afin que tout le monde puisse creuser des trous et les reboucher inutilement, même au prix de nombreuses vies humaines ?

Ne pourrait-on pas imaginer une alternative, une troisième voie ? Contrairement aux politiciens, que le manque total de vision cantonne à l’équation emplois = social et donc à la dualité ci-dessus, je suis persuadé qu’il existe bien d’autres voies. Et tout comme Scott Santens, je suis convaincu que le revenu de base est une condition nécessaire à ces alternatives.

Si vous êtes contre le revenu de base, je vous laisse choisir entre les deux solutions précédentes.

 

Photo par Daniel Bracchetti.

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Printeurs 29

Monday 11 May 2015 at 19:59

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Ceci est le billet 29 sur 32 dans la série Printeurs

Dans le commissariat où il a trouvé refuge, Nellio a sympathisé avec Junior Freeman, le policier qui lui a sauvé la vie. Ensemble, ils décident d’imprimer le mystérieux contenu de la carte mémoire qu’Eva avait implantée sous la peau de Nellio. Mais pour arriver au printeur avant Georges Farreck, il va falloir utiliser un avatar, un robot dans lequel les policiers uploadent leurs esprits.

J’ouvre les yeux et contemple étonné les murs de béton du réduit. J’avais beau m’y attendre, la sensation reste particulièrement surprenante. Un diffus sentiment de panique parcours mon corps. Mon corps ? Ou plutôt ce corps artificiel que contrôle momentanément mon esprit. Cet assemblage mécanique enfermé dans un oppressant cercueil de béton.

— La sortie est devant toi ! Ne perd pas de temps. Si nécessaire, je te transmettrai le flux vidéo de l’escadre Farreck.

La voix de Junior est étrange, tellement proche et tellement lointaine. Il a insisté pour que je prenne sa place dans l’avatar. Lui ne pourrait pas faire fonctionner le printeur sans hésitation ou guidage de ma part. Et chaque seconde peut être critique.

Je prends une profonde inspiration. Avec quel corps ? Pas le temps de répondre à cette question pour le moment. J’avance.

La marche et l’ouverture de la porte se révèle incroyablement intuitive. À peine ai-je fait quelques pas à l’air libre que l’idée d’être dans un corps artificiel disparait. Par réflexe, je tourne mon visage vers le soleil. Il fait beau. Est-ce mon imagination ou ai-je véritablement senti cette odeur de bitume ramolli, de tarmac recuit qui est la caractéristique des villes les jours de chaleur ?

— Nellio, arrête de rêvasser ! Georges Farreck se rapproche et ta copine ne l’a pas encore intercepté !

Obéissant à l’injonction, je me mets à courir dans les ruelles familières. À mon passage, les passants s’écartent craintivement sans se poser de questions. Après tout, quoi de plus naturel qu’un policier en train de courir ?

La vitesse de ma course me surprend moi-même. En quelques bonds, j’arrive à l’entrée de notre ancien repère. Traversant le petit salon et le laboratoire dévasté, je me retrouve face au frigo d’azote renversé. Sans effort, je le soulève et dégage l’entrée du réduit où Max m’avait fait passer le fameux scanner multi-modal auquel je dois vraisemblablement mon amnésie. Mais pourquoi Max aurait-il fait cela ? Au fond, était-ce bien Max ?

J’ai un éclair soudain de compréhension en revoyant les lieux : je ne suis pas amnésique ! J’ai été gardé, drogué et nourri, pendant plusieurs mois. Un autre a pris ma place, sans doute pour sous-tirer des informations à Georges Farreck. À moins qu’il ne soit lui-même complice ? Et, dans ce cas, qui avait donc intérêt à me cacher dans un endroit que Georges Farreck ne connaissait pas ? Max bien entendu ! Pour me protéger ! Georges Farreck m’a probablement fait assassiner ou, pour le moins, aura fait assassiner mon double ! Tout se tient !

— Nellio, il faut que tu voies ça. Je crois que ta copine a réussi !
Une image apparait soudain dans mon champs de vision. Elle est filmée depuis l’intérieur du véhicule policier. On y voit Georges Farreck regardant par une fenêtre. Des poings tapent sur la carrosserie.
— Georges Farreck ! Georges Farreck !
— Ils sont trop nombreux, nous n’arrivons plus à avancer.
— Mais comment ont-ils pu être au courant de ma présence ? C’est incompréhensible ?
— Cela pue le coup monté. Je vais envoyer deux-trois gars pour tenter d’identifier les meneurs, cela va aller vite.

C’est toujours ça de gagné, murmuré-je. Entrant dans la pièce aveugle, je commence à vérifier l’état du printeur. La structure est renversée mais semble intacte. Par contre, la cuve d’impression s’est cassée lors de mon réveil brutal. Je tente de réfléchir à tout vitesse. Le liquide n’est pas un problème. Il suffit de l’imprimer : il est auto-générant. Par contre la cuve est plus problématique. Elle doit être étanche et nous n’en avions pas de réserve.

— La cuve est cassée ! Pas moyen d’imprimer !

Ma voix est-elle sortie de mon avatar ou de mon corps abandonné ? Peut-être les deux ? Quoi qu’il en soit, la réponse désincarnée de Junior me parvient immédiatement.

— De quoi as-tu besoin ?
— Un récipient étanche.
— Quelle taille ?
— La taille de l’objet qui est sur cette foutue carte mémoire.
— Bref, tu n’as aucune idée.
— Non, si ça se trouve, c’est grand comme la pièce !

Une intuition subite me parcourt. Retournant dans le labo dévasté, je cours vers le minuscule coin que nous appelions familièrement « cafétéria ». La zone a été vaguement épargnée et je retrouve sans peine les restes de la table écroulée.
— Elle est toujours là !
D’un geste, je saisis la nappe. Une nappe en toile cirée inusable, du genre de celles introuvables en magasin mais qui apparaissent spontanément sur la table de votre cuisine le jour où vous avez des petits enfants. Peut-être qu’on les fournit avec le kit « tisane de grand-maman » ? Retournant dans la pièce secrète, je me mets à disposer des tables de manière à délimiter un espace fermé à même le sol. Par dessus tout, j’étend la nappe. Elle pourrait couvrir une table de huit personnes.
— Et voilà ! Une véritable baignoire de luxe.
— Nellio, j’ai une mauvaise nouvelle. Jette un œil à ce qui se passe du côté de chez Georges Farreck !
— Isabelle !

Dans mon champs de vision, je vois apparaitre une image d’Isabelle entourée de deux policiers. Elle hurle :
— Georges Farreck ! Laissez moi parler à Georges Farreck ! J’ai des révélations à lui faire.
La voix de Georges retentit dans mes oreilles, extrêmement proche.
— Amenez moi cette femme !
— Mais c’est une télé-pass hystérique, sans doute une de vos fans. Elle veut juste vous violer ou un truc du genre.
— Vous êtes capable de me protéger, non ? Cette foule qui bloque notre passage ne me semble pas un hasard.
Une main gantée apparait à l’écran et fait un signe à destination des autres policiers. Isabelle est conduite sans ménagement. Je distingue sa figure échevelée, ses joues rubicondes. Son essoufflement est visible. Elle s’arrête un instant, interdite.
— Oh merde ! Georges Farreck ! Le Georges Farreck ! J’ai la culotte qui dégouline ! Je… J’ai vu tous vos films, je vous adore !
Georges ne peut se retenir de dégainer un sourire charmeur. Ses dents étincellent.
— Merci, c’est très gentil à vous. Je suis flatté. Mais vous me parliez d’une révélation ?
— Ouais, justement, est-ce que vous allez tourner un nouveau film ici dans la ville ?
— Je ne sais pas encore, pourquoi cette question ?
— Parce que voilà, on m’a d’mandé de venir faire la fan rapport à votre film. Une obligation qu’y disaient. Mais j’suis pas conne. Je sens bien que c’est autre chose.
— Attendez, je suis pas sûr de vous suivre. Vous voulez dire qu’on vous a demandé de réunir des personnes pour m’acclamer ici ?
— C’est ça !
— Dans quel but ?
— J’sais pas. Et c’est ça qui semble bizarre.
— Et pourquoi l’avez-vous fait ?
— Ben c’t’une obligation. J’ai pas envie de perdre mes allocs. Mais je me dis que si je vous aide, vous pouvez p’têtre m’aider en retour. J’ai toujours su que j’serais une star. J’pourrais jouer dans vos films.
— Qui vous a donné cette obligation ?
— Attends mon pote, d’abord on négocie ce que j’aurais en échange !

J’éclate de rire. Sacrée Isabelle. Elle a réussit le tour de force de retarder Georges Farreck tout en lui extorquant un quelconque avantage.
— Nellio, ne traîne pas ! Isabelle nous offre un répit inespéré mais les policiers ne sont vraiment pas loin.

Mécaniquement, je remets en place le printeur. D’une pression sur le clavier, je lance l’impression du liquide d’impression. Je note mentalement d’optimiser l’algorithme pour imprimer le liquide dynamiquement, en fonction de l’objet à traiter.

— Connecte-toi à l’ordinateur que j’uploade le fichier à imprimer !
— Connecter ? Mais comment ?
— Les avatars disposent de la plupart des ports standards. Regarde dans ton torse.

C’est la première loi de l’ère électrique. Depuis qu’il est possible de brancher deux appareils entre eux, le format des prises a évolué de manière aussi explosive qu’irrationnelle. Chacun tentant de créer un format standard que tout le monde utilisera. Au final, tout terminal implémente une quinzaine de ports avec l’espoir d’une intersection avec la quinzaine implémentée par le terminal d’en face.

La seconde loi, quant à elle, stipule que c’est toujours le dernier câble que vous testez qui rentre dans le trou. Loi qui se révèle, une nouvelle fois, empiriquement exacte.

— Voilà, je suis branché !
— Fichier uploadé, en cours de transfert sur l’ordinateur.
— Quoi ? Si vite ? Mais ce n’est pas possible !
— Les avatars ne passent pas par le réseau traditionnel. Trop dangereux. D’ailleurs, la pièce où tu te trouves semble être une cage de Faraday parfaitement isolée.
— Mais…
— Chaque avatar est lié au centre par quantum entanglement. Deux photons émis au même moment. L’un est stocké dans l’avatar, l’autre au centre de contrôle, le tout grâce à des ralentisseurs de lumière. Cela permet une communication instantanée dont la vitesse n’est théoriquement pas limitée.
— Je croyais que ce n’était encore qu’un prototype !
— C’est l’avantage de travailler dans un commissariat à haut tarif !
Ébahi, je tente de me reconcentrer sur ma tâche.
— Bon, je lance l’impression !
— Merde ! Les flics ! Ils sont là, j’étais distrait ! Nellio !

Un bruit d’explosion retentit soudainement dans l’entrée du laboratoire.

 

Photo par Trey Ratcliff.

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Écrire un livre ? Quelle drôle d’idée !

Wednesday 22 April 2015 at 22:28

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Régulièrement, des lecteurs de mon blog ou des personnes assistant à une de mes conférences me demandent si j’ai publié des livres reprenant les idées que je développe.

Malheureusement, je dois répondre que non. Et ce n’est pas dans mes projets.

La raison en est toute simple : si je publiais un livre, il serait déjà obsolète avant même que vous puissiez le tenir entre vos mains.

Mes idées évoluent en permanence. Je publie des billets sur ce qui m’interpelle, sur ce qui m’intéresse. Un nouveau billet peut parfois contredire un plus ancien. Ou le compléter. Chaque billet a d’ailleurs un lectorat différent, imprévu.

Un livre fige un instant passé. Il remplit pour faire plus sérieux. Si pour la fiction ou pour les expériences intemporelles le livre peut être approprié, il ne l’est plus pour un phénomène aussi mouvant que les idées et la réflexion. Si, de plus, vous le voulez sur arbre mort, diffusé par une maison traditionnelle, son obsolescence n’en sera que plus grande. Quel serait votre intérêt de lire une version longue des idées que j’ai eu il y a près d’un an ?

Pourtant, le livre garde une aura. Publier un livre fait de vous quelqu’un d’important. Les médias font énormément de bruit autour des livres. La sortie d’un livre est un événement. Être auteur publié, c’est un gage d’autorité. C’est la garantie d’être invité comme expert sur les plateaux télé, surtout si le titre est accrocheur : Et nous cédons la parole à Ploum, auteur du remarqué « Internet et ses dangers », publié chez Plouc.

Peu importe les âneries que vous ayez écrite, peu importe que votre livre se soit vendu à 200 exemplaires, vous êtes un auteur, vous êtes un expert, vous êtes détenteur de la Vérité. Car, tout texte imprimé représente la Vérité. Un blogueur, même s’il est lu par des dizaines de milliers de lecteurs, c’est un amateur. Rien à voir avec cet auteur que personne n’a lu excepté celui chargé de rédiger la critique.

C’est entièrement logique car, comme je l’expliquais dans mon billet « Il faudra la construire sans eux », les médias appartiennent à la génération de l’information centralisée dont l’élément principal reste l’imprimerie. En publiant un livre, vous devenez un média, vous faîtes partie de leur monde, ils vous soutiennent. À leurs yeux, le web n’est qu’un outil de promotion pour leurs livres, leurs émissions ou leurs journaux.

Si je publiais un livre, je le percevrais au contraire comme un outil de promotion de ce blog ! Une simple porte d’entrée pour inviter les gens à me lire sur le web, à apprendre un mode de pensée dynamique, changeant, décentralisé.

Si je publiais un livre, ce serait pour obtenir la reconnaissance d’institutions que je juge obsolètes et délétères. Des institutions qui sont des freins au progrès.

Au fond, c’est le web qui me nourrit, me fait grandir. C’est le web qui m’apporte des idées, me fait réfléchir. C’est donc sur le web que je veux contribuer et apporter ma modeste contribution.

Moi, publier un livre de non-fiction ? Vous ne voulez pas que je l’écrive à la plume sur du vélin tant que vous y êtes ? Ça aurait son charme, je le reconnais, mais en attendant je vous encourage vivement à lire sur le web. Vous verrez, c’est un nouveau monde !

 

L’illustration s’intitule « Vanité », de Pieter Claesz et est photographiée par Thomas Hawk. Vous seriez sans doute intéressé par la lecture de La mort de la presse ? Tant mieux ! et par mes techniques pour Lire rapidement sur le web.

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La liberté, c’est la poubelle !

Wednesday 8 April 2015 at 19:19

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Comment le développement logiciel m’a appris à réfréner mes envies de consommation en jetant à la poubelle.

Il est tard, vous avez travaillé toute la journée, vous avez faim. Vous ouvrez le frigo : il contient divers récipients et une dizaine de produits variés. Non, décidément, rien. Vous vous résignez à commander une pizza.

C’est une journée importante. Vous voulez faire une bonne impression. Vous ouvrez votre garde-robe. Elle déborde. Deux t-shirts en tombent. Vous la refermez : non, décidément, vous n’avez plus rien à vous mettre. Il devient urgent d’aller au magasin. Et justement ce sont les soldes…

Le point commun de ces deux situations ? Le paradoxe du choix !

Bien connu des concepteurs de logiciels, le paradoxe du choix stipule que présenter des choix à l’utilisateur offre une mauvaise expérience. En effet, lorsque nous sommes confrontés à une décision, nous avons inconsciemment la conviction qu’il existe une solution meilleure que les autres, optimale. Nous ne voyons pas un choix comme une option mais bel et bien comme un test qui nous met au défi de retrouver la meilleure solution. Avec la crainte sous-jacente de ne pas choisir la bonne.

Le stress induit par le choix est particulièrement flagrant auprès des débutants en informatique : confrontés à une boîte de dialogue, ils paniquent au point d’être incapable de lire rationnellement. En désespoir de cause, ils ferment la boîte de dialogue en utilisant la croix afin d’éviter de faire un choix.

Ce stress du choix est omniprésent dans notre société de consommation. Des milliers de produits, des milliers de marques qui célèbrent « la liberté de choix ». Or, comme dit ci-dessus, cette liberté n’est que factice et est au contraire contraignante.

Face à tant de choix, nous préférons nous laisser guider, rôle rempli à merveille par la publicité. Plus subtilement, le fait d’avoir trop de choix au sein même de notre maison nous découragera, découragement que nous interpréterons comme un manque. Et qui nous poussera donc à remplir encore plus notre maison. Ce qui augmentera notre découragement et notre insatisfaction.

Plus nous achetons, plus nous possédons, plus nous éprouvons un manque et le besoin d’acheter !

Ayant pris conscience de cela, chaque fois que j’ai l’impression d’avoir un manque de vêtements, que j’éprouve le besoin d’acheter du neuf, je trie et je jette ou je porte à donner une grande partie (parfois jusqu’à la moitié) de mes vêtements existants. L’effet est saisissant : j’ai réellement l’impression d’avoir renouvelé ma garde-robe. Réduire mes choix me procure une impression paradoxale d’avoir désormais plus de choix.

Sans que nous nous soyons concertés, ma compagne a fait de même avec les armoires de la cuisine, jetant ce qui était périmé et non-mangeable, donnant ce que nous ne consommerions sans doute jamais, cuisinant ce qui était périmé mais mangeable. Le résultat a été également sans appel : nous avons beaucoup moins le besoin de commander ou de manger à l’extérieur. Le frigo, qui n’a jamais été aussi vide, contient toujours de quoi préparer un repas.

Jeter, c’est regagner sa liberté, ses choix ! Jeter est une véritable satisfaction et procure un réel sentiment de libération.

Par un amusant retour aux sources, j’ai réalisé que cette conclusion s’appliquait également… au développement logiciel ! J’ai vécu récemment l’exemple d’un client demandant à chaque fois des nouvelles fonctionnalités puis, après plusieurs mois, se plaignant que l’interface était trop complexe.

Il est facile de remettre la faute sur le client, de dire qu’il ne sait pas ce qu’il veut. Mais, au fond, nous sommes en tant qu’utilisateurs face à un logiciel comme face à un frigo ou une garde-robe : si nous éprouvons le besoin de rajouter une fonctionnalité, c’est que le logiciel en comporte trop. Il est temps de jeter des fonctionnalités, de le simplifier.

Finalement, faire des économies ou regagner sa liberté est assez simple : Jetez lorsque vous avez envie de consommer, simplifiez lorsque vous éprouvez le besoin de rendre complexe.

Jetez pour consommer moins !

 

Photo par Jes. Vous pourriez être également intéressé par la cueillette des biens matériels.

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Je ne veux plus conduire !

Monday 16 March 2015 at 17:04

OK, let me drive...

Je ne veux plus conduire car j’ai l’impression de perdre mon temps. Lorsque je conduis, je ne peux ni lire, ni écrire, ni admirer, ni respirer, ni rêver, ni me défouler, ni aimer, ni faire plaisir, ni me faire plaisir. 1h30 de conduite par jour, et on y est plus vite qu’on ne l’imagine, représente un sacrifice de 10% de notre temps éveillé, 10% de notre vie.

Je ne veux plus conduire car la conduite est morbide. Assis, sans pouvoir bouger, mes muscles s’atrophient, se contractent, se rigidifient. La position force mes poumons à se refermer. De toutes façons, je ne fais que respirer les gaz d’échappement de ceux qui me précèdent. Il suffit de voir la couleur que prend la neige au bord d’une route pour réaliser que nos poumons font de même. Au fond, conduire n’est pas très éloigné de la torture physique.

Je ne veux plus conduire car je n’aime pas risquer ma vie en permanence. Lancé dans un bolide de métal à des vitesses folles, mon esprit doit être en permanence alerte, aux aguets. Je dois prévoir les comportements erratiques des autres conducteurs, anticiper les conditions difficiles. Ma vie est en jeu ! Si je l’oublie et que je me détends, bercé par l’habitude d’un trajet journalier et la confiance en mes talents, je ne fais qu’ignorer un danger exacerbé par mon insouciance. Et je me transforme en criminel potentiel…

Je ne veux plus conduire car je ne veux plus soutenir le véritable culte qui entoure désormais l’automobile. D’utilitaire, elle est devenue religion. Les constructeurs les font brillantes et volontairement fragiles. L’adoration liturgique se fait dans les grands salons annuels et dans les discussions de tous les jours. Effleurer une voiture en stationnement la fera hurler, y laisser une griffe, même ténue et involontaire, vous transformera en ennemi public, en criminel haï et poursuivi. Rien que critiquer le dieu automobile fait de moi un paria.

Je ne veux plus conduire car toute notre société est aux ordres de l’automobile. Tous nos paysages sont entièrement adaptés à la conduite. Nos routes ne déservent plus nos maisons, ce sont nos maisons qui déservent les routes. De monstrueuses arches de bétons s’élèvent autour des villes et à travers les campagnes. Un grondement continu rugit et assourdit. Personne n’oserait bloquer, ne fut-ce que quelques minutes, les passages d’automobiles. Alors qu’au même endroit il n’est pas rare de laisser des trottoirs ou des pistes cyclables encombrées pendant des mois, forçant les non-automobilistes à risquer leur vie. C’est bien simple : me rendre à vélo au travail compte plus de kilomètres qu’en voiture car les voies rapides les plus directes sont strictement réservées aux automobiles.

Je ne veux plus conduire car l’automobile est devenue une guerre. J’ai vu trop de sacrifices, de jeunes vies fauchées. Les personnes que j’ai connues et qui sont mortes avant leur 50 ans ont, dans leur immense majorité, été tuées par l’automobile. Certains qui ne sont pas morts sont restés handicapés à vie. Aujourd’hui encore, malgré parfois plusieurs lustres, je revis régulièrement ces terribles secondes où j’ai appris la mort d’un proche, d’une fréquentation ou d’une vague connaissance. Je reste profondément choqué par la violente soudaineté de ces injustices. Tout en sachant que je pourrais bien être la prochaine victime ou le prochain assassin.

Je ne veux plus conduire car quand je vois des jeunes pleins de vie dilapider leur premier salaire dans l’automobile, quand je les vois faire vrombir leur moteur, faire crisser les pneus, je sais qu’un jour ils se retourneront contre nous, qu’ils nous montreront leurs blessures, leurs morts, leur terre meurtrie et qu’ils nous diront : “Pourquoi nous avez-vous enseigné cette religion ? Pourquoi nous avez-vous laissé faire ? Pourquoi avez-vous retardé toutes les innovations qui permettaient de se débarrasser de l’automobile ? Est-ce que l’industrie de l’automobile méritait une seule de nos vies ?”.

Je ne veux plus conduire car je sais que mes descendants me regarderont comme un criminel en me disant “Tout cela uniquement dans le but de se déplacer ?”. Et ils auront raison.

 

Photo par F Mira. Lectures suggérées : La proclamation, L’inauguration du RER, La voiture, 1er front de la guerre à l’innovation.

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Comment pourrait-il en être autrement ?

Tuesday 3 March 2015 at 22:45

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Les méandres de la psychologie humaine font que, du cyclisme à la politique, on peut être un honnête tricheur, un menteur qui dit la vérité et un corrompu de bonne foi. Et si ce n’était pas les hommes qui corrompaient les institutions mais bien les institutions qui, par construction, ne laissaient aucun choix aux hommes ?

 

J’ai toujours imaginé qu’un jeune cycliste qui débutait devait être idéaliste. Il devait avoir entendu parler de dopage. Peut-être même l’avoir constaté. Mais lui s’en passerait. Quitte à ne pas toujours gagner. Son talent compenserait. Et puis gagner une seule étape était l’objectif de sa carrière, pas enfiler plusieurs grands tours.

Au fur et à mesure, il avait rencontré des difficultés. Des opportunités s’étaient présentées. Suite à des conseils et à un rhume, un médicament l’avait beaucoup aidé pour la course du lendemain.

Était-ce du dopage ? Certainement pas. Et puis, au fond, qu’est-ce que le dopage ? Une liste arbitraire de produits ? Sans le médicament, les performances s’écroulaient. Mais cette substance combinée à un traitement particulier du soigneur de l’équipe avaient un effet revigorant. Sans pour autant être du dopage. Pas du « vrai ».

Et puis il y a eu cette course. La veille, il se sentait un peu patraque. Mais il y avait un gros contrat de sponsoring à la clé s’il terminait dans les dix premiers. Il y avait une prime qui couvrirait amplement les travaux de la maison pour laquelle il s’était endetté. Ce n’était juste qu’une fois. Pas vraiment du dopage comme on en parle dans les journaux avec des grosses seringues. Non, juste une aide. Juste une fois.

Lorsque la nouvelle de sa disqualification est parue dans les journaux, le cycliste a fondu en larmes. Non, il ne s’était jamais dopé. Pas « vraiment ». Pas « dopé ». C’était injuste. Et puis il était un de ceux qui prenaient le moins de produits alors qu’il obtenait des résultats. Il était honnête. Il se croyait très sincèrement victime d’une injustice.

Non il ne mentait pas ! Il était profondément convaincu. Ce n’était pas vraiment du dopage. Au fond, qu’est-ce que le dopage ? Et puis, entre nous, avait-il seulement le choix ? Comment aurait-il pu faire autrement ?

 

*

Après des années de militantisme politique et suite à un concours de circonstances impliquant plusieurs démissions, vous voilà assis dans un bureau occupant vos premières fonctions d’élu. Vous ne pouvez vous empêchez d’être fier. Idéaliste, vous voyez là enfin un moyen d’agir, de rendre le monde qui vous entoure meilleur, plus humain, plus juste.

Votre travail, vous le réalisez très vite, consiste à dépenser l’argent public. Mais attention, vous allez faire ça correctement ! En bon gestionnaire ! Même si c’est la première fois de votre vie que vous avez le pouvoir de distribuer des millions, vous ne comptez pas vous laisser éblouir.

Sur votre bureau se trouve une demande pour subsidier l’organisation d’un festival de musique ésotérique.

Vous n’avez jamais entendu parler de musique ésotérique mais vous avez l’attention attirée : l’organisateur n’est autre qu’un ami d’enfance ! Le dossier est bien ficelé et ce festival a lieu chaque année. Ça a l’air très bien. La requête n’est que de 100.000€. Une paille dans votre budget ! Bref, vous ne voyez pas de raison de refuser cela à un ami d’enfance et vous accordez le budget.

Le lendemain, votre neveu vous annonce qu’il cherche un boulot comme graphiste. Au cours de la conversation, il vous apprend qu’il puise son inspiration dans la musique ésotérique. Cela vous donne une idée. Vous passez un rapide coup de fil à votre ami d’enfance pour lui annoncer que vous avez accordé le subside. Et vous demandez si le festival, fort de ce subside, n’aurait pas besoin des services d’un graphiste. Votre ami demande les coordonnées de votre neveux.

Vous êtes satisfait, vous avez rendu service à tout le monde. Vous vous sentez utile.

Quelques semaines plus tard, vous recevez une demande pour un festival similaire. En toute honnêteté, vous refusez. Un festival de musique ésotérique, c’est bien assez. Même si, cette fois, la demande émane d’une grande société spécialisée dans l’organisation de ce type d’événements.

Le lendemain, le directeur de la boîte de production vous appelle pour demander un rendez-vous. Une fois dans vos bureaux, il demande les raisons de votre refus. Vous les exposez. Le directeur vous annonce alors qu’il a découvert que le festival dont vous parlez est organisé par un de vos amis. Et que c’est dommage de favoriser ses amis.

Vous êtes estomaqués ! Vous ne favorisez pas vos amis. C’est juste que son festival a demandé les subsides avant, des subsides deux fois moins importants et qu’il a lieu chaque année. N’est-ce pas suffisant ?

Le directeur de la boîte de production propose alors de racheter la société organisant le festival actuel. Vous organisez donc une réunion avec votre ami et ce directeur.

Votre ami argue que la structure actuelle est une organisation sans but lucratif. Le directeur propose alors de racheter les droits à l’image et le nom pour 50.000€. Votre ami sera également engagé par la société comme organisateur et touchera un bon salaire. Vous placez alors le fait que votre neveu est également employé par l’association. Le directeur vous promet de l’engager.

L’affaire est conclue et vous participez à la mise en place de tout ce processus, en dehors de vos heures de travail. Le directeur vous demande alors d’envoyer vos factures pour vos heures prestées sur ce dossier. Le directeur lui-même veut bien payer « jusqu’à 200h de travail ». Vous créez en catastrophe une société avec votre époux afin d’établir cette facture au tarif de 100€ de l’heure.

L’année d’après, vous découvrez que le subside demandé est passé à 200.000€. Mais le festival a grandi, c’est normal, vous l’accordez.

Comme vous avez gagné 20.000€ avec le festival précédent, vous prenez conscience que vous êtes doué. Le tarif n’est-il pas proportionnel à la compétence ? Dire qu’il vous fallait un an pour gagner une telle somme auparavant ! Enfin, vous avez trouvé votre voie, votre talent ! Vous proposez alors à votre ami d’organiser le lancement d’un autre type de festival afin d’également revendre le concept. Cette fois-ci, vous créez une société directement avec votre ami. Mais votre ami crée une ASBL qui sous-traitera l’organisation à la société en question. Parce qu’on ne peut pas donner de subsides à une société. Votre société s’appelle donc désormais « Festival Consult ».

Votre ami démissionne officiellement pour continuer à occuper les mêmes fonctions qu’avant mais cette fois en faisant facturer ses heures via Festival Consult. Une excellente idée. De plus, cela lui permet de payer moins d’impôts. La grande société vous demande également des conseils dans l’organisation de plusieurs autres festivals et vous pouvez facturer votre expertise.

Une feuille de chou à sensation s’empare soudain de l’affaire et vous découvrez que vous êtes accusé de corruption. Corruption ! 
Vous ? Jamais ! Quel scandale ! Vous n’avez fait que mettre vos compétences dans vos heures de loisir au service de l’organisation de festivals musicaux.

Vous ne comprenez même pas ce que qu’on vous reproche. Vous ne pouvez qu’être innocent. D’ailleurs, qu’est-ce que la corruption ? Si c’était à refaire, vous ne voyez même pas ce que vous pourriez changer ! En toute honnêteté, comment auriez-vous pu agir autrement ?

 

Photo par Coolmonfrere.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Source: https://ploum.net/comment-pourrait-il-en-etre-autrement/


La fin de la publicité chez Apple ?

Saturday 28 February 2015 at 18:20

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À moins de vivre sur une autre planète, vous ne pouvez avoir manqué l’annonce faite par Tim Cook lors de la dernière keynote d’Apple. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’Apple s’y entend pour créer le buzz. Et que vous soyez un Apple fanboy ou, au contraire, profondément indigné par cette annonce, force est de constater que nul ne peut rester indifférent.

Car, malgré un chiffre d’affaire record, l’année 2016 était placée par de nombreux analystes comme l’année de tous les dangers pour la firme de Cupertino.

Après le rachat définitif de Cyanogenmod par Microsoft et le mode compatibilité annoncé dans Windows 11, Android s’est installé définitivement comme la plateforme mobile de référence, depuis les montres aux télévisions géantes en passant par les liseuses et les ordinateurs. Après les Chromebooks de Google, les Kindle Amazon et les télévisions Samsung, c’est au tour de Microsoft de se rendre 100% compatible avec les applications Android.

Une aubaine pour les développeurs qui ne doivent plus développer que pour une seule plateforme ? Non car une plateforme résiste encore et toujours à l’envahisseur : Apple, jadis la préférée des développeurs, elle est aujourd’hui subtilement délaissée. Il n’est plus rare de trouver des applications tournant sur Android mais sans équivalent sur Iphone, chose impensable il y a seulement deux ans.

Apple en difficulté et en perte de vitesse ? Même si la faiblesse est toute relative, Google ne pouvait laisser passer l’occasion de porter un coup fatal à son adversaire. Rompant la trêve tacite de non-aggression, les avocats du géant de Mountain View ont donc décidé de porter plainte contre Apple pour utilisation illégale de plusieurs brevets. Brevets majoritairement dédiés à l’affichage de publicités dans les applications mobiles et les app stores. L’idée est très simple : priver Apple d’une partie substantielle de ses revenus tout en forçant le paiement d’une amende salée.

Mais la réponse de Tim Cook avant-hier a laissé Internet sans voix.

Désormais, les publicités ne seront tout simplement plus acceptées dans les applications sur l’App Store. Safari intégrera par défaut un bloqueur de publicités. Un ouragan dans le monde du mobile. Une véritable révolution pour toute l’industrie du logiciel.

« Apple a pour mission d’offrir la meilleure expérience à ses utilisateurs. Une expérience de confort, de luxe et de productivité, a déclaré Tim Cook, évitant toute référence directe au litige en cours. La publicité ne répond pas à ces critères. Pire, la plupart des applications embarquant de la publicité le font dans le but de dégrader l’expérience afin de convaincre l’utilisateur de passer à la version payante. »

Mais la firme ne compte pas s’arrêter là.

« Nous allons progressivement mettre en place un abonnement qui donnera accès gratuitement à toutes les applications de l’app store, sans aucune restriction. Les auteurs des applications toucheront un pourcentage de cet abonnement en fonction du nombre d’utilisateurs et de l’usage de ces applications. Nous espérons de cette manière mettre en place un système plus égalitaire et plus intéressant pour les petits développeurs mais également plus simple et plus efficace pour les utilisateurs, qui peuvent installer et désinstaller en fonction de leur besoin. Nous poursuivons donc la logique Pay Once and Play mise en place en 2015. »

Pour la plupart des éditeurs de contenus vivant de la publicité, la nouvelle est une catastrophe. Certains organismes de presse envisage même d’attaquer Apple en justice. Mais comme l’a expliqué Tim Cook, les alternatives existent.

« Depuis des années, les produits Apple bloquent automatiquement les tentatives d’intrusions et d’installations de logiciels malveillants. Techniquement, la publicité peut être perçue comme l’installation d’un logiciel malveillant dans le cerveau de l’utilisateur. D’un point de vue éthique, une société qui a la vocation de servir ses utilisateurs ne peut pas ne pas les bloquer. »

« Quand aux sites webs qui vivent de la publicité, nous les encourageons à developper une application dédiée. Cela leur permettra de toucher un pourcentage sur les abonnements à l’App Store souscrit par leurs utilisateurs. Ils pourront donc se concentrer à satisfaire leurs utilisateurs et non plus les intermédiaires du monde de la publicité. »

Sur Twitter, les messages se déchainent et les plus cyniques ont bien entendu relevé l’hypocrisie du fait qu’Apple est une entreprise au marketing particulièrement rodé dont les publicités sont dans toutes les grandes villes. Le compte Twitter officiel d’Apple y a d’ailleurs répondu :

There’s a thin line between informations and advertising.

(La frontière est floue entre l’information et la publicité)

Our goal is to ensure that our communication is like our product : efficient, elegant, useful and never intrusive.

(Notre objectif est que notre communication soit comme nos produits : efficace, élégant, utile mais jamais intrusif)

Quoiqu’il en soit, voici une nouvelle qui va certainement faire bouger les choses et qui, à termes, pourrait s’avérer bénéfiques pour les utilisateurs.

 

Photo par Mike Deerkoski.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Source: https://ploum.net/la-fin-de-la-publicite-chez-apple/