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L’entreprise qui n’existait pas

Wednesday 23 July 2014 at 18:26

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Vous connaissez le service web JamJam ? Peut-être l’utilisez-vous régulièrement pour envoyer de l’argent à vos amis ou à vos artistes préférés et pour effectuer vos paiements. Il fonctionne très bien, est efficace et surtout pas cher. Il ne coûte que 0,01% de vos transactions !

Mais vous serez peut-être surpris d’apprendre l’histoire derrière la création de JamJam.

En 2015, un programmeur appelé John Am, connu sous le pseudonyme de Jam, a décidé de se simplifier la vie pour les paiements en ligne en programmant une petite application qui accepterait tous les types de paiement existants et accepterait de payer vers tous les systèmes. Virement bancaires, cartes de crédit, Paypal, bitcoins furent les premiers à être implémenté.

Pour Joh Am, l’objectif initial était évident : en tant qu’indépendant, il recevait des paiements de ses clients sur de multiples systèmes et effectuait lui-même des achats à travers ce que les sites marchands voulaient bien accepter. Il devait donc jongler entre tout ces comptes. JamJam était, au départ, une simple couche d’abstraction doublé d’un plugin Firefox/Chrome qui transformait n’importe quel moyen de paiement en bouton JamJam.

Le système ayant été rendu public, JamJam pouvait optimiser au mieux les flux d’entrée et de sortie grâce à un algorithme intelligent autonome. L’algo minimisait les conversions entre plateformes. Lorsqu’on demanda à John Am d’intégrer d’autres moyens de paiement, il répondit avec une API simple avec laquelle tout le monde pouvait programmer un nouveau moyen de paiement pour JamJam. Les sites de vente commencèrent à se simplifier la vie en ajoutant un simple bouton JamJam qui permettait à l’utilisateur de choisir le moyen de paiement de son choix. Y compris le transfert direct entre compte JamJam.

À 0,01%, JamJam n’était pas rentable. Pas encore. Mais cela ne gênait pas John Am qui avoua sur un forum n’avoir jamais envisagé d’en faire un business. Par contre, il souhaitait se détacher de la maintenance de JamJam. Victime de son succès, la plateforme nécessitait en permanence l’adjonction de ressources supplémentaires. Le site, au design très simple et épuré, n’était par contre plus modifié. Et, comme le soulignait Joh Am, les utilisateurs eux-mêmes introduisaient les nouveaux moyens de paiement ou les adaptaient lorsqu’un fournisseur modifiait son API.

Après plusieurs semaines de silence, John Am annonça avoir développé un algorithme dans JamJam qui analysait les tarifs des différents prestataires d’hébergement de type cloud, comme Amazon S3. L’algo commandait les ressources en fonction des besoins et migrait automatiquement vers le prestataire le plus intéressant. Le renouvellement du nom de domaine et sa gestion était également inclus. Les paiements se faisaient automatiquement grâce au peu d’argent que JamJam générait.

Un an plus tard, John Am annonça fièrement n’avoir plus touché à JamJam pendant près d’un an. Il n’avait strictement rien fait. Pourtant, le site continuait à tourner, à être utilisé et, mieux, avait même généré un bénéfice important ! Histoire de s’amuser, John Am avait lancé un petit programme de trading automatique qui achetait des actions ou des actifs et les revendait. Le programme était même capable de créer plusieurs comptes sur les différentes plateformes de trading. L’algo jonglait avec les produits dérivés et les plateformes de trading installées dans les pays où les vérifications d’identité n’étaient pas strictes. Jam annonça que, pour cet algo, il avait même ouvert des comptes à numéro dans plusieurs paradis fiscaux. Les bénéfices y seraient versés. Une simple blague de potache, selon John Am.

En quelques années, JamJam est devenu l’une des plateformes de paiement les plus importantes au monde. Son chiffre d’affaire est un mystère total mais certains chercheurs l’estiment à plusieurs dizaines de millions de dollars par mois. Le chiffre de cent millions mensuels a même été avancé. JamJam est donc une société commerciale extrêmement importante.

John Am, de son côté, avait complètement disparu de la circulation. Plus le moindre message, plus la moindre annonce. De temps en temps, un blogueur se plaisait à l’imaginer sur une île paradisiaque ou dépensant son argent en fêtes et jets privés. Son visage n’étant pas connu du grand public, il pouvait être partout !

Il y a quelques mois, un groupe de blogueurs annonça avoir retrouvé la trace de John Am qui ne serait autre que John Armsbrough, un jeune hacker anglais qui vivait dans une banlieue cossue de Londres. Les premiers utilisateurs de JamJam qui l’avaient rencontrés ou qui avaient discuté avec lui en vidéo conférence le confirmèrent sans hésitation : John Am était bien John Armsbrough. Sous son vrai nom, il tenait également un blog de poésie dont l’analyse sémantique ne laissa aucun doute : l’auteur du blog et l’auteur des communiqués de JamJam ne faisaient qu’une seule et même personne.

Cependant, il y avait un problème. Et de taille ! John Armsbrough était décédé deux ans plus tôt dans un stupide accident, une semaine après s’être offert une puissante voiture de sport pour son vingt-neuvième anniversaire. Si quelques rares amis proches avouèrent être au courant qu’il était à l’origine de JamJam, personne n’avait la moindre idée de comment fonctionnait JamJam ni comment étaient gérés les bénéfices. JamJam semblait exister sur plusieurs plateformes d’hébergement et, en cas de suppression de compte sur l’une, migrait automatiquement sur l’autre avant de recréer des comptes sous différents pseudonymes.

Où vont ces bénéfices aujourd’hui étant donné que JamJam ne paie aucun salaire, aucun bâtiment ? Ni même aucun impôt vu que JamJam n’existe dans aucun pays ! Personne ne le sait avec certitude. Certains pensent qu’ils s’accumulent. D’autres que John Am a bel et bien implémenté son robot trader et que l’argent est investi de manière continue. Dans les milieux financiers, JamJam est devenu une légende. Face à certains mouvements inexplicables, les traders ont désormais coutume de dire « Encore un coup de JamJam ! ».

Sur le web, certains fanatiques tentent désormais d’analyser les mouvements financiers. Ils se basent également sur des statistiques d’achats des sites utilisant JamJam et des sondages auprès des internautes. Selon certaines estimations, le trésor accumulé par JamJam serait colossal et ne ferait que croître. D’ici quelques années, JamJam deviendrait probablement une des entreprises les plus riches de la planète. Contrôlant une transaction sur 10 dans le monde, tous moyens de paiement confondus, elle serait à elle seule propriétaire de près de 1% des actions des entreprises du Fortune 500. Elle serait également dans le top 10 des plus gros propriétaires d’or, d’argent et de bitcoins.

Le seul problème est qu’aucun être humain n’est plus lié à JamJam. Tant du point de vue juridique que géographique, l’entreprise n’existe pas !

 

Photo par Thomas Guignard. Relecture par François Martin.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Escale sur Samantha

Thursday 17 July 2014 at 10:13

samantha

Télécharger « Escale sur Samanta » :

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Jim reprit son passeport biométrique des pattes velues d’un douanier indigène de type arachnéen. D’un pas rapide, il rejoignit son collègue qui faisait le pied de grue, deux sacs aux couleurs de la Spatiale sur les épaules.
— Nom d’une nébuleuse Jim, qu’est-ce que t’as encore foutu ?
— Cette saloperie d’araignée devait me trouver louche je suppose ; tu me refiles mon sac ?
— Bon, on a deux mille cycles à tuer avant le rembarquement et le retour.
— Deux mille cycles ? Une pleine semaine terrestre ? Bon sang, ça fait pas deux heures qu’on est là et ces espèces d’araignées me foutent déjà le cafard.
— Ah non, les cafards, c’était sur Sygmalia, en trente-deux.
— La fois où une partie de la cargaison a éclos pendant le déchargement ? Ne m’en parle pas, par pitié…
Les deux humains se faufilèrent vers la sortie parmi la masse grouillante du spatioport, se fiant aux symboles Universels tracés sur les murs. Le voyageur de l’espace inexpérimenté est toujours saisi par la foule cosmopolite d’un spatioport, ne pouvant parfois pas retenir son dégoût face à une Morue larvaire du système Aural ou son étonnement face aux bulles irisées et fantomatiques que sont les Esprits de Nar.

Mais Jim et Tom parcouraient le cosmos depuis maintenant près de trente années terrestres. La faune de l’espace avait pour eux autant d’intérêt qu’un morceau de tarmac pour un chauffeur de camion. Ils respiraient l’atmosphère disponible sans sourciller pourvu qu’elle soit fournie en oxygène, ils mangeaient ce qu’on leur servait avec une moue blasée pourvu que cela contienne des protéines. Néanmoins, comme tout astronaute qui se respecte, il était un aspect des coutumes locales qu’ils ne se lassaient pas de découvrir dès que le temps entre deux chargements le permettait.

Tom franchit les portes battantes et renifla l’atmosphère extérieure de Samantha.
— Vingt-six mille cycles qu’on est dans cette boîte à conserve de malheur. Et encore le même nombre pour le retour. Je sens que je vais me payer une tranche de bon temps avant d’embarquer !
— Ouaip, je me demande ce qu’ils ont comme coutumes exotiques dans le coin.
— Quoi qu’il en soit, ça ne peut pas être pire que les espèces de cactus rêches de la mission passée. Absolument inadaptés à un mode de reproduction humanoïde.
— Tu crois qu’ils ont les fameuses limaces baveuses de Shling ? demanda Jim avec un petit sourire.
— Ah, les limaces de Shling. Qu’est-ce qu’elles puent celles-là.
— Clair, mais une fois que tu as passé ce stade, nom d’un réacteur, c’est diantrement bon.
— Oh oui ! Un peu dégueulasse mais, waw, les Terriens ne savent pas ce qu’ils ratent.
— Tu m’as donné envie. Sors le guide et regarde si, à tout hasard, ils n’auraient pas un établissement avec des limaces de Shling dans ce bled pourri.
Tom sortit un petit ordinateur de sa poche et tapota rapidement.
— Raté. Mais il fallait s’y attendre. Samantha n’est pas exactement ce qu’on pourrait appeler une planète développée.
Une mandibule tira sur la manche de Jim.
— Permettez-moi de vous importuner, honorables visiteurs, je me présente, F’thang, guide touristique.
L’être étrange ressemblait à un scarabée qui aurait appris à se déplacer comme un bipède. Ses deux pattes inférieures se séparaient en plusieurs pieds très fins qui devaient lui assurer une grande stabilité. Sa voix sortait en curieux glapissements depuis un orifice situé sur son abdomen. Il avait prononcé son nom comme une onomatopée caverneuse rappelant le bruit d’un ressort qui se détend.
— J’ai cru comprendre que vous êtes à la recherche de nouveaux frissons d’ordre reproductif. Puis-je savoir de quelle planète vous êtes originaires ? Les modestes connaissances de F’thang vous guideront à travers les plaisirs insoupçonnables que recèle Samantha.
— Combien ? demanda immédiatement Jim, en voyageur interstellaire aguerri.
— Seulement cinquante crédits votre magnificence.
Tom ne put retenir une exclamation. Cinquante crédits ? Une paille ! La compagnie leur allouait mille crédits par journée d’étape. Cette planète bien loin des circuits traditionnels n’avait pas encore connu l’inflation consécutive à l’entrée dans la Fédération.
— Dix, dit calmement Jim d’un ton sans appel.
— Votre honneur, nous sommes en dehors des parcours touristiques et les étrangers sont bien rares sur Samantha. Je ne descendrai pas en dessous de quarante crédits. J’ai une couvée sur le point d’éclore et…
— Quinze maintenant et quinze à la sortie, si nous sommes satisfaits.
Jim tendit trois plaques aux couleurs de la Spatiale qui disparurent immédiatement sous la carapace chitineuse.
— Mes chers amis, poursuivit le scarabée, c’est un plaisir de faire affaire avec vous.
— Nous sommes de la planète Terre, étoile Solaire, quatrième quadrant. Qu’as-tu à nous proposer ?
— Ah, la Terre ! Merveille des merveilles. Suivez-moi formidables amis. C’est un honneur pour F’thang de guider des Terrestres sur Samantha.
— Minute Machin, où nous emmènes-tu ?
De par leur métier, les astronautes étaient une race d’hommes prudents. La ridicule somme de quinze crédits pouvait très bien n’être qu’une façon de gagner leur confiance pour les entraîner dans un recoin isolé afin de les dépouiller ou de les vendre comme esclaves, bien que la Constitution de la Fédération l’interdît formellement. Ceci dit, la même Constitution interdisait également la prostitution.
— Il n’est point besoin d’être méfiant mes valeureux voyageurs. Nous avons sur Samantha une race particulière, les Religieuses. Les Religieuses possèdent un mode de reproduction étonnant.
— Tom, vérifie dans le guide.
— Il a raison Jim. Le guide indique : « Les Religieuses de la planète Samantha possèdent un mode de reproduction particulièrement intense qui redéfinit la notion même d’orgasme et de plaisir. L’acte sexuel rappelle celui des Terrestres mais avec une magnitude d’un ordre de grandeur supérieur. Il est dit que plus d’un mâle a perdu la tête dans une bouffée orgasmique grâce au savoir-faire des Religieuses de Samantha. À réserver aux voyageurs expérimentés. »
— Ça me semble très appétissant tout ça.
— J’ai toujours rêvé de me faire une religieuse, murmura Tom, tu crois qu’elles ont des voiles ?
— Tais-toi, tu m’excites tellement que je vais me faire le scarabée avant même d’être arrivé.
Les deux compères éclatèrent d’un rire gras qui résonna dans les ruelles de la ville.
F’thang les introduisit dans un petit bâtiment à l’allure discrète. Le hall d’entrée était chaud et accueillant. Ce qui semblait être un banc était grossièrement sculpté à même le sol, des couloirs rayonnaient dans toutes les directions vers des niches évoquant les chambres d’un internat ou d’un monastère.
— Si mes honorables amis veulent bien se donner la peine, annonça F’thang en montrant un couloir d’une de ses pattes.
— Minute Truc, l’interrompit Jim. Nous n’allons pas ensemble. Pour notre espèce, la copulation se fait de manière individuelle. Nous exigeons une Religieuse pour chacun.
Le scarabée fit mine de réfléchir.
— Je ne sais pas si cela est possible. F’thang est très triste mais…
Jim tendit de nouveau trois plaquettes de cinq crédits. Elles disparurent aussi prestement que la première fois.
— … mais je pense que F’thang a une solution pour ne pas trahir la confiance des honorables étrangers.
Il prit Jim par le bras et lui désigna un couloir.
— Dans ce couloir, vous découvrirez le frisson ultime de l’extase et de la sensualité des Religieuses mon ami. F’thang est de retour dans une fraction de cycle pour indiquer un couloir libre à votre compagnon.
Le gros scarabée s’éclipsa.
— Qu’est-ce qu’on fait Tom ? On attend ?
— Vas-y Jim, je sais que t’en meurs d’envie. J’attendrai mon tour.
— T’es un pote toi tu sais.
Jim donna une claque virile sur l’épaule de son compagnon et s’engouffra dans le couloir avec un sourire concupiscent. Tom le regarda s’éloigner en s’asseyant sur le banc.
— Sacré Jim…
Un hurlement fît bondir Tom. La cigarette aux herbes qu’il était en train de préparer se répandit à ses pieds.
— Tiens bon Jim !
Le hurlement se changea en gargouillis visqueux et infâme. Tom se rua dans le couloir et sortit de sa botte un mince poinçon effilé. La Fédération interdisait et contrôlait strictement le port d’armes dans tous ses territoires, ce qui avait grandement contribué à la paix galactique. Néanmoins, un astronaute avait toujours un « outil » sur lui, au cas où…

La fine tige de métal serrée dans son poing, Tom fit irruption dans une cellule aux murs nus et sans mobilier apparent. Devant lui se dressait un gigantesque corps insectoïde verdâtre. De gros yeux globuleux noirs se détachaient sur une petite tête perchée à plus de deux mètres du sol. Quatre pattes reposaient sur la terre battue mais les deux membres supérieurs se repliaient en une pince effilée de plus d’un mètre de long.

Tom resta bouche bée une seconde.
— Nom d’un Quasar…
Il recula et son pied buta contre une petite masse compacte et sanglante qui le fixait dans un rictus de surprise. La tête de Jim !
— Par tous les cratères, Jim, ce cafard le paiera…
Il aperçut derrière la créature le corps décapité de son compagnon, affaissé dans une posture grotesque. Un éclair se fit dans son esprit.
— Lupanar ! Nous n’avions pas précisé à quelle race de terrestres nous appartenions ! Pour ces espèces de cloportes puants, la Terre est avant tout un paradis d’insectes parasité par quelques humains encombrants.
Résolument, il fit face et tendit son outil dérisoire en direction de la mante religieuse géante.

F’thang remontait le long du couloir en appelant de sa voix stridulante.
— Honorable étranger, un autre couloir vous attend !
La tête de Tom vint rouler à ses pieds. Il la ramassa et contempla le visage contracté par la haine.
— Êtes-vous satisfait merveilleux ami ? Les Religieuses de Samantha sont réputées pour donner les sensations les plus intenses de la planète. C’est un privilège rare que nous n’accordons qu’aux visiteurs les plus exigeants. F’thang lui-même n’a jamais vraiment compris ce mode de reproduction consistant à désolidariser le membre vertical supérieur du corps locomoteur. Votre race est bien particulière pour les pauvres yeux inexpérimentés de F’thang.
Devant le peu de réaction du crâne qu’il tenait entre les mains, il le replaça à l’entrée de la cellule, non loin du cadavre dégoulinant.
— Votre corps est ici tout près, je ne sais si vous en avez encore l’utilité. J’espère que vous n’oublierez pas les modalités de notre accord. Quinze crédits ne seraient pas de trop pour aider le pauvre F’thang et pour le remercier des splendeurs sublimes des Religieuses.
Pendant quelques secondes, il se dandina d’une patte sur l’autre. Dans la cellule, la Mante le regardait sans bouger. Pris d’une inspiration subite, il s’exclama :
— F’thang comprend ! Les étrangers ont mué et abandonné cette carcasse au cours de l’acte. F’thang soliloquait avec un corps vide. Les étrangers ont abusé de la crédulité de F’thang. Pauvre F’thang !
Il battit en retraite et s’éloigna dans le couloir en marmonnant.
— Pauvre F’thang. Pauvre, pauvre F’thang ! Voilà ce qui arrive de faire confiance à des étrangers aux moeurs incompréhensibles. F’thang se démène pour rendre service et F’thang se fait escroquer de quinze crédits. Pauvre, malheureux F’thang qui aurait tant eu besoin de quinze crédits. Misérable F’thang…

 

Waterloo, 15 janvier 2008. Photo par Iñaki Martinez de Marigorta. Relecture par François Martin. Soutenez l’écriture de mes mini-livres sur Patreon.

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Source: http://ploum.net/escale-sur-samantha/


Les prédictions de Goldman Sachs

Wednesday 16 July 2014 at 16:00

yacht

Avant le début de la coupe du monde de football, la célèbre et influente banque Goldman Sachs avait tweeté son pronostic pour le déroulement de la compétition, prédisant une finale Brésil-Argentine. D’où vient cette prédiction ? Et quelles ont été les conséquences ? Une passionnante enquête de Ploum, agent-blogueur-secret !

prediction

Grâce à quelques billets adroitement placés dans les poches de certains portiers, j’ai pu me faufiler jusqu’à la fête célébrant la finale que donne Isidor Side sur son yacht privé. Isidor Side, le gourou « Market & Prediction » de chez Goldman Sachs. Rendu particulièrement volubile par les coupes de champagnes, il m’invite à venir prendre l’air sur le pont. C’est là que je décide de rentrer dans le vif du sujet.
— Alors, ces prédictions pour la coupe du monde ? Comment as-tu fait ?
— J’ai utilisé le même modèle que pour les simulations de l’économie mondiale. Tous les facteurs sont pris en compte, y compris les probabilités de corruption, les sautes d’humeur des joueurs. En fait, c’est même beaucoup plus facile que l’économie car il n’y a que trente-deux équipes !
— Et ça marche ?
— Infaillible ! C’est infaillible !
Il titube un instant sur le pont et adresse un regard lubrique à deux créatures qui sont au féminisme ce que Goldman Sachs est à la lutte des classes. Je tente de réaccaparer son attention.
— Pourtant les résultats…
— Avait-on prédit l’Argentine en finale, oui ou non ?
— Oui, reconnais-je à contre-cœur. Mais après avoir battu l’Équateur, le Portugal et l’Espagne. L’Espagne, elle, aurait battu l’Italie et la Croatie. Toutes des équipes qui n’ont même pas passé le premier tour !
— Avait-on prévu une demi-finale Allemagne-Brésil, oui ou non ?
— Oui mais votre modèle prévoyait la victoire du Brésil.
Je vois qu’il commence à s’énerver. L’alcool le désinhibe et il fait de grands moulinets avec ses bras. Il me tend brusquement son smartphone.
— Regarde ! Ce sont les statistiques du match Allemagne-Brésil !

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Il commence à déclamer sur un ton véhément :
— 51% de possession de balle pour le Brésil. 18 tirs au but dont 13 cadrés pour respectivement 14 et 12 à l’Allemagne. 7 corners à 5. Et le gardien brésilien n’a du faire que 5 arrêts pour 12 au gardien allemand. Cela prouve bien que le Brésil était la meilleure équipe sur le terrain. Notre modèle est donc parfaitement juste !
Étonné, je jette rapidement un œil sur mon propre smartphone.

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Tout est juste ! Ses statistiques sont exactes. Curieusement, je constate qu’il lui manque le score final. Pour ne pas le vexer, je tente d’enchaîner.
— Et l’Espagne ? Le modèle la voyait en demi-finale et elle a probablement été une des grandes déceptions de ce tournoi.
Il me lance un regard excédé avant de pousser un profond soupir d’exaspération.
— Bon sang, ce n’est quand même pas la mer à boire ! C’est comme l’économie mondiale ! Nous produisons des modèles étudiés, précis, millimétrés. Tout le monde est d’accord : les pays, les banques, les grandes entreprises, les dirigeants. Tout le monde reconnait notre expertise. Mais si les joueurs n’y mettent pas un peu du leur et commencent à faire ce qu’ils veulent, comme ils veulent, on n’arrivera nulle part. Chacun doit faire un effort sinon cela deviendra le chaos, que dis-je, l’anarchie !
Il est complètement exalté, transfiguré.
— On se tue à faire tourner l’économie et quelques anarchistes qui s’auto-proclament « le peuple » veulent détruire toute la société ! Des paresseux, des feignants ! S’il y a des règles et des gouvernements, c’est pour les respecter. Nous sommes en démocratie !
Dans un sinistre gargouillement, il ponctue sa tirade d’un vomissement par dessus le bastingage. Il se relève en essuyant sa bouche et me regarde d’un air étonné. Il semble avoir recouvert une partie de sa lucidité.
— Mais au fait, qui êtes-vous ? Comment êtes-vous monté sur mon bateau ?
Je réponds d’un rire nerveux mais je sens que le moment est venu de tirer ma révérence. Alors qu’il se retourne pour appeler la sécurité, j’arrache ma chemise de smoking, révélant ma combinaison d’apnée. D’un geste, j’enjambe le bastingage et saute dans les flots noirs avant de disparaître dans la nuit.

 

Photo par Vanessa Hall. Pour mes prochaines enquêtes, n’hésitez pas à contribuer à mes frais de smoking et champagne. Et puis, pour rester dans le sujet, je vous invite à lire ce billet sérieux au sujet des observables.

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Source: http://ploum.net/les-predictions-de-goldman-sachs/


Le copyright vaut désormais plus que la vie humaine

Saturday 12 July 2014 at 17:47

crashtest

L’industrie du copyright a réussi un tel lavage de cerveau avec ses campagnes contre le piratage que nous en perdons tout sens commun. Au point d’être prêt à sacrifier des vies au nom du sacro-saint copyright. Aujourd’hui, dans notre pays. La propriété intellectuelle tue.

Vous avez peut-être déjà vu cette vidéo néo-zélandaise visant à sensibiliser les automobilistes sur les conséquences d’une vitesse inappropriée. La campagne a fait un buzz et la sécurité routière française a donc décider de reprendre l’idée pour une campagne similaire en France.

Au fond, cela semble très logique. Si une idée fonctionne bien dans un pays pour sauver des vies, autant tenter de faire pareil partout dans le monde. N’importe quel humaniste irait même jusqu’à applaudir les Français pour avoir pensé à aller chercher ailleurs des idées qui ont fait leur preuve.

Du moins c’était avant que, vingt années durant, l’industrie du copyright nous assène à longueur de films, à longueur d’introductions de DVD, à longueur d’attaques en justice que « copier, c’est voler ».

La preuve avec cet article, même pas un éditorial mais bien un article journalistique publié sur le site lalibre.be. Sous le titre « La sécurité routière française en manque d’inspiration ? Il reste le plagiat ! », le journaliste attaque vertement la sécurité routière française et conclut par ces mots :

Manifestement pas gêné de repomper à ce point sur leurs confrères néo-zélandais, Jean-Robert Lopez, délégué interministériel à la sécurité routière, explique au Figaro que « c’est une campagne qui a bien marché en Nouvelle-Zélande, qui a eu un gros retentissement ». Et de légitimer en une phrase, au nom de l’efficacité d’une campagne, un plagiat éhonté.

Le ton est clair. La vie et la dignité humaine ont complètement disparu de l’esprit des défenseurs du copyright. Nous sommes donc entrés dans la dernière phase du deuil d’une industrie : la plus violente, celle où tous les coups sont permis. Celle où l’humain ne compte plus face à la sauvegarde d’un business model périmé. Ne tentons même pas de souligner qu’il s’agit de la reprise d’une idée assez générique, même pas du film lui-même. Le copyright a détruit les cerveaux et les cœurs, il fonctionne en mode zombie.

J’aurais été heureux, en tant que citoyen néo-zélandais, de savoir qu’une partie de mes impôts avait servi à créer une telle campagne publicitaire. J’aurais été heureux, en tant que citoyen français, de voir mes impôts servir à réaliser une belle adaptation. Je suis honteux, citoyen belge, de voir mes impôts soutenir une presse qui, chaque jour, nous rappelle sa nocivité.

J’ai vu des professeurs refuser de partager leurs notes de cours avec des collègues sous prétexte de « propriété intellectuelle ». Aujourd’hui, la santé de Peter Sunde se dégrade de façon alarmante car il est en prison pour… pour quoi encore ? Il ne le sait pas, son acte d’accusation ne le mentionne pas (une longue histoire que je vous invite à lire). Et aujourd’hui, je viens d’avoir la preuve définitive que les vies humaines, la logique rationnelle ne compte plus dès qu’il s’agit de plagiat.

Le plagiat ou le piratage, moi je l’appelle « partage ». Et, comme vient de le démontrer l’inhumanité de ce journaliste, il peut sauver des vies. Il peut rendre le monde meilleur.

Nous ne sommes pas les mannequins de crash test de l’industrie du copyright. Nous ne pouvons accepter que des intérêts financiers limitent la diffusion des idées qui sauvent des vies. Penser au monde que nous construisons pour nos enfants et pour l’humanité est peut-être plus important que nos mesquins petits intérêts financiers à court terme.

Alors je réagis avec mon seul pouvoir : mon portefeuille. Je ne vais plus au cinéma. Je n’achète plus aucun bien culturel lié à l’industrie du copyright. Je fuis les médias subventionnés. Je fais en sorte de ne pas donner un seul centime, à part mes impôts obligatoires, à tout ceux qui pervertissent l’humanité en tentant d’endiguer le partage naturel et bénéfique. À la place, je donne à ceux qui partagent librement. Bref, je suis un pirate. Par humanisme. Par nécessité. Parce que ne pas l’être est devenu intolérable.

 

Photo par Aaron Brazell.

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Comment je suis devenu le pire gardien de but du monde

Saturday 5 July 2014 at 09:53

passoire

Des lecteurs mes demandent régulièrement comment on devient blogueur ou comment on devient futurologue. Dans le cadre du Summer of Fail lancé par Alias, je vous propose une réponse : en devenant pas gardien de but.

Un gardien prometteur

Tout petit, j’adorais le foot. Dans la cour de l’école primaire, je ne ratais aucune occasion de jouer. Et si je montrais une maladresse certaine à diriger un ballon du pied, je me rattrapais avec succès au poste de gardien.

Je n’avais en effet aucune crainte à plonger sur le dur pavé de l’école pour protéger le garage à vélo qui servait de goal. Je me jetais sans scrupule dans les pieds des attaquants. J’apprenais à réduire les angles, à serrer les genoux pour ne pas encaisser honteusement entre les jambes, à repousser du poing.

Lors d’un anniversaire chez un camarade de classe, alors que nous jouions au jardin, j’entendis même le père du copain en question parler à mes parents : « Il est vraiment bon votre fils, il a d’excellents réflexes ! Il faudrait l’inscrire dans un club ! ». Mes parents rigolèrent.

Ma première compétition sportive

Devant notre enthousiasme pour le football, l’école décida d’inscrire une équipe au tournoi inter-scolaire de la région. Le jour dit, une quinzaine de gamins se présentèrent tout sourire au bord du terrain. Le prof de gym accompagnant sortit une caisse dans laquelle se trouvait des t-shirts en gros coton éponge au couleurs de l’école.

Les t-shirts, issus d’un surplus des années 30, empestaient le renfermé et nous arrivaient aux genoux. Mais ce n’était pas plus mal car ils cachaient nos shorts dépareillés. Nous étions là, en baskets qui glissaient sur l’herbe, sans protège-tibias, les mains cachées dans des manches trop longues. Moi, au gardien, je n’avais même pas de gants (car, à l’école, nous étions forcés de jouer avec une balle en mousse).

L’équipe adverse se présenta sur le terrain et nous regarda d’un air étonné. Ils étaient tous en tenue impeccable, chaussures à crampons et vareuse spéciale pour le gardien. Un entraîneur élaborait une tactique et les encourageait. Chez eux, chaque joueur avait un rôle précis : défenseur, attaquant, milieu.

De notre côté, nous avions 10 libéros qui couraient après le ballon comme des poules sans tête et moi, un gardien qui se rendit vite compte qu’un ballon en cuir botté par un joueur entraîné en souliers adaptés, c’est vachement plus douloureux qu’un ballon de mousse balancé par un copain en sandalettes.

Chaque fois qu’un attaquant adverse se présentait devant moi, et cela arrivait souvent vu que toute mon équipe jouait désormais en attaque, je multipliais les parades et les plongeons… pour éviter à tout prix la balle qui faisait un mal de chien ! Dans cet exercice d’évitement, je démontrai d’ailleurs un réel talent : je ne touchai presque pas le ballon !

Ce match, nous le perdîmes 15-0. Le suivant 16-0. Et le dernier 18-1 car, profitant d’un fou rire de l’équipe adverse, nous avions réussi à égaliser. Exaspéré, mes camarades me remplacèrent successivement au poste de gardien avant de se rendre compte qu’ils ne faisaient pas un meilleur travail que moi et que j’étais encore pire qu’eux à l’attaque.

Si Marc Wilmots est devenu « Le taureau de Dongelberg », j’avais tout pour être « La passoire de Waterloo ». Ce tournoi tua dans l’œuf une carrière pourtant prometteuse de gardien de but. 49 goals en 3 matchs officiels, je pense sincèrement que mérite une page Wikipédia avec la mention « pire gardien de but de l’histoire du football ».

Changeant de sport, je me tournai vers le judo où je fis partie de l’équipe junior championne de Belgique en 94 (j’étais remplaçant, je ne fis qu’un combat, que je perdis mais je fus le seul de l’équipe à perdre). Je participai également au championnat de Belgique d’escalade en salle où, dans ma catégorie, je terminai 23ème. Sur… 22 participants (une erreur d’impression sur le résultat final). En soi, mon palmarès sportif est digne d’un film de Leslie Nielsen.

Les prémices du blogueur futurologue

Abandonnant tout espoir de carrière sportive, je me tournai vers les sciences et la technologie. Je voulais être chirurgien, physicien, pilote et astronaute. Dévorant les revues de vulgarisation scientifique et les livres de science-fiction, j’en vins naturellement à m’essayer aux prédictions.

Vers 96 ou 97, un ami me montra pour la première fois ce fameux « Internet » dont même les journaux traditionnels se faisaient l’écho. À l’époque, il fallait encore payer à la minute. Je testai un peu, visitai quelque site et déclarai haut et fort : « C’est juste une mode lancée par les journaux. C’est comme les Flippos, ça n’a aucun avenir. » (ceux d’entre vous qui viennent de murmurer « Les flippos ! J’avais complètement oublié, j’en ai encore dans le grenier ! » me paient une citronnade).

Une fois qu’Internet entra dans la maison chez mes parents, en 98, je m’empressai immédiatement d’oublier cette prédiction pour réaliser mon premier site rempli de gifs animés et dont chaque page possédait un fond sonore au format midi. Et des titres défilants grâce à la balise « marquee ». Une grande carrière de webdesigner s’ouvrait à moi.

Lorsque les blog devinrent à la mode, vers 2002-2003, j’annonçai d’un air très sûr de moi que « Un blog, ce n’est jamais qu’un site comme un autre. C’est un mot à la mode mais plus personne n’utilisera ce mot dans un an ou deux ». Pour l’anecdote, je devais faire exactement la même prédiction avec le mot « podcast » qui n’était, après tout, jamais qu’un MP3.

Ceci dit, étant curieux et grand lecteur du Standblog, je décidai en 2004 d’installer un blog Dotclear, juste pour tester. Ce blog ne devait jamais être important et je ne pris même pas la peine d’acheter un nom de domaine séparé (il faudra attendre 2008 pour que je répare enfin cette erreur, pour dire à quel point j’étais visionnaire).

En termes de contenu, j’avais élaboré un plan machiavélique : je mélangerais du contenu de promotion du logiciel libre avec des blagues. Comme les internautes aiment les blagues, ils viendront sur le blog, trouveront des articles qui parlent de Linux et seront convaincus. Imparable, non ? Je pensais même intituler le blog « Évangéblog, le blog d’un évangéliste Linux » mais une boutade privée entre une amie (Valérie, candidate Pirate à Ottignies-Louvain-La-Neuve en 2012) et moi fit que je l’intitulai « Where is Ploum? ». De toutes façons, ce n’était qu’une blague et le blog ne devait pas exister très longtemps…

Moralité

Suivant ce point de vue, le blog que vous lisez aujourd’hui n’est, finalement, que le résultat d’une série d’échecs. La preuve : Il m’est parfois reproché de ne plus parler du tout des logiciels libres et j’ai remplacé mon intérêt pour le football par une passion pour le hockey subaquatique, l’un des sports les plus cons selon le journal l’Équipe. Et mes premières analyses technologiques se sont révélées aussi désastreuses que ma carrière de football.

Pourtant, je n’ai jamais l’impression d’avoir échoué. J’ai à mon actif des dizaines de créations. Alors, certes, j’ai été recalé deux fois au permis de conduire et j’ai du recommencer certaines années d’université mais je n’ai jamais échoué. J’ai juste suivi un chemin différent que celui qui était prévu. Et je suis arrivé dans des endroits imprévus. J’ai réussi à faire des choses dont je n’osais même pas rêver.

L’échec, c’est un mur. Et dans la vie, le seul mur c’est la mort. Le reste, ce ne sont que des déviations, des chemins de traverse qui ne sont pas toujours sur les cartes. Mais qui ont pour eux le charme merveilleux de la découverte.

Finalement, le seul risque que l’on prend dans une vie, c’est celui de découvrir des nouvelles choses. D’apprendre et de s’améliorer. Vu comme ça, l’échec est un concept qui n’existe même pas.

 

Photo par Hyperact.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Source: http://ploum.net/comment-je-suis-devenu-le-pire-gardien-de-but-du-monde/


Le blog d’un condamné, un an après

Friday 4 July 2014 at 10:13

canoe

Il y a exactement un an, je postais le dernier billet sur Le blog d’un condamné. Une aventure littéraire et philosophique qui m’est venue du fond des tripes et qui a suscité de vives réactions. Pour connaître tous les détails de cette histoire, sa genèse et ses retombées, consultez ce billet.

Aujourd’hui, un an a passé. Alors que les détracteurs m’ont oubliés, que les poursuites en justice contre moi n’ont pas abouties (je vous jure qu’il y a eu des tentatives mais qui n’ont pas été plus loin que le stade des menaces fermes) et que le buzz inattendu s’est complètement calmé, je peux tirer un bilan serein.

Le blog d’un condamné a changé ma vie. En bien. Il a changé ma manière d’exister et de voir le monde. J’ai été bouleversé par cette expérience et je commence seulement à en percevoir les effets. Vous aussi si vous avez suivi mes billets de fiction ou ma série Printeurs qui sont une conséquence directe du blog d’un condamné. Et j’espère publier de plus en plus de billets dans la catégorie « Lifehack » afin de partager mon apprentissage.

Je suis fier d’avoir accompli cette expérience. Je suis fier, un an après, de me sentir grandi. Je suis fier d’être encore en contact avec des lecteurs qui, eux aussi, ont amélioré leur vie grâce à ce texte.

Les critiques, les insultes sont oubliées. Le cerveau est un outil merveilleux pour effacer les événements négatifs. La leçon est simple : si vous voulez avoir un impact durable sur vous, votre vie et le monde, soyez positifs ! Le négatif s’efface et se dilue. Ignorez ce qui ne vous plait pas et encouragez ce que vous aimez ! C’est en y réfléchissant que j’ai créé deux pages Facebook pour ceux qui aiment Un bon bouquin et le Prix libre.

Lorsque je repense au premiers jours du blog d’un condamné, aux doutes qui m’assaillirent, une citation me revient pas à l’esprit : « N’oublie jamais que lorsque tu voudras faire quelque chose tu auras contre toi ceux qui voulaient faire le contraire, ceux qui voulaient faire la même chose et l’immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. » Un an après, force est de constater que seul le résultat compte. Lorsque l’écho des critiques s’est éteint, seule la création et la fierté du créateur existent encore. D’ailleurs, le billet annonçant toute l’histoire reste l’un des plus « flattés » de ce blog.

Afin de faciliter la (re)lecture, j’avais publié le « Blog d’un condamné » avec un recueil de très courtes nouvelles intitulé : « C’est la vie ». Un an après la fermeture du blog, je vous invite à le (re)découvrir :

C’est la vie !

Télécharger au format .epub - format .pdf

Les nouvelles composant ce recueil ont, pour la plupart, été publiées sur ce blog.

Merci pour votre soutien, ponctuel et régulier, au cours de cette dernière année et bonne lecture !

 

Photo par Michael Quinn.

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Source: http://ploum.net/le-blog-dun-condamne-un-an-apres/


Publier, c’est rendre public !

Wednesday 2 July 2014 at 18:25

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Régulièrement, des auteurs et des artistes s’indignent du « piratage » ou de la copie de leurs œuvres. Ils demandent le contrôle total de la diffusion de leurs créations, que ce soit pour des raisons bassement pécuniaires ou parce que, en tant qu’artistes, ils estiment avoir le droit de contrôler la manière dont l’œuvre doit être consommée ou perçue.

Je comprends tout à fait ce réflexe. Après tout, j’ai refusé de publier des textes de fiction sur le net pendant des années simplement parce que je ne voulais pas être un onglet parmi d’autres dans un navigateur mais bien être lu avec attention. Lorsque je réalisais des courts-métrages, j’exigeais que la projection se fasse dans le noir et le silence. Une rumeur prétend également que Georges Lucas exigeait que « Le Retour du Jedi » soit diffusé dans les salles certifiées THX !

Et pourtant… Ce sentiment que connaissent la plupart des créateurs n’est-il pas parfaitement irrationnel, contre-productif voire dangereusement stupide ?

Contrôler la diffusion

Étymologiquement, publier signifie « rendre public ». C’est un fait. Vous pouvez choisir de diffuser confidentiellement une création à l’unique condition de faire confiance aux heureux élus qui composent votre public restreint. Mais à partir du moment où vous choisissez de publier une œuvre, celle-ci est publique. Elle fait partie du patrimoine culturel de l’humanité. Si cela ne vous convient pas, abstenez-vous de publier.

Quoi que vous puissiez faire, une œuvre sera toujours perçue différemment. En fonction du contexte, de l’histoire de l’individu, de sa réceptivité dans un moment particulier. Chaque diffusion est donc unique et échappe complètement à son créateur. Et c’est d’ailleurs tout l’intérêt de l’art !

L’irrémédiabilité de la copie

Dès le moment où le créateur publie son travail, ce dernier lui échappe. Chaque écoute d’une musique, chaque lecture d’un livre est une copie. Qu’il s’agisse de produits chimiques altérés par la lumières, de bits sur un disque magnétique, d’encre sur du papier ou de neurones interagissant, l’œuvre vit. Le support n’est pas l’œuvre, il n’est qu’un intermédiaire possible.

Mais à chaque projection d’un film, il y a autant de copies que de paires d’yeux dans la salle. À chaque lecture d’un livre, une nouvelle copie se crée. Lorsqu’un père raconte une histoire à ses enfants, lorsqu’un adolescent raconte à son pote le dernier épisode d’une série pendant la récré, une nouvelle copie est née.

Certains artistes exigent le respect dû à l’œuvre. Mais avant l’œuvre, ne faut-il pas respecter les hommes ? L’artiste ne doit-il pas le respect à ceux qui donnent à son œuvre ce que les humains ont de plus limité et de plus précieux : leur temps ! N’est-il pas inconcevablement prétentieux et irrespectueux d’exiger qu’un homme « respecte une œuvre » selon la définition purement arbitraire que le créateur a donné au mot « respect » ?

L’évolution de la copie

Historiquement, les copies étant assez inexactes ou difficiles à produire, les producteurs se sont concentrés sur la vente de supports avec des copies relativement fidèles et ont réussi à faire croire aux créateurs que leur œuvre était intiment liée à cet artefact matériel.

Or, la technologie permet aujourd’hui de rendre ce processus de copie plus facile, plus exact, moins sujet à l’interprétation. Plutôt que de te raconter un film, je t’envoie un lien pour que tu le visionnes par toi-même. Mais le principe reste le même : partager une émotion, une œuvre. La faire vivre.

D’ailleurs, il est à présent possible de reconstituer, très imparfaitement, des images ou un court film en analysant l’activité du cerveau. L’époque où le simple visionnage d’un film sera équivalent à copier un DVD n’est plus très loin.

Oui, un cerveau est un outil de copie ! Si vous souhaitez empêcher la copie, il faut renoncer à tout public. Un lecteur m’a récemment envoyé cet extrait d’un guide touristique qui interdit expressément toute mémorisation par procédé chimique ! Bref, la lecture en est interdite pour peu que vous ayez des neurones ! Rigolo, non ?

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La dangereuse illusion du contrôle

Vouloir contrôler la copie entre individus porte un nom : le totalitarisme. Il n’y a pas d’alternative, pas de juste milieu. Si l’on souhaite éviter la copie non-autorisée, si l’auteur veut avoir la main-mise totale sur la diffusion, il n’existe qu’un système : la dictature absolue, le contrôle de la pensée. Chaque communication entre chaque citoyen doit être analysée et jugée comme légale ou non. Et bientôt chaque pensée !

Critiquer la copie de ses œuvres, vouloir l’empêcher c’est, tout simplement, demander la mise en place d’un système totalitaire. En critiquant la copie et en exigeant des mesures, certains artistes sont devenus les meilleurs porte-paroles d’un Internet censuré sous contrôle étatique. Soit par ignorance soit par pure hypocrisie.

La beauté de la liberté partagée

Pourtant, une œuvre n’existe que par la copie. Publier, c’est chercher à atteindre, c’est conquérir un public. J’entends certains artistes se plaindre de leurs faibles revenus dû à leur manque de visibilité et, en conséquence, accuser le piratage sur le net. Donc, ces artistes se plaignent de ne pas être diffusés alors qu’eux-mêmes font tout pour empêcher la diffusion de leurs œuvres !

Pourtant, amis artistes, votre public est généralement avide de vous soutenir ! Si vous lui donnez la liberté de consommer votre œuvre, alors il prendra la liberté de vous payer. Le plaisir et la liberté seront partagés. Mais le premier pas doit venir de vous. Car, entre nous, qui aime être obligé de payer ? Si vous n’offrez pas la liberté et le respect à votre public, celui-ci ne vous respectera pas.

Si, au contraire, votre public se sent respecté, il vous aidera, vous protégera. Il se détournera de ceux qui abusent de vos œuvres, par exemple en s’en appropriant la paternité. Bref, votre public vous rendra plus justice que cet avocat que vous n’avez de toutes façons pas les moyens de payer.

En conclusion

Si votre business model repose sur la privation de libertés d’autrui et sur le fait de brider l’évolution technologique, vous n’avez tout simplement pas de business model. Il est temps d’en changer.

Et si votre business est de publier, n’oubliez pas que publier, c’est rendre public. C’est perdre le contrôle. Vouloir publier sans être public relève de la schizophrénie. Mais perdre du contrôle, c’est gagner en liberté !

Et offrir de la liberté est le plus beau cadeau qu’un homme puisse faire à un autre ou à lui-même. D’ailleurs, d’une manière ou d’une autre, celui-ci vous le rendra

 

Photo par Aimee Heart.

 

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Source: http://ploum.net/publier-cest-rendre-public/


Comment l’entraîneur belge a « hacké » les règles du football à la coupe du monde

Friday 27 June 2014 at 14:43

foot

Je suis conscient que, en ce moment, le football vous sort peut-être par les oreilles et ce blog est l’un des derniers endroits où vous espériez qu’on ne vous parlerait pas d’une coupe du monde éthiquement très discutable. Mais j’ai remarqué un phénomène très intéressant avec l’équipe de Belgique et je trouvais dommage de ne pas le partager avec vous.

Si vous n’aimez pas ou ne connaissez pas le foot, je vous encourage à continuer malgré tout votre lecture.

Lors du premier tour de cette coupe du monde, durant lequel chacune des 32 équipes joue trois matchs, seules quatre équipes ont réalisé trois victoires. Il y a tout d’abord l’Argentine et la Colombie, deux équipes considérées actuellement parmi les meilleures du monde et qui ont eu la chance d’être confronté à trois adversaires de niveau nettement inférieur. Il y a également les Pays-Bas, qui sont dans une forme éblouissante et se permettent de battre 5-1 les champions du monde en titre. Enfin, la Belgique. Qui a offert des matchs mornes, sans grand intérêt. Une Belgique qui n’a jamais clairement maîtrisé ses adversaires, qui ne semble marquer qu’in extremis, à la toute fin des matchs, par chance. Mais qui a néanmoins tout gagné.

La raison ? Selon moi, l’entraîneur Marc Wilmots a « hacké » les règles du football. Il a réussi à contourner les règles implicites que chaque équipe s’impose inconsciemment pour, tout en respectant les règles écrites, s’offrir un avantage indéniable sur les autres équipes. Un état d’esprit duquel nous pouvons tous nous inspirer.

Les règles de base du football

Chaque équipe de football se compose de 10 joueurs de champ et d’un gardien de but. Les matchs se déroulent en deux mi-temps de 45 minutes séparés par une pause d’un quart d’heure. Durant les 90 minutes d’un match, les joueurs, à l’exception du gardien, courent en moyenne une petite dizaine de kilomètres.

Ces 11 joueurs sont traditionnellement appelés les « titulaires ». Ils représentent l’équipe, les stars. Ils sont ceux que les supporters s’attendent à voir sur le terrain en début de rencontre.

Cependant, chaque joueur possède également une doublure : le remplaçant. Le remplaçant est, en théorie, disponible en cas de blessure, d’épuisement ou d’interdiction de match du joueur titulaire. Le gardien, qui est un rôle très spécifique, dispose lui de deux remplaçants. Au total, chaque équipe vient donc à la coupe du monde avec 23 joueurs.

La tactique classique

En règle générale, un entraîneur commence toujours un match avec ses titulaires, son « onze de base ». Ces dernières années, on peut parfois observer des variations au départ du match. L’entraîneur peut en effet vouloir exploiter certaines qualités d’un remplaçant en fonction de l’adversaire. Par exemple, un remplaçant qui est un peu moins bon techniquement mais très rapide sera aligné contre une équipe connue pour un jeu plus lent. Mais l’esprit du onze de base et de la claire séparation titulaires/remplaçants est toujours bien présente.

Jusqu’à 20 minutes de la fin du match, la tactique de remplacement est habituellement très simple : les remplacements ne sont utilisés qu’en cas de blessure. Il faut en effet les conserver précieusement car si les trois remplacements sont effectués et qu’un joueur se blesse, il ne peut plus être remplacé. L’équipe finit donc le match à 10 !

Lorsqu’on arrive dans les 20 dernières minutes, les entraîneurs décident généralement de faire leurs remplacements pour changer de tactique en fonction de la physionomie du match. Si l’équipe mène et doit conserver son score, on va remplacer un attaquant par un défenseur. Si, au contraire, l’équipe doit absolument marquer, on va remplacer un défenseur par un attaquant. On va également se permettre d’éventuellement remplacer un joueur trop épuisé ou que l’on souhaite épargner. La plupart du temps, seuls deux remplacements sont effectués, le troisième n’intervenant pas ou seulement dans les toutes dernières minutes. Il est gardé en réserve pour les cas de force majeure.

Les faiblesse de l’approche classique

Dans un match de foot, les joueurs se donnent pendant 45 minutes. Puis reprennent leur souffle pendant 15 minutes et se remettent à courir. Seulement, le regain d’énergie n’est généralement que de courte durée. Après 15 ou 20 minutes, la fatigue accumulée commence à se faire sentir. C’est pour cela que les matchs peuvent complètement changer de physionomie vers la fin.

Les remplaçants, qui, traditionnellement, n’arrivent qu’après 25 ou 30 minutes dans la seconde mi-temps, ont souvent besoin d’un certain temps pour « rentrer » dans le match. Certes ils sont frais, ils ont l’énergie mais ils ne sont pas vraiment échauffés, pas vraiment habitués à l’adversaire. En un quart d’heure, il est rare qu’ils renversent réellement la vapeur.

Enfin, sur les 23 joueurs officiels que comporte une équipe de coupe du monde, seule une quinzaine foule réellement la pelouse des stades. Les autres peuvent faire toute la compétition assis sur le banc de réserve et devenir champion du monde sans avoir touché un seul ballon !

Ce double problème est assez paradoxal : d’un côté on a des joueurs épuisés et de l’autre des joueurs qui ne jouent pas.

Le « hack » de Marc Wilmots

Marc Wilmots, l’entraîneur de l’équipe belge, est sans doute arrivé à cette même conclusion. Et il a décidé de trouver une solution créative.

Puisqu’on peut venir avec 23 joueurs à la coupe du monde, considérons l’équipe comme étant les 23 et non plus 11 avec 12 réservistes. En ce sens, l’équipe belge désoriente tous les journalistes : il n’y a plus de « 11 de base ». En 3 matchs, 20 des 23 joueurs belges ont déjà joué ! Seul un joueur de champ, Laurent Ciman, et les deux gardiens réservistes n’ont pas encore joué de match ! C’est un fait assez original et peut-être unique en coupe du monde.

Le fait de disposer d’une équipe de 23 encourage Marc Wilmots à effectuer des changements très tôt. Sur les 3 matchs, les 9 changements disponibles ont été effectués et 7 ont été faits avant la 65ème minute ! Un seul sur les 9 a été fait dans le dernier quart d’heure là où s’effectuent traditionnellement l’intégralité des changements.

La tactique est donc en fait relativement simple : pendant la première mi-temps, les joueurs belges jouent de manière classique, sans réel avantage. Mais dès le début de la seconde période, alors que la fatigue commence à se faire sentir des deux côtés, Marc Wilmots va remplacer les éléments les plus fatigués, souvent à l’attaque, par des joueurs tout frais et très rapides.

Ceux-ci pèsent donc très soudainement sur l’équipe adverse qui n’a pas encore fait ses changements. Les réservistes ont également bien le temps de rentrer dans le jeu et de s’adapter à l’adversaire. Sur les 4 goals marqués, tous l’ont été après la 70ème minute. 3 l’ont été directement par les réservistes fraîchement montés au jeu. Le quatrième, contre la Corée, n’a été possible que grâce au tir d’un réserviste qui jouait depuis moins de 20 minutes.

Le résultat de cette stratégie est sans appel : en jouant relativement mal et sans grande dépense d’énergie, la Belgique a gagné 3 matchs sur 3.

Quels enseignements peut-on en tirer ?

Si je vous parle de foot aujourd’hui, vous vous doutez que ce n’est pas pour le plaisir. C’est que j’estime que l’on peut tirer de merveilleux enseignements de cette stratégie.

Premièrement, il faut souligner à quel point nous nous mettons nos propres barrières. Chaque équipe dispose de 23 joueurs mais, au final, n’en utilise que 11 plus une poignée. Parce qu’on a toujours fait comme ça. Parce que le règlement dit « 11 sur le terrain » donc on ne joue qu’à 11. En remettant en question cette barrière, l’équipe belge a donné l’impression qu’elle était réellement composée de 23 joueurs.

La première leçon est donc : quelles sont les règles, les barrières que je m’impose à moi-même ? Quelles sont les ressources qui sont à ma disposition que je n’utilise pas parce que je me suis moi-même imposé de ne pas les utiliser ?

Le second enseignement fondamental est la prise de risque. Toute la stratégie classique des remplacements est centrée sur le fait qu’un joueur blessé doit absolument pouvoir être remplacé. C’est pour cette raison qu’un entraîneur attend souvent si longtemps : il ne peut pas prendre de risque, il veut être sûr de garder un remplacement de réserve.

Or, objectivement, le fait qu’un joueur soit blessé au point d’être remplacé est un phénomène relativement rare. De plus, être réduit à 10 ne signifie pas la catastrophe absolue. En fait, stratégiquement, il est préférable d’être réduit à 10 en menant 1-0 que d’être une équipe complète sans avoir marqué !

La seconde leçon est donc : quels sont les risques que je refuse de prendre ? Serait-ce vraiment tellement dramatique si je prenais ce risque ? Est-ce que le bénéfice n’est pas beaucoup plus important ? Est-ce que, finalement, le refus de prendre un risque n’est pas plus négatif que les pires conséquences si j’avais accepté de prendre le risque ?

Enfin, il est très intéressant de remarquer les réactions de la presse et des observateurs. La Belgique n’est pas convaincante, elle n’a pas un beau jeu. Wilmots se fait critiquer pour garder sur le banc des buteurs comme Origi. Pourquoi ne pas les « titulariser » pour les faire marquer dès le début du match ? Si vous m’avez lu jusqu’ici, il doit vous sembler évident que si un joueur comme Origi marque, c’est justement parce qu’il était sur le banc et est arrivé tout frais contre une équipe qui a 60 minutes de jeu dans les pattes. Le faire jouer au coup de sifflet ne l’aiderait pas, au contraire !

Tout cela prouve à quel point la remise en question des règles est difficile. La Belgique a gagné 3 matchs sur 3 et se fait pourtant critiquer. La raison est toute simple : la majorité est tellement habituée à respecter des règles qu’elle s’auto-impose qu’elle ne comprend pas comment la Belgique gagne. Elle critique parce qu’elle observe à un phénomène qui lui semble incompréhensible : une équipe qui joue mal et dont les joueurs changent tout le temps gagne tous ses matchs !

Et c’est ma troisième leçon : lorsque vous aurez décidé de ne pas respecter des règles implicites qui n’ont aucune raison d’être respectées si ce n’est la force de l’habitude, lorsque vous aurez accepté de prendre des risques que personne ne prend tout simplement parce que vous avez compris que ne pas prendre de risques est, paradoxalement, plus risqué, et bien, à ce moment-là, vous essuierez un feu de critiques. Vous ne serez pas félicité pour vos succès mais vous serez accueilli avec une incompréhension totale.

La stratégie de Marc Wilmots deviendra probablement une norme dans le football moderne. Les critiques seront oubliées et peut-être sera-t-il perçu comme un visionnaire.

Alors tenez bon ! Car, dans quelques années, seuls vos succès resteront dans les mémoires.

Photo par Jared Polin.

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La véritable richesse

Wednesday 25 June 2014 at 13:55

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À travers l’histoire de l’humanité, on observe que la notion de richesse évolue de manière constante. Pour chaque besoin, la richesse se définit d’abord comme avoir assez pour survivre. Puis beaucoup, trop et, enfin, plus du tout. Les classes pauvres suivent la même évolution avec un temps de retard sur les riches qui ont elles-mêmes un temps de retard sur les très riches.

Ce temps de retard entraîne une recherche perpétuelle de la pauvreté dans l’illusion d’une vaine recherche de richesse. Notre société est donc axée sur la recherche de la pauvreté maximale.

La nourriture

Pendant des millénaires, ne pas connaître la faim et disposer d’assez de nourriture était le privilège d’une minorité puissante, les riches. Comme semble l’indiquer la Vénus de Willendorf, les humains capables de s’engraisser étaient considérés comme un idéal sans doute inatteignable pour la grande majorité. Avoir beaucoup à manger était un signe absolu de richesse, de pouvoir. Quelques millénaires plus tard, les orgies permettaient aux riches romains de démontrer qu’ils avaient trop à manger ! Ce symbole de richesse s’est perpétué jusqu’à nous et à nos grands-parents voire nos parents pour qui une fête ne s’imagine pas sans « trop manger ».

Mais le productivisme du vingtième siècle a brusquement amené une nouvelle notion : tout le monde peut à présent trop manger. Et si être gras représente un atout dans une société où les famines sont courantes, cela représente un handicap dans une société où la faim a presque disparu mais où l’on peut espérer vivre centenaire.

En quelques décennies à peine, une fraction de seconde à l’échelle de l’histoire de l’humanité, l’idéal de richesse s’est soudainement transformé. La nourriture écœure. Les riches veulent avoir un corps respirant la santé et font des régimes. Ils mangent moins. Payent pour exercer une activité physique, cette dernière ayant été durant des siècles l’apanage des classes populaires. Par réaction, l’idéal féminin devient squelettique avant de se rééquilibrer doucement. La grande cuisine se définit comme d’immenses assiettes vides où se perd une microscopique feuille de salade. Quand à l’obésité, elle devient le symptôme le plus visible de la pauvreté. Trop manger est un réflexe de pauvre.

Les biens matériels

Lorsque l’humain commença à abstraire la notion de richesse, un homme riche pouvait transporter toute sa fortune avec lui : coquillages, outils, colliers d’os. Au fur et à mesure de la diversification des besoins, les riches firent construire des habitations de plus en plus grandes afin d’héberger leurs biens matériels de plus en plus variés et de plus en plus nombreux.

Par réflexe, les pauvres firent de même, accumulant tout ce qui pouvait l’être. L’idée étant d’utiliser un bien si un jour cela s’avère nécessaire ou de le revendre.

Mais, encore une fois, le productivisme a changé la donne. Jetez un œil sur des photos de maisons de riches. Ou dans un catalogue de maisons très chères conçues par des professionnels de la décoration. Ce qui est frappant est le vide, l’absence de biens matériels, l’espace.

En effet, le coût de stockage est loin d’être nul. Un bien est encombrant, nécessite parfois de l’entretien, occupe de l’espace et, pire, se révèle coûteux à évacuer lorsqu’il est inutile ! L’accumulation de biens à également tendance à neutraliser tout bénéfice potentiel : on ne sait même plus qu’on possède un bien ou, pire, on ne le retrouve plus lorsqu’il est nécessaire. Il est donc bien plus confortable de n’avoir que très peu de biens et d’acheter ou louer ce dont on a besoin au moment ou on en a besoin.

L’accumulation de biens est donc un réflexe… de pauvres ! Une caractéristique que l’on retrouve encore une fois chez nos grands-parents dont les maisons se révèlent un cauchemar à vider. Les vides greniers se font d’ailleurs payer très chers. L’accumulation de biens appauvrit !

La possession d’un moyen de transport

Le fait que la possession d’un bien appauvrisse le propriétaire s’illustre parfaitement avec les moyens de transports.

Historiquement, un humain ne s’éloignait jamais plus de quelques dizaines de kilomètres de son lieu de naissance. Les riches possédaient des chevaux ou des esclaves qui leur permettaient de s’affranchir de ces contraintes et de commercer, de s’informer dans des contrées lointaines.

Le moyen de transport était donc une source d’enrichissement. À tel point que le fait de posséder un cheval devint le symbole d’une caste noble : les chevaliers.

La voiture succéda au cheval mais les fabricants automobiles conservèrent précieusement cette symbolique. La voiture est une richesse et un signe extérieur de richesse. À chaque classe de richesse correspond une marque automobile.

Mais ne nous y trompons pas : la voiture, avant toute chose, appauvrit son propriétaire à cause de son coût de fonctionnement extrêmement élevé mais astucieusement camouflé en divers postes très différents.

Les riches se vantent de posséder une belle voiture ? Mais jetons un œil du côté des très riches. Les très riches ont des chauffeurs et n’ont généralement que faire de la marque de leur voiture. Ils souhaitent aller d’un point A à un point B et ne s’occupent pas de la manière d’y parvenir tant qu’ils peuvent continuer leurs activités. Ce sont leurs employés qui s’occupent de ces détails.

La possession d’un moyen de transport est donc, subtilement, en train de devenir la marque d’une moins grande richesse. L’arrivée des voitures autonomes ne fera que confirmer cette tendance.

L’information

L’information suit exactement le même cycle. Tellement rare et inexistantes pendant des millénaires qu’un voyageur était généralement bien accueilli en échange du simple fait de raconter son voyage. Une profession est née autour du fait de transmettre de l’information : les troubadours itinérants. Car, oui, déjà à l’époque, information et divertissement se mélangeaient étroitement.

Aujourd’hui, l’information est tellement disponible que nous devons apprendre à la filtrer, à ne consommer que celle qui est pertinente. Un phénomène très bien compris des classes “riches” qui, depuis des décennies, emploient des personnes chargées d’effectuer ce travail sous forme de revues de presse, d’analyses, de rapports. Dernièrement, un métier a même vu le jour : celui de curateur. Les très riches vont jusqu’à s’isoler régulièrement en chargeant des secrétaires de les avertir en cas d’informations réellement pertinentes.

Les personnes intellectuellement riches apprennent à se concentrer sur l’essentiel alors que les « pauvres » sont assaillis de faits divers et d’anecdotes qui leur donne des poussées émotionnelles mais qui les empêchent de réfléchir et de garder le contrôle de leur vie. Comme pour le reste, l’information appauvrit. Se gaver d’informations diverses en temps réel est devenu… un symbole de pauvreté.

Le travail

Il est important de constater que l’appauvrissement des individus va de pair avec un appauvrissement général de la société. La surproduction d’aliments ou de biens matériels, le passage du tout à la voiture ont des répercussions écologiques mais également humaines profondes. La société toute entière s’appauvrit !

Il s’ensuit que production économique = pauvreté.

La recherche du plein emploi ou de la croissance économique est donc une recherche de la création de pauvreté ! Le travail est producteur de pauvreté !

C’est finalement très logique : nous pensons que pour être riche, il faut beaucoup de nourriture, beaucoup de biens matériels, une grosse voiture et beaucoup de travail. Or, quelle est la classe la plus oisive ? Quels sont ceux qui peuvent se permettre de ne pas travailler ? Les riches ! Quel est l’idéal d’une société riche ? Une société dans laquelle personne ne doit travailler ! Que feriez-vous si vous gagnez au Loto ? Pour beaucoup : arrêter de travailler !

L’erreur fondamentale

Il est effrayant de voir à quel point notre société se fourvoie. L’erreur est tellement fondamentale, tellement cruciale que la majorité refusera de l’admettre. Tout comme grand-maman refuse d’admettre que je n’ai plus faim, qu’une portion de plus ne me fera pas du bien, au contraire ! Il faut pourtant se rendre à l’évidence : nous sommes bel et bien en train de sacrifier nos vies pour générer plus de pauvreté ! Nous valorisons le travail qui n’est rien d’autre que notre propre destruction !

La raison, encore une fois, réside dans le simple choix de mauvaises observables : PIB, rendements économiques, salaires, taux d’emploi, heures de travail ne sont pas des indicateurs de richesse mais bien de pauvreté ! Nous sommes à tel point aveuglés qu’une hypothétique société idéale dans laquelle personne ne travaillerait nous fait peur !

Mais cette société idéale, nous pouvons déjà la commencer : en travaillant moins, en consommant moins. En arrêtant de glorifier le creusage de trous et en nous comportant, tout simplement, comme des riches. Finalement, les philosophes nous l’enseignent depuis des millénaires : la richesse n’est pas la possession mais l’absence de besoin.

Alors soyons paresseux, l’avenir de la société en dépend !

 

Photo par Pavel P.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Source: http://ploum.net/la-veritable-richesse/


Vers la fin de la publicité ?

Thursday 19 June 2014 at 12:40

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Le paradoxe Google

Depuis quelques temps, je dis que Google est devenu son principal concurrent. Dans la recherche en ligne, core business historique de Google, le problème est évident à cause des pubs : soit le moteur de recherche de Google est très bon et le premier lien correspond à la pub affichée (donc la pub est inutile) soit ils ne correspondent pas et cela signifie que Google n’est pas bon.

Disons que je cherche « Acheter chaussures les moins chères ». Le premier lien affiché par Google est CheapShoes. Mais une pub s’affiche pour NotSoCheapShoes.

Si CheapShoes est bien le moins cher, la pub est trompeuse et me fera perdre ma confiance en Google et je vais acquérir le réflexe d’éviter à tout prix les annonceurs. Si NotSoCheapShoes est moins cher, alors c’est que le moteur de recherche n’est pas parfait en me renvoyant CheapShoes. Et si les deux liens sont les mêmes, c’est que la pub était inutile. Dans tous les cas, Google et les annonceurs sont perdants. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’estime le concept de SEO comme condamné à termes. Le SEO n’est en effet qu’une exploitation des défauts de Google, défauts que Google corrigera avec le temps. Dans le monde de Google idéal, lorsque je cherche « Acheter chaussures les moins chères », Google me trouvera les moins chères indépendamment de toutes les optimisations SEO des différents vendeurs.

Et si Google vendait du vent ?

Google a perçu ce conflit d’intérêt depuis très longtemps et s’est diversifié en affichant des pubs ailleurs. Google a été jusqu’à développer Android dans le seul but d’afficher des pubs sur votre smartphone. Mais il s’avère que, en grande majorité, les pubs sur Android ne sont pas des pubs destinées à vendre. Leur seul et unique rôle est de vous ennuyer pour que vous passiez à la version payante de l’app. Je considère cela comme un véritable racket immoral : “Paye ou on continue à te pourrir la vie”. Cette fonctionnalité d’Android est même devenue un moment l’un des arguments majeurs en faveur de Apple. Google a donc effectué un véritable travail de reconversion pour qu’Android devienne, comme iOS, une plateforme de consommation (musique, jeux, livres, films) et non plus un support publicitaire.

En dernier lieu, il reste les pubs sur les sites (AdSense). Mais, ô surprise, une étude semble démontrer qu’elles ne sont peut-être pas du tout efficaces. L’observable utilisée (le clic) ne serait absolument pas liée au désir d’achat.

Ça me fait plaisir de le lire car ça fait des années que j’en ai l’intuition sans pouvoir le démontrer. Le but d’une pub est d’être vue, pas d’être cliquée. Rémunérer les supports au clic est donc une belle manière d’entuber les supports (10.000 personnes ont vu la pub mais seulement 100 ont cliqué, par inadvertance, donc on te paie 100).

La dramatique absurdité de la publicité inefficace

Cette situation entraîne plusieurs problèmes. Premièrement, les sites qui affichent de la pub font désormais tout ce qui est en leur pouvoir pour faire cliquer les gens, même de manière malhonnête (le faux bouton pour fermer la pub par exemple). Et les contenus deviennent les plus courts possibles. Je me répète mais, lorsque que nous choisissons une mauvaise observable, nous pervertissons le système et obtenons une situation absurde. Un site qui affiche de la pub n’est pas un site qui cherche à apporter de la valeur à ses lecteurs, c’est un site qui cherche à leur faire acheter quelque chose.

Mais le problème de la publicité est bien plus large que quelques conflits d’intérêts : le web devenant de plus en plus important, il n’est plus juste un point de passage avant d’aller faire ses courses dans un vrai centre commercial comme l’espéraient les publicitaires. Une personne qui passe sa journée sur le web, qui est bombardée de pub pendant 12h ne pourra pas honorer toutes les pubs. Elle s’achètera un sandwich et, une ou deux fois par mois, quelques vêtements et accessoires high-tech mais guère plus.

Ces achats sont de moins en moins suffisants pour financer tous les sites visités pendant la journée. Car, rappelons-le, le modèle de la pub est qu’en faisant vos achats, vous financez les sites qui vous ont montré des pubs. Et ce modèle est en train d’atteindre ses limites.

Les premières victimes sont, sans surprises, les supports, les sites vivant de la pub. Sans aucune explication, ils voient leurs revenus fondre comme neige au soleil, ils voient leur compte AdSense bloqué. Comme toute industrie sur le déclin, ils paniquent et, au lieu de se remettre en question, se rabattent sur l’argument moral en vous accusant vous, lecteurs, d’être la cause de tous les maux en utilisant AdBlock. Mais la fin du scénario est inéluctable : la publicité sera de moins en moins rentable et de plus en plus envahissante.

L’espoir du prix libre

C’est pour cette raison que je suis très optimiste quant à l’avenir du prix libre et que je vous invite, si vous souhaitez accélérer cette évolution du web, à soutenir volontairement vos sites web préférés. Contactez les auteurs et offrez leur un petit don avec, en message « En espérant la fin des publicités ». Conseillez-leur d’installer Flattr !

Personnellement, je l’avoue, j’ai beaucoup d’affection pour ceux qui vivent de la publicité mais, comme Numerama ou Korben, tentent autre chose, essaient le prix libre, reconnaissent que pour le moment c’est encore trop anecdotique par rapport aux revenus publicitaires mais ne ferment pas la porte à une transition. Au fond, j’ai le sentiment que eux aussi aimeraient ne plus servir la soupe à un intermédiaire mais apporter directement de la valeur à leurs lecteurs.

Oui, vous avez la possibilité de changer le monde, d’accélérer cette transition. Cela ne tient qu’à vous. Bloquez les pubs et consacrez un budget mensuel pour soutenir les contenus en ligne que vous appréciez. C’est aussi simple que cela…

 

Photo par Daniel Oines. Relecture par Sylvestre.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Source: http://ploum.net/vers-la-fin-de-la-publicite/


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