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Devenez la poule la plus productive du poulailler !

Wednesday 8 September 2021 at 11:39

Cette interdépendance que l’on essaie d’oublier afin de camoufler l’apport essentiel de l’oisiveté et de la réflexion ouverte.

En 2014, alors que je parlais beaucoup du prix libre, j’ai reçu un gros paiement d’un lecteur. Ce lecteur me remerciait, car les idées que je décrivais l’inspiraient pour son projet de site de jeu d’échecs en ligne. 6 années plus tard, un de mes étudiants a choisi, comme logiciel libre à présenter pour son examen, ce logiciel : Lichess. Il m’a décrit le modèle libre de développement de Lichess, la méthode de don et le prix libre. Lichess est l’un des plus importants sites d’échecs dans le monde et est fréquenté par des grands maitres comme Magnus Carlsen.

Outre une immense fierté de savoir que certaines des graines que j’ai semées ont contribué à de magnifiques forêts, cette anecdote illustre surtout un point très important que l’idéologie Randienne tente à tout prix de camoufler : le succès n’est pas la propriété d’un individu. Un individu n’est jamais productif tout seul, il ne peut pas « se faire tout seul » en dépit de l’image que l’on aime donner des milliardaires. Si les parents de Jeff Bezos ne lui avaient pas donné 300.000$ en lui faisant promettre de trouver un vrai travail une fois les 300.000$ dépensés, il n’y aurait pas d’Amazon aujourd’hui. Chacun d’entre nous utilise des routes, des moyens de communication, des hôpitaux, des écoles et a des échanges intellectuels fournis par la communauté. L’idéologie de la propriété intellectuelle et des brevets nous fait croire qu’il y’a un unique inventeur, un génie solitaire qui mérite de récolter le fruit de ses efforts. C’est entièrement complètement faux. Nous sommes dépendants les uns des autres et nos succès sont essentiellement des chances, saisies ou non, que nous offre la communauté.

De plus, les brevets sont une gigantesque arnaque intellectuelle. J’en ai fait l’expérience moi-même dans un article assez ancien qui a eu pas mal de retentissement sans jamais rencontrer de contradiction.

https://ploum.net/working-with-patents/

Brevets qui ne servent d’ailleurs que l’intérêt des riches et puissants. Amazon, par exemple, a développé une technique pour repérer ce qui se vend bien sur son site afin de le copier et d’en faire sa propre version. Même s’il y’a des brevets. Parce que personne n’a les ressources d’attaquer Amazon sur une histoire de brevets.

https://www.currentaffairs.org/2020/12/how-amazon-destroys-the-intellectual-justifications-for-capitalism

Les brevets sont une arnaque construite sur un concept entièrement fictif : celui de l’inventeur solitaire. Une fiction qui nie l’idée même de l’interdépendance sociale.

Une interdépendance sociale dont l’apport essentiel à la productivité individuelle a été illustré par un généticien, William Muir, qui a décidé de sélectionner les poules qui pondaient le plus d’œufs afin de créer un « super poulailler » qui serait hyper productif. Le résultat a été catastrophique. Les poules qui pondaient le plus d’œufs au sein d’un poulailler étaient en fait les plus agressives qui empêchaient les autres de pondre. Le super poulailler est devenu une boucherie d’ou presque aucun œuf ne sortait et dont la majorité des poules mourraient !

La conclusion est simple : même les poules qui pondent peu ont un rôle essentiel dans la productivité globale de la communauté. Le meilleur poulailler n’est pas composé des meilleures pondeuses, bien au contraire.

https://economicsfromthetopdown.com/2021/01/14/the-rise-of-human-capital-theory/

Grâce aux témoignages de mes lecteurs, je peux affirmer que mes billets de blog ont une influence sur la société à laquelle j’appartiens. Influence que j’estime essentiellement positive, voire très positive, selon mes propres critères. Lichess en est un exemple spectaculaire, mais je reçois des mails beaucoup plus intimes qui vont dans le même sens et qui me touchent beaucoup (même si j’ai pris la décision de ne plus y répondre systématiquement). Je peux donc affirmer que je suis utile à mon humble échelle.

Au cours de ma carrière, je ne peux trouver aucun exemple où mon travail salarié ait jamais eu le moindre impact et où mon utilité a été démontrée. Pire : je ne vois pas un seul impact positif des entreprises entières pour lesquelles j’ai travaillé. En étant très optimiste, je peux affirmer qu’on a amélioré la rentabilité de certains de nos clients. Mais ce n’est pas vraiment un impact sociétal positif. Et ce rendement est de toute façon noyé dans une gabegie de projets abscons et de procédures administratives. Pendant dix ans, j’ai été payé dans des super-poulaillers, dans des entreprises qui sont elles-mêmes en compétition. Pour un résultat soit nul, soit nocif pour l’humanité et la planète car augmentant la consommation globale.

À l’opposé, je vois directement l’impact des projets auxquels j’ai contribué sans rétribution, notamment les projets de logiciels libres. Le développeur Mike Williamson est arrivé à la même conclusion.

https://mike.zwobble.org/2021/08/side-projects-vs-industry/

Si vous cherchez mon nom sur Wikipedia, vous arriverez sur la page d’un projet auquel j’ai consacré plusieurs années de sommeil sans toucher le moindre centime.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Getting_Things_Gnome

Revenu de base

C’est peut-être pour ça que le revenu de base me semble tellement essentiel. En 2013, je tentais de vous convaincre que le revenu de base était une bonne idée et de signer la pétition pour forcer les instances européennes d’étudier la question. Hélas, le nombre de signatures n’avait pas été atteint.

https://ploum.net/pourquoi-vous-etes-sans-le-savoir-favorable-au-revenu-de-base/

Huit ans plus tard, une nouvelle pétition vient de voir le jour. Si vous êtes citoyen européen, je vous invite vivement à la signer. C’est très facile et très officiel. Il faut mettre vos données personnelles, mais pas votre email. Il est nécessaire d’obtenir un minimum de signatures dans tous les pays d’Europe. N’hésitez pas à partager avec vos contacts internationaux.

https://eci.ec.europa.eu/014/public/#/screen/home

Les observables

Lorsqu’on vous parle de la productivité d’un individu ou du mérite des personnes riches, rappelez-vous l’histoire des poulaillers.

Mais pour les poules, c’est facile. Il suffit de mesurer les œufs pondus. Le problème avec le capitalisme moderne, c’est qu’on se plante tout le temps dans les métriques. Or, si on utilise une mauvaise métrique, on va optimiser tout le système pour avoir des mauvais résultats.

J’ai beaucoup glosé sur ce paradigme des métriques, que j’appelle des « observables ». Je tourne en rond autour du même thème : on mesure la productivité à l’aide des heures de travail (vu que le salarié moyen ne pond pas), donc on crée des heures de travail, donc les jobs servent à remplir le plus d’heures possible. Ce que j’appelle le principe d’inefficacité maximale. Au final, on passe 8h par jour à tenter de brûler la planète afin, une fois sorti du bureau, de pouvoir se payer des légumes bio en ayant l’impression de sauver la même planète.

https://ploum.net/le-principe-dinefficacite-maximale/

Outre les heures de travail, il y’a d’autres métriques absurdes comme les clics, les pages vues et ce genre de choses. Les métriques des gens qui font du marketing : faire le plus de bruit possible ! Le département marketing, c’est un peu un super-poulailler où on a mis tous les coqs les plus bruyants. Et on s’étonne de ne pas avoir un seul œuf. Mais beaucoup de bruit.

https://ploum.net/le-silence-au-milieu-du-bruit/

L’effet des métriques absurdes a un impact direct sur votre vie. Genre si vous utilisez Microsoft Team au travail. Car désormais, votre manager va pouvoir avoir des statistiques sur votre utilisation de Teams. Le programmeur hyper concentré qui a coupé Teams pour coder une super fonctionnalité va bien vite se faire virer à cause de mauvaises statistiques. Et votre vie privée ? Elle ne rentre pas dans les plans du superpoulailler !

https://www.zdnet.com/article/i-looked-at-all-the-ways-microsoft-teams-tracks-users-and-my-head-is-spinning/

Comme plus personne n’a le temps de réfléchir (vu qu’il n’y a pas de métriques sur le sujet et qu’au contraire réfléchir bousille d’autres métriques), l’avenir appartient à ceux qui arrivent à maximiser les métriques. Ou mieux : qui arrive à faire croire qu’ils sont responsables de métriques maximisées. Changer de travail régulièrement permet de ne jamais vraiment exposer son incompétence et de montrer en grade à chaque étape, augmentant ainsi son salaire jusqu’à devenir grand manager hyper bien payé dans un univers où les métriques sont de plus en plus floues. La compétence est remplacée par l’apparence de compétence, qui est essentiellement de la confiance en soi et de l’opportunisme politique. Cela rejoint un peu la thèse de Daniel Drezner développée dans « The Ideas Industry » : les idées simples, prémâchées, faciles à s’approprier (genre TED) prennent le pas sur les analyses profondes et plus subtiles. C’est également un constat fait par Cal Newport dans « A World Without Email » où il dénonce la mentalité de « ruche bourdonnante » de toute entreprise moderne.

Vous êtes entrepreneur ou indépendant ? C’est pareil : vous maximisez les métriques absurdes de vos clients. Si vous avez de la chance d’avoir des clients ! Sinon, vous passez votre temps à optimiser les métriques que vous offrent Facebook, Google Analytics ou Amazon en ayant l’impression de bosser à votre projet. Y’a même un métier entier qui ne fait qu’optimiser une métrique offerte par Google : le SEO.

Il y a quelques années, le simple fait d’avoir émis cette idée m’a valu que des professionnels du secteur s’organisent pour qu’une recherche à mon nom renvoie vers des injures de leur cru. Cette anecdote illustre bien le problème des métriques absurdes : il est impossible de faire comprendre qu’une métrique est absurde à ceux qui payent pour optimiser cette métrique et à ceux qui ont bâti leur carrière sur la même métrique. Une simple remise en question génère une violence complètement disproportionnée, religieuse.

Religion et violence

Le repli identitaire, la religiosité ou la plupart des opinions conservatrices sont générés par l’angoisse et le sentiment de ne pas comprendre. Ce n’est pas une analyse politique, mais bien neurologique. Il suffit de désactiver quelques neurones dans le cerveau pour que, soudainement, l’angoisse ne soit plus liée à ce repli. Comme on ne peut pas désactiver ces neurones chez tout le monde, il reste une solution qui a déjà fait ses preuves : l’éducation, qui permet de comprendre et d’être moins angoissé.

https://www.lemonde.fr/passeurdesciences/article/2015/10/21/moins-croire-en-dieu-avec-la-stimulation-magnetique_6001729_5470970.html

La religion n’est de toute façon qu’un prétexte. Ce ne sont pas les interprétations religieuses qui sont la cause de violences ou de repli, elles en sont au contraire le symptôme, l’excuse.

https://medium.com/incerto/religion-violence-tolerance-progress-nothing-to-do-with-theology-a31f351c729e

Le poulailler sans-tête !

En utilisant religieusement les mauvaises métriques, nous sommes en train de faire de la planète une sorte de super-poulailler où la bêtise et la stupidité sont optimisées. C’est d’ailleurs la définition même de la foi : croire sans poser de question, sans chercher à comprendre. La foi est la bêtise élevée au rang de qualité. L’invasion du capitole par les partisans de Trump en a été l’illustration suprême : des gens pas très malins, ayant la foi que l’un d’entre eux avait un plan et qu’ils allaient le suivre. Sauf qu’il n’y avait pas de plan, que cette invasion était un « meme » comme l’est Q : une simple idée lancée sur les réseaux sociaux qui s’est créé une auto-importance grâce à la rumeur et au bouche-à-oreille virtuel. D’ailleurs, une fois dans le capitole, personne ne savait quoi faire. Ils se sont assis sur les fauteuils pour se sentir importants, ont pris des selfies, ont tenté de trouver des complots croustillants, en quelques secondes, dans les centaines de pages de documents législatifs qui sont probablement disponibles sur le site du gouvernement. Quand votre culture politique est alimentée essentiellement par des séries d’actions sur Netflix, la révolution trouve vite ses limites.

Comme le souligne très bien Cory Doctorrow, les memes et les fake news ne sont pas la réalité, mais ils sont l’expression d’un fantasme. Les memes sur Internet ne sont pas créés pour décrire la réalité, mais pour tenter de faire plier la réalité à nos désirs.

https://locusmag.com/2019/07/cory-doctorow-fake-news-is-an-oracle/

Mais pas besoin d’aller aussi loin. Bien avant Trump, la Belgique avait connu le concept du « politicien-meme » avec le député Laurent Louis. Député tellement absurde que j’avais ironisé sur le fait qu’il n’était qu’une blague à travers un article satirique. Article qui avait d’ailleurs eu pour résultat que Laurent Louis lui-même avait posté son certificat de naissance sur les réseaux sociaux, pour prouver qu’il existait. Cette non-perception de l’ironie m’avait particulièrement frappé.

Comme Trump, Laurent Louis avait fini par trouver un créneau et des partisans. Assez pour foutre un peu le bordel, pas assez pour ne pas disparaitre dans l’oubli comme une parenthèse illustrant les faiblesses d’un système politique bien trop optimisé pour récompenser le marketing et la bêtise. Mais je tombe dans le pléonasme.

https://ploum.net/le-depute-qui-nexistait-pas/

S’évader du poulailler

J’achète un recueil de nouvelles de Valery Bonneau. Je le prête à ma mère avant même de le lire. Elle me dit de lire absolument la première nouvelle,  » Putain de cafetière « . Je me plonge. Je tombe de mon fauteuil de rire. Franchement, le coup du frigo américain avec un code PIN, j’en rigole encore.

Profitez-en ! (en version papier, c’est encore plus délectable !)

https://www.valerybonneau.com/romans/nouvelles-noires-pour-se-rire-du-desespoir/putain-de-cafetiere

Envie d’un roman gonflé à la vitamine ? Besoin de vous évader des confinements et couvre-feux à gogo ? Printeurs de Ploum est fait pour vous!

Ce n’est pas moi qui le dis, c’est une critique que je ne me lasse pas de relire :

https://albdoblog.com/2021/01/20/printeurs-ploum/

D’ailleurs, si vous avez lu Printeurs, n’hésitez pas à donner votre avis sur Senscritique et Babelio. Je déteste Senscritique, mais je n’ai pas encore trouvé d’alternative durable.

https://www.senscritique.com/livre/Printeurs/43808921

https://www.babelio.com/livres/Dricot-Printeurs-Science-fiction/1279338

Un autre plugin Firefox qui me sauve la vie et pour lequel j’ai souscrit un abonnement premium à prix libre :


https://ninja-cookie.com/

Fini de paramétrer les cookies. Le plugin les refuse automatiquement au maximum refus possible. C’est parfait et indispensable.

Ça en dit long sur l’état du web actuel. Quand on voit le nombre de protections qu’il faut avoir pour pouvoir tout simplement « lire » le contenu des pages web sans avoir le cerveau qui frit et sans être espionné de tous les côtés, on comprend mieux l’intérêt d’un protocole comme Gemini qui est conçu à la base pour être le moins extensible possible !

Conseil BD

Après les magnifiques « L’Autre Monde » et « Mary la Noire », je découvre une nouvelle facette de l’univers de Florence Magnin . « L’héritage d’Émilie ».

J’ai découvert Magnin par hasard, dans ma librairie préférée. L’Autre Monde m’a interpellé. Le dessin était magnifique, mais d’une naïveté particulière. Je n’étais pas certain d’aimer. Je n’ai pas aimé, j’ai littéralement été aspiré. Ce mélange de naïveté et d’univers pour adulte, de fantastique à la fois désuet et incroyablement moderne. L’héritage d’Émilie ne fait pas exception. En fait, il transcende même les deux autres en mélangeant le Paris des années folles et les légendes celtiques d’Irlande, le tout dans une œuvre de fantastique champêtre qui glisse brusquement dans le space opera intergalactique. Oui, c’est complètement incroyable. Et oui, j’adore.

Photo by Artem Beliaikin on Unsplash

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Source: https://ploum.net/devenez-la-poule-la-plus-productive-du-poulailler/


Roudou s’en est allé pédaler un peu plus à l’Ouest

Monday 30 August 2021 at 12:23

Alors que je déclipsais le pied de mes pédales après ma grande traversée du Massif central en VTT en compagnie de Thierry Crouzet, mon téléphone m’afficha un mail au titre à la fois évident et incompréhensible, inimaginable : « Roudou nous a quittés ».

Avec Internet est apparu une nouvelle forme de relation sociale, une nouvelle forme d’interaction voire, j’ose le terme, d’amitié. Une amitié envers des personnes avec qui on se découvre des affinités intellectuelles, mais qu’on ne verra pas souvent voire jamais. Une amitié tout de même. Une amitié qui peut mener sur une complicité, sur la création de projets communs. Une amitié qui dépasse bien des relations en chair et en os que la proximité nous impose quotidiennement.

Jean-Marc Delforge, Roudou pour les intimes, était pour moi de ces amitiés au long cours. Lecteur de mon blog depuis des années, utilisateur de logiciel libre et illustrateur amateur, il m’a envoyé le tout premier fan-art de Printeur et signera ensuite la couverture du premier EPUB Printeurs.

À force de discussions, nous créerons ensemble le webcomic « Les startupeurs » dont j’ai empilé les scénarios avant que, malheureusement, Roudou ne trouve plus le temps pour les dessiner. Des personnages d’employés un peu désabusés (dont l’un est ma parodie selon Roudou), rêvant de créer leurs startup et addicts de la machine à café (une trouvaille de Roudou !).

https://ploum.net/les-startupeurs-un-nouveau-webcomic/

On s’amusait comme des fous avec ces idées, s’essayant au cartoon politique, partageant, discutant et se découvrant une passion commune pour le VTT.

Car Roudou était plus qu’un passionné de VTT. C’était un meneur, un créateur de trace et le fondateur du forum VTTnet. Dans son sillage, impossible de ne pas pédaler.

En 2015, il m’invita à le rejoindre avec mon filleul Loïc pour 3 jours de VTT intensifs en compagnie des membres du forum.

Roudou, sa fille Noémie, mon filleul Loïc et les autres malades de VTTNet en 2015

Par le plus grand des hasards, Loïc et moi sommes repassés dans la région début juillet pour un trip bikepacking. Lorsque Roudou a découvert cela, il m’a immédiatement envoyé un message pour me dire qu’on s’était raté de peu. Alors que Loïc et moi nous prélassions au bord du lac de l’Eau d’Heure, lui était probablement en train d’y faire du bateau. Il rigolait en lisant l’itinéraire que nous avions pris, me disant qu’il aurait pu nous guider, qu’il habitait tout près.

Je me suis senti triste à l’idée d’avoir manqué une telle opportunité de pédaler ensemble. J’ai promis qu’on referait le trip l’année prochaine. Que ce serait vraiment chouette de se retrouver sur un vélo (même si, pour des raisons de santé qu’il ne voulait pas détailler, le VTT de Roudou était devenu électrique).

À un message un peu accusateur me demandant comment j’osais venir pédaler dans sa région sans le prévenir, je répondis que j’étais persuadé qu’il habitait bien plus à l’ouest.

La réponse de Roudou ne se fit pas attendre : « Ma femme aussi me dit souvent que je suis bien trop à l’ouest. »

Ce fut le dernier message que je reçus de lui. Le 16 juillet, j’embarquais pour 1000km de VTT essentiellement déconnectés, me promettant d’aller rouler avec Roudou l’été prochain.

Mais alors que je pédalais loin de tout, la mort l’a surpris, interrompant à jamais notre fil de discussion, plongeant les startupeurs, les vététistes, sa femme, ses filles et ses amis dans une tristesse infinie.

Roudou va me manquer. Ses crobards et ses photos humoristiques envoyés pour réagir à mes billets de blog et mes livres vont me manquer. Les startupeurs, même s’ils étaient en hibernation, vont me manquer (je n’ai d’ailleurs pas de copie de cette œuvre commune, peut-être perdue). Lorsque je me plongerai dans la suite de Printeurs, je sais que les personnages auront une pensée pour Roudou, ce lecteur qui leur faisait prendre corps sous sa tablette graphique.

Je garderai toujours en moi ce regret d’avoir oublié de le prévenir, d’avoir gâché cette dernière opportunité avant qu’il parte pédaler un peu plus à l’Ouest. Un peu trop à l’Ouest…

Salut l’artiste, salut Roudou ! Nous continuerons à suivre tes traces en pensant à toi.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Source: https://ploum.net/roudou-sen-est-alle-pedaler-un-peu-plus-a-louest/


Aquabikepacking à travers la Wallonie

Saturday 10 July 2021 at 17:56

Récit de 3 jours de bikepacking pas toujours entre les gouttes à travers le Hainaut, le nord de la France et le Namurois

Je tiens ma formation initiale et ma philosophie du bikepacking de Thierry Crouzet, auteur du livre « Une initiation au bikepacking » (dans lequel je fais un peu de figuration) : Partir en autonomie, mais le plus léger possible, éviter les routes à tout prix,préférer l’aventure et la découverte à la performance ou à la distance.

Élève appliqué de Thierry, je me transforme en professeur pour initier mon filleul Loïc. Anecdote amusante : la différence d’âge entre Thierry et moi est la même qu’entre moi et Loïc. L’enseignement se propage, de génération en génération.

Après plusieurs virées dans les magasins de camping et une très grosse sortie de préparation de 112km, rendez-vous est pris pour notre premier trip de bikepacking sur une trace que j’ai dessinée pour traverser la province du Hainaut du Nord au sud, couper à travers la France dans la région de Givet avant de remonter le Namurois.

Jour 1 : le Hainaut sauvage, 103km, 1250d+

Nous nous retrouvons le vendredi matin sur le Ravel de Genappe. Je suis en retard : je connais tellement ce parcours que j’étais persuadé qu’il faisait 10km. Mon compteur indique déjà 15km lorsque je trouve Loïc qui piaffe d’impatience.

Le temps de me présenter sa config bikepack (il a notamment troqué le Camelbak sur le dos pour une ceinture porte-gourde) et nous voilà partis. À peine sorti des routes de Genappe et nous sommes confrontés à des chemins qui viennent de vivre deux mois de pluie quasi permanente. Cela signifie d’énormes flaques et une végétation plus qu’abondante. J’avais été témoin, sur mes sentiers habituels, de chemins se refermant complètement en trois ou quatre jours de beau temps après des semaines de pluie.

De tout côté, nous sommes entourés par les ronces, les orties. Mes bras deviennent un véritable dictionnaire des différentes formes de piqures et de lacérations. Il y’a les pointues, les griffues, celles qui se boursouflent, celles qui grattent, celles qui saignent. Loïc se marre en m’entendant hurler. Car je suis de ceux qui hurlent avant d’avoir mal, un cri rauque à mi-chemin entre banzaï et le hurlement de douleur. Loïc, lui, préfère garder son énergie et souffre en silence.

Le contournement des flaques s’avère parfois acrobatique et, moins agile que Loïc, je glisse sur un léger éperon de boue, les deux pieds et les fesses dans une énorme mare de gadoue.

Le soleil nous aide à prendre l’essorage de chaussettes à la rigolade sous la caméra amusée de Loïc qui filme. Je ne le sais pas encore, mais l’eau sera le thème central de notre épopée.

Nous dépassons enfin Fleurus pour traverser la banlieue de Charleroi par Chatelineau et Châtelet. À travers des rues peu engageantes qui serpentent entre des façades borgnes, nous suivons la trace qui s’engouffre sous un pont d’autoroute, nous conduit entre deux maisons pour nous faire déboucher soudainement sur de magnifiques sentiers à travers les champs. Comme si les habitants tenaient à cacher la beauté de leur région aux citadins et aux automobilistes.

Après des kilomètres assez plats, le dénivelé se fait brusquement sentir. Nous atteignons les bois de Loverval pour continuer parmi la région boisée contournant Nalinnes. Si les paysages sont loin d’être époustouflants, la trace est un véritable plaisir, verte, physique et nous fait déboucher dans le chouette village de Thy-le-Château.

Nous nous arrêtons pour un sandwich dans une boucherie. Le boucher nous explique sillonner la région en VTT électrique et est curieux de savoir quelle application nous utilisons pour nos itinéraires. Il note le nom « Komoot » sur un papier avant de s’offusquer lorsque je lui explique que nous nous relayons pour passer les commandes afin d’avoir toujours quelqu’un près des vélos.

« On ne vole pas à Thy-le-Château ! » nous assène-t-il avec conviction. Le sandwich est délicieux et nous continuons à travers des montées et des descentes abruptes, inondées de flaques ou de torrents. Les passages difficiles se succèdent et j’ai le malheur de murmurer que je rêve d’un kilomètre tout plat sur une nationale.

J’ai à peine terminé ma prière que mon mauvais génie m’exauce. Arrivant au pied de Walcourt, étrange village qui flanque une colline abrupte, la trace nous propose de suivre 500m d’une route nationale. Mais celle-ci se révèle incroyablement dangereuse. Une véritable autoroute ! Pour l’éviter, nous devrions remonter toute la pente que nous venons de descendre et faire une boucle de plusieurs kilomètres. Loïc propose de rouler le long de la nationale, derrière le rail de sécurité. « Ça se tente ! » me fait-il.

Nous sommes de cette manière à plusieurs mètres des véhicules et protégés par la barrière. Cependant, ce terre-plein est envahi de ronces, d’orties et des détritus balancés par les automobilistes. Les 500m dans le hurlement des camions et des voitures lancées à vive allure sont très éprouvants. Moi qui suis parfois réveillé par l’autoroute à plus de 3km de mon domicile, je me dis qu’on sous-estime complètement la pollution sonore du transport automobile.

Cette épreuve terminée, nous attaquons la dernière colline avant d’arriver aux Lacs de l’Eau d’Heure, objectif assumé pour notre première pause.

Juste avant le barrage de la Plate Taille, nous bifurquons vers une zone de balade autour du lac. Nous nous planquons dans un petit bosquet où, malgré les panneaux d’interdiction, j’enfile un maillot pour profiter d’une eau délicieuse à 19°C. Sur la rive d’en face, je pointe l’endroit où Loïc a fait son baptême de plongée en ma compagnie.

Le cuissard renfilé, je remonte sur ma selle et nous repartons. La trace nous conduit dans des petits sentiers qui longent la route du barrage. Nous arrivons sur le parking du spot de plongée où nous sommes censés retrouver la route, séparée de nous par une barrière fermée. Nous continuons un peu au hasard dans les bois avant de tomber sur le village de Cerfontaine.

Nous quittons désormais la civilisation. Plusieurs kilomètres de sentiers escarpés nous attendent. Loïc voit passer un sanglier. Je vois plusieurs biches. La région est sauvage. Deux choses inquiètent Loïc. Le risque d’orage et la question de trouver à manger. Hein chef ?

Heureusement, nous débouchons sur Mariembourg où une terrasse accueillante nous tend les bras au centre du village. Nous mangeons bercés par les cris de quelques villageois se préparant pour le match de foot du soir à grand renfort de canettes de bière.

Nous étudions la trace, occupation principale d’un bikepacker en terrasse. J’avais prévu un zigzag à proximité de Couvin pour aller découvrir le canyon « Fondry des Chiens ». Étant donné l’heure avancée, je suggère de couper à travers la réserve naturelle de Dourbes.

Nous sommes à peine sortis de Mariembourg que Loïc reconnait la gare. Nous sommes sur les terres où Roudou nous avait emmenés lors d’un mémorable week-end VTTnet en 2015.

La réserve naturelle de Dourbes est tout sauf plate. Un régal de vététiste. Un peu moins avec près de 100bornes dans les pattes. Ça fait partie du bikepacking : parler de régal pour ce qui te fait pester au moment même.

Nous arrivons sur les berges du Viroin. La trace nous fait monter vers le château de Haute-Roche, véritable nid d’aigle qui semble inaccessible. La pente est tellement abrupte qu’il faut escalader d’une main en tirant les vélos de l’autre. Loïc vient m’aider pour les derniers mètres.

Les ruines de la tour moyenâgeuse se dressent devant nous. Après cet effort, Loïc décide qu’il a bien mérité de contempler la vue. Il contourne la tour par un étroit sentier qui nécessite même un mètre d’escalade sur le mur médiéval. J’hésite à le suivre puis me laisse gagner par son enthousiasme.

Loïc a découvert une terrasse qui surplombe la vallée de manière majestueuse. Derrière nous, la tour, devant le vide et la vue. C’est magnifique.

Loïc a soudain une idée : » Et si on plantait la tente ici ? »

J’hésite. Nous sommes sur une propriété privée. L’à-pic n’est pas loin. Les sardines ne se planteront peut-être pas dans la terre fine de la terrasse. Mais je vois les yeux de Loïc pétiller. Je propose de tester de planter une sardine pour voir si c’est faisable. Loïc propose une manière de disposer les deux tentes sur la terrasse de manière à être le plus éloigné possible du trou. Nous finissons par retourner aux vélos, décrocher tous les sacs pour les amener sur notre terrasse. Il reste à faire passer les vélos eux-mêmes par le même chemin. C’est acrobatique, mais nous y arrivons et bénéficions d’un coucher de soleil sublime alors que nous montons nos tentes.

J’utilise un peu d’eau de mon Camelbak pour improviser une douche rapide. Je tends mes fesses à toute la vallée. Vue pour vue, paysage pour paysage.

De la vallée, les faibles cris nous informent que les Belges perdent le match de foot. Nous nous couchons à l’heure où les multiples camps scouts qui parsèment la vallée décident de se lancer dans des chants qui relèvent plus du cri permanent. Au bruit du matelas pneumatique, je devine que Loïc se retourne et ne trouve pas le sommeil.

Jour 2 : la brousse française, 80km, 1500d+

Les supporters et les scouts ont à peine achevé leur tintamarre que les coqs de la vallée prennent le relais. Il n’est pas encore 7h que j’émerge de ma tente. Loïc a très mal dormi et est abasourdi par l’humidité qui dégouline dans sa tente. J’espérais que l’altitude nous protégerait de l’humidité du Viroin, il n’empêche que tout est trempé. Mon Camelbak, mal fermé, s’est vidé dans mon sac de cadre qui, parfaitement étanche, m’offre le premier vélo avec piscine intérieure, comble du luxe.

Heureusement, il fait relativement beau. J’avais prévenu Loïc de compter une grosse heure pour le remballage des affaires, surtout la première fois. Le fait de devoir repasser les vélos en sens inverse le long de la tour complique encore un peu plus la tâche. Nous pratiquons la philosophie « no trace » et Loïc en profite même pour ramasser des vieilles canettes. Au final, il nous faut plus d’1h30 pour être enfin prêts à pédaler. Nous traversons les bois, descendons le long d’une route où nous aidons un scout flamand un peu perdu à s’orienter avant d’accomplir la courte, mais superbe escalade des canons de Vierves. Escalade que nous avions accomplie en 2015 avec Roudou et sa bande sans que j’en aie le moindre souvenir. En pensée, Loïc et moi envoyons nos amitiés et nos souvenirs aux copains de VTTnet.

La trace nous fait ensuite longer la route par un single escarpé avant de nous conduire à Treignes où nous déjeunons sur le parking d’un Louis Delhaize. Je constate que la trace fait un gros détour pour éviter 3km de route et nous fais escalader un énorme mamelon pour en redescendre un peu plus loin en France. La route étant peu fréquentée, je propose d’avancer par la route pour gagner du temps. L’avenir devait révéler ce choix fort judicieux.

Une fois en France, je m’arrange pour repiquer vers la trace. Nous faisons une belle escalade en direction du fort romain du Mont Vireux. Comme le fort en lui-même est au bout d’un long cul-de-sac, nous décidons de ne pas le visiter et de descendre immédiatement sur Vireux où nous traversons la Meuse.

Nous escaladons la ville. Je m’arrête à la dernière maison avant la forêt pour me ravitailler en eau auprès d’habitants absolument charmants et un peu déçus de ne pas pouvoir faire plus pour moi que de me donner simplement de l’eau.

Nous quittons désormais la civilisation pour nous enfoncer dans les plateaux au sud de Givet. Les chemins forestiers sont magnifiques, en montée permanente. Quelques panneaux indiquent une propriété privée. Nous croisons cependant un 4×4 dont le conducteur nous fait un signe amical qui me rassure sur le fait que le chemin soit public. Mais, au détour d’un sentier, une grande maison se dresse, absurde en un endroit aussi reculé. La trace la contourne et nous fait arriver devant une barrière un peu bringuebalante. Je me dis que nous sommes sur le terrain de la maison, qu’il faut en sortir. Nous passons donc la barrière, prenant soin de la refermer, et continuons une escalade splendide et très physique.

Au détour d’un tournant, je tombe sur une harde de sangliers. Plusieurs adultes protègent une quinzaine de marcassins. Les adultes hésitent en me voyant arriver. L’un me fait face avant de changer d’avis et emmener toute la troupe dans la forêt où je les vois détaler. Loïc arrive un peu après et nous continuons pour tomber sur une harde d’un autre type : des humains. Un patriarche semble faire découvrir le domaine à quelques adultes et une flopée d’enfants autour d’un pick-up. Il nous arrête d’un air autoritaire et nous demande ce que nous faisons sur cette propriété privée.

Je lui explique ma méprise à la barrière et la trace GPS en toute sincérité. Il accepte avec bonne grâce mes explications et tente de nous indiquer un chemin qui nous conviendrait. Je promets de tenter de marquer le chemin comme privé sur Komoot (sans réfléchir au fait que c’est en fait sur OpenStreetMap qu’il faut le marquer et que je n’ai pas encore réussi à le faire). Finalement, il nous indique la barrière la plus proche pour sortir du domaine qui se révèle être exactement le chemin indiqué par notre trace. Nous recroisons la harde de sangliers et de marcassins.

Nous escaladons la barrière en remarquant l’immensité de la propriété privée que nous avons traversée et sommes enfin sur un chemin public qui continue sur un plateau avant de foncer vers le creux qui nous sépare de la Pointe de Givet, Pointe que nous devons escalader à travers un single beaucoup trop humide et trop gras pour mes pneus. J’en suis réduit à pousser mon vélo en regardant Loïc escalader comme un chamois. Au cours du périple, les descentes et les montées trop grasses seront souvent à la limite du petit torrent de montagne. Une nouvelle discipline est née : le bikepack-canyoning.

Le sommet nous accueille sous forme de vastes plaines de hautes graminées où le chemin semble se perdre. La trace descend dans une gorge sensée déboucher sur la banlieue est de Givet. Mais la zone a été récemment déboisée. Nous descendons au milieu des cadavres de troncs et de branches dans un paysage d’apocalypse sylvestre. La zone déboisée s’arrête nette face à un mur infranchissable de ronces et de buissons. La route n’est qu’à 200m d’après le GPS, mais ces 200m semblent infranchissables. Nous remontons péniblement à travers les bois pour tenter de trouver un contournement.

Loïc fait remarquer que le paysage ressemble à une savane africaine. Nous roulons à l’aveuglette. Parfois, un souvenir de chemin semble nous indiquer une direction. Nous regagnons l’abri de quelques arbres avant de déboucher sur une vaste prairie de très hautes graminées, herbes et fleurs. Comme nous sommes beaucoup trop à l’ouest, je propose de piquer vers l’est. Une légère éclaircie dans un taillis nous permet de nous faufiler dans une pente boisée que je dévale sur les fesses, Loïc sur les pédales. Le pied de cette raide descente nous fait déboucher sur un champ de blé gigantesque. Du blé à perte de vue et aucun chemin, aucun dégagement. Nous nous résignons à la traverser en suivant des traces de tracteur afin de ne pas saccager les cultures. Les traces nous permettent de traverser le champ en largeur avant de s’éloigner vers l’ouest où la limite du champ n’est même pas visible.

À travers une haie d’aubépines particulièrement touffue, nous apercevons une seconde prairie. Avec force hurlements de douleur et de rage, nous faisons traverser la haie à nos vélos avant de suivre le même passage. De la prairie de pâturage, il devient facile de regagner un chemin desservant l’arrière des jardins de quelques maisons.

Après plusieurs heures de galère et très peu de kilomètres parcourus, nous regagnons enfin la civilisation. Loïc vient de faire son baptême de cet élément essentiel du bikepacking : l’azimut improvisé (autrement connu sous le nom de « On est complètement paumé ! »).

On pourrait croire qu’avec les GPS et la cartographie moderne, se perdre est devenu impossible. Mais la réalité changeante et vivante de la nature s’accommode mal avec la fixité d’une carte. L’état d’esprit du bikepacker passera rapidement du « Trouver le chemin le plus engageant pour arriver à destination » à « Trouver un chemin pour arriver à destination » à « Trouver un chemin praticable » pour finir par un « Mon royaume pour trouver n’importe quoi qui me permet tout simplement de passer ». Après des passages ardus dans les ronces ou les aubépines, après avoir dévalé des pentes particulièrement raides, l’idée de faire demi-tour n’est même plus envisageable. Il faut lutter pour avancer, pour survivre.

Un aphorisme me vient spontanément aux lèvres : « L’aventure commence lorsque tu as envie qu’elle s’arrête ».

Nous pénétrons alors dans Givet par l’ouest alors que j’avais prévu d’éviter la ville. Nous avons faim, nous sommes fatigués et nous n’avons fait qu’une vingtaine de kilomètres. Loïc a du mal de se rendre compte du temps perdu.

Sur une placette un peu glauque où se montent quelques maigres attractions foraines, nous enfilons un sandwich. Pour ma part, un sandwich que je viens d’acheter, mais pour Loïc, un sandwich particulièrement savoureux, car acheté le matin en Belgique et qui a fait toute l’aventure accroché au vélo. Se décrochant même avant une violente descente, emportant la veste de Loïc au passage et nécessitant une réescalade de la pente pour récupérer ses biens.

Hors de Givet, la nature reprend ses droits. Les montées boueuses succèdent aux singles envahis de flaques. Nous retrouvons la Belgique au détour d’un champ. Après quelques patelins typiquement namurois (les différences architecturales entre les bleds hennuyers, français et namurois me sautent aux yeux), nous enchainons de véritables montagnes russes jouant sur les berges de la Lesse.

Alors que j’ai un excellent rythme, une pause impromptue s’impose, le lieu me subjuguant par la beauté un peu irréelle d’une petite cascade. Je m’arrête et m’offre un bain de pieds tandis que Loïc prend des photos. Une fois sortis des gorges de la Lesse, nous nous arrêtons pour étudier la situation.

J’avais prévu un itinéraire initial de 330km, mais, Loïc devant être absolument rentré le 4 au soir, j’ai également concocté un itinéraire de secours de 270km pour le cas où nous aurions du retard. Les itinéraires divergeaient un peu après le retour en Belgique, l’un faisant une boucle par Rochefort, l’autre revenant en droite ligne vers Waterloo.

Par le plus grand des hasards, je constate que je me suis arrêté littéralement au point de divergence. Étant donné le temps perdu le matin, il me semble beaucoup plus sage de prendre l’itinéraire court, au grand dam de Loïc, très motivé, mais très conscient de la deadline.

Le seul problème est que mon itinéraire court ne passe par aucune ville digne de ce nom avant le lendemain, que je n’ai repéré aucun camping. Loïc me demande d’une petite voix inquiète si on va devoir se coucher le ventre vide. Parce qu’il y’aura aussi la question de trouver à manger. Hein chef ?

Je propose d’aviser un peu plus loin. Sur le chemin, quelques moutons échappés de leur enclos me regardent méchamment. Le mâle dominant commence même à gratter du sabot. Je leur crie dessus en fonçant, ils s’écartent.

Arrivés à un croisement, nous consultons les restaurants disponibles dans les quelques villages aux alentours. Un détour par Ciney me semble la seule solution pour s’assurer un restaurant ouvert. Nous sommes au milieu de nos hésitations lorsqu’un vététiste en plein effort s’arrête à notre hauteur. Tout en épongeant la sueur qui l’inonde, il nous propose son aide. Sa connaissance du lieu est bienvenue : il nous conseille d’aller à Spontin pour être sûrs d’avoir à manger puis d’aller dans un super camping au bord du Bocq. Par le plus grand des hasards, il est justement en train de flécher un parcours VTT qui passe tout prêt.

Nous le remercions et nous mettons à suivre ses instructions et ses flèches. Un petit détour assez pittoresque qui nous fait passer dans des singles relativement techniques par moment. C’est vallonné et la journée commence à se faire sentir. Psychologiquement, l’idée d’être presque arrivés rend ces 15km particulièrement éprouvants. Après une grande descente nous débouchons sur un carrefour au milieu de Spontin, carrefour orné, ô miracle, d’une terrasse de restaurant. Nous nous installons sans hésiter. Je commande une panna cotta en entrée.

Loïc est très inquiet à l’idée de ne pas avoir de place au camping recommandé par notre confrère. Le téléphone ne répond pas. De plus, ce camping est à une dizaine de kilomètres, dans un creux qu’il faudra escalader au matin. Alors que nous mangeons, j’aperçois derrière Loïc un panneau au carrefour qui indique un camping à seulement 2km. Un coup d’oeil sur la carte m’apprend que ce camping est à quelques centaines de mètres de notre trace. Je téléphone et le gérant me répond qu’il n’y a aucun souci de place.

Après le repas, nous sautons sur nos montures pour gravir ces 2 derniers kilomètres, le camping étant sur une hauteur. Rasséréné par la certitude d’avoir un logement et le ventre plein, Loïc me lâche complètement dans la côte. Son enthousiasme est multiplié, car il reconnait le camping. C’est une constante de ce tour : alors que je cherche à lui faire découvrir des choses, il reconnait sans cesse les lieux et les paysages pour y être venu à l’une ou l’autre occasion. Parfois même avec moi.

L’emplacement de camping est magnifique, aéré, calme avec une vue superbe. Par contre, les douches sont bouillantes sans possibilité de régler la température, les toilettes sont « à terrasse », sans planche ni papier. Je préfère encore chier dans les bois, mais la douche fait du bien.

La nuit est ponctuée d’épisode de pluie. Je croise les doigts pour qu’il fasse sec au moment de remballer la tente. Je n’ai encore jamais remballé le matériel sous la pluie.

Jour 3 : l’aquanamurois, 97km, 1200d+ 

À 7h30, je commence à secouer la tente de Loïc. Je l’appelle. Pas un bruit. Je recommence, plus fort. Je secoue son auvent. J’espère qu’il est toujours vivant. À ma cinquième tentative, un léger grognement me répond : « Gnnn… »

Loïc a dormi comme un bébé. Il émerge. Nous remballons paisiblement sous un grand soleil et faisons sécher les tentes.

La grande inquiétude de la journée, ce sont les menaces d’orage. Jusqu’à présent, nous sommes littéralement passés entre les gouttes. Nous précédons les gros orages de quelques heures, roulant toujours dans des éclaircies.

Sous un soleil très vite violent, nous nous échappons dans une série de petits singles envahis de végétation avant de commencer l’escalade pour sortir de Crupet. Nous escaladons un magnifique chemin à plus de 15%. Sur la gauche, la vue vers la vallée est absolument à couper le souffle avec des myriades de fleurs bleues au premier plan. À moins que ce ne soit la pente qui coupe le souffle. Des randonneurs nous encouragent, je suis incapable de répondre. Le sommet se profile au bord d’un camp scout. Après quelques centaines de mètres sur la route, un panneau indiquant une église médiévale attire mon attention. Cette fois-ci, c’est moi qui reconnais l’endroit ! Nous sommes à 1km du lieu de mon mariage. J’entraine Loïc dans un bref aller-retour pour envoyer une photo souvenir à mon épouse.

À partir de là, je connais l’endroit pour y être venu de multiples fois à vélo. Après des traversées de champs, nous nous enfonçons dans les forêts du Namurois, forêts aux chemins dévastés par les orages et les torrents de boue. Au village de Sart-Bernard, j’interpelle un habitant pour savoir s’il y’a un magasin ou une boulangerie dans les environs. À sa réponse, je comprends que j’aurais pu tout aussi bien lui demander un complexe cinéma 15 salles, un parc d’attractions et un centre d’affaires.

Nous nous enfonçons donc dans la forêt, zigzaguant entre les chemins privés, pour déboucher finalement sur Dave. Un kilomètre de nationale malheureusement incontournable nous permet d’aller traverser la Meuse sur une écluse juste au moment où celle-ci commence à se remplir pour laisser passer un bateau. Nous continuons le long du fleuve pour aller déguster une crêpe à Wépion. Le temps se couvre, mais reste sec.

La crêpe engloutie, il est temps de sortir du lit de la Meuse. Ma trace passe par une côte que j’ai déjà eu le plaisir d’apprécier : le Fonds des Chênes. Jamais trop pentue ni technique, la côte est cependant très longue et se durcit vers la fin, alors même qu’on a l’impression de sortir du bois et d’arriver dans un quartier résidentiel.

J’arrive au sommet lorsque les premières gouttes commencent à tomber. J’ai à peine le temps d’enfiler ma veste que le déluge est sur nous. Abrité sous un arbre, j’attends Loïc qui, je l’apprendrai après, a perdu beaucoup de temps en continuant tout droit dans une propriété privée.

À partir de ce moment-là, nous allons rouler sous des trombes d’eau incessantes. À travers les bois, nous descendons sur Malonne dont nous escaladons le cimetière à travers des lacets dignes d’un col alpin. La trace traverse littéralement le cimetière au milieu des tombes. Loïc s’étonne. Je réponds que, au moins, on ne dérange personne. C’est ensuite la descente sur Seneffe avant de longer la Sambre.

Lors de notre journée de préparation, nous sommes passés par là dans l’autre sens. Nous sommes en terrain connu, le côté exploration du bikepacking s’estompe pour laisser la place à la douleur psychologique du retour. Étant donné la pluie, je suis heureux de rentrer. Je n’ose imaginer installer une tente sous la pluie, renfiler des vêtements trempés le lendemain.

Nous n’essayons même plus de contourner les flaques qui se sont, de toute façon, transformées en inévitables marigots. Nous roulons des mètres et des mètres avec de l’eau jusqu’aux moyeux, chaque coup de pédale remplissant les chaussures d’eau comme une noria.

Loïc m’a plusieurs fois expliqué être motivé par la pluie. Sous la pluie, il pédale mieux. J’ai en effet observé qu’il supporte assez mal la chaleur alors que, pour moi, rien n’est aussi délectable que d’escalader un col en plein cagnard.

Ses explications se confirment. Loïc fonce, escalade. J’ai de plus en plus de mal à le suivre. L’eau me mine, ma nouvelle selle me torture les fesses. Nous traversons Spy, les plaines de Ligny, probablement tout aussi inondées qu’en 1815 et le golf de Rigenée. La trace traverse le bois Pigeolet, mais je me souviens avoir été bloqué au château de Cocriamont lors d’une de mes aventures antérieures. J’impose un demi-tour et nous gagnons Sart-Dames-Avelines par la route.

Alors que nous arrivons à Genappe, la pluie qui s’était déjà un peu calmée s’arrête tout à fait. Nous en profitons pour prendre un dernier verre en terrasse avant de nous dire au revoir. Nous avons le sentiment d’être à la maison.

Il me reste néanmoins encore 15km à faire. 15km essentiellement de Ravel. Mes chaussures sont presque sèches, l’optimisme est de mise.

C’est sans compter que le Ravel est inondé par endroit, traversé de coulées de boue. Certaines maisons se sont barricadées avec des sacs de sable. Des arbres arrachés rendent le passage compliqué. Alors que je traverse une flaque que je croyais étendue, mais peu profonde, le Ravel étant en théorie essentiellement plat, je m’enfonce jusqu’au moyeu. Je suis recouvert, ainsi que mon vélo et mes sacs, d’une boue jaune, grasse, épaisse et collante.

Il était dit que je ne pouvais pas arriver sec à Louvain-la-Neuve…

280km, près de 4000m de d+ et une expérience mémorable. Je suis enchanté d’avoir pu condenser en 3 jours toutes les expériences d’un trip de bikepacking : camping sauvage, heures perdues à pousser le vélo dans une brousse sans chemin, découragements suivis d’espoirs, pauses imprévues et terrasses délectables.

Maintenant que Loïc a gouté aux joies du bikepacking « extreme », je n’ai qu’une envie : qu’on reparte pour explorer d’autres régions. J’ai une attirance toute spéciale pour les Fagnes… Par contre, cette expérience de la pluie me fait renoncer au rêve de parcourir l’Écosse en bikepacking.

Alors qu’une Grande Traversée du Massif Central (GTMC pour les intimes) se profile avec Thierry, deux inquiétudes restent vives : mes fesses me font toujours autant souffrir (peut-être devrais-je passer le cap du tout suspendu) et je ne me sens pas psychologiquement armé pour affronter un bivouac sous la pluie.

Mais, après tout, l’aventure ne commence-t-elle pas au moment où tu as envie qu’elle s’arrête ?

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Source: https://ploum.net/aquabikepacking-a-travers-la-wallonie/


Interdire le port du voile est-il une discrimination ?

Friday 25 June 2021 at 14:13

Tentative d’analyse rationnelle et d’élargissement d’un débat émotionnel

Le sujet du port du voile par les femmes musulmanes est un sujet récurrent et politicomédiatique un peu trop vendeur. Forcément, car tout le monde à son avis sur le sujet. Mon avis personnel ne me semble pas avoir plus de valeur que n’importe quel autre.

Aussi ai-je envie d’aborder le sujet d’une manière que je n’ai que trop rarement vue : rationnellement et avec autant de rigueur logique que possible bien que n’étant, sensibilité humaine oblige, pas objectif. Le voile est en effet un exemple parfait pour illustrer le point de friction entre la liberté religieuse et la neutralité législative garante de cette liberté.

Le dress code professionnel

Il semble important de préciser que le débat ne porte pas sur l’interdiction du voile. Dans notre pays, le citoyen peut se vêtir comme bon il semble tant qu’une certaine pudeur est respectée. Chaque citoyen peut porter sur la tête le couvre-chef de son choix, le voile ne pose aucun problème sur la voie publique (je m’abstiendrai de parler du voile intégral, hors propos ici).

La question réelle peut donc être formulée en ces termes : « Si un employeur refuse que ses employés portent un voile, est-ce de la discrimination ? ».

Mise en contexte : les employeurs ont toujours disposé d’un droit de regard sur l’habillement de leurs employés. Depuis l’uniforme au port obligatoire de la cravate. Un voisin m’a un jour affirmé que jamais il n’accepterait un travail où on le forcerait de mettre une cravate. J’ai personnellement été une fois renvoyé chez moi pour me changer, car j’avais mis un bermuda, ce qui était interdit dans le règlement de travail (que je n’avais pas lu). Je fais pourtant partie de la sainte église du bermuda (2 membres en Belgique) pour laquelle le port du pantalon long entre mars et octobre est un blasphème.

Pour l’anecdote, dans cette même entreprise de plusieurs centaines de personnes est un jour arrivée une nouvelle employée voilée. Personne n’a émis le moindre commentaire (le voile n’était pas interdit dans le règlement) excepté une collègue qui m’a expliqué être musulmane et opposée au voile, voile qui n’était selon elle ni musulman ni cité dans le coran.

De même, dans le collège où j’ai fait mes études, le règlement stipulait strictement que les élèves étaient tenus d’être nu-tête à l’intérieur des bâtiments. J’ai été témoin de bon nombre de casquettes et chapeaux confisqués par les éducateurs.

Lors d’une embauche ou de l’accès à un établissement public, ces obligations vestimentaires clairement stipulées n’ont jamais été assimilées à une discrimination. Un postulant est libre de refuser un emploi si les conditions de travail ne lui conviennent pas.

Pourtant, le fait de devoir retirer le voile pour accéder à un travail ou à une école (chose que des milliers de musulmanes font quotidiennement, il faut le préciser, et qui serait acceptable selon les préceptes de l’Islam) est perçu par certaines comme une discrimination.

Je ne vois que deux alternatives logiques.

Soit le voile est un simple morceau de tissu vestimentaire, comme l’affirment certains, et il peut être retiré si nécessaire. J’abhorre la cravate, que j’associe à une laisse, mais je la passerai au cou si j’estime que les circonstances l’exigent.

Soit le port du voile est l’expression d’une religiosité profonde ne permettant pas à une croyante de le retirer en public. Auquel cas, il est manifeste que la personne ne peut accéder à un poste où une certaine forme de neutralité est nécessaire. Les postes de représentation publique, par exemple, impliquent une neutralité jusque dans les détails de l’habillement. Un député ne peut pas porter un t-shirt avec un slogan.

Il est important de souligner que les deux situations sont mutuellement exclusives. Soit le voile est un accessoire vestimentaire, auquel cas il peut-être retiré, soit il est le symbole d’une religiosité forte qui peut être considérée comme incompatible avec certaines fonctions, et cela à la discrétion de l’employeur.

Dans les deux cas, remarquons qu’il apparait raisonnable pour un employeur de ne pas engager une personne qui refuse de retirer son voile sur son lieu de travail alors que l’employeur l’estime nécessaire. Il n’y a pas de discrimination sur la couleur de peau, l’origine sociale ou la religion de l’employé, mais simplement un choix de ce dernier de se conformer ou non au règlement de travail. Ce que les plaignantes appellent discrimination dans les affaires où le port du voile leur a été refusé n’est donc que le refus de l’octroi d’un privilège spécifique qui n’est disponible pour personne d’autre.

L’exception religieuse

À cette constatation, la réponse la plus courante est celle de « l’exception religieuse ». L’employeur peut obliger la cravate et interdire le bermuda, car ceux-ci ne sont pas religieux. Le voile bien.

Cette exception est une véritable boîte de Pandore. Il est important de rappeler que la liberté de religion et de conscience garantie par l’article 18 des droits de l’homme porte sur toutes les religions, y compris les religions personnelles. Certains ont peut-être cru que je me moquais en parlant de l’église du bermuda, mais mon coreligionnaire (qui se reconnaitra), confirmera que notre foi est sincère et assortie de rituels (comme la photo du premier bermuda de l’année et l’expiation du port du pantalon long). Si l’état belge propose une liste de religions reconnues, c’est uniquement pour des motifs de financement. Chaque citoyen est libre de suivre les préceptes de la religion de son choix.

L’exception religieuse, par sa simple existence, sépare le corpus législatif en deux types de lois.

Les premières sont celles qui ne souffriront aucune exception religieuse. Si ma religion recommande la consommation de nouveau-nés au petit-déjeuner, l’exception religieuse sera difficilement recevable.

Par contre, mutiler le sexe du même nouveau-né sans raison médicale est couvert par l’exception religieuse.

Cette contradiction est visible dans tous les services communaux chargés d’établir nos cartes d’identité : il est en effet stipulé que la photo doit représenter le demandeur tête nue (point 8 du règlement), mais qu’en cas de motif religieux s’opposant à apparaitre tête nue sur nue sur la photo, ce point ne s’applique pas (point 10 du règlement).

Extrait du règlement téléchargé sur le site du gouvernement en juin 2021

Paradoxalement, la discrimination porte donc sur les personnes non religieuses. Celles-là ne peuvent pas porter de couvre-chef (et personne ne peut sourire, pourtant, ce serait joli une religion du sourire) sur leur photo d’identité ! La discrimination est bénigne et anecdotique, mais ouvre la porte à de dangereux précédents.

C’est pour illustrer ce paradoxe que plusieurs pastafariens à travers le monde ont tenté, avec plus ou moins de succès, de figurer sur leur document d’identité avec une passoire sur la tête ou avec un chapeau de pirate.

En Suède, face à la répression de la copie illicite de films et de musiques, le Kopimisme s’est mis en place. Selon cette religion, la vie nait de la copie d’information et tout acte de copie de l’information est sacré. En ce sens, les kopimistes ont exigé (et obtenu) une exemption religieuse leur permettant de copier tout document informatique sans être poursuivis. La loi « anti-piratage » fait donc partie, en Suède, de la deuxième catégorie des lois.

Ici encore, la discrimination envers les non-religieux est flagrante. Doit-on créer une religion pour tester et contourner chaque loi ?

Preuve est faite que l’exception religieuse est non seulement dangereuse, mais complètement inutile. Soit une loi ne peut accepter aucune exception religieuse (le meurtre par exemple), soit la loi n’a pas lieu d’être ou doit être retravaillée (vu qu’il est acceptable pour une frange arbitraire de citoyens de ne pas la respecter).

Soit il est essentiel d’être nu-tête sur un document d’identité, soit ce n’est pas nécessaire.

Soit un employeur peut imposer certaines règles vestimentaires à ses employés, soit il ne peut en imposer aucune. Toute tentative de compromis est, par essence, arbitraire et entrainera des débats émotionnels sans fin voire des violences.

Comme le disait déjà Thomas Hobbes, cité par le philosophe et député François De Smet dans son livre « Deus Casino », il est impossible à un humain d’obéir simultanément à deux autorités, deux ensembles distincts de lois (sauf si, par miracle, elles sont temporairement compatibles). L’un des ensembles de loi doit donc être supérieur à l’autre. Si c’est la loi religieuse qui est supérieure, on est tout simplement dans le cas d’une théocratie, chose qui n’est possible que pour une seule religion.

On peut tourner le problème dans tous les sens : la coexistence de plusieurs religions implique nécessairement la primauté des lois séculières sans distinction ni exception. Si une personne religieuse accomplit un rite qui enfreint une loi civile, elle doit être poursuivie comme après n’importe quelle infraction !

Cette conclusion, bien que contre-intuitive, est primordiale : le seul garant d’une réelle liberté de pensée et de culte passe par un état qui affirme que tous les citoyens sont égaux, que la loi est identique pour tous et ne tolère aucune exception religieuse !

L’expression de la croyance en une divinité et en la vérité d’un seul livre relève pour l’athée que je suis du blasphème et du non-respect envers les millions d’intellectuels qui ont fait progresser l’étendue du savoir humain. La religiosité m’offense profondément. Pour certaines femmes, le port du voile est une insulte aux féministes des décennies précédentes, un rappel permanent de la fragilité des récents et encore incomplets droits de la femme.

La liberté de culte passe donc nécessairement par la liberté de blasphème et le droit à l’offense.

Un combat politique à peine voilé

Rationnellement et logiquement parlant, la question du port du voile au travail est donc très simple à trancher : soit un employeur n’a aucun droit sur l’habillement de ses employés, soit il peut en avoir. Fin du débat.

Malheureusement, comme le souligne François De Smet, les religions instituées bénéficient d’une immunité contre l’irrationnel qui ne peut être justifiée par des arguments logiques. La religion est par essence irrationnelle, mais elle peut s’appuyer sur des arguments psychologiques, historiques, culturels ou politiques. Argument psychologique que j’ai intitulé « Le coût de la conviction ».

https://ploum.net/le-cout-de-la-conviction/

Le port du voile est souvent défendu par les traditionalistes comme un élément culturel et historique. Pourtant, en 1953 Nasser faisait exploser de rire son auditoire en ironisant sur l’impossibilité, n’en déplaise à une minorité, de forcer 10 millions d’Égyptiennes à porter le voile. Les photos de Téhéran dans les années 70 montrent également des femmes libérées, vêtues selon des normes modernes et se promenant en bikini au bord de la plage. Dans les années 90, je crois me souvenir qu’il était relativement rare de voir une femme voilée en Belgique, malgré plus de 30 ans d’immigration marocaine intense.

S’il y’a bien une certitude, c’est que l’interdiction pour une musulmane de se départir de son voile ne faisait, jusqu’à un passé relativement récent, peu ou plus partie du patrimoine culturel et qu’il n’est donc clairement pas « historique ». À l’opposé, la fameuse danse du ventre, tradition égyptienne millénaire, est en passe de disparaitre du pays, illustrant l’hypocrisie de l’argument « défense de la culture et de la tradition ».

La question qui est certainement la plus intéressante à se poser est donc : « Si ce n’est culturel, ni historique, ni rationnel, d’où vient cet engouement soudain pour le voile ? Qu’est-ce qui a fait apparaitre cette intransigeance récente qui pousse des femmes à refuser un emploi voire à attaquer l’employeur en justice plutôt que de retirer temporairement leur voile ou trouver un autre emploi ? ».

Les réponses à cette question pourraient aller de « Les immigrées n’osaient pas ne pas le retirer et osent enfin s’affirmer » à « Il s’agit d’un effet de mode, une pression sociale ». Ne pouvant répondre par une analyse logique, je laisserai le sujet aux sociologues.

À noter que dans un long billet très documenté, Marcel Sel propose une réponse essentiellement politique. Le port du voile ne serait pas une lutte pour les libertés individuelles, mais une volonté d’ingérence politique à peine voilée, si j’ose dire.

http://blog.marcelsel.com/2021/06/20/oh-bro-2-en-nommant-ihsane-haouach-la-belgique-met-la-charia-avant-la-meuf/

Le droit des femmes

Pour les millions de femmes dans le monde victime d’une théocratie et qui mettent en péril leur intégrité pour avoir le droit… de ne pas porter le voile, le combat de quelques-unes pour avoir le droit de le porter doit sembler incroyablement absurde. Mais, dans la vie quotidienne, il me semble important de laisser de côté les considérations politiques. Quand bien même le voile serait, à large échelle, un instrument politique, la femme en face de vous est avant tout un être humain le plus souvent sincère dans ses convictions.

Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, j’aimerais rappeler le droit inaliénable au respect. Dans certains quartiers, des femmes se font insulter et se sentent en insécurité, car elles ne sont pas voilées. Autre part, ce sont les femmes voilées qui sont victimes d’insultes racistes voire d’agressions. Dans les deux cas, les femmes et la dignité humaine sont perdantes.

Quelles que soient leur religion et leur origine, beaucoup de femmes connaissent une insécurité permanente pour une raison unique : une culture machiste tolérée.

https://ploum.net/la-moitie-du-monde-qui-vit-dans-la-peur/

C’est là où, en tant qu’homme je peux agir. En surveillant mon comportement et celui de mes condisciples, en ne riant pas aux blagues sexistes, en sermonnant un camarade aux mains un peu trop baladeuses ou aux remarques trop sonores. En respectant totalement l’humaine qui est en face de moi, qu’elle se promène nue ou voilée de pied en cap.

Et en me gardant de faire étalage de manière inappropriée de mes convictions philosophiques. On n’a pas besoin d’être d’accord pour s’entendre et se respecter.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Source: https://ploum.net/interdire-le-port-du-voile-est-il-une-discrimination/


Vaccins et brevets, le véritable complot

Wednesday 19 May 2021 at 12:37

Le Titanic était réputé insubmersible. Il était composé de plusieurs compartiments étanches et pouvait flotter même si plusieurs de ces compartiments s’étaient remplis d’eau. Si le gigantesque navire avait foncé droit dans l’iceberg, il y’aurait eu un grand choc, un ou plusieurs compartiments ouverts, des dizaines de blessés suite au choc et un bateau immobilisé, mais en état de flotter. Malheureusement, une vigie a aperçu l’iceberg. Un peu trop tard. En voulant l’éviter, le navire l’a frôlé et a vu sa coque déchirée tout le long, ouvrant des voies d’eau dans chacun des compartiments étanches. Les passagers n’ont rien senti au moment même, mais la catastrophe reste emblématique plus d’un siècle plus tard.

Que ce serait-il passé si, sur le bateau, s’était trouvé un groupe d’industriels voyageant en première classe et dont la spécialité était une hypothétique colle à réparer la coque des bateaux ? Qu’auraient répondu ces richissimes voyageurs voyant arriver à eux un commandant essoufflé et à l’uniforme débraillé, les suppliant de fournir la formule de leur produit pour sauver le navire ?

La crise du réchauffement climatique nous le laissait présager, mais le débat sur l’ouverture des brevets sur les vaccins COVID nous en donne une réponse éclatante.

Les riches industriels auraient simplement roulé de grands yeux en fustigeant l’idée qu’on puisse « piller leur propriété intellectuelle ». Et lorsque le commandant insistera en disant que le bateau coule, ils ricaneront en disant que ce ne sont que les 3e classes qui ont des voies d’eau. Au pire les 2e classes.

Car l’ouverture des vaccins sur le COVID est essentielle. Sans cette ouverture et la possibilité de fabriquer leurs propres vaccins (ce qui est incroyablement simple avec les vaccins basés sur l’ARN messager), l’immense majorité des pays les plus pauvres ne verront pas une goutte de vaccin avant 2023. C’est une catastrophe pour ces populations qui, même en admettant que ce ne sont que des 3e classes, permettrait un véritable bouillon de culture d’où pourrait émerger des variants bien plus puissants et insensibles à nos vaccins actuels. Ne pas voir cela, c’est littéralement penser que les 3e classes vont couler, mais que le pont des 1res classes va continuer sa route comme par miracle.

https://coronavirus.medium.com/manufacturing-mrna-vaccines-is-surprisingly-straightforward-despite-what-bill-gates-thinks-222cffb686ee

Didier Pittet, l’homme qui a offert au monde la formule du gel hydroalcoolique dont l’aspect open source a été un atout indéniable dans la lutte contre cette épidémie, l’explique dans son livre « Vaincre les épidémies ». Lors de ses voyages, il a découvert des installations d’une ingéniosité extrême permettant de produire du gel hydroalcoolique dans des régions souffrant d’un grand manque d’infrastructure. Les produits manquants étaient remplacés par des équivalents disponibles tout en gardant voire en améliorant l’efficacité. Parce que, contrairement aux théories racistes qui percolent dans notre colonialisme industriel, ce n’est pas parce qu’une région a un grand déficit en infrastructure que ses habitants n’ont pas de cerveau. Malgré notre vision du monde fondée sur Tintin au Congo, li pti noir li pas complètement crétin et li fabriquer vaccins si li pas empêché par brevets de bwana blanc.

S’il n’y avait que l’aspect humanitaire, la question d’ouverture des brevets COVID ne devrait même pas se poser. Rien que pour cela, tout personne s’opposant à l’ouverture des brevets dans le contexte actuel est un fou dangereux psychopathe.

Mais il y’a pire : les brevets sont une vaste escroquerie mondiale qui a pris des proportions incroyables.

Je vous ai expliqué ma propre expérience avec les brevets, expérience professionnelle durant laquelle on m’a enseigné à écrire un brevet en m’expliquant de but en blanc l’immoralité du système et la manière de l’exploiter.

https://ploum.net/working-with-patents/

Lors de son mandat, le parlementaire européen Christian Engström avait largement démontré que l’immense majorité des fonds permettant le développement d’un nouveau médicament étaient publics (de 90% à 99%). La grande majorité du travail de recherche et des travaux préliminaires nécessaires est accomplie dans les universités par des chercheurs payés par de l’argent public. L’industrie du médicament elle-même bénéficie de nombreuses subventions et d’abattements fiscaux.

Au final, un fifrelin du coût final est issu de la firme elle-même, firme qui va obtenir un monopole sur cette recherche pendant 20 ans grâce au brevet. C’est le traditionnel credo financier « Mutualiser les risques, privatiser les profits ».

N’oublions pas que dans l’esprit initial, le brevet est un monopole temporaire (c’était d’ailleurs le nom qu’on lui donnait à l’origine) en échange du fait qu’une invention soit rendue publique. C’est pour cela que le brevet explique l’invention : l’inventeur a 20 ans pour bénéficier de son monopole et s’engage à ce que l’invention devienne un bien public par la suite.

Ce n’est évidemment pas du gout des industries qui ont trouvé une parade : étendre la durée des brevets en modifiant un produit ou en en sortant un nouveau juste avant l’expiration de l’ancien. Ces modifications sont le plus souvent cosmétiques.

Pourquoi croyez-vous que les vaccins sont désormais mélangés en une seule et unique dose malgré les risques d’augmentation des effets secondaires ? Parce qu’il s’agit d’une manière simple de breveter un nouvel emballage pour des vaccins éprouvés qui, sans cela, ne coûterait littéralement plus rien. Et s’il y’a bien une chose que veut éviter l’industrie pharmaceutique, c’est que les gens soient en bonne santé pour pas cher.

Pour résumer, l’industrie pharmaceutique vole littéralement l’argent public pour privatiser des bénéfices plantureux. Et ne peut imaginer remettre en question ses bénéfices alors que la survie de notre société est peut-être en jeu. Le fait qu’il s’agisse du vaccin COVID est d’autant plus ironique, car, depuis 14 mois, l’argent public a afflué sans restriction dans tous les laboratoires du monde. L’industrie pharmaceutique a été payée pour développer un produit garanti de trouver 8 milliards de clients et prétend aujourd’hui privatiser 100% des bénéfices. Dans le cas du vaccin AstraZeneca, l’ironie est encore plus mordante : il a été conçu de bout en bout par une équipe de scientifiques financés par l’argent public et qui souhaitait le rendre open source. La fondation Bill Gates, idéologiquement opposée à toute idée d’open source, a réussi à leur racheter la formule. Tous les scientifiques ne sont pas Didier Pittet.

Un Didier Pittet qui affirme se faire encore régulièrement appeler « L’homme qui nous a fait perdre des milliards » par les représentants d’une industrie pharmaceutique qui ne digère toujours pas la mise open source du gel hydroalcoolique. Cela en dit long sur la mentalité du secteur. Toute possibilité de se soigner ou se protéger à moindre coût est perçue comme « de l’argent perdu ». C’est la pensée typique d’un monopole pour qui l’idée même de compétition est une intolérable agression que les amis politiques doivent bien vite juguler.

On pourrait s’étonner que l’industrie pharmaceutique n’ouvre pas le brevet du vaccin sur le COVID juste pour redorer son blason, pour en faire une belle opération de relations publiques.

Mais il y’a une raison pour laquelle la mise open source du vaccin AstraZeneca devait être empêchée à tout prix, une raison pour laquelle ce brevet ne peut pas, même temporairement, être ouvert.

C’est que le monde comprendrait que ça fonctionne. Que, comme l’a démontré l’aventure du gel hydroalcoolique, ça fonctionne foutrement bien. Cela créerait un précédent. Car si on le fait pour le COVID, pourquoi ne pas le faire pour les médicaments pour le sida ? Pourquoi ne pas le faire sur l’insuline alors qu’aux États-Unis, des diabétiques meurent parce qu’ils ne peuvent simplement pas s’en acheter ? Pourquoi ne pas le faire pour…

Vous imaginez le précédent ? Un monde où les résultats des recherches publiques sont open source ? Où les régions, même les plus pauvres, peuvent développer une indépendance sanitaire avec des chaînes logistiques locales et courtes ?

Non, il faut que l’orchestre continue de jouer. Et tant pis pour les 3e classes. Tant pis pour les 2e classes. Tant pis pour les chaussettes des 1e classes. Le bateau est insubmersible, n’est-ce pas ?

Les vaccins sont l’une des plus belles inventions humaines. N’en déplaise aux conspirationnistes, les vaccins sont la première cause d’augmentation de notre espérance de vie et de notre confort moderne. Je me ferai vacciner contre le COVID à la première occasion par souci de contribuer à une immunité collective (car le vaccin est un médicament altruiste, il ne fonctionne que si une majorité de gens l’utilise). Cela ne m’empêchera pas de pleurer le fait que ce progrès magnifique soit retenu en otage pour contribuer à l’une des plus grandes arnaques économique, idéologique et financière de ce siècle.

Les antivaccins ont raison : il y’a bien un complot qui détruit notre santé et notre tissu social pour maximiser l’enrichissement d’une minorité de monopoles dirigés par des psychopathes à qui des politiciens véreux servent la soupe en se vautrant dans une fange d’immoralité hypocrite.

Mais ce ne sont pas les vaccins eux-mêmes la base du complot, ce sont tout simplement les brevets et les monopoles industriels.

Photo by Ivan Diaz on Unsplash

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Source: https://ploum.net/vaccins-et-brevets-le-veritable-complot/


Les monopoles du livre, les alternatives et le futur

Saturday 15 May 2021 at 17:27

Ou les tribulations d’un auteur bibliophile qui souhaite faire du commerce local de proximité en payant en cryptomonnaies.

Dans ce billet, je vous raconte ma vie de bibliophile, je râle un peu sur les monopoles du monde du livre, je pleure sur la disparition programmée d’un bouquiniste local, je fais la promotion d’Alternalivre, nouvelle plateforme de vente de livres peu ou mal distribués et je vous parle de Print@Home, concept futuriste du livre « téléchargé et imprimé à la maison ». À la fin du billet, vous aurez l’opportunité de commander des livres de mon éditeur pour le tiers ou la moitié du prix normal, selon le cours du Bitcoin. Qu’est-ce que le Bitcoin vient faire dans tout ça ? Mystère !

On entend souvent qu’Amazon ou Facebook ne sont pas des monopoles, car nous ne sommes pas forcés de les utiliser. Après tout, tout le monde peut commander ailleurs que sur Amazon et supprimer son compte Facebook.

Que ce soit clair : si nous étions forcés d’utiliser Amazon ou Facebook, ce ne seraient plus des monopoles, mais des dictatures. Un monopole n’est pas une entreprise impossible à éviter, c’est une entreprise difficile à éviter. Pourquoi ai-je publié un billet annonçant mon retrait de LinkedIn en fanfare ? Parce que cela a été pour moi un choix difficile, un réel risque professionnel. Pourquoi suis-je encore sur Facebook ? Pourquoi est-ce que je passe encore par Amazon ?

Tout simplement parce que c’est très difficile de l’éviter. Dernièrement, voulant éviter de passer par Amazon pour commander un produit particulier, j’ai réussi à trouver un fournisseur différent. Ma commande a nécessité la création d’un énième compte à travers un formulaire bugué qui m’a imposé de changer d’adresse email d’inscription (la première comportant un caractère non toléré par ce site particulier) en cours d’inscription et qui fait que mon compte est désormais inaccessible. Toutes mes données sont dans ce énième silo que je n’utiliserai plus jamais, sans compter les inscriptions non sollicitées à des newsletters. J’ai finalement reçu mon colis sans passer par Amazon, mais à quel prix !

Autre exemple. Grâce à la recommandation d’un lecteur, j’ai voulu acheter le livre « Le Startupisme » d’Antoine Gouritin. Sur le site de l’éditeur, les frais de livraison s’élevaient à 10€. Mais étaient gratuits sur Amazon. Pour un livre à 20€, avouez que ça fait mal de payer 10€. Qu’auriez-vous fait à ma place ? Et je ne vous parle pas des livres en anglais, introuvables partout y compris sur Amazon.fr et que je commande… sur Amazon.de (allez comprendre !).

Amazon est donc très difficile à contourner. C’est pourquoi j’apprécie quand les sites reconnaissent que je ne vais pas les utiliser tous les jours et cherchent à me rendre l’achat le plus simple possible, notamment en n’obligeant pas à la création d’un compte (fonctionnalité à laquelle travaille mon éditeur).

Car, dès le début du projet d’édition de Printeurs, mon éditeur et moi sommes tombés d’accord sur le fait d’éviter Amazon autant que possible. Mais, dans l’édition du livre, il n’y a pas qu’Amazon qui abuse de sa position. Un acteur invisible contrôle le marché entre les éditeurs et les libraires : le distributeur.

Mon roman Printeurs a reçu de bonnes critiques et commence a exister sur Babelio, Senscritique et Goodreads.

https://www.babelio.com/livres/Ploum-Printeurs/1279338?id_edition=1509012

Je suis extrêmement reconnaissant aux lecteurs qui prennent le temps de noter mes livres ou de mettre une critique, même brève. Il semble que certains lecteurs aient découvert Printeurs grâce à vous ! J’ai néanmoins un conflit moral à vous recommander d’alimenter ces plateformes propriétaires à visée monopolistique. Cela rend certaines critiques postées sur des blogs personnels encore plus savoureuses (surtout celle-là, merci Albédo !).

https://albdoblog.com/2021/01/20/printeurs-ploum/

Malgré cet accueil initial favorable et de bonnes ventes dans les librairies suisses, aucun distributeur belge ou français n’a été jusqu’à présent intéressé par distribuer le catalogue de mon éditeur. Les librairies, elles, ne souhaitent pas passer directement par les éditeurs.

Pire : être dans un catalogue de distributeur n’offre pas toujours la garantie d’être trouvable en libraire. Du moins près de chez moi.

Dans ma ville, riante cité universitaire et pôle intellectuel majeur du pays, il n’existe que deux librairies (!), faisant toutes deux partie de grandes chaines (Fnac et Furet du Nord). Bon, il y’a aussi mon dealer de bandes dessinées devant la vitrine duquel je me prosterne tous les jours et deux bouquineries d’occasion. Enfin, bientôt plus qu’une. La plus grande des deux (et la seule qui fait également de la BD de seconde main) va en effet disparaître, l’université, à travers son organisme de gestion immobilière, ayant donné son congé au gérant. Le gérant m’a fait observer qu’en rénovant la place des Wallons (où est située la bouquinerie), les ouvriers ont installé devant chez lui des emplacements pour parasols. Il semble donc qu’il soit prévu de longue date de remplacer la bouquinerie par un commerce alimentaire. Une pétition a été mise en place pour sauver la bouquinerie.

https://www.change.org/p/soutien-au-bouquiniste-de-lln

Mais le gérant n’y croit plus. Il a commencé à mettre son stock en caisse, les larmes plein les yeux, ne sachant pas encore où aller ni que faire, espérant revenir. Deux librairies et bientôt une seule et minuscule bouquinerie pour toute une cité universitaire. Mais plusieurs dizaines de magasins de loques hors de prix cousues dans des caves par des enfants asiatiques. Heureusement qu’il reste mon temple bédéphile, mais je commence à m’en méfier : les vendeurs m’y appellent désormais par mon nom avec obséquiosité, déroulent un tapis rouge à mon arrivée dans la boutique, m’offrent boissons et mignardises en me vantant les dernières nouveautés et en me félicitant de mes choix. Lorsqu’un vendeur débutant ne me reconnait pas, l’autre lui montre sur l’écran ma carte de fidélité ce qui entraine un mouvement machinal de la main et un sifflement. Je ne sais pas trop comment interpréter ces signes…

Mais trêve de digression sentimentalo-locale, abandonnons les moutons de l’Esplanade (le centre commercial climatisé du cru qui tond lesdits ovins pour remplacer leur laine par les loques suscitées) pour revenir aux nôtres.

Souhaitant acquérir le roman Ecce Homo de l’autrice Ingid Aubry, j’ai découvert qu’il était affiché sur le site du Furet du Nord. Je me suis donc rendu dans l’enseigne de ma ville et j’ai demandé à une libraire de faction de le commander. Malgré son empressement sincère, elle n’a jamais trouvé le livre dans ses bases de données. Déjà, le fait qu’elle ait dû regarder dans pas moins de trois bases de données différentes (avec des interfaces très disparates) m’a semblé absurde. Mais le résultat a été sans appel : le livre, pourtant référencé sur le site de la librairie, était incommandable. (livre pourtant distribué par le plus grand distributeur en francophonie, Hachette, quasi-monopole).

https://ingridaubry.be/

Ingrid a finalement fini par m’envoyer le livre par la poste. Son mari Jean-François m’a révélé qu’ils avaient tenté de créer, à deux reprises, une boutique Amazon pour vendre son livre en ligne à moindre prix (il est en effet disponible sur Amazon, mais avec des frais de livraison de… 40€ !). À chaque fois, leur compte a été suspendu. La raison ? Ils vendaient un livre déjà listé sur Amazon. Le livre d’Ingrid est donc littéralement impossible à acheter à un prix décent !

Ingrid et son mari ont pris le problème à bras le corps et lancé leur propre plateforme de vente de livres. Une plateforme dédiée aux livres peu ou mal diffusés. Alternalivre.

https://alternalivre.be/

Je loue cette initiative en cruel manque de visibilité, étant coincé entre Fnac, Furet du Nord et Amazon pour assouvir ma bibliophilie compulsive (et je déteste acheter mes livres au milieu des tout nouveaux téléviseurs en promotion, ce qui exclut la Fnac). Mon éditeur s’est empressé de rendre Printeurs et toute la collection Ludomire disponible sur Alternalivre (ce qui devrait diminuer les frais d’expédition pour les Français et les Belges). Vous y trouverez également mon livre pour enfant, « Les aventures d’Aristide, le lapin cosmonaute ». Tout en espérant être un jour disponible au Furet du Nord (parce que, de mon expérience, les libraires y sont sympas, compétents et cultivés) voir, honneur suprême, chez Slumberland (qui fait aussi dans le roman de genre, mais je travaille à des scénarios de BD rien que pour être dans leurs rayons).

https://shop.alternalivre.be/fr/romans/printeurs

https://shop.alternalivre.be/fr/jeunesse/les-aventures-daristide-le-lapin-cosmonaute

Écrire un livre et le faire éditer et convaincre les lecteurs de l’acheter n’est donc pas tout. Encore faut-il que ce soit possible pour les lecteurs de l’acquérir. Dans Printeurs, je poussais à l’extrême le concept d’impression 3D jusqu’à inclure les êtres vivants. En 2012, Jaron Lanier imaginait l’impression locale des smartphones et autres gadgets dans son livre « Who owns the future? ». Pourrais-ton l’imaginer pour les livres, floutant de plus en plus la limite entre le livre électronique et le livre papier ?

Oui, m’a répondu mon éditeur en reposant le manuscrit de Printeurs. Et on va l’inventer. Ce sera le Print@home, un concept financé par les contributeurs de la campagne Ulule Printeurs.

Voici donc la première plateforme dédiée aux livres imprimables artisanalement. Cela ne vaut peut-être pas (encore?) une impression professionnelle, mais le concept peut ouvrir la voie à une nouvelle façon de diffuser les livres.

https://printathome.cc/

Et le tout, à prix libre bien sûr ! Les livres imprimables étant tous sous publiés sous une licence Creative Commons.

Pour financer cette plateforme, mon éditeur a lancé une campagne de crowdfunding pour le moins originale, car totalement décentralisée. Au lieu de tourner sur le gigantesque serveur d’un acteur quasi monopolistique (comme Ulule), la campagne tourne sur un raspberry dans son bureau. Et au lieu de payer avec des monnaies centralisées, les paiements se font en bitcoins.

http://crowdfund.printathome.cc/

Là où ça devient intéressant pour vous, amis lecteurs, c’est que les tarifs en bitcoin sont calculés en faisant l’hypothèse qu’un bitcoin vaut 100.000€. Cela signifie que si le bitcoin est inférieur et vaut, par exemple, 40.000€, vous ne payez que 40% du prix réel des livres commandés. Et cela, y compris pour les livres papier !

Si vous avez quelques centimes de bitcoins et que vous hésitiez à acheter une version papier de Printeurs, des exemplaires à offrir ou la collection complète Ludomire, c’est le moment !

Tout cela sent bon le bricolage et l’expérimentation. Il y’aura des erreurs, des apprentissages. De cette imprécision typiquement humaine dont nous nous sentons inconsciemment privés par les algorithmes perfectionnés des monopoles centralisés. Bonne découverte !

Photo by César Viteri on Unsplash

Oubliez un instant les réseaux sociaux et abonnez-vous par mail ou par RSS (max 2 billets par semaine et rien d’autre). Dernier livre paru : Printeurs, thriller cyberpunk. Pour soutenir l’auteur, offrez et partagez ses livres.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Source: https://ploum.net/les-monopoles-du-livre-les-alternatives-et-le-futur/


La terrifiante hégémonie des monopoles

Friday 30 April 2021 at 10:37

Il est assez rare qu’un livre bouleverse votre représentation du monde. Ou mieux, qu’il éclaire votre compréhension dudit monde en reliant sous un modèle unique parfaitement théorisé toute une série d’intuitions que vous aviez dans des domaines forts différents.

C’est exactement l’effet qu’a eu sur moi le livre Monopolized, de David Dayen, malheureusement pas encore traduit en français et que je n’ai pas réussi à obtenir à un prix décent en Europe (je me suis rabattu sur la version électronique pirate, la faute aux monopoles du livre).

https://thenewpress.com/books/monopolized

L’idée de David Dayen est de nous démontrer que la puissance économique (et donc politique) est de plus en plus concentrée dans un nombre de plus en plus restreint de mains au travers des monopoles et autres oligopoles, de nous expliquer pourquoi, historiquement et économiquement il en est ainsi, pourquoi c’est une mauvaise chose pour tous ceux qui ne sont pas à la tête d’un monopole et en quoi c’est une tendance « mécanique » : la monopolisation dans un domaine entraine l’apparition de monopoles dans les domaines connexes, ce qui fait boule de neige. Pour finir, David Dayen émet la thèse que seule la régulation politique peut enrayer les abus des monopoles (ce qu’elle faisait d’ailleurs à peu près bien jusque dans les années huitante).

Ceux d’entre vous qui suivent ce blog connaissent mon intérêt pour les problématiques liées aux monopoles de haute technologie (Google, Facebook, Microsoft, etc.). Ma fascination pour Monopolized vient du fait que j’ai compris que mon combat se dirigeait contre une simple conséquence anecdotique d’un paradigme beaucoup plus large : la monopolisation.

D’ailleurs, entre nous, pourquoi êtes-vous si nombreux à avoir l’intuition que « la financiarisation » de l’économie est une mauvaise chose alors qu’en soit, la finance voire même le trading ne sont que des échanges économiques entre adultes consentants ? À cause de la monopolisation de cette finance.

Pourquoi y’a-t-il une telle défiance envers l’industrie pharmaceutique entrainant des comportements absurdes comme le refus de la vaccination ? À cause de la monopolisation.

Pourquoi, quand je m’arrête dans une supérette ou une pompe à essence pour acheter un en-cas n’ai-je le choix qu’entre des dizaines de variations du même mauvais chocolat enrobé de mauvais sucre ? La monopolisation.

La monopolisation jusque dans l’art. La planète écoute désormais une vingtaine de musiciens surpayés alors que des millions d’autres tout aussi talentueux ne gagnent pas un sous, tout bénéfice pour les producteurs.

La tentation du monopole

De tout temps, le monopole s’est imposé comme le meilleur moyen de générer des fortunes pharaoniques. Lorsque vous disposez d’un monopole pour un produit quelconque, vous bénéficiez d’une rente immuable tant que ce produit sera consommé. Et comment s’assurer que le produit restera consommé ? Tout simplement en rachetant les jeunes entreprises qui développent des alternatives ou, mieux, qui pourraient être en mesure de le faire.

Un monopole peut augmenter les prix d’un produit à volonté pour maximiser ses rentes. Mais ce serait maladroit, car cela augmenterait d’autant les incitants économiques pour créer de la compétition. Il est donc préférable pour un monopole de garder le prix le plus bas possible pour empêcher toute compétition. Comment faire de la concurrence à Google ou Facebook alors que, pour l’utilisateur final, le produit semble gratuit ?

Au lieu d’augmenter ses tarifs, un monopole va chercher à diminuer ses coûts. Premièrement en exploitant ses fournisseurs qui, généralement, n’ont pas le choix, car pas d’autres clients potentiels. C’est le monopsone, l’inverse du monopole : un marché avec un seul acheteur et beaucoup de vendeurs. Grâce à cet état de fait, le monopole peut augmenter ses marges tout en gardant les mains propres. Le sale travail d’exploitation des travailleurs est transféré à des fournisseurs voire aux travailleurs eux-mêmes, considérés comme indépendants. C’est le phénomène de « chickenization » bien connu aux États-Unis où les éleveurs de poulets sont obligés de suivre des règles très strictes d’élevage, d’acheter leurs graines et d’utiliser le matériel fourni par… leur seul et unique acheteur qui peut fixer le prix d’achat du poulet. Les éleveurs de poulets sont, pour la plupart, endettés auprès de leur propre client qui peut refuser d’acheter les poulets et les ruiner complètement, mais qui se garde bien de le faire, leur laissant juste de quoi avoir l’espoir d’un jour en sortir. Dans « Planètes à gogos » et sa suite, Frederik Pohl et Cyril Kornbluth nous mettaient en garde contre ce genre d’abus à travers une superbe scène où le personnage principal, ex-publicitaire à succès, se retrouve à travailler sur Vénus pour un salaire qui ne lui permet juste pas de payer son logement et sa nourriture fournie par son employeur monopolistique.

Enfin, le dernier facteur permettant à un monopole de faire du profit, c’est de réduire toute innovation voire même d’activement dégrader la qualité de ses produits. Un phénomène particulièrement bien connu des habitants des zones rurales aux États-Unis où la connexion Internet est de très mauvaise qualité et très chère. Preuve s’il en est qu’il s’agit d’une réelle volonté, des villes ont décidé de mettre en place des programmes municipaux d’installation de fibre optique. Il en résulte… des attaques en justice de la part des fournisseurs d’accès Internet traditionnel pour « concurrence déloyale ».

La morbidité des monopoles

Depuis des siècles, la nocivité des monopoles est bien connue et c’est même l’un des rôles premiers des états, quels que soient la tendance politique : casser les monopoles (les fameuses lois antitrust), mettre hors-la-loi les accords entre entreprises pour perturber un marché ou, si nécessaire, mettre le monopole sous la coupe de l’état, le rendre public. Parfois, l’état peut accorder un monopole temporaire et pour un domaine très restreint à un acteur particulier. Cela pouvait être une forme de récompense, une manière de donner du pouvoir à un vassal ou à l’encourager. Les brevets et le copyright sont des monopoles temporaires de ce type.

Mais, en 1980, Robert Bork, conseiller du président Reagan, va émettre l’idée que les monopoles sont, tout compte fait, une bonne chose sauf s’ils font monter les prix. À partir de cet instant, l’idée va faire son chemin parmi les gens de pouvoir qui réalisent qu’ils sont des bénéficiaires des fameux monopoles. Mais comme je l’ai expliqué ci-dessus, un monopole résulte rarement en une augmentation franche et directe du prix. Pire, il est impossible de prévoir. En conséquence de quoi, les administrations américaines vont devenir de plus en plus souples avec les fusions et les acquisitions.

Si IBM et AT&T sont cassés en plein élan dans les années 80, si Microsoft doit mollement se défendre dans les années 90, Google et Facebook auront un boulevard à partir des années 2000, boulevard ouvert par le fait que les acteurs du passé ont encore peur des lois antitrust et que les acteurs du futur ne peuvent plus émerger face à la toute-puissance de ce qu’on appelle désormais les GAFAM, ces entreprises qui ont saisi la fenêtre d’opportunité parfaite. Une dominance entérinée de manière officielle quand, après les attentats du 11 septembre 2001, l’administration américaine stoppe toute procédure visant à interdire à Google d’exploiter les données de ses utilisateurs, procédure annulée en échange d’une promesse, tenue, que Google aidera désormais la défense à détecter les terroristes grâce aux données susnommées (anecdote racontée dans The Age of Surveillance Capitalism, de Shoshana Zuboff).

Fusion, acquisition

Le laxisme face aux monopoles donne le signal d’une course à l’ultra-monopolisation. Pour survivre dans une économie de mastodontes, il n’est d’autre choix que de devenir un mastodonte soi-même. En fusionnant ou en rachetant de plus petits concurrents, on détruit la compétition et on diminue les coûts de production, augmentant de ce fait les bénéfices et construisant autour de son business ce que Warren Buffet appelle une « douve protectrice » qui empêche toute concurrence. Warren Buffet n’a jamais fait un mystère que sa stratégie d’investissement est justement de favoriser les monopoles. Mieux : il en a fait une idéologie positive. Pour devenir riche, à défaut de construire un monopole à partir de rien (ce que bien peu pourront faire après Mark Zuckerberg et Jeff Bezos), investissez dans ce qui pourrait devenir un monopole !

Il faut dire que le business des fusions/acquisitions est particulièrement juteux. Les transactions se chiffrent rapidement en milliards et les cabinets de consultance qui préparent ces fusions sont payés au prorata, en sus des frais administratifs.

Alors jeune ingénieur en passe d’être diplômé, j’ai participé à une soirée de recrutement d’un de ces prestigieux cabinets (un des « Big Three »). Sur la scène, une ingénieure de quelques années mon aînée, décrivait le cas sur lequel elle avait travaillé, sans donner les noms. Les chiffres s’alignaient explicitement avec, dans la colonne « bénéfices », le nombre d’employés que la fusion permettrait de licencier avec peu ou prou d’indemnités, le nombre de sites à fermer, les opportunités de délocalisation pour échapper à certaines régulations financières ou écologiques.

J’ai levé la main et j’ai demandé, naïvement, ce qu’il en était des aspects éthiques. L’oratrice m’a répondu avec assurance que l’éthique était très importante, qu’il y avait une charte. J’ai demandé un exemple concret de la manière dont la charte éthique était appliquée au projet décrit. Elle me répondit que, par exemple, la charte impliquait que l’intérêt du client passait avant toute chose, ce qui impliquait le respect de la confidentialité et l’interdiction pour un employé du cabinet d’être en contact avec les employés du cabinet qui représentaient l’autre côté du deal.

J’ai été surpris d’une telle naïveté et, surtout, de la non-réponse à ma question. Après la conférence, je suis allé la trouver durant le cocktail dinatoire traditionnel. Un verre à la main, j’ai insisté. Elle ne comprenait pas de quoi je voulais parler. J’ai explicité ce que j’entendais par éthique : l’impact de cette fusion sur les travailleurs, sur les conditions économiques, sur l’aspect écologique global. L’éthique quoi !

La brave ingénieure, qui nous avait été présentée comme ayant obtenu le grade le plus élevé à la fin de ses études (le cabinet ne recrutant que parmi les meilleures notes et les doctorats, je n’avais d’ailleurs aucune chance), est devenue blanche. Elle m’a regardé la bouche ouverte et a fini par balbutier qu’elle n’avait jamais pensé à cela.

Il faut bien avouer que, face à un tel pactole, il est tentant de ne voir que des colonnes de chiffres. En théorie, les cabinets spécialistes des fusions/acquisitions sont censés déconseiller les fusions qui ne seraient pas vraiment intéressantes. Mais, sans fusion, pas de pourcentage. Aucun cabinet ne va donc déconseiller ce type d’opération. C’est également particulièrement intéressant pour les individus hautement impliqués. Wikipedia raconte que, entre 2009 et 2013, un jeune banquier d’affaire de la banque Rothschild va gagner plus de deux millions d’euros en travaillant sur des fusions et des rachats controversés. Il faut avouer que, selon ses supérieurs, il est extrêmement doué pour ce métier et pourrait devenir l’un des meilleurs de France. Il va cependant choisir une autre voie, profitant des appuis importants de ce milieu. Son nom ? Emmanuel Macron.

La quête de rendement et la métamorphose du métier d’entrepreneur.

Historiquement, un entrepreneur est une personne qui cherche à créer un business. Plutôt que de travailler pour un patron, l’entrepreneur va travailleur pour des clients. Les entrepreneurs à succès pouvaient espérer gagner très bien leur vie, une société florissante pouvant se permettre de payer un très haut salaire à son patron fondateur. Il n’en reste pas moins qu’il s’agissait d’un salaire lié à un travail. Pour les investisseurs, une entreprise pouvait également verser des dividendes.

Cependant, la quête de rendement élevé a, ironiquement, entrainé la chute des dividendes. À quoi bon gagner quelques pour cent par an sur une somme immobilisée et donc totalement illiquide, ne permettant pas de bénéficier d’autres opportunités ? La plupart des entreprises actuelles ne versent d’ailleurs que peu ou prou de dividendes. Achetez pour 1000€ d’actions et, à la fin de l’année, vous seriez chanceux d’avoir plus de 10€ de dividendes.

Pour un investisseur qui parie sur une jeune entreprise, il n’existe que deux façons de faire du profit et récupérer sa mise (ce qu’on appelle un « exit »). Premièrement si cette entreprise est cotée en bourse, ce qui est extrêmement rare et prend beaucoup de temps ou, et c’est la voie préférée, en voyant cette entreprise rachetée.

C’est également tout bénéfice pour les fondateurs qui au lieu de travailler toute leur vie sur un projet espèrent désormais gagner un pactole après quelques années seulement (et beaucoup de chance). J’ai vu et encadré suffisamment de startups et de levées de fonds dans ma vie professionnelle pour comprendre que le but d’une startup, désormais, n’est plus de faire un produit, mais d’être rachetée. Pas de vendre mais d’être vendu. Les modalités potentielles d’exit sont discutées avant même les premières lignes de code ou le premier client. De cette manière, toute l’énergie entrepreneuriale est dirigée vers un seul et unique objectif : faire croître les géants.

Ces échanges sont facilités par le fait que les investisseurs, les fameux Venture Capitalists, ont généralement des liens étroits avec les actionnaires de ces fameux géants qui rachètent. Dans certains cas, ce sont tout simplement les mêmes personnes. Pour faire simple, si je fais partie du board de Facebook, je vais donner un million à de jeunes entrepreneurs en les conseillant sur la meilleure manière de développer un produit que Facebook voudra racheter puis je m’arrange pour que le-dit Facebook rachète la boîte à un tarif qui valorise mes parts à 10 millions. Un simple trafic d’influence qui me rapporte 9 millions. Si la startup n’a pas développé de produit, ce n’est pas grave, on parlera alors d’acqui-hire (on rachète une équipe, une expertise et on tue le produit).

C’est également tout bénéfice pour Facebook qui tue de cette manière toute concurrence dans l’œuf et qui augmente ses effectifs pour une bouchée de pain. Voire même qui optimise fiscalement certains bénéfices de cette manière.

Ce procédé est tellement efficace qu’il s’est industrialisé sous forme de fonds. Les investisseurs, au lieu de mettre 1 million dans une jeune startup, créent un fonds de manière à mettre 100 millions dans 100 startups. Les 100 millions sont fournis par les riches qui sont en dehors de toutes ces histoires et qui sont du coup taxés avec des frais de gestion et un pourcentage sur les bénéfices (typiquement, 2 ou 3% du capital par an plus entre 20 et 30% des bénéfices reviennent au gestionnaire du fonds. Ce qui reste intéressant : si un gestionnaire transforme votre million en 10  millions, vous pouvez lui donner 3 millions, vous n’en aurez pas moins gagné 6 millions. Une fameuse somme !).

Les fonds de type Private Equity fonctionnent sur le même principe. Les gestionnaires investissent dans diverses entreprises durant 2 ou 3 ans puis se donnent 6 ou 7 ans pour réaliser des exits. L’argent est bloqué pour 10 ans, mais avec la promesse d’avoir été multiplié par 5 au bout de cette période (ce qui fait du 20% par an !).

Comment garantir les exits ? Premièrement grâce à des lobbies auprès des géants du secteur susceptibles d’acheter les petites boîtes. En dernier recours, il restera au gestionnaire du fonds la possibilité de créer un nouveau fonds pour racheter les invendus du premier. Cette opération fera du premier fond un réel succès, asseyant la réputation du gestionnaire et lui permettant de lever encore plus d’argent dans son nouveau fonds.

Le paradoxe du choix

Cette concentration est pourtant rarement perceptible lorsque nous allons faire nos courses. Et pour cause ? Les monopoles ne sont pas bêtes et proposent « de la diversité pour satisfaire tous les consommateurs ». Que vous achetiez des M&Ms, des Maltesers, un Mars, un Milky Way, un Snickers, un Twix, un Bounty, un Balisto ou bien d’autres, seul l’emballage change. Il s’agit des mêmes produits fabriqués dans les mêmes usines.

Du riz Uncle Ben’s, de l’Ebly, des pâtes Miracoli ou Suzi Wan ? Pareil.

Et pour les animaux ? Pedigree, Cesar, Whiskas, Royal Canin, Sheba, Kitekat, Canigou, Frolic ? Pareil.

Passez dans le rayon chewing-gum, toutes les marques sont par le même fournisseur.

D’ailleurs, je n’ai pas choisi ces exemples au hasard. Le fournisseur en question est identique pour toutes les marques que je viens de citer : Mars.

Rendez-vous dans votre supermarché et supprimez les produits Mars, Nestlé et Unilever. Il ne restera plus grand-chose à part quelques produits Kraft, Danone ou Pepsico. Vos magasins bio ne sont pas en reste. Certaines marques bio appartiennent aux même grands groupes, d’autres sont en pleine consolidation, car le marché est encore jeune.

L’exemple de la nourriture est frappant, mais il en est de même dans tous les secteurs lorsqu’on gratte un peu : automobile, hôtellerie, vêtements, voyages, compléments alimentaires naturels et bio… Grâce aux « alliances », il n’existe en réalité plus qu’une poignée de compagnie aérienne en Europe.

Lutter contre les monopoles.

Les monopoles, par leur essence même, sont difficilement évitables. Nous consommons monopoles, nous travaillons pour un monopole ou ses sous-traitants, renforçant chaque jour leur pouvoir.

Intuitivement, nous percevons le danger. Dans un billet précédent, je vous parlais de l’intuition à l’origine des théories du complot. Si l’on applique le filtre « monopole » à ces théories du complot, la révélation est saisissante.

https://ploum.net/et-si-les-conspirationnistes-avaient-raison/

Le monopole de l’industrie pharmaceutique conduit à des problématiques importantes (lobby pour la non-mise en open source du vaccin contre le Covid, fourniture des vaccins mélangés dans des ampoules pour diminuer les coûts même au prix d’une baisse d’efficacité et d’une augmentation des effets secondaires, augmentation des tarifs et lobby pour des brevets absurdes) qui entrainent une méfiance envers le principe même d’un vaccin, surtout développé en un an alors que les entreprises ont toujours dit qu’il fallait des années (afin d’allonger la durée de vie des brevets et créer des pénuries sur le marché).

Le contrôle total des monopoles du web sur nos données entraine une méfiance envers les ondes qui transmettent lesdites données voire même, dans une succulente fusion avec le monopole précédent, la crainte que les vaccins contiennent des puces 5G pour nous espionner (mais n’empêche cependant personne d’installer des espions comme Alexa ou Google Home dans sa propre maison).

Le sentiment profond d’une inégalité croissante, d’une financiarisation nocive, d’une exploitation sans vergogne de la planète et des humains qui s’y trouvent, tout cela est créé ou exacerbé par la prise de pouvoir des monopoles qui n’hésitent pas à racheter des entreprises florissantes avant de les pousser à la faillite afin de liquider tous les avoirs (bâtiments, machines, stocks). Une technique qui permet de supprimer la concurrence tout en faisant du profit au prix de la disparition de certaines enseignes de proximité dans les régions les plus rurales (sans parler du désastre économique des pertes d’emploi massives brutales dans ces mêmes régions).

Heureusement, la prise de conscience est en train de se faire. De plus en plus de scientifiques se penchent sur le sujet. Un consensus semble se développer : il faut une réelle volonté politique de démanteler les monopoles. Volonté difficile à l’heure où les politiciens ont plutôt tendance à se prosterner devant les grands patrons en échange de la promesse de créer quelques emplois et, dans certains cas, la promesse d’un poste dans un conseil d’administration une fois l’heure de la retraite politique sonnée. S’il y a quelques années, un chef d’entreprise était tout fier de poser pour une photo serrant la main à un chef d’État, aujourd’hui, c’est bel et bien le contraire. La fierté brille dans les yeux des chefs d’État et des ministres.

Si l’Europe cherche à imiter à tout prix son grand frère américain, les Chinois semblent avoir bien compris la problématique. Un géant comme Alibaba reste sous le contrôle intimidant de l’état qui l’empêche, lorsque c’est nécessaire, de prendre trop d’ampleur. La disparition, pendant plusieurs mois, de Jack Ma a bien fait comprendre qu’en Chine, être milliardaire ne suffit pas pour être intouchable. Ce qui ne rend pas le modèle chinois désirable pour autant…

Un autre consensus se dessine également : l’idéologie promue par Robert Bork sous Reagan est d’une nocivité extrême pour la planète, pour l’économie et pour les humains. Même pour les plus riches qui sont pris dans une course frénétique à la croissance de peur d’être un peu moins riches demain et qui savent bien, au fond d’eux-mêmes, que cela ne durera pas éternellement. Cette idéologie est également nocive pour tous les tenants d’une économie de marché libérale : les monopoles détruisent littéralement l’économie de marché ! Le capitalisme reaganien a apporté aux Américains ce qu’ils craignaient du communisme : de la pénurie et de la piètre qualité fournie par des monopoles qui exploitent une main-d’œuvre qui tente de survivre.

Avant de lutter, avant même d’avoir des opinions sur des sujets aussi variés que la vie privée sur le web, la finance, la politique ou la malbouffe, il est important de comprendre de quoi on parle. À  ce titre, Monopolized de David Dayen est une lecture édifiante. Certainement trop centré sur les États-Unis d’Amérique (mais qui déteignent sur l’Europe), écrit « à l’américaine » avec force anecdotes et certaines généralités questionnables (par exemple le chapitre sur les Private Equity), le livre n’en reste pas moins une somme parfaitement documentée et argumentée, bourrée de références et de repères bibliographiques.

Ce qui est intéressant également, c’est de constater que notre vision de la politique a été transformée avec, à droite, les tenants de monopoles privés et, à gauche, les tenants de monopoles appartenant à l’état. Une ambiguïté sur laquelle Macron, fort de son expérience, a parfaitement su jouer en proposant un seul et unique parti monopolistique n’ayant que pour seul adversaire le populisme absurde.

Lorsque vous êtes témoin d’une injustice, posez-vous la question : ne s’agit-il pas d’un monopole à l’œuvre ? Et si le futur passait par la désintégration pure et simple des monopoles ? Depuis les plus petits et les plus éphémères comme les brevets et le copyright, transformé en arme de censure massive, jusqu’aux géants bien connus.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Source: https://ploum.net/la-terrifiante-hegemonie-des-monopoles/


Je ne suis plus à vendre sur Linkedin

Tuesday 13 April 2021 at 15:01

Hier, j’ai enfin supprimé mon compte Linkedin. Ce compte me narguait depuis 2006 par son inutilité et son impact sur ma boîte mail. Ce compte que je voulais supprimer depuis des années, mais que je gardais, acceptant son coût de maintenance, dans la crainte qu’il me soit un jour utile.

La goutte d’eau a été de découvrir que j’avais été abonné à des newsletters par des gens que j’avais acceptés dans mon réseau (j’accepte tout le monde, comme ça je ne me pose pas de questions) et qui avait utilisé des services externes permettant d’exporter les adresses email de ses contacts Linkedin.

Mais le vase était déjà plein depuis bien longtemps. En presque 15 années d’utilisation et des milliers de mails dans ma boîte, je n’ai pas trace d’un seul contact utile, d’une seule opportunité qui m’a été permise par Linkedin. Ah si ! Un lecteur de mon roman Printeurs m’a dit, connaissant mon amour pour ce réseau, que c’est par Linkedin qu’il a appris la parution du livre. Que Linkedin m’a donc apporté un lecteur.

Pourtant, j’y ai mis du mien. Jeune et naïf, j’avais tenté de n’accepter dans mon réseau que des personnes que je connaissais suffisamment pour les recommander. Aux requêtes inconnues, j’opposais un refus poli. Je me suis pris plusieurs bordées de bois vert raillant ma jeunesse et mon incompréhension de l’open-networking. Je me suis alors adapté en acceptant toutes les requêtes, sans exception.

Durant quelques mois, j’ai poussé l’expérience (ou le vice, c’est selon) jusqu’à accepter toutes les propositions qui m’arrivaient par message, disant oui que j’étais intéressé. Du moins à celles qui ne me demandaient pas de payer pour un service, mais qui proposaient de m’employer ou de me faire rejoindre des projets.

Dans l’immense majorité des cas, je n’ai eu aucune nouvelle suite à mon acceptation. Dans certains cas, la conversation s’est poursuivie jusqu’à ce qu’on oublie de me répondre. J’étais d’accord sur tout, j’affirmais mon désir d’aller plus loin. Rien n’y a fait. J’ai même accepté d’aller donner une formation informatique en Éthiopie, je me suis retrouvé dans une discussion à 3 avec le responsable. J’ai dit oui, j’ai relancé plusieurs fois et mes derniers mails sont restés lettre morte.

J’ai ensuite décidé d’appliquer ma stratégie « email only ». Elle consiste à répondre un message standard lorsqu’on me contacte par une messagerie quelconque : « Hello, je ne consulte pas cette messagerie. Merci de me contacter par mail pour ce sujet. Voici mon adresse ». Ma page Facebook dispose d’ailleurs d’un répondeur qui le fait automatiquement et se fait régulièrement insulter.

L’idée étant que si la personne ne prend pas le temps de m’envoyer un véritable mail, c’est que ce n’est pas vraiment important, qu’elle n’attend pas vraiment une réponse.

Et bien le constat est sans attente. Je peux compter sur les doigts d’une main ceux qui m’ont effectivement envoyé un mail. Dans tous les cas, c’étaient des gens que je connaissais hors Linkedin et qui disposaient probablement de mes coordonnées.

J’ai découvert que, parfois, des connaissances me contactaient par Linkedin et que je ne voyais le message que bien plus tard. Paradoxalement, les réseaux me rendent moins facilement joignable.

https://ploum.net/facebook-ma-rendu-injoignable/

Du coup, j’ai pris le réflexe d’aller vérifier Linkedin quelques fois par mois. Et donc de subir les notifications, les demandes de connexions. Bref, de me faire aspirer par la machine à attention que les fabricants de réseaux sociaux construisent désormais si efficacement.

J’ai parfois l’impression d’être désorganisé, de lancer des tas de projets avant de les abandonner. Je crois que, sur Linkedin, les gens sont pires que moi. La quantité des relations a remplacé la qualité. Les recruteurs, les marketeux, les aspirants entrepreneurs sont comme des enfants dans un magasin de jouets. Ils veulent tout, ils remplissent leur caddie avec gourmandise avant de passer à autre chose sans rien déballer.

Linkedin a toujours été pour moi un réseau de mendiants. Mendiants pour un job (pardon « Looking for new opportunities » ou « Ready for the next challenge »), mendiants pour des clients sous toutes les formes, mendiants pour de la visibilité « professionnelle ». Les marketeux trouvent leur compte, car ils peuvent envoyer des messages à X contacts, récolter des adresses email et dire que leur journée est faite. Les recruteurs se contentent de faire des recherches par mot clé et d’utiliser des moulinettes automatisées. Le fait que j’aie fait 6 mois de J2EE en 2006 semble toujours faire de moi « le profil idéal pour un client important ». Pour le reste, tout le monde espère que passer sa journée sur Linkedin va miraculeusement se transformer en espèce sonnante et trébuchante.

Malgré tout cela, je suis resté toutes ces années. Parce que j’avais l’impression que « ça pourrait ptêtre servir un jour ». Parce que c’est dur d’accepter que le bilan soit tellement nul après autant d’années. Parce que je pensais que « c’est dommage d’abandonner un réseau patiemment constitué » (tu parles, quelques milliers de clics pour accepter des demandes souvent aléatoires).

Mais je ne pouvais plus supporter cet enjouement corporate forcé, ces messages de félicitations semi-automatiques pour fêter mes trois ans dans un job que j’ai quitté il y a 2 ans et demi en oubliant de mettre mon profil à jour (envoyés par d’illustres inconnus ou des gens avec qui j’ai partagé un bureau pendant 3 semaines il y a 10 ans), cette timeline remplie d’adjectifs dithyrambiques pour se congratuler l’un l’autre de ce qui n’est qu’une énième tentative de transformer un spreasheet d’emails en clients débités tous les mois ou de vendre un concept intellectuellement rachitique en journée de formation pour booster la performance de votre équipe.

Linkedin étant pour moi un réseau de mendiants, tout ce que j’y voyais était à vendre. Y compris mes données, mon adresse email, mon temps. J’ai décidé de me retirer, avec mes données, du marché. Je ne suis plus sur Linkedin.

Si vous me suiviez là-bas, il suffit de vous abonner à ce blog. Votre adresse mail ne sera visible que par moi, ne sera pas utilisée pour autre chose qu’envoyer mes billets et ne sera jamais partagée. Le tout, sans passer par l’intermédiaire de Microsoft (propriétaire de Linkedin). Je pense que le ratio qualité de l’information par rapport au temps passé et nombre de mails reçus est bien plus avantageux en vous abonnant à ce blog qu’en allant sur Linkedin. Si nous perdons contact suite à mon départ de Linkedin, c’est peut-être que nous n’étions tout simplement pas en contacts en premier lieu. Nous en avions seulement l’illusion, comme souvent dans l’univers des réseaux sociaux. L’illusion d’être aimé (Facebook), l’illusion d’avoir des amis (Facebook), l’illusion d’être écouté (Twitter), l’illusion d’avoir une vie cool (Instagram), l’illusion d’être professionnellement important et bien connecté (Linkedin). D’ailleurs, sans ce billet, il est probable que personne n’aurait remarqué mon absence. Sur les réseaux sociaux, les absents sont rapidement emporté par le flux, la brêve et illusoire gloriole qu’ils avaient construite se diluant instantanément dans l’immédiateté de l’oubli. Le lit de la rivière ne conserve pas la trace du caillou que vous venez de retirer.

Une situation n’est pas l’autre. Linkedin est peut-être utile, voire indispensable pour votre activité. L’important étant, comme le souligne Cal Newport dans son excellent Digital Minimalism, de bien peser le coût réel par rapport aux bénéfices réels (et non pas ceux supposés) et de faire ses propres choix en conscience.

Dans ma situation, chaque source de distraction supprimée est un livre de plus lu à la fin de l’année. Donc acte. Je quitte le grand réseau bleu, je retire ma cravate, mes chaussures corporate et me replonge dans mes lectures.

Photo by Jonathan Kho on Unsplash

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Source: https://ploum.net/je-ne-suis-plus-a-vendre-sur-linkedin/


La sculptrice et le regret du créateur.

Friday 26 February 2021 at 13:42

À la mémoire de Gilberte De Windt, décédée en février 2021

Fin février 2020, je décidai, sur un coup de tête, d’appeler un numéro trouvé dans l’annuaire. Celui de la sculptrice Gilberte De Windt.

Mon épouse et moi l’avions rencontrée lors de ses expositions. Nous étions tombés amoureux de ses statues comme de sa personnalité. Cette vieille dame au corps frêle, mais à l’esprit incroyablement agile nous avait charmés par la finesse de son art. Nous avions sympathisé et beaucoup discuté.

Au téléphone, de but en blanc, je lui annonçai que nous souhaitions acquérir une de ses œuvres. Avec une incroyable gentillesse, elle nous invita à venir visiter son atelier.

Nous passâmes une après-midi passionnante en compagnie de son mari, Guy Berbé, artiste peintre de renom. Alors que mon épouse discutait peinture avec Guy, dans son incroyable atelier, je parlais inspiration, méditation et création avec Gilberte. Par le plus grand des hasards, nous étions tous deux en train de lire le même livre de Steven Laureys, « La méditation, c’est bon pour le cerveau ». Curieux, je tentais de m’inspirer des techniques de Gilberte pour apprendre à sculpter les mots comme elle la matière.

L’entente entre nos deux couples fut immédiate et nous convînmes de nous revoir régulièrement. Mon épouse et moi hésitions entre deux sculptures et, pour tout avouer, le budget nous faisait un peu frémir. Il s’agissait d’un pur coup de cœur irrationnel, une hérésie économique.

Deux semaines plus tard, le confinement commençait. Les enfants furent rapidement déscolarisés et nos priorités furent bouleversées.

Cependant, cette rencontre m’obsédait. J’en rêvais. Je me demandais comment allaient Gilberte et Guy. Je me rendais compte que les visiter n’était plus imaginable en ces temps de confinement. J’en souffrais, car nous avions fait la promesse de revenir. Je prenais également conscience que si l’esprit de Gilberte était brillant, son corps n’était pas immortel. Un pressentiment me hantait.

C’est avec stupeur que je découvris, presque un an jour pour jour après notre après-midi partagé, un message m’annonçant son décès. Un an que, comme beaucoup, je n’ai pas vu passer. Qui s’est envolé, emportant Gilberte avec lui. Je regarde avec tendresse la photo où elle pose près de la statue préférée de notre fils. J’ai une pensée pour Guy, son mari. Je n’ose pas l’avouer, mais je suis triste. Qui suis-je pour prétendre à la tristesse, moi qui ne les ai rencontrés que quelques fois ?

Si ce décès est naturel, dans l’ordre des choses, je ne peux m’empêcher de penser à cette dame qui, comme elle le racontait elle-même, a mené plusieurs vies fort différentes. Elle ne se mit à la sculpture qu’après sa retraite de l’enseignement ! À travers ses statues, elle transmettra pour toujours un mouvement, une finesse, une énergie aux générations à venir.

Égoïstement, je maudis cette pandémie pour avoir empêché que je passe plus de temps avec Gilberte, que je la connaisse mieux. Je suis heureux de cette après-midi lumineuse dans sa maison, son atelier. C’est un souvenir impérissable. J’aurais tant aimé la rencontrer plus tôt.

J’ai le regret de ne pas avoir pu lui acheter une statue. Secrètement, je rêvais de trouver chez moi un écrin merveilleux, d’inviter Gilberte pour lui montrer, pour lui rendre la pareille et lui faire découvrir mon atelier d’écriture orné de son œuvre. Pour lui expliquer qu’elle m’avait enseigné qu’un manuscrit est comme une de ses sculptures en terre. Un matériau de base qui doit ensuite passer par tout un processus, qu’elle nous a décrit en détail, avant de devenir la statue en bronze qu’est le livre final.

Mon atelier d’écriture n’existe pas encore et je n’ai pas de statue de Gilberte. Je n’ai plus que son souvenir.

Au fond, j’ai la chance rare de l’avoir rencontrée et de garder avec moi le souffle d’inspiration qu’elle m’a donné. Lorsque j’ai l’impression de devenir trop vieux pour être créatif, lorsque je réalise que les jeunes artistes talentueux du moment sont plus jeunes que moi, je repense souvent à son expérience, à l’admiration que j’ai éprouvée lorsqu’elle m’a confié l’importance pour elle de continuer à apprendre chaque jour, lorsque j’ai compris l’énergie qu’elle mettait dans une création.

C’est peut-être pour ça que je souhaitais tant avoir une statue de Gilberte à proximité de ma machine à écrire. Parce que ses personnages longilignes caractéristiques me rappellent les regards que nous avons échangés dans son atelier, parce qu’ils m’ancrent dans le désir de création matérielle qu’elle avait sublimé et qui m’échappe trop souvent. Parce qu’en une seule après-midi chez elle, elle a eu une influence notable sur ma vision de la création.

Merci, Gilberte, et bonne chance pour les prochaines de tes nombreuses vies, celles qui apparaissent chaque fois qu’un regard se pose sur l’une de tes nombreuses œuvres.

Salut l’artiste !

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Source: https://ploum.net/la-sculptrice-et-le-regret-du-createur/


Et si les conspirationnistes avaient raison ?

Wednesday 17 February 2021 at 12:41

De la nocivité des ondes à la bouffe bio et aux réseaux pédophiles, de la politique de la crise COVID à la distribution de vaccins : et si les complots étaient bien réels ? Réels mais pas tout à fait comme on les imagine.

Le complot des ondes électromagnétiques

Lorsque je me retrouve face à une personne qui me parle de la nocivité des ondes électromagnétiques, je lui demande d’abord si elle sait ce qu’est, physiquement, une telle onde. Dans la totalité des cas que j’ai vécus, la personne avoue son ignorance totale.

Une onde électromagnétique n’est qu’une série de particules, appelées photons, qui voyagent en vibrant à une certaine fréquence. Pour une certaine plage de fréquence, les photons deviennent visibles. On appelle cela… la lumière. Il y’a d’autres fréquences que nous ne voyons pas : l’infrarouge, l’ultraviolet et, bien entendu, les ondes radio.

Les ondes radio sont tellement difficiles à détecter qu’il est nécessaire de fabriquer des antennes particulièrement sophistiquées pour les capter. Antennes qui équipent nos téléphones.

Les ondes électromagnétiques peuvent être absorbées. L’énergie de leur vibration se transforme alors en chaleur. Pour vous en convaincre, il vous suffit de vous promener sous la plus grande source électromagnétique à notre disposition : le soleil. Les ondes émises par le soleil vous réchauffent. À trop grandes doses, elles peuvent même vous brûler. C’est le fameux « coup de soleil ». C’est également le principe qu’utilise votre four à micro-ondes, qui envoie des ondes à une fréquence dont l’énergie se transmet particulièrement bien à l’eau. C’est pour cela que votre four reste froid : il ne réchauffe que l’eau.

Les ondes électromagnétiques qui possèdent une très grande quantité d’énergie peuvent faire sauter un électron de l’atome qu’elles vont toucher. Cet atome est ionisé. Si un trop grand nombre d’atomes de notre ADN est ionisé, cet ADN ne pourra plus être réparé et cela peut induire des cancers. Il faut bien entendu une exposition longue, répétée à une source très puissante.

Par exemple le soleil. Responsable de nombreux cancers de la peau. Ou bien les rayons X, utilisés pour faire des radiographies médicales. L’avantage des ondes à très haute énergie, c’est qu’elles interagissent avec la première chose qu’elles touchent et qu’elles sont donc arrêtées facilement. C’est pour ça qu’il y’a des petits rideaux de caoutchouc plombé sur le tapis à rayons X  des aéroports. Ces protections servent essentiellement à protéger les employés qui, sans cela, seraient exposés en permanence aux rayons X. Pour le voyageur qui ne fait que passer deux fois par an, c’est bien moins essentiel.

En ce sens, les antennes GSM sont un peu comme des phares. Ils émettent des rayons électromagnétiques de la même façon. Seule la fréquence est différente.

Si un phare peut éblouir voire même brûler si on s’approche à quelques centimètres, personne n’ose imaginer que l’exposition à un phare puisse provoquer des cancers ou être nocive. De même pour votre routeur wifi : il n’émet pas plus d’énergie que votre ampoule halogène.

S’inquiéter de l’impact des ondes électromagnétiques semble donc absurde. Même si on venait à découvrir que certaines fréquences très précises pouvaient avoir un effet délétère, nous sommes dans un bain permanent d’ondes électromagnétiques depuis l’aube de l’humanité. Il est donc raisonnable de penser que tout impact actuellement inconnu, si un tel impact existe, est anecdotique.

Pourtant, je pense que les « anti-ondes » ont raison.

Les ondes sont nocives. Non pas parce qu’elles sont des ondes, mais à cause de l’usage que nous en faisons. Aujourd’hui, nous sommes en permanence hyperconnectés. Nos téléphones bruissent de notifications indésirables que nous ne savons pas désactiver. Nos maisons regorgent de petites lampes qui clignotent pour nous dire que le réseau est actif, que la tablette recharge. Quand je dors dans une chambre d’hôtel, je dois démonter la télévision pour accéder au routeur caché derrière et le débrancher. Non pas à cause des ondes, mais parce que je ne supporte pas ces lumières vertes clignotantes dans l’obscurité, lumière agrémentée de l’insupportable œil rouge luisant de la télévision en veille.

Comment ne pas être stressé à l’idée des millions de bits qui nous transperce en permanence pour aller notifier notre voisin de restaurant qu’une nouvelle vidéo YouTube est disponible ? Comment dormir en sachant toute cette activité qui nous traverse ? Les expériences ont montré que la sensibilité électromagnétique est belle et bien réelle. Que les gens en souffrent. Mais qu’elle n’est pas causée par la présence d’ondes électromagnétiques. Elle est causée par la croyance qu’il y’a des ondes électromagnétiques.

Les anti-ondes ont intuitivement perçu le problème. Avant de l’assigner à une raison qui n’est pas sous leur contrôle.

D’une manière générale, toutes les théories conspirationnistes sont des constructions basées sur un problème très juste. Problème auquel on a créé une cause artificielle absurde ou exagérée, cause qui symbolise et personnifie le problème afin d’avoir l’impression de le comprendre.

C’est pour cela que prouver l’absurdité d’une théorie du complot ne fonctionne pas. Le complot existe généralement réellement. Mais il est beaucoup trop simple, banal. Ce qui donne un sentiment d’impuissance. En lui donnant un nom, on se crée un ennemi identifié et la possibilité d’agir, de le combattre activement.

Le complot du deep state

Selon la légende, Dame Carcas libéra la ville de Carcassonne, assiégée par Charlemagne depuis cinq ans. La population mourant de faim, Dame Carcas eut l’idée de prendre le dernier porc de la ville, de nourrir avec le dernier sac de blé avant de le jeter du haut des remparts sur les assaillants. Ceux-ci se dirent que si la ville pouvait se permettre de balancer un porc nourri au blé, c’est qu’elle avait encore de nombreuses ressources et qu’il était préférable de lever le siège. Charlemagne ne se posa pas la question de savoir comment la ville pouvait avoir encore autant de ressources après cinq années de siège. Alors que les troupes s’éloignaient, Dame Carcas fit sonner les cloches de la ville qui en tirera désormais son nom : Carcas sonne !

La plupart des théories du complot se heurtent à un problème fondamental : leur réalité implique des milliers de spécialistes de domaines extrêmement différents travaillant dans le secret le plus total au sein d’une organisation incroyablement parfaite et efficace qui ne ferait jamais la moindre erreur. Or, il suffit d’ouvrir les yeux pour voir que dès que trois personnes travaillent ensemble, l’inefficacité est la loi.

Pour vous en convaincre, il vous suffit de regarder des films d’espionnage. L’histoire est toujours là même : un service ultra-secret de contre-espionnage lutte contre une organisation ultra-secrète d’espionnage qui cherche à accomplir son rôle en mettant au grand jour le service de contre-espionnage, qui s’engage donc dans une lutte de contre-contre-espionnage. C’est particulièrement marquant dans les « Missions Impossibles » ou dans la série Alias. Un peu de recul permet de se rendre compte que toutes ces organisations… ne servent strictement à rien. Même les scénaristes, spécialistes de la fiction, n’arrivent pas à trouver des idées pour justifier l’existence de telles organisations. On parachute alors artificiellement un terroriste qui veut faire sauter une bombe nucléaire, afin de camoufler légèrement la fatuité du scénario.

La réalité des services d’espionnage est tout autre. Des fonctionnaires qui, pour justifier leur budget et l’existence de leurs nombreux emplois, vont jusqu’à inventer des complots (un truc qui revient aussi dans Mission Impossible). Contrairement à Tom Cruise, les milliardaires surpuissants et les espions sont des humains qui mangent, dorment, font caca et se grattent les hémorroïdes. Ils font des erreurs de jugement, se laissent emporter par leur idéologie et leur sentiment de toute-puissance.

Et oui, ils tentent de favoriser leurs intérêts, même de manière illégale ou immorale. Cela consiste essentiellement à tenter de convaincre le monde d’acheter leur merde (le marketing), de commettre des délits d’initiés sur les plateformes boursières et de financer du lobbying politique pour que les lois soient en leur faveur. Là se trouvent les véritables complots, les véritables scandales qui ne requièrent la complicité que de quelques personnes, qui ne nécessitent pas de compétence ou de technologie particulière et qui ne sont, la plupart du temps, même pas secrets du tout !

La plupart des innovations secrètes de la guerre froide n’étaient que des canulars qui servaient à effrayer le camp adverse : rayons de la mort, rayon de contrôle des esprits, contacts extra-terrestres. D’ailleurs, les innovations réelles étaient tout sauf secrètes. La bombe nucléaire, la conquête spatiale, l’informatique et les prémices d’Internet. Comme le cochon de Dame Carcas, tout était entièrement public et les seules choses vraiment secrètes étaient ce qui n’existait pas, dans une tentative d’intoxication informationnelle.

Dans certains cas, la recherche des services secrets mènera à quelques rares avancées réelles. Ce fut par exemple le cas de Clifford Cocks qui inventa la cryptographie asymétrique en 1973 pour le compte des services secrets anglais. Malheureusement, cette invention purement théorique ne pouvait être mise en pratique sans un développement que Cocks ne pouvait réaliser seul. Elle fut dont jetée aux oubliettes avant que le concept ne soit redécouvert de l’autre côté de l’Atlantique, 3 ans plus tard, par Diffie, Hellman et Merkle qui la publieront et lanceront les bases d’une nouvelle science : la cryptographie informatique. Une fois encore l’histoire démontre que rien n’est réellement possible dans le secret et l’isolement. Le mythe de l’entrepreneur scientifique solitaire fonctionne dans les romans d’Ayn Rand (quand c’est un bon) et Ian Flemming (quand c’est un mauvais), pas dans la réalité.

La notion de « Deep state » ou d’élites secrètes prenant les décisions est plus rassurante que la vérité selon laquelle, oui, nos dirigeants sont corrompus, mais tout simplement comme des humains, pour favoriser leurs petits intérêts personnels en lieu et place de l’intérêt général. Le tout, en faisant des erreurs et en tentant de se justifier moralement que leur profit est bien pour l’intérêt général (comme la théorie du ruissellement des richesses ou l’idée selon laquelle la richesse se mérite). Les complots existent, mais ils sont petits, mesquins et pas particulièrement secrets.

Le complot des vaccins

L’idée d’un vaccin avec des puces pour nous surveiller ou des chemtrails pour contrôler nos esprits (technologies qui semblent complètement impossibles dans l’état actuel de nos connaissances et qu’il serait donc particulièrement difficile de développer en marge de la communauté scientifique, dans le secret le plus total) nous sert à oublier que nos téléphones nous surveillent déjà très bien et fournissent plus de données que ne peuvent en exploiter les gouvernements, que la télévision nous abrutit parfaitement, et que nous avons choisi de les utiliser, que personne ne nous a jamais forcés.

De même, les anti-vaccins pointent, avec justesse, le fait que l’oligopole pharmaceutique a un intérêt commercial évident à ce que nous soyons le plus possible malade pour consommer le plus de médicaments. Qu’à travers les brevets, l’industrie pharmaceutique privatise d’énormes budgets publics pour les transformer en juteux profits, parfois au détriment de notre santé. Mais il est difficile de se passer des médicaments. Il est donc plus simple d’attaquer les vaccins, médicaments dont la procédure est impressionnante (une piqure) et qui ont, à très court terme, un effet néfaste (fièvre ou durillon). Pire, on ne perçoit jamais l’utilité d’un vaccin. Si un vaccin fonctionne, on se dira toute sa vie qu’il n’était pas nécessaire… Et qu’on a été victime d’un complot.

Le vaccin, qui est probablement la plus belle invention de l’humanité en ce qui concerne le confort et l’espérance de vie, sert donc très injustement d’étendard à l’intuitif conflit d’intérêts et à la rapacité (réelle) de l’industrie pharmaceutique. La plupart des médicaments sont beaucoup moins efficaces que ce qu’ils prétendent, ils sont vendus à grands coups de marketing. Le simple fait que les devantures de pharmacie soient transformées en gigantesques panneaux publicitaires est un scandale en soi. Les vaccins sont peut-être l’exception la plus sûre, la plus bénéfique et la plus surveillée. Mais c’est aussi intuitivement la plus facile à critiquer.

Et ces critiques sont parfois nécessaires : les vaccins étant peu rentables (on ne les prend qu’une fois dans sa vie), l’industrie pharmaceutique tente de les faire développer sur des fonds publics à travers les universités avant de s’arroger tous les bénéfices en les revendant très cher aux états… qui ont financé leur mise au point ! L’université d’Oxford avait d’ailleurs annoncé son souhait de mettre son vaccin COVID dans le domaine public, sur le modèle de l’Open Source, avant de se raviser sous, à ce qu’il parait, la pression de la fondation Bill Gates. Un complot qui, sans remettre en cause la qualité du vaccin, me semble parfaitement plausible et réaliste. À  croire que les complots absurdes comme les puces 5G dans les vaccins sont inventés exprès pour décrédibiliser la moindre des critiques et nous détourner des véritables problématiques. À noter que la fondation Bill Gates joue un rôle positif prépondérant dans l’éradication de la polio. Rien n’est jamais parfaitement noir ni blanc. Le monde est complexe.

Le complot des réseaux pédophiles

Pour faire une bonne théorie du complot, il suffit donc de reprendre les souffrances réelles, de les amalgamer avec une histoire séduisante et choquante. Un exemple parmi tant d’autres est la persistance des théories de réseaux pédophiles très sophistiqués pour les élites. Parfois mâtinée de satanisme et de cannibalisme pour le décorum.

La pédophilie est bel et bien un problème de notre société. Hélas, elle est majoritairement présente au sein des familles elles-mêmes. Les enfants sont le plus souvent abusés par un parent ou un proche de confiance (comme l’ont souvent été les prêtres). Mais imaginer qu’un oncle ou un père puisse violer un enfant de sa propre famille est tellement affreux que nous rejetons la faute sur les ultra-riches. Ultra-riches qui ne font qu’ajouter de l’huile sur le feu en ayant parfois une sexualité débridée par un sentiment d’impunité, sentiment exacerbé par une culture machiste du viol menant parfois réellement à la pédophilie comme les affaires Weinstein ou Polanski.

Le traumatisme de l’affaire Dutroux en Belgique s’explique en partie, car il est difficile d’admettre qu’un pauvre type complètement malade puisse tout simplement enlever des gamines dans sa camionnette et les planquer dans sa cave. Que son nom était bien sur la liste des suspects, mais que la lenteur de la police à le démasquer s’explique essentiellement par l’application aveugle des procédures administratives en vigueur à l’époque, procédures ralenties par certains conflits de pouvoir au sein de la hiérarchie (ce qui a conduit, d’ailleurs, à une refonte complète de la police en Belgique). Il y’a un certain réconfort à imaginer que le crime n’est pas juste une série de malchances et de mesquineries administratives, mais bien la volonté d’une organisation toute puissante impliquant jusqu’à la famille royale.

Les complots de la juiverie internationale et de QAnon

Les théories du complot sont généralement l’illustration d’une perte de confiance justifiée envers les garants de la moralité et de l’autorité. Elles fleurissent le plus souvent en période de désarroi profond. La misère économique des années 30, juste après le krach boursier, permettra de mettre en avant la théorie séculaire de la cabale juive avec les conséquences que l’on sait en Allemagne. Je ne peux d’ailleurs m’empêcher de vous recommander l’excellent « Le cimetière de Prague », d’Umberto Eco, pour une illustration romancée de cette cabale.

La crise financière de 2008 n’échappe pas à la règle. Sur ses cendres naitront Donald Trump et QAnon qui n’ont, d’un point de vue historique, aucune originalité. Tout semble être, à la lettre près, issu des théories complotistes du passé.

Des thèses absurdes, mais avec, encore une fois, une intuition d’un problème très juste. Le problème de l’existence de l’industrie de la finance. Comment se fait-il qu’une industrie qui ne semble produire rien de concret pour les citoyens lambdas, qui génère des milliards, qui semble rendre chacun de ses membres millionnaires, comment se fait-il que cette industrie aux pratiques incompréhensibles reçoivent autant d’argent du gouvernement lors d’une difficulté qu’elle a elle-même créé ? Comment se fait-il que, dans ce qui se présente comme une démocratie, le principal facteur pour arriver au pouvoir soit la richesse ? Comment se fait-il que tous nos meilleurs cerveaux issus des écoles d’ingénieurs, de science ou d’administration soient recrutés dans le domaine de la finance ?

À ce sujet, je conseille le magnifique discours de Fabrice Luchini (préparé, mais jamais déclamé) dans le film « Alice et le maire ». Un film qui illustre de manière très réaliste les dessous de la politique : des gens stressés, qui enchainent les réunions et qui n’ont plus le temps de penser. Comment voulez-vous que ces organisations dont la vision à long terme relève de la prochaine élection puissent sérieusement mettre en place des complots d’envergure ?

Le complot de la malbouffe

Les théories du complot ne peuvent que diviser. Les intuitifs savent qu’elles représentent un problème réel. Les rationnels peuvent démontrer qu’elles sont absurdes et en viennent à nier l’existence du problème initial. Les deux camps ne peuvent donc plus se parler. Les comportements sensés et absurdes se mélangent.

Entrez dans un magasin de nourriture bio et vous serez abasourdi par le fatras de concepts dont une simple boîte de conserve peut se revendiquer.

Votre boîte est « bio ». Cela signifie qu’elle a reçu un label comme quoi elle utilisait une quantité limitée de certains pesticides.

La démarche est rationnelle. Si la nocivité des pesticides sur l’humain n’est pas toujours démontrée, elle l’est sur le vivant. L’absorption des pesticides par le corps a été démontrée et l’hypothèse que ces pesticides puissent avoir un impact sur la santé est sérieusement étudiée.

Votre boîte est également dans un emballage « écologique ». Cela semble intuitif, mais, malheureusement, la culture biologique produit énormément plus de CO2 que la culture avec pesticide. Ceci dit, les pesticides ont également un impact environnemental non négligeable, même si ce n’est pas du CO2.

L’aliment est également garanti sans OGM. Là, cela devient plus étrange. La nature produit en effet des OGM en permanence. C’est même le principe de l’évolution. Les OGM pourraient donc être particulièrement bénéfiques, par exemple en étant plus nutritifs. Rejeter les OGM, c’est rejeter le principe du bouturage, vieux comme l’agriculture. Mais le rejet des OGM est, encore une fois, le symptôme d’un réel problème, à savoir la volonté d’apposer une propriété intellectuelle sur les semences, procédé monopolistique dangereux. La lutte anti-OGM n’est pas tant contre le principe de l’OGM lui-même (la plupart des anti-OGM ne savent d’ailleurs pas ce qu’est un OGM) qu’une défiance envers ceux qui prétendent manipuler la nourriture sans vouloir nous dire comment ni nous permettre de le faire nous-mêmes. La défiance envers l’industrie qui pratique l’OGM  est pertinente. La défiance envers le principe même de l’OGM ne l’est sans doute pas.

Enfin, il arrive que votre nourriture (ou vos produits de beauté, s’ils sont de la marque Weleda) soit issue des principes de la biodynamie. La biodynamie est un concept inventé par Rudolf Steiner, un illuminé notoire qui a décidé de réinventer la philosophie, les sciences, la médecine, l’éducation et la religion en se basant uniquement sur son intuition. Il n’y connaissait strictement rien en agriculture, mais a un jour improvisé une conférence devant une centaine d’amis, dont seule une minorité d’agriculteurs, sur la meilleure manière de cultiver. Cette conférence a été retranscrite par une sténographe, mais Steiner lui-même a dit plusieurs fois qu’il n’avait pas relu cette transcription et que sa conférence avait pour objectif d’être orale, pas écrite. Que la transcription devait comporter énormément d’erreurs. Il mourra peu après sans jamais relire ni même mentionner le terme « biodynamie » qui sera inventé par après.

Il n’empêche que cette transcription erronée d’une conférence improvisée par un non-agriculteur passionné d’occultisme et de magie sert aujourd’hui de référence à toute une industrie. Les règles sont du style : « Telle plante doit être plantée quand Mars est visible dans le ciel parce que les fleurs sont rouges et que Mars est rouge. Et il faut répandre des rats morts dans le compost durant les nuits de pleines lunes parce que ça le fait ». Tout livre ou agriculteur qui se revendique de la biodynamie aujourd’hui ne fait qu’une chose : reprendre les élucubrations sans aucune substance empirique issues de la transcription erronée d’une seule et unique conférence d’un illuminé. Bref, la définition même de la théologie. Cependant, si on supprime toute la partie ésotérique, on retrouve les fondements de l’agriculture biologique. Comme n’importe quelle religion, la biodynamie est donc loin d’avoir tout faux. Tout simplement parce que, statistiquement, avoir tout faux est aussi improbable que d’avoir tout vrai et parce que, comme le souligne Kahneman, l’intuition est souvent juste. Mais pas toujours. Ce qui est son gros problème.

Donc, en achetant de la nourriture bio, ce que je fais personnellement, je mélange le plus souvent du sensé, du pas complètement sensé et de l’absurde total.

Tout cela à cause d’un problème intuitif bien réel : on possède désormais un confort suffisant pour faire le difficile concernant notre nourriture et force est de constater qu’on bouffe de la merde. À travers le sucre et les graisses saturées, les producteurs de nourriture ne cherchent qu’à nous rendre addicts à moindre coût au mépris le plus total de notre santé. Les aliments sont manipulés pour paraitre jolis en magasin, au détriment de leur composition. Depuis des décennies, des arnaques intellectuelles, parfois promues par nos gouvernements, ont servi les intérêts industriels (par exemple le fait de boire du lait pour renforcer les os ou le principe de la pyramide alimentaire, principe sans aucun fondement scientifique). Le complot est donc bel et bien réel !

Le complot des complotistes

Nous le sentons alors nous cherchons à préserver notre santé, à diminuer nos cancers en nous protégeant des ondes électromagnétiques et en bouffant bio. Ce qui, objectivement, pourrait avoir un impact positif. Très faible, mais ce n’est pas impossible.

Mais vous savez ce qui a un impact majeur sur notre santé ?

La cigarette, les pots d’échappement de voiture, l’alcool. Supprimez ces trois-là, dont deux sont à votre portée immédiate, et cela aura un million de fois plus d’effet que de bouffer bio et de mettre son GSM en mode avion la nuit. Pour un effet maximal, diminuez également la viande rouge, cancérigène établi, et faites 30 minutes d’exercice par jour.

Ils sont là les complots qui en veulent à votre santé. Ils crèvent les yeux. C’est le lobby du tabac qui fait qu’il est légal de fumer en public, en empestant autour de soi. C’est le lobby automobile qui vous vend des SUV en vous faisant pester sur les embouteillages et en tuant les jeunes adultes inconscients qui roulent à pleine vitesse. C’est le lobby de l’alcool qui fait des cartes blanches contre le concept de « tournée minérale » en Belgique et qui subventionne les cercles étudiants, ce sont les Facebook et Google qui accaparent toute votre vie privée et mettent en place des procédés monopolistiques qui les rendent incontournables.

Nous pouvons tous lutter contre ces complots qui nous menacent directement dans notre intégrité physique et mentale. Les plus grandes causes de mortalités évitables, hors suicide, peuvent se résumer à alcool, tabac et bagnole.

Mais c’est très difficile de renoncer à sa clope, à sa bagnole et à son compte Facebook. Alors on poste contre les vaccins, contre les OGMs et contre la 5G. On manifeste contre ce qu’on ne peut pas vraiment changer. Quitte à se mettre en danger un fumant de l’herbe « bio », en buvant des alcools distillés artisanalement et en refusant les vaccins pour ses enfants. Tout en le clamant haut et fort sur Facebook.

À force de remettre en question l’autorité, on se tourne alors vers des sources d’autorités sans aucune légitimité, mais qui nous font du bien. On prétend ne pas vouloir se faire manipuler et on va se mettre dans les pattes des intérêts commerciaux des gourous, des shamans et des vendeurs de cruches qui énergétisent l’eau. Sous prétexte de ne pas vouloir obéir, on en vient à faire exactement le contraire de ce que les autorités disent, sans réfléchir au fait qu’on est encore plus facilement manipulable, comme l’enfant qui dit toujours non et à qui on dit « Ne mange surtout pas ta soupe ! ».

Si vous pensez qu’un domaine quelconque est corrompu, de l’industrie alimentaire à la recherche scientifique, vous avez probablement raison. Mais ce n’est pas contre le domaine en question qu’il faut lutter, c’est contre la corruption. L’industrie de l’alimentation biologique, celle du cannabis, celle des cristaux énergétiques et des réseaux de coaching anti-cancer astrologique sont tout aussi corrompus, tout comme l’est la politique écologique. Ils comportent une partie de gens honnêtes dilués dans une population ne cherchant qu’à vider votre portefeuille.

Le plus dur à accepter c’est que, non, on ne nous cache pas la vérité. Elle est là, devant les yeux de qui veut bien la voir. Il n’y a rien de secret, rien de mystérieux. L’intelligence moyenne reste la même, quel que soit le niveau de richesse ou de pouvoir politique. Mais cette réalité est difficile à accepter, car elle n’offre pas de réponse toute faite, parce qu’elle n’offre aucune certitude, que des probabilités, parce qu’elle va très souvent en contradiction avec nos convictions et nos actions passées. Et parce que, si le complot est le plus souvent inventé ou exagéré, la souffrance qui en résulte est elle bien réelle.

Pour aller plus loin :  complot du Covid et autres lectures

« Vaincre les épidémies », par Didier Pittet et Thierry Crouzet.

Inventeur du gel hydroalcoolique que nous utilisons désormais tous les jours, Didier Pittet est un spécialiste suisse mondialement reconnu des maladies infectieuses et des épidémies. Dans ce livre, il retrace sa découverte du Covid, sa comparaison avec les autres épidémies (H1N1, grippe aviaire) et son expérience de devenir l’expert de référence pour Macron, qui enverra un jet privé le chercher pour l’amener à une réunion de l’Élysée. Ce livre illustre donc à merveille la vision d’une personne qui fait partie du plus haut niveau de pouvoir en ce qui concerne le COVID. Au menu : incompétences à tous les niveaux de décisions, conflits politiques qui impactent des décisions qui devraient être purement scientifiques, tentatives pas souvent efficaces de manipuler l’opinion publique « dans le bon sens » à travers le marketing. Dans le COVID comme partout, les complots sont bel et bien présents, mais tellement petits, humains, mesquins…

Didier Pittet vient d’être fait Docteur honoris causa de l’université où j’enseigne l’Open Source. Ce que je salue, car, avec la formule de son gel hydroalcoolique, il est un pionnier de l’Open Source dans le domaine de la santé.

Thierry Crouzet revient sur la nécessité de créer un vaccin Open Source.


https://tcrouzet.com/2020/12/02/je-veux-la-paix-dit-le-vaccin-mais-je-fais-la-guerre/

Ce qui n’est malheureusement pas le cas, comme je l’ai raconté, à cause de la fondation Bill Gates.


https://khn.org/news/rather-than-give-away-its-covid-vaccine-oxford-makes-a-deal-with-drugmaker/

Dans son intervention, le parlementaire belge François De Smet tente de trouver un juste milieu entre les mesures anti-Covid et les libertés publiques. Loin de crier au complot, dans un sens ou dans l’autre, il milite pour un équilibre raisonnable. Cela devient tellement rare que cela mérite d’être souligné. De la même façon, il avait dénoncé les procédures entourant le marché des vaccins anti-covid tout en militant pour plus de transparence. Un politicien qui me fait plaisir. Il risque de ne pas avoir beaucoup de voix. D’ailleurs, il ne semble intéresser personne d’autre que moi.

https://francoisdesmet.blog/2021/02/05/chambre-debat-covid-et-libertes-publiques/

https://francoisdesmet.blog/2020/12/22/chambre-vaccins-et-transparence/

Bad science, un livre et une chronique qui revient sur les arnaques scientifiques de l’industrie pharmaceutique, depuis Big Pharma aux laboratoires bio/indépendants qui fournissent les compléments alimentaires « alternatifs » (je n’ai pas lu le livre, je me fie à la critique de Cory Doctorow).


https://memex.craphound.com/2010/10/19/bad-science-comes-to-the-usa-ben-goldacres-tremendous-woo-fighting-book-in-print-in-the-states/

« Le cimetière de Prague », d’Umberto Eco. Avec sa verve habituelle, Eco nous plonge dans la vie d’un faussaire obligé de créer de toutes pièces les preuves d’un complot. Jouissif.

Compte-rendu de l’incompétence des services secrets anglais


https://www.bbc.co.uk/blogs/adamcurtis/entries/3662a707-0af9-3149-963f-47bea720b460

Un très long témoignage sur comment les théories du complot nous manipulent et sur le parallèle entre la diététique « alternative », les religions et les complots politiques.


https://wisetendersnob.medium.com/this-secret-message-could-change-your-life-wellness-culture-jesus-and-qanon-cd576e53c9c8

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Source: https://ploum.net/et-si-les-conspirationnistes-avaient-raison/


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