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Arrêtons de jouer les “bons” contre les “méchants” islamistes !, par Michel Colomès

Tuesday 17 November 2015 at 04:21

Il y a moins d’un mois…

Michel Colomès est une journaliste français, ancien de Cinq colonnes à la une

Arrêtons de jouer les “bons” contre les “méchants” islamistes !

Source : Michel Colomès, pour Le Point, le 22 octobre 2015.

Américains et Français, depuis l’entrée de la Russie dans la guerre syrienne, fournissent des armes à des islamistes réputés fréquentables. Ils ont la mémoire courte.

Dans les ruines de la ville d'A'zaz, dans le nord de la Syrie, ici en janvier 2013.

Dans les ruines de la ville d’A'zaz, dans le nord de la Syrie, ici en janvier 2013.

On dit souvent que l’histoire bégaie. Obama et Hollande viennent d’en donner un exemple stupéfiant : pris de court le 30 septembre par la décision de Poutine de bombarder tous les ennemis de Bachar el-Assad, sans distinction d’appartenance, ils ont réagi en envoyant des armes à tous les groupes d’opposition au régime syrien, catalogués ou non comme islamistes. Du moment qu’ils combattent Daesh.

Il y a plus de 25 ans, en juin 1979, le président Carter, inquiet du forcing du dirigeant soviétique Leonid Brejnev en Afghanistan, avait décidé d’autoriser la CIA à faire parvenir aux groupes d’obédience islamiste qui s’opposaient aux ambitions de l’URSS des armes et des munitions. Des livraisons d’une valeur de 40 millions de dollars qui vont parvenir à ceux qu’à l’époque on appelle les moudjahidines. Cette livraison d’armes ne dissuadera pourtant pas Brejnev d’envahir l’Afghanistan six mois plus tard, en décembre 1979. Selon Zbignew Bzrezinski, qui était à l’époque l’un des plus proches conseillers de Carter, l’aide directe apportée aux islamistes a même convaincu le Kremlin qu’il fallait intervenir sans tarder.

Redoutables boomerangs

Certes, par la suite, on a pu brièvement se féliciter de voir des maquisards afghans abattre, grâce notamment aux missiles sol-air Stingers, de nombreux bombardiers russes, et contribuer de ce fait à la défaite soviétique et à son retrait d’Afghanistan. Mais les armes livrées par les Américains se sont avérées être de redoutables boomerangs : elles ont permis aux islamistes les plus extrémistes, les talibans, après avoir chassé les soviétiques, d’écarter les groupes d’opposition modérés du pouvoir. Et de créer, autour des anciens maquis afghans, ce foyer terroriste qui allait concevoir les attentats du 11 Septembre autour de Ben Laden. Pire même, quand l’Otan a décidé de châtier les coupables et d’envoyer un corps expéditionnaire en Afghanistan, ce sont ces mêmes Stingers donnés par les Américains qui ont causé des pertes aux avions de la coalition occidentale.

Il y a une analogie dérangeante entre la guerre d’Afghanistan et la politique décidée par Obama et Hollande en Syrie. D’abord parce qu’il s’agit de conflits où les grandes puissances se font la guerre par procuration. Les Russes en épaulant avant tout l’armée syrienne. Les Occidentaux en armant les opposants au régime de Bachar el-Assad. Ensuite parce que chacun ment sur ses véritables objectifs. Poutine a dit à l’Assemblée générale de l’ONU qu’il proposait une grande coalition pour battre le terrorisme islamique. Sur le terrain, il s’attaque moins à Daesh qu’à tous les groupes islamiques – ou non – qui cherchent à chasser le président syrien. Les Occidentaux viennent de décider d’armer ceux qui s’opposent aux djihadistes de l’État islamique. Mais ce faisant, ils renforcent des groupes dont ils ont commencé par dire qu’ils étaient des rebelles modérés avant de changer de terminologie et de parler aujourd’hui « des moins extrémistes ».

Payer la corde qui nous pendra

Enfin, parmi les armes parachutées à la rébellion soit directement, soit avec l’aide de l’Arabie saoudite et du Qatar, figure le missile américain TOW, qui est, comme tueur de chars, le pendant de ce qu’étaient les Stingers contre les avions pendant la guerre d’Afghanistan. Très simple à utiliser et d’une redoutable efficacité. Les Américains disent que l’utilisation des armes qu’ils fournissent est soigneusement contrôlée. Comme du temps de l’Afghanistan, on peut en douter. D’autant que sur le terrain, il est déjà arrivé que des groupes islamistes issus d’Al-Qaïda, et dont certains viennent de bénéficier de ces parachutages, s’allient ponctuellement aux combattants de Daesh pour la conquête d’une place forte tenue par l’armée syrienne.

Il n’y a pas de bons et de méchants islamistes, des moins et des plus extrémistes. Il n’y a que des fanatiques qui ont dévoyé l’islam, pratiquent une intolérance moyenâgeuse et veulent conquérir le monde et y faire régner la charia. Alors arrêtons, comme disait l’autre, de payer la corde qui nous pendra.

Source : Michel Colomès, pour Le Point, le 22 octobre 2015.

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Attentats : la nécessaire riposte

Face à l’attaque brutale, ciblée et affreusement sanglante qu’elle a subie vendredi, la France doit réagir et frapper Daesh là où ça fait mal.

Source : Michel Colomès, pour Le Point, le 16 novembre 2015

François Hollande avait donné le ton : “Notre réponse sera impitoyable.” Manuel Valls l’a relayé et a précisé : “Nous répliquerons coup pour coup. Notre volonté est de toucher et d’anéantir Daesh.” Mais, au-delà de la sémantique guerrière et de l’opération de communication, destinée à accompagner à la fois l’émotion et le désir de revanche de l’opinion française après les attaques qui ont laissé en trois heures une affreuse trace de sang dans les rues de Paris, de quelles possibilités concrètes le président français dispose-t-il pour riposter ?

Dès dimanche, la France a intensifié ses frappes aériennes contre Daesh. Deux objectifs semblent avoir été visés par les Rafales et les Mirage dans le fief de l’État islamique de Raqqa en Syrie. Un centre de commandement et un centre d’entraînement. Une vingtaine de bombes auraient été larguées sur ces objectifs, si l’on en croit le ministère de la Défense.

Mais, même si, par rapport aux précédentes et rares missions françaises contre Daesh, cette opération montre une escalade des moyens mis en œuvre, on risque de s’apercevoir que les dégâts causés sont peut-être significatifs, mais pas vraiment déterminants sur le plan militaire.

De la même manière, cela fait plus d’un an que les Américains multiplient les sorties et les attaques. Ils ont infligé des pertes sérieuses aux combattants d’ISIS puisque 7 000 d’entre eux auraient été tués. Mais cela n’a guère ralenti les actions des djihadistes. Trop petits bras. Au moins les Russes, depuis qu’ils ont décidé d’intervenir militairement le 30 septembre, ont-ils agi beaucoup plus massivement : en moyenne, on compte 15 sorties aériennes américaines par jour, réparties entre l’Irak et la Syrie, contre 60 de l’aviation russe sur le seul territoire syrien. Même avec cela, Moscou commence pourtant à réaliser que la solution au problème de la Syrie n’est pas seulement militaire.

Si les derniers bombardements français sur Raqqa montrent donc les limites d’une riposte militaire aux attaques qui ont tué plus de cent civils dans les rues de Paris, c’est peut-être aussi parce que les cibles choisies sont plus symboliques que vitales pour l’État islamique.

Selon un spécialiste des affaires militaires, la meilleure façon de faire vraiment mal à Daesh, c’est de l’attaquer au portefeuille. L’essentiel de ses ressources, l’État islamique le tire de la vente au marché parallèle du pétrole des puits qu’il a saisis dans les territoires conquis. Des reconnaissances aériennes ont permis d’évaluer le nombre de camions qui font la navette entre les forages et la frontière turque : plus d’un millier. C’est un défilé pratiquement incessant sur les routes irakiennes et syriennes. Or frapper ces cibles multiples, et faire peser une menace permanente pour les camionneurs complices de ce trafic, est parfaitement à la portée de l’aviation française. Et affaiblirait directement les ressources de l’État islamique. Même si cela pourrait paraître moins spectaculaire que de mettre hors de combat quelques dizaines de combattants djihadistes.

Avantage supplémentaire, les Américains, répugnent à attaquer la noria de camions dont ils connaissent évidemment l’existence. Pour ménager leur allié turc qui tire un profit substantiel de ce trafic tout en protestant de sa volonté de nous aider à éradiquer la menace de Daesh dans toutes les conférences internationales – et ce week-end encore au G20 à Ankara. Au fond, une opération contre le trafic de pétrole ferait d’une pierre deux coups : elle porterait un vrai coup à l’État islamique et, en asséchant les ressources que les Turcs tirent d’un honteux marché noir, mettrait en lumière, une fois de plus, la duplicité de ce faux frère qu’est Erdogan.

Source : Michel Colomès, pour Le Point, le 16 novembre 2015

OB : Sérieusement, les Américains ont donc refusé de faire cesser le trafic de pétrole de Daesh pour permettre à la Turquie de profiter du marché noir ???

On peut avoir une commission d’enquête sur ce scandale, et cesser immédiatement les négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE svp ?????

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Pour mémoire, un bel article prémonitoire en 2011

[2011] Printemps arabe, le risque est pour demain

La menace islamiste n’est pas qu’un fantasme des Occidentaux.

Source : Michel Colomès, pour Le Point, le 5 février 2011

Ce printemps en hiver qui, de proche en proche, semble gagner tous les pays arabes du nord de la Méditerranée est évidemment un évènement aussi inattendu que fabuleux pour les idéaux démocratiques qui sont les nôtres. Voir après plusieurs dizaines d’années s’effondrer des régimes autocratiques, parfois brutaux et toujours corrompus, est une grande satisfaction pour tous ceux qui ne tiennent pas la déclaration des droits de l’homme pour une simple proclamation d’intention.

Constater, de plus, que ces manifestations sont, pour l’essentiel le fait de jeunes gens de la génération internet dont les mots d’ordre se transmettent grâce aux sites Facebook ou Twitter est le signe indéniable de la modernité d’un mouvement dont beaucoup croyaient qu’il ne pouvait jamais surgir dans ces pays arabes toujours prêts à s’enflammer pour d’autres causes plus ou moins défendables, mais pas pour des aspirations de liberté. De même qu’en 1989 on ne pouvait pas imaginer que les peuples d’Europe de l’Est viendraient à bout du mur de Berlin grâce à leur seule détermination, et entraîneraient dans la foulée la fin d’un empire communiste dont, depuis plus de quarante ans, les accès de mauvaise humeur ou de folie nous faisaient trembler.

Premier acte

Pourtant, quitte à prendre le risque de jouer les rabat-joie, il faut bien rappeler qu’en Égypte, comme en Tunisie, et encore plus au Yémen ou en Jordanie, ce qui vient de se passer n’est que le premier acte d’un grand chambardement dont la fin est loin d’être écrite et les bénéficiaires pas forcément ceux que l’on espère. Les mouvements qui sont en embuscade derrière les sympathiques manifestants du Caire ou de Tunis ne sont pas forcément ceux que l’on peut souhaiter voir demain remplacer les dictateurs mis en fuite par la rue.

Les islamistes, puisqu’il faut bien les appeler par leur nom, ne sont pas, loin s’en faut, des parangons de démocratie, des défenseurs des droits des femmes et des libertés publiques, ni des amis naturels de l’Occident. Il n’y a qu’à voir ce qu’est devenue depuis 1979 et le retour de Khomeini la République islamique d’Iran.

Le cas Israël

En Égypte, par exemple, la menace des Frères musulmans ne doit pas être uniquement tenue pour un fantasme qui permettait à l’Occident de se donner bonne conscience en soutenant une dictature maladroite et à bout de souffle. Les Frères musulmans sont le seul groupe d’opposition constitué du pays. Bien qu’ils n’aient pas participé aux dernières élections, on estime leur capacité de mobilisation à 30 % au moins de la population. Mohamed El Baradei, qui semble avoir accepté de jouer leur parrain, dit qu’ils ont bien changé, que leur action auprès des pauvres et des sans-abri témoigne de la modestie et de l’altruisme de leurs ambitions. Mais leur réseau d’aide sociale leur a aussi permis de noyauter toutes les couches populaires. Le loup ne sait-il pas toujours faire patte de velours pour endormir la méfiance du chaperon rouge ?

Car ce mouvement des Frères musulmans, aujourd’hui, dit-on, bien raisonnable, a tout de même enfanté le Hamas, dont l’intransigeance a toujours empêché les Palestiniens d’avoir les coudées franches pour mener jusqu’à leur terme les négociations avec Israël. Et s’il dit avoir renoncé à l’action armée à l’intérieur des États arabes, il reste totalement mobilisé contre Jérusalem. Il a pour programme un État islamiste dont la charia serait la loi et dont le premier acte, s’il arrivait au pouvoir, serait probablement de dénoncer le traité de paix signé par Sadate avec les Israéliens en 1979. Un acte qui déstabiliserait le Proche-Orient, qui n’en a pas besoin. Car après avoir vu le Hezbollah, manipulé par l’Iran, s’installer à sa frontière nord, Israël assisterait à la naissance d’un État islamiste à sa frontière sud. Pour donner des complexes d’encerclement, on ne peut guère faire mieux. Les Israéliens vont finir par espérer, ce qui serait un comble, que leur ennemi de toujours, le Syrien Assad, ne soit pas lui aussi emporté par la rue.

Source : Michel Colomès, pour Le Point, le 5 février 2011

 

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