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Pour ou contre la guerre avec la Russie, par Jean-Luc Mélenchon (+ réactions Mediapart)

Tuesday 10 March 2015 at 02:38

Suite de notre billet sur la polémique très éclairante sur Mélenchon (1ère partie dans ce billet, avec l’article Mediapart dont on parle ci après)

On commence avec la réponse très argumentée et intelligente de Mélenchon, à laquelle je m’associe totalement, tout comme, je l’espère bon nombre de républicains (quoi qu’on pense de Mélenchon).

Pour ou contre la guerre avec la Russie, par Jean-Luc Mélenchon

J’aurais bien d’autres sujets à traiter que celui de la préparation de la guerre contre la Russie. Mais une polémique d’une incroyable hargne a été déclenchée contre moi (je rappelle que c’est moi qui suis censé être agressif) sur ce thème. J’en suis accablé. Même si, comme à l’accoutumée, des centaines de personnes sont venues à ma rescousse dans les commentaires des articles les plus infâmes contre moi. Plusieurs de mes proches ont publié des mises au point argumentées très méthodiques. A tous un grand merci de compagnonnage de combat.

Quoi qu’il en soit, les attaques que je subis en disent long sur leurs auteurs. En effet, aucun ne parle du risque de guerre avec la Russie. Quelle meilleure préparation à la guerre que la diabolisation de l’ennemi en vue et la disqualification de ceux qui s’opposent à la guerre ? En toute hypothèse, je ne crois pas un instant que les éditorialistes qui m’ont accablé à propos de la Russie pendant plusieurs jours soient réellement intéressés par ce que je dis vraiment sur le sujet. Il suffit de me lire pour vérifier que ce qu’on m’impute ne se trouve pas dans mon propos. Leur but est d’utiliser ce que je dis pour interdire la parole dissidente et, surtout, pour contribuer par ce moyen même au bourrage de crâne en faveur de la guerre. Après quoi, hors des salles de rédactions, pour certains il s’agit de règlements de compte collatéraux en vue de 2017, pour d’autres il s’agit d’exacerber tout ce qui peut créer des difficultés dans le cadre du rapprochement avec EELV. Deux semaines avant les élections départementales proclamées gagnées d’avance par le FN, déclencher une polémique contre moi dans le style du dénigrement avilissant est une manœuvre certes fruste mais assez traditionnelle.

Cependant, il est stupéfiant qu’un journaliste comme Thomas Legrand s’y abandonne un matin sur « France inter » en appelant  les dirigeants du Front de gauche à prendre leurs distances avec moi ! Depuis que je lui ai refusé une interview pour le journal « LUI », où il travaille aussi, je le sens encore plus crispé qu’il l’est d’habitude du fait de ses opinions politiques. Le plus stupéfiant est qu’il se trouve des personnes qui obtempèrent ! Cette campagne de dénigrement vient à la suite de celle menée contre moi à propos de la Grèce. Elle prend place dans l’objectif de diabolisation de mon personnage qui est la forme du combat dorénavant contre tous les porte-paroles de l’autre gauche en Europe

Je veux cependant résumer mon point de vue. Je récuse le « débat » Poutine ou pas Poutine. Mon action a le but suivant : je suis opposé à la guerre qui se prépare contre la Russie. Totalement. Irrémédiablement ! Oui, je suis en campagne contre le danger de cette guerre ! Je dis bien : en campagne. La seule arme dont je dispose est ma parole,mes écrits dont j’essaie de faire des outils de désintoxication. Je n’ai pas choisi la polémique et l’outrance des attaques qui me sont faites. Je les subis. J’attends de mes amis qu’ils ne les relaient pas. Et pour les plus courageux, qu’ils viennent m’aider dans le but que je poursuis : lutter contre la préparation de la guerre avec la Russie. Mes adversaires sont toujours les mêmes sur ce sujet comme sur tous les autres, les mêmes journalistes, les mêmes médias. Mais aussi les mêmes esprits qui se trompent de sujet : ce n’est pas du degré de détestation contre moi mais de la guerre dont il est question.

Notez bien : aucun de ceux qui m’accablent n’en parle ! Ou alors seulement pour désigner Poutine comme ennemi principal du contexte. Cette attitude revient à une contribution de fait à la préparation de la guerre. La méthode contre moi est toujours la même : le dénigrement personnel et, bien sûr, l’assignation au « camp adverse ». Le grand Jaurès était lui aussi décrit comme un agent allemand parce qu’il combattait la préparation de la guerre dont il savait qu’elle serait mondiale. Beaucoup d’entre nous ont déjà été repeints en agent de Saddam Hussein, en ami de Bachar el Assad ou de Kadhafi chaque fois que nous avons refusé la guerre qui, parait-il, devait tout régler, tout arranger. Le spectacle du monde fait de la paix un enjeu ! Il faut jeter ses forces dans cette partie dont dépend la civilisation humaine ! Pas de guerre avec la Russie !

Je déplore la polémique lancée contre moi par Clémentine Autain sur ce sujet. Surtout pour me prendre à partie sur des propos que je n’ai pas tenus. Je déplore la violence des mots qu’elle emploie contre moi. « Complotiste » ! Quand même ! Surtout quand c’est pour dire, à la fin, la même chose que moi. Ainsi quand elle déclare: « Notre famille politique s’attache à combattre la vision des grands médias français qui opposent les “gentils Ukrainiens” aux “méchants Russes” : la situation est autrement plus complexe. Nous voudrions entendre parler davantage des nazis ukrainiens et que les enjeux géopolitiques de nos relations avec la Russie soient mieux pris en compte ». Bien sûr, cette phrase ne dit rien politiquement du risque de guerre ni des moyens d’y faire face. Mais quand même ! A ce degré de proximité des appréciations, à quinze jours des élections, n’avons-nous pas davantage besoin d’unité que de fausses querelles et de prise à partie personnelle ?

Le comble de la perversité étant de m’attribuer la volonté du trouble que les calomniateurs créent contre moi, selon la recette du journal « Le Monde ». Dois-je rappeler que ce journal est un partisan systématique de toutes les guerres, non seulement dans le passé depuis la première guerre du golfe ou celle d’Afghanistan mais encore au Mali, en Centre Afrique, à présent contre la Syrie, l’Iran, la Libye et dorénavant comme pousse au crime face à la Russie ? Si « Le Monde » était écouté, la France serait à cette heure en guerre dans sept pays ! N’est-il pas temps de se demander si tout cela est bien sérieux pour un journal qui prétend être « de référence » ? Pendant ce temps, la masse de ses publi-reportages pour le FN ne ralentit pas un jour. Ceci va avec cela.

La guerre est un sujet sérieux. Je suis en campagne contre la préparation des opinions à la guerre contre la Russie. Je suis stupéfait que certains de mes propres amis ne voient pas l’enjeu. Exiger de moi des condamnations contre Poutine pour avoir le droit de m’exprimer librement sur le danger de guerre, c’est déjà entrer dans les logiques de préparation psychologique à la guerre. Le prétexte de la charge contre moi est que, si j’ai condamné l’assassinat de monsieur Nemtsov sans ambiguïté, j’ai cependant refusé de l’admirer. Comme j’ai décrit qui il était politiquement, on argue que je « crache » sur lui ! Me cracher dessus sans raison paraît poser moins de problème aux intéressés. Monsieur Nemtsov était le leader de la liste « Union des forces de droite ». On peut deviner que cela ne crée pas une grande passerelle idéologique entre nous. A l’élection où monsieur Poutine a perdu 77 sièges, monsieur Nemtsov a recueilli moins de 1% des voix ! Il avait pourtant fait 8% des voix aux élections précédentes ! Dans ces conditions, vouloir en faire « le principal opposant » à Vladimir Poutine, n’est-ce pas marginaliser l’opposition ? Pourquoi le nommer ainsi alors ? Sans doute parce que le premier parti d’opposition, au plan électoral, est le Parti Communiste Russe ! Et ainsi de suite jusqu’au dernier du tableau en passant par l’ultra nationaliste Jirinovski ! On aura du mal à y trouver des gens représentatifs de ce que nos pays connaissent d’habitude ! Comme on le devine, je regrette amèrement que les groupes politiques en contacts avec mes amis au Parti de Gauche soient si minoritaires. Je ne le leur reproche pas. Nous le sommes dans la plupart des pays de l’ancien « bloc de l’est » où nos références à « l’éco-socialisme » sont mal comprises. Je ne suis donc lié d’aucune façon avec le parti de monsieur Poutine. Pour autant je refuse de mêler ma voix à ceux qui font de leurs désaccords avec lui un prétexte suffisant pour une entrée en guerre contre la Russie ou une bonne raison d’accepter l’élargissement des frontières de l’OTAN !

Oui, je suis en campagne : contre la guerre en Russie

Je soutiens l’accord de Minsk 2, résultat de l’initiative Hollande et Merkel allant à la rencontre de Vladimir Poutine. J’approuve sans réserve l’exigence de retrait de toutes les troupes étrangères, notamment les forces nord-américaines, sur le sol de l’Ukraine tel que garantie par l’accord de Minsk 2, approuvé par les USA. Cette entrée dans le sujet, limitée au seul aspect géopolitique, laisse sur leur faim légitime ceux qui sont soucieux de défendre les droits de l’opposition en Russie. Je le comprends. Je rappelle seulement qu’en cas de guerre, plus aucune opposition ne tiendra sinon celle des plus violents contre ceux qui le seraient moins ! Et j’ai déjà rappelé quelle eaux très mêlées comporte l’opposition réelle de ce pays aux dernières élections. Je demande que l’on comprenne la situation réelle de la vie politique actuelle en Russie. Si j’ai dit que pour ce meurtre il fallait regarder plutôt du côté des ultra-nationalistes, c’est qu’ils constituent aujourd’hui les adversaires de Poutine les plus puissants et les plus dangereux en ceci qu’ils poussent à la confrontation directe avec les USA. Je sais parfaitement que monsieur Poutine est lui aussi dans une expression nationaliste chez lui. Est-ce incompréhensible ? Quel devrait être le registre d’un président voyant ses ennemis d’hier approcher un système d’arme comme les batteries de missiles anti missiles stationnées en Pologne qui ont dans leur rayon d’action 75% du dispositif russe ? Que doit-on attendre d’autre quand, contrairement à toutes les promesses faites au moment de la réunification de l’Allemagne, l’OTAN continue d’étendre son périmètre jusqu’aux portes de la Russie ? Le dire, ce n’est pas l’approuver. C’est comprendre les raisons d’agir de l’un des principaux  protagonistes de cette situation. Des raisons rationnelles. Il faut le faire au moment où la propagande fonctionne sur le registre qui vise à en faire un aliéné imprévisible. « Mais quels sont les buts de Poutine ? » ont demandé en refrain la plupart de médias soudain ingénus….

Tous les médias ne sont pas aussi suivistes que les nôtres en Europe. On me signale l’analyse (en anglais) de Seumas Milne – un journaliste qui couvre l’Ukraine depuis le début des événements pour « The Guardian ».  Je ne suis pas capable de mesurer chaque propos du journaliste, car mon anglais est sommaire. Mais je constate que son étude correspond à mes déductions à propos du rôle des ultra-nationalistes en Russie. Selon cet article du « Guardian », Poutine refrène leurs ardeurs bellicistes très présentes dans une part significative de l’opinion des Russes. En politique intérieure russe, le problème auquel le pouvoir fait face ne serait donc pas tant le pourcentage très faible de Russes contre la guerre en Ukraine. Il existe, cela va de soi. Et il existe à l’intérieur de cette opposition des gens qui ne sont pas pour autant des agents américains. Le danger vient du profond mouvement nationaliste diffus qui appelle à l’intervention militaire russe en Ukraine ! Ceux-là jugent donc Poutine « faible » en Russie et… trop lié aux Occidentaux ! Il y a par exemple un hashtag très populaire « Putin vvedi voiska » (Poutine fait la guerre !). C’est en réponse à ce mouvement qu’a été réalisée une vidéo de propagande gouvernementale pour convaincre les Russes « qui veulent faire la guerre depuis leur canapé » que cela aurait des conséquences désastreuses pour la Russie. « La défaite de Poutine aujourd’hui en Russie ne signifierait donc pas mécaniquement une victoire de “démocrates de type occidental”, coopératifs avec l’OTAN et obéissant avec le FMI. Croire à cette fable dénote une méconnaissance profonde de la réalité sociale et politique russe » m’explique un ami très bon connaisseur du dossier.

L’assassinat de Boris Nemtsov par des ultra-nationalistes russes est donc une hypothèse qui n’est pas une trouvaille de ma part pour blanchir monsieur Poutine mais une des hypothèses de réflexions de nombreux gens sérieux. Elle a d’ailleurs été émise dans la presse française par plusieurs analystes et même par plusieurs journalistes. Mais comme on le sait, la sainte corporation ne se critique jamais entre elle. Dans ce cas, il faut savoir aussi que ces « ultra-russes » sont aussi dans l’appareil d’Etat et dans les forces militaires. Le responsable de la commission défense du Parti de Gauche me rappelle que, lorsque le sous-marin « Koursk » a coulé le 12 août 2000, la totalité des bombardiers stratégiques russes ont décollé vers leurs cibles ! Deux semaines après, Poutine limogera tout l’état-major. Si on veut faire de la géopolitique sérieuse avec la Russie, il est urgent de comprendre cela.

Etrange silence sur l’antisémitisme de certains opposants russes qu’encensent pourtant les médias qui m’accablent ! C’est le cas notamment à propos d’Alexey Navalny, principal co-organisateur de la fameuse manifestation avec Boris Nemtsov. Lui aussi, il est présenté comme un « leader de l’opposition en Russie » sans autre précision. J’ai déjà dit qu’il se distinguait par ses expressions xénophobes et racistes régulières. Notamment à propos des tchéchènes qu’il compare à des « cafards » et qu’il recommande de liquider physiquement ! J’ai déjà précisé qu’il est aussi antisémite. Pourtant, rien de tout cela n’est mentionné quand il s’agit de lui. Pas la moindre réserve ni précaution ! C’est pourtant le Forum pour la coordination de la lutte contre l’antisémitisme qui nous l’apprend. Selon cette source, Alexey Navalny porte des toasts à la Shoah ! Rien de moins ! On dispose de nombreux témoignage de presse (anglo-saxonne évidemment) sur le fait que des juifs de Moscou craignaient de le critiquer publiquement lors de la dernière campagne municipale à Moscou après avoir reçu des menaces de ses supporters. Cela ne gêne pourtant aucun journaliste français de présenter ce compagnon de Boris Nemtsov comme un « défenseur des libertés et de la démocratie ».

Même étrange silence à propos des actes du gouvernement de Kiev ! Deux effroyables commémorations viennent d’en attester. Sans qu’aucun des médias défenseurs de la démocratie et de la liberté ne s’en émeuvent, encore une fois. Ni que l’Union Européenne le condamne. Le Parlement ukrainien vient de faire une minute de silence en mémoire de l’officier ukrainien Roman Choukhevytch. Cet homme est pourtant un criminel de guerre. Meurtrier de masse de milliers de juifs en tant que chef d’unités de la police auxiliaire de la Gestapo en Ukraine, il fut ensuite à la tête d’une compagnie chargée de convoyer les juifs vers les camps d’extermination. En dépit de ces horreurs, il fut proclamé en 2007 héros national de l’Ukraine par le président Ioutchenko. Ce président, dont le malheureux Boris Nemtsov était le conseiller économique, comme je l’avais indiqué dans mon précédent post. Pourtant, c’est le silence radio chez les zélés du « Monde » et de « Libération ».

Ce n’est pas tout ! Le Parlement ukrainien vient aussi de décider de célébrer l’anniversaire de la naissance de Petro Diachenko. Encore un bienfaiteur de l’humanité ancien officier de renseignement ukrainien au profit des nazis. Cet homme a commandé ensuite un bataillon contre le ghetto de Varsovie, y massacrant ses résidents et prisonniers juifs polonais et… ukrainiens. Voilà, mes chers lecteurs, avec qui on vous propose de vous embrigader ! Pensez-y la prochaine fois que vous verrez les mêmes petites factions en France, et leur appointés médiatiques du style de monsieur Frédéric Haziza, m’accuser d’antisémitisme. Qui tient la tranchée aujourd’hui contre les vrais antisémites et les louangeurs des assassins d’hier ? Oui, qui ?

Je condamne l’assassinat de Boris Nemtsov. Mais je refuse de l’admirer !

Puisque certains se sont sentis obligés d’en refaire le panégyrique, je veux à mon tour dire ma propre vision du personnage telle que je l’ai constituée à partir du travail de mon équipe. Organisateur de manifestations pour l’Ukraine en Russie, Boris Nemtsov était-il vraiment le « principal leader » de l’opposition comme l’ont dit beaucoup de médias ? J’ai dit qu’il était un illustre inconnu «  de l’opinion publique européenne ». Je suis prêt à retirer cette affirmation car j’ai pu constater que tout le monde connaissait monsieur Nemtsov autour de moi, et bien sûr dans la presse française avant son assassinat. Cependant, je ne dirai pas qu’il était un parfait inconnu en Russie ! Tout le contraire. Avec les autres responsables de la « thérapie de choc » libérale des années 1990, il fait au contraire partie des politiciens parmi les plus méprisés et honnis du peuple en Russie. Il faut comprendre pour cela le traumatisme national du krach russe de 1997-1998. Ce n’est pas une simple crise financière que traversa alors la Russie mais un véritable chaos économique, social et politique. Et le sommet d’une décennie de déclin comme la Russie n’en avait pas connu depuis la Seconde Guerre Mondiale et l’invasion allemande.

Boris Nemtsov fut un des principaux responsable et acteur de ce désastre. En tout cas un des plus visibles pour le peuple russe, puisqu’il fut présenté en 1997 par Eltsine comme son successeur à la présidence. Le journaliste de “Politis” qui me tape dessus fait de ce titre un sujet de glorification de Nemtsov. Pour ma part je n’utiliserai pas sa méthode et je ne l’accuserai ni lui ni « Politis » de vouloir blanchir ainsi l’œuvre de Boris Eltsine… Reste que ce passé glorieux d’eltsinien n’est pas oublié en Russie ! Un petit rappel d’Histoire peut permettre de mieux comprendre.

En 1997, alors que le pays s’enfonce dans l’affairisme et la récession sous l’assistance du FMI, Eltsine décide de faire monter au gouvernement de jeunes néo-libéraux. Avec le FMI, ils organisent ce que l’économiste Patrick Artus a appelé « un équilibre financier du désastre ». Nemtsov, déjà privatiseur frénétique comme ministre de l’Énergie, est promu 1er vice-premier ministre. Chargé de l’économie, il conforte la tutelle du FMI. Le malfaisant directeur du FMI, Michel Camdessus, celui qui a aussi ruiné l’Argentine et le Mexique, conseiller social du pape Jean-Paul II, fait alors deux fois le voyage à Moscou. Boris Nemtsov et lui détruisent le peu qu’il reste de l’Etat russe et de son budget. Et ils poussent les banques russes à s’endetter massivement en dollars pour acheter de la dette en rouble. Jusqu’au défaut de paiement. Le choc fut alors terrible : 720 banques sur les 1 600 du pays firent banqueroute. Le système monétaire disparut de fait pendant plusieurs mois. L’investissement du pays fut divisé par 5 par rapport à 1992. Et la Russie vit son PIB chuter au niveau de celui du Danemark. Peu de pays au monde ont subi un tel choc. Le taux de pauvreté bondit de 20 à 65 %. Au milieu de ce chaos, les plus riches, étroitement liés aux gouvernants néo-libéraux, doublèrent leur part dans la richesse du pays. En moins de 10 ans entre 1992 et 1999, la part des 10 % les plus riches est ainsi passée de 20 à 42 % de la richesse totale !

Au milieu de ce chaos, Nemtsov réussit à survivre dans un premier temps à la valse des gouvernements. Le pays vit en effet se succéder 5 gouvernements en 18 mois. Nemtsov fut même celui qui fut le plus longtemps ministre pendant cette période. Il est donc tristement connu en Russie. Ainsi, en plein naufrage, c’est à un jeune protégé de Nemtsov qu’Eltsine fit appel pour contenter le FMI. Ce libéral le plus fanatique est le jeune Sergueï Kirienko. Nommé premier ministre à 35 ans, il a été formé par Boris Nemtsov dans la région de Nijni-Novgorod. Il dirigeait à la fois une banque et une compagnie pétrolière qui furent le théâtre d’intenses malversations. Bien que son mentor Nemtsov ait un bilan calamiteux comme ministre de l’Économie, il obtint qu’il soit gardé au gouvernement. Nemtsov est néanmoins rétrogradé ministre des Monopoles et des Réformes du Secteur public. Son bilan dans ce domaine sera tout aussi effroyable. Et reste dans les mémoires de toutes les couches populaires russes. Les fonctionnaires n’étaient plus payés, des enseignants de Sibérie restant par exemple sans paye pendant 8 mois ! Tout comme les mineurs, qui se mirent plusieurs fois en grève par centaines de milliers. Même les pensions des millions de petits retraités de l’époque soviétique ne furent plus versées. Face à l’aveuglement des néolibéraux au pouvoir, des insurrections populaires éclatèrent un peu partout en Russie. En 1998, les mineurs de Tchéliabinsk, en Sibérie, bloquèrent le Transsibérien, axe vitale de la Russie d’Est en Ouest, tant qu’ils ne seraient pas payés. Des instituteurs moururent en grève de la faim. Des dizaines d’agents des banques se jetèrent par les fenêtres de leurs bureaux. Les Russes furent plus largement contraints par Nemtsov et ses amis à une économie de survie : retour du troc et de l’auto-production agricole. Les Russes des villes et des campagnes couvriront ainsi grâce à leurs lopins jusqu’à 45 % de la production alimentaire du pays. Et 90 % de celle de pommes de terre. Rappeler tout cela, est-ce « cracher » sur Nemtsov ou bien seulement donner les informations de contexte que mes dénigreurs devraient donner si leur métier était bien d’informer et non de prêcher ?

Au terme de cette décennie « libérale », la Russie avait cependant perdu 3 millions d’habitants. Le désastre économique étant cumulé avec la guerre de Tchétchénie, engagée par les mêmes gouvernants, le pays était au bord de la dislocation. Eltsine mourant fit appel à tout ce qui restait d’Etat. Il nomma en 1999 Vladimir Poutine, comme Premier ministre. Le rouble fut fortement dévalué. La Russie fit défaut sur 80 % de sa dette publique. Et Poutine restructura ce qui restait avec une décote de 90 %. Le FMI fut chassé de Moscou. Et 10 ans plus tard, la dette russe a été ramenée de 90 % du PIB à 9 %. En vertu d’une politique visant une indépendance croissante face aux marchés financiers et grace à l’opportune envolée des cours des hydrocarbures.

Voilà l’histoire de Nemtsov et Poutine. Tout le monde la connaît en Russie. Mais aucun média français n’en a encore parlé. Loin d’être inquiétés pour le chaos dans lequel ils ont plongé le pays, Nemtsov et ses collègues de gouvernement se sont confortablement recasés. Pourtant, la justice révèlera que, sous leur règne, 50 milliards de dollars ont été détournés par la Banque centrale via des comptes à Jersey. Et les enquêtes qui ont suivi le krach montrent que 80 % des prêts du FMI étaient détournés par des intermédiaires financiers liés aux oligarques proches du gouvernement. Nemtsov parviendra pourtant à prendre en 2004 la direction d’une banque, la Neftyanoi, dans le secteur de l’énergie qu’il a abondamment privatisé. Avant de devoir démissionner prématurément en 2005 suite à diverses enquêtes pour malversations.

Compte tenu de son passif historique, Boris Nemtsov n’a pas eu un grand succès en politique. Il cofonde en 2000 le parti d’opposition « l’Union des forces de droites », avec les principaux néolibéraux de l’ère de la thérapie de choc, Anatoli Tchoubaïs et Igor Gaïdar. Ils font 8 % aux législatives de 1999 et obtiennent 29 sièges de députés. Faute d’implantation réelle dans le pays et bénéficiant uniquement de soutiens étrangers, ils tombent à 3 % aux législatives de 2003 en ne conservant que trois députés. Mais aux élections de 2007, ils obtiennent moins de 1 % et n’ont plus de députés. Le parti de Boris Nemtsov ne compte plus aujourd’hui que trois élus régionaux sur les 3 800 élus des régions de la Fédération de Russie. On fait plus représentatif.

Nemtsov et son parti n’ont pas eu de député aux dernières élections. Il n’a nullement profité de la contestation qui s’est exprimée à cette occasion contre le parti du gouvernement. J’ai rappelé en début de ce post que, lors des dernières élections législatives, le parti de Poutine avec 49% des voix a perdu 77 sièges ! Ainsi donc, 51 % des électeurs n’ont pas voté pour des candidats de Poutine. Une proportion comparable à celle observée dans la plupart des pays. Pour autant, les Russes mécontents n’ont pas voté pour des candidats de Nemtsov. Trois partis d’opposition ont pourtant vu leur nombre de députés augmenter fortement. 36 pour les communistes, 26 pour les centristes de Russie juste et 16 pour l’extrême droite de Jirinovski. D’autres partis avaient présenté des candidats sans obtenir de sièges, comme les libéraux, pourtant encensés dans « Le Monde », de Yabloko. Il y a donc une opposition parlementaire en Russie. Boris Nemtsov en faisait partie. À la place que lui avait désormais réservé le peuple russe : celle de conseiller régional de l’Oblast de Yaroslav. Paix à ses cendres.

Source : Jean-Luc Mélenchon, le 9 mars 2015.


Quelques réflexions sur le arfi-perraugate (Blog Médiapart)

Cher(e)s Médiapartien-ne-s,

Médiapart se voulait un journal participatif : depuis deux jours, dans le sillage de la publication du “parti-pris” de Arfi et Perraud, la réalité écrase l’ambition des initiateurs de ce journal : plus de 1800 commentaires, massivement indignés, des menaces de désabonnement en rafale, des critiques argumentées, quelques mouches du coche venant appuyer la diatribe anti-mélenchon de nos deux éditorialistes et titiller les convictions de gauche des autres abonnés.

Cette affaire m’inspire quelques réflexions en forme de questionnements :

1. Médiapart ne devrait-il pas officiellement assumer sa ligne politique favorable à l’aile gauche et aubryste du PS ? En effet, à mesure que le climat politique s’alourdit, que la défaite électorale à venir du PS dessine plutôt une déroute, il semble que ce journal se soit résolu à dézinguer tout ce qui est à la gauche du PS (Front de Gauche, Nouvelle Donne, Ecologie politique) tout en continuant à taper sur la droite Hollando-Vallsiste, en même temps qu’il donne une surface éditoriale démesurée à des Montebourg et autres Hamon. Les lecteurs de Médiapart sont à l’évidence des individus politisés et informés : il ne faudrait pas les prendre pour des imbéciles. Au passage, votre engagement politique, respectable à défaut d’être original (en effet, nombre de médias dominants sont pro-PS), n’a que peu de chance de convaincre des gens dont les opinions politiques sont solidement ancrées.

2. L’hypocrisie qui entoure votre engagement politique n’est-il pas du à votre dépendance économique à un lectorat dont vous savez que le centre de gravité politique est plus à gauche que celui de votre rédaction ? D’une façon générale, un média n’échappe jamais à une forme de dépendance, quelle qu’elle soit : dépendance politique, dépendance aux annonceurs, dépendance aux lecteurs…

3. Un parti-pris autorise-t-il à s’affranchir d’un minimum de déontologie journalistique ? En effet, proposer une interprétation des faits (ici des écrits de Mélenchon) n’autorise pas à déformer voire à détourner ces faits afin de mieux satisfaire des haines personnelles. Quelques bons mots, de la morale et de l’acrimonie n’ont jamais fait un bon papier.

4. Un journal peut-il maltraiter ses abonnés lecteurs en les prenant non seulement pour des imbéciles en tentant de les manipuler mais aussi en les toisant avec mépris dans les réponses que ses journalistes font aux commentaires indignés ? Il y a là un vrai problème : un journal doit avoir du respect à l’égard de ses lecteurs, ce qui ne signifie pas les caresser dans le sens du poil politique.

5. Est-ce que critiquer ce parti-pris malhonnête intellectuellement fait de vous un béat de Mélenchon, un stalinien sectaire aux pulsions criminelles, ainsi que le sous-entend le papier incriminé ? Il y a là à l’évidence un syllogisme méprisant et méprisable. La lecture des commentaires montre que beaucoup ont des réserves – voire n’aiment pas – à l’égard de Mélenchon mais aussi que les lecteurs détestent qu’on cherche à les manipuler avec des arguments fallacieux.

6. Les abonnés, dans leur majorité, cette polémique l’a révélé avec éclat, et à rebours de ce qu’affirme un Antoine Perraud, rejettent le PS, et ils sont à l’image du peuple de gauche : en fait, nombreux sont ceux qui, comme moi, se sont abonnés à Médiapart pour échapper au matraquage des médias dominants qui, commeFrance Inter, Le Monde, Libération ou Le Nouvel Observateur sont devenus les porte-parole de ce parti qui dispose d’une bienveillance médiatique disproportionnée en comparaison de son audience électorale. Quelles raisons auraient-ils de continuer à financer un journal qui s’aligne sur la doxa médiatique, même si c’est à ses marges ? Je pense par exemple au suivisme de Médiapart à l’endroit d’un “esprit du 11 janvier” qui relevait davantage de la manipulation politique de haut niveau plutôt que de la réaction républicaine réfléchie.

7. Médiapart n’est-il pas victime d’une forme d’institutionnalisation et, surtout, d’un enfermement social et intellectuel lié à la fréquentation assidue du petit monde parisien, qui l’éloigne de plus en plus du vécu de très nombreux électeurs ?

J’avoue que je m’interroge énormément sur mon abonnement, comme beaucoup. Je demande avant tout à Médiapart une information originale, loyale, équilibrée, honnête, et non un engagement politique quel qu’il soit. En fait, si je reste pour le moment abonné, c’est parce que je n’ai pas envie de renoncer aux échanges fructueux et sympathiques que je peux avoir ici avec d’autres abonnés fidèles. Il appartient désormais à la direction de Médiapart de choisir s’il veut rester un journal à part entière ou devenir un simple réseau social, dans lequel les abonnés sautent les articles pour aller directement lire les commentaires, ce qui est très souvent mon cas tant la qualité éditoriale est en baisse, à quelques exceptions près (Martine Orange, beaucoup de papiers de Laurent Mauduit, Jade Lindgaard).

En exergue de ce billet, je me permets de citer un extrait de la charte professionnelle des journalistes, dont Morvandiaux m’a gentiment indiqué l’adresse internet. En effet, Antoine Perraud aime invoquer la charte de Médiapart pour censurer certains commentaires qui lui déplaisent. Donc charte contre charte. [Un journaliste] ”tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles”. On en demande pas plus. Et, dans ce parti-pris, on en est très loin.

PS : les copains, ne vous désabonnez pas, sinon on va se sentir encore plus seul politiquement ! Je reste abonné pour échanger avec vous.

PS 2 : d’autres liens vers des billets d’abonnés froissés ou indignés :

http://blogs.mediapart.fr/blog/liberte21/060315/s-il-te-plait-mediapart-explique-moi-explique-nous-pourquoi-tu-nous-insultes

http://blogs.mediapart.fr/blog/nicolas-corte/070315/melenchongate-sur-mediapart-quelles-consequences

http://blogs.mediapart.fr/blog/eric-noire/060315/melenchongate

http://blogs.mediapart.fr/blog/noushka/080315/polemique-arfi-perraud

http://blogs.mediapart.fr/edition/boulevard-des-mots-dits/article/080315/saute-cadavre-surprenant-neologisme-pour-saute-ruisseaux-mal-inspires

http://blogs.mediapart.fr/blog/horus/060315/parti-pris-ou-diffamation

http://blogs.mediapart.fr/blog/register/270215/mediapart-victime-collaterale-de-charlie-hebdo

Source : Pierru, sur son blog Mediapart, le 7 mars 2015.


S’il te plaît Médiapart, explique moi, explique nous pourquoi tu nous insultes !  (Blog Médiapart)

Je me creuse la cervelle depuis pas mal de temps déjà afin de comprendre l’Atlantisme militant de la rédaction du journal. Pourquoi militant me direz-vous ?

Le cas russo-ukrainien, bien plus que celui israélo-palestinien, pas vraiment bien traité non plus, ou même celui de la gauche en France, est en train d’atteindre un point de clivage inédit. Nous en sommes arrivés à un niveau de radicalisation des positions jamais vu et le plus étonnant, c’est le rôle joué dans cette escalade par les propres rédacteurs des articles sur le sujet.

Il ne m’est jamais arrivé de voir, sur aucun autre site, les auteurs des papiers s’en prendre avec une telle virulence aux abonnés qui ne partagent pas leur point de vue. Cette spécificité de Médiapart sur le conflit en Ukraine et sur la Russie en général, et qui fait qu’une partie très importante des abonnés se voient traiter de noms d’oiseaux par Leur propre journal, mérite une explication. On a eu droit jusqu’à la désignation de meilleur commentaire d’une réaction d’un journaliste incendiant un abonné qui critiquait l’article de ce même journaliste !! L’auto proclamation en vient à être pratiquée par ceux qui stigmatisent les dictateurs et leurs présumés suppôts !! Le fait qu’une majorité d’abonnés conteste les positions du journaliste ne passe pas chez ce dernier, ce crime de lèse-majesté donne alors libre cours à un incroyable sectarisme et à une insupportable suffisance, n’est-ce pas Perraud ?

Le risque ici est de voir survenir une grave rupture entre la rédaction et un grand nombre d’abonnés. Je ne parle pas ici du sempiternel et peu constructif chantage au désabonnement, ce qui est en jeu ici c’est la perte totale de respect et de considération réciproques, ce qui serait une défaite des idées, du débat, mais surtout de l’esprit même qui animait au départ l’équipe fondatrice du journal.

L’erreur majeure des journalistes qui traitent de la Russie et du conflit avec l’Ukraine et l’Europe est de s’en tenir assez grossièrement à une focalisation sur Poutine, comme une presse peu indépendante avait opéré en leur temps pour Arafat, Saddam Hussein, Ahmadinejad, Chavez et tant d’autres. On fait patiemment le diable pour pouvoir évangéliser le troupeau ! Cette façon de procéder ne convient pas à un grand nombre d’abonnés, il faut que Médiapart le comprenne et l’accepte.

Nos “spécialistes” ignorent étrangement le rôle des Etats-Unis et de l’OTAN, pas un mot sur les intérêts de la Russie en tant que nation, bien au- delà du seul Poutine, intérêts que l’on peut, dont on doit tenir compte sans être forcément un fan de Poutine ou de Staline pour reprendre les amabilités de M. Perraud à l’égard des abonnés dissidents à ses idées. Silence total sur le financement massif par la CIA et d’autres officines barbouzardes, de toutes les oppositions y compris en Russie, afin de mettre en place des pouvoirs favorables non pas à la Démocratie, mais à un expansionnisme effrénée du modèle Occidental et de sa doxa. Celui d’une mondialisation hors de contrôle qui dope le capitalisme financier, US en premier lieu, et réduirait les pays à un immense marché dans lequel l’homme se limiterait à être l’animal de réserve, producteur consommateur, au service du fric et de l’enrichissement des mêmes. Pas un mot sur la trahison américaine de l’accord passé avec Gorbatchev, lors de la transition de l’ex URSS, accord qui garantissait aux Russes, (sans Poutine, à l’époque !) qu’aucune base de l’OTAN ne serait installée sur les territoires aux frontières de la Russie.

Si j’avais un esprit malsain, à la Perraud oserais-je dire, je pourrais penser que ces omissions ne sont pas fortuites, mais le résultat d’un travail stipendié par ceux qui promeuvent cette vision du monde que beaucoup d’abonnés ne partagent pas. On dit souvent que le métier de journaliste constitue la meilleure couverture pour des agents secrets, du grand Richard Sorge au plus dimensionné Roger Auque et j’en passe, les exemples abondent. Alors, Il ne faudrait pas que la persistance de ces comportements militants, agressifs à l’encontre de ceux qui, sans être complotistes, islamo gauchistes, rouge brun, Stalino Poutinien (le plus ridicule de tous !) cherchent juste à comprendre une réalité complexe et que certains veulent nous faire voir de façon simplette.

Source : Liberté21, sur son blog Mediapart, le 6 mars 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/pour-ou-contre-la-guerre-avec-la-russie/