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Able Archer 83 : l’exercice militaire qui a bien failli déclencher la Troisième Guerre mondiale

Thursday 14 August 2014 at 04:00

Très intéressant article de Foreign Policy, traduit par Slate, sur cet épisode peu connu, 20 ans après la crise de 1962

On le sait désormais grâce à des documents de la CIA et du KGB notamment: l’hystérie de la Guerre froide a atteint son sommet entre le 7 et le 11 novembre 1983.

Selon un document déclassifié de l’Agence de sécurité nationale américaine (NSA), intitulé «American Cryptology During the Cold War», la «période 1982-1984 fut la période la plus dangereuse de la confrontation américano-soviétique depuis la crise des missiles de Cuba». Ce document secret raconte que «l’hystérie de la Guerre froide a atteint son sommet» à l’automne 1983, au cours d’un exercice de tir de missiles nucléaires de l’Otan baptisé Able Archer 83 qui, selon un rapport de renseignement de la CIA, a vu «des unités aériennes soviétiques stationnées en Allemagne de l’Est et en Pologne placées en état d’alerte maximum ainsi que le déploiement de forces de frappe nucléaires».

Malgré les conséquences éventuelles qu’aurait pu avoir cette escalade nucléaire imprévue, l’histoire de l’incident Able Archer 83 est resté pour une large part inconnu du grand public. Cette pénurie de sources a même poussé certains critiques –non sans raison– à décrire la peur d’une escalade en 1983 comme «une chambre d’écho de recherches inadéquates et d’analyses erronées» un «processus d’auto-intoxication» fondé sur «des éléments disparates».

Afin de tenter de remplir cette chambre d’écho, les archives de la Sécurité nationale ont commencé à mettre en ligne, en trois parties, la plus importante collection de documents concernant cet incident disponibles sur Internet. Ces documents ont été obtenus grâce au Freedom of Information Act (FOIA, loi sur la liberté d’information) et sont issus de la CIA, de la NSA, du Département de la défense et du Département d’Etat, des archives américaines mais également d’anciens documents déclassifiés du Politburo et du KGB, d’entretiens avec d’anciens généraux soviétiques et d’autres documents issus d’anciens Etats communistes.

Les dossiers mis en ligne contiennent un document particulièrement éclairant: le rapport de la 7e division aérienne américaine à l’issue d’Able Archer 83.

Exercise Able Archer 83 After Action Report 1 December 1983 by JDStuster

Ce rapport est le premier document officiel à décrire dans le détail le scénario de l’exercice Able Archer 83, qui prévoyait un glissement progressif d’opérations conventionnelles vers des opérations nucléaires. Il révèle en fait que les sources secondaires dont se sont inspirés les récits contemporains d’Able Archer 83 se sont même trompés sur les dates exactes de l’exercice (du 7 au 11 novembre 1983).

Ce rapport contient également d’autres détails éclairants sur l’exercice Able Archer 83 qui suggèrent que certains de ses éléments étaient clairement plus provocateurs que les exercices précédents. De tels changements auraient ainsi été mal compris par les organismes de renseignement soviétiques, alors sur le qui-vive, car préoccupés par la «décapitation» des missiles «Pershing II» qui devaient être déployés en Europe etpoussèrent le Secrétaire général soviétique en place, Iouri Andropov à ordonner la plus importante opération de renseignement jamais effectuée en temps de paix: l’Opération RYAN. Leur mission? S’assurer de ne pas être en face d’une situation de Raketno-Yadernoye Napadenie, le nom de code d’une attaque nucléaire occidentale préventive, que les Soviétiques redoutaient tant.

Parmi les indices que quelque chose se préparait: le transfert, en silence radio complet, de 19.000 soldats américains vers l’Europe (cela s’était déjà produit lors de l’exercice conventionnel précédent et de plus grande ampleur, Autumn Forge 83), le déplacement du QG de l’Otan du «Quartier-Général Permanent vers le Quartier Général de Guerre Alternative», la mise en œuvre de nouvelles «procédure de mise à feu des armes nucléaires» dont des consultations avec des cellules à Washington et à Londres et «des questions politiques sensibles» posées par la désignation des nombreuses sorties de bombardiers B-52 comme autant de «frappes nucléaires».

Selon le scénario de l’exercice Able Archer 83, qui prévoyait une Troisième Guerre mondiale débutant en Europe centrale, le conflit entre les deux superpuissances était censé commencer avec, en toile de fond, «un changement à la tête de l’Union soviétique en février 1983»«une agitation grandissante en Europe de l’Est», et pour finir, l’invasion par le Pacte de Varsovie (baptisé «Pacte Orange» au cours de l’exercice) de la Yougoslavie après qu’elle aurait demandé l’aide économique et militaire de l’Occident.

Alors, le 3 novembre, les forces du Pacte Orange franchissaient la frontière finnoise, envahissaient la Norvège le lendemain et s’aventuraient en Allemagne de l’Est («les forces orange effectuent des attaques aériennes tout le long de la frontière allemande») puis s’attaquaient au Royaume-Uni («les attaques contre les aérodromes du Royaume-Uni interrompent les opérations des bombardiers et détruisent quelques appareils»).

Ne parvenant pas à empêcher la poussée des forces conventionnelles soviétiques, les forces bleues (l’Otan) «demandent l’emploi limité de têtes nucléaires contre des cibles fixes prédéterminées» au matin du 8 novembre. Mais «l’usage d’armes nucléaires par les Bleus ne mettant pas un terme à l’agression des forces orange», le Commandant suprême des forces en Europe (Saceur) opte pour une généralisation des attaques nucléaires. Le feu vert est donné le 11 novembre, date de la fin de l’exercice. A ce moment-là, on considère en effet qu’il n’y a plus rien à détruire.

La publication récente du rapport post-opération d’Able Archer 83 n’est pas sans ironie. Au moment même où l’Otan était en train d’effectuer un exercice mettant en scène un glissement d’un conflit conventionnel vers un conflit nucléaire, en Union soviétique, on plaçait les forces nucléaires en alerte maximale, craignant une frappe nucléaire préventive de l’Otan. La guerre nucléaire a bien failli avoir lieu. Tout cela à cause d’un exercice trop réaliste

Nate Jones

Traduit par Antoine Bourguilleau pour Slate

Nate Jones est le coordinateur du  Freedom of Information Act au sein des archives de la Sécurité nationale. Pour consulter l’intégralité des documents, visitez www.nsarchive.org.La première partie traite du débat autour de l’importance –et pour certains de l’existence– d’une authentique peur de l’escalade en Union soviétique. La deuxième partie documente les exercices Automn Forge 83, Reforger 83 et Able Archer 83 à partir de documents de l’Otan et de l’US Air Force. La troisième partie analysera la compréhension mouvante de la communauté américaine du renseignement de cette question de la peur d’un conflit en 1983.

Foreign Policy

Vidéo : 1983 – AU BORD DE L’APOCALYPSE

En 1983, l’état-major de l’OTAN organise un exercice militaire à grande échelle, destiné à tester les procédures de communication. Surveillée de près par le régime soviétique, l’opération démarre le 2 novembre dans un contexte international extrêmement tendu. Auparavant, le président Reagan a relancé la course aux armements en installant les nouveaux missiles Pershing 3 en Europe. Malgré les mouvements pacifistes, il enfonce le clou de cette stratégie, portée par le fameux discours sur “l’empire du mal”, prononcé en mars 1983. Deux semaines plus tard, il lance le programme de la “guerre des étoiles”. Côté soviétique, Andropov a succédé à Brejnev. Cet espion de carrière, âgé et en mauvaise santé, ne veut surtout pas faire preuve de faiblesse à l’égard de l’Occident. La méfiance est à son paroxysme dans les deux camps. Jusqu’au moment où un satellite militaire russe détecte – par erreur – le lancement de plusieurs missiles…

1983 – AU BORD DE L’APOCALYPSE

Page Wikipedia sur Stanislav Petrov :

Stanislav Ievgrafovitch Petrov, né en 1939, est un officier en retraite de la Voyska PVO, la force de défense anti-aérienne de l’Armée soviétique.

Lors d’une alerte déclenchée par les satellites de surveillance soviétiques en septembre 1983, il aurait, comme il l’a rapporté, pris la décision d’informer sa hiérarchie qu’il pouvait s’agir d’une fausse alerte, et non d’un tir de missiles contre l’Union soviétique comme l’indiquait le système informatique d’alerte anti-missiles. Cette crise intervint à un moment d’extrême tension entre l’Union soviétique et les États-Unis, et aurait donc pu déclencher une riposte soviétique.

L’incident de septembre 1983

Dans la nuit du 25 au 26 septembre 1983, Stanislav Petrov était l’officier de garde sur la base d’alerte stratégique de Serpoukhov-15, située dans le village de Kourilovo, dans l’oblast de Kalouga1 à une centaine de kilomètres au sud de Moscou. Cette base était chargée de recueillir les informations des satellites soviétiques surveillant d’éventuels tirs de missiles nucléaires contre l’Union soviétique. À minuit quinze, heure de Moscou, le système informatique d’alerte anti-missiles Krokus du SPRN (Sistemi Predouprejdienia o Raketnom Napadienii, système d’alerte en cas d’attaque par missile)2 indiqua un, puis quatre nouveaux tirs de missiles balistiques intercontinentaux Minuteman III en provenance de la Malmstrom Air Force Base, aux États-Unis. Ces tirs avaient été détectés par le satellite de surveillance Cosmos 1382, de type Oko.

Petrov ne disposa que de quelques instants pour analyser la situation. Devant le faible nombre de missiles détectés, il indiqua à ses supérieurs qu’il s’agissait selon lui d’une fausse alerte. Son avis fut suivi et permit ainsi d’éviter une riposte soviétique qui aurait pu être le point de commencement d’un conflit nucléaire ouvert.

Par la suite, un diagnostic des systèmes soviétiques mit en cause le logiciel embarqué par les satellites, qui aurait fait une interprétation erronée de la réflexion des rayons du Soleil sur les nuages, confondue avec le dégagement d’énergie au décollage de missiles.

Petrov soutient que les enquêteurs qui analysèrent la fausse alerte cherchèrent à faire de lui un bouc émissaire du dysfonctionnement du système ; mais il semble que les conséquences sur sa carrière ne furent finalement ni positives ni négatives. Selon Peter Pry, un ancien analyste à la CIA, cette alerte survint dans un contexte extrêmement tendu dans les relations entre les États-Unis et l’Union soviétique, car Andropov était alors obsédé par la crainte d’une attaque surprise déclenchée par l’Occident, ayant en outre mis sur pied l’opération d’espionnage RYAN.

Pour des raisons de secrets militaire et politique, l’incident ne fut rendu public qu’en 1998.

Les suites

Stanislav Petrov quitta son poste peu après l’incident en raison du stress provoqué par cette alerte et de l’enquête qui la suivit. Le 21 mai 2004, puis le 19 janvier 2006, il fut distingué pour ses actions par l’Association of World Citizens.

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Source: http://www.les-crises.fr/able-archer-83-lexercice-militaire-qui-a-bien-failli-declencher-la-troisieme-guerre-mondiale/