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Affaire Sauvage : « Ne pas confondre justice et féminisme »

Sunday 7 February 2016 at 01:20

J’ai été intéressé par ce dossier, que je n’ai pas du tout creusé.

On y retrouvait certains éléments classiques de la propagande.

Pitch : Une pauvre femme torturée par son mari (avec un récit révoltant tout être humain), qui brutalement se révolte, et la méchante justice qui la condamne à cause d’une loi trop sévère.

Et comme souvent, la violence de la narrative des médias qui ont la confiance du public mobilise presque par réflexe toute notre compassion, et nos sentiments prennent le pas sur notre raison

Et on ne voit pas la baleine sous gravillon : mais si le récit des médias est juste, comment diable 2 jurys populaires, tout aussi humains que nous, ont-ils pu condamner deux fois cette malheureuse ?

Et la conclusion, si on est dans la minorité de la population assez avertie pour savoir que, non, on ne peut avoir confiance dans les médias, est qu’il nous manque les zones d’ombre de l’affaire – qui sont nombreuses (en particulier les incohérences du récit rendant plausible la préméditation)…

Bref, je n’ai pas d’avis tranché sur l’affaire elle-même – mais il est fascinant de voir tant de gens qui appliquent une position de principe louable à un dossier qu’ils ne connaissent pas…

Source : Le Nouvel Observateur, 02-02-2016

Les avocats de la sexagénaire ont plaidé la légitime défense, sans succès. Depuis le procès et la grâce présidentielle, les partisans d’une extension de la légitime défense montent au créneau.

A Paris, le 23 janvier, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées place de la Bastille, pour réclamer la grâce présidentielle de Jacqueline Sauvage. (SEVGI/SIPA)

Tuer son mari violent peut-il être considéré comme de la légitime défense ? Cette notion était au cœur du procès médiatisé de Jacqueline Sauvage, 66 ans, condamnée en appel, le 3 décembre dernier, à dix années de réclusion criminelle pour le meurtre non-prémédité de son mari qui la frappait et l’agressait sexuellement depuis 47 ans. L’histoire, tout le monde la connaît désormais : un soir de septembre 2012, elle a fini par le tuer de trois balles de fusil de chasse dans le dos, après avoir subi un énième passage à tabac.

Mais la légitime défense, à la barre du tribunal de Blois, ses avocates l’ont plaidée en vain. Elle n’a été retenue ni en première instance, ni en appel. Il est vrai que dans ce cas précis, cette exception du droit, qui dégage de toute responsabilité pénale, était fort difficile à soutenir.

Le droit français est très clair. En substance, le code pénal estime (article 122-1 et suivants) que le champ de la légitime défense recouvre les actes – et seulement eux – qui sont proportionnés, nécessaires et concomitants à une agression. Autant dire que, face à une gifle, le fait de réduire une arcade en miette avec une base de base-ball ne rentre pas dans les critères.

Le droit est-il trop rigide ?

Voilà pourquoi les juges ne l’ont pas entendu de cette oreille : Jacqueline Sauvage s’est emparée du fusil plusieurs minutes après les coups qu’elle a reçus au visage, et a sèchement abattu son agresseur. La riposte n’était ni “immédiate”, ni “proportionnelle”, ont plaidé les avocats de la partie civile. Seule échappatoire pour la sexagénaire, le recours en grâce que lui a finalement accordé le président de la République, dimanche 31 janvier.

Chaque année, entre quatre et cinq femmes tuent leur mari pour sauver leur peau. Le chef de l’Etat ne pourra pas éternellement gracier, au cas par cas, les conjointes qui tuent leur époux après des années de supplice.

Pour ceux qui se battent contre les violences conjugales, la cause est entendue : il faut que le droit, trop rigide, évolue. Ainsi de Marie Allibert, porte-parole d’Osez le féminisme (OLF), jointe par “l’Obs” :

La loi telle qu’elle existe ne prend pas en compte la notion d’emprise. Lorsqu’une femme est victime d’abus pendant des années, elle est constamment sous l’impression que sa vie est menacée, et pas seulement à l’instant t où elle se fait battre.”

L’association va jusqu’à parler de “danger de mort permanent”.

Une légitime défense “différée”

La députée LR Valérie Boyer, qui travaille avec les avocates de Jacqueline Sauvage, concocte un projet de loi en ce sens, lequel intègre la notion de légitime défense “différée”. Celle-ci prend en compte la situation de “survie” dans laquelle est plongée la femme battue. La loi serait très encadrée. “Le diagnostic de la légitime défense différée serait effectué par le législateur, et un comité d’experts”, abonde Marie Allibert. Ce collège jaugerait la nature des violences, la période sur laquelle elles ont cours, l’état de la femme battue, etc.

Spécialiste des violences conjugales, l’avocate Isabelle Steyer mène un autre cheval de bataille. Plutôt en faveur d’une loi cadre sur les violences conjugales faites aux femmes, solution moins draconienne, elle affirme d’expérience :

Les magistrats, les avocats, les experts ne sont pas formés à la question des violences conjugales, ni à apprécier les rapports de domination et d’emprise, qui nécessitent une analyse plus fine de la légitime défense.”

Le droit canadien, souvent pris en exemple, comprend un “syndrome de la femme battue”, qui permet une meilleure appréciation du contexte des violences conjugales, et une meilleure protection. A manier avec précaution : “Il faut une expertise psychiatrique, médicale, une enquête et une contre-enquête si nécessaire”, juge Me Steyer.

Mais l’avocate appuiera la loi sur la légitime défense différée. Car les mentalités évoluant trop lentement, dit-elle, “on est obligés d’y aller au forceps juridique pour faire avancer les choses rapidement, et d’instaurer une discrimination positive, pour que les femmes aient les mêmes droits que les auteurs de violences”.

Permis de tuer ?

Avec ce débat sur la légitime défense “différée”, des pénalistes s’alarment de la création d’un permis de tuer. Toucher à cette fragile définition - dont les policiers souhaitent l’élargissement - pourrait entraîner des dérives. Farouchement opposée à la légitime défense différée, Me Florence Rault s’est fendue d’une tribune dans le Figaro Vox. Sollicitée par “L’Obs”, elle dénonce :

Dans l’emballement actuel, on a l’impression qu’une femme, dès lors qu’elle dénonce des violences conjugales, bénéficierait d’un droit à tuer son mari.”

“Le cas de Jacqueline Sauvage est devenu un objet de militantisme, au service d’une idéologie”, s’emporte encore l’avocate, qui considère néanmoins que “dans le cadre de la légitime défense, la notion de concomitance entre l’acte d’agression et la réplique de l’agressé pourrait évoluer, dans certaines conditions bien précises”.

“La légitime défense différée, c’est un droit de survie quand on est abusée et sous emprise pendant des années, ce n’est pas une logique de vengeance ou d’agressivité”, riposte Marie Allibert d’OLF. “Dans l’idéal, je préfèrerais qu’on pallie l’incrédulité totale à laquelle font face les femmes qui viennent porter plainte au commissariat, où ce qu’elles racontent est en permanence remis en cause, et qui les dissuade de se présenter à la police”. En 47 ans, jamais Jacqueline Sauvage n’avait porté plainte.

Paul Conge

Source : Le Nouvel Observateur, 02-02-2016

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Affaire Sauvage : « Ne pas confondre justice et féminisme »

Source : Le Figaro, Florence Rault, 29-01-2016

Jacqueline Sauvage

FIGAROVOX/ANALYSE – La famille de Jacqueline Sauvage est allée réclamer ce vendredi la grâce présidentielle à François Hollande. Florence Rault voit dans l’émotion suscitée par cette affaire la poussée d’un féminisme victimaire qui voudrait se substituer à la justice.

Florence Rault est avocat à la cour

Le traitement de «l’affaire Sauvage», illustre jusqu’à la caricature ce qu’est devenu le débat public. Approximations, ignorance, inculture juridique, androphobie, hystérie, se marient pour imposer UNE vérité et la mettre au service d’UNE cause.

Les mouvements féministes radicaux ont impulsé une campagne à partir de la condamnation de Jacqueline Sauvage à dix ans de réclusion criminelle pour avoir tué son mari. Le monde politique, celui des médias, et celui de la culture se sont mobilisés de façon moutonnière et dans des proportions assez stupéfiantes pour nous sommer de prendre parti. De dénoncer le fonctionnement de la Justice, et exiger de François Hollande l’utilisation de la procédure de grâce présidentielle que l’on croyait depuis son prédécesseur pourtant tombée en désuétude.

L’histoire que l’on nous raconte est effectivement épouvantable. Jacqueline Sauvage, femme sous emprise d’un mari violent, violeur et incestueux, venant d’apprendre le suicide de son fils et après une ultime raclée, se serait rebiffée pour tuer le monstre. Qui ne serait pas ému par ce récit et choqué par la lourdeur de la peine? Et l’on comprend les réactions de ceux qui y voient l’expression de la violence masculine et l’emprise qu’elle fait peser sur les femmes. Avec le viol et l’inceste, devenus aujourd’hui les crimes suprêmes. Tuer le monstre ne serait ainsi que légitime défense.

Le juriste praticien est pourtant immédiatement interpellé par une donnée incontournable: après une instruction criminelle approfondie dont personne n’a contesté la régularité, deux cours d’assises successives n’ont pas retenu ce récit. Elles ont considéré que la légitime défense n’était pas établie, et que la responsabilité de Jacqueline Sauvage était entière dans le meurtre injustifiable de son mari. Sauf à considérer que les 21 citoyens et 6 magistrats constituant les deux jurys ayant statué étaient tous les tenants d’un patriarcat violent, cela constitue un sérieux problème.

Non, les femmes ne sont pas systématiquement victimes de tout et responsables de rien. Et la violence des femmes n’est pas toujours tentative d’échapper à une emprise.

L’analyse d’un dossier comme source d’information vaut toujours mieux que la notice Wikipédia pour parler sérieusement d’un tel cas. Or ce dossier fait apparaître une autre réalité. Le récit que la clameur vient de nous infliger est tout simplement faux.

Jacqueline Sauvage est restée mariée 47 ans avec un homme dont elle a eu 4 enfants. Les violences qu’elle aurait subies durant toute cette fort longue période ne sont attestées que par un seul certificat médical récent. Même si des témoignages de voisins et de relations parlent d’un homme manifestement colérique. À cette inertie quasi cinquantenaire, les militants répondent: «emprise». Notion commode et utilisée à tout propos, qui devrait pourtant recouvrir des situations très différentes. Non, les femmes ne sont pas systématiquement victimes de tout et responsables de rien. Et la violence des femmes n’est pas toujours tentative d’échapper à une emprise.

En ce qui concerne le passage à l’acte, il faut rappeler que Jacqueline Sauvage a abattu son mari avec son propre fusil alors qu’il était immobile sur sa terrasse, de trois balles dans le dos. Et qu’elle pratiquait la chasse en tireuse expérimentée. À cela, les militants répondent: «souvenirs post-traumatiques». Si l’on comprend bien, à la suite d’une nouvelle altercation Jacqueline Sauvage aurait brutalement été confrontée aux souvenirs de 47 ans de martyr jusqu’alors refoulés.

La théorie de la mémoire retrouvée fait partie des fables que l’on retrouve souvent dans les affaires d’allégations d’abus sexuels.

Concernant les accusations d’inceste, celles-ci n’ont été formulées que plus de trente ans après les faits allégués, et dans le cadre d’un soutien total des filles à leur mère (aliénation parentale?). Des mensonges ou une construction sur ce genre de faits est-elle possible? C’est toute mon expérience professionnelle qui me le démontre. Oui, on peut mentir sur ces choses-là. Les affaires Séché, Iacono et tant d’autres (ma liste est longue hélas) l’ont démontré.

Le phénomène des souvenirs induits ou mémoire retrouvée commence à être connue de la justice pénale et certains ne se laissent plus leurrer.

La théorie de la mémoire retrouvée fait partie des fables que l’on retrouve souvent dans les affaires d’allégations d’abus sexuels. C’est alors que l’on entend trop souvent que la preuve de l’abus résidait justement dans le fait de ne pas s’en souvenir. Ah bon? Et qu’un «flash» miraculeux aurait révélé les causes d’un mal être et permis de «commencer à se reconstruire». Quand ce flash est favorisé, parfois même imposé par des thérapeutes auto-proclamés, il y a vraiment de quoi s’inquiéter.

La MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) est sensibilisée à ce problème qui relève bien cette fois de l’emprise mentale de charlatans spéculant sur la faiblesse de certaines personnes. Il peut aussi arriver qu’un soit disant oubli post-traumatique soit infiniment pratique pour se venger de quelqu’un ou régler ses comptes.

En dehors de cas cliniques précis, il est difficile d’envisager qu’une femme ait pu oublier pendant 47 ans ce qu’elle aurait supporté.

Il en va de même pour les accusations d’inceste. Oui des enfants peuvent mentir, parfois même très sincèrement tant ils sont convaincus par leur théorie. Les mensonges, les inventions, les manipulations et autres fantasmes existent bel et bien. Que dire quand il s’agit de révélations tardives d’adultes revisitant leur passé pour racheter la faute de leur mère?

L’objectif est simple : instrumentaliser la justice pour des fins qui ne sont pas les siennes, à savoir en la circonstance, assurer la promotion d’un féminisme victimaire, et affirmer l’impossibilité de l’existence d’une violence des femmes.

Concernant le contexte familial des Sauvage il est intéressant de rappeler que les quatre enfants du couple avaient fait leur vie depuis longtemps, l’aînée ayant déjà 50 ans… Que la présentation d’une fratrie dévastée par le caractère monstrueux du père ne résiste pas à l’examen du dossier.

Autre détail déplaisant, l’épisode du suicide du fils la veille du meurtre est souvent présenté comme étant aussi à l’origine du déclic. Problème: Jacqueline Sauvage ne le savait pas quand elle a abattu son mari. Les débats ont plutôt fait apparaître un fils trouvant dans la mort le moyen d’échapper à l’emprise de la mère.

C’est sans doute ce récit qu’on retenu ceux qui sont intervenus dans ce dossier et ceux qui l’ont jugé, en toute connaissance de cause après une procédure dont personne n’a contesté la régularité.

Alors pourquoi cette campagne, une telle déformation de la réalité une telle pression sur la justice et sur le pouvoir exécutif? L’objectif est simple: instrumentaliser la justice pour des fins qui ne sont pas les siennes, à savoir en la circonstance, assurer la promotion d’un féminisme victimaire, et affirmer l’impossibilité de l’existence d’une violence des femmes.

Or, lorsqu’on essaye d’enrôler le juge, cela ne peut se faire qu’au détriment à la fois de la vérité, et du respect des libertés publiques. Le juge n’est pas là pour faire triompher une cause, aussi honorable soit-elle. Il est là pour juger des faits de transgression de l’ordre public. Et dans une démocratie, c’est lui qui est légitime à le faire.

Florence Rault

Source : Le Figaro, Florence Rault, 29-01-2016

 

Affaire Jacqueline Sauvage : «L’émotion ignorante et la compassion téléguidée !»

Source : Le Figaro, Philippe Bilger, 28-01-2016

FIGAROVOX/TRIBUNE – Philippe Bilger estime que l’émotion compréhensible qu’a suscité l’affaire Jacqueline Sauvage ne doit pas aller à l’encontre des décisions rendues par la justice.

L’impérialisme de l’émotion ignorante est dévastateur.

Jacqueline Sauvage, accusée du meurtre, au mois de septembre 2012, de son époux, a été condamnée en première instance et en appel, le 3 décembre 2014, par deux cours d’assises à la même peine de dix ans d’emprisonnement.

D’abord trois magistrats plus six citoyens.

Puis trois magistrats plus neuf citoyens.

Depuis ce dernier arrêt, manifestations, pétition en ligne, demande de grâce présidentielle, cette effervescence multiple qui ne manque pas de suivre les procès renvoyant à tort ou à raison à des faits de société. En l’occurrence, les violences faites aux femmes.

Le féminisme – jusqu’aux Femen seins nus, c’est capital! – a trouvé matière, sur cette tragédie, à apposer une grille de dénonciations générales abstraites sans rien connaître des détails et des mystères de cette histoire familiale. Parce qu’une femme a été, durant quarante-sept ans, victime de coups, d’humiliations et d’abus sexuels et qu’elle y a mis fin en tuant son mari odieux, elle serait forcément et légitimement une héroïne de la cause féministe? Parce qu’une mère a vu deux de ses filles sur trois être battues et violées sans réagir pendant longtemps à cause de la terrible emprise de l’époux, elle deviendrait sinon exemplaire du moins judiciairement bénéficiaire de la plus extrême indulgence?

Entendons-nous bien. La réalité de cette vie d’enfer a été prouvée et elle inspire pitié et compassion. De même que l’existence des agressions graves sur les deux sœurs.

Pourquoi cette mort causée par des tirs dans le dos ? Pourquoi, face à l’horreur du quotidien, pas la moindre fuite ni résistance sinon par le meurtre si tardivement ? Rien et, enfin, un tout irréversible !

Il n’en demeure pas moins que l’interrogation de la présidente en appel: «pourquoi ne pas avoir déposé plainte?» est elle-même compréhensible et qu’il n’est pas nécessaire d’avoir été présent lors des délibérés, quand on a un peu d’expérience, pour appréhender l’ensemble des problématiques qui ont dû être débattues. Par exemple, en effet, pourquoi une si longue passivité même terrorisée alors que les filles étaient passées sous le terrible joug paternel? Pourquoi cette mort causée par des tirs dans le dos? Pourquoi, face à l’horreur du quotidien, pas la moindre fuite ni résistance sinon par le meurtre si tardivement? Rien et, enfin, un tout irréversible!

Je conçois qu’à ces questions qui ne sont pas déshonorantes, on trouve des réponses favorables à l’accusée parce que la psychologie et les profondeurs de l’être entraînent l’humanité parfois sur des chemins imprévisibles, déroutants et pourtant admissibles. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas honteux de s’étonner.

Les deux avocates de Jacqueline Sauvage ont plaidé l’acquittement au nom d’une définition extensive de la légitime défense. Pourquoi pas? Mais, à deux reprises, elles n’ont pas convaincu.

Les filles de Jacqueline Sauvage ont immédiatement hurlé à l’injustice et considéré que leur mère aurait dû être acquittée parce que, selon elles, leur père était «un monstre, une bombe…». Leur réaction est évidemment conforme à ce qu’on pouvait attendre d’une telle histoire familiale mais doit-elle forcément, au-delà de la douleur qui l’inspire, servir de guide à tous?

A quel titre un comité de soutien comprenant notamment l’actrice Eva Darlan, Anne Hidalgo, Jean-Christophe Lagarde, Daniel Cohn-Bendit, Jean-Luc Mélenchon, NKM et Valérie Boyer – ces deux dernières lui rendant même visite en prison! – et une cinquantaine de parlementaires, a-t-il cru bon de se constituer et de venir «soutenir» Jacqueline Sauvage comme si la France n’était pas un état de droit et les jurys de cour d’assises composés par des gens honorables? Parce que ce comité, qui n’a pas assisté au procès et n’a pas eu accès au dossier, serait naturellement plus apte que ces citoyens qui ont jugé et condamné à deux reprises? Parce qu’on aurait besoin de lui pour qu’à l’évidence une exécution de la peine, allant jusqu’au plus extrême de l’indulgence pénitentiaire, soit concédée à Jacqueline Sauvage, alors que cela ira de soi!

Ceux qui savent ont jugé. Ceux qui jugent les juges ne savent rien.

Le comble, une accusée acquittée pour le meurtre de son mari, avec une histoire et un comportement différents de ceux de Jacqueline Sauvage, réclame également sa grâce. A quand, on ne sait jamais, des attestations de moralité délivrées par des condamnés pour des coupables!

Il est dramatique, en tout cas pour la démocratie et le respect des pouvoirs qui lui donnent sens et crédit, que des personnalités politiques de tous bords s’immiscent dans ce qu’elles ne connaissent pas et viennent, avec démagogie et dans la confusion, porter atteinte à une institution judiciaire fondamentale de notre pays puisqu’elle permet au peuple, assisté par des professionnels, de juger les crimes. Quelle légèreté derrière ces interventions suscitées par l’émotion ignorante et la compassion téléguidée! Ceux qui savent ont jugé. Ceux qui jugent les juges ne savent rien.

Ou bien faut-il aller jusqu’à considérer, derrière cette fronde à forte tonalité parisienne, une condescendance, un mépris pour ces cours d’assises de province qui seraient incapables de maîtriser le féminisme et d’appréhender la vérité parce qu’elle serait trop complexe et trop politique pour elles?

Alors que c’est exactement le contraire. Ce que ces juridictions ont mesuré est le poids d’un singulier tragique sur lequel les abstractions féministes et plurielles ne pouvaient pas avoir prise parce que les jurés étaient présents et que le comité était absent!

Perversion française. Une justice criminelle assurée à deux reprises. Un mouvement de contestation, un comité de soutien créés de toutes pièces battant en brèche deux arrêts incontestables. Pire encore, l’excellente députée LR Valérie Boyer profite de cette opportunité judiciaire pour proposer une réforme de la légitime défense. La boucle française est là dans sa pureté désastreuse. L’autorité de la justice défaite par ceux qui devraient la faire respecter et le prurit législatif favorisé.

Pour couronner ou dégrader, le président de la République recevra la famille de Jacqueline Sauvage le 29 janvier. Si Nicolas Sarkozy s’était permis cette démagogique démarche, que n’aurait-on pas entendu!

Alors que, avant l’octroi d’une éventuelle grâce présidentielle, il serait apparemment possible, par une procédure devant le TAP d’Orléans, d’obtenir que puisse être envisagée une libération conditionnelle pour l’été 2016.

Celle-ci n’aurait rien de choquant.

Mais, de grâce, que les politiques se mêlent de ce qui les regarde et ne se croient pas trop souvent obligés de se camper tels des Zola de l’infiniment pauvre face à des scandales fantasmés et à des injustices décrétées!

 Philippe Bilger

Chaque semaine, Philippe Bilger prend la parole, en toute liberté, dans FigaroVox. Il est magistrat honoraire et président de l’Institut de la parole. Il tient le blog Justice au singulier et est l’auteur de Ordre et désordres paru aux Éditions Le Passeur en avril 2015.

Source : Le Figaro, Philippe Bilger, 28-01-2016

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Jacqueline Sauvage : « C’est un camouflet pour la justice »

Source : Le Figaro, 01-02-2016

Source : Le Figaro, 01-02-2016

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Pour les curieux qui ont du temps – et comme je n’ai pas le temps de le faire, je serais intéressé par ce que certains indiquent les incohérences relevées lors du procès en commentaire, le détail est là : premier procès, deuxième procès

Source: http://www.les-crises.fr/affaire-sauvage-ne-pas-confondre-justice-et-feminisme/