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[Bancocratie] Christian Noyer : « La BCE pourrait acheter des emprunts d’Etat si nécessaire »

Saturday 15 November 2014 at 05:00

Incroyable interview du non moins incroyable Noyer, gouverneur de la Banque de France, Grand Maître de la Bancophilie, qui déclare être prêt à faire une chose interdite noir sur blanc dans les traités européens, à commencer par Maastricht. Mais les lois, c’est pour les autres…

Mais bon, positivons, ça va super plaire aux Allemands, et zou, un clou de plus dans le cercueil de l’euro…

Les chefs d’Etat du G20 se réunissent ce week-end à Brisbane dans une conjoncture mondiale des plus moroses, en particulier pour la zone euro. Que peuvent-ils décider pour relancer la croissance ?

Il est vrai que les prévisions de croissance ont été abaissées pour l’ensemble de l’économie mondiale. Deux facteurs sont en cause : une Europe moins dynamique que prévu et le ralentissement des pays émergents qui tient à la restructuration de leur économie. Il existe un large consensus au sein du G20 pour mettre l’accent sur l’amélioration du potentiel de croissance fortement réduit par la grande crise. La croissance mondiale ne peut plus se faire par l’endettement des ménages, des entreprises ou des Etats. Il nous faut un modèle plus sain et plus dynamique. La zone euro en est l’illustration parfaite. Les pays qui ont entrepris des réformes de structure, comme l’Espagne, l’Irlande ou le Portugal, commencent à en toucher les dividendes.

La France fait-elle sa part de travail en matière de réformes ?

L’orientation est bonne, à savoir la réduction du déficit structurel et le soutien à la croissance par les réformes. Mais le rythme est insuffisant. Il y a tant de choses à faire. De nombreuses réformes ayant des effets positifs à très court terme pourraient et devraient être faites : une franche libéralisation du travail le dimanche, la réduction accélérée des réglementations qui freinent la construction de logement, etc. Et à moyen terme, la croissance potentielle de la France pourrait être renforcée significativement grâce à une réforme du marché du travail.

C’est à dire  ?

Revoir les mécanismes d’indexation du SMIC, donner plus de latitude aux partenaires sociaux dérogeant à la durée légale du travail dans l’entreprise, assouplir les règles du licenciement. Un autre grand chantier devrait concerner la refonte des structures administratives, marquées par de nombreux doublons, entre Etat et collectivités, entre administrations et agences. On ne peut pas se contenter de revoir la carte des régions et des départements, il faut viser une réorganisation complète de la sphère publique.

[OB : Je propose de supprimer la Banque de France pour ma part, grosse économie...]

Le plan de 3,6 milliards arrêté in extremis par la France pour éviter un feu rouge de la Commission européenne sur son budget 2015 repose sur des hausses d’impôts, pas sur des économies nouvelles…

Nous devons nous concentrer sur la réduction de la dépense publique et mettre un terme à l’inventivité fiscale. On voit bien que les projets de hausses d’impôts suscitent désormais un rejet prononcé. Il faut donc mener une réflexion en profondeur sur l’ensemble des politiques publiques, en privilégiant la recherche de l’efficacité.

La Commission européenne doit-elle imposer à la France des conditions strictes au report du retour aux 3% ? Certains Etats européens s’émeuvent du fait que la France a déjà obtenu un délai et n’a pas réalisé les réformes attendues…

C’est à la Commission européenne et aux partenaires de la France de répondre à cette question. J’estime en tout cas qu’il n’est pas du tout anormal qu’ils aient leur mot à dire sur la manière dont la France consolide ses finances publiques et sur les réformes qu’elle conduit. Le respect du pacte de stabilité et des engagements pris par les Etats est à la base de la confiance dans la zone euro. C’est un élément essentiel pour ramener la confiance des entreprises et des ménages. Ce sont les Etats, et notamment la France, qui ont souhaité renforcer la surveillance collective des finances publiques et la gouvernance économique européenne. Il est logique que l’on nous demande des comptes aujourd’hui. Et que l’on nous demande d’aller plus loin dans les réformes.

La BCE va-t-elle être obligée de revoir à la baisse ses prévisions de croissance et d’inflation en décembre ?

On peut s’attendre à ce que la BCE aille dans la même direction que les instances internationales comme le FMI en ce qui concerne les prévisions de croissance. Mais cela n’empêche pas que notre scénario soit toujours celui d’un redressement économique. Nos prévisions d’inflation dépendront des derniers développements liés aux prix de l’énergie. Dans l’immédiat, il est vrai que la chute des cours du pétrole pèse sur le niveau de l’inflation, mais à ce stade nous continuons d’anticiper un raffermissement des prix dans les prochains mois, avec une remontée du taux d’inflation au-dessus de 1% courant 2015.

La menace de déflation est écartée selon vous ?

Je ne considère pas que la déflation soit un risque crédible. Le risque est surtout celui d’une inflation trop faible, pendant trop longtemps. C’est la raison qui nous a poussés à prendre une série de mesures.

La pression est très forte pour que la BCE en fasse davantage. Le FMI et l’OCDE ont notamment appelé à des achats massifs de dette publique. Etes-vous d’accord ?

Le FMI et l’OCDE n’ont pas vraiment détaillé les raisons. Or, nous avons déjà pris un certain nombre de mesures qui sont tout à fait adaptées. La BCE a baissé ses taux en territoire négatif, ce que ni la Fed ni la Banque du Japon n’ont fait. Elle a pris des engagements sur le cours futur de sa politique monétaire et a facilité le refinancement bancaire : aujourd’hui, les banques peuvent emprunter à son guichet à 0,15% pour 4 ans, à condition de relancer le crédit. Nous intervenons sur le marché de la dette sécurisée et bientôt sur celui des crédits titrisés, ce qui doit aussi faire baisser le coût du crédit. Ces mesures produisent déjà des résultats : les taux d’intérêt ont décliné sur toutes les maturités et cela a en partie soutenu la hausse des actions et obligations, créant un effet de richesse. En outre, la fragmentation des conditions de financement entre pays de la zone euro a été significativement réduite.

Alors à quelles conditions la BCE pourrait-elle acheter de la dette publique ?

Si nous constations que notre politique actuelle n’a plus d’effet. Je ne verrais aucun problème à ce que la BCE achète d’autres actifs et si nécessaire des emprunts d’Etat si par exemple les taux remontaient dans la zone euro à cause d’un resserrement de la politique monétaire aux Etats-Unis en 2015. Ou si l’économie de la zone subissait un nouveau choc défavorable, différant l’atteinte de notre objectif de prix. La BCE doit être en mesurer de parer à des développements adverses. Il faut cependant veiller à bien calibrer la réaction, à préserver la confiance et à ne pas heurter l’opinion publique, y compris en Allemagne.

Pour la première fois, la BCE a fait référence à l’augmentation de la taille de son bilan dans le communiqué mensuel. Pourtant celui-ci a tendance à diminuer…

Nous pensons que le deuxième grand prêt que nous allons proposer aux banques en décembre aura plus de succès que celui de septembre. Cela viendra gonfler le bilan, de même que les opérations d’achats de titres.

Si cela ne suffisait pas à approcher des 3000 milliards d’euros que la BCE a en tête, quels autres actifs pourraient être ajoutés en priorité?

S’il faut aller plus loin et que les conditions n’exigent pas d’acheter de la dette publique, on peut imaginer d’intervenir sur les obligations d’entreprises. On aurait déjà pu les inclure dans notre programme mais les taux d’emprunt sur ce marché sont en fait déjà très bas. Quant aux dettes bancaires, c’est un peu compliqué d’intervenir sur ce marché au-delà de ce que nous faisons sur les obligations sécurisées en raison des multiples interactions entre l’eurosystème et les banques. Il faudrait mesurer tous les effets induits par ces rachats.

En augmentant le bilan de la BCE, votre objectif est-il d’affaiblir l’euro ?

Certains pensent qu’il y a un lien direct entre la taille du bilan et le taux de change. C’est notamment l’argument des investisseurs qui parient sur le lancement prochain d’un programme d’achat de dette publique et prennent des positions en conséquence sur les marchés pour gagner de l’argent. Il faut être prudent. La transmission vient surtout du fait que les achats d’actifs font pression sur les taux de toute la courbe de maturités, et c’est ce phénomène qui affaiblit la devise. Comme je l’ai dit, dans la zone euro, nous sommes déjà dans cette situation.

La baisse de l’euro que l’on peut déjà constater et qui est en partie liée à la reprise américaine pourrait –t-elle atténuer la pression sur la BCE ?

L’évolution du taux de change contre toute devise, et pas seulement contre le dollar, est l’une des courroies de transmission de notre politique monétaire. C’est certain. La baisse de l’euro est l’un des facteurs qui peut alimenter l’inflation. Mais ce n’est qu’un élément parmi d’autres.

La taxe sur les transactions financières européenne pourrait finalement se limiter à certains CDS, pour le volet dérivés. Etes-vous satisfait de ce développement ?

Oui, c’est un choix extrêmement raisonnable car les CDS sont le compartiment de dérivés dont l’utilité est la plus faible et qui présente le plus gros risque de déstabilisation des marchés. Les autres dérivés – sur les actions et les taux – ont une véritable utilité économique pour les entreprises et l’épargne.

Il sera question au G20 du renforcement des fonds propres des banques systémiques. Les groupes bancaires français sont quasiment tous dans le viseur. Partagez-vous leurs craintes de ne plus pouvoir financer l’économie?

Les pays du G20 avaient décidé de mettre un terme au risque du « too big to fail » qui a obligé les contribuables de certains pays à mettre la main à la poche durant la crise financière pour sauver de grands établissements bancaires au bord du gouffre. Renforcer les fonds propres de ces acteurs et mettre en place des procédures de résolution ordonnée ne fait donc pas débat. Le sujet du TLAC ou « total loss absorbing capacity » répond à la nécessité pour les grandes banques de disposer d’un coussin supplémentaire de capital et de dettes subordonnées, suffisant pour absorber les pertes liées à leur défaillance éventuelle. Mais le dispositif de résolution européen prévoit déjà un outil similaire connu sous le sigle MREL pour « exigence minimale de fonds propres et passifs exigibles », d’ailleurs très intelligemment étendu à toutes les banques puisqu’en Europe le contribuable a été beaucoup sollicité pour sauver des banques petites ou moyennes. Dans ce contexte il faut que le TLAC soit calibré de façon raisonnable afin que les banques puissent encore avoir les moyens de financer l’économie et qu’elles puissent trouver sur les marchés les volumes d’instruments suffisants pour renforcer leurs fonds propres. D’où l’importance de l’étude d’impact sur les banques qui sera menée l’an prochain pour le calibrage final. Il faut aussi que ce coussin s’articule avec le dispositif européen car il n’est pas question de cumuler purement et simplement les deux mécanismes pour les mêmes banques.

Ce coussin de capital va-t-il coûter plus cher aux banques européennes qui ne disposent pas d’une organisation en holding comme les banques américaines?

Il représente un renchérissement pour tout le système bancaire même s’il est vrai qu’outre-Atlantique, c’est la holding de tête qui va chercher les titres sur les marchés pour le compte de la structure opérationnelle. Dans ce cas, il s’agit d’obligations ordinaires mais qui sont reconnues comme structurellement subordonnées. En revanche en Europe, faute de holding de tête, c’est la structure opérationnelle qui devra aller chercher elle-même des titres subordonnés pour ce coussin. Personne ne sait aujourd’hui si les uns coûteront plus chers que les autres mais les européens suspectent que ce soit le cas à leur détriment. La question se pose donc pour les acteurs européens d’adopter une organisation en holding mais la réponse n’est pas évidente. Plus globalement, je comprends l’inquiétude des banques françaises face à l’accumulation de contraintes domestiques et internationales qui risquent de peser sur leur activité. Elles ne peuvent notamment pas cumuler une contribution surdimensionnée au fonds de résolution unique européen et une taxe systémique, qui plus est désormais non déductibles. Il faut faire des choix et vite sinon tout ceci aura des conséquences sur le coût et l’offre de crédit.

Vous dites que l’agenda de la réglementation bancaire touche à sa fin. Néanmoins, certains, en particulier le FMI, s’inquiètent du formidable développement de la banque parallèle, le « shadow banking ». Partagez-vous ces inquiétudes et que peut faire le G20 ?

Les ministres et les gouverneurs de banque centrale du G20 se sont saisis de la question du shadow banking. C’est un univers qui revêt beaucoup d’aspects et ne peut être traité de manière unique. Le G20 a étudié la question des fonds et sicav monétaires, du marché du « repo » (pension livrée) et de la compensation des produits dérivés traités en gré à gré dont l’opacité a provoqué la chute de la banque Lehman Brothers en 2008. Le sommet de Brisbane devrait consacrer aussi la reconnaissance mutuelle de la réglementation financière entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Les autres pays suivront. Les travaux sont en cours. Nous devons étudier l’univers des gestionnaires d’actifs. Vu la grande concentration du secteur aux mains de quelques firmes, il nous faut appréhender leur caractère systémique ou non. La question vaut aussi d’ailleurs pour les compagnies d’assurances et de réassurances. Ce sera l’un des axes des travaux du Conseil de Stabilité Financière tout au long de l’année prochaine.

Source : Les Echos, 14/11/2014


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Le commentaire de Jean-Michel Naulot :

Après les déclarations de Christian Noyer, jusqu’où peut aller la lecture sélective du Traité européen ?

Dans son interview aux Echos de ce jour, le gouverneur de la Banque de France déclare qu’il ne verrait « aucun problème à ce que la BCE achète d’autres actifs et si nécessaire des emprunts d’Etat si par exemple les taux remontaient dans la zone euro à cause d’un resserrement de la politique monétaire aux Etats-Unis en 2015. Ou si l’économie subissait un nouveau choc défavorable, différant l’atteinte de l’objectif de prix ».

Cette déclaration contraste étrangement avec une précédente déclaration, le 4 juillet dernier, dans laquelle il affirmait à propos d’éventuels achats de dettes souveraines : « Il est vrai que notre cadre institutionnel ne nous permet pas d’avoir un programme tel qu’il puisse être considéré comme un financement direct et massif des Etats ». Christian Noyer précisait d’ailleurs à cette époque qu’il doutait de l’efficacité d’un tel programme puisque l’économie européenne se finance principalement à travers le crédit bancaire et non par les marchés.

La déclaration très réservée du mois de juillet sur les achats de dettes souveraines était parfaitement respectueuse de la lettre et de l’esprit du traité européen. Que dit en effet le Traité de Lisbonne ? L’article 123 déclare que l’ « acquisition directe » par la Banque centrale, c’est-à-dire sur le marché primaire, des instruments de dette auprès des Etats membres est interdite. Cette disposition était déjà une pierre angulaire du traité de Maastricht. Les Etats ne voulaient pas d’une mutualisation des risques puisque derrière la BCE il y a les Etats et leurs contribuables en cas de pertes.

Dans le Traité, seules les opérations dites d’open marketconsistant à acheter des titres sur le marché secondaire sont libres (article 18) sous réserve qu’elles s’inscrivent dans le cadre des missions traditionnelles de la Banque centrale. Et pour être sûr que l’interdiction de financement des Etats par la Banque centrale soit bien respectée, le Conseil européen avait arrêté, le 13 décembre 1993, un règlement qui précisait que « les achats effectués sur le marché secondaire ne doivent pas servir à contourner » l’interdiction des interventions sur le marché primaire. Une disposition qui allait presque de soi car autrement l’interdiction de financement des Etats aurait été virtuelle.

Après les déclarations de Christian Noyer et sous réserve qu’elles soient un jour validées par le Directoire de la BCE, ce qui est loin d’être acquis en raison de l’opposition allemande, certains vont peut-être finir par se poser la question de savoir pourquoi on attache finalement autant d’importance à certaines dispositions du Traité, par exemple au critère des 3% de déficit…, et beaucoup moins à d’autres ! Le critère des 60% de dette publique par rapport au PIB est lui-même quasiment oublié alors qu’il était au départ aussi important que le critère du déficit. Seuls cinq pays sur les dix-huit pays de la zone euro, représentant 4% de la population, le respectent (Finlande, Luxembourg, Slovaquie, Estonie et Lettonie). Jusqu’où ira la lecture sélective du Traité ? Ne serait-ce pas le signe que les textes deviennent tout simplement obsolètes ?

Source: http://www.les-crises.fr/bancocratie-christian-noyer-%e2%80%89la-bce-pourrait-acheter-des-emprunts-detat-si-necessaire%e2%80%89/