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Catalogne : le parlement lance le processus d’indépendance, par Romaric Godin

Tuesday 10 November 2015 at 01:30

Source : La Tribune, Romaric Godin, 06/11/2015

Lundi, le parlement catalan devrait lancer le processus de “déconnexion” de l’Espagne. (Crédits : Reuters)

Le parlement catalan devrait lundi adopter une déclaration ouvrant le processus d’indépendance. Madrid réagira rapidement. Mais la clé de la crise réside aussi dans la capacité des sécessionnistes à s’unir.

La première session plénière du nouveau parlement catalan élu le 27 septembre prochain aura bien lieu lundi 9 novembre. Et l’on y discutera bien de la motion des deux partis indépendantistes prévoyant le lancement d’un « processus de déconnexion avec l’Espagne » et la désobéissance aux décisions des instances espagnoles. Le recours des partis unionistes catalans auprès du Tribunal constitutionnel espagnol (TC), qui visait à interdire le débat sur cette déclaration a été rejetée jeudi 5 novembre au soir.

Pas d’interdiction des débats

Le TC a jugé qu’il ne pouvait avoir recours à une interdiction préventive des débats. « Le parlement est le siège naturel du débat politique », ont indiqué les juges qui ont précisé que « l’éventuel résultat du débat parlementaire ne doit pas être une condition par anticipation à ce débat. » Bref, les députés régionaux catalans peuvent discuter de la motion indépendantiste. Ils peuvent même voter sur cette motion. Mais ceci n’exclut pas la capacité qu’aura ensuite le TC de juger cette motion illégale, ni celle de l’Etat espagnol ensuite de faire respecter la décision du TC. Or, de ce point de vue, l’illégalité de la motion ne fait aucun doute dans la mesure où elle s’oppose à l’article 2 de la Constitution espagnole qui proclame « l’unité indissoluble de la Nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. »

Une épreuve de force inévitable

Ce vendredi 6 novembre, sur la radio espagnole Cadena Ser, une des membres du TC, Encarnación Roca, a d’ailleurs clairement affirmé que si « le gouvernement catalan (en réalité, le parlement, NDLR) approuvait lundi la résolution, ce que nous ferons, en accord avec notre propre Constitution, sera de la suspendre parce que il ne nous restera pas d’autres solutions. » La messe semble donc dite, car, au même moment, les partis indépendantistes faisaient enregistrer leur motion auprès du bureau du parlement régional où ils disposent de la majorité absolue. Or, si l’exécutif catalan respecte la résolution du parlement et donc décide de désobéir au TC, le gouvernement espagnol n’aura pas d’autres recours que l’article 155 de la constitution qui permet d’avoir tous les moyens pour faire rentrer les pouvoirs régionaux dans le respect de la loi fondamentale. Ce vendredi, le gouvernement de Madrid a indiqué qu’il se réunira dès le vote de la déclaration catalane pour agir.

La faiblesse de Madrid

On se dirige donc logiquement vers une véritable épreuve de force entre Madrid et Barcelone. Dans ce cadre, l’Etat espagnol dispose d’une faiblesse fondamentale : celle de l’application concrète de l’article 155 en cas de désobéissance déterminée du gouvernement catalan. L’usage de la force est une option peu crédible, d’abord parce qu’elle alimenterait l’indépendantisme en mettant à jour la violence de l’Etat espagnol, ensuite parce que les moyens de coercition de l’Etat en Catalogne sont faibles. Il faudrait donc organiser une « conquête » de la région, ce qui n’est pas crédible. Le ministre de l’Intérieur espagnol José Fernández Díaz l’a d’ailleurs reconnu cette semaine en déclarant qu’il « n’enverra pas la garde civile défiler sur la Diagonal (la grande avenue barcelonaise, NDLR). »

Tout acte supplémentaire, comme la suspension des droits et libertés permise par l’article 55 de la constitution espagnole ou l’état d’exception permis par l’article 116, pour appliquer l’article 155 conduirait à la même impasse. Concrètement, l’article 155 pourrait donc n’avoir comme résultat que d’invalider juridiquement aux yeux de l’Espagne les lois catalanes. Cela n’irait pas sans problème pour la Catalogne, notamment dans ses relations internationales, mais cela reviendrait en réalité à réaliser de facto cette « déconnexion » voulue par les indépendantistes catalans. Bref, c’est un casse-tête pour Madrid, quoi qu’en disent les ministres espagnols qui, en cette période de campagne électorale, aiment à se poser en position de force face aux « rebelles » catalans.

La division des indépendantistes autour du « cas » Artur Mas

Mais, en réalité, la principale chance des unionistes résident dans les faiblesses des indépendantistes. Et la principale de leurs faiblesses, c’est leur désunion. Si les deux partis sécessionnistes, Junts Pel Sí (qui regroupe la gauche républicaine, le centre-droit du président catalan Artur Mas et les associations souverainistes) et la gauche radicale indépendantiste de la CUP, se sont mis d’accord sur la motion déjà citée et s’ils disposent de la majorité parlementaire, ils se déchirent encore sur la question centrale de l’élection du président de la Generalitat, le gouvernement régional.

Le refus de la CUP

Au centre de cette querelle, il y a la figure d’Artur Mas, le président sortant. Cet homme est à la tête de l’exécutif catalan depuis 2010. Pour la CUP, il est une figure détestée qui incarne l’application des mesures d’austérité qu’il a mises en place à partir de 2011. La CUP, qui a été un des grands vainqueurs des élections du 27 septembre, a fait campagne sur le refus de soutenir Artur Mas et avait précisément refusé d’entrer dans Junts Pel Sí entre autres pour ne pas s’allier avec ce dernier. Cette détermination est encore plus forte depuis qu’a éclatée voici quelques semaines, un nouveau scandale de corruption sur les marchés publics où serait impliqué le parti d’Artur Mas, la CDC. Pour la CUP, Artur Mas, dauphin désigné de Jordi Pujol, l’ancien président de la Generalitat qui avait mis en œuvre un système d’évasion fiscale vers Andorre, est l’incarnation du « vieux monde » dont précisément l’indépendance doit permettre de se débarrasser. Le parti de gauche radicale ne veut donc pas soutenir Artur Mas, même pour ouvrir un processus de sécession, car ce serait donner raison aux critiques unionistes qui estiment que l’indépendance est un moyen pour la « bande à Mas » d’éviter de répondre devant la justice espagnole. Mercredi 4 novembre, la CUP a annoncé officiellement qu’elle ne votera pas pour Artur Mas.

Artur Mas déterminé

Mais, en face, Artur Mas ne veut pas renoncer à la présidence de la Generalitat. Il est, il est vrai, l’artisan de l’élection du 27 septembre et de la conversion d’une grande partie des Catalans à l’indépendantisme. C’est lui qui a fait évoluer la CDC de l’autonomiste Jordi Pujol vers le sécessionnisme. C’est lui qui a œuvré pour le lancement d’élections « plébiscitaires » centrées sur l’indépendance et c’est lui qui est à l’origine de la coalition Junts Pel Sí. Parmi les engagements de cette liste, il y avait le maintien d’Artur Mas à la présidence. Ce dernier se juge d’autant plus légitime qu’il se présente désormais comme un martyr de l’indépendance depuis qu’un tribunal l’a inculpé pour l’organisation de la consultation du 9 novembre 2014 sur l’indépendance. Bref, pas un des deux camps ne veut céder. Et sans la CUP, Artur Mas n’a aucune chance d’être élu.

Deux mois pour trouver un accord, ou de nouvelles élections…

Or, sans accord, il est clair que la situation sera beaucoup plus difficile pour le gouvernement catalan, qui ne sera qu’un gouvernement intérimaire. Comment un tel gouvernement pourrait faire front efficacement à la réaction espagnole ? D’autant que l’article 67.3 du statut d’autonomie catalan prévoit qu’après deux mois à compter du premier vote d’investiture, le président de la Generalitat n’est pas élu, le parlement est dissout et de nouvelles élections doivent être organisées. Dans ce cas, il y a fort à parier que le camp indépendantiste paierait cher sa désunion auprès de la population…

Ceci donne il est vrai deux mois à la CUP et à Junts Pel Sí pour trouver un compromis. Ce ne sera pas aisé, car chacun campe sur ses positions, tout en assurant travailler à un accord. Dans la motion commune déposée vendredi, une annexe nouvelle à ce texte prévoit de nombreuses mesures sociales sur la sécurité de l’accès à l’énergie pour les plus pauvres, la scolarité ou encore l’assurance d’un système de santé de qualité. Ce sont autant de concessions faits par Junts Pel Sí à la CUP. Mais sera-ce suffisant ? Ce qui est certain, c’est qu’on voit mal Artur Mas s’effacer au profit d’un partenaire de consensus. Le déclic pourrait donc venir d’un événement extérieur et de la réaction de l’Etat espagnol.

Dialectique des événements

En cas d’application de l’article 155, la CUP pourrait, face à la menace, oublier ses exigences et faire front au moins temporairement en investissant Artur Mas. Mais, du coup, Madrid appliquera-t-il cet article au risque de souder des Indépendantistes divisés ? S’il y a des actes ouverts de désobéissance, l’article 155 sera incontournable légalement. Et même un gouvernement catalan intérimaire pourrait se considérer comme tenu par la déclaration votée par le parlement et demandant la désobéissance au TC. Dès lors, en appliquant cette désobéissance, Artur Mas pourrait s’attacher la CUP. De même, le résultat des élections espagnole du 20 décembre et la possible arrivée au pouvoir du parti des citoyens, Ciudadanos, farouchement unioniste, dans une coalition à Madrid pourrait ressouder le camp indépendantiste en Catalogne. Bref, la situation est donc très tactique. Elle va évoluer dans cette dialectique entre réponse de l’Espagne et jeu interne à l’indépendantisme catalan.

Absence de soutien international

Reste un autre élément : les indépendantistes, surtout ceux de Junst Pel Sí, espéraient beaucoup de la « communauté internationale » et de l’Europe pour soutenir leur cause face à l’Espagne. Cette solidarité internationale semble ne pas être en mesure de se dessiner pour l’instant. Contrairement à ce que l’on lit parfois en France, l’UE ne défend pas le régionalisme face aux Etats et la version officielle demeure qu’en cas d’indépendance, la Catalogne sortira de l’UE et, de facto, de la zone euro. Aucun pays européen n’a, pour le moment, fait mine de soutenir même la discussion. La crise catalane est vue comme un phénomène interne, ce qui incite naturellement Madrid à « régler » ce problème par les moyens légaux à sa disposition sans faire de concessions. Les indépendantistes ne pourront donc sans doute compter que sur leurs propres forces. Raison de plus, sans doute pour s’unir.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 06/11/2015

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Catalogne : le parlement lance le processus d’indépendance par Romaric Godin

Source : LaTribune, Romaric Godin, 09/11/2015

Un drapeau indépendantiste catalan à une fenêtre barcelonaise. Le parlement catalan a ouvert la voie à l’indépendance. (Crédits : Reuters)

Le parlement catalan a adopté une résolution demandant le lancement d’un procession de “déconnexion” avec l’Espagne. Mais la désunion du camp indépendantiste pourrait faire échouer cette ambition.

Un an jour pour jour après la « consultation » sur l’indépendance de la Catalogne interdite par le Tribunal Constitutionnel, le nouveau parlement élu de Catalogne a engagé le processus de sécession de la région avec l’Etat espagnol. 72 députés sur 135, soit l’intégralité des élus des deux listes indépendantistes, ont en effet voté un texte présenté par ces mêmes listes. Ce document demande au prochain gouvernement catalan d’initier une politique de « déconnexion » avec l’Espagne pour “créer un Etat catalan en forme de république” et d’engager des négociations dans ce sens avec Madrid.

Appel à la désobéissance

Mais l’élément le plus explosif de cette motion est l’appel à la désobéissance du gouvernement catalan. Même si le mot n’est pas écrit dans la motion votée, cette dernière demande à l’exécutif de « remplir seulement les normes et mandats venant de cette Chambre, légitime et démocratique, afin d’assurer les droits fondamentaux qui pourraient être affectées par les décisions des institutions de l’Etat espagnol » (point 8). Le point 5 indique que « le processus de déconnexion démocratique ne se soumettra pas aux décisions des institutions de l’Etat espagnol. »

Un référendum en ligne de mire

Autrement dit, le texte approuvé aujourd’hui par un parlement régional de l’Etat espagnol reconnaît l’illégalité de sa décision dans le cadre espagnol et place sa légitimité au-dessus de la constitution de 1978. Sans être la déclaration unilatérale d’indépendance que demandait initialement le parti de gauche radicale CUP, c’est donc un geste extrêmement fort qui engage un processus de rupture. « Avec cette résolution, nous donnons solennellement un départ à la construction d’un Etat catalan », a indiqué à la tribune du parlement Raul Romeva, la tête de liste de Junts pel Sí, la principale liste indépendantiste.

Pour autant, la nuance n’est pas faible. Si le parlement catalan refuse la légalité espagnole, c’est pour parvenir à imposer ce qui est impossible dans le cadre de cette légalité : un référendum sur l’indépendance. Celui du 9 novembre avait été interdit par le Tribunal Constitutionnel et avait dû se muer en « consultation citoyenne » pour l’organisation de laquelle les dirigeants catalans sont aujourd’hui poursuivis par la justice espagnole. Et si les indépendantistes n’ont pas obtenu la majorité des voix, ils entendent organiser un processus qui puisse déboucher sur un vote clair et définitif par référendum, ce qui est la procédure couramment utilisé dans ces cas dans d’autres pays (ex-Yougoslavie, Canada, Ecosse).

La réaction de Madrid

Que va-t-il se passer à présent ? Vendredi 6 novembre, le gouvernement espagnol avait promis de réagir vite. Il a tenu parole. Mariano Rajoy, le président du gouvernement catalan a lancé dès ce lundi midi la procédure pour promptement porter cette motion devant le Tribunal Constitutionnel (TC) pour que ce dernier en constate l’inconstitutionnalité, ce qui ne fait aucun doute, pas même à ses rédacteurs. Une fois cette illégalité proclamée, le bras de fer entre Madrid et Barcelone sera engagée. Car le gouvernement catalan sera mis au défi de respecter ou l’ordre constitutionnel espagnol ou l’ordre démocratique purement catalan revendiqué par la motion de « son » parlement. S’il fait le second choix. Autrement dit, si le gouvernement régional décide de se considérer comme lié par la motion et engage effectivement la création de structures pour un nouvel Etat, alors la rupture sera consommée. Un nouvel acte s’ouvrira alors.

L’article 155

Madrid peut réagir à cette désobéissance par la mise en place de l’article 155 de la Constitution espagnole qui prévoit que « si une communauté autonome (région) ne remplit pas les obligations que la Constitution lui imposent ou si elle agit de façon à porter gravement atteinte à l’intérêt général de l’Espagne, le gouvernement espagnol, après avoir préalablement mis en demeure le président de la Communauté autonome et si cette mise en demeure n’aboutit pas, pourra, avec l’approbation de la majorité absolue du Sénat, prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ou pour protéger l’intérêt général mentionné. »

Cette procédure est souvent comprise comme la possibilité donnée à l’Etat central de suspendre l’autonomie régionale et, donc, le gouvernement et le parlement local. Il présente cependant quelques difficultés concrètes de mise en œuvre. Notamment, la convocation du Sénat, alors que les Cortès, le parlement espagnol, ont été officiellement dissouts fin octobre. Madrid soutient cependant que les Cortès restent légalement en fonction jusqu’à la convocation du nouveau parlement le 14 janvier. Il pourrait donc être possible de convoquer le Sénat.

Cet article avait été rédigé en 1978 en ayant à l’esprit les événements du 6 octobre 1934 où le président de la Generalitat Lluis Companys avait proclamé un « Etat catalan dans la république ibérique » avant que l’intervention de l’armée espagnole mette fin à cette tentative de sécession. C’est donc un article prévu pour les événements comme ceux que l’on vit aujourd’hui.

La désunion indépendantiste bloque l’application de la motion

Selon le quotidien madrilène El Mundo, le gouvernement de Mariano Rajoy prévoit cependant d’avancer progressivement. Il y a tout intérêt, car la motion votée au parlement catalan pourrait, dans un premier temps, rester lettre morte. En effet, pour l’appliquer, il faut un gouvernement catalan issu du parlement qui l’a votée. Or, pour le moment, il n’y a pas d’accord entre les deux listes constitutionnels : Junts Pel Sí et la CUP, sur le nom du futur président de la Generalitat, autrement dit du président catalan. Junts Pel Sí est une alliance électorale qui a été construite par le centriste Artur Mas, président sortant, autour de sa candidature. Mais la CUP rejette cette candidature en raison des soupçons de corruption qui l’entourent et de l’application par son gouvernement de sévères mesures d’austérité qui répercutaient en Catalogne la politique de Mariano Rajoy. « Il faut laisser derrière nous la Catalogne des coupes budgétaires, des privatisations et de la corruption », a déclaré la numéro 2 de la CUP Ana Gabriel devant le parlement ce lundi.

Pour le moment, la situation est bloquée. La CUP a refusé de voter pour Artur Mas et propose un candidat de compromis, Neus Munté, la vice-présidente du gouvernement et membre du même parti qu’Artur Mas. Mais cette dernière a refusé, se disant « à 100 % à côté d’Artur Mas. » Le vote présidentiel aura lieu mardi 10 novembre. S’il débouche sur un échec (Junts Pel Sí ne dispose pas de la majorité absolue sans la CUP), les négociations continueront, mais il n’y aura en Catalogne qu’un gouvernement intérimaire. Et si le 10 janvier, il n’y a pas de nouveau président, il y aura de nouvelles élections en mars en Catalogne.

Réaction progressive de Madrid

Selon des titres de presse catalane, c’est le scénario voulu par Artur Mas. Mais, selon El Mundo, ce serait aussi celui de Mariano Rajoy. Le gouvernement catalan provisoire ne pourrait en effet pas se lancer dans la « désobéissance » dans une telle situation. Dans ce cas, il suffirait d’attendre mars et de vaincre les indépendantistes dans les urnes pour refermer la page sécessionniste et enterrer la déclaration de ce 9 novembre. Le gouvernement de Madrid a donc tout intérêt à ne pas engager de provocations pour le moment, notamment à user de l’article 155. Tout acte de ce type conduirait en effet à unifier le camp indépendantiste.

Les plans de Madrid pour contrôler la police catalane

Cependant, El Mundo indique qu’en cas d’élection d’un président et de lancement concret du processus indépendantiste, le gouvernement envisage d’agir progressivement pour faire céder l’exécutif catalan. D’abord, en coupant les transferts financiers vers la Catalogne. Mais il s’expose alors à la prise de contrôle de l’administration fiscale par la Generalitat pour empêcher les impôts catalans de remonter à Madrid. Ensuite, en portant plainte contre le président régional et contre la présidente du parlement catalan.

Ce n’est qu’ensuite, si rien ne change, que Madrid entend utiliser l’article 155 avec un geste fort : la prise de contrôle de la police catalane, les Mossos D’Esquadra. Selon les données de Madrid révélées par El Mundo, seuls 300 des 17.000 Mossos seraient prêts à refuser cette prise de contrôle par le ministère espagnol de l’intérieur, la masse restera fidèle à l’Espagne. Un chiffre qui semble sans doute exagéré, mais qui fera son effet certainement sur une partie de la population catalane. Une fois les forces de l’ordre contrôlées, la suspension des institutions catalanes pourrait paraître aisée. Si, évidemment, les Catalans ne descendent pas dans les rues pour défendre leurs institutions…

En tout cas, le journal conservateur madrilène assure que la Commission européenne et les Etats de l’UE soutiendront Madrid et « les moyens employés pour soutenir la légalité. » L’Europe a donc fait son choix et les indépendantistes catalans ne pourront compter pour avancer que sur leur propre détermination.

Le 20 décembre changera-t-il la donne ?

Reste une inconnue : le résultat des élections espagnoles du 20 décembre. Mais ces plans ne devraient guère être remis en cause par une nouvelle majorité. Pour le moment, le Parti populaire de Mariano Rajoy et le parti des Citoyens (Ciudadanos) d’Albert Rivera, farouchement unioniste, semblent en mesure de gouverner ensemble. Or, le programme de ce dernier parti, révélé dimanche, va dans le sens d’une réduction de l’autonomie régionale. Sans doute sera-t-il même partisan d’une méthode plus directe contre l’indépendantisme. Quoi qu’il arrive, le PSOE, le parti socialiste espagnol, semble s’aligner sur le PP et Ciudadanos. Le 20 décembre, à moins d’une poussée aujourd’hui improbable de la gauche radicale, ne changera rien. Reste une hypothèse: si Ciudadanos lance la surenchère sur l’article 155 en critiquant la prudence de Mariano Rajoy, il pourrait décider ce dernier à agir plus rapidement. Et donc à changer la donner. Car le cas catalan est devenu un enjeu majeur de la campagne espagnole.

Source : LaTribune, Romaric Godin, 09/11/2015

 

Source: http://www.les-crises.fr/catalogne-le-parlement-lance-le-processus-dindependance-par-romaric-godin/