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Chuck Hagel : la Maison-Blanche a tenté de me « détruire »

Wednesday 3 February 2016 at 01:44

C’est juste l’ancien ministre de la Défense d’Obama…

L’intérêt n’est pas tant sa vision que la compréhension du niveau de chaos politique dans l’administration américaine…

Source : Foreignpolicy.com, 18-12-2015

Dans un entretien exclusif, Chuck Hagel a déclaré que l’administration Obama était intervenue de manière invasive dans la gestion du Pentagone, l’avait poignardé dans le dos sur le chemin de la sortie et n’avait toujours aucune stratégie pour régler le problème syrien.

Par Dan De Luce

De retour d’un long voyage à l’étranger et souffrant de décalage horaire, le ministre de la Défense Chuck Hagel venait juste de s’installer avec sa femme à la table d’un bon restaurant italien au nord de la Virginie pour un dîner tranquille, quand son téléphone a sonné. Au bout du fil, c’était la Maison-Blanche. Le président Barack Obama voulait lui parler.

C’était le 30 août 2013 et l’armée des États-Unis était prête pour la guerre. Obama avait publiquement averti l’homme fort de la Syrie, Bachar el-Assad, que son régime devrait faire face aux conséquences, s’il franchissait « une ligne rouge » en employant des armes chimiques contre son propre peuple. Assad le fit quand même et Hagel avait passé la journée à approuver des plans finaux pour lancer contre Damas un barrage de missiles de croisière Tomahawk. Des navires de guerre américains étaient en Méditerranée, attendant l’ordre de tirer.

Au lieu de cela, Obama dit à Hagel, stupéfié, de démissionner. L’attaque chimique d’Assad le 21 août dans une banlieue de Damas avait tué des centaines de civils, mais le Président dit que les États-Unis n’allaient lancer aucune opération militaire contre le gouvernement syrien. Le Président avait décidé d’ignorer sa propre ligne rouge — une décision qui, pense Hagel, a porté un coup sévère à la crédibilité tant d’Obama que des États-Unis.

« L’histoire déterminera si c’était ou non la bonne décision », a déclaré Hagel à Foreign Policy dans un entretien de deux heures sur la politique étrangère, ses premiers commentaires publics détaillés depuis son départ forcé de ses fonctions en février. « Il n’y a aucun doute dans mon esprit que cela a nuit à la crédibilité du discours présidentiel quand cela s’est produit. »

Durant les jours et les mois suivants, dans le monde entier, les homologues de Hagel lui dirent que leur confiance envers Washington avait été ébranlée par la volte-face d’Obama. Et l’ancien ministre de la Défense a dit qu’à ce jour il entend toujours des plaintes de dirigeants étrangers. « La parole d’un Président est importante et quand le Président parle, on en fait grand cas », dit-il.

Hagel, à présent que le temps a  passé et qu’il est disposé à parler de son mandat ministériel, a cité cet épisode pour illustrer la difficulté pour la Maison-Blanche de formuler une politique cohérente sur la Syrie, tenant d’interminables réunions qui n’aboutissaient souvent à aucune décision, tandis que les conditions sur le terrain empiraient et que le nombre de morts allait sans cesse grandissant.

L’ancien sénateur du Nebraska âgé de 69 ans et vétéran de la guerre du Vietnam, parlant pour la première fois du traitement qui fut le sien dans le gouvernement Obama, a dit que le Pentagone était soumis à l’ingérence paralysante et à la micro gestion de la Maison-Blanche — une critique faisant écho à celle de ses prédécesseurs, Robert Gates et Leon Panetta.

En repensant à son rôle, Hagel a dit dans l’entretien du 10 décembre qu’il restait perplexe quant au motif pour lequel certains représentants de l’administration ont cherché à le « détruire » personnellement dans les derniers jours de son mandat, le critiquant via des commentaires anonymes dans les journaux, et cela même après qu’il eut remit sa démission.

Bien qu’il ne la désigne pas par son nom, les critiques de Hagel visent clairement la conseillère à la sécurité nationale d’Obama, Susan Rice et certains membres de son équipe. Les anciens collaborateurs de Hagel et d’anciens responsables de la Maison-Blanche disent que le ministre de la Défense était souvent en conflit avec Rice sur la politique en Syrie et sur la prison militaire américaine à Guantánamo.

L’ancien chef du Pentagone offre la vision interne d’une administration qui fut prise au dépourvu par le conflit complexe en Syrie et par l’offensive de l’État islamique qui s’en suivit. Son compte-rendu décrit une administration qui a manqué de stratégie claire sur la Syrie pendant la période où il était en fonction et suggère qu’elle n’en aura pas de sitôt — malgré l’extension du carnage et des vagues de réfugiés.

La Maison-Blanche a refusé de commenter ce récit après avoir été informée des commentaires de Hagel sur les retombées de l’annulation des frappes contre Damas sur injonction d’Obama, l’absence d’une politique claire sur la Syrie et le traitement que lui a réservé l’administration.

Mais un haut responsable de l’administration, parlant sous couvert de l’anonymat, a dit que le Président n’était pas prêt procéder à des opérations militaires en 2013 sans avoir au préalable consulté le Congrès et en avoir reçu l’approbation. Et le résultat final de la décision d’Obama a ouvert la voie à un accord diplomatique négocié par la Russie qui a vu le régime d’Assad remettre ses réserves d’armes chimiques déclarées. « Le résultat final de tout ceci est une Syrie débarrassée de son programme d’armes chimiques », a déclaré ce responsable à Foreign Policy.

Le haut responsable a aussi souligné que pour battre l’État islamique, le Président possédait une stratégie claire reposant sur la puissance aérienne américaine et la formation de forces locales, tout en promouvant des tentatives diplomatiques pour mettre fin à la guerre civile en Syrie et négocier le départ d’Assad.

Nommé pour faire évoluer les objectifs du Pentagone sur des bases pacifistes et superviser des coupes budgétaires strictes, Hagel a du faire face à l’incursion de la Russie en Ukraine et à une nouvelle guerre au Moyen-Orient peu après son entrée en fonction en février 2013.

Et au sein du département de la Défense, il faisait face à une série de crises : la réduction systématique des budgets, l’arrêt des activités gouvernementales qui provoqua le chaos dans les budgets du Pentagone, une fusillade meurtrière qui fit 12 morts dans le complexe maritime de Washington, une vague d’affaires d’agressions sexuelles dans l’armée et un scandale lié à une fraude commise par certaines des équipes des missiles nucléaires.

En tant que ministre de la Défense, Hagel exécuta scrupuleusement la politique de l’administration. Mais ses commentaires publics nébuleux semblaient inappropriés en ces moments d’agitation et, bien qu’il n’ait commis aucune grosse erreur, il n’avait pas non plus de réussite majeure. Au plus fort des mesures répressives d’Abdel Fattah al-Sissi, alors  ministre de la Défense, contre les Frères Musulmans en Égypte, les assistants de Hagel se vantaient des dizaines d’occasions durant lesquelles le chef de la défense des USA parlait à son homologue égyptien, dépeignant Hagel comme le principal lien entre l’administration et Le Caire. Ce qui ne se disait pas est que Sissi ignorait les exhortations de Hagel et continua sa campagne de répression brutale contre le groupe.

Cependant, le plus grand obstacle rencontré par Hagel est qu’il n’a jamais vraiment été intégré par le cercle rapproché de l’équipe d’Obama. Avant même qu’il occupe ce poste, sa réputation avait été salie par une audition de confirmation du sénat exceptionnellement tendancieuse, durant laquelle de nombreux anciens collègues républicains le dénonçaient comme inapte à cette position, le dépeignant comme hostile à Israël et faible dans sa position sur l’Iran.

Quelques Républicains l’avaient averti à l’avance qu’ils auraient à le « malmener » à l’audition à cause de leur mécontentement envers le président. Des sites conservateurs l’avaient décrit comme « antisémite » avant que l’audition ne commence. Mais le niveau de virulence à l’audition — de la part de législateurs avec lesquels il avait longtemps travaillé et pour lesquels il avait même récolté des fonds — fut un choc pour Hagel.

Plus d’un sénateur prirent les commentaires de Hagel hors de leur contexte ou déformèrent simplement ses propos. Pendant la guerre du Liban de 2006, Hagel avait appelé à la fin de « l’écœurant massacre » perpétré par les deux camps, mais les législateurs républicains l’accusèrent à tort de cibler Israël.

Le sénateur Ted Cruz (Républicain-Texas), un des principaux candidats à la Maison-Blanche aujourd’hui, accusa Hagel de recevoir d’éventuelles indemnités d’allocution en provenance de « groupes extrêmes ou radicaux », mais ne fournit aucune preuve.

« Il est au moins pertinent de savoir si les 200 000 $ qu’il a déposés sur son compte en banque proviennent directement d’Arabie Saoudite ou de Corée du Nord, » dit-il dans une prestation que certains commentateurs ont comparée au style diffamatoire de Joe McCarthy.

Hagel sembla déconcerté, mais choisit de ne pas résister. « Tout cela m’avait sidéré », dit Hagel à Foreign Policy. À un moment, Hagel rapporta incorrectement les propos du président sur sa politique en Iran, disant que le but était de « contenir » Téhéran.

Face à l’opposition sévère des Républicains, l’ex-sénateur dit à la Maison-Blanche qu’il était prêt à retirer sa candidature « parce que je ne veux entraîner ni le président ni le pays là-dedans. »

Obama, le vice-président Joe Biden — un vieil ami du temps où il siégeait au sénat — et le chef de cabinet de la Maison-Blanche, Denis McDonough, l’appelèrent tous pour l’encourager à persévérer. Mais certains responsables ne rallièrent pas sa cause. « Je sais que tout le monde à la Maison-Blanche n’était pas aussi compatissant », dit-il sans apporter d’autres précisions.

Après un blocage de ses collègues républicains, un événement sans précédent pour la nomination d’un ministre de la Défense, Hagel a été élu par un vote serré de 58 voix contre 41 suivant majoritairement la ligne du Parti. Seuls quatre Républicains votèrent en sa faveur. Après-coup, raconte Hagel, certains sénateurs républicains lui présentèrent, en privé, leurs excuses pour leurs attaques.

Pour Hagel, le combat amer pour sa confirmation illustrait le nouveau style de politique qui a pris les commandes à Washington : extrêmement partisan et ne faisant pas de quartier. Et il a fait office d’énième rappel de la quasi disparition de la branche modérée qu’il représentait au parti Républicain. Hagel se voit comme un républicain dans la lignée de l’ancien président George H.W. Bush et de l’ex-conseiller à la Sécurité Nationale Brent Scowcroft, des pragmatistes rationnels qui favorisaient une politique étrangère centrée sur les intérêts nationaux et des décisions applicables. Mais ce courant « va en se tarissant », dit-il.

« Je ne suis pas sûr que si vous demandiez au gens, ‘Qu’est-ce que le parti Républicain ?’ ils pourraient vous répondre », dit Hagel. Quand le poste de ministre de la Défense lui a été offert après la réélection  d’Obama en 2012, un poste pour lequel il dit n’avoir jamais fait de demande ou de démarche, sa seule requête fut d’avoir accès au président.

Une fois en poste, sa requête était généralement acceptée. Mais il découvrit que parfois l’accès au président ne voulait pas forcément dire une réunion en tête à tête dans le bureau ovale. « Il y a des fois où j’avais appelé et demandé à avoir une réunion privée avec le président, mais quand j’arrivais, il y avait d’autres personnes dans la pièce », dit-il.

Ajournement des décisions

Alors que Hagel préférait les réunions en plus petit comité et les conversations téléphoniques à deux, la Maison-Blanche le convoquait souvent à de grandes sessions dans la Salle de crise dont l’ordre du jour de dernière minute était envoyé la veille au soir ou le matin même de la réunion.

Les délibérations de la Maison-Blanche sur la politique en Syrie et d’autres sujets conduits par Rice et ses adjoints semblaient ne mener nulle part, d’après Hagel. « D’abord, il y avait beaucoup trop de réunions et elles n’étaient pas productives », a déclaré Hagel. « Je ne pense pas qu’il y ait eu beaucoup d’occasions où nous soyons parvenus là où nous aurions dû. Nous avons continuellement reporté les décisions difficiles. Et puis il y avait toujours trop de monde dans la pièce. »

Au milieu d’assemblées plus grandes, comprenant des employés qu’il ne connaissait même pas, Hagel éprouvait des réticences à développer ses propos, de crainte que son point de vue ne se retrouve dans les médias. « Plus vous avez de monde dans une pièce,  plus il y a de possibilités de fuites — servant des intérêts tout personnels — afin de modeler et influencer les décisions au sein de la presse », a-t-il révélé.

Hagel quant à lui préférait transmettre ses opinions au cours de réunions hebdomadaires que lui-même et le général Martin Dempsey, à l’époque commandant de l’état-major interarmées, avaient avec le Président ou lors d’échanges téléphoniques et de rencontres avec Rice, Biden ou le ministre des Affaires étrangères, John Kerry.

Les conseils sur la sécurité nationale conduits par le Président contrastaient par leur efficacité et leur précision, sans temps perdu à partir sur des digressions, précise-t-il.

« En deux temps trois mouvements », dit Hagel. « J’ai fini par atteindre le point où j’ai dit à Susan Rice que je ne passerai pas plus de deux heures dans ces réunions. Certaines d’entre elles duraient quatre heures. »

Mais le même haut fonctionnaire du gouvernement défendait les longues réunions du Conseil national de sécurité,  plaidant que leur longueur s’expliquait naturellement par la complexité des défis que le pays rencontrait. « Cela démontre le processus politique rigoureux que nous menons. »

Toutefois Hagel déclara qu’on passait trop de temps à « couper les cheveux en quatre et à chercher des poux dans la tête », tandis que des questions plus importantes étaient ignorées. « On semblait se détourner des grandes questions. Quelle était donc notre stratégie politique en Syrie? »

Bien qu’il fût d’accord avec les réticences d’Obama à déployer un grand nombre de troupes au sol en Syrie ou en Irak,  il voulait que le gouvernement forge un plan pour une résolution diplomatique en Syrie et clarifie si Bachar el-Assad devait partir et dans quelles conditions, a-t-il ajouté.

Tandis que la Maison-Blanche cherchait à rester en dehors du conflit syrien, l’avancée foudroyante de l’État islamique dans le nord de l’Irak en juin 2014 — alors que l’armée de Bagdad s’effondrait dans sa retraite — eu l’effet d’un « choc » sur le gouvernement,  nous dit Hagel.

En août de cette même année, à la question posée par des journalistes lors d’une conférence de presse sur la nature de la menace posée par l’État islamique, Hagel répondit que : « cela dépasse tout ce que nous avons connu jusqu’ici ». Il fit référence aux compétences militaires, aux ressources financières du groupe et à  son habile propagande en ligne comme à des dangers sans précédent qui surpassaient les organisations terroristes connues auparavant.

De hauts représentants du gouvernement n’étaient pas satisfaits de la description de Hagel, ce qui « me valut quelques critiques de la part de la Maison-Blanche » dit-il. Cependant les événements ont validé ses observations.

« Ensuite, on m’a accusé d’essayer de faire un battage médiatique, d’exagérer et d’amplifier les faits », dit Hagel. « Je n’avais pas toutes les données mais je savais que nous affrontions là quelque chose que nous n’avions jamais vu auparavant. Et qu’à bien des égards, nous n’étions pas préparés à cela. »

Pour Hagel, l’indécision de l’administration sur la façon de s’occuper du conflit syrien fut révélée avec force durant une audition du Congrès en septembre 2014, quand il fut cuisiné par des sénateurs à propos des plans du gouvernement pour constituer une force de combattants rebelles pour attaquer l’État islamique.

Le sénateur John McCain (Républicains – Arizona), un critique véhément de la stratégie anti-État islamique de la Maison-Blanche, demanda à Hagel si l’administration viendrait au secours des rebelles soutenus par les États-Unis s’ils se faisaient attaquer par le régime Assad. L’administration avait débattu de cette question pivot des semaines sans prendre de décisions et Hagel fut forcé d’improviser.

« Nous n’étions jamais arrivés à une réponse ou à une conclusion à la Maison-Blanche », dit Hagel à Foreign Policy. « J’ai dit ce que je pensais devoir dire. Je ne pouvais pas dire ‘Non.’, Bon Dieu, tous nos alliés nous auraient lâchés au Moyen-Orient. »

McCain le pressa et Hagel dit aux législateurs : « Nous aiderons ceux que nous avons entraînés et qui nous soutiennent en cas d’attaque contre eux. »

Mais la question resta une « criante » lacune dans la politique de l’administration, ce qu’il fit remarquer lors des réunions suivantes.

« Est-ce qu’on va soutenir nos gars ou est-ce qu’on ne va pas les soutenir ? » dit Hagel à Foreign Policy. « C’est une question cruciale. » Sollicité cette semaine pour faire ses commentaires, le haut responsable du gouvernement a rejeté le portrait dressé par Hagel comme trompeur et dit que le Département de la Défense avait un rôle majeur dans l’établissement du programme d’entraînement et aurait pu faire face à tous les problèmes survenant.

Un mois plus tard, ses inquiétudes s’accumulant à propos de l’absence d’une politique globale concernant la Syrie et le combat contre l’État islamique, Hagel écrivit une note de deux pages à Rice et Kerry — et une copie au président — disant que l’administration devait décider de son approche sur le conflit en Syrie et sur sa position envers le régime Assad. Le mémo soutenait que « nous n’avons pas de ligne politique », déclara Hagel à Foreign Policy.

« J’y écrivais : Nous ne parvenons pas à nos fins, souhaitées et souhaitables », disait-il « parce que c’est ce que me disent tous mes collègues du monde entier. Tous mes homologues m’interpellent au cours de réunions de l’OTAN et partout ailleurs, avec les mêmes questions : Que faites-vous donc ? Où cela va-t-il nous conduire ? »

Mais Hagel a dit que la note — qui ne fut pas bien reçue par la Maison-Blanche — ne devait être entendue que comme un appel à inventer une marche à suivre cohérente et non une tentative de dicter une politique.

« Dans la note, je n’accusais personne. Nom de Dieu, je faisais partie du Conseil de Sécurité nationale! », dit Hagel.

Depuis qu’il a quitté ses fonctions en février, Hagel dit n’avoir vu aucune stratégie sur la Syrie se concrétiser. « Le gouvernement a encore des difficultés à établir une stratégie politique mais le ministre des Affaires étrangères, John Kerry, effectue des progrès dans la bonne direction », a encore déclaré Hagel, citant des entretiens avec la Russie, l’Iran ainsi que plusieurs gouvernements arabes.

Bien que Hagel s’oppose à une escalade majeure de la campagne militaire contre l’État islamique, ses critiques de l’administration vont très certainement nourrir une critique républicaine menée par McCain, disant que l’administration Obama a été faible et indécise sur le conflit syrien.

Ce résultat prend une tournure ironique pour Hagel dont les violentes critiques envers l’administration du Président George W. Bush à propos de la guerre en Irak — et son opposition au déferlement de troupes de 2007 — ont généré un ressentiment durable parmi ses confrères républicains, McCain inclus.

Ingérences au Pentagone

Le penchant de la Maison-Blanche à intervenir était un problème fréquent, dit Hagel. Dempsey se plaignait que des membres de la Maison-Blanche appelaient des généraux « et posaient des questions de niveau 5 dans lesquelles la Maison-Blanche ne devrait pas être impliquée », dit-il

Les prédécesseurs  de Hagel, Gates, Panetta ainsi que Michèle Flournoy, l’ancienne n°3 au Pentagone, ont tous critiqué les prises de décisions centralisées de la Maison-Blanche et ses interférences dans les rouages du département de la Défense.

Hagel dit que les ingérences politiquement motivées combinées avec une prolifération de la bureaucratie au Conseil National de Sécurité posent un vrai problème pour la branche exécutive — pouvant potentiellement enrayer le bon fonctionnement du Pentagone et de  bureaux dans d’autres cabinets.

« Il y a un danger dans tout ça », dit-il. « Il s’agit ici de gouvernance; pas d’objectifs politiques. Il s’agit de faire fonctionner le pays et de devancer les dangers et les menaces que vous voyez arriver. »

Réagir à la Russie

La prise de la péninsule de Crimée en mars 2014 par la Russie et son soutien aux séparatistes pro-Russes en Ukraine a pris de court Washington et produit un autre désaccord entre Hagel et les représentants de la Maison-Blanche.

Lors des réunions du Conseil de Sécurité nationale, Hagel dit qu’il avait souligné l’importance d’éviter une confrontation directe avec Moscou et de garder les canaux de communication ouverts avec les militaires russes. Mais il exhorta l’administration à envoyer un signal clair à Moscou — et aux alliés des Américains en Europe — en expédiant des messages et du matériel au gouvernement ukrainien pour son combat contre les séparatistes pro-Russes.

« J’ai aussi fait remarquer que les États-Unis devraient donner plus d’équipement non-létal aux Ukrainiens que nous ne le faisions et beaucoup plus rapidement », dit-il. « Il faut garder à l’esprit qu’il y avait une optique de leadership global. Le monde, nos partenaires de l’OTAN compris, observait pour voir comment nous allions répondre. »

L’administration bougea trop lentement pour aider Kiev, dit-il, bien qu’il ne pense pas que Washington aurait dû donner des armes aux Ukrainiens.

« Je pense que nous aurions dû faire plus, que nous aurions pu faire plus », dit-il.

Discorde sur Guantánamo

A part son irritation vis à vis des dérives de l’administration concernant la Syrie, Hagel dit que certains de ses plus gros désaccords avec la Maison-Blanche venaient du controversé centre de détention de la baie de Guantánamo à Cuba.

Suite à une loi adoptée par le Congrès, Hagel, en tant que ministre de la Défense, avait la responsabilité ultime de l’approbation du transfert de prisonniers vers d’autres pays. Ce qui voulait dire qu’il serait tenu responsable si un détenu relâché prenait plus tard les armes contre les États-Unis.

La Maison-Blanche, dans une tentative de tenir la promesse d’Obama de fermer l’établissement, qui avait été condamné par des groupes de défense des droits humains comme une zone de non-droit, fit pression sur Hagel pour approuver les extraditions de prisonniers.

Mais Hagel refusait ou retardait souvent la signature de dizaines de transferts quand il jugeait le risque envers la sécurité trop important, se fondant souvent sur des avis internes au département de la Défense.

La Maison-Blanche fut de plus en plus profondément exaspérée par Hagel et ses retards.

« C’est devenu assez méchant, assez brutal », dit Hagel. « Je me faisais tout le temps rentrer dedans à ce propos à la Maison-Blanche. »

Bien qu’il ait soutenu depuis longtemps la fermeture du centre de détention, Hagel soutint qu’il ne voulait pas être poussé à approuver des transferts. La Maison-Blanche continua à faire pression, arguant que les intérêts de sécurité devaient être comparés aux dommages causés à l’image de l’Amérique à l’étranger tant que Guantánamo restait ouvert et aux arguments que cela fournissait à la propagande extrémiste.

Les querelles concernant les prisonniers de Guantánamo furent citées par des responsables de la Maison-Blanche comme la dernière goutte qui obligea Hagel à démissionner. Mais durant ses deux années en poste, Hagel avait approuvé 44 transferts de détenus. Son successeur, Ash Carter, a autorisé seulement 15 transferts selon le Pentagone, citant des chiffres datant du 15 décembre. À ce rythme, à la fin du second mandat d’Obama, Carter aura autorisé moins d’extraditions que Hagel.

Après s’être affronté régulièrement à la Maison-Blanche, Hagel dit qu’il était probablement inévitable qu’il ait à démissionner du poste de chef du Pentagone, étant donné les désaccords qui s’étaient développés. Mais il n’était pas préparé à la façon humiliante dont il fut écarté, « avec certaines personnes qui m’ont calomnié officieusement comme des lâches. »

La Maison-Blanche demanda à Hagel s’il voulait rester jusqu’à ce qu’un successeur soit trouvé et il accepta. Mais même après qu’il ait accepté de partir, dit-il, certains officiels le démolirent dans des commentaires anonymes dans les journaux, affirmant qu’il parlait rarement aux réunions de crises et s’en remettait à Dempsey, le chef d’état-major des armées.

« Ils avaient déjà ma démission, quel intérêt y avait-il à continuer d’essayer de me détruire ? » dit-il.

C’était une fin douloureuse pour une carrière durant laquelle Hagel avait remporté succès après succès. Après avoir combattu au Vietnam en 1968, où il a été décoré de deux médailles Purple Heart, il a servi en tant que membre du personnel du Capitol Hill, le siège du congrès, puis il a travaillé comme administrateur adjoint à l’administration des vétérans sous la  présidence de Ronald Reagan, fait fortune au début de l’industrie du téléphone portable, gagné habilement deux mandats de sénateur du Nebraska et fut à un moment considéré comme un éventuel candidat à la Maison-Blanche.

Malgré la façon dont son passage au Pentagone s’est terminé, Hagel dit toujours tenir Obama en haute estime  « J’ai toujours eu une très bonne et positive relation avec le Président. »

Hagel — qui partage avec Obama un scepticisme sur l’usage de la force militaire — se félicite que le président n’ait pas réagi de manière excessive aux menaces terroristes, pour chercher un rééquilibrage stratégique envers l’Asie-Pacifique et pour avoir scellé un traité marquant avec l’Iran visant à limiter son programme nucléaire.

Mais Hagel reste peiné par la façon dont son mandat en tant que chef du Pentagone a été détruit par ce qu’il voit comme des coups de poignard dans le dos de la part de certains membres de la Maison-Blanche.

« Je ne sais pas quel était le but. A ce jour, j’en suis toujours perplexe. Mais je vais de l’avant. Je suis fier de mes états de service », dit-il.

Cependant, il ajoute : « J’aurais préféré que mes jours en tant que ministre de la Défense ne se terminent pas de cette façon. »

Photo crédit: NICHOLAS KAMM/AFP/Getty Images

Source : Foreignpolicy.com, 18 décembre 2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/chuck-hagel-la-maison-blanche-a-tente-de-me-detruire/