les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

Comment traiter avec la Russie de Poutine ? Par Dominique Moïsi

Monday 4 January 2016 at 00:01

Texte de propagande russophone désormais classique, dans le principal quotidien économique lu par les dirigeants économiques, que je reprends pour discussion…

Source : Les Echos, Dominique Moïsi, 02-01-2015

On peut penser que la personnalité de Poutine ne contribue pas à renforcer les liens qui peuvent exister entre la Russie et l’Europe. – Shutterstock

Séduction de la force, mépris de la démocratie : les valeurs de Vladimir Poutine sont radicalement opposées à celles de l’Union européenne. Avant de se rapprocher de la Russie, il faut donc estimer froidement son rôle dans le monde.

Dans le débat passionné qui existe autour de la personnalité du maître du Kremlin, et face à l’activisme extérieur grandissant de Moscou, il convient de trouver un juste équilibre entre la simple naïveté complaisante et la pure crispation idéologique. Avant tout, pour aborder la « nouvelle question russe », une exigence de clarté s’impose. Elle commence par quelques vérités.

La première consiste à rejeter l’analogie par trop simpliste et commode avec la guerre froide. La période que nous vivons en 2016 n’est pas comparable avec celle qui va de 1947 à 1989, et ce pour au moins trois raisons. La Russie n’est pas l’URSS. L’Amérique d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier. Enfin, la bipolarité du système international n’existe plus.

Ca c’est de l’analyse géopolitique !

La Russie de Poutine ne possède ni les moyens ni la motivation idéologique qui caractérisaient l’URSS. Tacticien plus que stratège, Poutine entend avant tout protéger son maintien au pouvoir en jouant la carte du nationalisme. De la même manière,  l’Amérique d’Obama n’a que peu à voir avec celle du temps de la guerre froide de Truman à Reagan. Après les aventures militaires malheureuses de George W. Bush, elle n’en a ni les moyens ni la motivation.

Méchante Russie, Pauvre Amérique

La personnalité de Poutine ne contribue pas à renforcer les liens

La deuxième vérité passe par la réalité du pouvoir russe. Réfuter l’analogie avec la guerre froide est une chose. Faire abstraction de la nature du système politique en place à Moscou en est une autre. On peut trouver l’Amérique trop envahissante dans ses pratiques d’espionnage de ses alliés et trop indécise dans la définition et l’application de ses objectifs de politique étrangère. On peut juger son système politique dysfonctionnel, le niveau de violence qui existe dans la société américaine, en particulier à l’encontre de sa population noire, révoltant et intolérable. Et pourtant,  il existe entre nous et eux ce lien fondamental et presque invisible qui s’appelle la démocratie et qui se traduit par le goût irrépressible de la liberté et la quête du bonheur individuel. Avant de nous décevoir, Obama nous a fait rêver, et ce pour de bonnes raisons. Il semblait incarner le meilleur de nous-mêmes et le triomphe d’une méritocratie ouverte et égalitaire.

Alors que Poutine est le fils d’Eltsine, et né milliardaire…

On peut penser à l’inverse que la personnalité de Poutine ne contribue pas à renforcer les liens qui peuvent exister entre la Russie et l’Europe. Elle aurait tendance à les distendre. « Nous n’avons pas les mêmes valeurs », proclamait une publicité fameuse en son temps.

Il serait donc intéressant de les définir.

Au passage, je rappelle que la Douma est élue à la proportionnelle, tous les courants y sont représentés…

La Russie ne pense qu’en termes de puissance

Il est intéressant de constater que la Russie et l’Union européenne souffrent de maux totalement opposés mais également dangereux. Victime d’une forme d’hyperréalisme, la Russie ne pense qu’en termes de puissance. Tout semble devoir être sacrifié à la quête de grandeur de la nation. L’idée de bonheur chère aux philosophes des Lumières ne semble pas avoir pénétré en profondeur l’âme russe, en dépit des nombreux échanges épistolaires entre Catherine II et Diderot.

Celle là, je pense qu’on va l’encadrer…

A l’inverse, l’Union européenne, dans sa quête d’un système postmoderne, semble avoir oublié délibérément le caractère tragique de l’histoire. Obsession de la puissance d’un côté, impasse faite sur sa dure réalité de l’autre, de Moscou à Bruxelles, on couvre toute la gamme des attitudes possibles face à la puissance.

Oui, ou alors entre un PAYS avec un PEUPLE, et, heu, un gros rien…

De Marine Le Pen en France  à Donald Trump aux Etats-Unis ,

N’oublions pas de Marine Le Pen, c’est en lien direct avec l’article.

cet accent mis sur la puissance, tout autant que le style de Vladimir Poutine et sa vulgarité machiste, séduit les populistes,

mais pas les élitistes apparemment

et pas seulement eux. Séduction de la force, profond mépris de la démocratie: c’est bien là le problème. Car si la Russie n’est pas l’URSS, l’homme russe est resté, pour l’essentiel, un « Homo sovieticus ».

oui, un sous-homme quoi.

Pourquoi les journaux refusent-ils en revanche toute tribune ou on parle de l’homme allemand resté, pour l’essentiel, un “homo nazicus”

On l’encadre aussi celle là du coup…

Au lendemain de la chute de l’URSS, tous les espoirs semblaient pourtant permis, comme le disait à Oslo, en 2015, Svetlana Alexievitch, lors de son discours de réception du prix Nobel de littérature : « Nous avons raté l’opportunité qui s’ouvrait à nous dans les années 1990. La question était posée : quel type de pays devrions-nous être ? Un pays fort ou un pays de qualité où les hommes puissent vivre de façon décente ? » Une fois de plus, la Russie a fait le mauvais choix, au point que de nouveaux musées et monuments à la gloire de Staline voient régulièrement le jour dans de nombreuses villes russes. Le FSB, au pouvoir à travers Poutine, est l’héritier direct du KGB.

Et le goulag, le goulag…

Fixer des limites aux ambitions

Peut-on pour autant, au nom des valeurs, s’interdire tout rapprochement, même tactique, avec Moscou ? Pourquoi traiter la Russie de manière différente que l’Arabie saoudite, l’Egypte ou l’Iran, sans parler de la Chine ? La raison serait-elle la proximité géographique ? Moscou est une puissance européenne et nous menacerait plus que ne peuvent le faire Riyad, Le Caire, Téhéran ou Pékin ? Le critère différentiel serait-il plutôt celui de la proximité culturelle ? Peut-on et doit-on attendre plus d’un pays de culture partiellement européenne, que de pays orientaux ou asiatiques ?

La réalité est tout autre et passe par une estimation froide du rôle joué par la Russie dans le monde. On peut la résumer ainsi : où Moscou est-il un facteur d’ordre et où constitue-t-il à l’inverse un facteur de désordre ?

Ah, si c’est ça le critère d’analyse, ça va devenir TRÈS intéressant pour l’occident… Afghanistan, Irak, Somalie, Libye, Syrie…

Accepter le caractère incontournable de Moscou  dans la recherche d’une solution politique en Syrie est déjà en soi discutable, mais ne peut signifier se jeter dans les bras de la Russie. Daech est un ennemi redoutable, mais dont la défaite est déjà programmée.  L’objectif, légitime, d’anéantir le prétendu Etat islamique n’implique pas que l’on cesse de fixer des limites aux ambitions d’un pouvoir russe dont la nature profonde nous est étrangère, et doit le rester.

Dominique Moïsi

Source : Les Echos, Dominique Moïsi, 02-01-2015

Dominique Moïsi est un politologue et géopoliticien français. Il est conseiller spécial de l’IFRI (Institut français de relations internationales), après en avoir été le directeur adjoint. Il a enseigné à l’université Harvard et au Collège d’Europe.

===================================================

En Bonus, pour contrebalancer, Raphaël Gluksmann analyse finement dans l’Obs :

Poutine vu par Glucksmann : “Lui, il aurait rasé Molenbeek”

Source : Raphaël Gluksmann, l’Obs, 04/01/2016

 IL VA FAIRE 2016. Pour “l’Obs”, une sélection de personnalités racontent ceux et celles qui marqueront la nouvelle année. Ici, Raphaël Glucksmann présente Vladimir Poutine.

L’essayiste Raphaël Glucksmann est auteur de “Génération Gueule de bois, manuel de lutte contre les réacs” (Allary éditions). Il présente ici le président russe Vladimir Poutine et s’inquiète de “la (très) résistible ascension du poutinisme, à l’extérieur et à l’intérieur de nos frontières”.

* * *

Bien calé dans le cockpit d’un avion de chasse, à cheval sur un tigre blanc de la Taïga, torse nu au milieu d’une rivière canne à pêche en main ou en costume avec Bachar al-Assad, il n’y a pas à discuter : Vladimir Poutine a une allure de “gagnant”. Alors que l’Europe et l’Amérique hésitent sur la bonne stratégie à suivre face à Daech, renoncent à réellement lutter contre le démembrement de l’Ukraine, semblent effrayés par deux millions de réfugiés et tétanisés par leurs propres démons populistes, le maître du Kremlin donne l’impression qu’il sait où il va et nous invite à le suivre.

“Un leader, un vrai” : voilà en quatre mots la définition d’un césarisme post-démocratique qui séduit bien au-delà des frontières russes, au cœur même de sociétés européennes doutant d’elles-mêmes et enclines à rejeter les principes qui les fondent depuis (au moins) 1945 dans la poubelle d’un “politiquement correct” suranné ou d’une “bien pensance” trop “féminine” pour l’époque.

Car 2015 a marqué le grand retour de la guerre dans nos vies et nos têtes. Entre les attentats de janvier et ceux de novembre, en passant par le succès des partis nationalistes un peu partout en Europe et la transformation de la mer Méditerranée en fosse commune pour migrants, l’année écoulée laisse désemparés les démocrates du Vieux Continent. Pas lui. Au contraire, il est dans son élément : cela fait 16 ans que son pays vit dans un état de guerre permanent, depuis son accession au pouvoir sur fond de conflit tchétchène et d’attentats louches à Moscou. Il sait et il fait. Le djihadisme  ? Il avait prévu et prévenu :

Il faut buter les terroristes jusque dans les chiottes.”

Et tirer, au passage, la chasse sur 200.000 civils tchétchènes, les libertés russes, la souveraineté des voisins… Lui, il aurait exaucé le vœu d’Eric Zemmour après les massacres du 13 novembre à Paris, il aurait rasé Molenbeek, annexé la Belgique, fermé le “Nouvel Obs”. Et puis, il n’y aurait sans doute pas eu de 13 novembre, car, lui, il aurait envoyé, comme le réclamait instamment Hélène Carrère d’Encausse en citant alors le modèle de Grozny, son armée dans les banlieues françaises dès 2005 pour apprendre aux jeunes émeutiers les bonnes manières à coup d’opérations de nettoyage et de charniers.

“Il fait la guerre, lui au moins”

La Syrie ? Il avait, seul contre tous, proposé la “bonne” stratégie : il fallait aider Assad à massacrer son peuple bien plus tôt. Poutine analyse vite et agit promptement, lui. Peu importe que ses bombardiers ne ciblent que très peu les tueurs de Daesh, préférant frapper les autres groupes rebelles : il fait la guerre, lui au moins. Vraiment pas comme Obama ou comme Hollande.

Et les peuples d’Occident, meurtris par le terrorisme, veulent de l’action. Alors l’idée germe un peu partout de lui emboîter le pas, fut-ce en maintenant le boucher de Damas et en effaçant les dizaines de milliers de morts et les millions de déplacés. De toute façon, les révolutions – arabes ou est-européennes – ne peuvent mener qu’au chaos et à l’horreur. Et s’il faut mettre la main à la pâte pour valider cette théorie, Poutine armera les Assad de ce monde et répondra avec des tanks aux Maydan de cette terre.

La crise identitaire européenne qui se traduit en désastres électoraux successifs ? Il l’avait – elle aussi – anticipée et annoncée dans un discours remarquable de septembre 2013, prononcé devant un François Fillon visiblement ravi d’être là :

Les pays euro-atlantiques rejettent et oublient leurs racines, y compris les racines chrétiennes qui forment pourtant la base de leur civilisation.

Ils renoncent à tout fondement moral, nient toute identité nationale, religieuse ou sexuelle (…).

Les excès du politiquement correct y entraînent la promotion de la pédophilie. Cela nous mène à la décadence et à une crise morale terrible”.

Nous y sommes, en plein. Et il a la solution - “le rassemblement de tous les vrais patriotes européens” – comme les moyens de la mettre en place, via notamment les banques des oligarques qui l’entourent, comme la First Czech Russian Bank rendue célèbre chez nous par ses prêts au Front National.

“Il est incontournable”

Poutine est donc l’homme de l’année, ou plutôt du siècle qui naît, dans l’esprit des idéologues réactionnaires qui pullulent sur nos terres autrefois vaccinées contre le culte de la personnalité et la survalorisation de la force virile comme alpha et omega des relations sociales. Les anciens pestiférés d’extrême droite ayant désormais pignon sur rue parent l’ancien agent (de deuxième ordre) du KGB de toutes les “vertus” qu’ils se désespèrent de ne pas trouver en Hollande, Merkel ou Obama, construisant ainsi le mythe “Poutine”.

Les autres – ceux qui rejettent pareille mythologie pour le moins primaire – contemplent ses succès, concèdent qu’il “compte” et admettent que “rien ne pourra se faire sans lui”, ni au Moyen-Orient, ni a fortiori en Europe de l’Est. Que voulez-vous  ? Il est populaire chez lui, a réussi en Crimée, plongé l’Ukraine dans l’instabilité, s’est débarrassé de Saakachvili en Géorgie, exerce une influence déterminante sur les mollahs de Téhéran, porte à bouts de bras le régime de Damas, et nous chauffe l’hiver avec son gaz… Il n’est pas forcément sympathique, mais il est incontournable : faisons donc preuve de “real politik” et trouvons un “terrain d’entente”.

Le raisonnement n’est pas entièrement faux, mais il exagère son pouvoir et minore son hostilité à notre égard. En moins de deux ans, Vladimir Poutine a accumulé les erreurs et les paris hasardeux : il n’a pas vu venir la révolution de Maydan, poussant Viktor Yanoukovitch à la faute à force d’intransigeance anti-européenne, il a sous-estimé les capacités de résistance militaire ukrainiennes (ce qui l’obligea à une invasion directe le coupant de toute influence sur le jeu politique à Kiev), il a conduit l’économie russe dans le mur en se reposant uniquement sur une rente énergétique trop dépendante de cours du pétrole à la baisse, son projet grandiose d’Union Eurasienne ne séduit personne, il s’est embarqué dans le bourbier syrien sans possibilité réelle de victoire…

Il préside aux destinées d’un Empire fragile et n’a jamais été aussi détesté dans son voisinage. Ayant perdu les classes moyennes moscovites et petersbourgeoises, son régime repose sur une alliance bancale entre structures de force, oligarchie et assentiment des classes populaires. L’élite économique qui le soutenait jusqu’alors a peur des sanctions occidentales, les masses pauvres risquent de payer l’effondrement du prix du baril et les structures de force seules ne peuvent le maintenir indéfiniment au Kremlin.

“Il a une revanche à prendre”

Une politique sérieuse de containment pourrait calmer ses ardeurs. Elle suppose qu’on rejette le mythe de sa toute puissance et, à rebours, qu’on prenne au sérieux son agressivité à notre endroit. Ses actes comme ses mots expriment le ressentiment immense du jeune espion qui a vu son monde s’écrouler un soir de 1989 à Dresde : il a une revanche à prendre. Sur l’OTAN et, contrairement à ce qu’on prétend habituellement, plus encore sur l’Union Européenne : c’est l’UE qui séduit les peuples anciennement vassaux et c’est l’UE qui, bon an mal an et par-delà une faiblesse politico-militaire qu’il méprise, menace “son” modèle de société.

Il ne cessera donc pas d’œuvrer à sa défaite, externe et interne. C’est ainsi qu’il faut déchiffrer l’aide qu’il apporte aux mouvements anti-UE en Europe même, cette “cinquième colonne patriotique” que le père de l’Union Eurasienne, le philosophe néo-fasciste Alexandre Douguine, appelait de ses vœux le 31 mai 2014 à Vienne, devant le ban et l’arrière ban de la réaction continentale (dont Marion Maréchal Le Pen).

Il “compte” certes, mais il ne sera – réalistement – jamais un partenaire ou un allié. Le révisionnisme géopolitique – l’effacement de l’ordre européen issu de 1989 et 1991 – qui l’anime nie tout terrain d’entente possible avec l’Union Européenne. Nos dirigeants seraient bien avisés de le comprendre et de réagir ou ils seront co-responsables de cette farce tragique : la (très) résistible ascension du poutinisme. A l’extérieur et à l’intérieur de nos frontières.

Raphaël Glucksmann

Source: http://www.les-crises.fr/comment-traiter-avec-la-russie-de-poutine%e2%80%89-par-dominique-moisi/