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Encore un xénophobe subventionné : Grégoire Leménager

Saturday 29 November 2014 at 20:47

Comme c’est juste sidérant de xénophobie, le texte du critique littéraire de l’Obs se passe du moindre commentaire…

Dans la rubrique Culture !

Bientôt “Comment peut-on aimer l’Allemagne ?” et “”Comment peut-on aimer Israël ?”

Oh, les Russes, quand est-ce que vous aller créer une association de lutte contre le racisme et la xénophobie afin qu’elle puisse attaquer devant les tribunaux ce genre de Céline d’un nouveau temps ?

Comment peut-on aimer la Russie ?

Publié le 29/11/2014

Rolin, Carrère, Volodine, Enard… Malgré les crimes de Staline et la menace Poutine, on ne compte plus les écrivains français qui restent fascinés par l’ex-URSS. Explications.

Je rappelle au passage que l’Ukraine était dans l’URSS…

La Russie fait froid dans le dos. C’est dans tous nos journaux. Elle envahit ses voisins, cultive l’homophobie, verrouille la liberté de la presse, soutient les partis d’extrême droite et de féroces dictateurs qui bombardent leur peuple. Son passé sanguinaire, plein de tsars cruels et de crimes staliniens, complète ces détails charmants. Voilà un moment que l’espoir ne se levait plus à l’Est; Poutine lui a rendu son visage d’épouvantail menaçant.

Je suis de très près, heure par heure, la guerre en Ukraine,raconte le nouveau prix Médicis Antoine Volodine, qui a beaucoup séjourné en URSS des années 1960 aux années 1980. Et les Russes que je connais, effrayés par l’ultranationalisme, pensent à s’exiler.

Mais ici, il y a une russophobie très forte. L’antisoviétisme était déjà une russophobie avant la chute du Mur. Puis la pagaille qui a suivi a été regardée avec sympathie en Occident. Aujourd’hui, dans les analyses du rôle de Poutine en Crimée, en Ukraine, réapparaît le même vieux fond de peur et de détestation des Russes.

Comment peut-on être russophile dans un contexte pareil? Il y a pourtant encore des gens qui regardent ce pays comme une destination fascinante. Ce sont nos écrivains. La Russie leur fait froid dans le dos, mais chaud au coeur. Ils lui consacrent des romans, des récits de voyage, des enquêtes, des «dictionnaires amoureux». Ils rêvent, comme Olivier Rolin, Emmanuel Carrère ou Mathias Enard, de maîtriser la langue de Tolstoï comme d’autres rêvent de finir leurs jours aux Caraïbes.

Ils sont invités, comme Patrick Besson ou Yann Moix, au premier salon Russkaya Literatura, qui s’est tenu ce mois-ci dans le Marais à Paris avec la bénédiction de l’ambassade de Russie : on ne les y a pas vus, mais, à quelques pas d’une buvette qui servait des pirojki à 2 euros, Michel Crépu rappelait que «la Russie a toujours été un objet d’attention privilégié» de sa «Revue des deux mondes»; et le jeune Cédric Gras, domicilié à Donetsk après des années de Sibérie et de Yakoutie, a fait l’éloge d’une Russie plurielle tout en lâchant qu’elle lui «pose des problèmes quand elle veut s’étaler en Ukraine».

Le panel russophile est varié. Sans même parler d’Andreï Makine, qui est russe, il va de Dominique Fernandez au Frédéric Beigbeder d’«Au secours pardon» (2007), et de Sylvain Tesson à Christian Garcin. L’Etat russe a même su en encourager certains lorsqu’il a organisé, avec le Quai-d’Orsay, un grand pèlerinage littéraire à bord du Transsibérien en 2010. Ça a payé. « Un paquet de la littérature contemporaine sur le sujet en est sorti», ironise aujourd’hui un des participants. Le train «Blaise Cendrars» a notamment inspiré Maylis de Kerangal, Sylvie Germain, Mathias Enard, Danièle Sallenave.

La Russie coloniserait-elle notre littérature ? Rien que cet automne, elle a projeté son ombre sur «Avis à mon exécuteur», roman d’espionnage historique signé Romain Slocombe (Robert Laffont), mais aussi sur «le Royaume» de Carrère (P.O.L), où l’auteur d’«Un roman russe» et de «Limonov» ne manque pas une occasion de comparer les débuts du christianisme à ceux du bolchevisme.

Elle a offert son décor post-apocalyptique au puissant «Terminus radieux» d’Antoine Volodine (Seuil). Elle s’est même faufilée dans le «Viva» mexicain de Patrick Deville (Seuil), qui semble y avoir pris beaucoup de plaisir à retracer l’itinéraire de Trotski et ses souvenirs personnels du Transsibérien.

Elle est enfin au coeur du «Météorologue» (Seuil, encore), un des plus beaux livres de la saison, où Olivier Rolin retrace avec une sobriété poignante la destinée d’Alexeï Féodossévitch Vangengheim: un martyr ordinaire du Goulag qui croupit dans les îles Solovki de 1934 à 1937, sans pour autant renier l’idéal révolutionnaire, avant d’être exécuté avec 1115 autres malheureux dans le plus grand secret.

Le cas de Rolin est un des plus intéressants, sinon des plus symptomatiques. Pour son enquête, cet ancien mao de la Gauche prolétarienne s’est rendu à Moscou, aux Solovki, sur les lieux d’un charnier découvert en 1997, et dans les locaux pétersbourgeois de l’ONG Memorial, où «il y a une porte blindée épaisse comme ça parce qu’on craint des gens payés par le FSB».

Avec un ami traducteur, il a épluché les lettres de Vangengheim à sa femme et sa fille, des exemplaires de la «Pravda», les PV d’interrogatoire du NKVD. A la fin de son livre, il s’interroge:

Qu’est-ce qui m’intéresse dans ce pays, qui fait si peu d’efforts pour être aimable et qui d’ailleurs ne séduit personne – c’est une litote – dans la partie du monde où j’habite? Personne, ni moi non plus, d’ailleurs.

On le retrouve dans un restaurant parisien. Il est le premier surpris par sa propre passion: voilà «bientôt trente ans» qu’il «[s]‘entête» à aller là-bas. Son frère, l’écrivain Jean Rolin, qui a lui-même un peu fréquenté les faubourgs moscovites et leurs chiens errants, lui donne du «ton ami Poutine» quand il veut se moquer de lui.

C’est pour rigoler, dit Olivier. Je ne suis pas du tout un ami de Poutine, même si je suis un peu surpris qu’il soit devenu à ce point le grand Satan. Mais il y a une chose à saisir avant de présenter les Russes comme une bande d’ivrognes et de fascistes dirigés par des ploutocrates.
Ils avaient un très grand empire. Ils l’ont dissous à peu près sans un coup de feu – ce qui n’est pas notre cas à nous, Français. Qu’ils aient la nostalgie d’un pays plus puissant ne me semble pas un crime.
Quand on lit “la Fin de l’homme rouge”, de Svetlana Alexievitch, c’est bouleversant. Elle parle de gens formidables qui disent: “On avait un grand pays, on l’a vendu pour des jeans et des Mercedes.” Ce n’est pas réactionnaire. C’est même plutôt progressiste, de regretter un pays où on pensait construire le communisme.

Son premier voyage à lui, c’était en 1986. Rolin avait pris quelques mois de leçons de russe pour partir, seul, dans ce qui s’appelait encore l’URSS. Il ne se faisait «aucune illusion sur le système soviétique», il voulait juste «dire à quoi ressemble un bistro, ce genre de choses». Tout simplement. Ce n’était pas simple.

C’était le tout début de la possibilité de voyager seul. Même à Leningrad, quand je voulais aller au restau le soir, une espèce de portier me disait: “Adin?” (Seul?).
Je répondais : ”Adin.” Il n’en revenait pas. Il n’avait jamais vu ça. Il n’y avait que des tables avec des comités d’entreprise, des syndicats… 

Rolin en avait alors rapporté un récit, «En Russie», en songeant qu’il n’y remettrait jamais les pieds. Il n’a cessé d’y retourner. Son admiration pour Tolstoï, Tchekhov et Vassili Grossman avait préparé le terrain (il«déteste» Dostoïevski, «grand écrivain slavophile, antisémite et anti-Lumières qui incarne ce que je n’aime pas dans la Russie»). Le pays de la vodka a su le prendre par les sentiments:

Ça a quelque chose d’enfantin, mais l’immensité de la Russie reste fascinante, avec ses 9000 kilomètres de Transsibérien et sa dizaine de fuseaux horaires.

Et puis c’est «un sac d’histoires incroyables», avec des aventuriers comme ce «Baron sanglant» qui apparaît dans «Corto Maltese en Sibérie» et qui, en 1920, mit la main sur la Mongolie avec le projet dingo de rétablir une théocratie en Russie, puis en Europe.

Et l’âme russe, alors ? Tchekhov a déjà répondu:

Vous aurez beau chercher, vous ne trouverez rien. Cette fameuse âme russe n’existe pas. Les seules choses tangibles en sont l’alcool, la nostalgie et le goût pour les courses de chevaux. Rien de plus, je vous assure. 

Mathias Enard le cite en épigraphe de son saisissant roman éthylico-ferroviaire, «l’Alcool et la Nostalgie» (Inculte, 2011). Lui aussi est d’abord sensible à une géographie:

C’est un pays où on peut aller jusqu’au Pacifique à pied, comme une frontière interminable entre l’Europe et autre chose. Le Goulag n’en est que plus terrifiant : la déportation, qui commence au XIXe siècle, consistait à exiler les gens dans son propre territoire. Comme si on vous envoyait en Lorraine… Ça en dit long sur l’image qu’un pays a de soi.

Cette question du Goulag, souligne enfin Rolin, est capitale. Elle fait de la Russie à la fois le berceau et le cimetière de l’idée de révolution au XXe siècle, avec des millions de victimes trop souvent recouvertes de silence, là-bas comme ici.

Je n’ai jamais été fasciné par l’URSS, précise-t-il. Et ma génération, qui a pensé, dit et fait bien des sottises, ne peut être accusée d’avoir fermé les yeux sur le Goulag. Pourtant je me sens atteint par la cécité des intellectuels français. Elle me semble avoir été plus grande que dans tout autre pays. On n’a pas eu d’Orwell. L’hostilité de Sartre à Pasternak, quand il a reçu le Nobel en 1958, m’est restée en travers de la gorge.

Et s’il y avait aussi, dans la russophilie des écrivains contemporains, l’expression diffuse d’une repentance? Un sanglot de l’homme occidental se découvrant indirectement complice des massacres staliniens?

Rolin boucle son récit sur ces mots glaçants :

Nous nous alarmons aujourd’hui à bon droit des risques de voir l’inhumain reparaître en Russie, mais nos alarmes seraient plus crédibles si nous avions prêté attention à ce qui dans l’histoire de ce pays fut humain, et cette humanité fut d’abord celle des victimes.

Volodine nuance :

Moi qui ai vécu le quotidien soviétique, je reste, comme mes personnages, attaché à une morale fraternitaire et libertaire, mais je n’ai jamais fait allégeance au stalinisme. Donc ce poids de culpabilité, je ne l’ai absolument pas.

Et Enard, lui, n’est pourtant pas si loin de penser comme l’auteur du «Météorologue» et de «Tigre en papier»:

Rolin a rêvé du Grand Soir, cet imaginaire-là est moins puissant dans ma génération. Mais la terre russe est bien un immense cimetière: partout on marche sur des soldats, des gens qui ont construit les routes et les voies ferrées. On a du mal à l’assumer, mais ça pourrait bien faire partie de l’histoire de l’Europe.

Qu’on le veuille ou non, on n’en a pas fini avec la Russie.

Grégoire Leménager

A noter : Olivier Rolin, Antoine Volodine et plusieurs autres écrivains français participeront, fin janvier 2015, au prochain festival RussenKo au Kremlin-Bicêtre.  

Article paru dans “l’Obs” du 20 novembre 2014.

Source : L’Obs

Source: http://www.les-crises.fr/encore-un-xenophobe-subventionne-gregoire-lemenager/