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Faire vivre la République à l’échelle de la classe – par Eric Juillot

Sunday 8 November 2020 at 06:45

Aujourd’hui, les élèves n’ont pas écrit un mot dans leur cahier. Ce n’était pas vraiment un cours. Une discussion, plutôt, autour de deux thèmes essentiels – la liberté d’expression et le fléau de l’islamisme –, une conversation volontairement impressionniste, sans souci excessif de structure, mais avec une réelle ambition normative.

D’abord le rappel des faits, par les élèves eux-mêmes. Un professeur a été assassiné. Comment ? Par qui ? Pourquoi ? Des réponses fusent, dont nous interrogeons la pertinence. L’assassin était-il un « fou », un « Tchétchène », un « musulman », un « musulman avec des guillemets », un « islamiste » ? L’enseignant s’est-il « moqué du prophète », a-t-il « montré du doigt les musulmans de la classe ». Une formulation finit par s’imposer : pour avoir fait un cours sur la liberté d’expression en utilisant des caricatures de Mahomet, un enseignant a été assassiné par un islamiste.

S’ensuit une réflexion sur la liberté d’expression, et d’abord sur ses limites. Le professeur avait-il le droit d’utiliser ces dessins en classe ? A-t-il bien fait d’autoriser ceux qui préféraient ne pas les voir à détourner le regard ? Que penser de ces caricatures ? Beaucoup d’élèves, qu’elles indiffèrent, restent silencieux. Seuls prennent la parole ceux qui les trouvent choquantes dans leur principe même, sans qu’ils aient cherché – et pour cause – à les voir.

Ils s’expriment posément, à l’exception de l’un d’entre eux, qui peine à contenir son émotion. Il trouve qu’en utilisant ces dessins en classe, le professeur a agi de manière « ignoble » et « impardonnable ». Je lui réponds qu’il a tout à fait le droit de voir les choses ainsi. Il s’en trouve soulagé et ajoute de lui-même que rien, cependant, ne saurait justifier l’assassinat du professeur. J’enchaîne alors, en prenant son exemple, sur la difficulté, pour chacun d’entre nous, d’admettre que certains propos puissent être formulés librement dans l’espace public.

Mais c’est la rançon de liberté dont nous profitons tous : je ne peux être libre que si j’accorde à tous les autres une liberté aussi grande que celle à laquelle j’aspire, dans les limites fixées par la loi, que je rappelle brièvement. Certains élèves découvrent alors, étonnés, qu’il n’est pas illégal de tourner les religions en dérision. Ceux à qui cela déplaît sont heureux de m’entendre préciser qu’une telle liberté n’interdit pas la délicatesse et le respect, et qu’il n’est guère intelligent de se moquer d’une religion en présence de quelqu’un pour qui cela compte. Ces paroles de bon sens font consensus.

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Source: https://www.les-crises.fr/fier-de-mes-eleves-faire-vivre-la-republique-a-l-echelle-de-la-classe-par-eric-juillot/