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Il y a urgence car le secteur financier est hypertrophié, par JM Naulot

Sunday 21 December 2014 at 06:00

Pour l’ancien banquier et ex-membre de l’Autorité des marchés financiers Jean-Michel Naulot, les États doivent se dépêcher de réguler :

Ancien membre de l’Autorité des marchés financiers (AMF), Jean-Michel Naulot (1) pointe les dangers d’une sphère financière toute puissante et plaide pour une taxe sur les transactions financières (TTF).

Etes-vous confiant sur l’instauration d’une TTF ?

Non. J’y ai cru à l’automne 2009. Nous étions alors au lendemain de l’explosion de la crise. Adair Turner, à l’époque en charge de la régulation à la City, souhaite «corriger un secteur financier qui a enflé au-delà d’une taille socialement utile». Le Premier ministre britannique de l’époque, Gordon Brown, lui apporte son soutien. Jean-Pierre Jouyet, président de l’AMF en 2009, me confie alors : «Si les Anglais s’y mettent, c’est que les lignes vont enfin bouger dans la finance.»

Que se passe-t-il ensuite ?

Nous sommes toujours à l’automne 2009, au G20 de Pittsburgh. Les Etats-Unis sont contre une taxe, Dominique Strauss-Kahn, alors patron du Fonds monétaire international, l’est tout autant, Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois et patron de l’Eurogroupe, y est farouchement opposé… La messe est dite au printemps 2010, quand David Cameron est nommé Premier ministre en Grande-Bretagne. Certes, le candidat Hollande l’a inscrit dans son programme et ça plaît aux opinions. Mais on connaît la suite…

C’est-à-dire ?

Le renoncement des gouvernements à prendre le sujet des dangers de la finance à bras-le-corps. Le sommet de l’hypocrisie est atteint le 22 janvier 2013, lors de la réunion des ministres européens des Finances. Ce jour-là est engagée une coopération renforcée de onze pays pour avancer rapidement sur le sujet de la TTF. Pierre Moscovici, ministre français de l’Economie, se félicite qu’une TTF puisse rapporter plusieurs dizaines de milliards d’euros. Il valide ainsi le projet de Bruxelles. Or, on apprend plus tard, par des dépêches de presse, que les Français négocient sur la base d’une division par dix de la taxe.

N’y a-t-il pas quelques progrès ?

C’est indéniable. Les fonds propres des banques sont renforcés, les hedge funds sont mieux contrôlés. Idem pour les agences de notation. Il y a plus de transparence sur les marchés financiers. Pour autant, nous sommes loin du compte.

Pourquoi estimez-vous qu’il y a urgence à adopter une TTF ?

Parce que la finance est hypertrophiée. Nous assistons à une poursuite du déséquilibre entre la sphère financière et la sphère de l’économie réelle. Et c’est justement ces déséquilibres qui provoquent des crises de plus en plus violentes.

Concrètement ?

Aujourd’hui, le poids des produits dérivés est plus important qu’il ne l’était avant la crise de 2008. Ils représentent dix fois le PIB mondial. En outre, ces produits sont traités à 90% par des acteurs financiers. Au bout du compte, les capitalisations boursières ont doublé, voire triplé, alors que la croissance ralentit fortement.

Face à l’hypertrophie financière, les changements seraient donc insignifiants ?

Je ne dis pas cela. Mais prenez le trading à haute fréquence. Il était marginal avant la crise, il représente aujourd’hui 50% des transactions sur les marchés actions aux Etats-Unis et en Europe. Quelle est l’utilité sociale de ces opérations faites par des robots en une nanoseconde ? Faut-il rappeler que 12% des hedge funds britanniques ont un effet de levier supérieur à 50 ?

C’est-à-dire ?

C’est simple, ces fonds ont des positions sur les marchés qui représentent 50 fois les montants qu’ils gèrent. Ces effets de levier peuvent se révéler des bombes à retardement.

Où sont les risques ?

Nous avons vu que la sphère financière n’en finissait pas de grossir. Par ailleurs, nous vivons un moment de crise où les Banques centrales tentent le tout pour le tout. Dans l’espoir de faire repartir la croissance, elles ne cessent de créer de la monnaie. Or, cette liquidité en abondance se déverse en grande partie dans la sphère financière. Et ce au risque d’alimenter la spéculation et de participer à la formation de bulles qui peuvent éclater à tout moment. Nous serions alors désarmés. Certes, en 2009, les Etats ont tenté d’endiguer la crise en actionnant les budgets publics. Mais cet outil est devenu inutilisable. Les dettes publiques ont explosé sous l’effet de la crise de 2008. Quant à la politique monétaire, nous n’avons plus aucune marge de manœuvres puisque les taux sont à zéro. D’où l’urgence à réguler la sphère financière.

(1) «Crise financière : pourquoi les gouvernements ne font rien». Le Seuil, 284 pages, 19 euros.

Recueilli par Vittorio DE FILIPPIS«Crise financière : pourquoi les gouvernements ne font rien». Le Seuil, 284 pages, 19 euros.

Source : Libération, 8/12/2014

Source: http://www.les-crises.fr/il-y-a-urgence-car-le-secteur-financier-est-hypertrophie-par-jm-naulot/