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[J+1] Et Tsipras capitula…

Tuesday 14 July 2015 at 00:01

Bon, allez, pour être sympa, on notera qu’il a tenu 6 mois face à la meute européenne, quand nos dirigeants capitulent 15 minutes après leur élection.

Mais bon, on saura désormais dans les autres pays à quoi s’en tenir…

Capitulation, par Jacques Sapir

parthenon

Au petit matin de ce lundi 13 juillet, le Premier-ministre grec, M. Alexis Tsipras, a fini par capituler. Il a capitulé sous les pressions insensées de l’Allemagne, mais aussi de la France, de la Commission européenne et de l’Eurogroupe. Il n’en reste pas moins qu’il a capitulé. Car, il n’y a pas d’autres mots pour désigner l’accord qui lui a été imposé par l’Eurogroupe, puis par les différents dirigeants européens, le revolver – ou plus précisément la menace d’une expulsion de la Grèce hors de la zone Euro – sur la tempe. Cette capitulation aura des conséquences dramatiques, en Grèce en premier lieu où l’austérité va continuer à se déployer, mais aussi au sein de l’Union européenne. Les conditions dans lesquelles cette capitulation a été arrachée font voler en éclat le mythe d’une Europe unie et pacifiée, d’une Europe de la solidarité et des compromis. On a vu l’Allemagne obtenir de la Grèce ce que les anciens appelaient une paix carthaginoise. On sait que telle était la position dès le départ de M. Dijsselbloem, le Président de l’Eurogroupe[1]. On a vu, avec tristesse mais aussi avec colère, la France finir par se plier à la plupart des exigences allemandes, quoi qu’en dise notre Président.

Ce 13 juillet est et restera dans l’histoire un jour de deuil, à la fois pour la démocratie et pour l’Europe.

Un accord détestable

Cet accord est un accord détestable, et pour plusieurs raisons. Il l’est dans le domaine économique. Il saigne à nouveau l’économie grecque sans lui offrir la nécessaire et réelle bouffée d’oxygène dont elle avait besoin. L’accroissement de la pression fiscale sans contreparties, aura des conséquences désastreuses pour l’économie grecque. C’est la poursuite de l’austérité dans la plus pure logique d’un Pierre Laval en France, mais surtout d’un Brüning en Allemagne, ou d’un McDonald en Grande-Bretagne, ces figures tragiques des années trente qui ont aggravé par leurs politiques les conséquences de la crise de 1929. La hausse de la pression fiscale exigée, les nouvelles coupes dans les dépenses, ne s’accompagnent nullement du plan d’investissement massif qui aurait pu en compenser, au moins en partie, les effets. Notons ainsi que le gouvernement grec est contraint de s’engager à : « mener d’ambitieuses réformes des retraites et définir des politiques visant à compenser pleinement l’incidence budgétaire de l’arrêt de la cour constitutionnelle relatif à la réforme des pensions de 2012 et mettre en œuvre la clause de déficit zéro ou des mesures alternatives mutuellement acceptables d’ici octobre 2015 ». En d’autres termes on demande au gouvernement grec de compenser l’arrêt de la cour constitutionnelle qui avait cassé la réforme des retraites de 2012. Bref, la logique de l’austérité est ici proclamée plus importante que la constitution d’un état souverain[2].

Cet accord est aussi détestable dans le domaine financier aussi. Il engage donc le Mécanisme Européen de Stabilité, ou MES. Mais, cet engagement sera appelé à grandir régulièrement. L’économie grecque va, en effet, continuer à s’enfoncer dans la dépression. Les ressources fiscales vont au total stagner, voire diminuer et cela même si la pression fiscale augmente comme il est prévu dans l’accord. La dette va donc, en proportion de la richesse produite, devenir de plus en plus lourde. Sur cette dette, le reprofilage – mot barbare qui désigne un allongement des délais de paiement du principal et un report des intérêts – ne résout rien. On sait, le Fonds Monétaire International l’a dit, qu’il faut restructurer, c’est à dire annuler, une partie de la dette grecque. Mais, l’Allemagne s’y refuse toujours avec obstination. Il faudra d’ici peu trouver à nouveau de l’argent pour la Grèce. L’une des raisons pour lesquelles ce plan est détestable est qu’il ne règle rien, ni économiquement, ni financièrement.

Un accord de type néo-colonial

Enfin, ce plan est détestable pour une troisième raison. Politiquement, il aboutit à mettre la Grèce en tutelle, à l’assimiler dans les faits à une colonie privée de tout pouvoir réel. Le parlement grec non seulement est sommé de voter au plus vite certaines réformes, avec deux dates butoirs, du 15 et du 22 juillet[3], mais il devra soumettre désormais les différentes mesures à prendre au contrôle et au bon vouloir des institutions européennes. En particulier, un paragraphe de l’accord est très significatif. Il dit ceci : « Le gouvernement doit consulter les institutions et convenir avec elles de tout projet législatif dans les domaines concernés dans un délai approprié avant de le soumettre à la consultation publique ou au Parlement »[4].

C’est le rétablissement de ce que les grecs appellent le « régime de la Troïka », régime qu’ils avaient répudié lors des élections du 25 janvier dernier. Et c’est là sans doute le résultat le plus inouï de cet accord. Il équivaut à annuler une élection libre et démocratique, à affirmer que les règles édictées à Bruxelles ont plus de poids que le jeu démocratique. Il faudra s’en souvenir car, de ce point de vue, cet accord ne concerne pas les seuls grecs ; il menace aussi tous les peuples de la Zone Euro. Il nous menace donc nous aussi, les français. Et c’est pourquoi le fait que notre Président, M. François Hollande, se soit prêté à ce crime, car il n’y a pas d’autre mot pour qualifier cet accord dans le domaine politique, doit nous emplir d’effroi. En acceptant de poser sa signature au bas de cet accord, en acceptant de la faire voter d’ici la fin de la semaine au Parlement français, François Hollande est dès lors connivent à cet étranglement de la démocratie en Grèce, mais aussi dans l’ensemble de la Zone Euro.

Allant toujours plus loin, cet accord organise la spoliation de la population grecque dans le paragraphe léonin qui concerne les privatisations et qui date directement de ce que l’on appelait au XIXème siècle la « politique de la canonnière ». Ce paragraphe stipule en effet que le gouvernement grec doit : « élaborer un programme de privatisation nettement plus étoffé avec une meilleure gouvernance; des actifs grecs de valeur seront transférés dans un fonds indépendant qui monétisera les actifs par des privatisations et d’autres moyens. La monétisation des actifs constituera une source permettant le remboursement programmé du nouveau prêt du MES et générera sur la durée du nouveau prêt un montant total fixé à 50 milliards d’euros, dont 25 milliards d’euros serviront au remboursement de la recapitalisation des banques et d’autres actifs, et 50 % de chaque euro restant (c’est-à-dire 50 % de 25 milliards d’euros) serviront à diminuer le ratio d’endettement, les autres 50% étant utilisés pour des investissements »[5]. Cela revient à dire que la Grèce ne pourra utiliser que 50% de 25 milliards, soit 12,5 milliards issus des privatisations pour des investissements. Or, ces sommes ne seront pas disponibles – si tant est qu’elles le soient un jour – avant deux à trois ans.

Quand on entend François Hollande affirmer dans la mâtinée de ce 13 juillet que la souveraineté de la Grèce a été préservée, on se dit que notre Président a un goût douteux pour la plaisanterie. C’est ajouter l’insulte à la blessure. Car la souveraineté de la Grèce a bel et bien été piétinée par l’Eurogroupe et par l’Allemagne, avec l’aide et avec l’assentiment de la France. C’est pour cela que ce 13 juillet sera désormais un jour de deuil pour tous ceux qui défendent la démocratie, la souveraineté et la liberté des peuples.

La question de l’Euro

François Hollande affirme que son action a sauvé l’Euro. Il est clair que si l’Allemagne avait imposé l’expulsion de la Grèce hors de la Zone Euro, cela aurait déclenché à relativement court terme le processus de dissolution de cette zone. Mais, le maintient de la Grèce dans la zone Euro ne sauve nullement l’Euro. D’une part parce que les problèmes économiques et financiers de la Grèce ne sont pas résolus. D’autre part, parce que d’autres pays sont aujourd’hui en grandes difficultés, et en particulier l’un de nos voisins, l’Italie.

L’Euro est, on en a eu la preuve aujourd’hui, indissolublement lié à la politique d’austérité. La politique économique menée dans la Zone Euro consolidée par le rôle des divers traités, et en particulier du dernier le TSCG ratifié en septembre 2012, ne peuvent que mener à l’austérité. Si on ne l’avait pas encore compris c’est aujourd’hui parfaitement clair : l’Euro c’est l’austérité. Bien sur, il peut y avoir des politiques d’austérité sans l’Euro. Mais l’Euro implique en réalité la politique d’austérité et toute politique menée dans le cadre de l’Euro conduit à l’austérité. Il faut comprendre le sens profond de cette affirmation. Aujourd’hui, tant que l’on restera dans la zone Euro, il sera impossible de mener une autre politique économique que l’austérité. Pour ne pas avoir compris cela Alexis Tsipras s’est mis de lui-même la tête sur le billot.

Cette constatation est appelée à devenir le véritable point de clivage de la politique française dans les mois et les années à venir. Ainsi, ce qu’a sauvé François Hollande, en réalité, c’est bel et bien l’austérité. On sait qu’il fit ce choix en 2012. Il n’en a pas changé. Il devra donc être jugé dessus aux prochaines élections.

[1] VAROUFAKIS: POURQUOI L’Allemagne REFUSE D’ALLÉGER LA DETTE DE LA GRÈCE, http://blogs.mediapart.fr/blog/monica-m/120715/varoufakis-pourquoi-lallemagne-refuse-dalleger-la-dette-de-la-grece

[2] Déclaration du sommet de la zone euro , Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 3.

[3] Le texte de l’accord précise que ce dernier ne sera valable que dans les conditions suivantes : « Ce n’est qu’après – et immédiatement après – que les quatre premières mesures susmentionnées auront fait l’objet d’une mise en oeuvre au plan juridique et que le Parlement grec aura approuvé tous les engagements figurant dans le présent document, avec vérification par les institutions et l’Eurogroupe, qu’une décision pourra être prise donnant mandat aux institutions de négocier un protocole d’accord ». Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 2.

[4] Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 5.

[5] Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 4.

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 13 juillet 2015.


Crise grecque : un armistice qui ne résout rien, par Jean-Michel Naulot

Un homme vend des tickets de loterie devant une banque dans le centre d'Athènes, le 13 juillet 2015.

Un homme vend des tickets de loterie devant une banque dans le centre d’Athènes, le 13 juillet 2015. (Photo : ARIS MESSINIS.AFP)

Les dirigeants européens proposent aux Grecs un armistice sur des bases extrêmement dures : mise sous tutelle, accentuation de l’austérité, nouvel accroissement de la dette. L’inverse de ce que souhaitaient les Grecs.

L’euro était censé offrir aux Européens un nouvel horizon de croissance et de solidarité. Il offre la perspective inverse. Plus les années passent, plus les divisions s’accentuent. Le projet d’accord qui est proposé aux Grecs est marqué du sceau de la conception allemande de la gouvernance en zone euro. Cette crise est une nouvelle étape dans l’histoire d’une zone monétaire qui ne peut fonctionner efficacement entre des Etats aussi différents les uns des autres. C’est une évidence économique.

Dès la mise en place de la zone monétaire, les dérives que nous observons aujourd’hui à travers la crise grecque étaient en germe. Huit jours avant le vote sur le Traité de Maastricht, j’avais écrit dans une tribune au Monde :«Ce n’est pas en engageant les pays de la Communauté dans des ajustements forcés qui ne tiennent aucun compte de leurs problèmes spécifiques, de leurs caractéristiques structurelles ou de leur degré de maturité économique que l’on retrouvera demain le chemin de la croissance». N’importe quel étudiant en première année d’économie aurait pu faire la même observation.

Le pari perdu de la solidarité

Les dysfonctionnements de la zone euro – qui se traduisent par une faible croissance générale et un biais profondément inégalitaire – n’ont pas d’autre origine que cette volonté de plaquer un modèle unique sur des économies différentes. Faut-il rappeler que le PIB de la zone euro est, en 2015, au même niveau qu’en 2007 alors que celui des Etats-Unis a progressé en moyenne de 2% par an depuis cinq ans? Faut-il rappeler que depuis la naissance de l’euro la production industrielle de la France a régressé de 12%, celle de l’Italie de 20%, celle de la Grèce de 20% (et l’investissement de 47%) alors que celle de l’Allemagne a bondi de 34% ?

La création de l’euro reposait sur le pari politique que les peuples abandonneraient vite leur souveraineté et que la solidarité financière et politique serait quasiment illimitée. Pari perdu. Chaque année qui passe démontre que les peuples de la zone euro veulent rester souverains et défendent avant tout leurs intérêts. Toutes les élections, tous les sondages d’opinion, toutes les réunions européennes, le confirment. En Grèce, le vote de janvier dernier en faveur d’un parti qui n’existait pas il y a encore quelques années et le référendum expriment l’indignation d’un peuple que l’on cherche à mettre sous tutelle.

La Grèce face à une guerre économique

L’alternance grecque n’a pas plu en haut lieu car elle était incompatible avec la politique d’austérité. Depuis le début de l’année, la Grèce a ainsi dû faire face à une vraie guerre économique. Dès le 29 décembre dernier, la pénurie a été organisée. Le FMI et l’Eurogroupe ont suspendu immédiatement les aides prévues dans le cadre du deuxième plan d’aide dans la perspective des élections et la BCE a refusé de verser les intérêts qui étaient dus sur les obligations grecques qu’elle détenait. Elle a surtout refusé lors de l’annonce du référendum l’augmentation des financements d’urgence qui permettait de compenser l’hémorragie de capitaux. La fermeture des banques grecques pendant quinze jours est une décision qui a paralysé toute la vie économique et créé un sentiment de peur et de chaos.

Les dirigeants politiques ont multiplié les déclarations guerrières. Jean-Claude Juncker avait prévenu dès le lendemain des élections : «Dire que tout va changer parce qu’il y a un nouveau gouvernement à Athènes, c’est prendre ses désirs pour des réalités. […]. Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les Traités européens». Et, avant même les élections grecques, Angela Merkel avait laissé fuiter la menace d’une sortie de la Grèce de la zone euro. Angela Merkel se savait en position de force. Elle savait que le risque systémique n’était plus le même qu’en 2010 puisque les banques avaient pu céder leurs créances sur la Grèce au cours de la période 2010-2012. Elle savait la Grèce en position d’extrême faiblesse puisque la dette grecque était en droit étranger et non en droit national (à la différence d’un pays comme la France dont la dette est à 97% en droit national). L’Allemagne était prête à faire un exemple. Pendant ces six mois de guerre intensive, la France n’a à peu près rien dit. Ce n’est que lorsqu’une menace a pesé sur l’intégrité de la zone euro, au lendemain du référendum, qu’elle a plaidé vigoureusement en faveur d’un accord fondé sur la prolongation des mesures d’austérité. Plutôt l’austérité que la fin d’un dogme (Grexit).

Dans leur projet d’accord, les dirigeants européens proposent aux Grecs un armistice sur des bases extrêmement dures : mise sous tutelle, accentuation de l’austérité, nouvel accroissement de la dette. L’inverse de ce que souhaitaient les Grecs. Tous les économistes, même ceux du FMI, semblaient d’accord pour dire que la politique conduite depuis cinq ans en Grèce avait échoué. Il est proposé d’accentuer cette politique…

Le problème monétaire demeure

A l’occasion de cette crise, les citoyens et les contribuables des pays de la zone euro ont découvert que cette politique qui a échoué a en plus un coût astronomique. Pour la France, 42 milliards d’euros de manière directe, 70 milliards avec les aides indirectes (Target2, BCE). On envisage désormais un troisième plan d’aide de 80 milliards à travers le MES, soit une quinzaine de milliards pour la France ! Et aucune réduction de la dette antérieure n’est proposée, principale revendication de la Grèce depuis six mois ! L’allongement de la durée de la dette et la diminution éventuelle des intérêts payés, déjà très faibles, ne résolvent rien.

Au moins ces aides auraient-elles pu être apportées à la Grèce dans le cadre d’une sortie amicale de l’euro, seul moyen de redresser la compétitivité de la Grèce. Même Valéry Giscard d’Estaing avait soutenu l’idée d’une sortie amicale de l’euro. La Grèce qui est asphyxiée par une monnaie trop forte va rester confrontée au problème essentiel, le problème monétaire.

Quant à la démocratie, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne sort pas grandie de cette crise. Le peuple grec vient de refuser à une très large majorité les mesures d’austérité et voilà que la seule réponse qui lui est apportée, c’est une accentuation de cette politique, avec une mise sous tutelle en bonne et due forme : vote des lois exigées par les dirigeants européens dans les trois jours, cantonnement d’une partie du patrimoine national en vue de privatisations, inspections régulières à Athènes sur la mise en place des mesures.

Après six mois d’une vraie guerre en plein cœur de la zone euro, un armistice extrêmement douloureux est proposé aux Grecs. Que le Parlement grec l’accepte ou non, que les Parlements nationaux le ratifient ou non, cet accord aura des répercussions incalculables sur l’avenir de la zone euro. Ceux qui ont toujours nié la possibilité d’une implosion future de la zone monétaire doivent maintenant être habités par le doute. La boîte de Pandore est ouverte.

Jean -Michel Naulot est l’auteur de «Crise financière, pourquoi les gouvernements ne font rien» (Seuil, octobre 2013).

Source : Jean-Michel Naulot, pour Libération, le 13 juillet 2015.


Source: http://www.les-crises.fr/et-tsipras-capitula/